COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

QUESTIONS ORALES

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

AVENIR DU PÔLE FINANCIER PUBLIC ET SEMI-PUBLIC

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, auteur de la question n° 150, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur la dégradation rapide du climat qui entoure les institutions composant le pôle financier public et semi-public. D'ailleurs, cela me fournit déjà une première question : vous-même, retenez-vous cette dénomination ?

Les signaux particulièrement négatifs s'accumulent. Le remplacement du directeur à la tête de la Caisse des dépôts et consignations, dans des conditions jugées inopportunes, a créé une incertitude sur la façon dont la Caisse assumera ses missions d'intérêt général.

L'attitude des dirigeants des caisses d'épargne, à propos de la filiale commune Eulia, a fait craindre une compétition préjudiciable.

Le sort, à terme, de la Caisse nationale de prévoyance, un fleuron de notre patrimoine, reste problématique.

La Poste est entrée dans une période périlleuse ; seuls la signature d'un contrat de plan courageux et un élargissement de la gamme de ses services financiers pourraient assurer une issue positive.

La Banque de France a lancé un plan rigoureux de fermeture de ses succursales, provoquant la mobilisation des élus.

La reprise des fermetures de perceptions, y compris dans des communes de 4 000 à 5 000 habitants, accentue le sentiment d'un désengagement des services publics au profit des grandes villes.

Le Crédit agricole, qui ferme des centaines de bureaux en milieu rural - même dans des communes de 1 500 habitants, comme j'en ai l'exemple dans mon département -, fusionne avec le Crédit lyonnais et s'engage dans un lourd programme de réduction de son réseau, au moins dans un certain nombre de départements.

Devant cette situation, monsieur le ministre, les salariés et les associations d'élus se mobilisent ; les rencontres ministérielles se multiplient, mais sans débouchés, sans mesures concrètes.

Il est temps que le Gouvernement ouvre un débat au Parlement sur la couverture nationale en matière de service public financier et sur le devenir de nos grandes institutions : la Caisse des dépôts et consignations, La Poste, la Caisse nationale de prévoyance et la Caisse d'épargne, notamment.

Un an après l'installation de ce gouvernement, il est temps d'expliquer votre politique, monsieur le ministre, et d'entendre notre point de vue. Il est temps, surtout, de cesser de procéder au coup par coup, de cesser de compenser par des déclarations lénifiantes les mesures de fermeture qui sont effectivement prises sur le terrain.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Monsieur Delfau, vous êtes élu d'un département, l'Hérault, extrêmement préoccupé par la situation des services publics et leur avenir. Ces questions inquiètent à juste titre nos concitoyens.

Je note, cependant, que votre question porte principalement sur l'évolution des institutions du secteur financier. Vous m'avez demandé si nous retenions la dénomination de « public et semi-public » pour le pôle financier. Nous considérons, au contraire, que chacune des institutions que vous avez citées a sa dynamique propre et sa problématique propre ; je vais donc vous répondre sur chacune d'entre elles.

S'agissant de la Caisse des dépôts et consignations, le nouveau directeur général a engagé, en concertation avec le Gouvernement et la commission de surveillance de la Caisse, qui est présidée par un parlementaire, en l'occurrence le député Philippe Auberger, une réflexion sur les orientations stratégiques du groupe pour conforter son rôle au service de la collectivité nationale. La Caisse des dépôts exerce ses activités d'intérêt général dans des domaines prioritaires de l'action publique, où ses moyens peuvent compléter utilement l'action de l'Etat.

Je pense notamment à la gestion de fonds qui réclament une protection spécifique, les fonds d'épargne ; je pense aussi à la gestion sous mandat de caisses de retraite publique ou à des programmes d'intérêt général, qui jouent un rôle majeur dans notre économie et notre société.

Cette réflexion sur la clarification des priorités d'action de la Caisse et le prolongement de leur efficacité doit, bien sûr, également porter sur ses interventions dans le secteur concurrentiel. Le Gouvernement procédera à un examen au cas par cas de ces questions, sans dogmatisme et dans le seul souci du développement des différentes entités et activités concernées.

S'agissant de la Banque de France, le gouverneur a, pour sa part, engagé des discussions avec les représentants du personnel et les élus pour préciser son projet d'évolution du réseau, à la suite des études techniques conduites par le secrétaire général de la Banque. Il a précisé, à l'occasion de cette concertation, que cette évolution s'inscrirait dans le cadre départemental et sans aucun licenciement, quel que soit le statut des agents.

Pour garantir l'exercice des missions de service public par les succursales, l'Etat conclura avec la Banque de France un contrat de service public qui précisera les objectifs qui lui sont assignés en matière de service public rendu aux usagers.

Le Gouvernement veillera notamment à ce que la Banque de France joue pleinement son rôle dans la gestion des dossiers de surendettement, sujet sur lequel il y a évidemment beaucoup à faire.

Cette mobilisation au service des missions est compatible avec l'adaptation du réseau. La Banque de France, comme tout organisme public, doit veiller à rendre à la collectivité nationale le meilleur service au meilleur coût.

S'agissant de La Poste, les discussions sur le contrat de plan sont en cours. L'avenir de chacun des trois métiers de La Poste - courrier, colis et services financiers - est examiné dans ce cadre, en tenant compte de l'évolution de l'environnement concurrentiel de La Poste.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, ces différentes réflexions se poursuivent comme il se doit, dans l'intérêt du développement de chacune des institutions concernées et des services qu'elles rendent au public.

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, ma dernière formule était donc particulièrement appropriée pour caractériser l'absence de dialogue ce matin : des déclarations lénifiantes, générales, qui ne correspondent pas aux mesures concrètes prises actuellement, c'est-à-dire les fermetures de services publics sur tout le territoire, avec, pour corollaire, la concentration dans les grandes villes de ce qui reste de l'épine dorsale de notre service public.

M. Raymond Courrière. C'est la décentralisation !

M. Gérard Delfau. Sans doute !

Vous l'avez d'ailleurs vous-même confirmé en reprenant les propos du gouverneur de la Banque de France, puisque vous nous avez expliqué que le réseau de la Banque de France devait désormais se limiter au cadre départemental. Cela signifie concrètement que, par exemple, dans le département de l'Hérault, département très peuplé qui a au moins deux pôles, Montpellier et Béziers, la partie ouest, ou partie biterroise, sera une fois de plus sacrifiée.

S'agissant de La Poste, vous ne m'avez rien dit du contenu du contrat de plan, au moment même où l'on transforme des bureaux de poste de plein exercice en agences communales, malgré le désaccord des élus. Mais je ne vais pas reprendre toute la litanie des griefs.

Non, monsieur le ministre, il s'agit non pas d'une politique nationale assumée mais d'une politique de fermetures que l'on n'ose pas avouer.

SITUATION DE L'IMPRIMERIE NATIONALE

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, auteur de la question n° 188, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plus de trois cent cinquante ans, l'Imprimerie nationale constitue un pôle d'excellence au service de la nation.

Conservatoire unique au monde de l'imprimerie traditionnelle, l'Imprimerie nationale est surtout une entreprise nationale moderne et performante, deuxième acteur de la filière graphique du pays, disposant de la maîtrise des technologies les plus modernes et d'un personnel hautement qualifié.

Pourtant, aujourd'hui, des craintes sérieuses s'élèvent sur sa pérennité. Un plan social concernant trois cents salariés serait en préparation. Mais, si l'avenir de l'Imprimerie nationale apparaît aujourd'hui hypothéqué, c'est avant tout à cause des choix de gestion de sa direction et de l'Etat, qui ne datent pas, certes, de l'arrivée de votre gouvernement, mais que vous aggravez.

La perspective d'un démantèlement et d'une privatisation par compartiments se dessine.

Ainsi, France Télécom a annoncé, à l'automne, qu'il retirerait la plus grande partie du marché de l'annuaire à l'Imprimerie nationale pour la confier à des entreprises étrangères espagnole et américaine, dont le groupe Donneley. Cette décision de France Télécom, qui amputerait le chiffre d'affaires de l'Imprimerie nationale de 30 % d'ici à 2005, est, selon moi, injustifiable et irresponsable. Que je sache, l'Etat demeure l'actionnaire majoritaire de France Télécom, qui siège d'ailleurs au conseil d'administration de l'Imprimerie nationale.

Cette logique de déclin se retrouve dans les choix des ministères - y compris le vôtre, sa tutelle - et des administrations : il s'agit de livrer toujours plus leurs commandes d'impression au secteur marchand aux dépens de l'Imprimerie nationale. C'est même le cas pour les sujets d'examen, qui nécessitent pourtant son savoir-faire en matière de confidentialité.

Ce sont ces coupes dans le carnet de commandes, en plus des pratiques de mauvais payeur de l'Etat - est-il vrai que les ministères doivent plus de 50 millions d'euros à l'Imprimerie nationale ? - qui sont à l'origine des déficits au nom desquels la direction prétexte les « restructurations » programmées.

L'usine de Douai serait frappée de plein fouet par le départ de l'impression de l'annuaire. A court terme, 100 emplois seraient menacés, comme l'a dénoncé mon collègue député du Nord, M. Georges Hage.

Quant à l'usine de Bondoufles, près d'Evry, dans l'Essonne, la direction a décidé de la regrouper avec la filiale ISTRA, située à Strasbourg, dans un centre de profit unique, qui préfigure, de l'avis de tous les analystes, une filialisation de l'ensemble en vue de sa privatisation. D'ores et déjà, les murs de l'usine ont été vendus !

A ce sujet, je m'interroge sur la gestion du patrimoine de l'Imprimerie nationale. A quoi ont été utilisés les produits de cette vente et de celle de l'annexe de l'usine de Paris ? A combler des dettes fabriquées ?

J'ai également cette crainte à propos des projets concernant l'usine et le siège historiques de Paris. La direction a programmé la vente et la fermeture du site. N'est-il pas exact qu'elle a confié à la banque privée néerlandaise ING et à la filiale de Bouygues SARI l'étude de la valorisation des terrains situés dans une zone de très forte spéculation immobilière ?

La direction justifie bien cette opération par le besoin de liquidités, mais aussi par l'inadaptation des locaux, qui seraient « surdimensionnés », argument qui, encore plus après la fermeture de l'annexe Ménard, reflète bien une stratégie de déclin. Je me souviens que c'était au contraire le manque de surface pour de nouvelles machines qui avait servi de prétexte à une précédente tentative de délocalisation.

La direction affirme étudier deux pistes pour l'avenir des activités industrielles de Paris : soit leur répartition entre Bondoufles et Douai, soit une délocalisation, d'abord évoquée à Bobigny, maintenant à l'étude à Choisy-le-Roi, dans le Val-de-Marne, où, en l'état du projet, et après plusieurs rumeurs et informations contradictoires, se retrouveraient une partie des activités industrielles, deux cents emplois ouvriers et un musée de l'imprimerie traditionnelle.

Pour le moment, on assiste, en fait, au démantèlement du site de Paris, dont on peut redouter qu'il ne soit le prélude au démantèlement de l'ensemble du groupe.

Sur plus de 800 salariés, 200 des 500 ouvriers seraient concernés par un plan social, et ce qui est déjà certain, c'est que les départs en retraite ne sont plus remplacés, que des services ont été fermés ou devraient l'être, comme celui qui est chargé de l'impression des enveloppes, désormais sous-traitée au privé.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, de nous préciser les intentions du Gouvernement, notamment le calendrier qu'il envisage.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Madame la sénatrice, vous avez attiré l'attention du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les préoccupations que vous inspire la situation de l'Imprimerie nationale.

La loi n° 93-1419 du 31 décembre 1993 institue, au profit de l'Imprimerie nationale, un monopole légal pour l'impression des documents de sécurité, notamment des titres de sécurité. Ce monopole ne représente néanmoins qu'une faible part des activités de l'Imprimerie nationale, qui réalise l'essentiel de son chiffre d'affaires dans des domaines ouverts à la concurrence et donc soumis au droit commun.

Or le secteur des industries graphiques est un secteur fortement concurrentiel qui nécessite une adaptation constante des entreprises si elles veulent maintenir leur compétitivité vis-à-vis de leurs concurrents nationaux ou étrangers. C'est dans ce contexte difficile, et pour faire face à la réduction progressive de la charge industrielle liée à la perte du marché de l'annuaire à l'horizon 2005, que l'Imprimerie nationale mène une réflexion, en concertation avec ses salariés, sur l'évolution de ses métiers et de son organisation commerciale et industrielle.

Le constat a été fait de l'inadéquation du site de Paris, qui réunit le siège de la société et un centre de production, aux besoins de l'Imprimerie nationale. Ce site constitue un élément du patrimoine de la société à même de fournir des moyens supplémentaires pour son développement, dont vous vous souciez à juste titre. Le redéploiement des activités industrielles du site ne signifie nullement leur arrêt, mais s'inscrit dans la nécessaire optimisation de l'organisation de la société. Le projet de délocalisation à Choisy-le-Roi constitue à ce jour l'une des options à l'étude.

Je tiens à cet égard à vous assurer que, soucieux de la préservation du patrimoine typographique dont l'Imprimerie nationale est le dépositaire, j'ai donné l'instruction aux services compétents de mettre en oeuvre les moyens adéquats pour assurer leur conservation. D'ores et déjà, un plan de formation est à l'étude, avec l'aide du ministère de la culture, pour transmettre le savoir-faire des ouvriers typographes.

Par ailleurs, il paraît aujourd'hui indispensable que certains des métiers de la société soient en mesure de nouer des partenariats.

L'Etat, pour sa part, reste soucieux de l'avenir de la société mais il est confiant dans sa capacité à mener son redressement.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.

Mme Marie-Claude Beaudeau. J'observe, monsieur le ministre, que vos réponses sont limitées, imprécises, et même, sous certains aspects, dangereuses.

Mes interrogations et celles du personnel demeurent. Tous ceux qui sont attachés à l'Imprimerie nationale en tant que patrimoine culturel considèrent que les équipements doivent être modernisés, et l'institution réhabilitée.

En ce qui concerne les travaux qui ont pu être retirés à l'Imprimerie nationale, trouvez-vous normal que les salariés de l'Imprimerie nationale paient les conséquences de la gestion désastreuse de France Télécom depuis l'ouverture de son capital ? Le coût pour le pays, et même pour France Télécom, de ce transfert ne sera nullement compensé, bien loin de là, par les petites économies qui lui servent de prétexte, à moins que derrière cette décision ne se profile la volonté de privatiser à brève échéance les « pages jaunes ». Sur ce sujet, monsieur le ministre, je vous informe que des retraités aident bénévolement à la présentation d'une partie de l'impression traditionnelle.

Le Gouvernement devrait agir pour rendre à l'Imprimerie nationale ses « marchés publics naturels », y compris l'annuaire. C'est d'ailleurs ce que proposent les organisations syndicales afin de développer des activités correspondant aux besoins du pays et devant échapper à la loi du marché. Je pense, par exemple, à l'impression des livres scolaires.

Pour conclure, je souhaite vous redire ce matin que la disparition pure et simple de l'entité centrale de l'Imprimerie nationale associant l'usine, le siège et l'après-presse scellerait, de mon point de vue, le démantèlement de l'ensemble du groupe Imprimerie nationale.

DROIT À DÉDUCTION DE LA TVA

POUR LES SOCIÉTÉS D'HÉLICOPTÈRES

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, auteur de la question n° 191, adressée à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, je souhaiterais attirer votre attention sur les difficultés concurrentielles que rencontrent les exploitants privés d'aéronefs, en particulier les exploitants d'hélicoptères. Cette situation résulte de l'interdiction qui leur est faite, en vertu de l'article 237 de l'annexe II du code général des impôts, de récupérer le montant de la taxe sur la valeur ajoutée pour certaines de leurs activités.

Le régime afférent à la TVA dans notre pays est fondé sur le principe général selon lequel toutes les entreprises récupèrent la TVA sur les éléments constituant leur outil de travail.

Or l'article 237 de l'annexe II du code général des impôts exclut du droit à déduction tous les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usage mixte.

Deux exceptions ont cependant été envisagées.

La première concerne l'utilisation des hélicoptères. Une déduction de TVA est possible si les hélicoptères sont utilisés de façon constante par les entreprises spécialisées - et j'insiste sur le caractère constant de cette utilisation - soit pour la manutention de matériel, soit pour le transport d'ouvriers ou techniciens d'entreprises tierces.

La seconde exception concerne les entreprises de transports publics de voyageurs. La déduction de TVA n'est envisageable que si les engins sont affectés de façon exclusive à la réalisation desdits transports. J'insiste là aussi sur le caractère exclusif de cette affectation.

Or, comme vous le savez, monsieur le ministre, un hélicoptère est utilisé pour des activités aussi bien industrielles, touristiques, culturelles ou médiatiques que de secours.

Dans ces conditions, si une entreprise de travail aérien effectue ne serait-ce qu'un seul vol panoramique ou un baptême de l'air, elle ne peut pas bénéficier en totalité de la déduction. De même, si une entreprise de transports publics de voyageurs effectue ne serait-ce qu'un transport de charges, un vol panoramique ou un baptême de l'air, elle ne peut plus bénéficier en totalité de la déduction.

Cet état de notre législation fiscale engendre une discrimination à rebours dans la mesure où la France est le seul Etat membre de l'Union européenne à appliquer une telle disposition. Cette dernière a des conséquences évidentes sur la compétitivité des entreprises de ce secteur. Ce phénomène a d'autant plus d'ampleur dans les départements alpins frontaliers ou pyrénéens, où l'utilisation multifonctionnelle des hélicoptères est fréquente et où nos entreprises subissent une concurrence féroce des entreprises italiennes et suisses, dans les Alpes, ou espagnoles dans les Pyrénées.

Aujourd'hui, un groupe haut-savoyard d'exploitation d'hélicoptères est en péril. Au-delà même de mon département, il s'agit bien d'un problème national. Il n'est pas rare que des compagnies d'aviation, pour rentabiliser leurs investissements, utilisent un même appareil tantôt pour le transport de voyageurs, tantôt pour le fret ou pour d'autres missions, en enlevant les sièges passagers.

Monsieur le ministre, afin que soit prise toute la mesure des conséquences de cette législation, je souhaiterais poser la question suivante : lorsque nos sociétés d'hélicoptères n'auront plus les moyens de se maintenir sur le marché, qui effectuera les missions que ce type d'appareils permet aujourd'hui d'assurer ? Comment mieux que par hélicoptère peut-on assurer le secours en montagne, ravitailler les restaurants d'altitude, assurer la surveillance des incendies, couvrir des événements médiatiques, ou encore assurer certaines activités touristiques ?

Le Gouvernement a pour ambition de redonner du souffle à l'initiative économique, et je tiens à saluer son action. Mais s'il faut favoriser la création et la transmission d'entreprises, il s'agit aussi d'assurer leur pérennité.

Je souhaiterais, pour finir, préciser qu'au-delà de cette question sont aussi en jeu l'économie de montagne, l'avenir d'un tissu économique fragile de par la physionomie des territoires alpins. La toile de fond reste donc, une fois de plus, la problématique de l'équilibre des territoires et de l'aménagement des espaces.

A ce titre, monsieur le ministre, envisagez-vous qu'une telle disposition soit modifiée afin de permettre à ces sociétés exploitant des hélicoptères de pratiquer une pluriactivité compétitive sans autant de contraintes financières.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Comme vous le rappelez, monsieur le sénateur, notre dispositif réglementaire exclut d'une manière générale de l'exercice du droit à déduction la TVA ayant grevé l'acquisition des véhicules conçus pour le transport des personnes ou à usage mixte - la matière fiscale est souvent complexe ! Cette mesure d'exclusion a été reconnue conforme au droit européen par les juridictions nationales et communautaires.

Cela étant, cette mesure connaît un certain nombre d'exceptions : elle ne s'applique pas aux véhicules acquis par les entreprises de transport public de voyageurs et affectés exclusivement à cette activité, à ceux qui sont donnés en location, ou encore aux véhicules utilisés pour l'enseignement de la conduite.

Par ailleurs, cette règle comporte un certain nombre d'aménagements destinés à prendre en compte le caractère spécifique des conditions d'utilisation des véhicules par les entreprises.

S'agissant des hélicoptères, l'exercice du droit à déduction est admis lorsque l'appareil est affecté de manière constante au transport de matériels ou de personnels.

Force est de constater, toutefois, que les conditions pratiques d'utilisation de ces appareils par les entreprises de transport aérien ne leur permettent pas, dans bon nombre de situations, de bénéficier de ces exceptions.

Vous avez fait état d'entreprises qui utilisent régulièrement des hélicoptères pour des opérations de transports, et exceptionnellement pour un autre usage : cette exception a pour conséquence le fait que l'exclusivité prévue par les textes actuels ne peut pas s'appliquer. En effet, les hélicoptères conçus pour un usage mixte sont très fréquemment utilisés de façon alternative par les entreprises pour les activités qui ne sont pas visées par les exceptions déjà citées. Ainsi en est-il des activités épisodiques : vol panoramique, prises de vues aériennes ou encore publicité. Dans ce cas, la condition liée à l'exclusivité ou à l'usage constant prévue par les textes en vigueur n'est pas respectée.

Notre but est évidemment de favoriser les activités en général, les activités de montagne en particulier. Conscient des difficultés que l'application de ces règles suscite, le Gouvernement a engagé une réflexion avec les professionnels concernés pour tenter d'y apporter des solutions pragmatiques. Il va de soi que le Sénat sera tenu informé des conclusions de cette étude.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Je tiens à remercier M. le ministre des précisions qu'il a bien voulu m'apporter même si je regrette qu'une réponse positive n'ait pu m'être adressée dès aujourd'hui.

Monsieur le ministre, je note avec satisfaction votre volonté, celle de votre collègue M. Alain Lambert comme celle du Gouvernement tout entier, d'essayer d'améliorer une situation qui pénalise un certain nombre d'entreprises. En effet, ces dernières doivent aujourd'hui faire face à une fiscalité qui les place dans des situations de concurrence défavorables par rapport à des sociétés étrangères.

Je serai donc attentif à la réflexion que mènera le groupe de travail que vous avez évoqué et auquel je vous remercie d'associer les entreprises et les personnels concernés, en souhaitant qu'elle aboutisse au plus vite.

CONDITIONS D'ENCAISSEMENT DES AMENDES

AU CODE DE LA ROUTE

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, auteur de la question n° 184, adressée à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le ministre, une circulaire ministérielle du 3 mai 2002, qui émane du ministère de l'intérieur, porte aujourd'hui à la charge de la commune la régie nécessaire à l'encaissement des amendes forfaitaires et des consignations émises pour des infractions au code de la route par des agents de sa propre police municipale.

L'organisation et le fonctionnement d'une telle régie représentent par exemple pour la ville d'Arras, que j'administre, une charge annuelle d'environ 60 000 euros, alors que l'Etat, qui continue d'encaisser le montant de ces amendes, n'en reverse qu'une partie aux communes.

En conséquence, il s'agit de charges nouvelles résultant, il faut bien l'avouer, d'un transfert abusif, qui relève non pas d'ailleurs de la loi du 15 avril 1999, comme il y est fait référence, mais bien plutôt d'un pouvoir réservé depuis longtemps aux communes, je veux parler du pouvoir de la police municipale. A ce titre, ces charges nouvelles devraient relever selon moi du domaine législatif et non pas du domaine réglementaire.

Pour rétablir une situation de droit et d'équité, il me paraît souhaitable que l'Etat reverse à chaque commune dans cette situation le montant intégral du coût de fonctionnement de cette régie ou qu'il abandonne à la commune la totalité des amendes encaissées.

Monsieur le ministre, quelle est votre position sur ce point ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Il s'agit là encore, monsieur le sénateur, d'une question très pointue.

La loi du 15 avril 1999 donne compétence aux polices municipales pour constater par procès-verbal les infractions aux règles du code de la route et du stationnement. Les agents communaux affectés à la verbalisation interviennent dans le cadre des pouvoirs de police qu'exerce le maire, et non dans celui des compétences découlant des lois de décentralisation. Ils interviennent donc bien, en l'espèce, pour appliquer la politique pénale de l'Etat.

La circulaire du 3 mai 2002 du ministère de l'intérieur précise que l'encaissement des recettes correspondantes est confié à une régie, formule de proximité garante du respect des règles relatives au maniement des fonds publics. La création de ces régies, habilitées à recouvrer des recettes de l'Etat, participe, en outre, d'un souci d'égalité de traitement des redevables, puisque de telles régies existent déjà pour assurer l'encaissement des amendes et consignations prononcées par les autres services verbalisateurs - gendarmerie nationale, police nationale, contrôleurs des transports terrestres.

Dans un souci de bonne administration, la charge de travail du régisseur est réduite à l'extrême et le suivi de l'encaissement des amendes est simplifié. En ce qui concerne les frais matériels, dont vous avez indiqué le montant pour votre ville, monsieur le sénateur, si les carnets de verbalisation sont à la charge des communes, le ministère de l'intérieur met à disposition à titre gratuit un logiciel d'aide au suivi de l'encaissement des amendes, le logiciel WIN.A.F. De plus, les préfectures assurent un suivi et une aide aux collectivités.

En tout état de cause, il est rappelé que la mise en place de ce système de verbalisation relève de la volonté des maires. Une commune qui estimerait que les charges de travail induites sont trop importantes conserve la possibilité de ne pas se rallier au dispositif.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le ministre, votre réponse est à la fois satisfaisante et insatisfaisante. Vous avez achevé votre propos en indiquant que le dispositif était mis en oeuvre sur la base du volontariat ; or cela n'est absolument pas précisé dans la circulaire, et je n'ai jamais entendu les services du ministère de l'intérieur s'exprimer en ce sens !

Par conséquent, j'aimerais qu'une autre circulaire, émanant du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, fasse état de cette possibilité de choix. C'est là, à mon sens, une question de déontologie élémentaire.

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez fait référence à la loi de 1999, que j'ai moi aussi évoquée. La verbalisation du stationnement relève de lois bien antérieures à celle-ci. Une fois de plus, l'Etat a outrepassé ses pouvoirs. Ce domaine ressortit au pouvoir législatif et non pas au pouvoir réglementaire.

Sur ces deux points, il serait important que le Gouvernement clarifie la position de l'Etat.

DÉLOCALISATION EN BANLIEUE DU SERVICE POSTAL

DES COLIS DU VIe ARRONDISSEMENT À PARIS

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, auteur de la question n° 195, adressée à Mme la ministre déléguée à l'industrie.

Mme Nicole Borvo. Je souhaite attirer l'attention de Mme la ministre déléguée à l'industrie sur la délocalisation en banlieue du service postal des colis du VIe arrondissement de Paris, qui entraînerait des conséquences désastreuses pour le service rendu aux habitants et aux institutions de cet arrondissement, lequel bénéficie d'une qualité de prestations sans équivalent dans la capitale.

D'ailleurs, il faut souligner que, dans les autres arrondissements où la délocalisation a déjà été menée, le résultat s'est révélé à chaque fois déplorable, s'agissant tant des conditions de travail que des délais d'acheminement des colis.

L'éloignement du centre de tri du VIe arrondissement dans le Val-de-Marne, accompagné d'un bouleversement total de l'organisation du travail et du recours massif à un personnel précaire non qualifié, amènerait une dégradation du service rendu aux citoyens et l'entrée de camions toujours plus nombreux dans Paris. Cela est tout à fait insatisfaisant.

A l'heure actuelle, l'interactivité entre les services du courrier, des lettres et des colis présents sur le site permet une optimisation de la distribution. Par ailleurs, un personnel formé sur le plan tant des méthodes que de la connaissance du terrain, et dont la compétence est reconnue par tous les usagers, travaille déjà sur place.

Malheureusement, la direction de La Poste a déjà mis en vente les locaux du centre de distribution, situés au 4, rue Saint-Romain. On peut en conclure que, afin de réaliser une opération de spéculation immobilière, on dissout un service qui fonctionne bien, avec des personnels compétents, ce qui entraînera une détérioration du service public.

C'est pourquoi plusieurs milliers d'habitants et d'entreprises du VIe ont montré leur solidarité en signant une pétition pour le maintien d'un service public postal de qualité au coeur même de leur arrondissement. De nombreuses personnalités, même si ce ne sont pas elles qui rencontrent les problèmes les plus aigus, ont tenu à apporter leur soutien aux facteurs. Je ne citerai ici que quelques noms, parmi bien d'autres : Pierre Arditi, Cabu, Catherine Deneuve, Jean Dutourd, Bernard Pivot, Georges Wolinski, Jean-Marie Colombani.

La remise en cause du service postal dans le VIe arrondissement s'inscrit, sur le plan national, dans la logique de l'application du nouveau schéma directeur de traitement et de transport du courrier, qui conduira à la réduction d'au moins un tiers du nombre des centres de traitement du courrier, en particulier à la suppression, en province, des centres départementaux, au profit d'établissements hautement mécanisés.

Pourriez-vous m'indiquer, monsieur le ministre délégué, ce que le ministère compte faire pour maintenir la qualité du service public et développer les moyens affectés au service postal du VIe arrondissement de Paris ? Il serait souhaitable que le Gouvernement se préoccupe du service public postal, auquel nos concitoyens sont particulièrement attachés.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Madame la sénatrice, vous avez exprimé votre préoccupation quant à l'organisation de la distribution des colis dans le VIe arrondissement de Paris.

La Poste est le premier opérateur sur le marché du colis pour les particuliers en France, qui connaît actuellement un développement important.

Il s'agit d'un marché totalement concurrentiel, sur lequel elle doit faire face à l'arrivée de réseaux privés de livraison qui s'implantent, en priorité, dans les zones à fort potentiel économique, comme l'Ile-de-France.

Dans ces zones urbaines, face à cette concurrence et afin d'améliorer la qualité de son service, La Poste a choisi, voilà deux ans, de s'appuyer sur un réseau dédié à la distribution des colis.

Cette filière, dénommée « Coliposte », emploie des postiers spécialisés dans la distribution de colis aux particuliers. Paris compte ainsi déjà six agences Coliposte, desservant quatorze arrondissements, desquelles les facteurs « colis » partent chaque matin pour effectuer leurs tournées. Plus de 80 % des colis destinés aux Parisiens sont ainsi livrés quotidiennement par ces agences.

Vous comprendrez que cette activité de traitement des colis nécessite des locaux spécifiques plus spacieux, comportant des zones de stockage et des quais de transbordement et permettant un accès facile des camions. Des places de parking réservées doivent être prévues pour ceux-ci, afin de désengorger les rues avoisinantes.

Dans la mesure du possible, La Poste cherche à implanter ses agences à Paris intra-muros, comme elle l'a d'ailleurs fait pour cinq des six agences Coliposte parisiennes existantes.

S'agissant des colis du VIe et du XIVe arrondissement, La Poste n'a pas trouvé de local industriel adéquat intra-muros. C'est la raison pour laquelle il est prévu que ces colis soient traités par une nouvelle agence Coliposte installée à Gentilly.

J'ajoute que cette distribution par des opérateurs spécialisés permet de proposer de nouveaux services aux clients. Ainsi, il sera possible de présenter une seconde fois le colis au domicile du client si celui-ci était absent lors de la première tournée.

Augmenter le nombre des distributions à domicile favorisera une baisse du nombre des objets retirés au guichet. La réduction des files d'attente, qui sont un motif fréquent d'insatisfaction pour les Parisiens, participe à l'amélioration du service rendu par La Poste à sa clientèle.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, mais comprenez qu'elle ne me satisfasse pas !

Les milliers d'habitants du VIe arrondissement qui signent des pétitions sont apparemment contents de la desserte actuelle, et je crois donc qu'il conviendrait d'en tenir compte plutôt que de prétendre que le service est insuffisant et doit, par conséquent, évoluer.

Au travers de la réorganisation de la distribution du courrier à Paris, c'est le service public qui est attaqué. Par voie de conséquence, le traitement égalitaire des différentes catégories de la population est remis en cause. On renonce ainsi à une certaine idée de la solidarité nationale. Cela est tout à fait conforme à la logique de la résolution du Parlement européen qui prévoit l'ouverture à la concurrence d'ici à 2009, en plusieurs étapes, du service de la distribution du courrier.

En défendant le service postal des colis, les habitants du VIe arrondissement marquent leur inquiétude face à cette restructuration qui, à terme, aura pour conséquence la mise en place d'une tournée unique, au lieu de plusieurs actuellement.

En outre, comment peut-on donner à croire que cet alignement par le bas mettra La Poste en mesure de faire face à la concurrence ? C'est à mon sens la qualité du service public qui le permettra.

Une agence implantée dans le Val-de-Marne ne distribuerait le courrier que le matin, alors que les concurrents de La Poste, tels UPS et FEDEX, le distribuent toute la journée. Ce serait d'autant plus absurde et contraire aux intérêts du public que le nombre d'objets arrivant l'après-midi est en constante augmentation.

ORGANISATION DES SERVICES PUBLICS

ET SERVICES DE PROXIMITÉ EN MILIEU RURAL

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 178, adressée à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.

M. Jean Boyer. Ma question porte sur l'organisation des services publics et des services de proximité en milieu rural.

Comme on le sait, le monde rural a subi un fort déclin au cours du xxe siècle. Les agglomérations urbaines concentrent aujourd'hui près de 80 % de la population.

Les politiques nationales, trop souvent sectorielles et cloisonnées, n'ont pas suffisamment pris en compte, ces dernières années, les conséquences de ces évolutions. Les régions, les départements et les communes, désormais souvent regroupées en communautés de communes, ont mis en oeuvre des politiques de développement, mais n'ont pas toujours trouvé, dans les dispositifs nationaux, l'accompagnement indispensable afin d'inverser la tendance et d'éviter que la situation ne soit irrémédiable.

Nous ne pouvons qu'approuver la volonté de l'Etat de définir une politique nouvelle en faveur de l'initiative économique, par le biais d'un projet de loi présenté aujourd'hui même devant notre assemblée. Une politique de l'Etat existe, mais elle ne prend pas suffisamment en considération l'impérative nécessité de compenser le handicap naturel du monde rural et des zones de montagne. La solidarité économique, c'est aussi la compensation des handicaps.

La France, pour son monde rural, a besoin d'une nouvelle dynamique économique. Oui, des décisions plus courageuses, plus solidaires doivent être prises afin de favoriser les installations dans l'artisanat, le commerce et l'agriculture, liées aux secteurs ruraux. C'est le travail qui attache à un pays, qui appelle à venir y résider et qui permet une vie sociale équilibrée.

Nous ne pouvons laisser mourir des pans entiers de nos espaces ni renoncer, nous résigner à un abandon de l'initiative locale. Il convient de réagir, aujourd'hui encore et plus que jamais, par une politique ambitieuse. L'esprit qui sous-tend l'action du Gouvernement doit marquer de son empreinte une démarche spécifique, au travers par exemple d'un moratoire qui pourrait assurer la pérennité de nos services publics, mais aussi de nos services de proximité. Il faut appliquer les règles avec bon sens.

Ainsi, dans bien des communes de montagne, le dernier commerce constitue à lui seul un lieu d'expression et de relais du service public. Il remplit des missions indispensables à une vie normale, allant du service postal au service bancaire, de la régie des tabacs à la distribution de la presse, des liaisons téléphoniques aux connexions par l'Internet...

Nos ruraux ont droit à la parité sociale et économique. C'est pourquoi il me paraît extrêmement important de tout mettre en oeuvre pour assurer, dans les meilleures conditions possible, la création, le développement, la transmission et la pérennisation de ces petites entreprises familiales. Simplifions ensemble les règles qui permettent de faire face à ces nécessités impérieuses ! Entre la rigidité administrative et la mort présumée de nos petites « officines de proximité », il y a l'espace du bon sens.

L'action du Gouvernement doit autoriser, dans certains cas, l'assouplissement des règles relatives à la mise aux normes, à la transmission, aux seuils d'accessibilité et de rentabilité...

Par ailleurs, tout en encourageant l'esprit d'initiative et d'entreprise, il importe aussi de soustraire nos services publics locaux au diktat de la logique purement économique, en autorisant le maintien de nos petites administrations locales. Tout cela va de pair en milieu rural, et relève d'une nécessaire complémentarité. Ces services publics oeuvrent sans relâche au profit de l'intérêt général, de la vie locale, en assumant des missions de conseil et d'écoute d'une importance inestimable, pour épauler et guider les élus locaux.

Monsieur le ministre, je souhaiterais vivement, et avec moi l'ensemble du monde rural, savoir précisément quel est l'engagement du Gouvernement en vue de libérer les initiatives économiques au coeur de l'espace rural et de montagne. Il en va de l'attractivité et de la survie d'une partie de notre territoire.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, la question que vous avez soulevée est évidemment essentielle, et nous souhaitons pouvoir apporter une réponse adéquate et appropriée à vos préoccupations. Tout à l'heure, l'un de vos collègues représentant le département de l'Hérault a d'ailleurs interrogé le Gouvernement sur le même thème, s'agissant plus particulièrement de l'avenir des établissements publics financiers.

Le Gouvernement est tout à fait conscient de la nécessité de maintenir sur l'ensemble du territoire national, en particulier dans les zones rurales défavorisées, un tissu économique solide et une implantation satisfaisante des services publics. C'est la raison pour laquelle il s'est engagé dans une ambitieuse politique de développement rural. Il met au point, à l'heure actuelle, une série de mesures qui seront réunies dans un projet de loi portant précisément sur ce sujet. Il sera prochainement présenté au Parlement par mon collègue Hervé Gaymard.

Pour ce qui concerne plus particulièrement le secteur des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat, qui constitue effectivement un vivier remarquable d'activités créatrices d'emplois implantés sur l'ensemble du territoire, je rappelle que le projet de loi pour l'initiative économique, qui sera examiné cette semaine par le Sénat, comprend de nombreuses mesures visant à favoriser tant la création que le développement et la transmission d'entreprises.

Ces mesures, qui ont vocation à s'appliquer, quelle que soit la forme juridique de l'entreprise et quel que soit le statut de son créateur, sur l'ensemble du territoire, trouveront naturellement, dans les zones rurales, une justification particulière.

Ces mesures répondent au souci d'alléger les contraintes, de lever les réticences et donc d'encourager celles et ceux qui veulent entreprendre à le faire. Il s'agit donc moins d'apporter une assistance financière directe, telle que celle-ci a pu être conçue pour faciliter le nécessaire renouvellement des générations par le biais de la dotation d'installation des jeunes agriculteurs, que de créer un environnement favorable à l'initiative et à l'entreprise, afin de tout mettre en oeuvre pour tenir l'engagement du Président de la République : créer un million d'entreprises en cinq ans.

D'ores et déjà, le fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce, le FISAC, aide à la création ou au maintien de commerces de proximité en zone rurale, et ses moyens d'action sont renforcés à cette fin : les investissements correspondant aux projets éligibles - dont les commerces multiservices - sont désormais aidés au taux de 30 % au lieu de 20 % dans les communes de moins de 2 000 habitants. Cela ressort d'un décret du 5 février 2003, d'un arrêté du 13 février 2003 et d'une circulaire du 17 février 2003. Vous voyez avec quelle rapidité cette mesure a été mise en oeuvre.

Le FISAC peut également financer des opérations collectives de modernisation de l'artisanat, du commerce et des services en milieu rural, en particulier pour les pays, les groupements de communes rurales et les bassins d'emplois ruraux : peuvent être aidées en particulier les dépenses d'investissement relatives à la modernisation des entreprises et des locaux d'activité. Entre 1999 et 2002, près de 103 millions d'euros ont été affectés sur la ligne budgétaire du FISAC au commerce et à l'artisanat en milieu rural. Pour 2003, l'enveloppe susceptible d'être consacrée à ces opérations est de 13 millions d'euros.

Ces différents éléments sont constitutifs d'une politique cohérente de soutien à des activités économiques essentielles, dans le respect de la liberté du commerce et des règles d'une concurrence équilibrée sur l'ensemble du territoire.

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, pardonnez la véhémence de mon propos. Mais, élu d'un département où l'habitat moyen est le plus élevé, avec dix-huit cantons sur trente-cinq situés en zone de revitalisation rurale, j'ai de la peine lorsque je vois partir certaines activités sans pouvoir les retenir.

Je suis conscient de la volonté du Gouvernement, mais on ne peut inverser les tendances de fond en un instant. L'état d'esprit joue un rôle, comme l'effet de contagion, pour générer des activités ou, au contraire, les faire disparaître. Notre ami M. Hervé Gaymard, qui habite dans un département de montagne, m'a fait part de sa volonté. Monsieur le ministre, je serai à vos côtés pour faire en sorte que la législation soit la plus efficace possible.

DÉSIGNATION DE CONSEILLERS MUNICIPAUX

EN CHARGE DES QUESTIONS DE DÉFENSE

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, auteur de la question n° 194, adressée à Mme la ministre de la défense.

Mme Jacqueline Gourault. Je souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de la défense sur les dispositions prises en 2001 et en 2002, sous la précédente législature, par le secrétariat d'Etat à la défense, chargé des anciens combattants.

Par une circulaire du 26 octobre 2001 adressée aux préfets, le secrétaire d'Etat aux anciens combattants a demandé que soit « instaurée au sein de chaque conseil municipal une fonction nouvelle de conseiller municipal en charge des questions de défense ». Les maires sont ainsi invités à réunir « en délibération leur conseil pour procéder à la désignation de ce délégué à la défense », une liste nominative de ceux-ci devant ensuite être constituée par l'administration. Une nouvelle circulaire du 18 février 2002 vise à relancer la mise en oeuvre de cette mesure, qui fait par ailleurs l'objet d'une instruction ministérielle en date du 24 avril 2002.

Aussi louable et respectable que soit l'intention ayant inspiré l'instauration des conseillers de défense, l'initiative du secrétariat d'Etat aux anciens combattants n'en appelle pas moins certaines interrogations de forme et de fond.

Je souhaite ainsi connaître l'analyse qui peut être faite de l'adéquation normative de ces circulaires au regard tant du principe de libre administration des communes que de l'organisation des pouvoirs publics. Est-il réellement envisageable qu'une simple circulaire suffise à la mise en place de plus de 36 000 conseillers de défense dans toute la France ? Si cette démarche était avalisée, chaque ministère ne serait-il pas fondé à se doter par circulaire d'un correspondant au sein des conseils municipaux ?

Sur le fond, je souhaite savoir dans combien de départements cette mesure a été effectivement appliquée. Par ailleurs, je souhaite connaître le nombre de conseillers de défense désignés à ce jour et les missions qui leur ont été confiées.

Enfin, je souhaite connaître la position du Gouvernement sur ce dispositif et les mesures qu'il entend éventuellement prendre pour l'animer et lui donner du contenu.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Madame la sénatrice, je vous demande tout d'abord de bien vouloir excuser Mme Alliot-Marie qui, retenue, m'a chargée de vous répondre.

Comme vous l'avez rappelé, le Gouvernement, par une circulaire en date du 26 octobre 2001 adressée aux préfets, a demandé que soit « instauré au sein de chaque conseil municipal un conseiller en charge des questions de défense ». Cette mesure a été prise après la suppression du service national dans le souci très clair de renforcer, par l'intermédiaire des conseils municipaux, le lien entre la nation et l'armée.

En effet, les municipalités participent aux opérations de recensement des jeunes. Il s'agit d'un acte important, préalable à l'accomplissement, pour les jeunes Français, de la journée d'appel à la préparation à la défense, moment essentiel en matière de recrutement pour les armées, en matière de constitution de la réserve militaire et en matière de connaissance des personnes suceptibles d'être rappelées en cas de crise grave.

Il ne s'agit évidemment pas, pour l'Etat, d'intervenir dans la gestion des conseils municipaux, qui ont largement adhéré à cette démarche, puisqu'il existe actuellement plus de 12 000 correspondants « défense » désignés par les municipalités selon les modalités arrêtées par le conseil municipal. Ces correspondants sont le relais d'information entre le ministère de la défense et les communes sur les questions de sécurité et de défense.

Le correspondant « défense » se doit d'apprécier les conditions dans lesquelles il exerce une mission d'information et de sensibilisation auprès de la population et doit, pour cela, disposer de moyens d'information adaptés.

Ainsi, en octobre 2002, les correspondants « défense » ont reçu un document de présentation du projet de loi de programmation militaire 2003-2008. De plus, le site Internet du ministère de la défense, accessible à tous, leur permet de se tenir informés de l'actualité de défense et de se familiariser avec les thèmes et les enjeux liés à la défense.

Les correspondants « défense » bénéficient, en outre, du soutien du délégué militaire du département de la commune. Les manifestations publiques auxquelles participent les forces armées - cérémonies officielles et commémoratives, forums de l'emploi, salons, foires et expositions, conférences, opérations portes ouvertes ou démonstrations, compétitions sportives - représentent par ailleurs des lieux d'information privilégiés dans lesquels ils peuvent prendre des initiatives.

Pour répondre aux attentes exprimées par les élus, Mme Alliot-Marie souhaite que le ministère de la défense apporte régulièrement un soutien concret aux correspondants « défense ». C'est pourquoi elle a demandé la réalisation de nouveaux supports d'information qui compléteront leurs connaissances de l'activité du ministère et faciliteront leur action dans le traitement des dossiers relevant de l'activité municipale tels que le recensement, les activités de défense - volontariat, préparation militaire, réserve -, l'information sur les métiers de la défense et la reconversion professionnelle, la gestion des risques et la sécurité des populations, la reconnaissance, la mémoire et les actions pédagogiques.

Je tiens à signaler que le ministère de la défense n'adressera pas de directives particulières aux correspondants « défense » qui, en leur qualité de membres des conseils municipaux, sont en mesure d'apprécier les conditions dans lesquelles ils exercent, auprès de leurs administrés, leur mission d'information et de sensibilisation. En effet, ces correspondants ne peuvent en aucun cas être considérés comme des agents de l'administration.

Voilà, madame la sénatrice, les éléments de réponse que m'a chargée de vous transmettre Mme la ministre de la défense.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Madame la ministre, je vous remercie de ces précisions qui portent sur l'aspect administratif et sur les relations entre les élus et le ministère. J'ai bien noté la volonté du Gouvernement de maintenir ces correspondants « défense », ainsi que le contenu des missions qui leur sont assignées, notamment auprès des jeunes.

AVENIR DES CONTRATS AIDÉS

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, auteur de la question n° 98, adressée à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

M. Bernard Piras. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sur l'avenir des contrats aidés.

En effet, les collectivités et les associations sont particulièrement inquiètes quant au sort que le Gouvernement réserve aux différentes formes de contrats aidés, qu'il s'agisse des contrats emploi-solidarité, les CES, des contrats emplois consolidés, les CEC, ou des emplois-jeunes.

Ces contrats ont permis à certaines catégories de population de faciliter leur accès à l'emploi ou ont offert une alternative structurante à des personnes très défavorisées.

De nombreuses structures fonctionnent par l'intermédiaire et grâce à ces types de contrats. Leur disparition sans solution de remplacement nuirait bien sûr aux personnes bénéficiaires et, de plus, serait fort préjudiciable aux associations et aux collectivités qui se servent de ces outils, ce qui pourrait même conduire à remettre en cause leur fonctionnement.

Employeurs et salariés sont, à ce jour, dans une totale expectative, alors que des décisions doivent être prises, notamment pour l'élaboration des budgets 2003 - il est d'ailleurs déjà un peu tard.

C'est pourquoi je me permets d'interpeller M. Fillon afin qu'il puisse m'indiquer, d'une part, si le Gouvernement a prévu une large concertation à ce sujet et, d'autre part, si des orientations ou des décisions on été prises quant à l'avenir de ces contrats aidés.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser M. François Fillon qui, empêché, m'a prié de vous répondre en son nom.

Les contrats aidés sont utiles, en effet, pour ramener les personnes les plus fragiles sur le marché du travail. Mais chacun sait que les contrats emploi-solidarité ne constituent pas des solutions d'emploi durables. Un récent rapport de la Cour des comptes a d'ailleurs critiqué les contrats emplois consolidés en raison de l'insuffisance, voire de l'absence, d'actions de formation et d'accompagnement. A l'heure actuelle, moins de 16 % des personnes employées en CES trouvent, à la sortie du dispositif, un emploi durable non aidé.

La politique que mène le Gouvernement vise donc à la fois à concentrer l'aide de l'Etat sur les publics les plus en difficulté - ce qui le démarque fortement de la philosophie du programme NSEJ, ou « nouveaux services - emplois-jeunes » - et à miser sur la qualité de l'insertion dans l'emploi. C'est cette synthèse que François Fillon souhaite réaliser à travers la réforme des CES et des CEC.

Ces dispositifs devront, en effet, être améliorés pour aboutir, au sein du secteur non marchand, à un contrat unique d'accompagnement renforcé dans l'emploi. Les paramètres de ce nouveau contrat - durée du contrat, nombre d'heures de travail - seront définis localement en fonction de la situation de la personne et du parcours d'insertion qui sera mis en place. L'aide de l'Etat sera justifiée par la qualité des actions d'accompagnement qui devront être mises en oeuvre et par l'insertion dans l'emploi à l'issue du contrat. Cette année sera donc mise à profit pour élaborer cette réforme. La mission du sénateur Bernard Seillier, qui porte également sur la mise en place du revenu minimum d'activité, le RMA, a engagé une vaste concertation devant déboucher sur des propositions au cours du premier semestre.

Monsieur le sénateur, dans l'attente de ces nouveaux dispositifs, le Gouvernement entend développer et améliorer l'offre d'insertion des personnes les plus en difficulté en s'appuyant sur les outils actuellement disponibles, aussi imparfaits soient-ils. C'est la raison pour laquelle 80 000 CES supplémentaires permettront, au cours du second semestre, de maintenir le rythme de création mensuelle actuel de 20 000 emplois dans ce cadre et le financement de ces contrats à hauteur de 95 % pour les chantiers d'insertion et les jeunes en grande difficulté, avec le programme TRACE, ou trajet d'accès à l'emploi. Ces mesures sont importantes pour prévenir le risque d'exclusion et de développement du chômage de longue durée que comporte malheureusement la situation actuelle du marché du travail.

Tels sont les éléments de réponse que je pouvais vous apporter.

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.

M. Bernard Piras. Je ne suis évidemment pas opposé à l'amélioration et à la facilitation de l'insertion. J'ai bien compris que 80 000 CES seraient développés en attendant la mise en place de nouvelles structures.

Cela étant dit, les associations et certaines collectivités n'ont actuellement aucune réponse. Les personnes concernées ne savent donc pas comment établir leur budget ni comment elles travailleront. Les salariés sont dans l'expectative et les employeurs ne savent pas s'ils seront obligés de licencier.

Il serait donc important que le Gouvernement apporte des précisions à cet égard.

DISCRIMINATIONS SYNDICALES ET DROIT DU TRAVAIL

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, auteur de la question n° 182, adressée à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

M. Roland Muzeau. Madame la ministre, la condamnation par les tribunaux des attaques contre les libertés syndicales et contre les droits fondamentaux des salariés se limite le plus souvent à des sanctions consistant dans le versement par les employeurs de dommages et intérêts aux salariés. En effet, elle prévoit très rarement l'obligation de reclasser les salariés qui ont fait l'objet d'une discrimination.

Dans les faits, les juges sont démunis pour sanctionner comme il convient les employeurs responsables de cette grave remise en cause du droit du travail. Celui-ci interdit pourtant formellement de prendre des mesures discriminatoires en raison de l'appartenance d'un salarié à un syndicat ou de l'exercice d'une activité syndicale, en particulier s'agissant de l'avancement ou de la rémunération.

Les dispositions de l'article L. 412-2 du code du travail, qui font pourtant référence à la notion de discriminations syndicales, sont, semble-t-il, insuffisantes pour permettre aux juges de fonder un véritable droit à réparation pour le salarié à l'égard duquel l'employeur a eu une attitude reconnue coupable.

Ma question porte donc, madame la ministre, sur la nécessité de transposer dans le droit français des dispositions plus contraignantes envers les employeurs et plus favorables pour les salariés victimes de comportements discriminatoires, dispositions qui existent à l'échelon international.

En effet la législation française, pourtant réputée plus favorable dans le domaine du droit social, est en retard sur ce point.

Ainsi, le Pacte des Nations unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui a été ratifié par notre pays, reconnaît dans son article 7 « le droit qu'a toute personne de jouir de conditions de travail justes et favorables, assurant un salaire équitable et une rémunération égale pour un travail de valeur égale sans distinction aucune » et, en particulier, « la même possibilité pour tous d'être promus, dans leur travail, sans autre considération que la durée des services accomplis et les aptitudes ».

Dans une période où les remises en cause du droit du travail se multiplient, où existe une tendance lourde à criminaliser toute contestation, la mise à jour du code du travail sur ce point précis et sensible présente, à mon avis, un caractère urgent et constitue une impérieuse nécessité.

Aussi souhaiterais-je connaître les mesures que le Gouvernement compte prendre pour prévenir et dissuader les chefs d'entreprise de recourir, souvent de façon systématique, aux pratiques discriminatoires pour appartenance ou activité syndicale. De telles pratiques pèsent très fortement dans les entreprises à la fois sur la syndicalisation du personnel salarié et sur l'engagement des individus dans les organismes statutaires.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser M. François Fillon, retenu ce matin, qui m'a demandé de vous apporter les précisions suivantes.

Vous appelez l'attention sur un retard dans la transposition des dispositions prises à l'échelon international, en ce qui concerne les discriminations syndicales dans les entreprises. Nous sommes, comme vous, attachés à la garantie des droits liés à l'exercice du droit syndical. Je rappelle que les dispositions du droit international garantissant l'exercice du droit syndical ont été transposées en droit français, qu'il s'agisse de la convention de l'Organisation internationale du travail n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, ou de la convention n° 98 sur le droit d'organisation et de négociation collective qui prévoit une protection des salariés notamment contre le refus d'embauche et contre le licenciement en raison de leur affiliation syndicale ou de leur participation à des activités syndicales.

La France s'est également engagée à garantir, dans le cadre de la Charte sociale européenne du Conseil de l'Europe, la liberté pour les travailleurs de constituer des organisations syndicales locales, nationales ou internationales, pour la protection de leurs intérêts.

Le code du travail prévoit, par conséquent, les dispositions protectrices nécessaires et sanctionne les discriminations en raison de l'exercice d'une activité syndicale ainsi que les entraves à l'exercice du droit syndical.

Je donnerai un exemple parmi d'autres : en vertu de l'article L. 122-45, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une formation en entreprise ; aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en raison de ses activités syndicales. Le cinquième alinéa de cet article précise que « toute disposition ou tout acte contraire à l'égard d'un salarié est nul de plein droit », ce qui signifie que la mesure défavorable au salarié du fait de son activité syndicale devra demeurer sans effet.

La jurisprudence de la Cour de cassation va dans le même sens en accordant au salarié des dommages et intérêts, mais aussi une réintégration dans tous ses droits. La jurisprudence a également admis une répartition de la charge de la preuve plus favorable au salarié.

J'ajoute que le respect de l'application de ces règles dans l'entreprise est la mission première des inspecteurs et contrôleurs du travail, qui relèvent les infractions à l'exercice du droit syndical.

Au vu de ces éléments, vous comprendrez, monsieur le sénateur, que je considère comme suffisant notre arsenal juridique. En revanche, il me paraît fondamental d'inciter l'ensemble des partenaires sociaux à développer à tous les niveaux une culture de la négociation et du dialogue social : tel est le véritable enjeu.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse, que j'ai écoutée avec attention.

Quand vous dites souhaiter que la culture de négociation progresse avec les organisations syndicales et les employeurs, nous sommes parfaitement d'accord. Mais, pour négocier, pour discuter de sujets difficiles, il faut être au moins deux. Or vous reconnaîtrez qu'il manque souvent l'un des deux partenaires, à savoir l'employeur.

La réalité sociale de ces dernières années montre qu'il a bien fallu, malheureusement, que les organisations syndicales se mobilisent. Or cette mobilisation est toujours difficile car les preuves de la discrimination pour activité syndicale ou pour exercice d'un mandat syndical sont extrêmement difficiles à réunir, et cela exige un travail titanesque, comme disent certains syndicalistes.

Le premier exemple qui me vient à l'esprit est l'action qui a été menée par la CGT à Peugeot-Sochaux. Il a fallu des années de travail pour apporter la preuve de la discrimination envers des dizaines et des dizaines de salariés, qu'ils soient militants syndicaux détenant un mandat ou simplement syndicalistes affiliés à une organisation syndicale. C'est seulement au terme de ce travail considérable qu'a pu être établie la preuve et qu'ont pu être rétablis dans leurs droits les salariés. Mais, si ces salariés ont été rétablis dans leurs droits et ont reçu les indemnités dont vous avez parlé, ils n'ont pas été réintégrés au niveau hiérarchique qui aurait dû être le leur s'ils n'avaient pas subi pendant des années et des années une discrimination du fait de leur activité ou de leur appartenance syndicale.

Par conséquent, à votre propos qui se veut rassurant, je me vois contraint de répondre que, malheureusement, notre droit est insuffisant. C'est mon sentiment, mais il est corroboré par les nombreux contentieux qui subsistent et dans lesquels les salariés sont victimes de ces discriminations.

AVENIR DES SERVICES DE SANTÉ

DU DÉPARTEMENT DE L'AUDE

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 199, adressée à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

M. Roland Courteau. Depuis quelque temps, l'inquiétude monte et la colère gronde s'agissant de l'avenir des services de santé dans le département de l'Aude. Population, organisations syndicales, comités de défense, élus de toutes sensiblités sont mobilisés. C'est dire si l'inquiétude est grande. C'est dire aussi combien est forte la détermination de tout un département pour le maintien et le renforcement de l'offre de soins.

Avec les députés audois et le président du conseil général, mon collègue Raymond Courrière et moi avons, à plusieurs reprises, fait part des différents points qui suscitent notre inquiétude.

Cette inquiétude porte particulièrement, je vous le rappelle, sur les moyens des hôpitaux de Carcassonne et de Narbonne, sur les menaces qui pèsent sur le service de réanimation de ce dernier établissement, sur la suppression de l'hélicoptère sanitaire basé dans l'Aude, à Carcassonne et à Narbonne, mais également sur les services de soins de proximité de l'hôpital de Lézignan ou encore sur les incertitudes qui découlent de la réorganisation programmée des SMUR, les services mobiles d'urgence et de réanimation, de Quillan et de Castelnaudary.

Sur ce tout dernier point, il nous a été indiqué par courrier que l'ARH, l'agence régionale de l'hospitalisation, cherchait à maintenir l'organisation actuelle des SMUR de Quillan et de Castelnaudary, avec une ouverture vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Fort bien ! Mais, pour être totalement rassurés, nous attendons que l'on nous confirme que de nouveaux moyens nous seront accordés.

Le même problème de moyens se pose pour le service de réanimation du centre hospitalier de Narbonne, sur lequel planent des menaces dont on peut redouter les conséquences sur le service des urgences, la maternité de niveau I et l'unité de soins intensifs en cardiologie. Il est évident que toute remise en cause du service de réanimation rendrait à terme impossible la prise en charge des malades lourds.

Et pourtant, la situation de Narbonne, ville située à un carrefour routier et autoroutier au trafic dense, représentant un bassin de santé de 140 000 habitants, voire de 300 000 en saison estivale, justifie l'existence d'un lieu de soins moderne et performant.

Je précise en outre que l'IGS, l'indice de gravité simplifiée, montre que le service de réanimation traite des patients graves. Cet indice est en effet de 40,4 pour ce service alors que l'indice retenu par le projet de décret est 31,5.

Sur ce dernier point, comme sur le projet d'établissement ou sur le grave problème de la suppression de l'hélicoptère sanitaire actuellement basé dans l'Aude, vous avez fait part au maire de Narbonne d'un certain nombre d'évolutions favorables. Très sincèrement, Raymond Courrière et moi-même nous en réjouissons.

En effet, le remplacement de l'hélicoptère par un autre qui aurait été basé à Perpignan ou à Montpellier aurait multiplié par deux les délais d'intervention et rendu aléatoire la disponibilité de l'appareil sur une zone considérablement plus peuplée.

Toutefois, après les assurances données quant au maintien et au bon fonctionnement des services de santé dans le département de l'Aude, il importe que la concrétisation des engagements pris s'effectue rapidement.

M. Raymond Courrière. Tout à fait !

M. Roland Courteau. En d'autres termes, élus, organisations syndicales, personnels doivent être rassurés dans les meilleurs délais quant aux moyens dont disposera l'agence régionale de l'hospitalisation pour l'ensemble des dossiers que je viens d'évoquer, ainsi que pour le service de réanimation de l'hôpital de Narbonne, qui, je le rappelle, doit pouvoir se mettre aux normes pour assurer sa pérennité.

De la même manière, nous attendons des informations sur les modalités du maintien d'un hélicoptère biturbine basé dans le département de l'Aude. Un appel d'offres régional devrait être organisé par l'ARH avec du personnel qualifié, en partenariat avec le SDIS, le service départemental d'incendie et de secours.

Voilà, madame la ministre, ce que je voulais vous dire en ce jour. J'espère que votre réponse nous donnera satisfaction.

M. Raymond Courrière. Et nous rassurera !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l'attention de Jean-François Mattei sur les services de santé de l'Aude.

M. le ministre tient à vous préciser que la situation lui était parfaitement connue. M. Jacques Blanc n'avait pas manqué de relayer auprès de lui les préoccupations de MM. Raymond Chesa et Michel Moynier, maires de Carcassonne et de Narbonne. M. Mattei avait d'ailleurs rencontré ce dernier à ce sujet.

M. Raymond Courrière. Et les élus du département sont court-circuités ! C'est ça, la démocratie !

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. J'en arrive à votre question, monsieur le sénateur, qui appelle plusieurs précisions.

Tout d'abord, un schéma régional d'organisation des services mobiles d'urgence et de réanimation de la région Languedoc-Roussillon est actuellement en cours de concertation. Ce projet a été élaboré à partir des propositions des professionnels concernés.

Il convient ensuite de préciser que le département de l'Aude dispose d'une excellente couverture des SMUR avec quatre points de départ : Carcassonne, Narbonne, Castelnaudary et Quillan. Il s'agit de la couverture territoriale la plus dense de la région Languedoc-Roussillon, et le schéma proposé par l'agence régionale de l'hospitalisation ne remet en cause aucune structure de prise en charge des urgences.

S'agissant des transports héliportés, il convient d'en harmoniser le fonctionnement à l'échelon régional. Le schéma des SMUR propose de porter le nombre de machines aux normes et disponibles en permanence à trois pour la région : à Montpellier, à Nîmes et à Perpignan. Il vise donc à améliorer la couverture territoriale de la région Languedoc-Roussillon sans nuire à la prise en charge des Audois. L'éventualité d'un quatrième hélicoptère basé dans le département de l'Aude durant les mois d'été est également à l'étude.

Enfin, s'agissant des services de réanimation des établissements de la région Languedoc-Roussillon, un schéma régional d'organisation sanitaire de réanimation va être élaboré à partir de propositions de professionnels concernés. Les premiers résultats du groupe de travail seront connus à la fin du mois d'octobre prochain. Ce schéma visera la mise en place d'un réseau de soins adaptés. Ainsi, la création d'une fédération médicale inter-hospitalière entre les centres hospitaliers de Narbonne et de Béziers pourrait faciliter l'organisation de cette activité sur les deux sites.

Vous voyez donc, monsieur le sénateur, qu'aucun service de santé du département de l'Aude n'est remis en cause.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Madame la ministre, je voudrais tout de même vous faire remarquer que mon collègue Raymond Courrière et moi-même avons saisi à plusieurs reprises M. le ministre de la santé par courrier et par fax. Cela méritait, je crois, que vous le souligniez dans votre réponse. Or, vous ne l'avez pas fait.

J'avoue par ailleurs que j'attendais davantage du ministre de la santé, que vous représentez. Il est en possession de ma question

depuis trois semaines ; plusieurs courriers émanant tant du président du conseil général que des sénateurs et des députés audois lui ont été adressés depuis la mi-février. Or, aujourd'hui, il ne nous apporte aucun élément nouveau par rapport au courrier qu'il nous avait envoyé le 11 mars dernier. C'est exactement la même copie qu'il réédite.

Vous nous dites, madame, que, depuis, M. le ministre de la santé a rencontré le maire de Narbonne, qu'il a eu des contacts avec M. Jacques Blanc, et qu'il a annoncé un certain nombre d'avancées, dont la presse s'est fait largement l'écho.

Aujourd'hui, plus d'une semaine après, je ne trouve aucune traduction de ces évolutions favorables dans la réponse de M. le ministre de la santé. Le Gouvernement répond comme si rien ne s'était passé le 17 mars !

M. Raymond Courrière. Eh oui !

M. Roland Courteau. S'agit-il d'un dysfonctionnement au niveau du ministère ? J'ose espérer que ce ne sont pas les prémices d'un retour en arrière par rapport à ces avancées annoncées, ce qui serait particulièrement grave.

Quoi qu'il en soit, en cet instant, nous sommes dans le flou le plus total.

Aujourd'hui, mon propos n'était pas d'obtenir la confirmation des évolutions favorables annoncées par M. le ministre, car nous les considérions comme acquises. Je voulais, comme mes collègues élus de l'Aude, tout simplement obtenir des précisions sur les moyens nouveaux accordés ainsi que sur la concrétisation des engagements pris.

Mais voilà, nous n'avons aucune réponse et le dossier se retrouve au point de départ ! Madame la ministre, tout cela est très grave. La mobilisation des habitants du département de l'Aude ne va que s'accroître. Une manifestation est d'ailleurs prévue le 5 avril et une pétition, qui recueille déjà plus de 30 000 signatures, circule actuellement.

M. Raymond Courrière. Très bien !

M. Roland Courteau. Nous allons poursuivre notre action en ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

RÉGLEMENTATION RELATIVE À LA SÉCURITÉ

DES ÉTABLISSEMENTS RECEVANT DU PUBLIC

M. le président. La parole est à M. François Autain, auteur de la question n° 155, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. François Autain. J'ai souhaité appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les difficultés rencontrées par les maires pour garantir la sécurité dans les établissements recevant du public, les ERP. Celle-ci est réglementée par le code de la construction et de l'habitation, qui confie au maire le soin de prendre ou non la décision d'ouverture ou de fermeture de ces établissements, après avis de la commission de sécurité. Le maire est libre de sa décision et peut, malgré un avis défavorable de la commission, décider l'ouverture d'un nouvel ERP ou maintenir l'ouverture d'un ERP existant. Ce faisant, il engage naturellement sa responsabilité personnelle en cas de dommage.

S'agissant des ERP appartenant à la commune, cela se conçoit parfaitement alors que, pour les autres, cela me semble contestable. En effet, dans ce cas, le maire ne dispose ni de la compétence requise de mise en oeuvre des mesures légales de sécurité ni de celle du contrôle de l'application de ces mesures, même s'il est membre de la commission compétente.

De tels cas de figure tendent à se multiplier, qu'il s'agisse par exemple des écoles, des crèches ou encore des maisons d'accueil pour personnes âgées ou handicapées. En cas d'avis défavorable de la commission, la raison voudrait qu'une décision de fermeture soit prise. Je vous laisse imaginer, monsieur le ministre, la gravité des conséquences que pourrait entraîner une telle décision.

Malgré cela, pour bien marquer son refus d'assumer des responsabilités qu'il n'a pas les moyens d'exercer, le maire de la commune dont je suis l'élu a fait voter une délibération visant à se conformer strictement et systématiquement aux avis de la commission de sécurité qui concernent les ERP non communaux. Il a en outre invité tous les maires de la communauté urbaine de Nantes à l'imiter. Ainsi, en cas d'avis défavorable de la commission, il prendra des arrêtés de refus d'ouverture de nouveaux ERP ou de fermeture d'ERP existants, et cela quelle que soit la nature des établissements concernés.

Personne, me semble-t-il, n'a intérêt à voir cette situation malsaine perdurer. C'est pourquoi j'aimerais savoir, monsieur le ministre, quelles mesures sont envisagées pour mettre fin à cette situation, dont les maires peuvent subir les conséquences pénalement. Il y a urgence à trouver une solution.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le sénateur, au-delà de la question technique, simple et définitive, voilà une vraie question morale, une vraie question de responsabilité !

Quelle est la situation actuelle ?

Très souvent, les commissions de sécurité, agissant d'une façon extrêmement tatillonne, souhaitent couvrir leur responsabilité en relevant tout ce qui est en dehors de la pure perfection.

Cela a parfois pour conséquence d'entraîner des dépenses considérables pour les collectivités ou pour ceux qui sont en charge des établissements recevant du public ; se pose alors la question de la responsabilité du maire.

L'attitude du maire que vous soutenez n'est pas critiquable ; au contraire, c'est une manière de prendre ses responsabilités et de renvoyer les commissions de sécurité à une plus juste appréciation des conséquences de leurs rapports. Je ne vois donc pas ce que l'on pourrait changer à la règle actuellement en vigueur.

Bien sûr, quand les maires décident de ne pas appliquer la loi, ils engagent leur responsabilité personnelle. Si l'on en venait à les dégager de cette responsabilité à chaque fois qu'ils considèrent, en fonction des circonstances, qu'il y a lieu de passer outre l'avis de la commission de sécurité, le système n'aurait plus de sens, la commission de sécurité ne servirait plus à rien.

A l'inverse, si les maires respectent scrupuleusement les avis de la commission de sécurité, on arrivera très rapidement à une situation de blocage.

Dans ces conditions, la véritable solution réside peut-être dans une responsabilisation des commissions de sécurité.

Les maires ont eu beaucoup de courage d'aller jusqu'à engager éventuellement leur responsabilité pénale dans ce type de situation. A un moment donné, il faut qu'ils responsabilisent les acteurs, qui sont si prompts à ouvrir le parapluie pour se mettre à l'abri de tout reproche. C'est peut-être un moyen de faire évoluer le système et, au-delà, d'aller vers une réglementation moins changeante.

En effet, la réglementation change trop souvent, tout en étant de plus en plus contraignante, de plus en plus coûteuse et, finalement, de plus en plus déresponsabilisante.

M. le président. La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Votre réponse ne m'a pas entièrement satisfait, monsieur le ministre, mais je suis tout de même très heureux de constater que vous soutenez la décision qui a été prise par le maire de la commune dont je suis le conseiller municipal. Je lui ferai part, bien entendu, de votre réponse et je pense qu'elle sera très heureuse d'apprendre que le ministre délégué aux libertés locales la soutient dans son action.

AIDES À LA CONSTRUCTION DE GENDARMERIES

PAR LES COLLECTIVITÉS LOCALES

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, auteur de la question n° 177, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Jean-Claude Peyronnet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, mais je suis sûr que M. Devedjian saura y répondre.

Au demeurant, je ne suis pas extrêmement pressé puisque je fais référence à une déclaration du ministre de l'intérieur en date du 30 juillet 2002 et que j'ai déjà interrogé ce dernier sur le même sujet le 3 décembre 2002. Il n'y a donc pas urgence ! (Sourires.)

Il reste que nombre de nos maires souhaiteraient obtenir certains éclaircissements sur les conditions entourant la construction de gendarmeries.

Lors du débat qui a précédé le vote de la loi d'orientation sur la sécurité intérieure, le ministre de l'intérieur avait indiqué au Sénat que les collectivités qui choisiraient d'exercer la maîtrise d'ouvrage de leurs gendarmeries - ou de leurs commissariats de police - pourraient bénéficier de deux avantages, le premier étant le remboursement de la TVA et le deuxième, la participation de l'Etat à la construction, selon des modalités plus avantageuses. Le ministre de l'intérieur précisait que la situation serait plus favorable dans la mesure où, le décret de 1999, et non celui de 1993, s'appliquant, les subventions seraient plus élevées.

Depuis, l'enthousiasme qui s'était manifesté par de vifs applaudissements sur les travées que vous imaginez est probablement un peu retombé. En effet, les choses ne sont pas aussi claires que cela.

Il semble que l'on ait introduit un troisième élément qui n'avait pas été évoqué alors : celui des loyers. La question est donc de savoir si l'on peut cumuler la subvention majorée, la récupération de la TVA et le loyer payé par les gendarmes ou si l'on doit se limiter au loyer et à la subvention, comme c'est le cas actuellement, ou à la récupération de la TVA et à la subvention. Si tel est le cas, je ne vois pas en quoi la situation est plus favorable.

Ma question peut donc se formuler ainsi : est-ce fromage et dessert ou dessert sans fromage ou fromage sans dessert ? (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le sénateur, la question est un peu aussi celle du beurre, de l'argent du beurre et du reste ! (Nouveaux sourires.)

Quelle est, en droit, la situation actuelle ?

Les collectivités territoriales qui souhaitent assurer la maîtrise d'ouvrage d'une caserne de gendarmerie peuvent, tout d'abord, opter pour une construction subventionnée à 18 % ou 20 %, moyennant un loyer plafonné à 6 %, conformément aux dispositions du décret et de la circulaire du Premier ministre du 28 janvier 1993.

Elles peuvent également choisir le dispositif prévu par la loi du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, qui insère un avant-dernier alinéa à l'article L. 1615-7 du code général des collectivités territoriales prévoyant que « constituent également des opérations ouvrant droit à une attribution du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée les constructions mises en chantier acquises à l'état neuf ou ayant fait l'objet d'une rénovation,(...) pour lesquelles les travaux ont reçu un commencement d'exécution au plus tard le 31 décembre 2007 et qui sont mises à la disposition de l'Etat à titre gratuit ».

L'article L. 1311-4-1 du code général des collectivités territoriales, créé par la même loi, dispose : « Une convention entre l'Etat et la collectivité ou l'établissement propriétaire précise notamment les engagements financiers des parties. (...) Elle fixe également la durée et les modalités de la mise à disposition des constructions. »

Lors de la discussion de la LOPSI, votre collègue M. Jean-Patrick Courtois a rappelé, dans son rapport fait au nom de la commission des lois, que le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales avait déclaré devant ladite commission que « ces nouvelles dispositions ouvrant droit au FCTVA pourraient être cumulées avec les subventions actuellement accordées aux collectivités qui réalisent des opérations au bénéfice de la gendarmerie nationale ».

Dans ces conditions, même si les termes de la loi vous paraissent - peut-être à juste titre - un peu flous, ne définissant pas précisément le montant de ces aides, la participation de l'Etat ne peut être supérieure à celui qui a été fixé par les textes de 1993.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Le beurre et l'argent du beurre, le sourire de M. Sarkozy ou le vôtre, tout cela est très bien, mais la question n'est pas là.

M. le ministre de l'intérieur s'est sans doute laissé emporter en évoquant une « situation plus favorable » car ce n'est pas le cas. Certes, une possibilité nouvelle est offerte aux communes mais, au regard de l'aide qui peut leur être apportée, la situation est la même.

Dès lors, je crois que l'on peut mettre cette annonce de M. Sarkozy au compte de celles qui ne sont pas suivies d'effets et, par conséquent, des « effets d'annonce ».

CONDITIONS D'APPLICATION DE LA LOI N° 2001-44

DU 17 JANVIER 2001 SUR L'ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE

M. le président. La parole est à M. Michel Doublet, auteur de la question n° 174, adressée à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Michel Doublet. Les dispositions de la loi du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive imposent la réalisation de fouilles pour les opérations d'aménagement, de construction d'ouvrages ou de travaux susceptibles d'affecter le patrimoine archéologique.

Il ne s'agit ici en aucune façon de remettre en cause les objectifs fort louables du texte en matière de préservation du patrimoine. Il n'en demeure pas moins qu'il résulte des obligations ainsi créées un alourdissement des formalités administratives, des retards dans les travaux et une augmentation du coût des investissements.

Une enquête réalisée auprès des maires de Charente-Maritime corrobore parfaitement ce constat, et je voudrais, me faisant le relais des élus, évoquer quelques cas concrets qui mettent parfaitement en relief leur vécu sur le terrain.

Une commune rurale de mon département, qui devait réaliser la deuxième tranche d'une zone artisanale, a signé, conformément aux textes, une convention avec l'INRAP, l'Institut national de recherches archéologiques et préventives pour le diagnostic archéologique, ce qui a eu pour conséquences le blocage des zones concernées - retard de six mois - et des moins-values au budget 2002 de la commune. Alors que l'INRAP a été créé dans le courant de l'année 2002, on demande à la commune de régler la redevance sur son budget de 2002. Celui-ci étant voté au début de l'année, elle ne pouvait que difficilement prévoir les crédits nécessaires à ces opérations effectuées en fin d'année !

Une autre commune rurale avait un projet de lotissement, et seize parcelles avaient trouvé preneur. Or, compte tenu des lenteurs administratives, 25 % des acheteurs potentiels ont abandonné. Par ailleurs, il faut répercuter le coût des fouilles. Or les prix du marché étaient garantis quatre-vingt-dix jours ; ils devront être actualisés.

Je terminerai cette énumération, non exhaustive, par le cas d'une commune ayant un projet de deux lotissements. Le 14 août 2002, le préfet de région a transmis à la commune l'arrêté et la convention d'intervention avec l'INRAP, laquelle est toujours en attente. Les archéologues devaient intervenir au début de 2003. A sa demande, le maire a reçu le responsable départemental de l'archéologie, qui lui a montré une « vague photo aérienne », désignant un site éventuel à 500 mètres du lieu d'implantation du projet, sans aucune explication. Cette procédure est jugée déplorable par le maire. Celui-ci estime qu'il serait souhaitable que les élus soient informés en amont de tout projet dans les zones communales sensibles.

Voilà, monsieur le ministre, la réalité du terrain.

Cette situation ne saurait perdurer, d'autant que l'INRAP, chargé de réaliser le diagnostic-fouille, ainsi que d'arrêter et de percevoir la redevance, est, à ce jour, dans l'incapacité de faire face à ses missions, faute de dotation budgétaire pour 2003.

Un tel blocage administratif paralyse l'action des collectivités locales, tant dans sa procédure que du point de vue de l'incidence économique auprès des entreprises et des particuliers, qui attendent l'accord de l'INRAP pour engager leur action propre.

Monsieur le ministre, quelles mesures entendez-vous mettre en oeuvre pour remédier à cette situation particulièrement préjudiciable ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, l'archéologie préventive est, vous le savez, un élément fondamental de notre politique en faveur du patrimoine : elle permet de mieux connaître notre histoire et l'histoire naturelle de nos terroirs. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'INRAP est placé sous la double tutelle du ministère de la culture et du ministère en charge de la recherche.

Conformément à la convention de Malte, signée par la France en 1994, la loi du 17 janvier 2001 a donné à cette activité le fondement juridique dont elle était jusque-là dépourvue.

Cependant, dès son entrée en vigueur, en février 2002, cette loi a soulevé une série de critiques. Celles-ci portent notamment sur la difficulté du dialogue entre un Etat qui prescrit, un INRAP qui exécute et des aménageurs qui payent. Elles portent également sur la complexité du mode de calcul de la redevance payée par les aménageurs, son montant étant jugé trop élevé par certains, particulièrement lorsqu'il s'agit de petites communes rurales.

C'est dans ces conditions que le Parlement a voté, en décembre dernier, une réduction de 25 % de la redevance, alors même que la surestimation du rendement de cette redevance avait placé l'INRAP, dès la fin de l'année 2002, dans une situation budgétaire très difficile.

Nous sommes dans une impasse, et il faut en sortir.

Pour cette raison, le Gouvernement présentera au Parlement, avant l'été, un texte modifiant certains aspects de la loi du 17 janvier 2001.

Naturellement, le nouveau dispositif réaffirmera l'attachement du Gouvernement à l'archéologie préventive et à sa place dans le domaine de la recherche.

Les modifications porteront bien entendu, sous réserve de leur approbation par le Parlement, sur trois points.

Il s'agit tout d'abord de l'instauration d'une concertation accrue entre l'Etat, l'INRAP et les aménageurs, en ce qui concerne tant le coût des opérations que les délais. Vous avez très justement, monsieur le sénateur, mis en évidence le caractère pernicieux de la situation, compte tenu des délais successifs qu'impliquent la prescription, les sondages, puis les travaux.

Il s'agit ensuite de l'atténuation, voire de la suppression du monopole de l'INRAP pour la réalisation des travaux.

Il s'agit enfin de la réforme du financement de l'archéologie préventive. Celle-ci continuera d'être financée essentiellement par les travaux d'aménagement mais un dispositif de mutualisation, permettant d'alléger le poids financier de ces travaux, sera mis en place.

Deux hypothèses sont actuellement à l'étude.

Selon la première, le monopole public serait conservé, mais avec une large ouverture aux services archéologiques agréés des collectivités territoriales. Un certain nombre de départements disposant de services archéologiques ne demandent qu'à les développer. Une forte mutualisation permettrait, dans cette hypothèse, une diminution sensible du coût des fouilles pour chacun des opérateurs.

Dans la seconde hypothèse, l'INRAP ne garderait que le monopole de la recherche et de la réalisation des diagnostics. Les fouilles, en revanche, pourraient être réalisées non seulement par l'INRAP et par les services archéologiques des collectivités locales mais aussi par des entreprises privées. Le choix de l'opérateur se ferait après une mise en concurrence sur la base d'un cahier des charges défini par l'Etat. Cette mise en concurrence concernerait tant le coût de l'opération que les délais de sa mise en oeuvre. Un fonds de péréquation permettrait de subventionner les aménageurs impécunieux ; je pense, là encore, aux petites communes.

Le choix entre ces hypothèses sera arrêté à l'issue de la concertation actuellement en cours. Il s'agit en effet, avant de saisir le Parlement, de s'assurer que toutes les parties intéressées ont été consultées. Cela devrait permettre de se prémunir contre les déboires qu'a suscités la loi du 17 janvier 2001.

Cependant, sans attendre l'entrée en vigueur effective de ces dispositions, j'ai demandé aux préfets d'encadrer l'activité de prescription de l'Etat.

Par ailleurs, des mesures d'urgence ont été prises pour permettre à l'INRAP de poursuivre ses activités en attendant qu'un budget équilibré puisse être établi. Cet institut fonctionne depuis le 1er janvier 2003 sur la base de crédits mensuels, les douzièmes provisoires. La situation, de toute évidence, n'est pas indéfiniment tenable. Aucun recrutement nouveau ne peut intervenir dans ce contexte, mais aucun contrat de travail n'a été interrompu avant son terme.

Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments que je suis susceptible de porter à ce jour à votre connaissance. Je compte naturellement beaucoup sur la mobilisation de la représentation nationale au moment où nous serons en mesure de lui proposer le texte modifiant les dispositions de la loi du 17 janvier 2001.

M. le président. La parole est à M. Michel Doublet.

M. Michel Doublet. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces informations. Les mesures que vous avez évoquées et qui devraient être prochainement soumises au Parlement vont tout à fait dans le bon sens.

Puisque vous avez fait appel à la mobilisation des parlementaires, sachez que vous pouvez compter sur la mienne. C'est en effet un dossier qui me tient particulièrement à coeur car, en tant que président de l'association des maires de mon département, je mesure quotidiennement combien ce problème leur cause de préoccupations. Je pense que votre réponse va d'ores et déjà les rassurer.

DÉLOCALISATION DU CENTRE NATIONAL

DE DOCUMENTATION PÉDAGOGIQUE

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, auteur de la question n° 189, adressée à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

Mme Hélène Luc. Le 5 décembre 2002, le ministre de l'éducation nationale annonçait la délocalisation du Centre national de documentation pédagogique, le CNDP, à Chasseneuil-du-Poitou, près du Futuroscope.

Cette décision est des plus préoccupantes, car elle intervient dans la précipitation, sans étude préalable approfondie et sans qu'ait été engagée une véritable concertation sur ses conséquences prévisibles sur le plan fonctionnel, sur le plan social ou sur le plan financier.

En effet, le regroupement des neuf sites du CNDP en région parisienne est justifié en ce qu'il les place au plus près des centres de décision de l'éducation nationale et leur permet d'interagir au mieux avec eux.

La mise en place d'un large réseau déconcentré de 128 centres régionaux, départementaux et locaux ont fait du CNDP une véritable structure de proximité, au contact constant de tous les acteurs de ce secteur : élèves, étudiants, parents, chefs d'établissement, documentalistes, conseillers d'orientation, psychologues.

Cet équilibre entre les échelons national, régional et local se trouverait gravement atteint si la délocalisation devenait effective.

J'ajoute que le CNDP a d'autres partenaires publics, tels l'INA, ou l'Institut national de l'audiovisuel, la Ligue de l'enseignement, le ministère de l'éducation nationale - cela va de soi -, France 5, France 3, le ministère de la culture et la Cité des sciences et de l'industrie.

Le CNDP a été fondé en 1879. Depuis Jules Ferry et Ferdinand Buisson, cet établissement est au service des politiques éducatives nationales. Il ouvre l'école sur la vie, il fait le lien entre les savoirs les plus complexes et les élèves les plus défavorisés en utilisant les supports les plus modernes de transmission de la connaissance, et ce tout en préservant son indépendance par rapport aux logiques marchandes.

Comment peut-on laisser croire aux personnels, qui sont attachés à leur mission, que, délocalisé, cet établissement serait plus fort ?

Ces personnels, je les connais depuis bien longtemps pour avoir beaucoup travaillé avec eux en tant que vice-présidente du conseil général du Val-de-Marne et en tant que sénatrice.

Cette délocalisation serait grave parce que c'est le service public qui se trouverait écartelé, parce que la garantie de la qualité et de l'objectivité des services rendus par les personnels - qui n'iraient pas tous en Poitou-Charentes - ne serait plus assurée, ce qui provoquerait une perte de cohérence de l'ensemble de leurs productions, qui sont si appréciées.

Les productions les plus rentables financièrement seraient choisies et elles ne couvriraient plus tout le champ du service public.

Il est évident que la région Poitou-Charentes a grand besoin de services publics de proximité - ce n'est pas moi qui le nierais - à côté du Futuroscope et du CNED. C'est d'ailleurs ce que nous affirmons, avec mes amis Paul Fronteil et Nicole Borvo. Mais ce n'est pas en cassant ce qui existe à Paris que vous renforcerez les services rendus aux enseignants et aux élèves.

Plus que jamais, avec la somme de connaissances qui s'accroît chaque jour, avec le développement de l'informatique, avec des élèves qui changent, le CNDP est indispensable.

Vous avez pris des mesures que vous avez imposées autoritairement, de manière bureaucratique. Une telle attitude s'accorde mal avec le désir de décentralisation qu'affiche le Premier ministre.

De plus, le CNDP est devenu, avec le réseau SCEREN - services culture éditions ressources pour l'éducation nationale -, un des plus importants éditeurs de ce secteur.

Sur le plan social, la délocalisation entraînerait plus de 150 pertes d'emplois. Aujourd'hui déjà, les postes budgétaires sont en baisse alors que l'activité du CNDP est en constante augmentation. Au final, Chasseneuil-du-Poitou accueillerait un CNDP affaibli par un plan de restructuration néfaste. Sur 540 personnes, seules 256 sont titulaires. Le seul objectif, c'est de faire des économies !

Monsieur le ministre, je pense aux familles qui seront touchées par cette décision et aux conséquences que cela entraînera : éloignement, éclatement de la cellule familiale, difficultés pour trouver un logement, un travail, pour reconstruire une vie nouvelle.

Je sais à quel point la stabilité familiale est importante tant pour les parents que pour les enfants. Aussi, je m'étonne de la justification avancée par le Gouvernement, pour qui la délocalisation devrait être envisagée de manière positive par les personnels au motif que cette région assure « la bonne santé et la tonicité », selon les termes mêmes de M. le Premier ministre. Voilà une formule bien légère pour un problème réel, une formule qui est loin de satisfaire et de convaincre les personnes qui seront directement touchées par vos mesures.

C'est d'ailleurs pour cette raison que les personnels sont soutenus par un si grand nombre d'élus de différentes obédiences politiques.

Enfin, sur le plan financier, la présence du CNDP en Ile-de-France représente un coût moins important que les millions d'euros nécessaires à l'achat d'un parc immobilier à Chasseneuil-du-Poitou.

Je déplore que vous envisagiez, monsieur le ministre, une opération d'une telle ampleur, alors même que 4 millions d'euros ont été supprimés ou gelés sur le budget de l'éducation nationale.

Pourquoi ne pas utiliser les crédits pour renforcer le centre régional de documentation pédagogique, ou CRDP, de Poitou-Charentes ? Avez-vous réfléchi à l'expérience du départ de l'ENA pour Strasbourg, qui coûte plus cher que prévu puisqu'il a fallu réinstaller une antenne à Paris ?

Compte tenu de toutes ces considérations, il est urgent, monsieur le ministre, d'engager une véritable concertation et d'être à l'écoute de toutes les parties concernées par le devenir du CNDP.

Je vous demande donc d'organiser une table ronde, de suspendre cette décision suicidaire de délocalisation. L'avenir des missions pédagogiques essentielles au bon fonctionnement de l'éducation nationale et celui des salariés de cet établissement en dépendent.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Madame la sénatrice, la question que vous soulevez n'est pas nouvelle et nous en avons déjà souvent parlé.

Je voudrais revenir, en sachant raison garder, sur cette affaire que vous décrivez, à tort, de manière apocalyptique.

D'abord, il est inexact de dire que cette décision est d'une totale brutalité et qu'elle n'a été précédée par rien, puisque, bien au contraire, comme vous le savez, délocaliser le CNDP, c'est s'inscrire dans une chaîne de décisions, prises par des gouvernements précédents,...

Mme Hélène Luc. Décisions qui n'ont jamais été appliquées.

M. Xavier Darcos, ministre délégué. ... décisions qui ont permis d'installer près du Futuroscope la direction générale du Centre national d'enseignement à distance qui, bien que délocalisé, continue à rendre les services publics que l'on sait - cette décision fut prise par Mme Edith Cresson - ainsi que l'Ecole de formation des cadres de l'éducation nationale - cette opération a été réalisée sous le gouvernement Balladur, et j'étais alors directeur de cabinet du ministre chargé de cette question -, avant de créer sur le site, dans le cadre du contrat de plan signé par le gouvernement de Lionel Jospin, un pôle national des industries de la connaissance. Je précise que cette décision avait été en quelque sorte préparée par le plan Universités 2000 de Lionel Jospin.

Prétendre qu'il s'agit là d'une nouvelle stupéfiante est donc sans doute excessif.

Je considère, tout à l'inverse de vous, que, pour le service public - je parlerai ensuite des personnels pour qui la situation est plus délicate, je le reconnais -, la délocalisation est une chance.

C'est une chance pour l'établissement concerné : c'est une manière de le redynamiser, de coordonner ses actions, de mettre en cohérence sur un même site, dans les mêmes lieux, des établissements qui sont aujourd'hui dispersés et de les implanter dans un lieu unique.

C'est une chance aussi parce que l'implantation actuelle du CNDP est plutôt baroque et inadaptée. Le CNDP est installé dans une dizaine de bâtiments, et, si nous sommes propriétaires de certains, d'autres sont loués. Bref, tout cela n'est pas très cohérent.

Si le service est écartelé, comme vous sembliez le dire tout à l'heure, c'est bien actuellement. Sur le site du Futuroscope, au contraire, le CNDP disposera d'un bâtiment unique et neuf que nous allons acheter 10 millions d'euros, ce qui nous reviendra beaucoup moins cher qu'aujourd'hui.

Pour ce qui est de votre inquiétude à l'égard des personnels, je la comprends et ne veux pas la sous-estimer. Je comprends en effet que des personnes ayant pris des habitudes de vie à Paris soient embarrassés à l'idée de quitter cette ville pour aller s'installer dans le Poitou, même si, étant moi-même du Sud-Ouest, je confirme que c'est un endroit où l'on peut vivre très agréablement.

Je souhaite donc que les personnels ne soient affectés au CNDP qu'après une concertation, et qu'il n'y ait pas de décision brutale. Et si vous voulez que nous organisions une table ronde pour parler de ces questions avec eux, nous le ferons évidemment. Nous le devons à nos fonctionnaires, qui n'ont pas démérité.

La délocalisation du CNDP n'est pas une mesure d'ostracisme ou une punition que nous infligerions à des fonctionnaires ou à un organisme. Nous sommes contents du travail accompli.

Le service public continuera, l'édition continuera, le travail continuera. Simplement, cela se fera dans des conditions nouvelles.

Je le répète, je suis convaincu qu'en agissant ainsi, nous faisons de la bonne gestion, nous nous inscrivons dans une ligne politique qui nous paraît logique.

Nous permettrons au CNDP de continuer son action, qui est efficace et conforme au service public que nous attendons de lui. Bien entendu, nous ferons en sorte que les personnels puissent vivre cette transition dans les meilleures conditions possible.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Je persiste à dire, monsieur le ministre, que l'annonce - pour le moment, il s'agit non pas d'une décision définitive, mais d'une annonce - faite en décembre 2002 a un caractère brusque, d'autant qu'il s'agit là de la troisième tentative et qu'il faut réfléchir aux causes des deux précédents échecs.

Je vous remercie par ailleurs d'organiser cette table ronde.

Je vous en remercie d'autant plus volontiers que je me souviens de la tentative de délocalisation de l'Ecole vétérinaire de Maisons-Alfort.

M. Xavier Darcos, ministre délégué. Ce n'était pas la même chose !

Mme Hélène Luc. Au début, le ministre concerné ne comprenait pas notre point de vue. Puis, après les discussions, il s'est rendu compte - ce n'était pas évident au départ - de l'intérêt qu'il y avait à maintenir cette école dans la région parisienne. Je vois des ressemblances entre ces deux situations.

Monsieur le ministre, je suppose que vous ne pouvez pas rester insensible à mes arguments. Je les défends avec conviction, car ils sont de qualité et conformes aux intérêts des maîtres et des élèves.

Si vous ne les entendiez pas, vous persisteriez dans votre politique non pas de décentralisation, mais de délocalisation, de démantèlement de l'éducation nationale.

En effet, je vous l'ai dit et je le redis, il est clair qu'à côté de ce Futuroscope et du CNED, il faut un CRDP très fort auquel il faut donner plus de moyens.

Les collèges, je les connais bien puisque je suis membre du conseil d'administration de l'un d'entre eux. Je sais que l'outil documentaire est très utilisé et doit se développer, et qu'il ne faut donc pas remettre en cause l'existence du CNDP.

J'espère que les 540 employés de cet organisme ne feront pas partie des 130 000 membres du personnel de l'éducation nationale dont vous voulez décentraliser les postes pour les mettre à la disposition des régions, des départements et des communes. J'ai manifesté avec eux les 27 février et 18 mars : ils ont conscience du fait que ce transfert casserait le service public de l'éducation nationale.

Je vous demande vraiment de ne pas participer à la démolition de cet établissement qui existe depuis si longtemps et qui joue un très grand rôle dans notre éducation nationale.

LOGEMENTS SOCIAUX EN ZONE RURALE

M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin, auteur de la question n° 183, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

M. Christian Gaudin. Monsieur le ministre, la diminution des crédits relatifs à l'accès au logement social risque de renforcer encore la priorité accordée à la ville et au renouvellement urbain, au détriment des zones rurales.

Jusqu'à présent, dans le département du Maine-et-Loire, l'office public départemental d'HLM intervenait autant en milieu rural qu'en milieu urbain, préservant ainsi l'équilibre entre la ville et la campagne et répondant à la politique toujours privilégiée par le département de complémentarité entre le milieu rural et le milieu urbain. Le logement locatif dans une commune rurale sert son attractivité et reste une composante forte d'aménagement du territoire.

De plus, la construction de logements locatifs reçoit toujours le soutien des maires ruraux, soucieux d'accueillir une nouvelle population qui se fixe durablement, très souvent par l'accession à la propriété, favorisant ainsi le développement économique local.

C'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de m'apporter des précisions susceptibles de rassurer les élus, tant sur la pérennité de crédits alloués au logement social pour l'année en cours que sur leur meilleure répartition territoriale.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le sénateur, construire en milieu rural, comme en milieu urbain, est l'une des principales orientations du Gouvernement en matière de politique du logement, qu'il s'agisse de logements en accession à la propriété ou de logements locatifs sociaux.

C'est pourquoi le budget alloué au ministère en 2003 finance la réalisation de 58 000 logements locatifs sociaux, soit une augmentation de près de 5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2002.

De plus, les opérations programmées d'amélioration de l'habitat, les OPAH, dites « opérations de revitalisation rurale », permettront de développer des logements locatifs privés, notamment dans les centres-bourgs de communes rurales. C'est un « plus » qui est apporté en 2003.

Par ailleurs, la réponse ne doit pas seulement se faire en termes de logements locatifs. L'accession, en particulier l'accession sociale à la propriété, constitue, bien souvent, une vraie réponse aux besoins de logement de nos concitoyens. Elle leur permet, en effet, de réaliser l'un de leurs rêves les plus chers : devenir propriétaire de leur logement.

Et c'est particulièrement vrai en milieu rural où le prix relativement faible du foncier permet bien souvent à une personne de devenir propriétaire de son logement pour une mensualité qui n'est guère supérieure à un loyer d'HLM, par exemple.

Actuellement, je travaille beaucoup avec MM. Francis Mer et Alain Lambert sur les moyens de relancer une vraie politique d'accession sociale à la propriété. C'est un domaine qui a été malheureusement laissé à l'abandon ces dernières années. Qu'il s'agisse du locatif social ou de l'accession à la propriété, il n'existe pas, pour le Gouvernement, de différence entre un logement construit au coeur d'une grande agglomération ou un autre construit dans une commune rurale. Tous deux répondent à un besoin qu'il faut accompagner et satisfaire.

Monsieur le sénateur, je serai très attentif aux crédits qui seront déconcentrés dans le département de Maine-et-Loire, et, si vous ressentez le moindre sentiment d'injustice, je suis évidemment à votre disposition pour y remédier.

M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin.

M. Christian Gaudin. Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette réponse. Je serai bien sûr très attentif au suivi de ce dossier, notamment à la répartition des 58 000 logements que vous avez annoncés entre les zones urbaine et rurale.

Je vous remercie tout particulièrement de l'attention que vous portez à mon département. Vous savez combien nous sommes attachés à l'équilibre entre milieu urbain et milieu rural.

CONTESTATION DE L'ÉTUDE RELATIVE

À LA PLATE-FORME DE TOULOUSE-BLAGNAC

M. le président. La parole est à M. Bertrand Auban, auteur de la question n° 198, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

M. Bertrand Auban. Je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur l'étude présentée en janvier 2003 par l'Etat concernant l'hypothèse de localisation d'un éventuel nouvel aéroport international se substituant à la plate-forme de Toulouse-Blagnac.

Cette étude menée par le bureau d'études d'Aéroports de Paris est très contestable et très contestée. Elle néglige les conséquences qu'entraînerait la mise en place d'une ligne TGV Toulouse-Paris sur le trafic domestique, alors même qu'elles sont importantes partout où les liaisons TGV existent. Elle néglige également l'opportunité de s'appuyer sur les aéroports existants dans les régions Midi-Pyrénées ou Languedoc-Roussillon, alors même que ces aéroports aspirent à se développer.

Cette étude semble par ailleurs avoir été conduite à partir d'un a priori selon lequel une croissance ininterrompue du trafic aérien conduirait inéluctablement à la création d'un nouvel aéroport susceptible d'accueillir 20 millions de passagers puis, dès 2015-2020, le double du trafic de celui de Toulouse-Blagnac aujourd'hui. Elle semble avoir également établi et hiérarchisé ses critères de localisation de façon à conduire inévitablement à un ou deux sites qui auraient été choisis bien en amont.

Cette étude est très contestée par de très nombreux élus de la Haute-Garonne et du Tarn-et-Garonne mais également par les très nombreuses associations de citoyens du nord et nord-est du département dont le cadre de vie serait anéanti et la vie gravement perturbée. Elle est aussi contestée par les milieux socio-professionnels locaux dont l'activité économique principale, la viticulture et l'agriculture de qualité, serait gravement pénalisée par un tel projet. Le projet se situe en effet au coeur d'un vignoble AOC !

Le président du conseil général de la Haute-Garonne a déclaré à juste titre que cette étude était « imparfaite, incomplète, tendancieuse, menée sous le signe d'un excès de zèle, de précipitations inexplicables ». Les conseils généraux de la Haute-Garonne et du Tarn-et-Garonne ont décidé conjointement de faire appel à un expert en matière d'études et de constructions aéroportuaires afin de mieux cerner et approfondir l'intégralité du sujet, ce que n'a pas fait cette étude.

Le 19 février, plus de 1 000 élus représentant 75 communes et plus de 100 000 citoyens sont venus en masse apporter au préfet de la région Midi-Pyrénées les délibérations hostiles à ce projet de toutes les municipalités concernées.

C'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, comme vous avez su le faire pour Chaulnes, de bien vouloir renoncer à toute décision concernant la création d'une seconde ou nouvelle plate-forme aéroportuaire internationale dans la Haute-Garonne.

Je vous demande également d'indiquer quelles mesures vous comptez prendre pour accélérer la desserte directe de Toulouse par TGV en trois heures et six minutes - c'est la dernière grande métropole régionale française à en être dépourvue - et de procéder à une nouvelle étude prenant en compte la desserte ferroviaire, des prévisions plus réalistes d'évolution du trafic aérien, l'ensemble des aéroports existants, la dimension d'aménagement du territoire et le respect de l'environnement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le sénateur, je tiens tout d'abord à préciser que la comparaison avec Chaulnes n'est pas appropriée. En effet, à Chaulnes, la décision était prise, ce qui n'est pas le cas à Toulouse, vous le savez bien.

La plate-forme aérienne régionale de Toulouse-Blagnac, par ses effets sur l'économie, l'environnement et l'aménagement du territoire, représente - personne ne peut le nier - un enjeu de premier plan pour l'agglomération toulousaine et pour l'ensemble de la région.

Du fait de fortes contraintes environnementales, en raison d'une insertion dans un tissu urbain devenu très dense, le développement de cette plate-forme semble obéré à terme, même si la capacité d'accueil ne devrait pas être en cause avant 2020. Nous avons tout de même le temps d'y réfléchir !

Devant l'importance du sujet, l'Etat et les principales collectivités locales ont naturellement engagé une réflexion approfondie afin de rechercher les moyens de doter la région toulousaine d'une desserte qui soit à la hauteur de son dynamisme économique. Cette démarche, qui s'est traduite par une série d'études, n'a écarté a priori aucune option. Si tel n'avait pas été le cas, on nous aurait reproché la réalisation d'une étude partielle et partiale.

L'étude a ainsi analysé huit sites localisés dans un rayon de cinquante kilomètres autour de Toulouse. D'autres études ont examiné, de façon détaillée, les conséquences d'une offre ferroviaire à grande vitesse sur le trafic aérien, les possibilités de transfert de certains trafics vers des aéroports proches de Toulouse et la création d'une nouvelle plate-forme aéroportuaire entre Bordeaux et Toulouse.

Dans un souci de complète transparence, ces études ont été présentées en janvier dernier par les consultants aux différents acteurs concernés et sont aujourd'hui accessibles sur le site Internet de la direction régionale de l'équipement Midi-Pyrénées. L'objectif est d'informer le public de manière à ce qu'il puisse être associé à la démarche prospective en toute connaissance de cause. Chacun est invité à faire part de ses observations, de ses critiques, voire de ses propositions. Une synthèse apportant des éléments de réponse sera ensuite réalisée et pourra déboucher, le cas échéant, sur les études complémentaires qui pourraient apparaître nécessaires.

Parallèlement à la démarche de concertation en cours sur l'avenir de la plate-forme aéroportuaire de la région toulousaine, la desserte de cette métropole par le TGV fait actuellement l'objet d'études spécifiques.

La desserte ferroviaire pourra être améliorée en deux étapes, d'abord par la mise en service de la ligne à grande vitesse Sud-Europe-Atlantique, ensuite par la réalisation d'aménagements entre Bordeaux et Toulouse. L'étude concernant ces aménagements devrait s'achever à la fin de l'année 2003.

Compte tenu de la complémentarité entre les modes de transport qui doit être envisagée pour des projets de cet ordre, un débat public conjoint pourrait être organisé en 2004 autour des deux infrastructures, qu'il s'agisse de l'amélioration de la desserte ferroviaire ou de la création éventuelle d'une nouvelle plate-forme aéroportuaire régionale.

M. le président. La parole est à M. Bertrand Auban.

M. Bertrand Auban. Monsieur le ministre, j'ai écouté attentivement votre réponse et j'en prends bonne note.

Toutefois, sur ce dossier très sensible, je souhaiterais ajouter que, le 15 mars de cette année, 20 000 manifestants ont défilé contre ce dernier projet, constituant l'une des manifestations les plus importantes que Toulouse ait connue.

A la fin de cette manifestation, le président du conseil régional de Midi-Pyrénées et le président du conseil général de Haute-Garonne ont exprimé très fermement leur refus d'un nouvel aéroport.

Monsieur le ministre, je suis sûr que vous saurez être attentif à ce que vous disent tous les élus locaux concernés, qui s'opposent unanimement à ce projet, représentant en cela la voix de leurs concitoyens.

En octobre 2002, un colloque de l'association Ville et Aéroport placé sous votre haut patronage a souligné le coût social ainsi que les phénomènes de dégradation urbaine et de paupérisation sociale que peut induire le développement aéroportuaire. Le gigantisme aéroportuaire et ses conséquences funestes ne sont pas l'avenir que ces territoires, leurs élus et leurs habitants ont choisi pour eux et pour leurs enfants.

On ne se débarrasse pas des nuisances aéroportuaires supportées par les uns en y soumettant autoritairement les autres. On doit au contraire les combattre plus vigoureusement - je songe évidemment à l'aéroport de Toulouse-Blagnac -, tous les acteurs ayant la volonté de mieux protéger les riverains des aéroports existants, à la fois par des réglementations plus draconiennes, par des indemnisations totales et rapides, et - pourquoi pas ? - en offrant aux habitants les plus exposés la possibilité financière de déménager et de se reloger ailleurs.

Je conclurai, monsieur le ministre, en citant un récent entretien que vous avez accordé au quotidien régional La Dépêche du Midi, dans lequel vous appeliez les élus locaux à se mobiliser pour indiquer leurs priorités en matière de transports. Je vous assure que les élus locaux haut-garonnais sont fermement mobilisés et déterminés à la fois contre ce projet d'aéroport et en faveur d'un TGV reliant Toulouse à Paris en trois heures et six minutes.

J'espère, monsieur le ministre, que vous aurez à coeur de les écouter.

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Bernard Angels.)