Articles additionnels après l'article 4 (priorité)
- Art. additionnels avant l'art. 4 (priorité)
- Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
- Art. additionnels après l'art. 4 (priorité) (interruption de la discussion)
M. le président. L'amendement n° 39, présenté par M. Franchis, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le montant de la pension n'atteint pas, pour les bénéficiaires qui remplissent les conditions d'âge prévues au 1° , tous régimes confondus, le montant minimal garanti, en application de l'article 4 de la loi n° ... du ... portant réforme des retraites, sont prises en compte en tant que de besoin les cotisations de rachat fixées dans des conditions définies par décret qui auront été versées pour ouvrir droit à ce montant minimal.
La parole est à M. Serge Franchis.
M. Serge Franchis. L'objet de cet amendement s'inscrit dans l'esprit de justice sociale qui inspire votre projet de loi, monsieur le ministre, et dans la logique des termes de l'amendement n° 1094 rectifié de Mme Olin, tendant à rédiger l'article 2 du projet de loi : « Tout retraité a droit à une pension en rapport avec les revenus qu'il a tirés de son activité, améliorée le cas échéant au titre de mécanismes de solidarité. »
Le mécanisme prévu par l'amendement consiste à éviter autant que faire se peut que les salariés - et pas seulement ceux qui sont rémunérés au SMIC - qui ont été victimes de la situation de l'emploi ou d'autres aléas de l'existence, ne soient pas une seconde fois pénalisés, voire écartés du bénéfice du montant minimal de retraite.
Plusieurs dispositions du projet de loi prévoient que chaque assuré recevra communication de l'estimation du montant de la pension à laquelle il aura droit, le point étant fait, au plus tard, au mois de décembre de l'année qui précédera son cinquantième anniversaire. Cette information ne remplirait pas son objet si l'intéressé était placé dans l'impossibilité de réagir.
Il lui sera peut-être possible de prolonger de quelques années la durée de son activité professionnelle. Mais, dans la plupart des cas, cette faculté ne saurait suffire à compenser les annuités manquantes, tant certains salariés auront été privés d'emploi pendant de longues périodes.
Le présent amendement tend à autoriser le salarié concerné à utiliser tous autres moyens qu'il aurait capacité à réunir - des économies, l'aide de sa famille, le produit d'un héritage - pour procéder s'il le veut, et s'il le peut, au rachat de cotisations lui permettant ainsi la liquidation de sa retraite à hauteur du montant minimal égal à 87 % du SMIC, si l'on s'en tient aux termes de l'article 4.
Certes, dans cette hypothèse, la personne pourrait aussi recourir à une formule d'épargne retraite. Mais rares sont les foyers qui disposent de sommes suffisantes pour acquérir en quelques années, si le point se fait entre 55 et 60 ans, le bénéfice d'une rente viagère d'un montant significatif.
Je souhaiterais que tout puisse être mis en oeuvre pour que le montant minimal de retraite ait bien le caractère d'un seuil en dessous duquel on ne puisse descendre pour quelque raison que ce soit.
Voilà pourquoi je sollicite l'adoption de cet amendement n° 39.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Vos propos sont tout à fait pertinents, monsieur Franchis. Beaucoup de nos concitoyens n'imaginent pas, en effet, que la date choisie pour partir en retraite puisse avoir des répercussions sur le montant de leur pension.
Dans la fonction publique, le calcul est relativement facile : un certain nombre d'années multiplié par 2 % égale le montant de la pension. Mais même cette règle simple n'est pas connue de tous.
Quant aux travailleurs du secteur privé, ils ne savent pas forcément qu'existe déjà aujourd'hui un système de décote.
Une orientation du texte que nous examinons, l'une des grandeurs de notre projet, c'est de permettre à chacun de construire sa retraite avec une plus grande souplesse et une grande liberté de choix. C'est la raison pour laquelle l'article qui prévoit une meilleure information est particulièrement important.
Si chacun veut choisir, il faut qu'il sache quelles sont les conséquences, en fonction de la durée d'assurance, des systèmes de décote et de surcote qui sont tout à fait nouveaux, et de rachats.
La commission, consciente de la pertinence de vos propos, souhaite connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement partage le souci de M. Franchis. Je tiens à le rassurer : l'objectif visé par cet amendement est déjà atteint avec la rédaction actuelle du projet de loi.
En effet, l'article 18 du projet de loi qui constitue, je le rappelle, le dispositif d'application du principe posé à l'article 4 prend en compte son souci. Les années rachetées seront, au regard du minimum contributif réformé, traitées comme des périodes ayant donné lieu à cotisation à la charge de l'assuré. Elles ouvriront droit, comme les autres périodes cotisées, à une revalorisation significative de 9,3 % nette d'inflation, en quatre ans, de la pension minimale. Je rappelle que cette mesure permet, à elle seule, d'atteindre l'objectif de 85 % du SMIC à l'horizon 2008.
Par ailleurs, nous aurons l'occasion de revenir sur le droit à l'information, lors de l'examen de l'article 8 du projet de loi.
Il me semble que, sous le bénéfice de ces explications, M. Franchis pourrait retirer son amendement.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Franchis.
M. Serge Franchis. Ce que je souhaite éviter, monsieur le ministre, c'est que les personnes qui, au moment de la liquidation de leur retraite, seraient dans l'impossibilité d'obtenir le minimum de 85 % du montant du SMIC à l'horizon 2008, ne se trouvent pas rejetées dans la cohorte des exclus. Certes, me direz-vous, il y a des mécanismes d'aide sociale pour les plus défavorisés. Mais bénéficier de l'aide sociale constitue toujours une atteinte à la dignité de l'individu, alors que percevoir une retraite d'un montant suffisant pour répondre à ses besoins est ressenti comme un droit.
Mon souci, monsieur le ministre, est de veiller à ce que le seuil de 85 % du SMIC soit atteint dans toutes les situations. Une formule de rachat la plus large possible, non limitée, à quelques annuités, pourrait à mon sens résoudre le cas de ceux qui, au moment de la liquidation de leur retraite, disposeraient de moyens d'améliorer cette dernière.
J'ai connu un commerçant qui s'était retiré des affaires avec quelques économies avant la guerre de 1914. Il était toujours vivant après 1945, mais se trouvait alors dans la plus grande détresse. J'ai connu d'ailleurs de nombreux cas similaires de personnes qui, après avoir fait un effort d'épargne entre les deux guerres, se sont trouvées ensuite en fort mauvaise situation.
Je me résignerais bien à retirer mon amendement si le Gouvernement s'engageait à examiner la situation que j'ai évoquée dans les textes d'application.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Monsieur Franchis, le Gouvernement est naturellement très soucieux de trouver des solutions pour l'ensemble de nos concitoyens. Mais il est aussi très soucieux de maintenir le lien entre le travail et la retraite : on ne peut pas déconnecter complètement le montant des pensions de la durée de cotisation.
La question soulevée par votre amendement est résolue par le texte : le rachat des années pour obtenir 85 % du SMIC est possible.
Au demeurant, votre souhait de voir garanti 85 % du SMIC à tout le monde est excessif. Le Gouvernement ne peut satisfaire une telle demande, qui ferait peser sur nos régimes de retraite une charge considérable, que nous ne sommes pas en mesure d'assumer.
M. le président. Monsieur Franchis, que décidez-vous ?
M. Serge Franchis. Je fais confiance à M. le ministre et au Gouvernement pour qu'un effort soit accompli dans le sens que je souhaite. Il y va de la dignité de certains de nos concitoyens.
M. le président. L'amendement n° 39 est retiré.
L'amendement n° 1031, présenté par M. Gouteyron, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans un délai de cinq ans après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur l'état d'avancement de l'application des dispositions de l'article 4, et notamment sur l'existence de négociations entre les partenaires sociaux chargés de la gestion des régimes complémentaires de retraite, en vue d'adapter le dispositif des retraites complémentaires de manière à assurer en 2008 à un salarié ayant travaillé à temps complet et disposant de la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier du taux plein un montant total de pension, lors de la liquidation, au moins égal à 85 % du SMIC net lorsqu'il a cotisé pendant cette durée sur la base du salaire minimum de croissance. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à demander au Gouvernement de remettre un rapport. La commission des finances n'aime pas beaucoup les rapports ou, si elle les a aimés un jour, ce n'est plus le cas, car elle considère que c'est le rôle du Parlement de contrôler directement, par les voies et moyens qui sont les siens, l'application des lois.
Toutefois, nous avons souhaité marquer notre intérêt pour l'article 4, dont l'importance sociale est évident. Surtout, monsieur le ministre, nous savons que l'objectif de 85 % du salaire minimum de croissance ne peut être atteint qu'avec l'engagement des partenaires sociaux, qui gèrent les régimes complémentaires. (M. le ministre fait un signe de dénégation.)
Monsieur le ministre, j'aimerais être sûr que cet objectif sera atteint. Je me souviens qu'avant 1999 les taux de cotisation n'étaient pas identiques. Ils variaient entre 4 % et 6 %, me semble-t-il. Cela montre bien que les régimes complémentaires auront à s'engager pour atteindre l'objectif visé.
Monsieur le ministre, si vous me dites que cet objectif sera atteint et que nous aurons les moyens de contrôler de quelle façon il le sera, je retirerai l'amendement.
Je souhaite, quoi qu'il en soit, obtenir du Gouvernement des éclaircissements sur ce sujet. Telle est la mission que m'a confiée la commission des finances.
J'ai d'ailleurs noté que, dans son rapport, la commission des affaires sociales avait relevé que l'objectif ne pouvait être atteint que si les partenaires sociaux participaient à l'effort.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rappporteur. M. le rapporteur pour avis a demandé qu'un rapport soit remis dans un délai de cinq ans après la promulgation de la loi. Pourquoi pas à mi-parcours, monsieur Gouteyron ?
Nous partageons votre préoccupation, mon cher collègue, et nous avons examiné votre amendement avec bienveillance, mais, avant de me prononcer, je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement sur votre proposition.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Je répète que l'objectif de 85 % du SMIC sera atteint sans effort supplémentaire des régimes complémentaires.
En effet, l'accord que nous avons passé avec les partenaires sociaux, le 15 mai dernier, prévoit trois revalorisations, de 3 % chacune du minimum contributif, devant intervenir respectivement au 1er janvier 2004, au 1er janvier 2006 et au 1er janvier 2008. Cette revalorisation ne dépend donc que du régime général et cet effort est suffisant pour atteindre, en 2008, l'obectif de 85 % du SMIC net pour un salarié ayant travaillé à temps complet à ce niveau de rémunération pendant quarante ans, contre 81 % aujourd'hui. Aucun effort supplémentaire n'est demandé à l'AGIRC ou à l'ARRCO.
La seule question qu'on peut se poser est celle de savoir si l'AGIRC et l'ARRCO ne risquent pas de baisser le taux de remplacement. Naturellement, sur ce point, le législateur ne peut pas se substituer aux partenaires sociaux ; il ne peut pas leur dicter leur conduite. Je voudrais toutefois vous livrer trois informations qui devraient être de nature à vous rassurer.
D'abord, les partenaires sociaux qui gèrent l'AGIRC et l'ARRCO sont justement ceux qui ont soutenu l'accord du 15 mai dernier. Je les considère donc - je le leur ai dit à plusieurs reprises - comme engagés par cet accord.
Ensuite, le projet de loi prévoit que le Parlement sera informé en 2008, à travers le rapport qui est prévu à l'article 5, des principales données relatives au régime obligatoire, au nombre desquelles figure, évidemment, le montant des pensions minimales.
Enfin, il est tout à fait dans le rôle du COR, tel que le prévoit l'article 6 du projet de loi, de suivre les indications relatives à l'évolution des régimes de retraite et à l'évolution du taux de remplacement.
L'article consacré au Conseil d'orientation des retraites, dans son alinéa 5, prévoit que celui-ci doit : « suivre la mise en oeuvre des principes communs aux régimes de retraite et l'évolution des niveaux de vie des actifs et des retraités ainsi que l'ensemble des indicateurs des régimes de retraite, dont les taux de remplacement. »
Bref, monsieur le sénateur, votre préoccupation, qui est parfaitement légitime, étant satisfaite par les dispositions du projet de loi, comme par l'accord du 15 mai dernier, je crois que toutes les conditions sont réunies pour que vous retiriez votre amendement.
M. le président. Monsieur Gouteyron, l'amendement n° 1031 est-il maintenu ?
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 1031 est retiré.
L'amendement n° 33 rectifié, présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste et M. Mouly, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Avant le 31 décembre 2004, le Gouvernement déposera sur le bureau de l'Assemblée nationale et sur celui du Sénat un rapport prévoyant l'harmonisation des régimes de retraite des enseignants du secteur privé et du secteur public. »
La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Cet amendement a pour objet de prévoir l'harmonisation des régimes de retraite des enseignants du secteur privé et du secteur public.
L'équité est un des axes les plus importants de la présente réforme de notre système de retraite. Cette équité doit être déclinée le plus possible. Il est, par exemple, particulièrement choquant que les enseignants des écoles privées sous contrat, qui exercent le même métier que leurs homologues du public, se trouvent, face à la retraite dans une situation bien plus défavorable.
Le présent amendement vise à rétablir dans ce système une dose d'équité.
Pour ce faire, son ambition n'est pas grande. Il n'est question que de tirer toutes les conclusions qu'impose la loi Guermeur de 1977.
En vertu de cette loi, les enseignants salariés du privé peuvent partir à la retraite dans les mêmes conditions que leurs homologues du public. Ainsi, depuis cette date, ils bénéficient de la possibilité de prendre leur retraite à 55 ans. De 55 à 60 ans, l'Etat prend en charge le versement de leur pension. A 60 ans, le régime dont ils sont ressortissants prend le relais.
Cependant, cet aligement implique que les conditions menant à la retraite à 55 ans soient en tous points les mêmes.
Or il continue d'exister un décalage, que l'on peut qualifier d'incroyable entre le niveau des cotisations acquittées par un enseignant fonctionnaire sur son traitement et celui des cotisations acquittées par un enseignant du privé sur son salaire. Tandis que, dans le privé, le taux de cotisation des enseignants atteint presque 13 %, il s'élève à 7,85 % dans le public. A l'échelle d'une carrière, la différence représente en moyenne 60 000 euros.
Tandis que l'enseignant du public se constitue des droits à la retraite et dispose d'une économie, l'enseignant du privé ne fait que se constituer des droits à la retraite qui, en tout état de cause, seront inférieurs à ceux de son homologue du public.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Mon cher collègue, la commission a bien entendu votre appel, mais on ne peut pas prévoir un rapport visant à une harmonisation ; un tel rapport ne peut être relatif qu'à un bilan.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. M. Boyer met l'accent sur un sujet difficile, que je connais bien en tant qu'élu de l'ouest de la France. (Murmures sur les travées du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Masseret. La laïcité !
M. François Fillon, ministre. A quoi riment ces remarques ?
Le problème que vous posez, monsieur Boyer, est un problème difficile, on ne peut le résoudre de la manière que vous suggérez.
En effet, les taux de cotisations des enseignants du privé sont ceux du secteur privé, ces enseignants étant des salariés de droit privé. Leurs taux de cotisations sont donc supérieurs à ceux du secteur public, alors même qu'il y a bien parité de rémunération brute. Les règles relatives à la constitution des droits à pension ne sont pas non plus les mêmes et des différences significatives subsisteront après le vote de la loi, même si la convergence des principes essentiels est désormais acquise.
En pratique, s'il fallait assurer la neutralité pour les rémunérations nettes, il faudrait que l'Etat assume, pour le compte des enseignants du privé, la prise en charge d'une partie des cotisations salariales, de l'ordre de 270 millions d'euros par an.
Au-delà du problème budgétaire - qui est loin d'être négligeable - d'autres questions de principe se poseraient. En effet, à ce jour, l'Etat n'a jamais accepté de prendre en charge des cotisations salariales et, s'il le faisait pour les enseignants du privé, il devrait naturellement le faire pour d'autres professionnels ayant des homologues dans le secteur public.
Au demeurant, les enseignants du secteur privé ne réclament pas de devenir fonctionnaires, et je ne sache pas que les fonctionnaires souhaitent dépendre du régime général. Par conséquent, même après la réforme que nous proposons, il existera toujours des différences entre les régimes, et notamment une dualité dans le système éducatif.
Ce n'est pas dire pour autant que le Gouvernement ne souhaite pas, dans une concertation élargie avec l'éducation nationale, rechercher les moyens de rapprocher les statuts. En tout cas, nous ne pouvons pas le faire aujourd'hui dans le cadre de cette réforme.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Cet amendement pose un problème extrêmement important, dont M. le ministre nous a rappelé les données. Ce problème découle du statut particulier de ces enseignants qui, tout en étant des salariés de droit privé remplissent une mission de service public, en l'espèce le service public de l'éducation.
L'article 15 que la loi Germeur a ajouté à la loi Debré de 1959 fixe les règles générales qui déterminent les conditions de service et de cessation d'activité des maîtres titulaires de l'enseignement public, étant entendu que ces règles sont également applicables aux maîtres exerçant des fonctions de même niveau dans les établissements privés liés à l'Etat par contrat.
Or, ainsi que l'a dit Jean Boyer, les enseignants du privé constatent des écarts très importants entre le sort qui leur est fait et celui que connaissent les enseignants du public.
Monsieur le ministre, vous avez dit que le Gouvernement allait s'atteler à ce délicat problème et étudier les moyens qui permettraient d'assurer le respect du principe d'égalité de traitement posé par les lois précitées. Je m'en félicite. Mais il faut que ce soit là un véritable engagement de votre part ; les enseignants du privé ne comprendraient pas qu'il en soit autrement.
Cela étant précisé, je crois que le temps où l'on opposait le privé et le public est révolu. Aujourd'hui, on voit bien les deux types d'établissements, ils ne sont plus en concurrence l'un par rapport à l'autre : il s'agit bien plutôt d'une situation d'émulation réciproque, au bénéfice des familles, qui peuvent ainsi faire un choix. C'est dans cet esprit qu'il convient, me semble-t-il, d'aborder le problème ici posé.
Bien sûr, celui-ci est trop complexe pour que nous puissions espérer le résoudre dans le cadre du présent texte, mais au moins savons-nous désormais que le Gouvernement est décidé à le traiter.
M. le président. Monsieur Boyer, avant de vous interroger sur le sort que vous entendez réserver à votre amendement, je vais donner la parole à ceux qui me l'ont déjà demandée pour explication de vote, de manière que les différents points de vue puissent s'exprimer.
La parole est donc à M. Domeizel, pour explication de vote sur l'amendement n° 33 rectifié.
M. Claude Domeizel. En vérité, je suis un peu surpris que cette question, qui est tout à fait réelle, ne soit soulevée qu'au sujet des enseignants. On pourrait évoquer aussi, par exemple, le cas des infirmières : celles qui travaillent dans le public n'ont pas - j'anticipe là sur le débat que nous aurons lorsque nous aborderons les articles 24 et suivants - les mêmes retraites que celles qui travaillent dans le privé. L'infirmière libérale qui vient traiter les patients à domicile n'aura pas la même retraite que l'infirmière d'hôpital.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Ce n'est pas du tout la même situation !
M. Claude Domeizel. Mais si !
En fait, dans vos discours, vous essayez d'opposer le public et le privé. Vous essayez d'opposer les syndicats.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Absolument pas !
M. Jean Chérioux. Vous avez cent ans de retard, monsieur Domeizel !
M. Claude Domeizel. Vous essayez même de diviser l'opposition.
Et puis voilà que, tout à coup, vous voulez rapprocher le public et le privé ! C'est tout de même assez surprenant. Je serais très heureux que nous ayons ce débat.
Les fonctionnaires ont peut-être des avantages, mais ils ont aussi de nombreuses obligations. Ils ont, en particulier, l'obligation de se dévouer totalement à la fonction publique à partir du jour où ils y entrent. Ils n'ont pas le droit de cumuler des emplois.
Quoi qu'il en soit, pourquoi aborder ce problème uniquement à propos des enseignants ? Je suis moi-même un enseignant retraité de l'éducation nationale et j'ai toujours eu beaucoup de respect pour mes collègues de l'enseignement privé, tout simplement parce qu'ils exercent le même métier que celui qui a été le mien. Mais le problème n'est pas là.
En tout cas, on ne peut pas traiter par le biais d'un simple amendement ce problème très complexe.
M. le président. La parole est à à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo. Il est effectivement assez curieux qu'on se préoccupe soudainement d'harmoniser de cette façon le privé et le public, après avoir opposé l'un à l'autre.
Jusqu'à présent, s'agissant des retraites, vous vous êtes acharnés à aligner le public sur le privé. Et voilà que maintenant vous proposer d'aligner le privé sur le public ! Je vous laisse la responsabilité de vos contradictions !
Cela étant, je suis plutôt d'accord, en l'occurrence, avec M. le ministre. Allez-vous, dans la foulée de cet amendement, nous proposer l'unification du service de l'éducation ? Allez-vous nous proposer de considérer que les établissements sous contrat doivent être intégrés au service public national de l'éducation ? Allez-vous nous proposer de fonctionnariser les enseignants du privé ?
On nous reproche en permanence de vouloir fonctionnariser tout le monde, mais, là, vous êtes en pleine contradiction !
Mme Nelly Olin. Vous allez peut-être un peu loin !
Mme Nicole Borvo. Il s'agit donc d'un débat qui dépasse de loin le cadre de la discussion d'un simple amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, pour explication de vote.
M. Jean Chérioux. Il n'est évidemment pas possible de régler ce problème aujourd'hui, vous avez raison, monsieur le ministre, et vous aussi, madame Borvo.
Mme Nicole Borvo. Merci !
M. Jean Chérioux. Il reste que nos collègues ont proféré quelques inexactitudes. Il n'est pas question de fonctionnariser les professeurs et les maîtres d'enseignement libre... ou plutôt de l'enseignement privé.
Mme Nicole Borvo. Lapsus révélateur !
M. Jean Chérioux. Il y a un régime qui est ce qu'il est, il doit rester ce qu'il est !
Cependant, à l'occasion d'un débat où, en permanence, a été mise en avant la notion d'équité, il n'était pas anormal que notre collègue Jean Boyer soulève un tel problème.
Mme Nicole Borvo. Vous l'avez renversée, l'équité !
M. Jean Chérioux. Je veux par ailleurs répondre à notre collègue Domeizel que le problème des infirmières n'a rien à voir avec celui des enseignants.
M. Claude Domeizel. Si !
M. Jean Chérioux. Non, parce que l'enseignement privé a un statut spécifique qui est défini par la loi et aux termes duquel les rémunérations sont à la charge de l'Etat. Les deux situations ne sont donc pas comparables.
Il est évident que nous ne pouvons pas régler aujourd'hui ce problème d'équité, mais M. le ministre a clairement indiqué qu'il serait examiné par le Gouvernement. (M. le rapporteur applaudit.)
M. le président. Ceux qui souhaitaient s'exprimer l'ayant fait, je peux maintenant vous interroger monsieur Boyer : l'amendement n° 33 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean Boyer. Je suis un peu navré que cet amendement réveille des polémiques passées, et du reste bien inutiles.
Mme Nicole Borvo. Et pour cause !
M. Jean Boyer. Cet amendement visait simplement à présenter un état des lieux. Adrien Gouteyron, qui est, d'une manière générale, un spécialiste des questions d'enseignement, connaît d'autant mieux ce problème particulier que l'enseignement privé tient une place importante dans le département dont nous sommes tous deux les élus et où nous avons vécu des affrontements tout à fait stériles, l'essentiel étant d'apporter à la jeunesse d'aujourd'hui l'épanouissement nécessaire pour qu'elle puisse demain travailler et prospérer.
Compte tenu des éléments que vous avez apportés, monsieur le ministre, je retire l'amendement n° 33 rectifié.
M. le président. L'amendement n° 33 rectifié est retiré.
Demande de réserve
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Conformément à la feuille de route que nous avons établie, je demande la réserve des amendements n°s 152, 889, 198, 899, 293, 294, 199, 295 rectifié, 900 et 901, qui tendent à insérer des articles additionnels avant l'article 5, après l'article 5 ou avant l'article 6, jusqu'après l'examen de l'article 13 bis , de telle manière que nous puissions examiner l'article 6 dès la reprise de la séance.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. François Fillon, ministre. Favorable.
M. le président. La réserve est ordonnée.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quinze heures quinze, sous la présidence de M. Bernard Angels.)
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PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
RAPPELS AU RÈGLEMENT
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Monsieur le ministre, je vous ai interpellé mardi dernier au sujet des intermittents du spectacle. Je renouvelle aujourd'hui mon propos, renforcé dans ma démarche par d'importants débats auxquels, depuis, j'ai pris part. Ainsi hier, j'ai participé à Avignon, pendant deux heures et demie, à une émission sur France Culture avec une trentaine d'artistes et de techniciens et, ce matin, j'étais au Forum des images de Paris, avec deux cents techniciens et artistes. Dans les deux cas, par-delà la douleur d'avoir dû en certains lieux arrêter le spectacle, un calme, une unité, une détermination se sont manifestés, syndicat CGT et Coordination des intermittents mêlés.
Au passage, je ne pense pas qu'il soit bon pour le ministre de la culture d'attaquer le syndicat CGT, qui est, il le sait bien, son principal interlocuteur au cours des négociations.
M. Jean-Pierre Schosteck. Ce n'est pas sûr !
M. Jack Ralite. Pour toutes ces femmes et hommes, jeunes et moins jeunes, le texte du 26 juin, modifié mardi, ne résiste pas à l'examen. Il a été, dans ces deux débats, épluché calmement mais avec précision. Les termes de l'accord disparaissaient au fur et à mesure, d'autant que les abus sont toujours là.
Monsieur le ministre, vous abordez d'ailleurs cette question dans une interview parue aujourd'hui dans Le Monde . Mais je ne comprends pas bien. Supprimez les abus que vous constatez et que vous dénoncez comme nous. Ensuite, un examen plus réaliste pourrait être fait. Monsieur le ministre, pourquoi toucher aux droits avant de toucher aux abus ? On comprend que ce soit la position du MEDEF, mais comment peut-elle être la vôtre ? Ce n'est pas compréhensible !
Je suis sûr que vous vous félicitez, comme moi, de l'unanimité sauvegardée en Europe et qui s'est exprimée hier à Bruxelles, encore qu'il faille être vigilant sur la rédaction proposée.
M. Jean Chérioux. Grâce à qui ?
M. Jack Ralite. Mais l'exception culturelle vise précisément à ce que la culture et l'art ne soient pas considérés comme une charge pour la société.
Jean Vilar parlait d'un « mariage cruel entre pouvoir et artistes ». Mais précisément, il appelait à ne pas céder ! Et un autre fondateur du festival d'Avignon, René Char, disait : « La réalité pour être franchie doit être soulevée. » C'est ce que font les artistes et les techniciens !
Le Président de la République, Jacques Chirac, avait annoncé sa candidature précisément en Avignon et, depuis, il a beaucoup dit en faveur de la culture. Mais je crois que, tout de suite, vous-même, monsieur le ministre, avant le 14 Juillet où, comme nous l'attendons, le Président de la République passera éventuellement aux actes, vous devriez entendre concrètement les intermittents. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Monsieur Ralite, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
La parole est à M. Claude Domeizel, pour un rappel au règlement.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, mon rappel au règlement a trait aux méthodes de travail retenues pour l'examen de ce projet de loi.
Hier, il a été décidé de reporter à plus tard l'examen des amendements portant articles additionnels avant l'article 5 pour discuter en priorité de l'article 5. Aujourd'hui, on décide d'examiner par priorité les amendements portant articles additionnels avant et après l'article 4. Puis, juste avant la suspension, au moment où j'allais vous présenter un amendement portant article additionnel avant l'article 5, il a été décidé que l'article 6 serait examiné en priorité à la reprise de l'après-midi. Nous sommes dans une situation totalement absurde !
M. Jean Chérioux. Vous vous y êtes mis vous-même ! C'est l'arroseur arrosé !
M. Claude Domeizel. Mais non, ce n'est pas l'arroseur arrosé !
Lorsque nous présentons un amendement, monsieur le président de la commission des affaires sociales, par exemple avant l'article 5, c'est parce que nous voulons exposer les principes généraux qui sous-tendent les dispositions contenues dans l'article.
M. Jean Chérioux. C'est votre problème !
M. Claude Domeizel. Cela nous permet de préparer la discussion de l'article 5. Monsieur le président de la commission,... (M. le président de la commission des affaires sociales s'entretient avec M. le rapporteur pour avis) il n'écoute pas mais cela ne fait rien...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais si, je vous écoute !
M. Claude Domeizel. C'est comme cela qu'on en vient à ne plus se comprendre ! Quand vous êtes interpellé, vous n'écoutez pas !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais bien sûr que si ! Je vous écoute, mot à mot !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Nous étions justement en train de commenter vos propos !
M. Claude Domeizel. Monsieur About, lorsque l'on dépose des amendements portant articles additionnels avant ou après tel article, ce n'est pas neutre. Si nous avons déposé un amendement portant article additionnel avant l'article 5, c'est parce que nous voulions mettre en lumière les points les plus importants avant d'aborder l'examen de l'article 5.
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est votre problème !
M. Claude Domeizel. Mais non, ce n'est pas mon problème ! Monsieur About, écoutez-moi bien : nous laisser défendre, comme nous l'avons demandé, cet amendement portant article additionnel avant l'article 5 peut permettre d'alléger la discussion de l'article 5 !
M. Jean-Pierre Schosteck. Chiche !
M. Jean Chérioux. C'est du chantage !
M. Claude Domeizel. Cela aurait pu éventuellement nous inciter à retirer certains amendements.
On a débattu durant toute la journée d'hier de l'article 5 : je vais donc être obligé de maintenir cet amendement, alors que, si l'on avait suivi l'ordre prévu pour cette discussion, on aurait pu progresser beaucoup plus rapidement, et c'est d'ailleurs, me semble-t-il, ce que vous souhaitez, sans amputer en quoi que ce soit le débat. Je souhaiterais que, désormais, l'on s'en tienne, pour le déroulement de nos travaux, à l'ordre initialement prévu.
M. Jean Chérioux. C'est le service de la séance qui décide, ce n'est pas vous !
M. Claude Domeizel. Cela ne pourra que faciliter nos travaux en permettant une meilleure compréhension.
Mme Nelly Olin. J'en doute !
M. le président. Monsieur Domeizel, je vous donne acte de votre rappel au règlement. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur Domeizel, soyons raisonnables. A chaque fois, depuis le début de l'examen de ce texte sur les retraites, que le rapporteur a exprimé son avis sur les amendements portant articles additionnels, il a été obligé de reconnaître que ceux-ci n'avaient rien à voir avec les articles dont nous débattions. Vous affirmez tout d'un coup que les amendements à venir ont un lien certain avec les articles avant lesquels ils sont placés.
M. Claude Domeizel. Mais bien sûr !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Si vous avez effectivement changé de logique, on étudiera cela. En tout cas, il n'est pas question, en cet instant, de modifier la priorité qui a été demandée ce matin. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
M. Claude Domeizel. C'est fort regrettable. Je ne comprends pas cet entêtement !
M. Jean Chérioux. Nous ne comprenons pas le vôtre !