Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction
Art. 23

Article 2 bis AA

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le premier alinéa de cet article :

« La première phrase du troisième alinéa de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : »

La parole est à M. le ministre.

M. Gilles de Robien, ministre. Il s'agit simplement de réparer une erreur matérielle. Deux articles portaient sur le même article L. 123-1 du code de l'urbanisme, qui concerne les plans locaux d'urbanisme. En rapprochant les deux articles, nous nous sommes rendu compte avec les services des deux assemblées, dont je salue la très grande vigilance, que se posait un problème de décompte d'alinéas et qu'une partie du texte, fort utile par ailleurs, était malencontreusement supprimée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quelqu'un demande-t-il la parole ?...

Art. 2 bis AA
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 23

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« I. - Rédiger ainsi le premier alinéa du II de cet article :

« Après l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme, il est inséré un nouvel article L. 421-1-1 ainsi rédigé :

« II. - En conséquence, dans le deuxième alinéa du I de cet article, substituer à la référence : "deuxième alinéa de l'article L. 421-1" la référence : "premier alinéa de l'article L. 421-1-1". »

La parole est à M. le ministre.

M. Gilles de Robien, ministre. Cet article porte sur la question des éoliennes. En codifiant l'article dans le code de l'urbanisme, on s'est rendu compte qu'il y avait plusieurs renvois à l'article existant, l'article L. 421-1, et, par souci de cohérence, il aurait été nécessaire de modifier de très nombreux articles. On a donc proposé de codifier cet article de préférence dans un article ad hoc du code qui sera l'article L. 421-1-1.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quelqu'un demande-t-il la parole ?...

Vote sur l'ensemble

Art. 23
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Daniel Reiner, pour explication de vote.

M. Daniel Reiner. J'essaierai de ne pas être très long car notre avis n'a pas fondamentalement changé par rapport à la deuxième lecture.

Je voudrais redire, une dernière fois, que le projet de loi initial nous convenait parfaitement. Vouloir simplifier et éclairer la loi SRU était plutôt sage. Nous avions effectivement relevé quelques difficultés d'application ici ou là. Comme je l'avais d'ailleurs précisé, la circulaire que vous aviez publiée au mois de janvier, et dont je tiens à vous remercier une fois encore, monsieur le ministre, était particulièrement éclairante sur le sujet et avait levé nombre d'ambiguïtés. Par ailleurs, aborder le problème de la sécurité dans les immeubles en améliorant la législation sur les ascenseurs, à la suite des incidents qui ont eu lieu, était une bonne chose, comme le travail qui avait été préparé sur le « 1 % » logement. Toutes ces mesures recueillaient notre approbation.

Vous considérez que les travaux parlementaires ont enrichi le texte. Nous, nous considérons qu'ils ont alourdi le projet de loi initial. Cela paraît évident du point de vue quantitatif, puisque nous sommes passés d'une quinzaine d'articles à plus de quatre-vingts.

Au fond, vous avez anticipé votre volonté, d'ailleurs affichée, de refondre un certain nombre de textes, notamment la loi SRU, que vous appelez « loi Gayssot », la « loi Voynet » et la « loi Chevènement ». Sans le dire, vous êtes également intervenu sur le terrain de deux lois plus anciennes : la « loi montagne » et la « loi littoral ».

Par grignotages successifs, nous avons abouti à un texte qui modifie fondamentalement un certain nombre de points, ce que nous désapprouvons. J'en rappellerai quelques-uns, qui ne se trouvent évidemment plus dans les articles que nous examinons aujourd'hui.

Le premier est essentiel. Vous savez le prix que nous attachions à l'élaboration des schémas de cohérence territoriale et le souhait que nous formulions pour que, d'une manière générale, ces nouveaux schémas directeurs s'appliquent sur la plus grande partie possible du territoire de notre pays. C'est une nécessité que chacun reconnaît. Or, en modifiant le seuil requis et en le portant à 50 000 habitants, vous avez largement atténué l'effet des SCOT.

Certes, vous nous avez dit à plusieurs reprises, au cours du débat, que l'aide financière que vous apporteriez serait suffisante. Cependant, depuis que le seuil est passé de 15 000 à 50 000 habitants, nombre d'élus se sont sentis libérés de la nécessité de réfléchir à l'élaboration d'un SCOT. On voit même des élus se retirer d'un certain nombre de SCOT dont les périmètres avaient déjà été esquissés parce qu'ils ne se sentent plus concernés, et la vie de ceux qui souhaitaient profiter de ces schémas, ô combien importants ! s'en trouve plutôt compliquée.

Naturellement, vous allez nous dire que c'est un peu notre dada, mais la question de la taille minimale est pour nous très symbolique, très révélatrice. Vous avez réussi, dans une certaine mesure, à reprendre dans ce texte diverses dispositions contenues dans votre proposition de loi. Pour notre part, nous continuons à considérer que c'est là donner à un certain nombre d'élus l'occasion de profiter de la situation, car l'argumentation juridique par laquelle on autorisera la définition de la taille minimale que devra avoir une parcelle pour être constructible est très incertaine. Il y a là, à l'évidence, une source de contentieux.

D'une manière générale, ce projet de loi, qui se voulait simplificateur, ne le sera vraisemblablement pas. Je me demande même si certaines mesures n'ont pas ajouté à la complexité de ce droit ! Vous avez cité un exemple que je vais reprendre : la possibilité de changement d'usage pour un certain nombre de bâtiments traditionnels, en zone de montagne. En commission mixte paritaire, nous avons eu des discussions un peu oiseuses sur la définition du hameau et sur la pertinence de la présence de ce terme dans la loi. Dans un premier temps, d'ailleurs, nous l'avions supprimé, au motif qu'il n'était pas clair. L'Assemblée nationale l'a réintroduit et on y a ajouté, complexité encore plus grande ! les groupes d'habitations existants traditionnels. La rédaction est désormais peu sûre sur le plan juridique et elle va donner lieu à interprétation. Tel n'était pas l'objet de la loi, qui était au contraire, comme chacun le souhaitait, de clarifier.

Par ailleurs, les modifications apportées à la « loi montagne » et à la « loi littoral » ne sont pas des coups d'épingle. Certes, la mission sur la montagne a considéré qu'il fallait assouplir un certain nombre de mesures, que le carcan législatif était trop contraignant. Cela dit, nous allons bientôt examiner un projet de loi relatif au développement rural : l'occasion était bonne de mettre les choses à plat, voire de déposer un projet de loi devant le Parlement pour faire le point sur la « loi montagne ». En l'occurrence, cela s'est fait par coups d'épingle successifs et finalement, par ces mesures, ces textes sont mis un peu à mal.

Autoriser des constructions, même sous couvert d'équipements à vocation culturelle, à proximité de lacs, autoriser des constructions de routes et des constructions similaires à proximité des plans d'eau intérieurs, c'est ouvrir la porte à un certain nombre d'excès que précisément la « loi montagne » entendait éviter.

Je reviens à l'extension autour des hameaux. Comme vous l'avez relevé au cours du débat, monsieur le ministre, il n'est pas impossible que, par extensions successives, à un moment ou à un autre, on retrouve une zone d'aménagement concerté, une ZAC, très loin de tout, ce qui d'ailleurs a failli être inscrit lorsqu'on a voulu supprimer la construction dans la continuité des bourgs, mais, heureusement, nous sommes revenus en arrière.

La nouvelle réglementation sur la participation pour voirie et réseaux explicite tant de cas que, selon moi, elle empiète sur le domaine réglementaire. Quand une loi est trop explicite, elle présente quelques risques en termes d'insécurité juridique.

En outre, les pays ont été ajoutés à ce texte au travers d'un amendement déposé dès la première lecture à l'Assemblée nationale, et qui était un peu inattendu. Avec cette disposition, nous sommes passés à deux doigts de la catastrophe ! Je sais que cela concerne moins votre ministère ; néanmoins, je souligne le danger que représentait cette modification fondamentale de la loi relative à l'aménagement et au développement du territoire, dite « loi Voynet ». Les pays se trouvaient vidés de leur sens, alors même que trois cents pays sont en construction ou travaillent efficacement. Pour ma part, je salue en particulier la sagesse de nos collègues du Sénat, qui ont su revenir à l'essentiel afin que les pays gardent leur statut particulier d'association des initiatives privées et des acteurs du développement local que sont naturellement les élus.

S'agissant de l'article 19 ter,...

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Daniel Reiner. Je vais conclure, monsieur le président. J'en arrive à l'article 19 ter. Le texte compte 23 articles et j'ai déjà passé l'article 20. (Rires.)

M. le président. Comme vous le savez, chaque orateur dispose de cinq minutes pour expliquer son vote. Je vous ai déjà laissé beaucoup de temps.

M. Dominique Braye, rapporteur. C'est vrai !

M. Daniel Reiner. J'en viens donc à l'article 19 ter, introduit par amendement et qui modifie la « loi Besson ». Nous avons dit tout le mal que nous pensions de cet article. A nos yeux, il était normal de revoir le dispositif de la « loi Besson » dans un certain nombre de zones où la pression est extrêmement forte. Pour autant, cela ne justifiait pas cette incitation fiscale forte, ces plafonds élevés, voire la suppression du plafond en ce qui concerne les locations de telle sorte que les loyers ne correspondent plus à ceux de logements de type intermédiaire ; on est entré totalement dans le droit commun.

L'introduction de logements vacants et à restaurer en quelque sorte risque d'avoir des effets pervers sur le système. En effet, à un moment où le marché immobilier est déjà très haussier, on risque de voir encore augmenter le prix de ce type de logements.

En outre, nous avons ajouté les éoliennes dans ce texte, qui est effectivement un peu un texte fourre-tout aujourd'hui.

Pour toutes ces raisons, et pour quelques autres que je n'ai pas le temps d'évoquer, nous ne pourrons voter ce projet de loi, et nous le regrettons.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, pour explication de vote.

Mme Jacqueline Gourault. Nous non plus, nous n'avons pas changé d'avis : nous voterons ce texte et nous en sommes fort heureux, pour plusieurs raisons.

D'abord, contrairement à ce qu'a dit M. Reiner, ce texte est très attendu par un grand nombre d'élus locaux,...

M. Gilles de Robien, ministre. Bien sûr !

Mme Jacqueline Gourault. ... quelle que soit d'ailleurs leur sensibilité politique. En ma qualité de présidente de l'association des maires de mon département, le Loir-et-Cher, j'ai en mémoire des exemples précis de maires qui sont vos amis, mon cher collègue, et qui attendent avec beaucoup d'impatience l'application de cette nouvelle loi.

M. Dominique Braye, rapporteur. Absolument !

Mme Jacqueline Gourault. Je me demande toujours si je vis sur une autre planète, mais ne je le crois pas : le Loir-et-Cher est assez représentatif, me semble-t-il, de l'ensemble de notre pays.

Monsieur le ministre, je voudrais vous remercier d'avoir été très à l'écoute des sénatrices et des sénateurs qui ont participé activement à l'élaboration de cette loi. Cela a été particulièrement remarquable : nous avons pu travailler en profondeur sur un certain nombre d'articles.

Vous avez tenu compte de l'expérience des élus locaux - vous êtes vous-même un élu local -, et c'est très important.

Je reviens sur les arguments que je viens d'entendre et qui ont été avancés pour s'opposer à ce texte. Je tiens à m'élever contre l'idée consistant à faire croire que la majorité et vous-même, monsieur le ministre, ne seriez pas sensibles à deux sujets : l'environnement et les logements sociaux. D'autant que je sais à quel point vous vous êtes battu. En effet, s'agissant des logements sociaux, vous avez constamment demandé aux membres de notre assemblée de veiller à bien respecter la loi en vigueur, en particulier son article 55. Pour ma part, je suis maire d'une commune qui participe au financement des logements sociaux dans une agglomération. Ce devoir de solidarité n'a jamais été remis en cause. Bien entendu, cela nécessite un effort de compréhension à l'intérieur d'une agglomération à partir du moment où des logements sont construits dans une commune déficitaire. Il était bon de souligner que vous avez insisté sur ce point.

Quant à l'environnement - j'y suis personnellement très attachée -, il fallait simplement prévoir un peu plus de souplesse dans la législation. C'est ce qui a été fait. Mais, sur le fond, il n'a pas été porté atteinte aux grandes règles des lois d'urbanisme.

Je rejoindrai Mme Beaufils sur le fait que des fonctionnaires de l'Etat interprètent parfois de façon excessive un certain nombre de règles. (MM. Jean-Jacques Hyest et Serge Franchis opinent.)

C'est pourquoi je suis donc d'autant plus sensible à ce que vous avez annoncé tout à l'heure, monsieur le ministre. Vous allez en effet réunir vos directeurs départementaux pour que ces dispositions soient appliquées avec souplesse, conformément au texte que nous allons adopter dans quelques instants.

Nous sommes tous des élus nationaux, mais aussi, souvent, des élus locaux. Contrairement à M. Reiner, je crois qu'il faut faire confiance aux élus. Ils ne vont pas forcément chercher à s'engouffrer dans les brèches. Les élus locaux, que nous connaissons bien, sont, pour la plupart, des gens raisonnables, qui ne cherchent pas à contourner la loi, qui cherchent à faire le mieux pour leur commune, leur département. Et souvent ces élus locaux peuvent devenir des élus nationaux. Aussi, d'une manière générale, c'est faire confiance aux élus de la République, et je vous en remercie, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans quelques instants, nous allons adopter les conclusions de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction. Ce projet de loi sera alors définitivement adopté, même si certains qui lui reconnaissent beaucoup de vertus s'opposent à ce texte car ils sont dans l'opposition.

Nos débats sur ce texte ont commencé le 25 février dernier et, depuis lors, nos travaux nous ont permis de compléter et d'enrichir le projet de loi initial de façon très substantielle. En effet le projet de loi est passé, au cours des différentes navettes, d'une vingtaine d'articles à près d'une centaine d'articles. Il s'agit d'un travail important.

A ce propos, monsieur le ministre, nous ne pouvons que vous remercier de l'écoute attentive que vous avez réservée aux suggestions sénatoriales.

Désormais, ce texte contient cinq volets principaux.

Tout d'abord, il lève les blocages et les ambiguïtés de la loi SRU et clarifie des interprétations parfois trop restrictives, en prenant mieux en compte les attentes des élus locaux. Ainsi, la règle des quinze kilomètres est assouplie, et je m'en réjouis, contrairement à d'autres orateurs. Par ailleurs, la participation pour voiries et réseaux est précisée.

De plus, il clarifie le droit commun des documents d'urbanisme en donnant, par exemple, priorité à la modification par rapport à la révision.

Il renforce la sécurité des constructions, notamment des ascenseurs.

Il permet, par ailleurs, la simplification de la mise en oeuvre des pays qui avait été rendue très complexe par la loi Voynet. Nous sommes ainsi revenus à la philosophie initiale que notre majorité avait initiée en 1995 dans la loi relative à l'aménagement et au développement du territoire, à savoir souplesse, liberté, initiative locale et participation.

Enfin, le nouveau dispositif, qui porte déjà votre nom, monsieur le ministre, permettra de relancer la construction de logements locatifs privés et d'améliorer la situation du logement, en particulier dans les grandes agglomérations. Contrairement à ce que certains affirment, le déficit de logements sociaux ne cessait de se creuser. Désormais, des dispositifs permettent de relancer de façon cohérente la construction de logements sociaux.

Au cours de nos débats, de nombreuses initiatives sénatoriales ont été retenues à la suite d'une collaboration fructueuse avec nos collègues députés.

Le dialogue entre les deux assemblées permet aussi de réaliser des avancées. Nous ne pouvons que nous en réjouir, c'est la vertu du bicamérisme.

Aujourd'hui, les sénateurs du groupe UMP adopteront les dernières dispostions en discussion. Ils ont la conviction que ce texte constitue un bon point de départ pour une politique d'urbanisme rénovée et équilibrée, dans l'attente des prochains textes que vous envisagez de nous présenter, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Conformement à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, en ne retenant que les amendements du Gouvernement.

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gilles de Robien, ministre. Je voudrais relever, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, que le même jour, à une heure et demie du matin pour l'Assemblée nationale et à dix heures vingt pour le Sénat, ont été adoptés définitivement deux projets de loi émanant du même ministère : respectivement, le projet de loi renforçant la lutte contre la violence routière et le projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction.

Ce dernier texte, très important, procède d'une collaboration effective en vue de simplifications et d'améliorations en matière de logement, d'offre de terrains à bâtir, de sécurité dans les ascenseurs, bref dans tous les points qui ont été très bien décrits.

Je tiens à vous remercier, monsieur le président, de votre présidence efficace. Je remercierai également, bien entendu, le président Larcher, les rapporteurs, mais aussi la majorité, qui a soutenu longuement ce texte, depuis le mois de février, comme l'a rappelé Jean-Jacques Hyest, et qui l'a enrichi, comme l'a souligné Mme Gourault.

Je dirai à l'opposition que je regrette qu'elle se soit attachée à quelques points qui lui déplaisent, même si c'est son droit, pour refuser l'ensemble d'un texte important, complexe, dont la mise en application constituera une avancée très positive.

En tout cas, je réaffirme l'engagement que j'ai pris : le service après-vote sera assuré, le travail que vous avez fait tout au long de cette élaboration législative m'y encourage fortement.(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. Jean-Jacques Hyest. Le « service après-vote » : belle formule ! Je crois qu'elle resservira.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction
 

4

SÉCURITÉ FINANCIÈRE

Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture

 
Dossier législatif : projet de loi  de sécurité financière
Art. additionnel après l'art. 87 bis (priorité)

M. le président. L'ordre du jour appelle la disccussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 281, 2002-2003) de sécurité financière, modifié par l'Assemblée nationale.[Rapport n° 319 (2002-2003).]

Dans la discussion générale la parole est à M. le ministre.

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd'hui pour la deuxième lecture du projet de loi de sécurité financière qui est, vous le savez, notre réponse à la crise de confiance dans les mécanismes du marché et aux insuffisances de régulation dont le monde économique et financier a pris conscience depuis deux ans. Reconstruire le pacte de confiance dans l'économie de marché, faire de cette crise une opportunité pour progresser : tels sont les objectifs de ce projet de loi que nous avons préparé avec mon collègue Dominique Perben.

Mais, quelle que soit son ambition, ce texte ne supprimera pas le risque, car le risque est un moteur nécessaire pour le mouvement de nos sociétés. L'investissement dans les titres de société cotées présentera toujours un aléa, car l'entreprise doit faire des paris sur l'avenir, et surviennent toujours dans cette aventure des accidents de parcours. En revanche, il n'est pas acceptable que l'épargnant prenne des risques inconsidérés, fondés sur des informations fausses, qui interdisent une appréciation juste des situations.

Après un premier examen par la Haute Assemblée et l'Assemblée nationale, le texte dont nous avons aujourd'hui à débattre comprend désormais 134 articles, dont 89 restent en discussion. Il a été enrichi de plusieurs dispositions importantes. Certaines vont directement dans le sens d'une plus grande sécurité financière ; d'autres permettent, dans le même temps, une modernisation de notre cadre juridique et financier, également bienvenue.

Sans revenir sur le détail des dispositions, je rappelle que le projet de loi s'articule autour de trois grandes idées : une surveillance des marchés renforcée, une meilleure protection des consommateurs et une démocratie actionnariale plus forte.

Pour renforcer la surveillance des marchés, nous modernisons nos autorités de contrôle afin que les gendarmes du marché soient le plus efficace possible.

La création de l'Autorité des marchés financiers, l'AMF, autorité publique indépendante, répond à cet objectif. L'AMF sera dotée de tous les moyens, juridiques et financiers, pour assurer sa triple mission de protection de l'épargne, d'information des investisseurs et de bon fonctionnement des marchés. Clé de voûte de notre système financier, dotée de prérogatives élargies à tous les acteurs qui jouent un rôle dans la chaîne de l'information financière, elle disposera de pouvoirs de sanction forts. Dans le secteur de l'assurance, qui joue un rôle majeur dans nos économies, la création d'une autorité de contrôle unique pour toutes les entreprises exerçant un métier d'assureur permettra également d'augmenter l'efficacité de nos dispositifs.

Deuxième idée force : le renforcement de la protection des consommateurs, qu'ils soient épargants ou assurés.

Il s'agit de sujets en apparence très techniques, mais qui ont un impact souvent déterminant sur la vie de nos concitoyens.

La sécurité de l'épargnant impliquerait la réforme de notre législation sur le démarchage financier, vieille de trente ans, ainsi que la création du statut des conseillers en investissements financiers. Les premiers débats entre les deux assemblées ont permis d'améliorer le texte, dans l'intérêt de la nécessaire protection de nos concitoyens mais sans imposer de contraintes bureaucratiques inutiles.

La création d'un fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages - innovation importante - vise à combler un vide dans nos dispositifs de protection des assurés, vide dont nos concitoyens ont pu souffrir à l'occasion de la faillite de telle ou telle compagnie d'assurances.

Notre discussion aujourd'hui permettra d'apporter deux éléments de progrès complémentaires.

Tout d'abord, pour tenir compte du souhait légitime exprimé par l'Assemblée nationale, le Gouvernement propose de renforcer la transparence de l'information sur les contrats d'assurance vie, dans l'intérêt des souscripteurs.

Ensuite, il nous faut combler le vide juridique récemment mis en évidence par le Conseil d'Etat à propos du contrôle des concentrations dans le secteur bancaire.

Au terme d'une réflexion qui a associé votre rapporteur et le rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, je vous propose de confier ce contrôle aux autorités de droit commun, comme c'est le cas chez la plupart de nos partenaires et comme c'est aussi le cas pour les autres secteurs de l'économie de notre pays.

La spécificité du secteur bancaire sera néanmoins pleinement reconnue avec la saisine pour avis du comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, autorité prudentielle dont la compétence est reconnue. Nous aurons ainsi dans des délais rapides remis sur pied un dispositif indispensable au bon fonctionnement de notre secteur bancaire, dans son intérêt comme dans celui des consommateurs.

Troisième objectif de ce projet de loi : le renforcement de la démocratie actionnariale, ce que l'on appelle souvent le « gouvernement d'entreprise ».

J'entends parfois que la loi serait muette sur ce point ou qu'elle pécherait par absence d'ambition. Je rappelle ici que nous avons fait le choix de poser des principes forts dans plusieurs domaines et que les débats parlementaires ont permis de faire progresser le texte dans une direction que j'approuve.

Pour renforcer la profession comptable, nous posons des règles claires et exigeantes, qui n'ont rien à envier à celles qui sont mises en place aux Etats-Unis par la loi Sarbanes Oxley. Ceux qui nous encouragent à transposer ses dispositions me semblent devoir y regarder de plus près.

S'agissant du gouvernement d'entreprise, la loi doit fixer les principes fondamentaux, mais résister à la tentation du pointillisme.

M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !

M. Francis Mer, ministre. Un gouvernement d'entreprise fort est en effet l'une des principales réponses à la crise de confiance, mais il ne faut pas croire que, dans ce domaine, tout relève de la loi.

Le projet de loi pose donc un certain nombre de principes qui permettront notamment de renforcer le rôle de l'assemblée générale, lieu fondamental de l'expression du contrôle des décisions du management. Le Sénat a, de ce point de vue, apporté des compléments utiles, comme l'obligation faite aux sociétés de gestion de voter en assemblée générale ou d'expliquer les raisons de leur abstention.

Toutefois, je le répète encore une fois, tout ne peut être prévu par la loi, dont le rôle n'est pas de recopier dans le détail les recommandations émises par les entreprises elles-mêmes dans les rapports Viénot et Bouton. Cela n'implique pas pour autant que nous nous désintéressions du rôle que doivent jouer les administrateurs indépendants ou les comités du conseil d'administration, qui sont indispensables à une bonne gouvernance, mais il serait illusoire de penser qu'un seul modèle permettrait de tout régler.

La sécurité financière intéresse enfin d'autres acteurs laissés de côté par le projet de loi initial mais qui, au terme de nos débats, me paraissent avoir trouvé une juste place.

Le projet de loi crée ainsi les conditions pour que les analystes et les agences de notation fassent l'objet d'un contrôle ou d'un suivi par l'autorité des marchés financiers. Sur ce point, la discussion de ce texte à l'Assemblée nationale et au Sénat devrait aboutir à un accord qui permettra d'adresser un signal clair au marché.

Les acteurs qui jouent un rôle majeur dans notre économie n'échappent pas à l'attention des pouvoirs publics, mais il nous faut rester pragmatiques, car nous savons tous que nous intervenons dans un cadre qui dépasse largement nos frontières. Ce débat, nous le portons également auprès de nos collègues européens et de membres du G8 ; vous savez que nos thèses progressent, comme le sommet des chefs d'Etat à Evian vient encore de le démontrer.

Ne pensez donc pas que l'Europe reste inerte, ce n'est pas le cas, elle avance et plusieurs initiatives récentes de la Commission européenne sont là pour en attester, notamment en matière de gouvernement d'entreprise.

Enfin, je note que le projet du Gouvernement s'est enrichi au fil des discussions, notamment au Sénat, de plusieurs articles qui renforcent la compétitivité et l'attractivité de notre place financière. Le Gouvernement a soutenu ces initiatives, dans la mesure où elles restaient cohérentes avec l'axe fondamental du texte.

Pour prendre quelques exemples, la modernisation du droit de la titrisation, des sociétés de crédit foncier, des OPCVM ou la réforme du droit de l'assurance de responsabilité civile permettent une avancée très utile de notre cadre juridique. Je pense que les avantages qu'il faut attendre justifient amplement quelques digressions par rapport au thème central de la loi, à la condition d'en respecter l'esprit.

Au total, toutes ces dispositions constituent un ensemble cohérent pour moderniser notre système juridique et renforcer la protection de l'épargne publique. Avec cette loi, notre pays se dotera d'un ensemble de règles au meilleur niveau des standards internationaux et nous permettra de poursuivre le dialogue avec nos partenaires en disposant d'une position forte.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte dont nous discutons aujourd'hui est un texte technique, mais il répond à un défi politique. J'ai le sentiment que nos débats et vos propositions, ainsi que celles de l'Assemblée nationale permettront d'installer rapidement les nouvelles institutions et les nouvelles règles qui apporteront un progrès important pour la confiance dans le marché et le bon fonctionnement de notre économie. Il nous restera aussi à faire preuve de pédagogie et à poursuivre nos efforts, car, encore une fois, tout ne peut être fait par la loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons d'un projet de loi qui, à l'origine, comportait quatre-vingt-huit articles.

L'Assemblée nationale, après l'examen en première lecture par notre assemblée, a voté conformes quarante-cinq de ces articles. Elle nous en renvoie quatre-vingt-neuf, que nous avons donc à examiner.

Il convient de préciser dès le départ que les travaux effectués par l'une et l'autre assemblée procèdent du même esprit et de la même approche.

Nos optiques sont à la fois conjointes et complémentaires. Je n'ai aucun doute, mes chers collègues, sur la convergence à laquelle nous allons aboutir.

Comme M. le ministre le rappelait voilà un instant, il convient maintenant d'adopter ce projet de loi dans les plus brefs délais, afin de permettre, notamment, la constitution de l'Autorité des marchés financiers, dont on parle depuis longtemps. Le temps du débat a été suffisamment long et les consultations suffisamment nombreuses ; le processus a pu se développer. A présent, monsieur le ministre, il faut mettre en place cette nouvelle régulation. Elle sera le bon signal que nous attendons.

Il faut être conscient, mes chers collègues, qu'après le vote de la loi un important travail normatif restera à faire en ce qui concerne tant l'exercice direct du pouvoir réglementaire que la mise en place des normes professionnelles : je pense au règlement de l'Autorité des marchés financiers ou aux normes et principes qui devront prévaloir à la suite des délibérations du Haut Conseil du commissariat aux comptes, pour ne prendre que ces exemples.

Après la promulgation de la loi, il conviendra de préciser les modalités d'application du dispositif. Nous ne pouvons que souhaiter que ce travail soit réalisé le plus rapidement possible, afin que les dispositions votées dans la loi de sécurité financière deviennent applicables dans les plus brefs délais.

Je constate, pour m'en réjouir, qu'un grand nombre des apports du Sénat en première lecture ont été entérinés par l'Assemblée nationale. C'est le cas du renforcement du contrôle exercé par les régulateurs. Ainsi, par exemple, la compétence de l'Autorité des marchés financiers sur les analystes financiers et le suivi des agences de notation - même si les rédactions des textes sont perfectibles - est maintenant affirmée.

Par ailleurs, la centralisation des délits boursiers au tribunal de grande instance de Paris a été admise par l'Assemblée nationale. L'efficacité de notre organisation judiciaire dans le traitement de tels délits est ainsi renforcée.

Dans le domaine de la protection des épargnants, nos vues convergent vers un encadrement plus strict de la publicité en matière de crédit à la consommation. D'ici peu, nous allons examiner le texte sur la politique de la ville et l'action sociale, qui incorporera, semble-t-il, un nouveau régime de rétablissement personnel.

Nous aborderons cet aspect du problème en temps utile. Il s'agit du volet curatif et, dans la présente loi, nous n'avons pas à l'aborder. Il n'empêche que le volet préventif est tout à fait judicieux : il conduira à un encadrement plus strict de la publicité en matière de crédit à la consommation.

S'agissant du contrôle légal des comptes et du gouvernement d'entreprise, nous sommes heureux que notre message ait été bien entendu. En effet, nous souhaitons que la séparation entre l'audit et le conseil soit établie plus clairement que dans le texte initial.

Sur la question délicate des réseaux, en particulier, l'Assemblée nationale a imaginé un dispositif dont la rédaction et l'articulation nous semblent satisfaisantes, et qui répond à notre souci d'instaurer des dispositions suffisamment normatives. Nous avions réagi en première lecture parce qu'il nous semblait que, dans le texte initial, les problèmes de relations entre contrôle et conseil, à tous les échelons d'un groupe, n'étaient pas nécessairement traités comme il convient. Les intentions du Gouvernement n'étaient nullement en cause, mais il nous paraissait nécessaire d'accomplir des progrès pour améliorer le texte et aboutir à un résultat normatif et clairement applicable. A mon sens, chers collègues, ce progrès est réalisé dans la version qui nous revient de l'Assemblée nationale.

Nous pouvons par ailleurs nous réjouir de la préservation du caractère collégial des délibérations du conseil d'administration, notamment en ce qui concerne le rôle des administrateurs salariés. Sur ce point aussi, les positions du Sénat ont été retenues.

Sur la valorisation du rôle des actionnaires minoritaires et l'animation des assemblées générales, notre approche a été suivie par l'Assemblée nationale en ce qui concerne la coexistence d'associations agrées et d'associations représentatives d'investisseurs.

De même, la solution que, en première lecture, nous avons dégagée avec le Gouvernement pour assouplir les règles relatives à la recherche, par voie de publicité, de mandats par les associations agréées a été validée par l'Assemblée nationale. Elle est susceptible de permettre à des actionnaires minoritaires de se regrouper de manière efficace et, constitués en association ayant reçu l'agrément, de proposer leurs services aux autres actionnnaires dont les intérêts doivent être défendus, et de bénéficier pour cela de moyens de diffusion qui, jusqu'ici, leur étaient interdits par la loi.

Vous le savez, pour bénéficier de ces moyens de diffusion, il faudra passer devant le juge et celui-ci, selon une procédure que nous avons mise au point, appréciera les conditions dans lesquelles cette recherche par publicité de mandats de tiers est possible. Je crois que c'est une avancée significative de notre droit des sociétés de nos règles de bonne gouvernance de entreprises.

M. le ministre le soulignait lui-même il y a un instant, le Sénat tenait à ce que les gérants pour compte de tiers, en particulier les gérants d'OPCVM, soient tenus d'expliciter leur position en assemblée générale, qu'ils utilisent les droits de vote attachés aux titres qu'ils détiennent pour le compte de leurs souscripteurs ou qu'ils fassent le choix de ne pas prendre part au vote. Concernant cette obligation de s'expliquer, qui correspond à un souci de transparence, le Sénat a donc aussi été entendu, et la commission des finances s'en réjouit.

Enfin, en matière de modernisation des instruments financiers, de compétitivité de la place de Paris, nous avons apporté notre pierre en faisant notamment progresser le droit de la titrisation et celui des obligations foncières.

De son côté, l'Assemblée nationale a réalisé toutes sortes d'apports utiles.

Elle a repris une idée initiale de la commission des finances du Sénat et s'est montrée, auprès de vous, monsieur le ministre, plus convaincante que nous en ce qui concerne la contribution des conseillers en investissement financier aux ressources de l'AMF. La commission proposera au Sénat de modifier légèrement le barème mais elle se situe, à cet égard, tout à fait sur la même ligne que l'Assemblée nationale.

En ce qui concerne le contrôle légal des comptes et la transparence, l'Assemblée nationale a opportunément précisé que les commissaires aux comptes participent aux réunions des conseils d'administration qui examinent les comptes annuels ou intermédiaires. C'est là une bonne rédaction.

En outre, l'Assemblée nationale a supprimé une disposition à l'égard de laquelle nous n'avions pas de vraie objection mais dont nous ne percevions pas très nettement les conséquences. Il s'agit de la mesure dite de « tuilage », relative à l'obligation de renouveler de manière décalée dans le temps les commissaires aux comptes qui certifient les comptes d'une même entreprise. Nous proposons de suivre l'Assemblée nationale sur ce point.

En matière de modernisation des instruments financiers et de compétitivité, nos collègues députés sont allés, à bon escient, plus loin que le Sénat puisqu'ils ont créé, en particulier, des titres supersubordonnés, ouvrant ainsi la voie à la souplesse et à l'imagination en matière de conception des produits financiers - ce qui est heureux -, tout en prévoyant naturellement que le nécessaire sera fait au regard de la transparence et de la régulation du marché.

Quelques points restent en discussion.

La deuxième lecture à laquelle nous allons à présent nous livrer sera surtout consacrée à rechercher, sur des aspects techniques des dispositifs, les bonnes formulations, celles qui sont susceptibles d'emporter l'approbation des députés et, nous l'espérons, dans la quasi-totalité des cas, l'accord du Gouvernement, de façon que nous puissions aboutir à une version qui soit très rapidement opérationnelle.

Dans cette optique de recherche d'une prompte convergence entre les deux assemblées, la commission des finances serait prête à consentir deux sacrifices.

En première lecture, nous ne sommes pas parvenus, je le reconnais, à expliciter suffisamment nos idées en ce qui concerne l'inclusion dans le champ du démarchage financier des prestations offertes à la clientèle dans les grands magasins et dans les grandes surfaces en vue de mettre en circulation des cartes de crédit et de paiement. Je pense que l'idée est bonne, mais que la formulation à laquelle nous étions parvenus pouvait encourir différentes critiques et susciter des lourdeurs difficilement acceptables.

Par ailleurs, lorsque nous avons recherché le moyen d'éviter, en vertu du principe non bis in idem, une double procédure de sanction, administrative, d'un côté, pénale, de l'autre, pour les délits boursiers, nous n'avons pas fait l'unanimité : des reproches nous ont même été adressés tant par le régulateur en charge de la sanction administrative, soucieux d'efficacité et de rapidité, que par les connaisseurs de la voie pénale, qui ont fait ressortir les exigences particulières de cette procédure. Le problème reste donc entier sur le plan conceptuel, mais je crois que nous allons parvenir, en deuxième lecture, à en atténuer sensiblement les conséquences concrètes grâce à un dispositif d'échange d'informations entre le parquet et l'autorité des marchés financiers. Cela fera l'objet d'un amendement.

Je conclurai, mes chers collègues, en remerciant M. le ministre de l'économie et des finances, ses collaborateurs immédiats et ses services du climat de très grande ouverture et de très grande liberté qui a présidé à nos échanges, et aussi de la solution qu'ils nous proposent pour faire coexister la régulation de la concurrence et la régulation prudentielle des banques.

Le sujet qu'a évoqué M. le ministre dans son intervention est important sur le double plan du droit et de l'économie. Nous devons veiller à rapprocher nos dispositions d'un standard européen, qu'il nous faut rejoindre. En 2001, lorsque le Sénat avait débattu du texte sur les nouvelles régulations économiques, cette préoccupation avait été présente. Nous avions en effet beaucoup insisté sur les responsabilités du Conseil de la concurrence, sur la nécessité de donner plus de poids à cette instance, de lui apporter véritablement le statut, les capacités, les compétences d'une autorité administrative indépendante.

Avec le dispositif qui est ici proposé en matière de concentration bancaire, je crois que nous progressons vers cet objectif. L'articulation entre, d'une part, le domaine prudentiel particulier aux banques, qui nécessite des compétences spécifiques et, d'autre part, le droit commun de la consommation, qui suppose de manier des concepts différents, me paraît réaliste et opportune. Je me réjouis donc de la solution qui nous est présentée à ce sujet.

Voilà, mes chers collègues, sous quels auspices peut s'ouvrir cette deuxième lecture du projet de loi sur la sécurité financière. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de de l'Union centriste.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont diposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire : 36 minutes ;

Groupe socialiste : 21 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen : 9 minutes.

Dans la suite de la loi discussion générale, la parole est à M. Paul Loridant.

M. Paul Loridant. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi dit « de sécurité financière » fait suite, comme l'ont rappelé tous les orateurs, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, y compris par les plus ardents défenseurs du marché, à une succession d'affaires qui ont jeté le doute sur la fiabilité des marchés, pourtant censés allouer les ressources de manière optimale.

La crise de confiance est, en effet, à la mesure de l'ampleur 584des scandales révélés ces dernières années : maquillage des comptes d'entreprises, distribution de primes ou de stock-options sur la base de bilans fictifs certifiés de manière complaisante par des cabinets souvent prestigieux mais qui finalement se révélaient bien peu scrupuleux.

Derrière ces pratiques, qui ont permis l'édification de fortunes colossales, on trouve, hélas ! de petits actionnaires ruinés et surtout des milliers de salariés licenciés. L'affaire est donc d'importance.

Si nous partageons avec vous ce constat, monsieur le ministre, nous divergeons sur les moyens à mettre en oeuvre pour renouer avec un fonctionnement vertueux des entreprises et des marchés.

En effet, l'idée clé de votre projet de loi est que la sécurité repose sur la responsabilisation des professionnels. Tout au plus acceptez-vous - c'est la philosophie générale de votre texte - d'affirmer quelques principes, afin d'exercer une pression, trop légère à notre goût, sur les acteurs des marchés.

Vous avez mis en garde nos collègues députés contre les risques d'une loi pointilliste qui se transformerait rapidement en une sorte de ligne Maginot.

Pour ma part, je considère que l'économie est une chose bien trop sérieuse pour la laisser entre les mains des seuls acteurs du marché.

Vous ne parviendrez pas à atteindre votre objectif - restaurer la confiance des épargnants - en vous bornant à responsabiliser davantage les professionnels. C'est insuffisant !

Vous n'avez pas cru nécessaire, malgré l'ampleur d'une crise de nature systémique, de placer une fois pour toutes les dirigeants des entreprises cotées, leurs administrateurs et leurs commissaires aux comptes - sans oublier les banquiers d'affaires - face à toutes leurs responsabilités.

De même, vous n'avez pas jugé bon de donner une réalité au principe de gouvernance d'entreprise en accordant des droits substantiels aux actionnaires minoritaires, dont le rôle symbolique dans les assemblées générales ne permet pas actuellement l'émergence de contre-pouvoirs.

Il eût été souhaitable de conférer un vrai rôle aux conseils d'administration et d'encadrer strictement le cumul des mandats, afin de mettre un terme à une situation grotesque qui voit chaque dirigeant d'entreprise nommer son collègue dans le conseil d'administration qu'il préside. Comment, dans ces conditions, s'étonner de l'existence d'une véritable omerta dans le monde clos des affaires ?

Enfin, comment redonner du crédit à l'information financière alors que ce texte ne répond pas à la question du contrôle des analystes financiers et des agences de notation ?

Même aux Etats-Unis, référence de nos libéraux dès lors qu'il s'agit de démanteler les droits des salariés, l'administration Bush est allée plus loin que ne le fait votre projet de loi. La loi Sarbanes Oxley, concoctée elle aussi pour rétablir la confiance, s'emploie sinon à criminaliser, du moins à pénaliser les manquements aux règles. Tenus désormais de certifier leurs comptes, les patrons des sociétés cotées sont plus que jamais rendus responsables de la fiabilité de ces documents.

Sans entrer dans le détail des divers articles que nous allons de nouveau examiner, je tiens à indiquer que le groupe communiste républicain et citoyen défendra des amendements visant à pallier ce que nous considérons comme des faiblesses de ce projet de loi. A défaut d'être entendus, nous voterons contre l'ensemble du texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de sécurité financière avait ici fait l'objet, en première lecture, d'un très riche débat et avait bénéficié d'apports substantiels, grâce, notamment, à la commission des finances.

S'agissant, par exemple, de l'analyse financière ou des agences de notation, les dispositions que nous avons prévues s'intègrent parfaitement à l'objet du projet de loi, et l'Assemblée nationale a d'ailleurs suivi le Sénat sur la plupart des mesures que nous avions adoptées en première lecture.

Cependant, la tentation est parfois grande d'anticiper sur d'autres réformes attendues et il peut paraître hasardeux qu'un projet de loi cohérent et complet fasse l'objet d'ajouts, fussent-ils connexes, jusqu'à se voir transformé en projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, qui, pour être nécessaires, ne s'intègrent pas forcément dans une réflexion plus vaste. Y a-t-il lieu, par exemple, de modifier la législation en matière de surendettement dans ce texte ou d'y introduire certaines dispositions qui pourraient remettre en cause la législation relative aux procédures collectives ?

A ce sujet, monsieur le ministre - mais ma question pourrait aussi être adressée au garde des sceaux - pourrions-nous connaître les perspectives de réforme du droit du redressement et de la liquidation judiciaire des entreprises, comme de la législation relative à la prévention et au règlement amiable de leurs difficultés ?

Nous attendons depuis longtemps ces réformes. Toujours annoncées, elles font même l'objet de procédures de concertation, mais ne nous sont jamais soumises. Il serait temps, je pense, d'y procéder.

J'ai apprécié le long développement que le rapporteur général consacre dans son rapport à l'article 57 A, qui a été introduit par l'Assemblée nationale et qui vise à préciser les conditions dans le temps des garanties d'assurance de responsabilité. Voilà bien un sujet où la concertation préalable est essentielle et qui ne doit pas être d'emblée, dans la précipitation, soumis au Parlement. La précipitation n'est jamais bonne conseillère, même s'il est parfois urgent de trancher certaines contradictions jurisprudentielles.

On ne saurait oublier l'importance de ce projet de loi : il ne faudrait pas que les arbres, surtout quand ils ont été ajoutés, cachent la forêt ! Et l'on ne peut que se féliciter que l'Assemblée nationale ait suivi, pour l'essentiel, le point de vue du Sénat tout en apportant des améliorations non négligeables à ce texte, même si parfois, monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, nous avions ouvert le chemin.

L'économie générale du texte vise, en effet, à redonner confiance aux investisseurs et aux épargnants grâce à un renforcement des autorités de régulation, à une amélioration de la sécurité des épargnants et des assurés et à la modernisation des mécanismes de contrôle et de transparence des entreprises.

Après l'exposé magistral de M. le rapporteur général, je me garderai d'évoquer les titres Ier et II du projet de loi, pour consacrer mon intervention au titre III, relatif au contrôle légal des comptes et à la transparence des entreprises, sur lequel la commission des lois avait été saisie pour avis en première lecture.

Sur le premier volet de ce titre III, qui vise le contrôle légal des comptes, on retiendra la clarification intéressante apportée en ce qui concerne la nomination d'un commissaire à la transformation, qui s'applique aux nominations intervenues avant la promulgation de la loi. Toutefois, je continue de me poser cette question : cette précision est-elle rétroactive ou interprétative ?

J'en viens au contrôle des commissaires aux comptes, qui a pour objet de passer d'une autorégulation à une régulation partagée. L'articulation de l'article 61 était plus claire en première lecture en ce qui concerne les missions et les attributions opérationnelles du Haut Conseil, mais le dispositif voté par l'Assemblée nationale demeure satisfaisant, à condition, bien entendu, comme le notait M. le rapporteur général, que cet organisme ait les moyens de jouer tout son rôle, faute de quoi tout ce que nous faisons serait largement illusoire.

La suspension provisoire des commissaires aux comptes par le garde des sceaux, objet d'un débat intéressant et riche en première lecture, - n'est-ce pas, monsieur le président de la commission des finances : la référence à des dispositions comparables pour des professions réglementées est pertinente, mais jusqu'à un certain point !... - doit être liée à l'engagement des poursuites.

Le Sénat souhaitera sans doute, compte tenu du caractère extraordinaire de cette procédure, confirmer son point de vue de première lecture.

Au coeur du dispositif et à la lumière des scandales financiers qui ont éclaté outre-Atlantique - et même en Europe, puisque nous avons connu une affaire aux Pays-Bas - les règles en matière de prévention des conflits d'intérêt, outre l'aspect déontologique, imposent de séparer strictement le contrôle et le conseil par rapport aux normes d'exercice professionnel.

Comme je l'indiquais lors de la première lecture, la pluridisciplinarité peut être une richesse. Encore faut-il veiller à une sticte indépendance du contrôle légal des comptes, malgré les difficultés que représente une réglementation nationale dans un contexte d'internationalisation de l'économie et des groupes industriels et commerciaux. A cet égard, nous avions essayé de trouver une formule qui permette de contourner ces difficultés.

Le renvoi au code de déontologie paraît être un bon compromis, à condition, comme le précise M. Marini, que le Haut Conseil fasse respecter ces règles de déontologie.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Evidemment !

M. Jean-Jacques Hyest. L'obligation pour le commissaire aux comptes d'informer par écrit la personne dont il se propose de certifier les comptes de son affiliation à un réseau national ou international et, le cas échéant, du montant des honoraires percus par ce réseau au titre des prestations réalisées auprès des sociétés mères ou des filiales constitue un complément utile à la démarche de transparence nécessaire. Nous avons ainsi trouvé un équilibre en ce qui concerne les réseaux nationaux ou internationaux.

Quant à la procédure de désignation des commissaires aux comptes et à l'organisation du co-commissariat, nous ne pleurerons pas vraiment sur la suppression du « tuilage » : plus importante est l'effectivité dudit co-commissariat.

L'obligation d'un co-commissariat, spécificité française, constitue un véritable gage d'objectivité des opérations de certification des comptes pour les sociétés astreintes à publier des comptes consolidés.

En première lecture, le Sénat a pu sembler exiger un double commissariat. L'existence d'une norme d'exercice professionnel homologuée pour l'examen contradictoire par les commissaires aux comptes, la publicité des honoraires versés à chaque commissaire aux comptes en rétribution de ses diligences, exigée par un règlement de la COB de décembre 2002, permet toutefois de déceler un éventuel déséquilibre des prestations et de mesurer le caractère effectif du co-commissariat. La commission des finances nous proposera d'ailleurs de compléter la nature de la norme d'exercice professionnel dans ce cas.

Cet équilibre est souhaitable pour éviter une concentration excessive de la profession. Il faut maintenir le co-commissariat, mais ne pas être trop exigeant afin de ne pas empêcher le regroupement de nouveaux cabinets et une concurrence saine entre ceux qui existent.

S'agissant de la transparence des entreprises, certains auraient souhaité que l'on se lance dans une réglementation tatillonne, dans l'air du temps du « gouvernement d'entreprise ». Cependant, comme je l'ai déjà rappelé, même si des préconisations ont fait l'objet de rapports intéressants, elles ne relèvent pas de la loi : comment celle-ci pourrait-elle réglementer l'organisation et la vie des entreprises ? Tout doit être fait, en revanche, pour améliorer la transparence des processus de décision et l'information des actionnaires et des tiers.

C'est ce que permet, à mon sens, le projet de loi, et nous ne pouvons qu'approuver ces dispositions.

Bien entendu, le groupe UMP ne peut qu'approuver le projet de loi sur la sécurité financière, dont l'importance n'a pas plus échappé au monde économique et financier qu'au monde parlementaire. Il ne peut que contribuer à restaurer une confiance entamée, même si celle-ci n'avait pas de motif de l'être dans notre pays qui disposait déjà d'une avance certaine dans ce domaine ; je pense en particulier au commissariat aux comptes, institution française respectée et qui a mis la France à l'abri des catastrophes financières qu'ont connues certains autres pays. La transparence et le nécessaire contrôle ont d'ailleurs suscité dans tous les grands pays une législation plus ferme, assez conforme à notre modèle.

Il subsiste cependant une préoccupation, monsieur le ministre : celle des normes comptables internationalement reconnues, dont l'élaboration doit être poursuivie vigoureusement car il s'agit d'un sujet qui intéresse les entreprises et, bien entendu, les commissaires aux comptes chargés de certifier les comptes. La France doit jouer dans ce domaine un rôle important et déterminé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de sa présentation en première lecture au Sénat, le projet de loi sur la sécurité financière nous était apparu comme manquant d'ambition. Nous avons oeuvré pour revaloriser la vigueur régulatrice du texte... hélas ! sans succès.

Mais, après examen par l'Assemblée nationale, ce projet de loi n'est plus seulement timoré : il laisse en effet en l'état une place significative à l'irresponsabilité des marchés et des acteurs financiers.

Les quelques avancées introduites par le Sénat pour tenter de remédier aux dérives de notre économie financière ont, pour les plus significatives, été balayées par la ferveur ultralibérale de la majorité des députés. (M. le rapporteur général proteste.)

Curieusement, la droite semble totalement sourde aux cris s'alarme qui s'élèvent de toutes parts pour appeler à un ressaisissement général dans le monde des affaires et à un assainissement des pratiques financières.

Durant les semaines passées, les spécialistes les plus avisés de ces questions techniques se sont mobilisés pour tenter d'interpeller le Gouvernement, à la suite des affaires Enron, Worldcom et, plus près de nous, Ahold, Kalisto, ou encore Vivendi Universal.

Les plus grands patrons des entreprises du CAC 40, réunis au sein de l'Institut Montaigne, ont fait des propositions audacieuses dans un intéressant rapport sur la gouvernance d'entreprise. A travers le rapport Bouton, le MEDEF, pourtant rétif à la démocratie d'entreprise, a proposé des mesures réformant le fonctionnement des conseils d'administration. Auparavant, les rapports Viénot I et II avaient déjà défriché le terrain et de nombreuses recommandations y avaient été formulées. Enfin, je rappelle que l'analyse pertinente réalisée par Olivier Pastré dans son ouvrage Le Capitalisme déboussolé s'accompagnait de propositions aux préoccupations des plus actuelles.

Or que nous propose-t-on aujourd'hui avec ce projet de loi, notamment en matière de régulation financière ? Un ensemble de dispositions techniques qui, bien que pour la plupart nécessaires à la mise à jour de nos réglementations, ne répondent toutefois en rien aux attentes nouvelles nées de la crise financière récente.

A cet égard, le constat assez unanimement partagé est édifiant, comme en témoignent ces propos : « Bien que les sociétés appartiennent à leurs actionnaires et non à leurs dirigeants, on constate trop fréquemment que leurs droits sont foulés aux pieds par des équipes dirigeantes aux comportements mesquins, voraces, voire frauduleux. Un nouveau sens de l'éthique est d'évidence indispensable. » Or ces propos émanent non pas, comme certains ici pourraient le penser, d'un quelconque soixante-huitard retardé en mal de contestation, mais tout simplement de la Commission européenne dans une très récente prise de position. On ne peut donc ici parler d'anticapitalisme primaire non plus que d'excès de langage !

Aujourd'hui, le constat s'impose à tous : le capitalisme est bien malade.

La question plus spécifique de la rémunération des grands patrons est emblématique des dysfonctionnements qui sapent le capitalisme. L'invraisemblable niveau atteint par leurs salaires - cinq cents fois le SMIC, en moyenne, pour les patrons des entreprises du CAC 40, auxquels s'ajoutent des stock-options - conduit naturellement à s'interroger sur la justification, et donc la légitimité économique, de telles rémunérations. Mais, au-delà de cet aspect quantitatif, moralement indécent par ailleurs, le problème le plus crucial est que ce n'est pas ceux qui ont les meilleurs résultats qui gagnent le plus ! Ce constat est dramatique pour un système censé allouer de manière optimale les ressources.

Comme le souligne avec pertinence Elie Cohen, les patrons « ont voulu mettre en place un système où ils gagnent à tous les coups ». Les stock-options, nous le savons bien, mes chers collègues, sont actuellement taillées sur mesure pour servir cet objectif.

M. Jean Chérioux. Vous ne lisez pas les cours de la Bourse !

M. François Marc. Or le texte adopté par l'Assemblée nationale passe sous silence l'épineux sujet.

Cette absence de réaction de la part d'une majorité politique supposée acquise au libéralisme et à sa prétendue efficacité a de quoi surprendre, mes chers collègues. On peut d'ailleurs se demander si cette attitude n'est pas le résultat d'une écoute zélée des corporatismes financiers.

Il y a un dogme sacré que cette majorité respecte plus que tout : ne pas toucher aux riches ! Pas de réforme si cela peut leur porter préjudice ! Le contraste avec la fermeté du Gouvernement sur le dossier des retraites est saisissant !

Le MEDEF lui-même a fini par s'inquiéter récemment de la « démesure » de certains salaires patronaux. Sa communication est habile, mais revient aussi à reconnaître que les patrons possèdent une bonne marge avant de subir la rigueur qu'ils imposent aux Français, avec la complicité de la droite. De fait, depuis plus d'un an, alors que les actionnaires comme les salariés subissent la rigueur de la crise, les PDG ont vu leurs revenus exploser.

Si le Gouvernement voulait vraiment restaurer la valeur « travail », comme il le proclame, il proposerait une réforme drastique des stock-options.

Au cours de cette deuxième lecture, le groupe socialiste en appellera une fois de plus au sens des responsabilités de la majorité en proposant plusieurs amendements améliorant le texte que nous examinons. Certains d'entre eux ne visent qu'à rétablir des dispositions que le Sénat, dans sa grande sagesse, avait adoptées en première lecture. Aussi, j'ai quelque espoir qu'ils reçoivent un accueil favorable.

Si le Sénat se refuse à retenir les amendements ambitieux que nous proposons en matière de gouvernance d'entreprise, je crains que notre pays ne se trouve placé dans de bien mauvaises conditions pour rebâtir un système économique et financier fondé sur la confiance et la responsabilité.

Les commentateurs avisés reprochaient déjà au projet de loi de ne pas aller assez loin, mais que dire alors du texte adopté par l'Assemblée nationale ?

La majorité de droite a supprimé le contrôle de l'AMF sur les analystes financiers alors que tout le monde sait pertinemment que cette profession est sujette à de puissants conflits d'intérêts qui nécessitent qu'elle soit encadrée. Elle a aussi supprimé l'obligation qui leur était faite de conserver leurs documents de travail pendant trois ans, pour que la justice puisse, le cas échéant, porter une appréciation sur leurs recommandations.

La séparation entre l'audit et le conseil au sein des réseaux de commissaires aux comptes n'est plus assurée car, comme l'expliquait notre rapporteur général en séance lors de la première lecture, « on ne doit pas poser une interdiction et la vider de son sens ; sinon, ce n'est qu'effet d'annonce et rien de plus ».

Et c'est bien là que nous en sommes aujourd'hui, puisque l'Assemblée nationale a retiré l'essentiel du contenu de cette disposition, que le Sénat avait adoptée.

Des dispositions opportunes, comme l'incitation pour les gérants à voter au sein des assemblées générales, ont été écartées. Peut-être le Sénat s'imposera-t-il sur ce point. Ce serait indispensable si l'on souhaite que la gouvernance d'entreprise soit réellement efficace. Mais attention ! certains patrons n'en voudront sûrement pas !

Pour leur part, les entreprises de la grande distribution ont dû se réjouir de la suppression des dispositions qui les assujettissaient au droit commun du démarchage financier. Là encore, il y a quelque cynisme à discourir la larme à l'oeil sur le surendettement et à lâcher la bride à la grande distribution pour qu'elle puisse exploiter sans retenue le désarroi des plus démunis face aux tentations de notre société de consommation.

Mais la droite de l'Assemblée nationale ne s'est pas contentée de défaire l'oeuvre du Sénat et du Gouvernement. Elle a aussi fait preuve d'imagination en bouleversant le régime des contrats d'assurance en responsabilité civile. L'imagination est modeste toutefois, puisqu'en réalité elle n'a fait que satisfaire une vieille revendication du lobby des assurances. L'objectif visé est très facile à comprendre : il s'agit de faire payer les assurés, mais de les couvrir le moins possible ! Quel bonheur pour lui : ce lobby a rencontré une majorité politique attentive et très compréhensive.

Il s'agit, en la matière, de choses concrètes, avec, comme le déclarait M. le ministre à l'Assemblée nationale, du « business à la clé ». Désormais, pour être indemnisé, l'assuré devra déclarer le fait dommageable dont il a été victime dans les cinq ans suivant l'expiration de son contrat d'assurance, alors que, jusqu'à aujourd'hui, aucun délai n'était imposé. Mesure scélérate s'il en est, quand on sait que nombre de faits dommageables ont des conséquences indécelables pendant cinq, dix ou quinze ans, voire plus dans certains cas. De plus, cette disposition, en incitant les Français à conserver la même assurance afin d'être mieux couverts, limitera nécessairement la concurrence. Mais l'idéologie, une fois encore, pèse de peu de poids face au corporatisme.

La confiance des épargnants ne se décrète pas, elle se mérite. Par sa frilosité réformatrice et régulatrice, le Gouvernement ne contribue pas, à nos yeux, à rassurer les acteurs économiques et les épargnants. Le monde des affaires pourra donc continuer son « business » sans bouleversements notables. Faillites, comptes truqués, mensonges, « comportements voraces », abus de biens sociaux et autres pratiques frauduleuses ne sont pas près de disparaître !

Mes chers collègues, le capitalisme est aujourd'hui déboussolé. La crise révèle jour après jour que les actionnaires et les salariés ne peuvent plus faire confiance ni aux dirigeants des entreprises ni aux mécanismes de contrôle censés contrebalancer leur pouvoir.

Les responsables politiques, garants de l'intérêt général, ont donc une grosse responsabilité de régulation d'un système qui, s'il reste livré à ses travers et à ses dérèglements, ne pourra susciter à nouveau une confiance durable.

Les enjeux nous semblent donc aujourd'hui très importants et appellent de notre part une volonté et une ambition que nous proposons dans nos amendements. S'ils n'étaient pas adoptés, nous considérerions ce texte comme une occasion manquée et le groupe socialiste voterait sans hésitation contre son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Francis Mer, ministre. J'ai écouté avec attention les interventions des uns et des autres. J'ai noté sans grande surprise une grande convergence de vues avec M. le rapporteur général, et nous aurons l'occasion de constater que cette convergence se concrétisera lors de la discussion des articles. En revanche, j'ai observé que MM. Paul Loridant et François Marc avaient un point de vue plus critique sur ce projet. Toutefois, je défends fondamentalement l'idée que, dans le système économique qui nous gouverne, les principes doivent être affirmés mais ne doivent pas se transformer en règles pointillistes, au nom de la défense de certains acteurs contre d'autres acteurs.

Nous sommes dans un système où, qu'il le veuille ou non, l'homme doit être responsable de ses comportements, de même que nul n'est censé ignorer la loi : cela fait partie, je crois, de nos valeurs. Nous défendons ainsi l'idée que nous avons besoin de réaffirmer un certain nombre de principes, mais aussi de laisser la liberté de leur initiative et la responsabilité de leur comportement aux différents acteurs concernés.

Lorsque, sur un point de détail, monsieur Loridant, vous êtes en désaccord sur les moyens, notamment en ce qui concerne la loi Sarbanes Oxley, n'oubliez pas que ce vous considérez comme une performance pour les Américains - une performance telle qu'elle devrait être copiée par les Français - à savoir l'idée selon laquelle les dirigeants doivent dorénavant certifier leurs comptes, est pratique courante chez nous depuis trente-six ans. Dès lors, présenter ce dispositif comme une percée intellectuelle majeure aux Etats-Unis, que vous nous invitez à copier, montre simplement que vous n'avez pas une totale connaissance de ce qui se pratique dans notre pays. (M. Jean Chérioux applaudit.)

Je crois qu'il faut garder raison à cet égard.

De même, monsieur Marc, lorsque vous critiquez le dispositif adopté par l'Assemblée nationale sur les assurances de responsabilité civile - nous en parlerons ultérieurement bien sûr - vous n'avez manifestement pas compris l'intérêt du texte que nous vous proposons pour les assurés.

Ce qui est ennuyeux, messieurs les sénateurs, c'est qu'à partir du moment où vous avez dit que, de toute façon, vous ne voteriez pas ce projet de loi, nous allons avoir des difficultés à prendre au sérieux vos amendements. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.