PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour un rappel au règlement.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement a trait à l'organisation de nos travaux. Il m'apparaît impossible de débuter ces derniers, cette semaine, sans consacrer un instant à la guerre qui se développe en Irak.

Je tiens à vous faire partager l'émotion des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, alors que l'horreur croît heure après heure.

La violence des bombardements que subit la population irakienne depuis six jours, bombardements que l'on dit ciblés alors qu'ils provoquent des centaines et des centaines de victimes, morts et blessés, est insupportable.

Les avions utilisés par les forces anglo-américaines sont terribles et rappellent les pires souvenirs. N'a-t-on pas utilisé à Bassorah des bombes à fragmentation dans des quartiers résidentiels ?

La violence des combats de rue risque fort de transformer ce conflit en véritable boucherie.

Il faut maintenant arrêter cet engrenage. Il faut dire stop à la guerre.

Nous avons apprécié la position de la France, courageuse et juste.

Toujours opposées à cette guerre, les autorités françaises se projettent dans l'après-guerre pour restaurer le droit international.

Nous estimons, avec beaucoup d'autres, que le parti de la paix ne doit pas baisser les bras. Des initiatives, au côté de l'immense mobilisation internationale, peuvent et doivent être prises au sein de l'ONU, et notamment du Conseil de sécurité, qui pourrait être saisi sur la légalité de ce conflit.

La voix de la France ne doit pas faiblir. Elle peut porter, avec la grande majorité de la communauté des nations, ce rejet de la violence, le désir de paix.

Il est temps, monsieur le président, que le Parlement soit saisi, et je demande, au nom de mon groupe, la réunion d'une conférence des présidents dans les meilleurs délais pour examiner les modalités de ce débat. Celui-ci est d'autant plus nécessaire que des questions urgentes se posent.

Alors que notre peuple s'émeut fortement des bombardements qui tuent et blessent la population, que le Gouvernement et le Président de la République y sont officiellement opposés, la France peut-elle tolérer d'ouvrir son espace aérien aux bombardiers américains B 52 chargés d'engins de mort ? Le débat doit avoir lieu sur ce point.

Enfin, madame la ministre, pouvez-vous nous donner des informations sur la réquisition, relatée par la presse, d'avions de la société Corsair par le gouvernement britannique pour assurer le transport de troupes entre la Grande-Bretagne et le Koweït en vertu d'un contrat d'affrètement ?

J'attends sur ce point, comme sur les autres, une réponse de votre part, madame la ministre, ainsi que de vous-même, monsieur le président, sur notre demande de réunion de la conférence des présidents. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. Ladislas Poniatowski. Les questions d'actualité, c'est le jeudi !

M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

Je ferai part à M. le président du Sénat de votre demande de réunion de la conférence des présidents. Il est d'ailleurs d'ores et déjà prévu que cette dernière se réunisse le 1er avril.

Mme Hélène Luc. Madame la ministre souhaite peut-être répondre ?

M. le président. Le représentant du Gouvernement a la parole quand il le veut, mais Mme la ministre ne l'a pas demandée !

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ORGANISATION DU SERVICE PUBLIC

DE LA POSTE ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

Adoption définitive d'un projet de loi

 
Dossier législatif : projet de loi modifiant l'article 1er - 1 de la loi n° 90-568, du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications
Art. unique (début)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 219, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, modifiant l'article 1er-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications. [Rapport n° 222 (2002-2003).]

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis le 4 décembre dernier, date à laquelle l'entreprise France Télécom a présenté son plan d'action, chaque semaine et chaque mois apportent une nouvelle étape de sa réalisation. L'annonce par l'entreprise, hier, du lancement de l'augmentation de capital en est la dernière étape.

La présentation de ce court projet de loi me permet, mesdames, messieurs les sénateurs, de faire avec vous le point sur la situation.

L'entreprise s'est engagée, de façon énergique et déterminée, dans la voie du redressement.

Les comptes publiés par France Télécom, le 5 mars dernier, pour l'année 2002, marquent un tournant pour l'entreprise.

Les comptes soldent le passé : l'ampleur de la perte nette - 20,7 milliards d'euros - s'explique par les provisions et amortissements exceptionnels liés aux acquisitions malheureuses et mal menées réalisées dans le passé par l'entreprise.

Mais ces comptes préparent aussi l'avenir : la performance opérationnelle de l'entreprise est remarquable. Avec 6,8 milliards d'euros, le résultat d'exploitation est en hausse de 30,9 % par rapport à l'année précédente. Ce chiffre est tout à fait encourageant.

Au cours des derniers mois, sous l'impulsion décisive de son nouveau président, Thierry Breton, et de ses équipes, et grâce à l'action méthodique, professionnelle et résolue du Gouvernement, France Télécom a repris son avenir en main.

Le Gouvernement a désigné, le 2 octobre dernier, un nouveau président, qui a pour mission de rétablir la situation financière de l'entreprise en restaurant la confiance.

Sur la proposition de M. Breton, le conseil d'administration a approuvé, deux mois plus tard, après un audit approfondi, un plan d'action global en trois volets équilibrés.

Le premier volet concerne l'amélioration des performances de l'entreprise, qui est destinée à dégager 15 milliards d'euros de trésorerie supplémentaire d'ici à la fin de l'année 2005. Ce programme porte déjà ses fruits puisque la progression des résultats s'est accélérée fin 2002.

Le deuxième volet du plan est relatif au refinancement de la dette, pour au moins 15 milliards d'euros. Cela a déjà été réalisé, puisque France Télécom a pu retourner sur les marchés et lever, en décembre 2002 et janvier 2003, plus de 9 milliards d'euros à moyen et long terme ; les lignes bancaires ont par ailleurs été renégociées. France Télécom a ainsi retrouvé une visibilité financière jusqu'à la fin de l'année 2004.

Enfin, le troisième volet a trait au renforcement des fonds propres, pour 15 milliards d'euros. France Télécom a réuni, à la fin de la semaine dernière, un syndicat bancaire pour garantir la souscription de 6 milliards d'euros dans le cadre d'une augmentation de capital de 15 milliards d'euros.

Dans ces conditions, le Gouvernement a confirmé que l'Etat actionnaire souscrirait à hauteur de sa part dans le capital, soit 9 milliards d'euros, dans le cadre de cette opération. La souscription de la part de l'Etat sera réalisée, compte tenu du calendrier, « directement ou indirectement », pour reprendre des termes qui nous réunissent aujourd'hui.

La mise en oeuvre de ce plan d'action va se poursuivre de façon résolue.

Les marges dégagées par l'entreprise reposeront sur une gestion plus intégrée du groupe, une réduction des dépenses de fonctionnement et d'investissement, et une meilleure maîtrise de ses besoins de trésorerie. Ce plan est ambitieux, mais il est réaliste et intègre les indispensables marges de sécurité.

La mobilisation de l'ensemble de l'entreprise, salariés et dirigeants, autour de ces objectifs a déjà permis de rétablir l'image de celle-ci auprès des investisseurs. Elle sera déterminante pour le succès du plan d'action. Nous avons pleinement confiance en Thierry Breton, en l'équipe de direction largement renouvelée et dans le dynamisme de l'ensemble des personnels de France Télécom pour mener à bien ce projet.

Dans le cadre de ce plan, France Télécom a mis en place une politique de mobilité des personnels, fondée sur le volontariat.

Dans cette optique, Francis Mer a annoncé, le 5 décembre dernier, la mise en place d'une mission « mobilité », qui aura pour objet de satisfaire le mieux possible, en liaison avec France Télécom, les souhaits exprimés par les fonctionnaires de cette entreprise qui souhaiteront poursuivre leur carrière au sein des fonctions publiques. Cette mission a été confiée à Bertrand Maréchaux.

L'ensemble de ces mesures permettra de rendre plus flexible la gestion des effectifs de France Télécom et de contribuer à la compétitivité de l'opérateur.

Compte tenu de ce plan, France Télécom mérite le soutien de ses actionnaires et, au premier rang d'entre eux, celui de l'Etat.

Le plan d'action présenté par Thierry Breton offre des perspectives de retour sur investissement. L'entreprise demande à ses actionnaires non pas d'éponger un passif, mais de l'aider à retrouver un bilan équilibré, dans leur propre intérêt.

Ainsi, l'Etat participera au renforcement des fonds propres de 15 milliards d'euros en souscrivant à hauteur de sa part dans le capital de France Télécom, soit un investissement de 9 milliards d'euros.

Cette somme est très importante : elle ne doit pas être minimisée par son expression en euros. Si l'on devait la traduire en francs, elle représenterait 59 milliards de francs. Il s'agit donc d'un réel effort de la collectivité nationale au côté de France Télécom. Mais, d'une part, c'est une somme qui est à la mesure de la très grande entreprise qu'est France Télécom, dont la marge d'exploitation sur la seule année 2002 représente 1,6 fois ce montant, d'autre part, ce n'est pas une dépense à fonds perdus. En souscrivant au renforcement des fonds propres, l'Etat défend son propre intérêt patrimonial dans cette entreprise. Cela se traduit par le fait que l'investissement de 9 milliards d'euros dans France Télécom ne pèsera pas sur les déficits publics.

Cet investissement devrait, en effet, avoir la qualification d'« opération financière » en comptabilité européenne, ce qui est sans effet sur le déficit au sens du traité de Maastricht. Il ne modifie pas non plus l'équilibre budgétaire présenté par le Gouvernement pour l'année 2003.

La réalité de l'effort fourni par le contribuable et la collectivité nationale se traduira dans le décompte de la dette publique. L'endettement nécessaire pour souscrire au renforcement des fonds propres sera retracé dans le solde de la dette des administrations publiques. Cette augmentation devrait représenter 0,6 % du PIB en 2003.

Compte tenu du plan présenté par Thierry Breton, cet effort nous paraît nécessaire, et il répond à l'intérêt patrimonial et financier de l'Etat.

La confiance des investisseurs dans le plan d'action de France Télécom a été démontrée par le redressement du cours de bourse de l'entreprise, qui a été multiplié par trois depuis les cours les plus bas de cet automne, et par la capacité de France Télécom à lever des emprunts obligatoires. Cette confiance des investisseurs ne peut que conforter l'Etat, actionnaire majoritaire, sur le bien-fondé de la stratégie de l'entreprise.

L'opération d'augmentation de capital respecte les intérêts des actionnaires de France Télécom et intervient à un moment propice du calendrier pour l'entreprise.

Le conseil d'administration de France Télécom a décidé, hier, le lancement d'une augmentation de capital de 15 milliards d'euros.

Le Gouvernement avait indiqué qu'il veillerait particulièrement aux conditions du renforcement des fonds propres de France Télécom : celles-ci devront tenir le plus grand compte des intérêts des actionnaires individuels et salariés.

L'opération lancée par l'entreprise répond à cette attente, en étant avant tout conçue pour préserver les droits des actionnaires existants. En effet, France Télécom a choisi de procéder par attribution gratuite aux actionnaires existants de bons de souscription d'actions. Ainsi, tous les actionnaires de France Télécom recevront des bons de souscription d'actions correspondant aux actions qu'ils détiennent. Ils pourront soit exercer ces bons pour souscrire à l'augmentation de capital, soit céder ces bons sur un marché coté.

Les bons qui n'auront pas été souscrits par des actionnaires actuels de France Télécom permettront d'ouvrir le capital de l'entreprise à de nouveaux actionnaires.

Les salariés auront la possibilité de participer ultérieurement à une augmentation de capital qui leur sera réservée, à des conditions privilégiées.

En participant au renforcement des fonds propres de France Télécom à hauteur de sa part au capital, l'Etat agit en investisseur avisé au regard des règles communautaires.

La Commission européenne a été pleinement informée du plan de redressement de France Télécom et des modalités selon lesquelles l'Etat jouera son rôle d'actionnaire majoritaire.

Le Gouvernement a précisé à la Commission que le rôle de l'Etat dans le plan proposé par Thierry Breton est strictement celui d'un actionnaire avisé, soucieux de défendre ses intérêts patrimoniaux. D'ailleurs, d'autres Etats membres de l'Union européenne, actionnaires de leur opérateur historique de télécommunications, n'ont pas agi différemment lorsque ces entreprises ont été confrontées aux mêmes besoins de fonds propres que France Télécom. Ainsi en a-t-il été de KPN aux Pays-Bas et de Sonera en Finlande.

Le 30 janvier dernier, la Commission européenne a décidé d'ouvrir une procédure d'enquête formelle sur la participation de l'Etat au plan d'action de France Télécom et sur le régime de taxe professionnelle applicable à l'entreprise. Cette procédure d'enquête - je tiens à le préciser - ne préjuge en rien la qualification d'aide d'Etat et ne retarde pas le plan d'action de l'entreprise.

Il est tout à fait normal que nous ayons à expliquer nos choix à l'égard des autorités européennes, même si nous présentons un dossier qui ne laisse pas de doute, nous semble-t-il, sur notre strict rôle d'actionnaire avisé. La constitution d'un syndicat de garantie bancaire pour 6 milliards d'euros en est d'ailleurs la meilleure preuve.

La réalisation d'un investissement aussi exceptionnel nécessitait, bien évidemment, des dispositions d'organistion particulières, que le Gouvernement a prises, dans un souci d'efficacité et de transparence.

Pour être en mesure de suivre en toute transparence l'évolution dans le temps de cet investissement de l'Etat dans France Télécom, le Gouvernement a fait le choix de confier l'ensemble des titres détenus par l'Etat dans le capital de France Télécom à une structure juridique identifiée.

L'ERAP, établissement public industriel et commercial, a vu ses statuts modifiés pour lui permettre de détenir des participations dans le secteur des télécommunications. Le Sénat et l'Assemblée nationale lui ont accordé, dans la loi de finances rectificative pour 2002, la garantie explicite de l'Etat pour les emprunts qu'il réalisera afin de participer au renforcement des fonds propres de France Télécom.

Ainsi, sans que les relations entre l'Etat et France Télécom s'en trouvent autrement modifiées, cet établissement public portera à la fois la dette nécessaire au renforcement des fonds propres de France Télécom et les titres de l'entreprise. L'ERAP permettra de suivre, au fil du temps, le produit et le coût de l'investissement de la collectivité nationale dans France Télécom.

Le projet de loi qui vous est aujourd'hui soumis, mesdames, messieurs les sénateurs, est une étape importante de ce processus, qui permettra à l'Etat de transférer à l'ERAP l'ensemble des titres France Télécom qu'il détient.

Pour être en mesure de participer, le moment venu, à une opération de renforcement des fonds propres de France Télécom, l'ERAP a commencé à préparer un programme d'emprunts dont le premier a été lancé la semaine dernière. Le remboursement de ces emprunts de l'ERAP sera financé par les ressources propres de l'ERAP, par des produits de cession de titres détenus par l'Etat, ou, à plus long terme, après le succès du plan de redressement, par la cession de titres France Télécom.

En conclusion, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l'examen de ce projet de loi par la Haute Assemblée est marqué par une nouvelle étape importante du plan d'action pour France Télécom, avec le lancement de l'augmentation de capital.

Cette volonté de réaliser avec détermination ce qui a été annoncé est à l'image de la politique du Gouvernement au regard des entreprises dont l'Etat est actionnaire.

Le Gouvernement s'attache en effet à mener, avec ces entreprises, une action déterminée, préparée, conduite de manière professionnelle, et ce en assumant toutes ses responsabilités. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord d'excuser le président de la commission, M. Gérard Larcher, qui est retenu aujourd'hui dans sa commune de Rambouillet pour assister aux obsèques de l'un de ses adjoints.

Avant que je rapporte le projet de loi proprement dit, la République me pardonnera - et vous aussi, madame la ministre - de citer Le Cid de Corneille : « A moi, Comte, deux mots » ! (Sourires.)

Madame la ministre, le projet de loi qui nous est soumis n'a qu'un objet qui, pour être modeste, n'en est pas moins utile, à savoir aménager les modalités de la détention majoritaire par l'Etat du capital de France Télécom.

Constitué d'un article unique, quasi chirurgical, le projet de loi tend à compléter l'article 1er-1 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications. Il prévoit d'insérer les mots : « ou indirectement » afin d'assouplir le mode de détention par l'Etat de la majorité du capital de France Télécom, ce qui permettra de transférer à un établissement public, l'ERAP, l'intégralité de la participation de l'Etat dans France Télécom. Cet établissement, qui bénéficie de la garantie de l'Etat, participera alors au renforcement des fonds propres de France Télécom.

Cette recapitalisation, qui a été approuvée le 4 décembre 2002, a été lancée aujourd'hui ; l'Etat actionnaire majoritaire a indiqué vouloir y contribuer, pour sa part, en « investisseur avisé ».

Ce texte technique a donc pour objet exclusif la contribution au redressement de France Télécom. A cet égard, je salue la grande transparence de votre démarche, madame la ministre, puisque vous avez choisi de présenter un texte de loi spécifique pour cette légère modification de la loi de 1990. Ce choix offre au Sénat et, plus largement, au Parlement l'occasion de marquer son soutien à l'entreprise France Télécom, et notamment à son président, M. Thierry Breton, qui a su déjà engager le redressement souhaité. Cette mesure me paraît de nature à accélérer encore ce mouvement.

Je ne reviendrai pas sur le passé, ni sur l'enchaînement malheureux qui a conduit France Télécom à la crise de liquidités de septembre 2002.

A ce moment-là, France Télécom affichait une perte de 12,2 milliards d'euros sur le premier semestre de 2002 et une dette, colossale, de près de 70 milliards d'euros ! C'est la conjonction d'une telle dette, de fonds propres négatifs et d'une note très dégradée qui a précipité la crise.

Afin de remettre l'opérateur à flot et d'équilibrer son bilan, un nouvel élan managérial a été donné et un plan de redressement a été élaboré en concertation avec l'Etat, actionnaire majoritaire. Une nouvelle dynamique est en marche : le plan « Ambition France Télécom 2005 ».

Ce plan est en forme de triptyque. Tout d'abord, 15 milliards d'euros de disponibilités devraient être dégagés par un programme d'amélioration opérationnelle appelé « TOP » ; il s'agit d'une cure d'austérité interne destinée à susciter des liquidités qui seront consacrées totalement à la réduction de la dette. Par ailleurs, 15 milliards d'euros de dette doivent être refinancés auprès des marchés et des banques. Enfin, 15 milliards d'euros doivent être apportés par les actionnaires pour renforcer les fonds propres de l'entreprise.

L'Etat actionnaire participera à hauteur de sa part au capital, soit environ 9 milliards d'euros. C'est un montant considérable, et nous mesurons l'enjeu. Cependant, en comparaison de ce montant, je crois utile de rappeler les recettes importantes que l'Etat a tirées de France Télécom depuis la loi de sociétisation de 1996 : depuis 1997, France Télécom a rapporté à l'Etat pas moins de 14 milliards d'euros au titre des recettes de cession de participations, et plus de 2 milliards d'euros au titre des dividendes, sans compter les 6 milliards d'euros de soulte soldant le dossier des retraites.

Des résultats probants du plan de redressement ont déjà pu être enregistrés, vous venez de le signaler, madame la ministre. La preuve de la crédibilité de ce plan est que l'entreprise a pu retrouver la confiance des marchés. Pour que l'opération de recapitalisation puisse intervenir au moment le plus opportun, l'Etat avait indiqué qu'il était prêt à anticiper sa participation au renforcement des fonds propres en fournissant à l'entreprise une avance d'actionnaire, temporaire, aux conditions de marché. Or l'entreprise n'a même pas sollicité ce soutien temporaire à la liquidité avant de lancer l'augmentation de capital.

Le fait même, pour France Télécom, d'avoir pu choisir le moment de l'augmentation de capital est en soi une première réussite du plan de redressement. Je me félicite aussi des dispositions techniques qui ont été prises et qui permettent de tenir compte, au mieux, des intérêts des actionnaires individuels ou salariés de l'entreprise.

Surtout, l'étau financier est desserré : France Télécom est désormais en mesure de couvrir le financement de ses emprunts venant à échéance d'ici à la fin de l'année 2004. Depuis le mois de décembre 2002, France Télécom a pu, en effet, refinancer plus de 14 milliards euros de dette grâce à l'émission de plus de 9 milliards d'euros d'obligations et grâce au refinancement de la ligne syndiquée de 5 milliards d'euros.

En outre, France Télécom prévoit de réaliser plus de 3 milliards d'euros de trésorerie disponible en 2003 et de dégager des produits de cessions d'actifs non stratégiques pour un montant proche du milliard d'euros.

En interne aussi, la dynamique engagée fonctionne. Elle est déjà partiellement visible dans les résultats annuels pour 2002, publiés par France Télécom le 5 mars dernier. Le résultat net est négatif, comme prévu, et c'est d'ailleurs le cas pour beaucoup d'autres opérateurs européens, qu'il s'agisse de Deutsche Telekom, de KPN ou de TeliaSonera.

Cependant, les chiffres de France Télécom révèlent surtout une accélération de la rentabilité et du free cash flow opérationnel au second semestre 2002. Le désendettement du groupe est déjà amorcé : au deuxième semestre 2002, la dette nette de France Télécom a baissé de 1,7 milliard d'euros.

Dans ces conditions, j'estime que la décision prise par l'Etat actionnaire de participer à une augmentation de capital mérite d'ête accompagnée par le Parlement. Le Gouvernement a préparé le terrain par un décret du 2 décembre 2002 : avant d'envisager de confier à l'ERAP, anciennement Entreprise de recherches et d'activités pétrolières, un rôle dans la recapitalisation de France Télécom, il a dû élargir au secteur des télécommunications l'objet de cet établissement public.

Après ce préalable réglementaire, l'accompagnement du Parlement a trouvé sa première expression législative en décembre dernier : le collectif budgétaire a octroyé à l'ERAP la garantie de l'Etat pour ses emprunts dans la limite de 10 milliards d'euros en principal.

Le texte qui nous est soumis aujourd'hui constitue donc le deuxième acte de soutien législatif au redressement de France Télécom. Selon les termes de la loi de 1990, l'Etat détient « directement » la majorité du capital social de France Télécom. Or cette précision est superflue, puisque le Conseil d'Etat, dans un avis du 18 novembre 1993, considère que la détention « directe ou indirecte » est sans incidence sur le statut d'actionnaire majoritaire de l'Etat.

Pourquoi donc recourir à un établissement public ? Il s'agit d'un impératif technique, nous l'avons bien compris, et cette solution n'a pas de portée politique. Comme tout actionnaire, l'Etat agit sous contraintes ; ces contraintes sont à la fois internes - budgétaires - et externes - communautaires.

S'agissant, d'une part, du carcan budgétaire, le refinancement de France Télécom via l'ERAP n'aura donc pas d'incidence directement budgétaire, mais l'emprunt de l'ERAP, contrepartie d'un investissement porteur d'avenir, augmentera la dette des administrations publiques de 0,6 point de produit intérieur brut.

S'agissant, d'autre part, de nos obligations communautaires, qui encadrent l'action de l'Etat, les articles 87 et 88 du traité interdisent toute aide d'Etat susceptible de fausser la concurrence. Cette règle ne souffre d'exception que lorsque l'aide peut être considérée comme résultant du comportement d'un « investisseur avisé ».

Je souligne que le gouvernement français a respecté ses obligations en informant la Commission européenne de son projet dès le 3 décembre 2002.

De plus, en choisissant de confier à un établissement public sa participation dans France Télécom, l'Etat français offre toutes les garanties de transparence pour l'opération. La séparation comptable très claire de toutes les opérations entre France Télécom et son actionnaire public autorisera, en outre, un suivi dans le temps de cette opération patrimoniale pour l'Etat.

Alors que la Commission a décidé, le 30 janvier dernier, d'ouvrir une procédure afin de vérifier la conformité de ces opérations à l'article 87 du traité, la participation de l'Etat au renforcement du capital de France Télécom relève, je le répète, d'une attitude qu'aurait tout investisseur privé, étant donné les informations disponibles et les évolutions prévisibles de l'entreprise.

Investir dans le capital de l'opérateur historique vaut la peine, eu égard au plan d'action ambitieux et réaliste adopté par l'entreprise ainsi qu'aux perspectives de retour sur investissement.

Mais pourquoi choisir l'ERAP ? Cet établissement public, doté d'un mode de gestion transparent et d'une capacité financière, représente, pour l'Etat actionnaire, un instrument efficace d'intervention, dans la durée, dans des entreprises industrielles.

L'ERAP a déjà une longue pratique des participations de l'Etat dans les entreprises, puisque cet établissement a porté et a géré, depuis sa création, en 1965, jusqu'en 1996, le capital détenu par l'Etat dans le groupe Elf. Sur cette période de trente ans, l'ERAP aura fait remonter vers l'Etat plus de 60 milliards de francs de plus-values nettes.

Cet établissement a ensuite géré des participations de l'Etat dans des entreprises du secteur nucléaire, comme la COGEMA. Depuis la restructuration du secteur nucléaire français en septembre 2001, l'ERAP détient 3,2 % d'AREVA, qui regroupe désormais les anciennes activités de la COGEMA, de FRAMATOME et de CEA-Industrie.

Ce rapide historique atteste, s'il en était besoin, l'expérience de l'ERAP en matière d'actionnariat public.

Quel est le mécanisme envisagé ? Il est prévu que l'ERAP se voie transférer l'intégralité de la participation de l'Etat de France Télécom et s'endette auprès des marchés financiers pour financer la part de l'Etat dans le renforcement des fonds propres de l'entreprise. Désormais, fort des notations que viennent de lui accorder les agences de rating, l'ERAP peut émettre des emprunts obligataires bénéficiant de la garantie explicite de l'Etat. Il pourra souscrire, dès l'adoption de ce texte, à l'augmentation de capital. L'ERAP remboursera ces emprunts en temps voulu à l'aide de ses moyens propres, des dividendes perçus sur les titres France Télécom et, surtout, de la revente progressive des titres de l'entreprise que l'ERAP aura acquis grâce à ces emprunts.

Le transfert à l'ERAP de la part de l'Etat au capital de France Télécom peut être interprété comme une première application des recommandations du rapport sur l'Etat actionnaire que vient de présenter à M. Francis Mer M. René Barbier de La Serre.

En effet, ce rapport préconise une clarification des différentes fonctions qu'exerce l'Etat envers les entreprises publiques, notamment une identification claire de sa fonction d'actionnaire. Cette identification implique une organisation et des procédures distinctes et, en cela, le recours à l'ERAP ouvre la voie à l'agence des participations de l'Etat, dont M. Francis Mer a récemment annoncé la création. Cette agence sera chargée d'exercer les missions de l'Etat actionnaire à partir de 2004. Je me félicite de ce projet, qui entend donner à l'Etat les moyens d'une meilleure gouvernance des entreprises publiques.

Pour conclure, j'aimerais insister sur la nature technique de ce texte. Le recours à une structure juridique tierce ne modifie en rien le statut de France Télécom, il faut le dire avec force. France Télécom demeure une société à capitaux majoritairement publics. Or la part majoritaire de l'Etat dans le capital de France Télécom est le socle constitutionnel sur lequel s'appuie le maintien du statut de fonctionnaire pour les quelque 112 000 salariés du groupe qui y sont assujettis.

Je voudrais aussi insister sur le fait que le caractère majoritairement public du capital de France Télécom perdurera tant que le Parlement n'en aura pas décidé autrement. En effet, pour toute évolution, une loi devrait nécessairement intervenir et, comme le préconisait le président de la commission, M. Gérard Larcher, dans le rapport qu'il a présenté l'an dernier, elle devrait impérativement respecter la parole donnée aux personnels sous statut public en 1996.

Avant de terminer, madame la ministre, je voudrais vous faire part de l'inquiétude manifestée par l'ensemble de nos collègues élus locaux. En effet, pendant de nombreuses années, France Télécom a apporté son soutien financier aux collectivités locales pour assurer l'enfouissement des réseaux de télécommunications et, de manière générale, l'amélioration de l'environnement sur tout le territoire.

Or depuis quelques mois, France Télécom se désengage,...

M. René-Pierre Signé. C'est bien dommage !

M. Pierre Hérisson, rapporteur. ... ce qui n'est pas illégitime, dans ce contexte de recherche d'économies internes. D'ailleurs, le cadre réglementaire actuel ne permet pas d'imposer à France Télécom, pas plus qu'à tout autre opérateur, de continuer à participer au financement de cet enfouissement.

Nous comprenons donc cette décision, mais nous formons le voeu que la collaboration entre les collectivités territoriales et l'opérateur historique puisse reprendre dès retour à meilleure fortune, pour que soit préservée l'harmonie de nos paysages.

M. René-Pierre Signé. C'est un voeu pieu !

M. Raymond Courrière. C'est la décentralisation !

M. Pierre Hérisson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques et du Plan a approuvé ce projet de loi et recommande au Sénat de l'adopter sans modification. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire : 52 minutes.

Groupe socialiste : 28 minutes.

Groupe de l'Union centriste : 13 minutes.

Groupe communiste républicain et citoyen : 11 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Pierre-Yvon Trémel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Pierre-Yvon Trémel. Madame la ministre, l'actualité nous précède et même nous presse.

Vous nous présentez ce projet de loi à un moment où la réunion du conseil d'administration de France Télécom braque, une nouvelle fois, les projecteurs sur cette très belle entreprise publique et sur son plan de redressement « Ambition France Télécom 2005 », arrêté en décembre 2002 en accord avec le Gouvernement.

Ainsi donc, de manière un peu étonnante, il faut l'avouer, une « fenêtre de tir », pour reprendre un langage lui aussi d'actualité (Sourires), autorisant le lancement de l'opération « augmentation du capital », aurait été repérée. Et ce lancement touche en plein coeur le contenu du texte dont nous débattons.

C'est le député Jean Proriol, rapporteur du présent texte à l'Assemblée nationale, qui aura trouvé, je crois, la formule choc pour qualifier ce projet de loi : « Il s'agit, a-t-il dit, d'un projet de loi minuscule pour un problème gigantesque. »

Insérer dans l'article 1er de la loi du 2 juillet 1990 les deux mots « ou » et « indirectement » ne doit pas, en effet, occulter le fait qu'il s'agit de participer pleinement à la mise en oeuvre d'une opération de résorption d'un endettement record s'élevant à 68 milliards d'euros.

Le plan « Ambition France Télécom 2005 » - vous l'avez rappelé, madame la ministre, monsieur le rapporteur - comporte trois volets : le désormais fameux « 15 + 15 + 15 ».

C'est le troisième volet - l'augmentation de capital de 15 milliards d'euros - qui nous mobilise aujourd'hui. Sa réalisation nécessite des modifications réglementaires et législatives, et le présent projet de loi en est la troisième étape.

La première a été la signature du décret du 2 décembre 2002, qui a modifié le décret du 17 décembre 1965 portant organisation administrative et financière de l'entreprise de recherche et d'activités pétrolières, l'ERAP, afin de permettre à cet EPIC de prendre des participations dans des entreprises appartenant au secteur des télécommunications.

La deuxième étape a été l'adoption par le Parlement de l'article 80 de la loi du 20 décembre 2002 portant loi de finances rectificative, qui a accordé à l'ERAP, pour ses futurs emprunts contractés dans le cadre de son soutien d'actionnaire à France Télécom, le bénéfice de la garantie d'Etat dans la limite de 10 milliards d'euros.

Le présent projet de loi - troisième étape, donc - vient modifier les conditions de participation de l'Etat, actionnaire majoritaire dans le capital de France Télécom.

Depuis la loi de 1996, France Télécom est une société anonyme dont la majorité du capital est détenue directement par l'Etat.

Si l'article unique du projet de loi est adopté par le Parlement, la part de capital de France Télécom détenue par l'Etat sera portée par l'ERAP, d'où l'insertion du terme « indirectement ».

Deux débats ont surgi à propos du choix du Gouvernement.

L'un est déjà derrière nous - je ne m'y arrêterai donc pas - c'est celui de savoir s'il n'existait pas d'autres moyens à la disposition de l'Etat pour exercer ses responsabilités d'actionnaire majoritaire que d'avoir recours à l'ERAP.

Je note que ce choix présente, pour le Gouvernement, un intérêt au regard des critères de Maastricht, qu'il a du mal à respecter. L'investissement dans France Télécom ne pèsera pas, c'est vrai, sur les comptes publics, qui sont déjà dans le rouge, mais il alourdira encore, hélas, la dette publique.

La commission d'enquête sur la situation financière des entreprises publiques créée à l'Assemblée nationale nous apportera peut-être - je veux l'espérer en tous cas - des éléments objectifs sur le rôle joué par l'Etat dans les entreprises publiques où il est actionnaire majoritaire. Et France Télécom est concernée.

Quoi qu'il en soit, il est hors de question pour nous d'accepter le raisonnement simpliste - partisan, oserai-je dire - de ceux qui affirment que l'endettement de France Télécom serait dû, essentiellement, à la nature publique de son capital.

Pour nous, l'obligation juridique d'une détention publique majoritaire du capital n'est pas la cause première de la crise financière de France Télécom. Il n'est, du reste, qu'à regarder par-dessus le talus, chez nos voisins.

L'ensemble des opérateurs de télécommunications publics et privés ont été touchés par une crise mondiale sans précédent, qui a notamment affecté ceux qui ont été privatisés ou qui n'ont jamais appartenu à la sphère publique.

Les dettes de Deutsche Telekom sont tout aussi impressionnantes que celles de France Télécom.

British Telecom, l'opérateur privé britannique quelquefois cité en exemple, est devenu un opérateur de seconde zone après s'être séparé de son activité de téléphonie mobile et de la plupart de ses participations à l'étranger. Enfin, que dire de la faillite retentissante du géant américain WorldCom ?

D'aucuns, toujours doués pour écrire l'histoire après-coup, dénoncent les investissements « aléatoires » de France Télécom à l'étranger et « l'absence » de l'Etat dans les processus de décision. C'est oublier bien vite, me semble-t-il, quel Premier ministre a pris la décision de couper le lien entre l'Etat et l'opérateur, en libérant France Télécom de l'obligation de soumettre toute acquisition à l'accord préalable de l'Etat.

Cependant, je souhaite m'éloigner de ces polémiques à mes yeux stériles. J'estime que trois réalités devraient nous permettre de trouver des points d'accord.

Tout d'abord, France Télécom est une entreprise publique performante dont nous avons toujours le droit d'être fiers : près de 250 000 salariés dans le monde, plus de 140 000 en France dont 110 000 environ ayant un statut de fonctionnaires ; 92 millions de clients dont 40 % en France ; un chiffre d'affaires en progression de près de 10 % en 2002 ; un résultat d'exploitation en hausse de 30 %.

C'est une entreprise de pointe, performante sur le plan technologique, dotée d'un savoir-faire et qui joue un rôle majeur dans les missions de service public. France Télécom aura rapporté à l'Etat bien plus que ne lui coûte la recapitalisation qu'il opère aujourd'hui. Monsieur Hérisson, votre rapport nous donne des informations très intéressantes à ce sujet : je vois ainsi apparaître le chiffre de 14 milliards d'euros pour la première fois ; c'est un tableau auquel il faudra se référer.

J'en viens au troisième point d'accord. Il faut réussir le sauvetage durable de France Télécom. Les personnels, les clients, les actionnaires, cette entreprise, le pays, tous le souhaitent et l'attendent.

La discussion de ce projet de loi soulève trois questions fondamentales. Ce sont vos réponses à ces questions, madame la ministre, qui détermineront la position du groupe socialiste au moment du vote.

Il s'agit, tout d'abord, des effets du programme d'amélioration opérationnelle, le TOP, ensuite, de la compatibilité du plan de redressement proposé avec le droit européen de la concurrence, enfin, de l'éventualité d'une quatrième étape, la privatisation de l'opérateur historique.

Je commencerai par évoquer le TOP.

Deux des trois piliers du plan « Ambition France Télécom 2005 » apparaissent désormais clairement engagés. Il reste à édifier le troisième pilier, le programme d'amélioration opérationnelle, connu, dans le langage de France Télécom, sous le nom de « TOP ».

Un courtier pouvait affirmer ces dernières heures, après le lancement de l'opération d'augmentation de capital : « Maintenant, on va pouvoir se préoccuper seulement d'opérationnel et se concentrer sur les choses sérieuses ».

Le devenir du personnel de France Télécom, les relations avec les collectivités locales, les missions de prestation du service universel, la gestion au quotidien du groupe sont en effet des choses sérieuses.

« Nous confirmons tous les aspects du programme TOP et les économies qui y sont liées », déclarait hier M. Dangeart, chargé de la politique financière de France Télécom.

Nous prenons acte avec satisfaction de la décision annoncée par France Télécom de communiquer, de façon trimestrielle, sur le programme d'économies de 15 milliards d'euros prévus sur la période 2003-2005.

Mais nous faisons aussi nôtre l'observation récente émise par la commission supérieure du service public des postes et télécommunications, que vous présidez, monsieur le rapporteur ; la vigilance de l'Etat doit être totale sur deux sujets d'inquiétude : d'une part, les risques liés aux conséquences économiques et sociales d'un effort de restructuration du groupe qui pourrait avoir des conséquences trop brutales, et, d'autre part, une réduction des investissements qui conduirait à une amputation de dépenses indispensables pour maintenir la qualité des réseaux et des services sur l'ensemble du territoire national.

Le premier sujet m'amène à aborder le volet social du plan de redressement. France Télécom a annoncé la suppression de 13 000 postes dans le monde dont 7 500 en France.

Cette évolution serait obtenue avec des départs en retraite et pré-retraite, et un transfert de 700 fonctionnaires vers la sphère publique est également envisagé. Mais, dans le même temps, le Gouvernement annonce qu'il veut réduire le nombre de postes de fonctionnaires. Ces deux objectifs me paraissent difficilement conciliables.

Je souhaiterais, madame la ministre, connaître votre point de vue sur ce volet social, sur l'état des lieux de l'opération « mobilité » qui est lancée au sein de France Télécom, en coordination avec l'Etat, et j'aimerais que le Gouvernement prenne des engagements plus précis.

J'évoquerai ensuite la compatibilité avec le droit européen.

La Commission européenne a décidé, le 30 janvier d'ouvrir une procédure formelle d'examen des mesures financières mises en place pour soutenir France Télécom, alors que d'autres enquêtes portant sur le groupe sont déjà en cours. La question de la compatibilité du plan de redressement présenté avec le droit européen est donc essentielle.

Le Gouvernement nous dit avoir eu recours à l'ERAP pour se préserver d'éventuelles sanctions ou demandes de modifications.

Le montage permettrait d'assurer une séparation comptable nette de toutes les opérations publiques effectuées en direction de France Télécom et une totale transparence.

Nous voilà contraints de nous familiariser avec de nouveaux concepts : « opération patrimoniale », « investisseur avisé », et avec une jurisprudence européenne assez complexe.

Il est indispensable que ce que le Gouvernement appelle « opération patrimoniale » ne soit pas considérée, à l'échelon européen, comme une aide de l'Etat.

La Commission n'aurait-elle pas dans son collimateur la garantie accordée par l'Etat, qui fausserait « les conditions normales du marché » ?

J'aimerais donc, madame la ministre, que vous nous éclairiez davantage sur le point suivant : ne craignez-vous pas que l'accord de la Commission au montage proposé s'accompagne de conditions particulièrement drastiques, qui pourraient concerner, par exemple, des cessions d'actifs importants ?

Comment, en effet, ne pas être alertés sur le positionnement de la Commission européenne, lorsque l'on voit la réaction de l'Union européenne face à une demande, que je considère comme tout à fait intéressante, déposée par M. le Président de la République, d'une intervention coordonnée de l'Europe pour lutter contre la crise durement vécue par les opérateurs et les équipementiers ? Le Conseil « Télécommunications » du 5 décembre 2002 n'a pas, hélas ! donné de suite favorable à la proposition de la France.

Enfin, c'est la troisième question fondamentale, le « minuscule » projet de loi n'est-il pas le marchepied permettant l'accès à la quatrième étape, celle de la privatisation ?

M. René-Pierre Signé. Bien sûr !

M. Gérard Le Cam. Evidemment !

M. Pierre-Yvon Trémel. Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, M. Francis Mer, s'est exprimé sur ce sujet lors d'une audition à l'Assemblée nationale, en décembre dernier.

Vous-même, madame la ministre, avez déclaré la semaine dernière, à l'occasion du débat sur ce texte à l'Assemblée nationale : « Si la détention du capital par l'ERAP devait devenir inférieure à 50 %, cette décision serait soumise au Parlement ». Dont acte ! « Le Gouvernement, pour sa part, n'y ferait pas obstacle ».

Le Gouvernement ne cache donc pas sa volonté de privatiser l'opérateur historique « si son intérêt stratégique l'exige ».

M. René-Pierre Signé. Avec la majorité qu'il a...

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Vous êtes bien placé pour savoir que cela ne dure pas !

M. Pierre-Yvon Trémel. Quelles peuvent être ces raisons stratégiques ?

S'agit-il de s'inscrire dans le projet stratégique de l'opérateur ? Dans ce cas, qui détermine cet intérêt stratégique ? Et j'en reviens à une question de départ : quelle sera la place de l'Etat dans le processus de décision ?

S'agit-il de se positionner d'ores et déjà sur les modalités de remboursement de l'emprunt souscrit par l'ERAP ?

S'agit-il, pour l'Etat, dont la politique fiscale et économique est sérieusement mise en question, de se situer dans une optique de recherche de recettes ?

S'agit-il de se mettre en cohérence avec des choix idéologiques s'appuyant sur une position de principe discutable ? L'Etat serait un mauvais gestionnaire et il ne devrait pas intervenir dans tout ce qui doit relever de la seule initiative privée !

La discussion du présent projet de loi nous donne l'occasion d'interroger le Gouvernement sur ses intentions à court et à moyen terme.

M. René-Pierre Signé. On les connaît !

M. Pierre-Yvon Trémel. M. le rapporteur a fait allusion tout à l'heure au rapport du président de la commission des affaires économiques, Gérard Larcher, intitulé France Télécom : pour un avenir ouvert. Il s'agit d'une référence incontournable dans ce débat.

A la suite d'une large concertation, le président de la commission concluait, au début de l'année 2002 - il faut situer cela dans son contexte -, que la privatisation de France Télécom serait une erreur.

A ses yeux, si la privatisation - sur laquelle, d'ailleurs, il ne se prononçait pas - devait être décidée, elle devrait être débattue par l'ensemble de la nation - Parlement, salariés, acteurs économiques et politiques - et respecter trois conditions : tout d'abord, le vote d'une loi conforme aux exigences constitutionnelles ; par ailleurs, le maintien d'une influence significative de l'Etat ; enfin, la poursuite d'un véritable projet social incluant le respect de la parole donnée aux personnels sous statut public en 1996.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Impressionnant !

M. Pierre-Yvon Trémel. Le rapport du président Gérard Larcher ouvrait courageusement ce qu'il appelait l'« acte III » de la réforme de France Télécom.

Madame la ministre, le présent projet de loi ouvre-t-il ou non une quatrième étape, celle d'une privatisation à venir de France Télécom ?

Au-delà de ces trois questions fondamentales, le débat ouvert à l'occasion de la discussion du projet de loi permet d'aborder des questions d'actualité concernant le secteur des télécommunications et de la société de l'information, questions qui sont bien loin d'être subsidiaires. Je profite de ce débat, madame la ministre, pour vous les poser.

Il serait intéressant, et ce même si nous aurons à y revenir dans quelques semaines, que vous puissiez nous faire un point rapide sur trois sujets qui nous préoccupent.

D'abord, où en sommes-nous en ce qui concerne la couverture du territoire en téléphonie mobile de seconde génération et la desserte en haut débit ? Quel rôle entend jouer l'Etat dans ses responsabilités d'aménageur du territoire ? Plus précisément, puisque nous débattrons de ce sujet au mois de juin, dans quel délai est prévue la publication du décret auquel doit donner lieu la modification du fameux article L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales ?

Ensuite, notre collègue M. Claude Saunier, sénateur des Côtes-d'Armor, a présenté récemment, devant l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, un excellent rapport sur l'évolution du secteur des services conducteurs et sur ses liens avec les micro et nanotechnologies.

Ce rapport met en évidence les effets négatifs sur la recherche fondamentale de la disparition du centre national d'études et de télécommunications, le CNET, qui a joué un rôle essentiel de développement, en Bretagne en particulier.

Il est urgent de se préoccuper de l'enjeu majeur que représente la recherche fondamentale dans les filières de haute technologie.

J'aimerais, madame la ministre, qu'avec nous vous vous penchiez très sérieusement sur ce sujet, car il faut donner au Réseau national de recherche en télécommunications, à l'Institut national de recherche en informatique et en automatique, au CNRS des orientations et des moyens permettant à la France d'être présente dans la nouvelle révolution industrielle qui se prépare.

Enfin, dans un discours récent, le Premier ministre a affirmé son intention de donner un nouvel élan au chantier de la société de l'information.

Atteindre le chiffre de 10 millions d'abonnés à l'Internet à haut débit dans les cinq ans à venir, accroître significativement le taux d'équipement des ménages en ordinateur, favoriser, dans tous les domaines, le développement des usages des technologies de l'information et de la communication, voilà des objectifs qui peuvent tous nous rassembler, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons.

Le précédent gouvernement avait d'ailleurs pris des initiatives dans cette voie, et c'est bien l'une des voies qu'il faut emprunter pour répondre à la dure crise que vivent les équipementiers et leurs personnels.

Pouvez-vous, madame la ministre, nous annoncer des mesures concrètes allant dans ces directions ?

« Projet de loi minuscule pour un problème gigantesque », a dit M. Proriol, et il avait raison : avenir des télécommunications, avenir de France Télécom, préoccupations d'aménagement du territoire et ambitions pour la recherche, ce projet de loi nous permet bien de débattre de chantiers gigantesques ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Odette Terrade. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, M. Francis Mer assurait le 5 décembre dans cette même enceinte, en réponse à une question d'actualité que lui posait ma collègue et amie Marie-France Beaufils, que les conséquences seraient ultérieurement tirées quant à la position de l'Etat dans le capital de France Télécom.

A l'issue du conseil des ministres de la veille, il avait apporté la confirmation suivante dans un communiqué : « l'ERAP, établissement public industriel et commercial, se verra transférer l'intégralité de la participation de l'Etat dans France Télécom. Il s'endettera auprès des marchés financiers pour financer la part de l'Etat dans le renforcement des fonds propres de l'entreprise ».

La privatisation n'était plus rampante : elle était complètement assumée !

Hier, au cours d'une conférence de presse, M. Thierry Breton annonçait, dans le cadre de son programme « Ambition France Télécom 2005 », une augmentation de capital de 15 milliards d'euros, en notant que « conformément à ce que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a indiqué par communiqué le 4 décembre 2002, et au vu des engagements fermes d'investissement manifestés par les vingt et une banques du syndicat garantissant l'opération, l'Etat participera, directement ou indirectement, via l'ERAP, au renforcement des fonds propres de 15 milliards d'euros, au prorata de sa part dans le capital, soit un investissement d'environ 9 milliards d'euros ».

Cette opération devrait avoir lieu avant l'été 2003 et tenir « le plus grand compte des actionnaires individuels et salariés ».

Or, avant même que la loi permettant à l'ERAP d'intervenir ne soit votée, vous annoncez la participation de cet établissement dans l'augmentation du capital de France Télécom.

Aujourd'hui, nous sommes appelés à nous prononcer sur le transfert à l'ERAP du capital de France Télécom détenu par l'Etat : comme le disait le député Jean Proriol le 12 mars 2003 devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, le projet de loi qui nous est soumis est minuscule mais il porte sur un problème gigantesque. S'il ne vise qu'à ajouter la conjonction « ou » suivie de l'adverbe « indirectement » dans l'article 1er-1 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, ce qui en fait le texte le plus court de toute la législature, il concerne, et c'est ce qui lui donne son côté gigantesque, la dette de 68 milliards d'euros de France Télécom.

Ce « petit » ajout est la partie finale d'un dispositif permettant à l'Etat de transférer l'intégralité de sa participation dans le capital de France Télécom à l'ERAP afin de « se couvrir » par rapport au droit européen.

En fait, la modification de l'article 1er-1 de la loi relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications vise à permettre une détention indirecte par l'Etat - via l'ERAP - de la majorité du capital de France Télécom.

La mise en oeuvre de ce dispositif a commencé le 2 décembre 2002, lorsque l'Etat a créé les conditions pour la prise de participation de l'ERAP dans France Télécom. Elle s'est poursuivie le 30 décembre 2002 lorsque la garantie de l'Etat a été accordée aux emprunts contractés par l'ERAP pour recapitaliser France Télécom. Le présent projet de loi, qui n'est pas anodin, la complète aujourd'hui.

M. Proriol avait dit qu'il s'agissait « de mettre le plus rapidement possible l'entreprise France Télécom en position de profiter d'une évolution favorable de la Bourse pour lancer, à une date qui serait d'ailleurs sans doute dévoilée au dernier moment pour éviter la spéculation, cette opération d'augmentation de capital dont elle avait besoin pour redresser sa structure financière ».

L'évolution doit être favorable puisque la décision est prise !

L'ERAP a déjà une très forte expérience puisqu'il a, selon le même procédé, participé à la privatisation d'Elf en 1994.

La seule réponse que vous trouvez, madame la ministre, pour redresser France Télécom relève d'un habile procédé juridico-financier pour que la Commission européenne et la Cour de justice des Communautés européennes vous laissent, en toute légalité, procéder à la disparition d'une entreprise publique.

Mais à aucun moment n'a été évoquée une véritable stratégie industrielle pour relancer le rôle des télécommunications en France et en Europe.

Vous n'oubliez pas, en revanche, de créer aujourd'hui par ce texte les conditions de l'augmentation de capital et de la disparition indirecte de la participation de l'Etat grâce au subterfuge de l'ERAP. C'est donc une vision à court terme et strictement financière que celle du Gouvernement.

Depuis son installation, ce dernier a pour seul souci le dépeçage du secteur public pour en distribuer les morceaux au marché après démantèlement.

Madame la ministre, cette opération a commencé en octobre 1997 par l'ouverture du capital et l'entrée en Bourse de France Télécom. A cette même période, nous étions les seuls à lancer la mise en garde suivante : « Des solutions autres que la privatisation rampante existent. Ne faut-il pas les explorer dès maintenant pour éviter de prendre des décisions qui pourraient être graves pour notre avenir ? »

L'actualité nous donne malheureusement raison aujourd'hui.

C'est la rentabilité capitaliste qui guidait la gestion de Michel Bon en 1997 lorsqu'il rachetait à tour de bras des entreprises, afin de se constituer des réseaux mondiaux pour le contrôle par l'argent, pour étaler les coûts, pour dominer les marchés et casser les reins aux concurrents...

Cette logique, qui a conduit à la situation actuelle, est reprise avec plus de force encore par Thierry Breton, avec le soutien politique du Gouvernement : licenciements massifs, ruine de nombreux petits actionnaires qui se sont laissé séduire par les « marchands de rêve » de la Bourse, disparition de l'usager, qui est devenu un client ordinaire, ouverture du capital déclenchant une concurrence devant, à terme, avoir pour effet de diminuer le tarif des communications mais qui a abouti à multiplier par sept le coût de l'abonnement depuis 1996, développement anarchique des réseaux « mobiles » dans nos villes, qui ont vu fleurir des antennes au détriment de la santé de nos concitoyens...

France Télécom est devenu un prédateur international, notamment en Argentine où il s'est approprié la moitié du marché domestique, en pratiquant des marges bénéficiaires de 15 %, contre 5 % sur le marché européen.

Chacun admet aujourd'hui que cette logique soumise aux canons de la rentabilité financière - logique de gestion de portefeuilles de clientèles par le rachat d'entreprises à l'international - est la cause du tournant qui a conduit France Télécom à sa désastreuse situation actuelle : avec un endettement de près de 70 milliards d'euros, elle est l'entreprise la plus endettée du monde !

M. Pierre Hérisson, rapporteur. A qui la faute ?

Mme Odette Terrade. Il est temps, madame la ministre, de procéder à un bilan des déréglementations intervenues dans le secteur des télécommunications et de l'ensemble des privatisations, non seulement en France mais aussi dans toute l'Europe.

Aujourd'hui, le cadre juridique européen et les directives ne peuvent s'appréhender que dans le contexte du processus de libéralisation qui a fait de l'usager un client, de la communication une marchandise, et qui a déclenché une crise économique grave dans ce secteur, lequel s'est recomposé par des démembrements et des privatisations.

La stratégie financière n'a fait qu'aggraver la situation en privilégiant le profit à court terme. Les conséquences des fusions et des acquisitions dans un laps de temps très court, au plus haut de la bulle spéculative et de la dégringolade des cours de la Bourse, ont dégradé le secteur.

Aucune leçon n'a été tirée de ces dérégulations, bien au contraire, madame la ministre, puisque, aujourd'hui, vous persistez dans la même logique en conduisant France Télécom à la privatisation totale, avec l'aval des institutions européennes.

Pour notre part, nous pensons qu'il est possible de faire autrement et qu'il est nécessaire de revoir la réglementation européenne. Les directives sur les services d'intérêt général doivent être renégociées.

En 2004, lors du sommet des chefs d'Etat, le traité devrait être modifié de façon à reconnaître un secteur économique dont la « régulation » ne soit pas l'ensemble du « marché-concurrence ».

C'est le système bancaire français qui devrait s'organiser autour d'un pôle public financier, mais c'est aussi la Banque européenne d'investissement qui devrait disposer d'un fonds spécifique pour la sécurité de l'emploi, la formation et la recherche dans la filière des télécommunications en Europe. C'est encore la Banque centrale européenne qui devrait sortir de sa politique monétaire aveugle et s'orienter vers un financement sélectif à bas taux d'intérêt des investissements, selon leur efficacité pour l'emploi, la formation et le social.

Madame la ministre, le plus petit projet de loi de la législature est, symboliquement, celui qui ouvrira définitivement la porte de la privatisation totale de France Télécom et entraînera les autres privatisations aujourd'hui en préparation.

Cette modification de la loi par les deux mots « ou indirectement » est la preuve que votre politique est aujourd'hui aux ordres des stratèges de l'Organisation mondiale du commerce, qui veulent, à travers l'accord général sur le commerce et les services, livrer au marché, en procédant par étapes, les transports, l'énergie, la poste, les télécommunications, l'éducation et la santé.

Au nom de la sacro-sainte concurrence, vous voudriez faire croire à nos concitoyens que l'intérêt général passe par les privatisations et le diktat du marché. Rappelons-nous l'expérience catastrophique du rail en Grande-Bretagne et les dégâts sur l'emploi, sur la qualité des services, sur la tarification et sur l'environnement des différentes privatisations en Europe.

Une fois de plus, à travers l'opération d'augmentation du capital, vous faites confiance au marché boursier dans un environnement de crise internationale alors que les risques sont élevés. Une fois de plus, vous ne tenez pas compte de l'expérience passée d'une gestion strictement spéculative.

Par ces deux mots : « ou indirectement », loin de modifier la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, vous la supprimez à terme, très directement, en annihilant le concept de service public.

C'est la raison pour laquelle les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen rejetteront ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski.

M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons, modeste peut-être, car essentiellement technique, constitue toutefois un acte fort de soutien, et du Gouvernement et du Parlement, au redressement de France Télécom.

Comme l'ont rappelé Mme la ministre et M. le rapporteur, ce projet de loi conditionne la réalisation de l'augmentation de capital de l'entreprise en assouplissant le mode de détention par l'Etat de la majorité du capital de France Télécom et en transférant à un établissement public, l'ERAP, l'intégralité de la participation de l'Etat dans France Télécom, cet établissement, qui bénéficie de la garantie de l'Etat, devant participer ensuite au renforcement des fonds propres de France Télécom.

L'examen de ce texte est à mes yeux l'occasion d'insister sur l'extrême difficulté de la tâche de M. Thierry Breton et de son équipe, et de saluer ici les premiers signes solides de la réussite du plan de redressement que le PDG de France Télécom a engagé, en concertation bien sûr avec son actionnaire l'Etat.

Pourtant, l'opérateur historique revient de loin, et M. le rapporteur a eu raison de le rappeler.

Au moment de la crise de liquidités de septembre 2002, France Télécom affichait une perte de 12,2 milliards d'euros sur le premier semestre de 2002, ainsi qu'une dette colossale, qui, alors, dépassait même 70 milliards d'euros, dette que, bien sûr, les fonds propres ne couvraient pas.

La reprise en main de France Télécom a permis à l'entreprise de retrouver un début de confiance des marchés - cela démontre la crédibilité et le réalisme du plan engagé - et à son président de retrouver un réel pouvoir de décision en même temps qu'une véritable autonomie par rapport aux marchés.

Je voudrais, comme Mme la ministre et comme M. le rapporteur, rappeler qu'à peine installé Thierry Breton s'était fixé trois défis - les fameux « 15 + 15 + 15 » - portant chacun sur 15 milliards d'euros.

Le premier défi était la renégociation de 15 milliards d'euros de dettes. Cette renégociation est achevée, et elle a d'autant plus vite abouti que le crédit de 9 milliards d'euros ouvert par l'Etat a sécurisé les créanciers obligataires sollicités.

Le deuxième défi était la réalisation de 15 milliards d'euros d'économies cumulées d'ici à 2005 dans les domaines des achats et des approvisionnements, des investissements, du marketing et de la communication, ou encore des frais généraux et de l'immobilier.

M. René-Pierre Signé. Et des suppressions d'emploi !

M. Ladislas Poniatowski. Ces chantiers sont ouverts. Ils n'ont véritablement démarré qu'en tout début d'année, mais je rappelle que l'équipe dirigeante ne tient vraiment les rênes de l'entreprise que depuis le début de 2003, les résultats précédents n'étant en quelque sorte que les conséquences des gestions antérieures à décembre 2002.

Il y a cependant - et je remercie M. le rapporteur d'avoir relaté ce qui s'était passé en commission - une catégorie d'économies que l'élu local que je suis regrette très sincèrement, madame la ministre : je veux parler de la décision de France Télécom de ne plus apporter sa contribution à l'enfouissement des lignes téléphoniques.

M. René-Pierre Signé. Elle a bien tort !

M. Ladislas Poniatowski. Au moment où les collectivités locales font un effort important pour embellir l'environnement, ce désengagement est à mes yeux une erreur, et, madame la ministre, je pense que votre rôle est d'être l'avocate des collectivités locales en la matière.

En comparaison du formidable cadeau que fait l'Etat - 9 milliards d'euros -, la petite économie qui consiste à ne plus participer à l'enfouissement des lignes téléphoniques est tellement maigre et ridicule que je souhaite sincèrement que France Télécom y réfléchisse et revienne sur ce point. J'aimerais donc, je le répète, que vous vous fassiez l'avocate des collectivités locales, madame la ministre.

M. Roland du Luart. Excellent !

M. Bernard Saugey. Très bien !

M. Ladislas Poniatowski. Le troisième défi était l'augmentation du capital dont nous débattons aujourd'hui, qui a été annoncée hier par France Télécom et qui a été plutôt bien accueillie par le marché.

Les résultats opérationnels sont en forte progression, signe du dynamisme de l'entreprise. Le nombre de ses clients ne cesse de progresser dans tous les secteurs et le groupe conforte ses positions dans la grande majorité de ses activités, tout en faisant preuve de sa forte capacité de résistance à la concurrence. Après la mise en place d'une nouvelle organisation, plus ramassée, plus rationnelle, Thierry Breton s'est engagé à assurer les besoins de refinancement de l'entreprise.

Bref, il semble aujourd'hui que l'étau financier se soit desserré, grâce à l'action courageuse et volontaire de la nouvelle équipe managériale. La dynamique positive engagée dans l'entreprise fonctionne et les résultats sont déjà probants ; je crois qu'il était important de le souligner.

A l'occasion de l'examen de ce texte technique, je salue, moi aussi, la grande transparence de la démarche gouvernementale. Vous avez choisi, madame la ministre, de présenter un texte de loi spécifique pour cette légère modification de la loi du 2 juillet 1990, offrant ainsi au Parlement l'occasion de marquer son soutien à l'entreprise France Télécom et à son nécessaire redressement.

Notre débat me paraît de nature à accélérer encore ce rétablissement. Il a été l'occasion, pour le Gouvernement, d'éclairer le Sénat sur les perspectives et sur la stratégie de France Télécom, ce dont je vous remercie, madame la ministre.

J'évoquerai brièvement l'augmentation du capital en cours.

Le succès d'une telle opération dépend autant du moment choisi pour solliciter les investisseurs que des conditions financières qui leur sont réservées.

Le moment pouvait difficilement être plus mal choisi, compte tenu de la guerre en Irak et de la réaction de la Bourse à celle-ci. Or, surprise ! hier, dans un marché en pleine déroute - les cours ont chuté de 5,67 % - le titre France Télécom n'avait baissé, au terme de la séance, que de 0,99 %, pour s'établir à 20 euros. Il faut indubitablement y voir un signe.

Quant au prix retenu pour cette souscription, il paraît avoir été fixé de manière à ne léser ni les plus anciens actionnaires de France Télécom ni ceux qui souhaitent entrer dans le capital. Le prix proposé de 14,5 euros fait ressortir une décote de 28 % par rapport au dernier cours de clôture, qui était de 20,2 euros. Les 1 600 000 petits actionnaires et les 120 000 actionnaires salariés devraient finalement s'en sortir à moindre mal - je pense être objectif en le disant - au regard de certaines opérations qui ont été réalisées encore récemment avec des décotes pouvant atteindre 50 %, en particulier dans le domaine des télécommunications.

Comme prévu, l'Etat, principal actionnaire de l'entreprise avec 56,4 % du capital, participe à l'opération au prorata, soit à hauteur d'environ 9 milliards d'euros. Devait-il le faire à ce niveau ? Je serais tenté de répondre que cela était nécessaire pour rassurer les salariés et les actionnaires, mais la question reste légitime, compte tenu du bon accueil réservé à la part non détenue par l'Etat, qui représente quelque 6 milliards d'euros.

En effet, le syndicat bancaire constitué d'une vingtaine d'établissements qui s'est porté garant de la souscription par les investisseurs privés a répondu très favorablement à France Télécom durant le week-end, puisque cette souscription a atteint près de six fois le montant demandé, soit un surcroît de 30 milliards d'euros. Ce succès montre la confiance de la communauté financière dans l'avenir de France Télécom, y compris hors de nos frontières, puisque certaines offres émanaient de l'étranger.

Toutefois, ce succès pouvait aussi permettre de réduire quelque peu la part de l'Etat dans le capital de France Télécom. Comme l'a rappelé excellemment notre rapporteur Pierre Hérisson, dont je tiens à saluer ici le travail, ce texte ne remet pas en cause la participation majoritaire de l'Etat dans le capital de France Télécom et n'affecte en rien le statut du personnel de l'opérateur historique. Il en demeurera bien sûr ainsi tant que le Parlement n'en aura pas décidé autrement.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Exactement !

M. Ladislas Poniatowski. Cependant, les 15 milliards d'euros récoltés à l'occasion de cette augmentation de capital serviront intégralement au désendettement, notamment au remboursement de 5,5 milliards d'euros d'obligations arrivant à échéance dans le courant de l'année 2003. Ils permettront surtout d'améliorer le ratio d'endettement ; ainsi, l'entreprise sera mieux armée pour affronter l'avenir.

Certes, France Télécom aurait peut-être pu bénéficier d'une aide supplémentaire, notamment pour favoriser la mise en oeuvre de son projet d'entreprise et de ses projets de développement. A titre personnel, je n'aurais pas été hostile à ce que l'Etat réduise sa part dans le capital, tout en restant majoritaire : entre 56 % et 50 %, il y a une marge de manoeuvre qui me semble intéressante. Autrement dit, madame la ministre, il me paraît regrettable que l'Etat, l'ERAP et France Télécom - pour son autocontrôle - aient pris l'engagement de ne pas mettre de titres sur le marché pendant six mois. Vous aurez compris, mes chers collègues, que cette observation était purement personnelle.

En tant que porte-parole du groupe UMP du Sénat, je tiens à dire que nous apportons notre soutien plein et entier à la décision du Gouvernement, décision porteuse d'avenir, qui permet de témoigner à la nouvelle équipe chargée de conduire le difficile redressement de France Télécom la confiance du Parlement, en tout cas celle du Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui réunis pour examiner un projet de loi certes fort concis dans sa rédaction, puisqu'il ne vise qu'à ajouter deux mots à l'article 1er de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, mais dont la portée est grande puisqu'il concerne la situation financière de France Télécom, dont la fragilité est apparue au grand jour avec la publication, en septembre dernier, des résultats du premier semestre de 2002.

Nous comprenons bien que la brièveté du texte indique que le Gouvernement souhaite qu'il soit adopté rapidement, dans un souci légitime d'efficacité que nous saluons.

Cependant, il me semble important d'aborder au préalable, au cours de cette discussion générale, la question de l'avenir de France Télécom et celle de la place de l'Etat dans le domaine des télécommunications et des nouvelles technologies.

Quelles sont les perspectives ouvertes à France Télécom pour l'avenir proche ?

Cette question concerne au premier chef les 200 000 salariés et les 1 600 000 actionnaires privés du groupe, mais aussi tous les contribuables français, dans la mesure où l'Etat détient aujourd'hui 56 % du capital de l'entreprise. Les chiffres que chacun a à l'esprit s'agissant de cette société et qui ont été rappelés par plusieurs orateurs m'ayant précédé - 68 milliards d'euros de dette et un résultat net négatif, pour le groupe, de 20 milliards d'euros en 2002 - ne permettent pas, en effet, de souscrire à une augmentation du capital sans s'interroger sur l'avenir de l'opérateur.

Aussi le groupe de l'Union centriste tient-il à saluer les efforts consentis par l'actuelle direction de l'entreprise pour, selon l'expression du nouveau président, M. Thierry Breton, « reprendre son destin en main ». Nous approuvons donc le plan de redressement « Ambition France Télécom 2005 » que celui-ci a présenté en décembre dernier et qui s'articule autour de 15 milliards d'euros d'économies de gestion, de 15 milliards d'euros de refinancement obligataire de la dette auprès des marchés financiers et de 15 milliards d'euros d'augmentation des fonds propres de l'entreprise.

La participation de l'Etat à ce volet du plan nous paraît essentielle pour le redressement de l'entreprise : elle manifeste clairement la confiance du Gouvernement dans la pertinence des mesures annoncées et son engagement aux côtés de la direction de France Télécom. Nous l'approuvons, ainsi que l'ont fait hier les marchés, qui y voient une marque de confiance dans l'avenir de l'entreprise.

Nous approuvons également le montage financier élaboré par l'Etat pour remplir ses obligations d'actionnaire principal. En transférant sa participation à un établissement public expérimenté en matière de gestion de participation dans le capital d'entreprises publiques, l'ERAP, l'Etat permet le renforcement des fonds propres de France Télécom sans se mettre en contradiction avec les règles qui encadrent l'attribution des aides gouvernementales aux entreprises au sein de l'Union européenne. Il évite également d'augmenter sa propre dette et se met en situation de voir ses actions gérées de manière professionnelle, ce qui, il faut bien le dire, n'a pas toujours été le cas dans le passé.

Par ailleurs, les premiers résultats de la mise en oeuvre du plan de redressement de l'entreprise, qui est parvenue à refinancer une partie de sa dette auprès des marchés obligataires depuis le mois de décembre et à réaliser quelques-uns de ses actifs, laissent espérer que l'ERAP sera en mesure de faire face au remboursement des emprunts qu'il va contracter pour participer à l'augmentation de capital de France Télécom, opération dont le lancement auprès des investisseurs privés a été hier couronné de succès.

Le groupe de l'Union centriste approuve donc tant la participation au renforcement des fonds propres de France Télécom que le mode opératoire choisi pour y procéder.

Cependant, nous ne considérons pas la participation majoritaire de l'Etat dans le capital de France Télécom comme un principe absolu. En effet, la détention par l'Etat de la majorité du capital d'une entreprise interdit à celle-ci, contre toute logique financière, d'assurer sa croissance externe au moyen de prises de participations croisées avec d'autres sociétés. Or c'est précisément ce qui a conduit France Télécom à se surendetter pour procéder à l'acquisition d'Orange.

Par conséquent, si le plan de redressement en cours permet de préserver l'intégrité du groupe tel que celui-ci a été constitué par la précédente direction autour de marques aussi solides et porteuses d'avenir que France Télécom, Orange, Wanadoo ou Equant, ce dont nous nous félicitons, il convient néanmoins de ne pas s'arrêter en si bon chemin.

A terme, il sera certainement nécessaire d'envisager une évolution de la composition du capital social de l'entreprise, pour permettre à France Télécom de saisir de nouvelles occasions de développement qui pourraient se présenter dans le domaine des télécommunications et des nouvelles technologies.

Pour terminer, je soulignerai le fait que France Télécom, dans le contexte financier dégradé qui est le sien aujourd'hui, fait désormais appel aux collectivités territoriales pour financer l'intégralité des nouvelles extensions de réseau. A cet égard, le groupe de l'Union centriste ne cache pas son inquiétude quant au devenir du réseau en zone rurale, qu'il s'agisse de son maintien et de son développement ou de sa modernisation, notamment de l'installation des lignes à haut débit. Celle-ci constituera, dans les années à venir, un élément fondamental de l'aménagement et du développement du territoire, et il ne faudrait surtout pas qu'elle représente un facteur discriminant au détriment du milieu rural. Devant cette situation, il nous semble donc très important que soit engagée dès maintenant une véritable discussion avec les collectivités territoriales.

En conclusion - conclusion sans doute provisoire compte tenu des chantiers encore ouverts que je viens d'évoquer -, je tiens à remercier et à féliciter M. le rapporteur, Pierre Hérisson, pour son excellent travail et à vous indiquer, madame la ministre, mes chers collègues, que le groupe de l'Union centriste votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

MM. René Garrec et Ladislas Poniatowski. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais remercier l'ensemble des orateurs de leurs interventions, notamment le rapporteur, M. Pierre Hérisson, pour son analyse très fouillée et ses commentaires particulièrement avisés. Je tiens à le remercier d'avoir insisté sur la transparence de notre démarche, qu'il a bien voulu saluer, et d'apporter son soutien à ce texte.

Je répondrai maintenant aux trois questions posées par M. Trémel.

S'agissant tout d'abord du volet social du plan d'action de l'entreprise France Télécom, je voudrais souligner que ce plan est avant tout fondé sur le principe du volontariat.

En effet, l'objectif est de rendre plus flexible la gestion des ressources humaines au sein de l'entreprise et de permettre à ceux des fonctionnaires de France Télécom qui souhaiteront poursuivre leur carrière hors de l'entreprise de trouver des postes correspondant à leurs attentes dans les différentes fonctions publiques.

J'ajouterai que la réduction du nombre des fonctionnaires de l'Etat est tout à fait compatible avec une plus grande flexibilité dans l'évolution de carrière des fonctionnaires de France Télécom, puisque les trois fonctions publiques verront partir à la retraite, dans les prochaines années, une proportion importante de leurs personnels. Dans ces conditions, la nécessaire continuité de l'action publique exige que l'on introduise la plus grande flexibilité possible.

La deuxième question de M. Trémel portait sur la compatibilité du plan avec le droit européen.

Cette compatibilité est assurée, je le répète, par le fait que l'Etat se comporte, dans le cadre de ce plan, strictement comme le ferait tout actionnaire majoritaire privé dans des circonstances équivalentes. D'ailleurs, l'augmentation de capital qui vient d'être engagée avec la garantie d'un ensemble de banques pour une souscription à hauteur de 6 milliards d'euros fournit la preuve, s'il en fallait une, que de nombreux investisseurs croient en l'avenir de France Télécom.

En outre, monsieur Trémel, la Commission européenne ne pourrait émettre, pour reprendre les termes que vous avez employés, des « conditions » que si la qualification d'aide d'Etat était retenue. Or, je le maintiens, cela ne semble pas devoir être le cas, puisque l'Etat agit strictement en actionnaire avisé dans le cadre d'une opération de marché. Il n'y a donc pas lieu d'être inquiet à ce sujet.

Enfin, la réponse à votre troisième question est claire : ce projet de loi n'est pas un premier pas vers la privatisation.

Comme l'a très bien souligné M. le rapporteur, une nouvelle loi serait nécessaire pour que le secteur public devienne minoritaire dans le capital de France Télécom. Cela étant, je tiens à rappeler que le Gouvernement a indiqué en décembre dernier - je l'ai moi-même dit à l'Assemblée nationale - que nous tirions les leçons du passé. Le seuil de 50 % du capital détenu par le secteur public a été l'une des raisons qui ont conduit France Télécom à s'endetter, aussi avons-nous clairement signifié que si, à l'avenir, l'intérêt stratégique de l'entreprise imposait que l'Etat détienne moins de la majorité du capital, le Gouvernement ne ferait pas obstacle à une évolution à cet égard.

S'agissant du secteur des télécommunications, je vous rappelle, monsieur Trémel, qu'un texte sur l'économie numérique est en cours d'examen et que le Gouvernement a pris des initiatives très concrètes pour soutenir le développement du réseau à haut débit, en liaison avec les entreprises concernées ; j'aurai l'occasion d'y revenir.

J'indiquerai à Mme Terrade que, de notre point de vue, le processus de libéralisation du secteur des télécommunications n'est pas en cause dans la situation actuelle de France Télécom, pas plus qu'il ne l'est d'ailleurs dans celle d'autres opérateurs de ce secteur.

Les difficultés actuelles de France Télécom sont avant tout liées à deux phénomènes : le fait que certaines opérations d'investissement n'aient pas été bien menées, alors que la spéculation financière battait son plein, et l'impossibilité pour l'entreprise de financer ses investissements autrement que par l'endettement, en raison de la détention par l'Etat de la majorité du capital.

Nous pensons, madame Terrade, qu'il ne convient pas de concevoir les relations entre l'Etat et les entreprises publiques sous un angle idéologique. Le Gouvernement prend en compte les réalités avant d'agir de manière pragmatique et déterminée, dans l'intérêt stratégique des entreprises, de leurs salariés et de l'Etat actionnaire.

M. Poniatowski a également évoqué un éventuel désengagement de l'Etat, dont la participation resterait néanmoins supérieure à 50 % du capital. Il me semble souhaitable de procéder par étapes. Pour l'heure, France Télécom doit mener à bien les opérations d'augmentation de son capital, à laquelle l'Etat souscrira à la hauteur prévue. Ensuite, en fonction de la mise en oeuvre du plan d'action de l'entreprise, il conviendra d'envisager la façon dont devra évoluer la part détenue par l'ERAP pour le compte de l'Etat. Il serait aujourd'hui prématuré de préjuger cette évolution.

S'agissant de l'enfouissement des lignes, monsieur Poniatowski, l'Etat ne fait pas un « cadeau » à France Télécom. C'est là notre seul point de désaccord. Que les choses soient bien claires : l'Etat investit, à l'instar d'autres actionnaires.

Cela étant, France Télécom n'a nullement renoncé à sa politique d'enfouissement des lignes, à laquelle elle a consacré, je le rappelle, 350 millions d'euros en dix ans. France Télécom a choisi de ralentir son rythme d'investissement, y compris dans ce domaine. D'ici à deux ou trois ans, elle pourra reprendre ses investissements pour l'enfouissement des lignes ; à cette fin elle continuera de mettre en oeuvre des partenariats avec les collectivités territoriales.

Cela dit, j'ai bien entendu votre message. Je suis tout à fait disposée à me faire l'avocate des collectivités territoriales, comme vous me l'avez suggéré.

M. Ladislas Poniatowski. Nous vous en remercions !

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. S'agissant de la question de M. Détraigne relative à l'intervention des collectivités locales en matière de télécommunications et qui rejoint les préoccupations exprimées par M. Trémel, je rappelle que j'ai accepté, dans le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique, un amendement qui réforme en profondeur l'article L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales. Cet amendement, sur lequel la Haute Assemblée va se prononcer à la fin du mois de juin, permettra aux collectivités d'intervenir directement sur les réseaux à haut débit. C'est un point très important.

De même, nous avons repris, par voie d'amendements, la proposition de loi, adoptée par le Sénat relative à la couverture du territoire par les réseaux de téléphonie mobile, qui avait été présentée par MM. Bruno Sido, Gérard Larcher et Pierre Hérisson. Les dispositions de cette proposition de loi vont donc entrer prochainement dans le droit positif.

Au total, comme vous le constatez, monsieur le sénateur, le Gouvernement agit avec le Sénat pour lutter contre la fracture numérique des territoires.

Monsieur Détraigne, vous avez dit que les chantiers qui étaient devant nous étaient vastes. Je puis vous assurer que le Gouvernement a la ferme volonté de faire en sorte que les objectifs, certes audacieux mais réalisables, qui nous nous sommes fixés soient atteints. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi modifiant l'article 1er - 1 de la loi n° 90-568, du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications
Art. unique (fin)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.

« Article unique. - Au premier alinéa du 1 de l'article 1er-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, il est inséré, après le mot : "directement", les mots : "ou indirectement". »

La parole est à M. le rapporteur, sur l'article unique.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Selon certains de nos collègues, il s'agit sans doute du projet de loi le plus court de la législature. Je ne sais pas si on peut faire une telle analyse. On aurait d'ailleurs pu faire encore plus court en supprimant le mot « directement », ce qui aurait également permis de résoudre le problème.

Cela étant dit, la rédaction telle que vous la proposez, madame la ministre, qui a pour objet d'ajouter, après le mot « directement », les mots « ou indirectement », règle d'une manière parfaite et précise le problème et évitera toute discussion sur le sujet ainsi que tout motif de contentieux.

C'est pourquoi je vous propose, mes chers collègues, d'adopter le projet de loi en l'état.

Au passage, je remercie les membres et le personnel de la commission des affaires économiques et du Plan pour leur participation à nos travaux sur ce projet de loi. Je me félicite du fait que la conférence des présidents nous ait permis d'avoir un vrai débat sur la situation de France Télécom. Celle-ci a évolué en ce début de semaine. En effet, le Gouvernement a pris une décision courageuse dans une situation économique qui comporte des certitudes mais aussi des incertitudes. Cela va permettre à notre opérateur historique de diminuer son endettement, qui était devenu catastrophique.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel, pour explication de vote.

M. Pierre-Yvon Trémel. Le groupe socialiste s'abstiendra lors du vote sur le présent projet de loi visant à modifier l'article 1er-1 de la loi relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

Mme Odette Terrade. Le groupe CRC vote contre.

(Le projet de loi est adopté définitivement.)

M. le président. Mes chers collègues, avant d'aborder le point suivant de l'ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Art. unique (début)
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