Chapitre IV

Autres dispositions de nature à renforcer

la sécurité routière

Art. 11 bis
Dossier législatif : projet de loi renforçant la lutte contre la violence routière
Art. additionnel avant la section 1

Division et articles additionnels

avant la section 1

M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 41, présenté par Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Avant la section 1 (avant l'article 12 A), insérer une division additionnelle ainsi rédigée :

« Section...

« Disposition relative au développement des équipements de sécurité sur les véhicules neufs. »

L'amendement n° 82, présenté par M. Mahéas, Mme M. André, MM. Badinter, Courrière, Debarge, Dreyfus-Schmidt, Frécon, Frimat, C. Gautier, Peyronnet, Sueur et Sutour, Mme Printz, M. Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Avant la section 1 (avant l'article 12 A), insérer une division additionnelle ainsi rédigée :

« Section...

« Dispositions relatives au développement des équipements de sécurité sur les véhicules. »

La parole est à Mme Nicole Borvo, pour défendre l'amendement n° 41.

Mme Nicole Borvo. Les amendements n°s 40 et 41 ont pour objet le bridage des moteurs. Alors que la vitesse reste l'une des causes majeures des accidents de la circulation, il convient d'envoyer, nous semble-t-il, un message fort à nos concitoyens.

Certes, cette disposition ne permet apparemment pas de lutter contre l'excès de vitesse en ville, mais elle revêt à notre sens une portée symbolique importante au regard de la responsabilisation du conducteur, qui est souhaitée par notre ministre de l'équipement et des transports. Elle récuse en effet la valeur positive que possède encore trop souvent la vitesse.

Parallèlement, vous avez annoncé, monsieur le ministre, l'introduction de boîtes noires à bord des voitures. C'est une nouvelle tout à fait encourageante que nous approuvons. Vous avez également indiqué que l'Etat donnerait l'exemple en installant des réducteurs de vitesse sur tous les nouveaux véhicules de son parc automobile. J'espère que le Sénat prendra aujourd'hui l'engagement de suivre cet exemple.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour présenter l'amendement n° 82.

M. Jacques Mahéas. L'amendement se justifie par son texte même.

M. le président. Le Sénat se prononcera sur ces amendements après le vote sur l'amendement n° 61.

Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 40, présenté par Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Avant la section 1 (avant l'article 12 A), insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Après le premier alinéa de l'article L. 311-1 du code de la route, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« A compter de la promulgation de la loi n° ... du... renforçant la lutte contre la violence routière, les véhicules neufs sont dotés d'équipements de sécurité propres à limiter la vitesse du véhicule. »

Cet amendement a déjà été présenté.

L'amendement n° 70, présenté par M. Delfau, est ainsi libellé :

« Avant la section 1 (avant l'article 12 A), insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« L'article L. 311-1 du code de la route est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« A compter de la promulgation de la loi n°... du... renforçant la lutte contre la violence routière, les véhicules neufs sont dotés d'équipements de sécurités propres à limiter la vitesse du véhicule à celle légalement autorisée sur autoroute. »

L'amendement n° 79, présenté par M. Mahéas, Mme M. André, MM. Badinter, Courrière, Debarge, Dreyfus-Schmidt, Frécon, Frimat, C. Gautier, Peyronnet, Sueur et Sutour, Mme Printz, M. Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Avant la section 1 (avant l'article 12 A), insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Les véhicules terrestres à moteur neufs immatriculés à partir du 1er janvier 2004 sont dotés d'équipements de sécurité propres à limiter et à adapter leur vitesse. »

L'amendement n° 81, présenté par MM. Mahéas, Sueur et Badinter et Mme Blandin, est ainsi libellé :

« Avant la section 1 (avant l'article 12 A), insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Les véhicules terrestres à moteur neufs immatriculés à partir du 1er janvier 2004 sont dotés d'équipements de sécurité propres à les empêcher de dépasser une valeur de vitesse donnée. »

L'amendement n° 80, présenté par M. Mahéas, est ainsi libellé :

« Avant la section 1 (avant l'article 12 A), insérer un article additionnel ainsi rédigé.

« A compter de janvier 2004, les véhicules terrestres à moteur destinés à la circulation sur route sont dotés d'un cadran de vitesse graduée à une vitesse maximale de 150 km. »

La parole est à M. Gérard Delfau, pour présenter l'amendement n° 70.

M. Gérard Delfau. Cet amendement est important.

Tirant les leçons de la difficulté à faire reculer suffisamment rapidement non seulement la violence routière, mais surtout ses conséquences, nous proposons que les véhicules neufs soient dotés d'équipements de sécurité de nature à limiter leur vitesse à celle qui est légalement autorisée sur autoroute.

Cette proposition a déjà fait l'objet de nombreuses discussions, notamment à l'Assemblée nationale, et un certain nombre d'objections ont été soulevées. Cela dit, nous savons aussi qu'une expérience est en cours au sein de l'administration française.

Par cet amendement, nous proposons donc d'accélérer une évolution qui est sans doute nécessaire et qui devrait aboutir assez rapidement.

Je rappellerai, puisque M. le ministre ne l'a pas relevé hier, que j'avais fait la même proposition le 23 juin 2000 lors d'une question d'actualité consacrée à la sécurité routière.

M. Gayssot m'avait alors apporté de nombreuses informations sur l'effort du Gouvernement en la matière. Il avait tout particulièrement déclaré : « J'ai demandé à mes homologues européens qu'une étude soit lancée pendant la présidence française pour rendre obligatoire l'installation de limitateurs-avertisseurs de vitesse sur tous les véhicules... Son principe sera examiné dès ce lundi en Conseil des ministres des transports européen. »

Bien sûr, le Gouvernement a changé. Mais la continuité de l'Etat dans son action au plan européen demeure. Dans la mesure où la France est engagée dans cette voie depuis trois ans, je souhaiterais savoir où en sont les discussions.

En conclusion, j'invite mes collègues à passer aux réalisations, après tant de débats, puisque les essais techniques ont eu lieu. Cet amendement devrait donc être inséré dans le projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour présenter les amendements n°s 79 et 80.

M. Jacques Mahéas. Tout à l'heure, notre assemblée a consacré un certain temps à parler des personnes âgées. Mais ce ne sont pas les personnes âgées qui sont responsables de la majorité des accidents. Ce qui engendre le plus d'accidents, c'est la vitesse. Elle est un facteur déterminant ou aggravant dans un accident mortel sur deux. Que ce soit en rase campagne ou en agglomération, quel que soit le type de réseau, on constate que les pourcentages de dépassement de la vitesse autorisée sont élevés.

Des efforts considérables ont été réalisés ces dernières années en matière de sécurité passive qui concerne la réduction des conséquences d'un accident. Les progrès doivent aujourd'hui venir davantage de la sécurité active. A cet égard, le développement des systèmes d'aide à la conduite comme le limiteur-adaptateur de vitesse doit être encouragé.

Sur un tel amendement, nous pouvons déjà prédire, sans nous tromper, la teneur de l'argumentation que vont développer M. le rapporteur et M. le ministre.

L'amélioration de la sécurité des véhicules passe avant tout par l'Union européenne. Tous les débats se déroulent à ce niveau et l'adoption d'une nouvelle réglementation implique un consensus, notamment entre les grands pays constructeurs : France, Allemagne, Italie.

La France peut influer sur l'élaboration des nouvelles réglementations, mais elle se heurte parfois à des résistances de la part d'autres Etats membres, dont les points de vue sur la sécurité routière sont très différents. On l'a vu récemment sur le réseau italien.

Sommes-nous condamnés à l'immobilisme à l'échelon national alors que notre législation interne impose à tous les véhicules, au moment de leur construction ou de leur commercialisation, de respecter un ensemble de normes de sécurité ?

Je rappelle que l'article L. 311-1 du code de la route dispose que : « Les véhicules doivent être construits, commercialisés, exploités, utilisés, entretenus et, le cas échéant, réparés de façon à assurer la sécurité de tous les usagers de la route. »

On peut donc envisager, sans craindre de subir les foudres de Bruxelles, qu'en plus des équipements minimaux de sécurité, dont on a eu l'occasion d'observer qu'ils sont renforcés pour les poids lourds et les transports par car, les constructeurs développent des équipements de sécurité supplémentaires, d'ailleurs directement issus des résultats des recherches de leur propre laboratoire.

S'agissant des limiteurs-adaptateurs de vitesse, la préférence doit pouvoir être donnée à une généralisation sur l'ensemble du parc automobile.

Il ne s'agit pas de généraliser tel quel le dispositif du « cruise control », lequel permet de maintenir une vitesse programmée. Ce dispositif existe aux Etats-Unis. Il requiert, en pratique, des conditions de circulation fluides, ce qui est le cas dans ce pays.

En revanche, le limiteur réglable permet au conducteur d'imposer au véhicule une vitesse qu'il ne doit pas dépasser. Lorsque le véhicule s'apprête à dépasser le seuil indiqué au départ, la vitesse s'autorégule.

Le problème est qu'actuellement ce dispositif existe, en option ou en série, sur un très petit nombre de véhicules.

Cet amendement vise à généraliser ce nouvel outil qui agit directement sur la vitesse.

Le Gouvernement y est favorable puisque, selon les propos de M. de Robien, les services de l'Etat se sont engagés à installer des limiteurs de vitesse sur les véhicules de l'administration. De plus, M. Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice, de son côté, a encouragé les collectivités territoriales à adopter un dispositif identique pour le parc automobile qu'elles gèrent.

Si cet amendement était adopté, je serais satisfait !

L'amendement n° 81 vise à faire tomber un tabou.

On objectera que tout ce qui se rapporte à l'homologation de la voiture relève de la compétence de l'Union européenne. Précisément, cet amendement s'inscrit dans le droit-fil de la législation européenne qui s'oriente vers le bridage des moteurs.

A la fin de l'année 2002, le Parlement européen a adopté une directive modifiant la directive 92/6/CEE du Conseil relative à l'installation et à l'utilisation, dans la Communauté, de limiteurs de vitesse sur certaines catégories de véhicules à moteur.

Cette directive prévoit une limitation à 100 km/h pour les véhicules de transport de passagers de plus de huit sièges outre celui du conducteur et d'un poid maximum de cinq tonnes, et à 90 km/h pour les camions de trois tonnes cinq à douze tonnes.

Cette mesure, notamment destinée à améliorer la sécurité sur les autoroutes, entrera en vigueur progressivement : à compter du 1er janvier 2004 pour les nouveaux véhicules. Les véhicules servant exclusivement au transport national devront s'y conformer à partir du 1er janvier 2006.

Cette directive présente une avancée dans la mesure où, jusqu'à présent, seuls les poids lourds faisaient l'objet d'une telle limitation de vitesse. Après les camions et les minibus, il convient de faire tomber la barrière et d'étendre la mesure aux automobiles.

Certes, cette proposition n'exonère pas le conducteur de sa responsabilité. Le bridage n'est qu'une réponse partielle au problème de la vitesse, un véhicule bridé à 150 km/h pouvant rouler à cette vitesse sur une route départementale ou à 80 km/h en ville.

Faut-il cependant rappeler que le compteur de vitesse des plus modestes voitures affiche 180 km/h, voire 220 km/h ? J'ai déjà essayé, par un amendement, de ramener ce type de cadran à 150 km/h. Malheureusement, je n'ai pas été suivi. En pratique, la totalité du parc automobile est homologué pour violer la loi.

Il s'agit d'être crédible dans le discours sur le respect des règles de conduite en mettant en cohérence la rigueur de la loi et les capacités techniques des véhicules.

J'en viens à l'amendement n° 80.

A l'Assemblée nationale, le ministre, M. Gilles de Robien, a évoqué à sa manière le problème des cadrans gradués : « On a souvent parlé des cadrans gradués jusqu'à 240 kilomètres par heure pour des voitures de moyenne gamme. Ce n'est pas concevable. C'est une invitation à la vitesse, donc au délit et, surtout, à la perte de vies humaines ! »

L'amendement n° 80 vise tout simplement à tirer les conséquences de cette situation que déplore le ministre de l'équipement et des transports. Je regrette d'ailleurs de ne pas avoir été suivi en cela par la commission : il est tout de même étonnant que celle-ci, dans sa majorité, s'oppose aux propos de M. le ministre !

Ce type d'affichage sur les cadrans provoque inévitablement un effet psychologique qui incite l'automobiliste à tester la puissance de son véhicule et le conforte dans l'idée que ce dernier peut atteindre la vitesse maximale inscrite sur son tableau de bord. Ce n'est d'ailleurs pas toujours vrai, car le cadran de certaines petites voitures affiche des vitesses bien supérieures aux possibilités réelles du véhicule !

M. Hilaire Flandre. Tout à fait !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces cinq amendements ?

M. Lucien Lanier, rapporteur. L'amendement n° 40, présenté par Mme Borvo, tend à imposer que les véhicules soient équipés d'un limiteur de vitesse à compter de la promulgation de la présente loi. Une telle disposition mérite une réflexion un peu plus approfondie.

En effet, les constructeurs automobiles expérimentent actuellement des régulateurs qui sont gérés par les conducteurs eux-mêmes. Certains - j'en connais quelques-uns -, qui craignaient d'être emportés quelquefois par leur véhicule et par la vitesse, ont demandé la pose de ces appareils. Ils en semblent satisfaits, encore que ces dispositifs nuisent à certaines reprises du véhicule, pourtant nécessaires en cas de conduite sur route.

M. Jacques Mahéas. Ils se déclenchent automatiquement !

M. Alain Gournac. Non, non !

M. Paul Girod. Les régulateurs, oui, mais pas les limiteurs !

M. Lucien Lanier, rapporteur. Il faut, me semble-t-il, laisser à cette expérimentation, qui mise sur la responsabilité du conducteur, le temps d'être menée à son terme.

Enfin, il conviendrait, si nous légiférions, d'employer les termes techniques adéquats. Or ils sont variés, divers, ce qui prouve que la technique n'est pas encore tout à fait au point : certains parlent de « limiteurs », d'autres de « régulateurs », d'autres encore d'« enregistreurs »...

Il me semble donc que le Gouvernement devrait accélérer sa réflexion sur ce sujet. En l'état de la question, la commission des lois n'a pas jugé pouvoir accepter cet amendement ni les amendements suivants.

Par ailleurs, dans la mesure où je me suis fait, certes très poliment et très gentiment, reprocher notamment d'opposer le respect du domaine du règlement, je soulignerai que ce n'est pas moi, qui ne suis que le rapporteur de la commission des lois, qui vous impose ce respect. De plus, la commission se doit de rappeler que la Constitution exige que la loi reste dans le domaine de la loi et le règlement dans le domaine du règlement, et que nous ne devons pas nous laisser emporter à surcharger la loi de dispositions d'ordre réglementaire qui, en définitive, relèvent de la responsabilité de l'exécutif.

Depuis des années, la commission des lois ne cesse de reprendre ce thème, et elle le fait parce que c'est son devoir. Penser, comme il est d'ailleurs tout à fait logique, que ce qui est imposé par la loi est beaucoup mieux respecté est une erreur et ne conduit qu'à dissoudre la loi dans la réglementation. C'est une question fondamentale : je n'y peux rien. C'est un raisonnement juridique que je vous oppose, et ne croyez pas que je le fasse pour le plaisir de vous dire que, en définitive, vos arguments ne valent rien. Au contraire, je reconnais qu'ils sont tous extrêmement valables, et vous le savez très bien, mon cher collègue.

M. Daniel Goulet. J'espère bien !

M. Lucien Lanier, rapporteur. Dans ces conditions, ne venez pas me reprocher de faire ce qu'il est de mon devoir de faire et de rappeler ici, à savoir qu'il faut maintenir dans la loi ce qui est du domaine de la loi, laquelle est destinée à être ensuite appliquée au moyen de la réglementation.

Pour ne pas prêter à ambiguïté, la loi doit définir les grandes lignes...

M. Daniel Goulet. Très bien !

M. Lucien Lanier, rapporteur. ... et laisser à la réglementation le soin de définir ses modalités d'application.

M. Daniel Goulet. Absolument !

M. Lucien Lanier, rapporteur. Voilà pourquoi, si je vous ai irrité quelque peu tout à l'heure, mon cher collègue, je m'en excuse infiniment auprès de vous.

M. Daniel Goulet. Chacun son rôle !

M. Lucien Lanier, rapporteur. Mais il était vraiment de mon devoir et du devoir de la commission des lois d'agir ainsi.

MM. Alain Vasselle et François Trucy. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Ces différents amendements posent la question de l'équipement des véhicules, qu'il s'agisse de bridage, de limiteurs-régulateurs ou de la conception du cadran de vitesse.

Je commencerai par un bref rappel purement informatif : on dénombre 461 morts sur autoroute, 1 890 sur route nationale, 4 138 sur route départementale - essentiellement à proximité du domicile - et 1 231 sur les voies communales. Ces chiffres montrent que le bridage ou la limitation à 150 ou à 130 kilomètres par heure est un exercice probablement inutile, en tout cas sans pertinence par rapport aux risques réels que l'accidentologie permet de constater.

La question est ensuite de savoir comment introduire progressivement des systèmes de limitation dans l'organisation technique des véhicules.

Il est clair que, sur un plan purement réglementaire - au sens large du mot -, une décision française ne s'appliquerait, au mieux, qu'en France. Or, je me permets de rappeler à la Haute Assemblée que le marché de l'automobile a un cadre européen, voire mondial. Le sujet qui nous préoccupe peut certes être abordé sous l'angle de l'accidentologie, mais il a aussi - excusez-moi de ce très grand pragmatisme ! - une dimension économique. Dans ces conditions, imposer aux constructeurs français une réglementation spécifique alors que le marché n'a plus rien de national poserait, à tout le moins, une difficulté. Il était de mon devoir de le rappeler.

L'orientation du Gouvernement, en particulier celle du ministre de l'équipement - M. de Robien a dû s'absenter un moment, mais il reviendra à la fin de l'après-midi -, est d'encourager le développement du régulateur de vitesse, dans un premier temps sur l'initiative du conducteur. Pour ce qui le concerne, l'Etat essayera d'expérimenter le plus rapidement possible un dispositif plus sophistiqué - je ne suis pas ingénieur, et vous excuserez le schématisme de mes explications - qui permettra, grâce au GPS, d'adapter la vitesse du véhicule à la réglementation applicable à la voie sur laquelle il circule.

En tant que ministre de la justice, je trouve cela extraordinaire, mais aussi terrifiant. En effet, un tel système implique nécessairement que quelqu'un - qui ? - sait à tout moment où vous vous trouvez, à quelle vitesse vous roulez, et ce que vous faites !

M. Alain Gournac. Absolument !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement souhaite donc encourager fortement la mise en place de ce dispositif. Pour l'instant, ce sont plutôt les voitures haut de gamme qui en sont équipées, mais, le coût unitaire des appareils étant en train de baisser, il est évident qu'on les trouvera bientôt sur la plupart des véhicules.

Les amendements en discussion posent donc une vraie question. La solution d'avenir réside dans ces systèmes de régulateurs-adaptateurs ; car très sincèrement, au-delà de l'opposition entre la loi et le règlement, je ne pense pas qu'il faille procéder de manière autoritaire. Il est préférable de faire en sorte que l'administration qui contrôle ces questions incite fermement les constructeurs à développer l'installation de dispositifs de ce type sur tous les véhicules.

Nous verrons ce que donnera l'expérimentation LAVIA, le limiteur s'adaptant à la vitesse autorisée - rien de moins ! -, mais j'ai dit tout à l'heure ce que j'en pensais. Pour l'instant, nous devons en rester à cet état des choses.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces différents amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote sur l'amendement n° 70.

M. Gérard Delfau. Je reconnais toutes les difficultés techniques que posent les différents procédés qui sont en cours d'expérimentation et sur lesquels il est donc difficile de légiférer. C'est la raison pour laquelle, après avoir demandé instamment au Gouvernement de donner un signal en direction des constructeurs et de poursuivre les expérimentations en cours, je retirerai l'amendement n° 70.

Toutefois, je tiens à préciser - mais je le répéterai tout à l'heure ! - que l'enregistreur de vitesse est d'une nature très différente et, ayant accepté de retirer l'amendement n° 70, je souhaite que la Haute Assemblée considère ce mécanisme avec une très grande bienveillance. En effet, il procède d'une technique déjà éprouvée et n'entre pas, lui, dans un cadre expérimental qui est financièrement lourd, puisqu'il équipe déjà de nombreux véhicules. Il peut donc remplir une fonction dissuasive très importante.

M. le président. L'amendement n° 70 est retiré.

La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote sur l'amendement n° 79.

M. Jacques Mahéas. Cet amendement nous donne l'occasion de nous montrer un peu plus cartésiens que nous ne l'avons été jusqu'à présent.

La loi impose des limites de vitesse ; parallèlement, nous autorisons les constructeurs à fabriquer n'importe quoi. Cela constitue tout de même une grande anomalie ! Nous pourrions donc être un plus logiques, et ce de deux façons.

On peut aller vers le bridage des véhicules ; ce n'est pas ce que je demande. Mais il me paraîtrait logique que nous instillions au moins une petite dose de pilotage automatique des voitures grâce au régulateur de vitesse, mécanisme qui pourrait être en option sur les voitures vendues à l'étranger. Je n'ai d'ailleurs pas bien compris l'argument de M. le rapporteur selon lequel une telle décision constituerait une difficulté pour l'exportation. On construit bien des voitures avec la conduite à gauche, d'autres avec la conduite à droite. Pourquoi n'arriverions-nous pas à construire des véhicules avec régulateur et d'autres sans ?

C'est la raison pour laquelle j'insiste pour que la Haute Assemblée adopte cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 79.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 81.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote sur l'amendement n° 80.

M. Jacques Mahéas. L'amendement n° 80 a un objet minime ; qui plus est, j'ai rappelé la position de M. le ministre, et nous marquerions notre accord avec lui si nous suivions ses propos sur les cadrans « gradués jusqu'à 240 kilomètres par heure pour des voitures de moyenne gamme. Ce n'est pas concevable. C'est une invitation à la vitesse, donc au délit ».

Je demande donc que cet amendement au moins soit adopté.

M. Gérard Delfau. Il parle bien, ce ministre !

M. Jacques Mahéas. Il parle très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 80.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 69, présenté par M. Delfau, est ainsi libellé :

« Avant la section 1 (avant l'article 12 A), insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« L'article L. 311-1 du code de la route est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« A compter de la promulgation de la loi n°... du ... renforçant la lutte contre la violence routière, les véhicules neufs sont dotés d'équipements de sécurité propres à enregistrer la vitesse du véhicule. »

La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Nous recherchons des mesures techniques pour limiter les excès de vitesse, et nous venons de passer en revue, sans d'ailleurs adopter de solution, toutes les manières de le faire en amont, en bridant la vitesse d'une façon ou d'une autre.

Je vous propose maintenant d'y parvenir en aval, c'est-à-dire de façon totalement dissuasive, par la généralisation à l'ensemble des véhicules neufs, ces prochaines années, des boîtes noires que l'on trouve déjà sur de nombreux véhicules automobiles, notamment sur les poids lourds et les autobus. Ainsi, le conducteur qui franchira une vitesse limite ou qui prendra des risques saura que, au cours de l'enquête, la preuve indiscutable sera apportée qu'il a volontairement commis une infraction.

Cette technique a un faible coût, si bien que nul ne peut m'opposer l'argument financier. Elle peut être facilement généralisée à partir de la France et représenterait un complément utile à toutes les mesures de répression des délits que nous sommes contraints d'adopter - pour ma part, à mon corps défendant.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Lucien Lanier, rapporteur. M. le garde des sceaux vient de prendre l'engagement d'accentuer les expérimentations portant sur toutes les techniques nouvelles afin de les mettre en oeuvre le plus rapidement possible, et il a très bien exposé le problème économique qui leur est lié.

Dans ces conditions, il est souhaitable de laisser les expérimentations en cours aller jusqu'à leur terme et de ne pas imposer prématurément dans la loi des contraintes qui pourraient aller à l'encontre de l'idée généreuse qui les motive.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. En fait, il s'agit d'un système d'enregistrement de la vitesse un certain temps avant l'accident. En général, c'est un mouchard qui ne joue que sur les trente dernières secondes. Les systèmes sont encore divers et pas tout à fait au point. Ces dispositifs techniques devraient être rapidement opérationnels, mais il me semblerait assez dangereux d'imposer un système en raison du flou dans lequel nous nous trouvons aujourd'hui.

Par ailleurs, il serait intéressant que la réflexion progresse s'agissant des conséquences de l'introduction de ce type de dispositifs dans le jeu des assurances et dans le système d'indemnisation. Incontestablement, cette mesure va modifier complètement le système de responsabilité, donc d'indemnisation.

Pour ces deux raisons, il est prématuré de légiférer dans ce domaine.

M. de Robien a décidé d'expérimenter ce dispositif sur le parc automobile de son administration pour voir ce que cela donne.

Par conséquent, pour des raisons d'ordre technique qui tiennent au bouleversement que ce dispositif peut entraîner sur le système d'indemnisation par les assurances et compte tenu de l'expérimentation qui a été décidée lors du conseil interministériel, je demande au Sénat de ne pas adopter cet amendement aujourd'hui. Pour autant, l'idée me paraît intéressante. Mon sentiment personnel est qu'on y viendra, mais il faut d'abord savoir ce que l'on va mettre en place. Or, aujourd'hui, les choses sont trop floues.

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.

M. Gérard Delfau. M. le ministre me donne acte, ce qui est déjà important, que nous sommes là en présence d'un dispositif complètement différent des limiteurs, des régulateurs et du bridage des moteurs, qui posent des problèmes plus complexes. Ce système est beaucoup plus léger.

Les objections à l'adoption de cet amendement sont de deux ordres. Le premier argument consiste à dire qu'il faut évaluer l'impact d'une telle décision sur le règlement de l'indemnisation avant toute autre décision. Eh bien ! une évaluation aura lieu. Il y aura une négociation, une nouvelle jurisprudence. Ce n'est pas à nous de décider à l'avance dans quel sens celle-ci évoluera.

Le second argument réside dans le refus de choisir un procédé parmi d'autres. Mais, monsieur le garde des sceaux, personne ne propose - en tout cas pas moi, qui suis l'auteur de l'amendement - de choisir un procédé technique précis. Ce que je demande, c'est que l'on inscrive dans la loi une orientation. Le reste est l'objet des décrets et des circulaires, qui permettront que l'on s'engage effectivement dans cette voie.

Vous dites, monsieur le ministre, qu'on y viendra. Autant y venir tout de suite ! Il y a urgence, si j'ai bien compris le message que vous et votre collègue Gilles de Robien faites passer depuis hier, sans oublier, bien sûr, les propos du Président de la République et du Premier ministre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 69.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, il est dix-sept heures. Nous avons examiné vingt amendements en deux heures, soit dix par heure. Il en reste cinquante. (M. Alain Gournac s'exclame.)

L'amendement n° 61, présenté par M. Arnaud et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Avant la section 1 (avant l'article 12 A), insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Les engins terrestres à moteur vendus neufs sur le territoire français devront être munis d'un régulateur de vitesse. »

La parole est à M. Philippe Arnaud.

M. Philippe Arnaud. Je vais être aussi bref que possible, monsieur le président.

Il s'agit là, et ce débat a déjà eu lieu à l'occasion de l'examen d'autres amendements allant dans le même sens, d'un dispositif extrêmement simple : la mise en oeuvre de régulateurs de vitesse et non pas de limiteurs de vitesse. Sur le plan technique, c'est fondamentalement différent.

Les dispositifs diffèrent d'un pays à l'autre. Le système proposé par l'amendement concerne les engins qui seront vendus neufs sur le territoire français. Même en termes économiques, je ne vois pas où est le problème, car cela permet d'assurer une sécurité active de la voiture.

De plus, il faut préciser très clairement que ce dispositif est complètement transparent pour le conducteur, contrairement à ce qui a pu être dit tout à l'heure. Le conducteur choisit de réguler sa vitesse, mais il suffit qu'il appuie sur l'accélérateur ou sur le frein pour pouvoir modifier la vitesse qu'il a préalablement fixée.

De tels systèmes sont maintenant parfaitement au point et peuvent être fournis en série. En tout cas, ils fonctionnent parfaitement bien, ce qui n'est peut-être pas le cas des équipements aux origines douteuses et qui sont bricolés après leur installation.

Par ailleurs, je voudrais insister sur un aspect particulier, car j'ai moi-même expérimenté le dispositif : lorsqu'on dispose d'un tel équipement et que l'on veut bien s'en servir, on apprend tout simplement à conduire moins vite. Le bruit du moteur, la vitesse de défilement des paysages vous y amènent tout naturellement.

Il me paraît important de mettre en oeuvre ce type d'équipements, mes chers collègues. Nous avons imposé les ceintures de sécurité, les airbags, l'assistance au freinage. Nous devons faire ce pas en termes de sécurité pour éviter les accidents.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Lucien Lanier, rapporteur. Tout a été dit, monsieur le président. Pour les raisons que j'ai exposées tout à l'heure, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Il s'agit là de l'un des aspects du débat qui a eu lieu tout à l'heure. Par conséquent, je ne reviendrai sur les différents arguments qui ont été évoqués.

Je crois que la plupart des constructeurs vont dans ce sens. Je ne serais pas étonné que, dans peu de temps, l'ensemble du nouveau parc automobile soit équipé. Je ne suis pas sûr qu'il faille légiférer en la matière. J'ai bien compris l'intérêt du régulateur. C'est un intérêt relatif puisque toutes les difficultés ne sont pas réglées. Ce dispositif est surtout intéressant pour la conduite sur autoroute. (M. Philippe Arnaud fait un signe dubitatif.) Il peut également être intéressant en ville, mais il n'est pas simple à utiliser.

En tout cas, l'inscription de cette disposition dans la loi me paraît aujourd'hui prématurée.

M. le président. Monsieur Arnaud, l'amendement est-il maintenu ?

M. Philippe Arnaud. Monsieur le ministre, pour vous aider et pour inciter les constructeurs à généraliser ce dispositif, je maintiens cet amendement, car le vote qui va intervenir constituera un signal fort.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.

M. Jacques Mahéas. Dans la continuité de ce que nous avons dit précédemment, nous allons soutenir cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron, pour explication de vote.

M. Adrien Gouteyron. J'ai écouté avec une grande attention le débat passionnant qui vient d'avoir lieu sur l'ensemble de ces dispositifs. Les arguments qui ont été avancés par M. le rapporteur et par M. le garde des sceaux ont beaucoup de force, mais je considère que cette force s'applique davantage aux amendements précédents, que je n'ai pas votés, qu'à celui-ci. Certains des arguments de M. le rapporteur allaient même dans le sens du régulateur. Car l'avantage de ce dispositif, c'est que le conducteur reste maître de sa vitesse et qu'il adapte celle-ci aux configurations du terrain, de la route, de l'itinéraire qu'il a à parcourir.

Que l'on ne dise pas non plus que c'est un dispositif expérimental : il est d'usage courant.

L'argument de M. le garde des sceaux qui consiste à dire que, puisque l'on va tous y venir, il n'est pas nécessaire de légiférer, peut avoir une certaine force, mais reconnaissez qu'il n'est pas mauvais d'accélérer, non pas la vitesse (Sourires), mais le mouvement, de façon à permettre la généralisation de cet équipement.

Les systèmes qui ont pour objet de limiter la vitesse de manière un peu brutale, même s'ils présentent l'avantage de paraître cartésiens par rapport à la législation, monsieur Mahéas, risquent d'aboutir à des situations dangereuses. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas voté les amendements précédents. Mais, à ce point du débat, je voterai l'amendement de M. Arnaud, car il me semble qu'il permet au conducteur d'adapter sa vitesse, donc d'atteindre les objectifs fixés par le Gouvernement dans ce projet de loi. C'est un bon instrument que nous nous donnerions.

Monsieur le ministre, j'ai bien entendu ce que vous avez dit tout à l'heure sur la nécessaire réflexion que doivent mener les compagnies d'assurance sur le thème de la responsabilité du conducteur. Mais, là encore, cet argument vaut davantage pour les autres amendements que pour celui-ci. En effet, dans le présent amendement, le dispositif ne s'impose pas au conducteur : celui-ci reste maître du dispositif. Le problème de la responsabilité se pose donc en des termes différents.

Enfin, monsieur Arnaud, sans doute conviendrait-il de préciser la date d'application de cette mesure. Mais nous aurons sans doute l'occasion de revenir sur ce point au cours de la navette.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant la section 1.

Nous en revenons aux amendements n°s 41 et 82, dont le vote a été précédemment réservé.

Mme Nicole Borvo. Il s'agit maintenant d'amendements de coordination !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 41 ?

M. Lucien Lanier, rapporteur. Avec l'amendement n° 41, le bridage des moteurs est décidé...

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Non !

M. Lucien Lanier, rapporteur. ... ou du moins se prive-t-on d'un choix. C'est ce que je voulais vous prouver, mes chers collègues. L'expérimentation permettait de choisir les modèles techniques les plus adaptés. Certains avaient uniquement pour objet d'avertir le conducteur qu'il dépassait la vitesse autorisée et de le responsabiliser.

Par coordination, la commission se trouve maintenant dans l'obligation d'émettre un avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le projet de loi, avant la section 1, et l'amendement n° 82 n'a plus d'objet.