PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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FIN DE MISSION D'UN SÉNATEUR

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre une lettre lui annonçant la fin, le 30 mars 2003, de la mission temporaire confiée à M. Henri de Richemont, sénateur de la Charente, auprès de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer dans le cadre des dispositions de l'article L.O. 297 du code électoral.

Acte est donné de cette communication.

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ÉLECTION DES CONSEILLERS RÉGIONAUX

ET DES REPRÉSENTANTS

AU PARLEMENT EUROPÉEN

Suite de la discussion d'un projet de loi

déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 182, 2002-2003) relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale, aux termes de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après déclaration d'urgence. [Rapport n° 192 (2002-2003).]

Dans la suite de la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 11.

Art. 10 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques
Art. additionnels après l'art. 11

Article 11

M. le président. « Art. 11. - I. - Dans l'intitulé du titre III bis du livre II du code électroral, les mots : "des délégués des conseils régionaux et" sont supprimés.

« II. - L'article L. 293-1 du même code est ainsi modifié :

« 1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Dans le mois qui suit son élection, l'Assemblée de Corse procède à la répartition de ses membres entre les collèges chargés de l'élection des sénateurs dans les départements de Corse-du-Sud et de Haute-Corse » ;

« 2° Le deuxième alinéa est supprimé.

« III. - L'article L. 293-2 du même code est ainsi modifié :

« 1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« L'Assemblée de Corse désigne d'abord ses membres appelés à représenter la collectivité territoriale au sein du collège électoral du département de Corse-du-Sud » ;

« 2° Le quatrième alinéa est supprimé ;

« 3° Le cinquième alinéa est ainsi rédigé :

« Lorsque les opérations prévues aux alinéas précédents ont été achevées, les conseillers non encore désignés font de droit partie du collège électoral sénatorial du département de Haute-Corse » ;

« 4° Au dernier alinéa, les mots : "du conseil régional ou" sont supprimés.

« IV. - A l'article L. 293-3 du même code, les mots : "dans la région ou" et "de la région ou" sont supprimés. »

Je suis saisi de huit amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 95 est présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 276 est présenté par M. Frimat, Mme Blandin, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Estier, Godefroy, Lagauche, Masseret, Peyronnet et Sueur, Mme Michèle André, MM. Badinter, Courrière, Debarge, Frécon, Charles Gautier, Mahéas, Sutour et les membres du groupe socialiste et apparenté.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

Les six amendements suivants sont présentés par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 96 est ainsi libellé :

« Supprimer le I de cet article. »

L'amendement n° 97 est ainsi libellé :

« Supprimer le II de cet article. »

L'amendement n° 98 est ainsi libellé :

« Dans le troisième alinéa du II de cet article, après le mot : "sénateurs", insérer les mots : "ou les sénatrices". »

L'amendement n° 99 est ainsi libellé :

« Supprimer le III de cet article. »

L'amendement n° 100 est ainsi libellé :

« Dans l'avant-dernier alinéa du III de cet article, après le mot : "conseillers", insérer les mots : "ou les conseillères". »

L'amendement n° 101 est ainsi libellé :

« Supprimer le IV de cet article. »

La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 95.

M. Robert Bret. J'ai exposé vendredi dernier notre position sur les dispositions relatives à l'Assemblée de Corse. L'amendement n° 95 comme les amendements n°s 96, 97, 98, 99, 100 et 101 sont des amendements de conséquence, et je les retire donc.

M. le président. Les amendements n°s 95, 96, 97, 98, 99, 100 et 101 sont retirés.

La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 276.

M. Bernard Frimat. Compte tenu des dispositions adoptées la semaine dernière, cet amendement n'a plus d'objet et nous le retirons.

M. le président. L'amendement n° 276 est retiré.

Je mets aux voix l'article 11.

M. Bernard Frimat. Le groupe socialiste vote contre.

M. Robert Bret. Le groupe CRC également !

(L'article 11 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 11

Art. 11
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques
Division additionnelle après l'art. 11 (réserve)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, présentés par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste.

L'amendement n° 23 est ainsi libellé :

« Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Après l'article L. 57-1 du code électoral, il est ajouté un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. L. ... - Un comptage informatique centralisé des bulletins de vote est mis en place en autorisant le vote par télétransmission dans les bureaux de vote. »

L'amendement n° 24 est ainsi libellé :

« Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Après l'article L. 57-1 du code électoral, il est ajouté un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. L. ... - Une liste électorale centralisée est mise en place. Elle est gérée par le ministère de l'intérieur dans le cadre d'un système informatique centralisé d'émargement en ligne. »

L'amendement n° 25 est ainsi libellé :

« Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Après l'article L. 57-1 du code électoral, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. L. ... - Le vote par correspondance est autorisé. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article, notamment afin de garantir l'anonymat, le secret et la sécurité du vote. »

La parole est à M. Michel Mercier, pour présenter ces trois amendements.

M. Michel Mercier. Nous avons bien compris la semaine dernière que le Gouvernement tenait beaucoup à fixer à 10 % du nombre des électeurs inscrits le seuil pour qu'une liste se maintienne au second tour des élections régionales. Nous avons expliqué pourquoi nous étions contre cette disposition, mais nous nous plions aux règles de la majorité.

Cependant, dès lors que, pour la première fois dans un scrutin de liste, le seuil sera fonction du nombre des électeurs inscrits, toutes les mesures possibles et imaginables doivent être prises pour favoriser la participation au vote.

Les amendements n°s 23, 24 et 25 ont précisément pour objet de faciliter l'accès au vote de nos concitoyens, grâce aux techniques les plus modernes.

Les amendements n°s 23 et 24 visent ainsi à introduire dans notre système le vote par Internet et, à cette fin, à mettre en place une liste électorale nationale intégrée.

Quant à l'amendement n° 25, il tend à autoriser le vote par correspondance, afin que le plus grand nombre possible d'électeurs puissent exercer leur droit de vote.

Ces trois amendements ont donc pour objet de faire en sorte que ce soit les votants, et non pas les abstentionnistes, qui décident de l'élection.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Si les amendements n°s 23 et 24 sont intéressants et intelligents, sur l'amendement n° 25, qui vise à rétablir le vote par correspondance, j'émettrai d'emblée un avis défavorable.

Chacun connaissant les abus auxquels le vote par correspondance a conduit dans le passé et sachant que le Gouvernement prépare à l'heure actuelle un texte sur l'amélioration des modalités du vote par procuration, il va de soi que le vote par correspondance ne doit pas être rétabli.

Je rappelle que ce fut la porte ouverte à une série de turpitudes qui avaient été dénoncées en leur temps et qui n'ont pas laissé de bons souvenirs. Aussi demanderai-je à M. Mercier de retirer l'amendement n° 25.

En revanche, le vote électronique est une piste intéressante. Certes, il impliquera un investissement considérable et les auteurs des amendements risquent de se voir opposer l'article 40 de la Constitution, mais ce n'est pas mon rôle d'invoquer celui-ci, et c'est une voie dans laquelle il nous faudra nous engager. Je rappelle d'ailleurs qu'un très grand parti politique a organisé ses premières élections internes par vote électronique, élections qui se sont déroulées dans de très bonnes conditions et à la satisfaction des militants.

Cela étant dit, le vote électronique n'est pas sans poser des problèmes et des précautions devront être prises, notamment pour garantir le secret du vote et pour éviter tout détournement par des esprits mal intentionnés des votes exprimés par ce biais. Cela implique, me semble-t-il, un important travail de réflexion en amont, et je me tourne vers M. le ministre délégué aux libertés locales pour lui demander si ses services n'ont pas d'ores et déjà mis en place un groupe de travail chargé de préparer la généralisation du vote électronique.

En conclusion, si les amendements présentés par M. Mercier soulèvent une bonne question, celle-ci me semble, à ce stade, prématurée, et c'est la raison pour laquelle je demanderai à M. Mercier de bien vouloir retirer aussi les amendements n°s 23 et 24. A défaut, je serai obligé de donner un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Sur l'amendement n° 25, je partage entièrement l'avis de M. le rapporteur : le vote par correspondance, qui a été supprimé en 1975, a donné lieu à de nombreuses fraudes, personne ne pouvant être sûr de ce qui se passe dans l'enveloppe pendant le « trajet ».

Il paraît imprudent de le rétablir et le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 25.

En ce qui concerne les amendements n°s 23 et 24, je confirme que ce sont des amendements intelligents (Ah ! sur les travées du groupe de l'Union centriste) parce que ce sont des amendements de modernisation.

Il est frappant, à bien des égards, de constater que nous votons encore au xxie siècle comme on le faisait au xixe siècle, avec un crayon, des petits papiers et des bâtonnets.

Pour autant, monsieur Mercier, le sujet est tellement important qu'il ne saurait être traité de manière occasionnelle, au détour d'amendements à un texte dont, finalement, ce n'est pas la préoccupation.

M. Claude Estier. Il ne sera donc jamais traité !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il ne s'agit nullement d'une réponse dilatoire, d'autant que Nicolas Sarkozy a constitué, il y a quelque temps déjà, un groupe de travail chargé d'élaborer un règlement technique pour l'agrément, d'ici à quelques mois, de machines à voter.

Il s'agit d'une préoccupation ancienne du ministère de l'intérieur. Nous devrions, cette fois, parvenir à un système qui respecte les conditions de l'article 57-1 du code électoral.

Les machines à voter, même si le vote est instantané, ne donnent, bien sûr, le résultat qu'à la clôture du scrutin, mais il n'est pas prévu que le vote soit centralisé, comme vous le proposez. Il est d'ailleurs quelque peu paradoxal, monsieur Mercier, que ce soit à moi qu'il revienne de répondre à cette demande de centralisation du scrutin à l'heure où nous nous apprêtons à renforcer la décentralisation ! Oserais-je vous dire que vous allez à rebours de cette évolution, monsieur Mercier ? (M. Michel Mercier s'exclame !)

Là, le scrutin est décentralisé, la vraie question philosophique étant de savoir si l'établissement d'un grand fichier informatique recensant les 40 millions d'électeurs conduirait à une centralisation effective ou nous maintiendrait dans le système décentralisé qui est le nôtre.

En tout état de cause, je ne crois pas que ce soit le lieu d'en décider, même si je peux d'emblée vous dire que, pour ma part, je suis favorable à la décentralisation.

Le vote par Internet soulève par ailleurs des questions juridiques et techniques très complexes sur la fiabilité et le secret du vote. Tout cela, vous en conviendrez, monsieur Mercier, ne peut pas être examiné dans le cadre d'un amendement.

C'est pourquoi je vous invite à suivre le conseil amical de M. Gélard, qui, tout en reconnaissant la pertinence de la question que vous soulevez, vous demande de retirer ces trois amendements.

M. le président. Monsieur Mercier, les trois amendements sont-ils maintenus ?

M. Michel Mercier. J'ai écouté avec intérêt M. le rapporteur et M. le ministre, et j'espère qu'à force de déposer des amendements « intelligents » je finirai par obtenir quelque chose ! (Sourires.)

Je reconnais que l'amendement n° 25 sur le vote par correspondance pose un certain nombre de problèmes ; je croyais que, depuis 1870, on avait fait quelques progrès de ce côté-là,...

Mme Nicole Borvo. Il faut croire que non !

M. Michel Mercier. ... mais, si la commission et le Gouvernement disent que non, je le retire bien volontiers.

Par ailleurs, je ne voudrais pas qu'un vote négatif intervienne sur les amendements n°s 23 et 24, car je suis convaincu que faciliter l'accès au vote de nos concitoyens par tous les moyens possibles, notamment grâce aux technologies actuelles, est une nécessité. M. le ministre l'a reconnu, continuer à voter comme on le faisait au moment de l'introduction du suffrage universel dans notre droit public, même si cela satisfait encore nombre de nos concitoyens, paraît quelque peu suranné.

Je sais bien que, ce qui compte, c'est non le moyen, mais le fond. Il n'empêche que recourir aux nouvelles technologies pour augmenter le nombre des votants ne manquerait pas d'intérêt, et, à ce titre, ces deux amendements ont tout à fait leur place dans le projet de loi. Celui-ci vise en effet à instituer un seuil en fonction des suffrages exprimés, et il faut donc qu'il y ait le plus de votants possible.

Que deux simples amendements ne puissent pas traiter la totalité du problème, je le comprends parfaitement. J'ai entendu M. le ministre nous dire que le Gouvernement étudiait ces questions. Je souhaite que le Sénat puisse être informé des progrès de la réflexion menée par le ministère de l'intérieur.

Dans cette attente, pour que les deux amendements n°s 23 et 24 ne soient pas un frein à l'introduction des nouvelles technologies dans notre système électoral, je les retire. En effet, un vote négatif pourrait être interprété comme la traduction d'une opposition sur le fond et non de la volonté d'éviter une seconde lecture. Il me semble important de prévenir une telle confusion, l'objectif étant d'aller vers cette modernité à laquelle nous sommes tous attachés, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)

M. le président. Les amendements n°s 23, 24 et 25 sont retirés.

Division additionnelle après l'article 11 (réserve)

Art. additionnels après l'art. 11
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques
Art. additionnels après l'art. 11

M. le président. L'amendement n° 102, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Après l'article 11, insérer une division additionnelle ainsi rédigée :

« Titre ...

« Dispositions relatives à l'élection des députés et sénateurs »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Cet amendement permet d'ouvrir le débat sur la question de l'élection des députés et des sénateurs, que nous souhaiterions voir examiner au sein de cette assemblée.

Le moment est particulièrement bien choisi, puisque sont inscrits à l'ordre du jour prévisionnel du Sénat deux projets de loi : le premier, organique, est relatif au nombre des sénateurs et à la durée de leur mandat ; le second concerne le mode d'élection des sénateurs. Or les amendements que nous présentons tendent à modifier le nombre et la durée du mandat des sénateurs.

Leur adoption devrait être assurée, puisque, voilà moins d'un an, il était reconnu, dans le rapport présenté par M. Hoeffel faisant suite au travail mené par le groupe de réflexion sur l'institution sénatoriale, qu'une réforme du mandat sénatorial revêtait une importance essentielle.

Un consensus avait également été obtenu sur le principe de l'abaissement de l'âge d'éligibilité au mandat de sénateur. Je reprends les termes du rapport précité : « L'objectif de rénovation de l'institution sénatoriale plaide en faveur d'une diminution de l'âge d'éligibilité. »

Il serait donc opportun, puisqu'il y a consensus, que le Sénat adopte tous nos amendements. Cela nous ferait gagner un temps précieux au vu d'un programme pour le moins chargé !

Il ne semble pas anormal, à l'occasion de l'examen d'un texte relatif aux modes de scrutin des élections régionales et européennes, de poser la question d'une réforme des autres scrutins, s'agissant notamment du mode d'élection des députés et des sénateurs, de la durée du mandat sénatorial et de l'âge minimal requis pour pouvoir prétendre exercer cette fonction élective.

Nous sommes particulièrement attachés à ce qu'une assemblée soit le plus représentative possible, compte tenu des évolutions démographiques de la population qu'elle est censée représenter.

Nous pensons sincèrement que pouvoir et fonction sont largement liés à la représentativité. Plus celle-ci est large et indiscutable, plus l'autorité qui en résulte est naturelle et appelle un rôle réel.

Le système de représentation, c'est-à-dire le mode de constitution d'une assemblée, détermine pour une bonne part les conditions d'exercice de la fonction. Il est donc légitime de se demander si l'Assemblée nationale et le Sénat sont aujourd'hui suffisamment représentatifs.

Nous pensons que la question du mandat sénatorial, et donc celle de la représentativité, a toute sa place dans la discussion d'un projet de loi qui vise, comme cela est précisé dans l'exposé des motifs, à redonner le goût de la politique aux citoyens.

Nos amendements n'ont pas seulement pour objet de couper court aux nombreuses critiques émises à l'encontre de la Haute Assemblée. Ils tendent à rénover très concrètement notre institution. Cela devient un impératif pour la démocratie, au regard de la crise politique profonde que nous connaissons depuis plusieurs années.

Cette crise impose des exigences et appelle des pratiques politiques nouvelles pour toutes les assemblées et tous les lieux de pouvoir, de façon à rapprocher les citoyens des instances dont la fonction est de faire la loi ou de prendre des décisions en leur nom. Or il me semble, monsieur le ministre, que ce dernier objectif est bien celui que vous visez au travers de votre projet de loi.

Bien entendu, des modifications institutionnelles ne résoudront pas par elles-mêmes la crise de la politique. Elles peuvent toutefois constituer une réponse aux attentes en matière de rapprochement des Françaises et des Français des lieux de décision.

C'est un vaste débat que nous proposons d'ouvrir aujourd'hui, car il nous semble que le texte se prête tout à fait à une discussion de fond sur la représentativité de nos deux assemblées.

Chacun, dans cette enceinte, a conscience que la composition de l'Assemblée nationale et du Sénat n'est plus totalement adaptée à l'évolution démographique que connaît notre pays. La population française est passée d'environ 54 millions d'habitants en 1982 à plus de 58 millions en 1999 : la prise en compte de l'évolution démographique est un principe élémentaire, étant donné la nature même des pouvoirs de nos deux assemblées.

Voilà ce que je voulais dire sur l'amendement n° 102, qui introduit, en quelque sorte, nos prochains amendements relatifs à la question de la représentativité du Sénat et de l'Assemblée nationale, ainsi qu'à la durée du mandat sénatorial et à l'âge d'éligibilité aux fonctions de sénateur.

Dans un souci de modernité, nous vous engageons, mes chers collègues, à l'adopter.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je demande la réserve de l'amendement n° 102 jusqu'après l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 11. En effet, si ceux-ci n'étaient pas adoptés,...

M. Claude Estier. ... ce qui est probable !

M. Patrice Gélard, rapporteur. ... l'amendement n° 102 n'aurait plus d'objet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est tout à fait défavorable à l'amendement n° 102, puisqu'il n'envisage nullement de modifier le mode de scrutin des élections législatives.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et pour les sénatoriales ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Par ailleurs, il émet un avis favorable sur la demande de réserve formulée par la commission.

M. le président. La réserve est ordonnée.

Articles additionnels après l'article 11

Division additionnelle après l'art. 11 (réserve)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques
Art. additionnels après l'art. 11 ou après l'art. 11 bis

M. le président. L'amendement n° 103, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« La juste représentation du corps électoral par les deux chambres qui composent le Parlement est garantie par une adaptation régulière à l'évolution de la population. »

La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. Par cet amendement, nous proposons que la composition de l'Assemblée nationale et celle du Sénat soient adaptées à l'évolution de la population, laquelle n'est pas prise en compte aujourd'hui. En effet, nos deux assemblées ne sont plus guère représentatives de la population française : pour ce qui est de l'Assemblée nationale, le découpage des circonscriptions est fondé sur un recensement datant de 1982 ; quant au Sénat, la répartition des sièges est assise sur un recensement remontant à 1975. Vous avouerez, mes chers collègues, que cela ne correspond plus à la réalité !

Il existe donc des distorsions de représentation, parfois aggravées, d'ailleurs, par le découpage des circonscriptions ou le mode de scrutin, et qui le seront davantage encore par la réforme que vous envisagez de mettre en oeuvre, au plan tant régional qu'européen.

Je rappellerai que le nombre des membres de l'Assemblée nationale n'a pas suivi l'évolution de la population. Ainsi, on a délimité 577 circonscriptions correspondant, à peu de chose près, aux 54 millions d'habitants que comptait notre pays en 1982, alors que le recensement de 1999 faisait état d'une population de 58 520 688 habitants très précisément.

Je citerai à cet égard quelques exemples éloquents : la population du département des Alpes-Maritimes est passée de 881 000 habitants d'un million, celle de l'Isère de 936 000 à 1,1 million, celle de la Haute-Garonne de 824 000 à 1,046 million, celle des Yvelines de moins de 1,2 million à 1,3 million, et la Seine-et-Marne a vu sa population croître de plus de 300 000 personnes.

S'agissant de l'Assemblée nationale, à la non-prise en compte de l'évolution des populations s'ajoute, comme chacun sait, le problème posé par la délimitation parfois surprenante des circonscriptions, qui a conduit, dans certains cas, à l'éclatement des villes, des cantons et des unités géographiques issues, en particulier, des découpages administratifs existants.

La même remarque vaut pour le Sénat, plus encore même, puisque le recensement fondant la répartition des sièges date de 1975. Le mode de scrutin et le spectre sociologique qui en découle pour la composition de notre assemblée étant en complet décalage avec la réalité de la société, nous estimons qu'il n'est pas souhaitable de persister dans cette anomalie que constitue la référence au recensement de 1975. Il s'agit d'éviter que, dans l'esprit de nos concitoyens, une image dépassée ne soit associée durablement à l'activité de notre assemblée.

Cet amendement s'inscrit donc dans une démarche de rénovation du Sénat, qui, s'il veut se voir accorder davantage de compétences, ne peut rejeter toute réforme. Adapter la composition des assemblées à la réalité démographique du pays me semble bien participer de la démarche démocratique qui devrait sous-tendre ce texte sur les modes de scrutin régionaux et européens, mais qui, pour l'heure, fait cruellement défaut. Rapprocher les élus des électeurs est d'ailleurs l'une des justifications avancées pour préconiser l'adoption du présent projet de loi.

Cependant, ce texte tend à organiser une France régionalisée et inégalitaire. Il ne prend en compte que les intérêts d'un parti hégémonique, et certainement pas les attentes des populations. Comment les citoyens peuvent-ils se sentir justement représentés dans de telles conditions, les assemblées ne correspondant plus à la réalité démographique ?

Renforcer la démocratie, cela signifie rapprocher les citoyens de la sphère politique et des institutions. Ils doivent se sentir représentés par leurs élus à tous points de vue : local, démographique, sociologique, etc.

Concernant notre assemblée, cette adaptation a été reconnue nécessaire dans le rapport élaboré par le groupe de réflexion sur l'institution sénatoriale et présenté en juillet 2002 par Daniel Hoeffel. Ce rapport fait état de la question de l'incidence des évolutions démographiques sur l'effectif du Sénat, qui aurait pris davantage d'acuité depuis trois ans : « Il est vrai que la publication des résultats du recensement de 1999 a fait apparaître un net décalage entre la répartition des sièges du Sénat et la répartition de la population sur le territoire. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a énoncé le principe constitutionnel suivant : les dispositions combinées de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et des articles 3 et 24 de la Constitution imposent au législateur de modifier la répartition par département des sièges de sénateur, pour tenir compte des évolutions de la population des collectivités territoriales dont le Sénat assure la représentation. »

Il n'est guère besoin d'en rajouter. C'est pourquoi il me semble juste et légitime d'adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je suis naturellement obligé d'émettre un avis défavorable sur cet amendement,...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Evidemment !

M. Patrice Gélard, rapporteur. ... et ce pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, il n'a manifestement aucun rapport avec le texte soumis à notre examen. Plus grave, il n'a aucune portée normative : nous sommes ici dans le domaine des voeux pieux, de la déclaration d'intention.

J'indique par avance que la commission réservera le même sort à tous les amendements étrangers aux préoccupations du législateur s'agissant de ce projet de loi. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Adrien Gouteyron. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement partage l'avis de la commission. La disposition présentée n'est pas de nature législative et, s'agissant du Sénat, elle relèverait d'une loi organique.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous auriez pu, monsieur le rapporteur, vous en tenir à la première des raisons que vous avez invoquées pour rejeter cet amendement, ainsi d'ailleurs que ceux qui suivront. La commission, sur votre proposition et malgré les récriminations de beaucoup d'entre nous à propos de nombre d'articles du texte tel qu'il nous est parvenu de l'Assemblée nationale, a décidé de voter le texte conforme. Vous nous l'avez répété cinquante fois : la décision que vous avez prise, c'est de voter conforme ! Vous pourriez donc vous en tenir là quand vous donnez l'avis de la commission sur les amendements !

Nous vous remercions toutefois de nous faire part de vos réflexions sur certains d'entre eux : il y a ceux qui sont intelligents, mais que vous ne pouvez retenir parce qu'ils n'entrent pas dans le cadre de la loi (Exclamations sur les travées du l'UMP) ; il y a ceux qui vous séduisent, mais que vous ne pouvez retenir parce qu'ils n'entrent pas non plus dans ce cadre ; enfin, il y a ceux qui, selon vous, se bornent à des voeux pieux !

J'ai demandé la parole pour explication de vote, mais j'aurais pu la demander contre l'amendement, ce qui m'aurait permis de m'exprimer une seconde fois sur celui-ci. A ce propos, chers collègues du groupe CRC, le texte de l'amendement n° 103 fait référence à une « adaptation régulière », formulation qui ne signifie pas grand-chose, excusez-moi de vous le dire. Il faudrait préciser selon quelle fréquence interviendra l'adaptation, de manière que la disposition présentée soit normative, conformément au souhait de M. le rapporteur !

En tout état de cause, monsieur le rapporteur, les explications que nous vous donnez ne sont pas valables. Je profite de cette occasion pour répéter que vous n'aviez pas le droit de décider un vote conforme. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Patrick Courtois. Pourquoi ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous aviez le droit, chers collègues de l'UMP, de repousser les amendements après qu'ils eurent été examinés, mais le fait que vous vous refusiez à intervenir, parce que la décision a été prise de voter conforme, représente une démission de la part du Sénat. Cela est contraire à la Constitution, qui veut qu'il y ait deux lectures dans chaque chambre avec droit d'amendement et débat. S'il n'y a plus de débat, ce n'est plus le Parlement qui fait la loi, c'est le Gouvernement, avec le recours au 49-3, d'une part, et avec la décision de la majorité présidentielle - nous en faisons nous aussi partie, dans une certaine mesure ! (Sourires) - en tout cas de l'UMP, à l'Assemblée nationale et au Sénat, de ne pas déposer d'amendements et de ne pas débattre de ceux que nous présentons, d'autre part. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Je tenais à le souligner !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je voudrais dire à notre éminent collègue Michel Dreyfus-Schmidt que le sens de ses propos m'échappe ! C'est d'ailleurs normal : je suis un Breton émigré, j'ai du mal à tout comprendre ! (Sourires.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le Conseil constitutionnel me comprendra !

M. René Garrec, président de la commission. Non, cela m'étonnerait, parce que nous avons des procédures, des habitudes de travail, et nous fonctionnons dans le cadre de la réglementation et de la législation.

La commission émet un avis à la majorité. Elle a examiné l'un après l'autre les amendements : tous ont été repoussés,...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous les avez repoussés parce que vous aviez décidé de voter conforme !

M. Jean Chérioux. Nos motivations ne vous regardent pas !

M. Jean-Pierre Schosteck. C'est hallucinant !

M. René Garrec, président de la commission. ... et la majorité de la commission a proposé un vote conforme. C'est exactement ce qu'a dit M. le rapporteur, et je voulais simplement le rappeler.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour explication de vote.

Mme Josiane Mathon. Je ne sais pas s'il s'agit ici d'un voeu pieux ou d'un voeu impie. Toujours est-il qu'il est très bon pour le débat démocratique que l'on puisse nous entendre et entendre l'avis des sénateurs de l'UMP ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Peyronnet. En réponse aux propos que vient de tenir M. le président de la commission des lois, je voudrais indiquer que la majorité de celle-ci a effectivement le droit de vouloir voter le texte conforme et même de l'annoncer. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Schosteck. Merci !

M. Jean Chérioux. Enfin !

M. Jean-Claude Peyronnet. Le tout est de savoir quand intervient cette annonce. M. le rapporteur s'est prononcé en ce sens à la fin de son rapport, avant même que n'aient été déposés et examinés les amendements.

M. Jean-Patrick Courtois. Eh oui !

M. Jean Chérioux. Il est honnête !

M. Jean-Claude Peyronnet. Cela signifie qu'il tient pour quantité absolument négligeable les sénateurs de l'opposition et leurs propositions.

M. Jean Chérioux. Non !

M. Hilaire Flandre. Il a tout compris !

M. Jean-Claude Peyronnet. Cela a entraîné une sorte de stérilisation du débat, tout à fait regrettable. Si le vote conforme avait été décidé au terme de l'examen des amendements - ils ont effectivement été débattus, monsieur le président de la commission des lois -, cela aurait été beaucoup plus convenable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 103.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 104, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Les articles L. 123, L. 124, L. 125 et L. 126 du code électoral sont ainsi rédigés :

« Art. L. 123. _ Les députés sont élus au scrutin de liste à un tour avec représentation proportionnelle, dépôt de liste complète, sans panachage et sans modification de l'ordre de présentation de la liste.

« Art. L. 124. _ Chaque département forme une circonscription électorale.

« Art. L. 125. _ Plusieurs listes ne peuvent dans la même circonscription être rattachées au même parti ou même groupement politique. Deux ou plusieurs partis ou groupements ne peuvent s'apparenter entre eux pour la répartition de sièges au plan de la circonscription ou au plan national.

« Chaque électrice ou électeur dispose d'une voix donnée à l'une des listes en présence dans chaque circonscription. Les électrices et électeurs votent pour une liste sans radiation ni adjonction de nom et sans modifier l'ordre de présentation des candidats.

« Art. L. 126. _ Une première répartition a lieu dans chaque circonscription conformément aux dispositions ci-dessous :

« Chaque liste de circonscription a autant de sièges que le nombre des voix obtenues par elle contient de fois le quotient électoral départemental.

« Ce quotient est égal au nombre total de suffrages exprimés dans l'ensemble de la circonscription divisé par le nombre de sièges attribués au département.

« Les sièges ainsi conférés à une liste de circonscription sont attribués aux candidats de cette liste suivant l'ordre de présentation. La répartition des sièges de députés restant à pourvoir s'effectue ensuite de la manière suivante.

« Les suffrages obtenus par les listes de circonscription attachées à un même parti ou groupement politique sont totalisés au plan national pour l'ensemble des circonscriptions.

« A. _ On procède d'abord au calcul du nombre total des sièges qui doit revenir à chaque parti conformément à la règle du plus fort reste.

« Chaque parti a droit sur le plan national à un nombre de sièges complémentaires égal à la différence entre le nombre de sièges résultant de l'application de la règle du plus fort reste et le nombre de sièges obtenus sur le plan des circonscriptions.

« B. _ Pour la répartition entre les listes de chaque parti ayant droit à un ou plusieurs sièges complémentaires, il est procédé à un classement des listes de circonscription se rattachant à ce parti, d'après l'importance des voix non représentées de chacune de ces listes. Les sièges sont attribués dans l'ordre de ce classement.

« Le nombre de voix non représentées d'une liste de circonscription est obtenu en retranchant du nombre de suffrages de cette liste un nombre de suffrages égal au produit du quotient de la circonscription par le nombre de sièges attribués à la liste dans la circonscription. Chaque département ayant un nombre de députés déterminé par la loi, si plusieurs listes se trouvent en compétition pour un ou plusieurs sièges complémentaires, ils sont attribués suivant la règle du plus fort reste.

« Les candidats d'une liste de circonscription sont appelés suivant l'ordre de présentation à remplacer les députés élus sur cette liste dont le siège deviendrait vacant par décès, démission ou autre cause. »

L'amendement n° 105, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Les articles L. 123 et L. 124 du code électoral sont ainsi rédigés :

« Art. L. 123. _ Les députés sont élus, dans les départements, au scrutin de liste à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. Le département forme une circonscription.

« Art. L. 124. _ Seules sont admises à la répartition des sièges les listes ayant obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés. Les sièges sont attribués aux candidats d'après l'ordre de présentation sur chaque liste. Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, le siège est attribué au moins âgé des candidats susceptibles d'être proclamés élus. »

La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 104.

M. Robert Bret. L'amendement n° 104 porte sur une question relativement importante pour notre vie politique : celle des modalités de désignation des membres de l'Assemblée nationale.

Nous sommes en présence de modalités dont le moins que l'on puisse dire est qu'elles ont pour conséquence essentielle de dégager des majorités d'une ampleur sans commune mesure avec la réalité des rapports de force politiques dans le pays.

En effet, la majorité parlementaire actuelle, regroupée désormais pour l'essentiel au sein de l'UMP, dispose aujourd'hui de 365 sièges de député sur 577, soit près de 65 %.

On rappellera utilement que, au premier tour des élections législatives du printemps de 2002, les candidats investis par l'UMP ont obtenu bien moins de 40 % des suffrages des électeurs.

M. le président. Ce n'est pas mal ! (Sourires.)

M. Robert Bret. Le scrutin majoritaire encore en vigueur pour les élections législatives contribue donc à la déformation profonde des rapports de force politiques réels, renforçant par là même la défiance grandissante des électeurs devant ce type de scrutin.

On observera d'ailleurs que des records absolus ont été enregistrés en matière d'abstention à l'occasion des élections législatives de 2002, son taux atteignant en effet 35,62 % au premier tour et culminant à 39,71 % au second tour. L'abstention devenait, de fait, la première force politique de ce pays.

Cette désaffection du corps électoral a évidemment plusieurs origines, parmi lesquelles le mode de scrutin.

On peut utilement remarquer que l'abstention aux élections de 2002, qui ont été organisées dans le cadre du scrutin majoritaire, a été bien plus importante que celle qui avait été observée lors des élections de mars 1986, qui s'étaient déroulées selon la règle de la représentation proportionnelle départementale. Le taux de l'abstention ne s'était alors élevé qu'à environ 22 %, ce qui traduit un record absolu de participation depuis plus de vingt-cinq ans.

Opter pour un scrutin proportionnel est donc manifestement l'une des solutions au problème de la désaffection du corps électoral, que d'aucuns déplorent depuis plusieurs années.

Cet amendement vise également à modifier la règle du jeu en ce qui concerne la répartition des sièges aux niveaux départemental et national.

En effet, le département constitue à l'évidence la circonscription de référence idéale pour déterminer le nombre de sièges à pourvoir.

Le système en vigueur en 1986, qui était fondé sur une représentation proportionnelle départementale intégrale à la plus forte moyenne, présentait de ce point de vue des caractéristiques insuffisantes au regard de la prise en compte de la réalité des rapports de force, le mode retenu tendant tout de même à majorer le nombre des sièges obtenus par les mouvements politiques dominants.

Notre proposition vise en pratique à éviter cette dérive, en centralisant à l'échelon national les potentiels de voix non utilisés par application du quotient départemental.

On pourra toujours nous rétorquer que l'application de cette règle du quotient conduirait, dans les départements désignant un nombre relativement faible de députés, à répartir les sièges concernés au titre de la péréquation nationale.

Ainsi, dans un département élisant deux députés, il faudrait 50 % des voix pour que l'un de ceux-ci soit élu au titre du quotient, tandis que, dans un département élisant trois députés, c'est le seuil de 33,3 % qui devrait être atteint.

Ce défaut, par ailleurs tout à fait susceptible d'être corrigé lors de la répartition née de la centralisation des restes à l'échelon national, est toutefois secondaire par rapport à l'objectif réellement visé : celui de la représentation réelle, au sein de l'Assemblée nationale, de chacun des courants politiques significatifs existant dans notre pays.

Pour résoudre la question de la répartition des sièges par l'utilisation du quotient départemental, on observera cependant que, aujourd'hui, 421 députés de l'Assemblée nationale, soit environ 73 % de la totalité des élus, sont élus dans des départements qui comptent au moins cinq députés.

Par ailleurs, dans nombre de départements comptant trois ou quatre sièges de député, l'influence de certains courants politiques est suffisamment élevée pour aboutir à la répartition d'une partie importante de ces sièges dès l'application du quotient électoral départemental.

On terminera l'exposé des motifs de cet amendement en soulignant que c'est aussi le caractère national du mandat des députés élus à l'Assemblée nationale qui justifie pleinement le choix opéré en faveur d'une centralisation des restes au niveau national, pour la seconde répartition.

A ce titre, on indiquera d'ailleurs fort utilement qu'un grand pays voisin de la France, en l'occurrence la République fédérale d'Allemagne, applique finalement des principes relativement proches, une moitié du Bundestag étant élue au suffrage direct par circonscription et une moitié élue à la proportionnelle, à partir des résultats de chaque formation politique sur l'ensemble du territoire fédéral.

Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement.

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Mathon, pour présenter l'amendement n° 105.

Mme Josiane Mathon. Cet amendement prévoit d'appliquer au scrutin législatif une part de proportionnelle certes imparfaite, mais susceptible de constituer un progrès non négligeable par rapport au mode de désignation actuel des députés, c'est-à-dire le scrutin majoritaire uninominal à deux tours.

Nous proposons en effet de revenir au mode de scrutin qui avait été adopté lors des élections de mars 1986, lesquelles, je le rappelle, avaient été marquées par un niveau de participation qui demeure à ce jour largement inégalé.

On pourra toujours nous rétorquer que ce phénomène était en liaison avec la densité particulière du débat politique à l'époque, compte tenu de certains des enjeux liés à l'alternance qui étaient alors en débat.

Ce système n'avait pas empêché que se constitue une majorité politique claire, et qu'existe une véritable opposition, disposant d'un nombre suffisant d'élus pour mener à bien son rôle dans le débat démocratique. Je me demande si débat démocratique il y a aujourd'hui.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ce n'est pas possible !

Mme Josiane Mathon. Comme nous l'avons indiqué lors de la présentation d'autres amendements portant sur la prise en compte de la démographie, il est indispensable que le nombre des députés élus dans chaque département évolue en fonction des mouvements constatés dans le cadre des recensements successifs de la population.

En effet, quand on examine certains des résultats des élections législatives du printemps 2002, force est de constater l'importance du décalage entre la représentation politique de tel ou tel département et l'influence réelle des forces politiques en présence.

Je ne prendrai qu'un exemple : dans le Lot-et-Garonne, en obtenant de 43 % à 48 % des voix au second tour, aucun des élus de gauche sortants n'a été reconduit, conférant à ce département une représentation exclusivement UMP.

Plusieurs observations pourraient bien sûr être produites pour certaines situations différentes, dans lesquelles l'influence des candidats de l'UMP peut être considérée comme minorée par le mode de scrutin choisi.

Les Français, on ne peut ainsi manquer de le souligner, ne paraissent pas fondamentalement attachés à la mise en oeuvre d'une bipolarisation intégrale de la vie politique. Leurs comportements électoraux récents montrent, au contraire, qu'ils sont tout particulièrement réceptifs à tout ce qui peut apparaître, à un moment donné, comme une autre conception de la vie politique.

Le décalage constaté, par exemple, entre les choix des formations politiques et le comportement du corps électoral lors du référendum portant sur l'approbation du traité de Maastricht en 1992 l'a montré.

Pour ce qui nous concerne, nous sommes convaincus que la réforme du mode de scrutin des élections législatives, outre qu'elle permettra de rapprocher les élus de la réalité des rapports de forces politiques réels, autorisera la prise en compte de ce qui traverse aujourd'hui l'opinion publique dans son ensemble.

Nous sommes bien entendu convaincus que le mode de scrutin proportionnel départemental à la plus forte moyenne que nous proposons par cet amendement ne fera pas obstacle à la constitution de véritables majorités politiques.

Il aura, s'il est adopté - j'en doute -, l'avantage de faciliter une plus juste représentation de nos concitoyens au sein de l'Assemblée nationale.

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Défavorable. Je ferai observer à leurs auteurs que ces deux amendements sont antagonistes. Ils ne sont effectivement pas compatibles.

M. Robert Bret. Pouvez-vous préciser votre pensée, monsieur le rapporteur ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Est-ce volontaire ? En effet, cela paraît surprenant.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il s'agit d'amendements auxquels leurs auteurs ne croient pas eux-mêmes. Pourquoi le Gouvernement y croirait-il ? Avis défavorable ! (Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 104.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 105.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, présentés par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 109 est ainsi libellé :

« Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. _ L'article L.O. 274 du code électoral est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L.O. 274. _ Le nombre de sénateurs élus dans les départements est de trois cent vingt-deux.

« II. _ Les dispositions du I prennent effet à compter du prochain renouvellement de la série à laquelle appartient le département dont le nombre de sénateurs est modifié.

« III. _ Le deuxième alinéa de l'article 6 de la loi organique n° 85-689 du 10 juillet 1985 relative à l'élection des députés et des sénateurs dans les territoires d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie est remplacé par les dispositions suivantes :

« Deux sénateurs sont élus en Nouvelle-Calédonie. »

« IV. _ Les dispositions du I prennent effet à compter du prochain renouvellement de la série à laquelle appartient la Nouvelle-Calédonie.

« V. _ L'article L. 334-15 du code électoral devient l'article L. 334-15-1.

« VI. _ Il est inséré, dans le chapitre V du titre II du livre III du code électoral, avant l'article L. 334-15-1, un article L.O. 334-15 ainsi rédigé :

« Art. L.O. 334-15. _ Mayotte est représentée au Sénat par un sénateur.

« Les dispositions organiques du livre II du présent code sont applicables à l'élection du sénateur de Mayotte. »

« VII. _ La loi organique n° 76-1217 du 28 décembre 1976 relative à l'élection du sénateur de Mayotte est abrogée. »

L'amendement n° 110 est ainsi libellé :

« Après l'article 11, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - Le tableau n° 5 annexé au code électoral et fixant la répartition des sièges de sénateurs entre les séries est ainsi modifié :

SÉRIE A

Ain à Indre102 Guyane 2

104 SÉRIE B

Indre-et-Loire à Pyrénées-Orientales 97 Réunion 4

101 SÉRIE C

Bas-Rhin à Yonne 68 Essonne à Yvelines 44 Guadeloupe, Martinique 5

117

« II. _ Le tableau n° 6 annexé au code électoral et fixant le nombre de sénateurs représentant les départements est ainsi modifié :

DÉPARTEMENT

NOMBRE

de sénateurs

Ain3 Alpes-Maritimes5 Bouches-du-Rhône8 Creuse1 Drôme3 Eure-et-Loire3 Haute-Garonne5 Gironde6 Hérault4 Isère5 Maine-et-Loire4 Oise4 Bas-Rhin5 Haut-Rhin4 Seine-et-Marne6 Var4 Vaucluse3 Guadeloupe3 Guyane2 Réunion4 Paris9 Val-d'Oise5 Yvelines6

« III. _ A. _ L'article 14 de la loi n° 85-691 du 10 juillet 1985 relative à l'élection des députés et des sénateurs dans les territoires d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 14. _ La répartition des sièges de sénateurs élus dans les territoires d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie s'effectue conformément au tableau ci-après :

Nouvelle-Calédonie2 Polynésie française2 Wallis-et-Futuna1

« Le renouvellement des sénateurs de la Polynésie française et du sénateur de Wallis-et-Futuna a lieu à la même date que celui des sénateurs de la série A prévue à l'article L.O. 276 du code électoral ; le renouvellement des sénateurs de la Nouvelle-Calédonie a lieu à la même date que celui des sénateurs de la série B prévue au même article.

« B. _ Les dispositions du I prennent effet en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna au prochain renouvellement de la série à laquelle ces collectivités appartiennent. »

La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter ces deux amendements.

Mme Nicole Borvo. Voilà trois ans, la majorité sénatoriale avait présenté et adopté une motion tendant à opposer la question préalable sur le projet de loi visant à adapter le Sénat à la réalité démographique de notre pays. Deux années plus tard, le groupe de réflexion sur l'institution sénatoriale, composé majoritairement de membres de la droite sénatoriale, revenait, dans sa grande sagesse, sur cette position. A la page 64 de son rapport, ce groupe, piloté par M. Daniel Hoeffel, concluait en faveur du « principe d'une actualisation de la répartition des sièges entre les départements en fonction du recensement de 1999, le nombre des sénateurs devant rester globalement stable, à quelques unités près ».

Cette évolution était notable, et nous l'avions alors appréciée à sa juste mesure. Cependant, nous divergions, s'agissant du nombre global de sénateurs. Pour notre part, nous étions favorables à une augmentation - mesurée - du nombre de sénateurs, pour éviter que certains départements ne voient leur représentation diminuer trop substantiellement.

Cette évolution de la droite sénatoriale doit se concrétiser très rapidement. Le rapport du groupe de travail date de juin 2000. Un projet de loi serait, nous dit-on, déposé en mai prochain, c'est-à-dire très bientôt. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner des informations sur ce projet de loi dont vous connaissez certainement le détail ?

Si nous approuvons certaines des dispositions annoncées - réduction du mandat ou nouvelle répartition -, nous regretterions profondément qu'elles justifient un recul essentiel, à savoir l'abandon de la proportionnelle pour les départements comptant trois ou quatre sénateurs.

L'extension de la proportionnelle, adoptée voilà deux ans, constituait une étape certes limitée mais réelle dans la démocratisation de l'institution sénatoriale. C'était une garantie indéniable de renouvellement et de pluralisme. Elle constitue la garantie d'un progrès vers la parité, et il suffit de regarder l'hémicycle pour constater le chemin qu'il reste à parcourir. Je note d'ailleurs que c'est l'extension de la proportionnelle qui avait permis l'élection de cinq femmes sur les listes présentées par le parti communiste.

Je le disais, il est urgent d'appliquer au Sénat le recensement de 1999. Comme chacun le sait, un sénateur représente 298 195 habitants en Seine-et-Marne, contre 62 200 dans la Creuse. De même, un sénateur représente 298 475 habitants dans l'Hérault, contre 73 437 en Lozère, et c'est pourtant la même région. L'adaptation au recensement ne permettra cependant pas une adéquation sinon exacte, tout du moins proche entre le nombre d'élus et la réalité démographique du pays. Selon nous, la fameuse clé de répartition devrait être révisée et - pourquoi pas ? - laisser place à une représentation plus proche de la proportionnelle, en instaurant un calcul par département en fonction d'un quotient calculé sur le plan national.

Pour le moment, nous vous proposons une première avancée. Je profite de mon intervention pour interroger M. le ministre de l'intérieur sur ses projets en matière d'adaptation démographique et de parité. Si vous reveniez en arrière s'agissant de la proportionnelle, cela aurait de graves conséquences en matière de parité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ces amendements n'ont aucun rapport avec les dispositions du projet de loi. De plus, le nombre des sénateurs relève de la loi organique : il ne peut donc figurer dans une loi ordinaire.

L'amendement n° 109 vise à porter à deux le nombre de sièges de sénateurs élus en Nouvelle-Calédonie. Soit ! Mais il faudrait aussi porter à deux le nombre de sièges de sénateurs élus en Polynésie française où la population est plus nombreuse. La disposition qui nous est proposée n'est donc pas satisfaisante. Aussi, la commission émet un avis défavorable.

Quant à l'amendement n° 110, il s'agit d'un amendement de coordination : avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Même avis. Cela illustre mon propos précédent. Ces amendements relèvent d'une loi organique et n'ont donc aucun sens.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 109.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 110.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 106 rectifié, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - L'article L.O. 275 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L.O. 275. _ Les sénateurs sont élus pour six ans lors d'un renouvellement unique. »

« II. - L'article L.O. 276 du même code est abrogé.

« III. - Au début de l'article L.O. 277 du même code, les mots : "Dans chaque série" sont supprimés. »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Je ne sais si cet amendement est un nouveau voeu pieux, mais son objet est clair : réduire la durée du mandat sénatorial à six ans, au lieu de neuf longues années comme actuellement.

Cet amendement se justifie pleinement aujourd'hui. En effet - je l'ai déjà précisé, mais il est bon de souligner les heureuses initiatives de la majorité sénatoriale -, cette question de la durée du mandat sénatorial sera débattue prochainement puisque, je l'indiquais tout à l'heure, elle fera l'objet de deux projets de loi inscrits à l'ordre du jour prévisionnel du mois de mai. Il est donc aujourd'hui plus que temps de concrétiser les propositions de réduction du mandat sénatorial qui émanent non seulement de notre groupe, mais aussi de votre propre majorité, mes chers collègues, et même de toutes les travées de l'hémicycle.

En effet, de tous les éléments du statut électoral des sénateurs, la durée du mandat est sans doute celui qui suscite le plus d'interrogations et de critiques. Notre collègue M. Hoeffel mais aussi le président du Sénat se sont prononcés, en octobre 2001, en faveur d'une réforme tendant à la réduction du mandat à six ans, considérant que « le Sénat s'honorerait en prenant lui-même l'initiative d'une réduction à six ans de la durée du mandat de ses membres ».

Mais, je le disais, les critiques émanent également des parlementaires de votre majorité : pas moins de sept propositions de loi organique ont été déposées entre juin et octobre 2000 sur le bureau du Sénat. Nos collègues socialistes et nous-mêmes en avons déposé, mais aussi M. Michel Doublet, M. Serge Mathieu, M. Patrice Gélard et plusieurs de ses collègues de feu le groupe du RPR, M. Jacques Larché et, enfin, M. Philippe Arnaud, de l'Union centriste, tous préconisant de réduire le mandat des sénateurs à six ans.

Toutefois, votre position a beaucoup fluctué depuis le mois de juillet dernier, lorsque vous déposiez un rapport établi par le groupe de réflexion sur l'institution sénatoriale. Vous étiez alors pleinement convaincus - vos arguments de l'époque le prouvent - de la nécessité de réformer rapidement notre institution.

Satisfaits de cette position, nous avons donc présenté plusieurs amendements visant à réduire la durée du mandat sénatorial, notamment au cours du débat sur la décentralisation. Malheureusement, ces amendements n'ont pas été accueillis favorablement par votre majorité : ce n'était pas le bon moment !

Nous avons encore eu une illustration des contradictions qui sont les vôtres sur ce sujet à l'occasion du débat sur les modes de scrutin. En effet, à l'article 1er, il a été question de rétablir la durée du mandat de conseiller régional à six ans, au lieu des cinq ans prévus par la loi de 1999. Autrement dit, vous avez proposé - et vous avez voté cette disposition - de rallonger la durée d'un mandat électif.

C'est à ce point du raisonnement que votre logique m'échappe quelque peu, chers collègues de l'UMP : d'un côté, vous souhaitez réduire la durée du mandat sénatorial ; de l'autre vous rallongez la durée du mandat de conseiller régional. Mais, quand nous examinerons les projets de loi à venir, peut-être votre position aura-t-elle encore évolué.

Pour l'allongement de la durée du mandat régional, vous avancez l'argument selon lequel il est souhaitable que la durée des mandats locaux soit compatible avec celle du mandat sénatorial, en raison du rôle constitutionnel du Sénat de représentant des collectivités territoriales. Il faudrait, en poursuivant votre raisonnement, maintenir à neuf ans la durée du mandat sénatorial. Or une telle compatibilité, qui n'aurait pu être assurée avec un mandat régional de cinq ans, le sera de nouveau avec des mandats locaux de six ans. Vous expliquerez certainement, monsieur le rapporteur, une telle logique !

Selon vous, deux arguments militent en faveur d'un mandat sénatorial de neuf ans : d'une part, le rôle constitutionnel du Sénat de représentant des collectivités territoriales ; d'autre part, le fait que la durée de tous les mandats locaux soit ramenée à six ans. Voilà une belle démonstration ! Tiendrez-vous le même raisonnement prochainement, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'élection des sénateurs et du projet de loi organique relatif au mandat sénatorial ? Monsieur le rapporteur, pouvez-vous dès à présent nous apporter un élément de réponse ?

Monsieur le ministre, vous me rétorquerez sans doute que ce débat n'a pas lieu d'être à l'occasion de l'examen d'un texte relatif à l'élection des conseillers régionaux et des députés européens. Il y a pourtant toute sa place puisque la réduction du mandat sénatorial est impérative si l'on veut démocratiser davantage la vie politique et les institutions.

Les sénateurs de la majorité qui ont présenté les propositions de loi auxquelles j'ai fait référence avancent d'ailleurs un argument en ce sens : ils voient dans la réduction de la durée du mandat sénatorial un instrument pour renforcer la légitimité démocratique de la Haute Assemblée dans la perspective d'une meilleure représentation des collectivités territoriales.

Vous parliez tout à l'heure de cohérence : ce débat sur le rapprochement entre nos concitoyens et les instances locales nous y confronte et nous vous proposons tout simplement de passer à l'acte en votant l'amendement n° 106 rectifié.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je ne vais pas me répéter indéfiniment. D'une part, cet amendement n'a pas sa place dans ce débat ; d'autre part, il modifie une loi organique et ne peut donc être adopté à l'occasion de l'examen du présent projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Avis défavorable, pour les raisons précédemment énoncées.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 106 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)