SEANCE DU 16 OCTOBRE 2001


M. le président. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont, auteur de la question n° 1136, adressée à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Jean-Léonce Dupont, Monsieur le président, je crois que cette journée est pour vous celle des félicitations. (Sourires.)
Monsieur le secrétaire d'Etat, le dépôt de bilan du groupe Moulinex-Brandt constitue un séisme industriel sans précédent pour la Basse-Normandie et notamment pour le Calvados, dont les quatre usines de Bayeux, Carpiquet, Cormelles-le-Royal et Falaise emploient directement plus de 2 300 personnes.
Ce drame fait suite à des erreurs stratégiques et industrielles qui se sont traduites par de multiples plans de restructuration intervenus au fil des années et qui ont déjà conduit à la suppression de 2 600 emplois.
Les salariés du groupe et les sous-traitants subissent les conséquences de cette gestion désastreuse depuis plusieurs années. Aujourd'hui, cette crise atteint son paroxysme avec le dépôt de bilan intervenu le 7 septembre dernier.
Face à cette situation, le Gouvernement a décidé de soutenir les propositions du groupe Seb au motif qu'il préfère une solution française industrielle et durable. Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a même salué l'action patriotique de Seb. Cette décision a favorisé ce groupe dont les ambitions sont de devenir le leader mondial du petit équipement domestique et, de ce fait, condamné la quasi-totalité des usines Moulinex de la Basse-Normandie, berceau historique de cette entreprise.
Pour le Gouvernement, « le projet Seb paraît être le meilleur pour l'avenir de Moulinex, l'avenir définitif ». Mais quel est l'avenir des milliers de salariés condamnés par ce plan ?
Le Gouvernement a déclaré qu'il mobiliserait tous les moyens financiers et humains nécessaires pour compenser tous les emplois perdus. Mais la mobilisation ne nous suffit pas. Car, au-delà des paroles et des mots, nous voulons des propositions concrètes, nous voulons des actes.
C'est pourquoi nous demandons à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie de mettre en place une cellule de crise rassemblant toutes les parties concernées, afin d'examiner dans la transparence, l'ensemble des solutions de reprise.
Nous lui demandons également de coordonner les actions et de participer aux initiatives visant à la création d'un fonds social pour les salariés, ainsi que l'aide à la création d'une cellule psychologique, tant la détresse humaine est aujourd'hui importante sur les différents sites.
Enfin, je rappelle que, dès février 2000, le conseil général du Calvados avait demandé au Gouvernement l'élaboration d'un plan de réindustrialisation de la Basse-Normandie et la mise en place d'un plan de conversion.
Je rappelle également que l'assemblée départementale avait demandé au printemps 2000, d'une part, de rendre publics les résultats de l'étude sur l'ensemble de la filière du petit électroménager commandée par le secrétariat d'Etat à l'industrie et, d'autre part, de garantir la transparence financière sur la gestion comptable de cette entreprise et notamment les modalités de sa fusion avec Brandt. Les élus attendent toujours une réponse !
Enfin, j'attire tout particulièrement l'attention sur les sites Moulinex de Bayeux et de Falaise dans le Calvados, dont la perte de taxe professionnelle prévisible est respectivement d'environ 20 % et 25 %, ce qui est considérable pour ces villes et fragilise leur équilibre financier déjà délicat. Je demande donc qu'un effort tout particulier soit accompli pour ces deux communes, respectivement chefs-lieux du pays du Bessin et du pays de Falaise, sans pour autant négliger les communes de l'agglomération caennaise, Carpiquet et Cormelles-le-Royal, également très durement touchées.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, je vais vous livrer les éléments de réponse que mon collègue Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, m'a prié de vous communiquer. Croyez bien que, pour m'être rendu moi-même dans ce département la semaine dernière, je mesure la réalité de ce que vous venez de dire.
Les actionnaires italiens du groupe Moulinex-Brandt ont choisi de ne pas contribuer à une solution permettant d'assurer la poursuite de l'activité de l'entreprise, solution pourtant à portée de main. Christian Perret regrette cette attitude : elle a conduit au dépôt de bilan du groupe Moulinex-Brandt.
En raison de la situation financière dramatique du groupe, les administrateurs judiciaires n'ont pas eu d'autre choix que de lancer, dans un délai très bref, un appel d'offres pour une reprise de Moulinex. A défaut, c'est bien la liquidation immédiate de l'entreprise qui aurait été prononcée. Le pôle Brandt, qui n'est pas dans la même situation, fait l'objet d'un traitement séparé.
Christian Perret a fait en sorte que tous les groupes industriels français et internationaux de l'électroménager soient immédiatement contactés, afin qu'ils puissent examiner les possibilités d'une reprise du groupe Moulinex-Brandt.
Malgré la brièveté des délais, plusieurs offres de reprise de Moulinex ont été remises. Le tribunal de commerce devrait, dans ces conditions, statuer très rapidement sur la reprise de Moulinex.
Moulinex se trouve en situation de redressement judiciaire. Le détail des offres n'est donc connu que des seuls administrateurs judiciaires. Elles sont négociées par eux et c'est le tribunal de commerce de Nanterre qui appréciera.
Les différents candidats à la reprise ont été auditionnés par le comité central d'entreprise, le CCE de Moulinex, qui a par ailleurs chargé un cabinet d'expertise d'évaluer leurs offres. Un nouveau CCE a été convoqué hier pour exprimer la position des salariés sur les différentes offres.
Pour écarter le risque de la liquidation, le Gouvernement n'a pas ménagé ses efforts auprès des repreneurs potentiels, y compris des industriels, qui n'ont finalement pas déposé d'offre.
Le Gouvernement souhaite donc que les jours à venir permettent de trouver la meilleure solution possible pour assurer la pérennité industrielle de cette marque phare tout en assurant la reprise d'un maximum d'emplois.
Dès que le tribunal de commerce aura choisi un plan de reprise de Moulinex, nous arrêterons avec les partenaires sociaux et les collectivités locales concernées un plan de reconversion des sites qui ne seraient malheureusement pas repris.
Le Premier ministre a rappelé l'effort considérable qui a été accompli dans le cadre des crises des chantiers navals et annoncé un effort comparable pour Moulinex.
Enfin, la question des sous-traitants fait l'objet d'un examen attentif et de mesures spécifiques pour les aider à faire face aux difficultés qu'ils rencontrent.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que j'étais en mesure de vous apporter.
M. Jean-Léonce Dupont. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
M. Jean-Léonce Dupont. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'insiste sur la notion de transparence de l'ensemble des offres de reprise, tant il nous a semblé, dans un premier temps au moins, qu'une solution paraissait avoir été choisie.
Je souhaite insister, en outre, sur le point qui a fait l'objet de la seconde partie de votre intervention, à savoir la reconversion des sites.
Je prends tout à fait acte de vos propos, monsieur le secrétaire d'Etat. Je voudrais simplement souligner que, voilà un peu plus d'une dizaine d'années, la Basse-Normandie a déjà connu la fermeture d'un site, celui de la Société métallurgique de Normandie, la SMN, et la suppression finale de 1 500 emplois. Dix ans plus tard, en dépit de prétendues mesures de reconversion, le plateau industriel est aujourd'hui une pelouse bien tondue : aucune entreprise ne s'est installée pour assurer sa réindustrialisation.
J'espère donc que les mesures sur lesquelles nous aurons à travailler ensemble seront plus efficaces que celles qui ont été mises en oeuvre hier.

SUPPRESSION DE L'AIDE AU TRANSPORT
DES BOIS CHABLIS