PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS

vice-président

Art. 3
Dossier législatif : proposition de loi organique portant réforme de la durée du mandat et de l'élection des sénateurs ainsi que de la composition du Sénat
Art. additionnel après l'art. 4

Article 4

M. le président. « Art. 4. - La première phrase de l'article L.O. 296 du même code est ainsi rédigée :

« Nul ne peut être élu au Sénat s'il n'est âgé de trente ans révolus. »

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 8 rectifié est présenté par MM. Frimat, Bel, Mauroy, Sueur, Dreyfus-Schmidt, Peyronnet, Lagauche, Godefroy, Masseret, C. Gautier et Vantomme, Mmes Pourtaud, Printz, Y. Boyer, Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté.

L'amendement n° 11 est présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Dans le second alinéa de cet article, remplacer les mots : "trente ans" par les mots : "vingt-trois ans". »

La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 8 rectifié.

M. Bernard Frimat. Nous abordons là le problème de l'âge d'éligibilité aux fonctions de sénateur, qui a déjà été évoqué ce matin lors de la discussion générale.

Il nous est proposé d'abaisser cet âge de trente-cinq ans à trente ans. Nous pourrions certes voter cette proposition a minima, mais il nous semble qu'il faut aller plus loin.

Pour notre part, nous proposons donc de fixer l'âge d'éligibilité aux élections sénatoriales à vingt-trois ans. En effet, pour pouvoir prétendre être élu député ou, excusez du peu, Président de la République, il suffit d'être âgé de vingt-trois ans. En outre, l'âge requis est de dix-huit ans seulement pour les élections municipales, cantonales et régionales ou pour les grands électeurs aux élections sénatoriales.

Mes chers collègues, les moins attentifs d'entre nous auront pu constater que la sociologie politique de notre pays évolue en direction d'un rajeunissement certain du personnel politique, grâce, pour l'essentiel, à l'institution constitutionnelle de la parité et à l'arrivée d'un plus grand nombre de femmes en politique.

L'accès aux responsabilités est donc plus précoce, et maintenir aujourd'hui des conditions d'âge différentes pour les élections présidentielle et législatives, d'une part, et les élections sénatoriales, d'autre part, nous semble quelque peu dépassé. Cela ne fait que conforter l'image guère positive du Sénat et des sénateurs dans l'opinion publique.

Vous en étiez tellement convaincus, chers collègues de la majorité, que l'exposé des motifs de la proposition de loi organique n° 231 de février 1999, cosignée par MM. de Raincourt, Arthuis, de Rohan, Larcher, Bonnet, Gélard, Girod et Hyest, ainsi que par M. le rapporteur de la commission des lois, indiquait que « l'âge d'éligibilité au mandat de sénateur serait ainsi aligné sur le droit commun applicable notamment aux mandats de député et de membre du Parlement européen. Cette mesure - écriviez-vous avec une qualité d'analyse que je veux saluer - illustre la volonté du Sénat de s'engager résolument dans la voie de la nécessaire modernisation de la vie publique en offrant aux plus jeunes la possibilité de se présenter au Sénat. »

Par ailleurs, le groupe socialiste du Sénat avait lui-même inscrit cette disposition dans une proposition de loi organique présentée notamment, voilà quelques années, par MM. Guy Allouche et Claude Estier.

Nous avons donc, les uns et les autres, séparément et à des moments différents, proposé de fixer à vingt-trois ans l'âge d'éligibilité aux élections sénatoriales. Par conséquent, chers collègues de la majorité, je veux croire aujourd'hui que vous n'avez pas renié la volonté de moderniser la vie publique et d'offrir aux plus jeunes de nos concitoyens la possibilité de se présenter aux élections sénatoriales qui était la vôtre hier.

Nous devrions donc pouvoir nous rejoindre sur une proposition qui n'est d'ailleurs pas de nature à vous mettre dans une situation difficile, puisque chacun sait bien que la moyenne d'âge des parlementaires est assez éloignée de l'âge d'éligibilité...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien ! Nous sommes tous d'accord !

M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 11.

M. Robert Bret. Je me suis déjà exprimé sur la question de l'âge d'éligibilité au mandat de sénateur lors de la discussion générale. Je serai donc bref.

Je souhaite cependant demander de nouveau à la majorité sénatoriale pourquoi elle refuse que la jeunesse puisse accéder à l'hémicycle du palais du Luxembourg. S'agit-il d'une crainte du même ordre que celle qu'elle avait exprimée à propos de l'accès des femmes à la vie politique ? Je le pense, car cette attitude révèle une profonde méfiance à l'égard des mouvements de la société, ainsi que d'un renouveau et d'un rajeunissement de la politique.

L'argument que vous pouvez éventuellement avancer, chers collègues de la majorité, pour préconiser seulement un modeste abaissement à trente ans de l'âge d'éligibilité au mandat de sénateur, tient à la prétendue nécessité de disposer d'une expérience d'élu local.

Premièrement, je pense que ce préalable n'est pas pertinent lorsqu'il s'agit de participer au processus législatif, au même titre que les députés.

Deuxièmement, auriez-vous oublié qu'un jeune peut être élu dès l'âge de dix-huit ans à un conseil municipal, à un conseil général ou à un conseil régional ?

La volonté de maintenir un âge d'éligibilité beaucoup plus élevé que pour les autres mandats - un « apprentissage » de douze ans serait nécessaire ! - relève d'une époque ancienne où la seconde chambre constituait, ce qui est malheureusement toujours le cas, le refuge des valeurs conservatrices de la société. Il faut changer, chers collègues de la majorité sénatoriale ! Il faut accepter les jeunes et les femmes dans cette enceinte. Telle est la bonne voie.

C'est pourquoi nous vous proposons d'adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacques Larché, rapporteur. La position de la commission est connue : nous avons indiqué que l'âge d'éligibilité au Sénat devait être fixé à trente ans. On peut sans doute songer à d'autres hypothèses, et il nous arrive d'ailleurs de changer d'avis. Toutefois, après réflexion, nous avons estimé, en l'occurrence, qu'il convenait de maintenir certaines spécificités de notre assemblée. Il en existe d'autres, que l'on ne peut cependant inscrire dans la loi : par exemple, on ne rencontre pas de « parachutés » au Sénat !

En tout état de cause, fixer à trente ans l'âge d'éligibilité aux élections sénatoriales permet de garantir l'acquisition d'une certaine expérience des mandats locaux. C'est là un élément important qui doit être préservé.

La commission n'est donc pas favorable à l'abaissement à vingt-trois ans de l'âge d'éligibilité au mandat de sénateur.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il revient au Sénat de déterminer les conditions d'éligibilité en son sein. Le Gouvernement s'en remet donc à sa sagesse, qui est grande.

Il voudrait toutefois faire observer que l'âge d'éligibilité est l'un des éléments qui distinguent le Sénat de l'Assemblée nationale, et l'on rejoint là la discussion que nous avons eue tout à l'heure sur le bicamérisme. Aucune des différences existant entre les deux chambres du Parlement n'est, en elle-même, consubstantielle au bicamérisme, j'en conviens volontiers.

M. Robert Bret. Bien sûr !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Cependant, c'est l'ensemble de ces différences, ajoutées les unes aux autres, qui constitue l'essence même du bicamérisme. Or, au fil de l'examen des amendements, on semble vouloir réduire les différences. Mesure après mesure, on porte ainsi atteinte à l'esprit du bicamérisme.

Je tiens à souligner en outre que, selon M. Bret, le fait d'être âgé représenterait un facteur de conservatisme. Dans cette hypothèse, vous avez des raisons de vous inquiéter, monsieur le sénateur, parce que la moyenne d'âge de la population est de plus en plus élevée ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Joël Bourdin. Notamment au parti communiste !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Quel message adresser à la jeunesse de ce pays ?

M. Joël Bourdin. Vous voulez dire au Sénat ?

M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons écouté avec beaucoup d'intérêt les propos de M. le rapporteur. En février 1999, il était, comme nombre d'autres collègues, dont certains sont présents aujourd'hui dans cet hémicycle, partisan de l'abaissement à vingt-trois ans de l'âge d'éligibilité au mandat de sénateur. Mais, depuis, il a réfléchi et estimé finalement qu'il était sage d'acquérir une certaine expérience d'élu local avant de prétendre siéger au Sénat. Si l'expérience est à vos yeux le bon critère, monsieur le rapporteur, pourquoi proposez-vous d'abaisser l'âge d'éligibilité de trente-cinq ans à trente ans ? On pourrait au contraire envisager de le porter à quarante ans, ...

M. Alain Vasselle. Pourquoi pas soixante-dix ans ?

M. Jean-Pierre Sueur. ... car les candidats auraient alors eu le temps d'accumuler une expérience plus vaste encore de la gestion des collectivités locales !

Si l'on poursuit dans cette voie, on aboutit à une conception de l'éligibilité qui me paraît contraire au principe d'égalité. En effet, un électeur est un électeur, et il est nécessaire que toutes les strates d'âge composant la société française soient représentées. Observez, mes chers collègues, ce qui se passe dans les conseils municipaux.

M. Alain Vasselle. Instaurons des quotas !

M. Jean-Pierre Sueur. Les élus étant constamment sollicités pour participer à de très nombreuses réunions, il est de plus en plus souvent fait appel aux retraités, qui sont plus disponibles que les actifs, pour siéger dans les conseils municipaux. Nous n'avons évidemment rien contre les retraités,...

M. Alain Vasselle. Surtout en ce moment !

M. Jean-Pierre Sueur. ... mais il résulte de cet état de chose que les moins de trente ans sont peu représentés au sein des conseils municipaux, parce qu'ils ne sont pas en mesure d'exercer des fonctions de conseiller municipal ou d'adjoint au maire dans de bonnes conditions. Une telle situation n'est pas bonne, parce qu'une distorsion apparaît entre l'assemblée et la société qu'elle représente. Nous pensons donc qu'il faut donner à tous les électeurs les moyens d'être représentés.

Enfin, existe-t-il un seul argument permettant de justifier que la Constitution de la République française autorise un jeune de vingt-trois ans à être candidat à la présidence de la République, mais non à un mandat de sénateur ?

Mme Nicole Borvo. C'est une bêtise totale !

M. Jean-Pierre Sueur. Sauf considérer que la fonction de Président de la République ne requiert pas expérience, sagesse et connaissances, fruit d'un long labeur, cette situation, mes chers collègues, est incompréhensible.

Mme Nelly Olin. C'est vraiment formidable !

M. Jean-Pierre Sueur. En tout cas, je serais très intéressé que l'on me présente une justification de l'existence d'une telle différence entre les âges d'éligibilité à la présidence de la République, d'une part, et au Sénat, d'autre part. Vous nous proposez, chers collègues de la majorité, d'abaisser cet âge de trente-cinq ans à trente ans ; nous pensons pour notre part que l'on pourrait adresser un message beaucoup plus fort à la jeunesse. Je constate d'ailleurs que, prudemment, le Gouvernement ne s'est pas prononcé sur cette question, puisqu'il s'en est remis à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. Josselin de Rohan. C'est du bla-bla !

M. Jean Chérioux. Vous cultivez le sophisme !

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'y a vraiment pas de quoi rire, et quand j'entends dire que c'est là du « bla-bla », j'avoue que les bras m'en tombent !

La lecture qui a été faite tout à l'heure de la liste des signataires de la proposition de loi organique de 1999 devrait tout de même amener ceux-ci à réfléchir. Ils représentaient alors l'ensemble des groupes de la majorité sénatoriale, j'ai nommé MM. de Raincourt, Arthuis, de Rohan, Bonnet, Gélard, Paul Girod, Gérard Larcher et Hyest.

Qu'ont-ils signé, qu'ont-ils écrit ? Sur quoi s'étaient-ils mis d'accord ? Je lis : « L'âge d'éligibilité au mandat de sénateur serait ainsi aligné sur le droit commun, applicable notamment aux mandats de député ou de membre du Parlement européen. Cette mesure illustre la volonté du Sénat de s'engager résolument dans la voie de la nécessaire modernisation de la vie publique,...

M. Jean-Pierre Sueur. La modernisation !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... en offrant aux plus jeunes la possibilité de se présenter au Sénat. » A contrario, par conséquent, rejeter cette mesure illustrerait la volonté de refuser résolument de s'engager dans la voie de la nécessaire modernisation de la vie publique !

M. Pierre Mauroy. C'est formidable !

M. Jean-Pierre Sueur. C'est éloquent !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il serait grave, réfléchissez-y, chers collègues de la majorité, que l'on puisse vous accuser d'avoir laissé croire, pour séduire les électeurs à l'occasion des récentes élections présidentielle et législatives, que vous étiez partisans de l'abaissement à vingt-trois ans de l'âge d'éligibilité au mandat de sénateur, avant de renoncer à cette mesure !

M. Jean Chérioux. Ce sont des arguments bien bas !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. On ne peut pas, en matière politique, si l'on veut être crédible, dire : « Je suis oiseau, voyez mes ailes ; je suis souris, vive les rats ! » Cela n'est pas sérieux, cela n'est pas crédible !

Il n'y a rien à retrancher à ce que vous avez écrit. Cela ne signifie pas, bien sûr, que si nous décidions d'abaisser à vingt-trois ans l'âge d'éligibilité aux élections sénatoriales, on compterait demain sur ces travées une majorité de jeunes gens de cet âge !

Mme Danièle Pourtaud. Si ! (Sourires.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. On peut être élu Président de la République à vingt-trois ans, mais jusqu'à présent le cas ne s'est jamais produit. On peut être élu député à vingt-trois ans et, jusqu'à présent, ce n'est pas non plus le cas pour la plupart d'entre eux.

Il s'agit de donner à chacun la possibilité, parce qu'il est un électeur, parce qu'il est un citoyen égal aux autres, non seulement de pouvoir voter, mais également d'être éligible comme le sont les autres, aussi bien au Parlement européen, à l'Assemblée nationale, à la présidence de la République qu'au Sénat.

Vous pouvez bien sûr faire ce que vous voulez. Vous pouvez tourner le dos aux promesses que vous avez faites, aux engagements que vous avez pris.

Mme Nelly Olin. Vous êtes bien placés pour dire cela !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Reconnaissez-le, nous sommes logiques en défendant la même position, mais vous, vous ne l'êtes pas.

M. Jean Chérioux. Tout le monde le sait, vous êtes des modèles !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. De surcroît, dès lors que ce sont les grands électeurs qui choisissent, vous savez bien que, le plus souvent, ils éliront des candidats ayant l'expérience des affaires publiques et des collectivités territoriales.

M. Alain Vasselle. Et alors ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce matin, en commission, M. le rapporteur nous disait que la majorité des membres du Sénat devaient avoir de l'expérience.

M. Alain Vasselle. Soyez réaliste !

Mme Nicole Borvo. A vingt-trois ans, cela fait déjà une expérience de cinq années !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous savez bien que ce serait le cas. Donc, vous ne risquez rien. Le seul choix que vous ayez, c'est d'être fidèles à vous-mêmes...

M. Alain Vasselle. Vous, vous êtes fidèle à votre esprit démagogique !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... ou, au contraire, de dire que tout cela c'était du bla-bla en raison des élections à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 8 rectifié et 11.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Art. 4
Dossier législatif : proposition de loi organique portant réforme de la durée du mandat et de l'élection des sénateurs ainsi que de la composition du Sénat
Art. 5

Article additionnel après l'article 4

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Darniche, est ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« L'article L.O. 137-1 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le mandat de sénateur ou de député est incompatible avec celui de représentant au Parlement européen. Tout sénateur ou député élu membre du Parlement européen dispose d'un délai de trente jours à compter de la proclamation de l'élection qui l'a mis en situation d'incompatibilité ou, en cas de contestation, de la date à laquelle la décision juridictionnelle confirmant cette élection est devenue définitive, pour faire cesser cette situation d'incompatibilité en démissionnant de l'un des mandats ou de la fonction visés de leur choix. »

La parole est à M. Philippe Darniche.

M. Philippe Darniche. Il s'agit de favoriser l'harmonisation entre deux textes : le code électoral et la loi du 5 avril 2000 relative à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions électives et à leurs conditions d'exercice. Cet amendement répond au souci d'introduire plus de flexibilité et de transparence dans le domaine des incompatibilités.

En effet, le code électoral en son état actuel dispose : « Le mandat de député est incompatible avec celui de représentant au Parlement européen. Tout député élu membre du Parlement européen cesse de ce fait même d'exercer son mandat de parlementaire national. »

Or, parallèlement, l'article 24 de la loi du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen dispose, pour les élus locaux : « Si le candidat appelé à remplacer le représentant se trouve de ce fait dans l'un des cas d'incompatibilité, il dispose d'un délai de trente jours à compter de la date de la vacance pour faire cesser l'incompatibilité en démissionnant de l'un des mandats ou de la fonction visés par ces dispositions.»

Je propose donc une modification de l'article L.O. 137-1 du code électoral permettant à tout sénateur ou député élu membre du Parlement européen de disposer d'un délai de trente jours à compter de la proclamation de l'élection qui l'a mis en situation d'incompatibilité ou, en cas de contestation, de la date à laquelle la décision juridictionnelle confirmant cette élection est devenue définitive, pour faire cesser cette situation d'incompatibilité en démissionnant de l'un des mandats ou de la fonction visés de leur choix.

Par cet amendement, nous offrons ainsi la liberté aux élus, et plus particulièrement aux élus locaux - de choisir le mandat de parlementaire - national ou européen - avec lequel ils estimeront représenter et défendre au mieux les intérêts de leurs électeurs.

Dès lors, cette modification technique réintroduit de fait une véritable liberté de choix, qui reste le socle de notre démocratie.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. On peut choisir en ne se présentant pas !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacques Larché, rapporteur. La commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel donc est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Favorable.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Qu'est-ce que cela recouvre ?

M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?

M. Jacques Larché, rapporteur. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, contre l'amendement.

M. Bernard Frimat. Si j'ai bien compris la finalité de l'amendement, nous sommes sur un point important que l'on ne peut laisser passer à la sauvette, à moins que - ce qui est fort possible, mes chers collègues, ces choses étant tellement compliquées - je ne me sois mépris sur les intentions de M. Darniche.

Si j'ai bien saisi, cet amendement n'a qu'un objet : restaurer ce que l'on nomme communément « la pratique de la locomotive ». Monsieur le ministre, nous ne sommes plus dans le registre de l'accélérateur ou du frein, nous sommes passé de l'automobile au ferroviaire

(Sourires.)

Aussi, contrairement à ce qui se passe actuellement, l'élu qui se trouvera en situation d'incompatibilité ne devra plus renoncer obligatoirement à l'un de ses mandats les plus anciens. Or c'était un gage de sincérité et de clarté à l'égard des électeurs. L'élu pourra se présenter devant le suffrage universel, solliciter la confiance des électeurs uniquement pour le fun. Puisque nous parlons le langage des jeunes à défaut d'adopter des amendements visant à favoriser leur arrivée.

Tout cela a pour seul, finalité de tromper l'électeur, en lui laissant accroire qu'une personne disposant d'une notoriété suffisante, cherche à les représenter.

Supposons, au hasard, que le président du conseil général d'un département maritime souhaite pouvoir mener une liste pour les élections européennes, sans surtout vouloir siéger au Parlement européen. Il mènerait campagne pour sa liste et, dans l'hypothèse peu vraisemblable d'une réussite, il se désisterait. Au regard de la transparence, de la clarté et de la sincérité, de telles pratiques peuvent être qualifiées de détestables.

C'est pourquoi, j'interroge le Gouvernement en vue d'obtenir une explication. De deux choses l'une : ou bien j'ai raison, ou bien je n'ai rien compris, et si vous me l'expliquez, monsieur le ministre, je présenterai volontiers mes excuses à la Haute Assemblée.

M. Nicolas About. Vous n'avez rien compris !

M. Bernard Frimat. Quoi qu'il en soit, il serait bon que vous nous fournissiez une augmentation plus étayée que le seul « favorable » dont vous nous avez gratifié, monsieur le ministre. Je sais que vous aurez le souci de m'apporter des précisions sur ce point.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Manifestement M. le ministre ne répondra pas. néthodi est déplorable.

L'intéressé, a dit M. Darniche, doit avoir la liberté de choix. Or il l'a déjà : ou bien il se présente, ou bien il ne se présente pas ! (M. Nicolas About sourit.)

Si un sénateur ou un député se présente aux élections européennes, il a des chances, s'il est en bonne place sur la liste, d'être élu, et c'est ce qu'il demande. Une fois qu'il est élu, il n'a pas à bénéficier de nouveau d'une liberté de choix.

On a déjà connu ce problème et le Gouvernement - si ma mémoire est bonne c'était déjà M. le ministre délégué aux libertés locales qui était au banc du Gouvernement - avait alors émis un avis favorable et avait énoncé des propos qui étaient inexacts. Il s'agissait de savoir si un membre du Parlement européen pouvait se faire élire président d'un conseil général, alors que la loi l'interdisait. On nous avait alors expliqué que, si un recours était engagé, il fallait attendre. A l'époque, nous avions répondu que ce n'était pas vrai et que, aux termes de la loi, dès lors que l'on était élu président du conseil général on ne faisait plus partie du Parlement européen.

On nous avait alors cité à tort un article. En vérité, si un recours est engagé contre l'élection d'un président de conseil général au Parlement européen, il est normal que l'on attente le résultat. Si le recours aboutit, il est normal que l'intéressé, qui n'est donc plus membre du Parlement européen, reste président du conseil général. Mais le contraire n'est pas vrai. Pourtant, aujourd'hui, M. Pasqua, à qui la majorité actuelle devait bien cela, est les deux à la fois. Lorsque nous avons saisi le président du Parlement européen, celui-ci nous a rétorqué que c'est de la compétence de chaque pays.

Aujourd'hui, on pose de nouveau le problème intuitu personae. Que l'on nous dise de qui il s'agit ! Le porte-parole étant M. Darniche, on pense à quelqu'un. On peut se tromper. Mais on peut penser que quelque souverainiste, tout comme M. Pasqua, serait intéressé. Si nous combattons ce dispositif, c'est parce que nous sommes décidés à ne pas l'utiliser. Mais si vous l'utilisez, tout le monde l'utilisera, bien évidemment. Croyez-vous, monsieur le ministre, que, pour la moralité publique, pour la crédibilité des hommes politiques, ce soit bien ? Sûrement pas ! Et vous le savez ! Chacun d'entre vous ici le sait !

Nous vous demandons donc de repousser cet amendement ad hominem, même si l'on ne sait pas ouvertement qui il vise, car son adoption aurait des conséquences désagréables pour tout le monde et, une fois de plus, il nuirait à la crédibilité même des hommes politiques.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Comme mes collègues, je considère qu'il s'agit d'un point très important par rapport à la modernisation de la vie politique.

Au cours des vingt dernières années, tous les partis politiques ont connu des listes tirées par des personnes qui n'ont pas siégé après. Il s'agit de savoir si on avance ou si on recule. Des dispositions législatives qui sont très claires ont été prises, et permettent d'avancer. Mais n'oublions pas le bon sens, tout simplement. Au moment où nombre de nos concitoyens se détournent de la politique, de la démocratie représentative, s'abstiennent aux élections, quel intérêt y a-t-il à rétablir une disposition aux termes de laquelle une personne, par exemple une tête de liste, qui serait candidate pour exercer une fonction dans une assemblée pourrait, le lendemain de l'élection, ou quelques semaines plus tard, refuser de siéger ? C'est une disposition détestable.

Il nous faut décider la chose suivante : lorsqu'une personne qui exerce une fonction se présente à une autre fonction, elle doit, si elle est élue, exercer la fonction à laquelle elle s'est présentée à la date la plus récente. Sinon, c'est incompréhensible, l'électeur est trompé : un candidat promet d'exercer une fonction tout en sachant qu'il ne l'exercera pas. Oublions ces moeurs du passé.

C'est pourquoi notre groupe demande un scrutin public. (M. Alain Vasselle sourit.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

M. Christian Cointat. Il est vrai que la liberté de choix est très confortable, surtout, dans le cas présent, pour l'élu. Mais il existe des principes supérieurs à la liberté de choix de l'élu, ce sont la confiance de l'électeur, la lisibilité d'une politique et la clarté de l'action.

M. Jean-Pierre Sueur. Bravo !

M. Christian Cointat. Je suis navré de le dire - j'espère que M. Darniche ne m'en voudra pas -, mais je voterai contre son amendement.

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. Christian Cointat. En effet, celui-ci ne correspond pas à l'idée que je me fais des relations entre les élus et les électeurs.

Un sénateur socialiste. Vous avez raison !

M. Christian Cointat. Je ne peux pas comprendre que l'on puisse se présenter à une élection et, ensuite, à peine élu, démissionner. C'est un manque de considération pour l'institution au sein de laquelle on brigue un siège. Etant fonctionnaire du Parlement européen - en disponibilité, donc en congé sans solde, pour mandat électoral, mais fonctionnaire toujours depuis trente - deux ans -, je ne peux accepter que l'on considère ainsi l'institution que j'ai servie. Ce n'est bon ni pour le peuple, ni pour nous. J'espère que le Gouvernement le comprend. En effet, il souhaite justement encourager la lisibilité, la proximité, la confiance, et par-dessus tout la responsabilité.

Voilà pourquoi, chers collègues, je ne voterai pas cet amendement.

M. Pierre Mauroy. Très bien !

M. Christian Cointat. Puisqu'il va être procédé à un scrutin public, je demande, bien entendu, que l'on retire mon carton. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche.

M. Philippe Darniche. Je souhaite d'abord évoquer les propos excessifs de nos collègues socialistes. Les termes qu'ils ont employés, notamment l'adjectif « détestable » et les mots « anciennes pratiques », tendraient à accréditer l'idée selon laquelle il y aurait une véritable combine derrière la disposition que je présente.

Cet amendement repose sur un fondement extrêmement sérieux : une contradiction entre deux textes, que j'ai expliquée tout à l'heure. Cependant, comprenant les observations formulées par les uns et par les autres, et afin que cet amendement soit compatible avec le texte régissant l'élection des députés, je le rectifie afin qu'il dispose : « Le mandat de sénateur est incompatible avec celui de représentant au Parlement européen. Tout sénateur élu membre du Parlement européen dispose d'un délai de trente jours à compter de la proclamation de l'élection qui l'a mis en situation d'incompatibilité ou, en cas de contestation, de la date à laquelle la décision juridictionnelle confirmant cette élection est devenue définitive, pour faire cesser cette situation d'incompatibilité en démissionnant de l'un des mandats ou de la fonction visés de leur choix. En attendant cette décision, l'intéressé ne peut participer aux travaux du Sénat. »

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela ne tient absolument pas compte de nos observations !

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 1 rectifié bis, présenté par M. Darniche, et qui est ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« L'article L.O. 137-1 du code électoral est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le mandat de sénateur est incompatible avec celui de représentant au Parlement européen.

«Tout sénateur élu membre du Parlement européen dispose d'un délai de trente jours à compter de la proclamation de l'élection qui l'a mis en situation d'incompatibilité ou, en cas de contestation, de la date à laquelle la décision juridictionnelle confirmant cette élection est devenue définitive, pour faire cesser cette situation d'incompatibilité en démissionnant de l'un des mandats ou de la fonction visés de leur choix. En attendant cette décision, l'intéressé ne peut participer aux travaux du Sénat. »

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacques Larché, rapporteur. Je ne comprends pas l'évolution de la rédaction. En effet, notre attitude constante consiste à traiter de manière égale les membres des deux assemblées, députés et sénateurs. Or on précise maintenant que la disposition proposée ne s'appliquerait qu'aux sénateurs. Je l'avoue : je ne comprends pas !

M. le président. La parole est à M. Daniel Hoeffel, pour explication de vote.

M. Daniel Hoeffel. Comme vous tous, j'ai écouté avec beaucoup d'attention l'argumentation de notre collègue Philippe Darniche et les explications données d'un côté comme de l'autre de l'hémicycle. Manifestement, cet amendement, qui est en marge du texte dont nous discutons, suscite une certaine confusion,...

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

M. Daniel Hoeffel. ... une certaine incompréhension, un certain trouble. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Je suis sûr que notre collègue Philippe Darniche n'y est pas insensible. Je comprends parfaitement sa motivation, mais, compte tenu de la situation d'improvisation dans laquelle nous nous trouvons, il n'accepterait pas de retirer purement et simplement son amendement ? Ce serait une position de sagesse dont, tous ensemble, dans cet hémicycle, nous lui saurions gré. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'Union centriste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le Gouvernement ne pourrait-il pas modifier son avis ? (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Sueur. Mais le Gouvernement a soutenu cet amendement !

M. le président. Monsieur Darniche, l'amendement n° 1 bis est-il maintenu ?

M. Philippe Darniche. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié bis.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° n° 165 :

Nombre de votants314
Nombre de suffrages exprimés314
Majorité absolue des suffrages158
Pour1
Contre313

Le Sénat n'a pas adopté. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Claude Estier. Vive Darniche !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Belle victoire pour le Gouvernement !