SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

1. Procès-verbal (p. 1).

2. Dépôt de rapports en application de lois (p. 2).

3. Responsabilités locales. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 3).

Discussion générale (suite) : MM. Claude Biwer, Jean Puech, Thierry Foucaud, Claude Lise, Jean Boyer, Daniel Hoeffel, Jean-Yves Mano, Louis de Broissia, Claude Domeizel, Jacques Blanc, Gérard Collomb, Jacques Oudin, Gérard Miquel, Jean-Paul Alduy, Daniel Percheron, Bernard Murat, Daniel Reiner, Eric Doligé, Yves Dauge, Jean-Claude Etienne.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales.

Clôture de la discussion générale.

Exception d'irrecevabilité (p. 4)

Motion n° 450 de Mme Nicole Borvo. - MM. Ivan Renar, Jean-Pierre Fourcade, Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois ; Robert Bret, Mme Gisèle Gautier, M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet par scrutin public.

Suspension et reprise de la séance (p. 5)

PRÉSIDENCE DE M. Daniel Hoeffel

Question préalable (p. 6)

Motion n° 346 de M. Jean-Pierre Sueur. - MM. Jean-Pierre Sueur, Jean-Pierre Schosteck, rapporteur de la commission des lois ; le ministre délégué, le vice-président de la commission des lois, Jean-Claude Peyronnet, Roland Muzeau. - Rejet par scrutin public.

Demande de renvoi à la commission (p. 7)

Motion n° 1282 de Mme Nicole Borvo. - MM. Paul Loridant, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.

Division et articles additionnels avant le titre Ier (p. 8)

Amendement n° 874 de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Réserve.

Amendement n° 875 de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, le ministre délégué, Jean-Pierre Sueur. - Rejet.

Amendement n° 876 de M. Bernard Frimat. - MM. Bernard Frimat, le rapporteur, le ministre délégué. - Retrait.

Amendements n°s 877, 878 rectifié, 884, 885 de M. Bernard Frimat, 879, 882, 883 rectifié de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. Bernard Frimat, Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, le ministre délégué, Michel Dreyfus-Schmidt. - Retrait des amendements n°s 884, 877, 878 rectifié et 883 rectifié ; rejet des amendements n°s 879, 882 et 885.

Amendement n° 880 rectifié de M. Bernard Frimat. - MM. François Marc, le rapporteur, le ministre délégué, Paul Girod, Michel Mercier, Bernard Frimat. - Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion.

4. Dépôt d'une question orale avec débat (p. 9).

5. Dépôt de projets de loi (p. 10).

6. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 11).

7. Dépôt d'un rapport d'information (p. 12).

8. Ordre du jour (p. 13).

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

DÉPÔT DE RAPPORTS

EN APPLICATION DE LOIS

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre : le rapport d'évaluation de l'état de la réserve militaire en 2002, établi en application de l'article 29 de la loi du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense ; le rapport sur la protection et le contrôle des matières nucléaires, établi en application de l'artice 10 de la loi du 25 juillet 1980 sur la protection et le contrôle des matières nucléaires.

Par ailleurs, M. le président a reçu de M. le président du conseil de surveillance de la Caisse nationale d'assurance vieillesse le rapport au Parlement sur la réalisation de la convention d'objectifs et de gestion entre l'Etat et cette caisse pour 2001-2002, établi en application de l'article L. 228-1 du code de la sécurité sociale.

Enfin, M. le président a reçu de M. le président de la commission de régulation de l'énergie le rapport d'activité de cette commission pour la période de juillet 2002 à juin 2003, établi en application de l'article 32 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

3

RESPONSABILITÉS LOCALES

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales
Exception d'irrecevabilité

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 4, 2003-2004) relatif aux responsabilités locales. [Rapport n° 31 (2003-2004) ; avis n°s 32, 33, 34 et 41 (2003-2004).]

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque M. le Premier ministre et M. le ministre de l'intérieur nous ont présenté hier après-midi leurs orientations, ils ont précisé qu'ils étaient prêts à étudier avec la plus grande bienveillance à la fois les propositions d'avenir que nous pourrions formuler depuis nos collectivités territoriales et les amendements que nous déposerions. Je me suis alors pris à rêver d'un gouvernement enfin ouvert au dialogue et à la réflexion constructive, ce qui, bien sûr, m'a rempli de joie !

C'est empreint de cette première réaction que je vous expose à présent mes souhaits et, peut-être aussi mes craintes, tout en vous assurant de mon soutien lorsque vos propositions apparaîtront constructives et positives.

Monsieur le ministre, la décentralisation ne consiste pas simplement, me semble-t-il, à prendre un brin de pouvoir depuis la capitale pour le transférer vers nos grandes régions et nos métropoles régionales. Il est nécessaire de tenir compte de toutes les collectivités locales existant sur l'ensemble de notre territoire. Dans la mesure où les représentants du Gouvernement précisaient hier combien ils étaient à l'écoute de notre démarche, j'aurais tendance à dire : « Eh bien, banco ! Nous sommes prêts, allons-y ! »

Nous n'avons pas toujours, il est vrai, ressenti la même bonne volonté, puisqu'il a fallu attendre plus de vingt ans après les premières lois de décentralisation pour qu'un gouvernement se décide à donner une impulsion à cet indispensable mouvement, tant il est vrai que notre pays a souffert depuis trop longtemps d'un centralisme technocratique aussi archaïque que contre-productif.

On peut légitimement s'interroger sur le fait de savoir pour quelles raisons l'élan de 1981 a été brisé net quelques années plus tard, alors que les collectivités territoriales avaient fait la preuve de leur capacité à assumer avec brio les premières compétences qui leur furent transférées.

Les administrations centrales ont sans doute eu peur de se voir dépouiller de leurs prérogatives en la matière. Le corps préfectoral, qui n'a pas véritablement apprécié les transferts de responsabilités aux présidents de conseils généraux ni la nouvelle appellation de « préfet, commissaire de la République », n'a sans doute guère plaidé pour la poursuite du processus. Le ministère de l'économie et des finances ne voyait pas d'un bon oeil lui échapper la gestion de recettes et de dépenses supplémentaires ; en supposé gardien de l'orthodoxie budgétaire et fort du principe selon lequel lui seul est capable de maîtriser la dépense publique, il mettait en doute la capacité de gestion des deniers publics par les élus locaux.

C'est ainsi qu'une campagne fut orchestrée sur le caractère dispendieux de certaines initiatives prises par les conseils généraux ou les conseils régionaux, comme la construction de nouveaux hôtels du département ou de région, alors que, dans la très grande majorité des cas, il s'agissait de rassembler des services et de rationaliser le travail des fonctionnaires territoriaux.

Cette méthode ministérielle consistant à observer et à juger bien mal à propos plutôt qu'à se lancer dans sa propre réorganisation nous a conduits à cette fameuse « pause dynamique » dans le processus de décentralisation, qui a duré plus de quinze ans et s'est traduite par une recentralisation rampante, par une reprise en main de l'administration préfectorale et par une tutelle financière de plus en plus tatillonne.

Je ne peux que féliciter M. le Premier ministre et son gouvernement d'avoir eu le courage de donner un nouvel élan à la décentralisation. C'est d'ailleurs avec intérêt que j'ai pris connaissance du projet de loi que nous examinons aujourd'hui et dont j'ai apprécié la teneur.

Ce projet de loi opère un très important transfert de compétences, de charges et de ressources, notamment aux régions et aux départements. Les communes et l'intercommunalité sont, en revanche, peu concernées. Personnellement, je le regrette, espérant une amélioration dans ce domaine.

Etant élu départemental, je m'attacherai à analyser les conséquences heureuses et moins heureuses, selon moi, de ce texte pour les départements.

Je ne peux que me féliciter de voir le rôle et la place des départements confortés : que n'a-t-on entendu sur l'inutilité et l'archaïsme de ceux-ci, sur la prétendue nécessité de les faire disparaître et de rassembler toutes les compétences au niveau régional ! Certains ont même affirmé que, à l'avenir, il n'y aurait plus que les communes et leurs groupements ainsi que les régions et l'Europe et que les départements, voire l'Etat, pourraient disparaître, purement et simplement, de l'action proprement dite au niveau de notre vie quotidienne !

Or le Gouvernement nous a bien précisé hier que la situation était différente et qu'il prévoyait de transférer aux départements de nouvelles et importantes missions comme la gestion de l'essentiel du réseau routier national. Cette mesure paraît logique dans la mesure où ils disposent déjà d'une grande expérience en matière d'entretien des routes départementales et où il s'agit de la continuité des itinéraires. On ne pourrait, en effet, concevoir une rupture de certains itinéraires relevant de la compétence tant départementale que nationale. Ce serait une grave erreur à ne pas commettre.

Vous prévoyez de confier aux départements la gestion complète du RMI-RMA, un bloc de compétences homogène en matière d'action sociale qui constitue déjà le poste le plus important de leurs dépenses. Les départements verront également leur compétence renforcée en ce qui concerne l'aide aux personnes âgées, l'accueil, la restauration, l'entretien et l'implantation des collèges, ainsi qu'en matière de logement, d'aides à la pierre, de monuments historiques ou d'élimination des déchets.

Vous prévoyez aussi de leur transférer d'importants moyens financiers, à savoir plus de 5 milliards d'euros de TIPP dès 2004 pour le RMI-RMA et 3 milliards d'euros supplémentaires à compter de 2005 prélevés, pour l'essentiel, sur la taxe sur les conventions d'assurance, pour compenser le transfert des autres compétences.

Il est vrai que, pour la première fois, la Constitution que nous avons révisée impose de compenser intégralement les transferts de charges par des transferts de ressources correspondants, sous le contrôle sourcilleux, je le souhaite, du Conseil constitutionnel lors de l'examen des lois de finances.

Mais ces compensations seront calculées en prenant en compte les dépenses engagées par l'Etat au cours des années précédant les transferts de compétences et certainement pas en fonction des besoins futurs. Raisonnons par l'absurde : si l'Etat a dépensé 0 euro de 2001 à 2004 pour l'entretien des routes nationales déclassées, il sera en droit de transférer 0 euro aux départements en 2005 et le Conseil constitutionnel ne pourra qu'avaliser cet état de fait, les conseils généraux ne disposant dès lors plus que de leurs yeux pour pleurer !

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je n'ai pas pris cet exemple au hasard : nous sommes tous très bien placés pour savoir que la plupart des routes nationales dites « secondaires » ne sont plus véritablement entretenues depuis de longues années. Or ce sont justement celles-là qui vont être transférées aux départements avec les maigres crédits d'entretien correspondants.

Les départements auront dès lors le choix : soit les laisser dans leur triste état, soit les entretenir correctement. Il va de soi que les dépenses supplémentaires devront être compensées.

S'agissant de la gestion du RMI-RMA, on ne peut que se réjouir du caractère cohérent de sa dévolution aux départements. Mais, dans le même temps, on apprend qu'un « tour de passe-passe » - comme l'a appelé un quotidien national, qui faisait sans doute allusion au désengagement de l'Etat concernant l'allocation de solidarité spécifique - fera basculer, dès 2004, 150 000 chômeurs supplémentaires vers le RMI et, en 2005, plus de 300 000. Les départements seront alors bien obligés de les prendre en charge. Qui va compenser ces dépenses supplémentaires ?

J'en viens aux dépenses d'aide sociale, notamment celles qui concernent les personnes âgées. Chacun sait que s'il y a un domaine où les dépenses des départements vont véritablement exploser, c'est bien celui qui est lié à l'accueil, à l'hébergement ou à la prise en charge d'un nombre de plus en plus élevé de personnes âgées dépendantes. Là encore, les départements pourront décider de ne leur consacrer que le volume de crédits qui leur aura été transféré par l'Etat. Mais ils ne pourront s'en tenir à cette position dans la mesure où la solidarité à l'égard de nos aînés ne saurait être réduite. Mais alors, qui va compenser ces dépenses supplémentaires ?

Les aides financières à la construction de logements sociaux seront transférées aux départements pour les zones rurales et aux grandes intercommunalités. S'il existe des intercommunalités plus ou moins grandes, ne sommes-nous pas responsables, les uns et les autres ? J'espère que la construction de logements sociaux pourra ainsi être accélérée. Il convient, monsieur le ministre, de nous rassurer sur ce thème, car les 530 millions d'euros transférés ne seront pas suffisants, nous le savons bien. Ne pourrions-nous pas envisager des économies substantielles sur l'environnement des coûs de construction ? Je pense aux frais d'étude, aux frais annexes de différentes natures, aux frais de contrôle qui, actuellement, atteignent près d'un tiers de la dépense de construction.

Nous avons tous en mémoire ce qui s'est passé précédemment pour le transfert des collèges aux départements : dans sa note de présentation, le Gouvernement nous précise à ce sujet que, de 1986 à nos jours, l'effort consenti par les départements en faveur des collèges a été bien supérieur à celui de l'Etat et il serait utile que nous ne connaissions pas la même situation à l'avenir. Il en a d'ailleurs été de même pour l'APA.

Ne soyez pas étonné, monsieur le ministre délégué, que les élus territoriaux d'expérience que nous sommes ne puissent laisser passer une réforme qui se traduirait par de nouveaux transferts de charge sans véritables compensations. Mais les propos que vous avez tenus hier nous ont rassurés et j'ose espérer que les choses se passeront normalement.

Pour ce qui me concerne, je crois avoir démontré, par mes propos et par mes écrits, que je suis un farouche partisan de la décentralisation, mais un partisan lucide et exigeant. J'ai les yeux bien ouverts et je déteste les marchés de dupes. Dans les situations que j'ai évoquées tout à l'heure, nous avons encore, je n'en doute pas, du travail à accomplir ensemble.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Biwer !

M. Claude Biwer. Dans ces conditions, il serait cohérent d'envisager, dans la mesure du possible, une péréquation des opérations, car les « plus » que nous pouvons apporter au niveau gouvernemental devraient permettre aux départements les plus faibles de subvenir à leurs besoins.

Monsieur le ministre, si les compensations sont correctement évaluées, si la collaboration que vous avez souhaitée hier est réussie, nous mettrons en place ensemble le dispositif envisagé. Hormis les quelques amendements que nous avons déposés et que nous souhaitons défendre, nous pourrons trouver le juste équilibre qui nous permettra d'approuver votre projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean Puech.

M. Jean Puech. Monsieur le ministre, promesse tenue : le Gouvernement est à l'heure au rendez-vous de la décentralisation. Et c'est au Sénat, comme prévu, que s'ouvre le temps du débat. Savoir à la fois se donner du temps pour la démocratie, puisque vous n'avez pas demandé l'urgence sur ce texte, et tenir ses promesses d'actions réformatrices, c'est déjà un résultat que j'apprécie.

C'est le résultat d'une volonté politique que je salue et le résultat d'une méthode. Cette fois, le chantier a été pris comme il doit l'être, dans le bon ordre. On a commencé par les fondations, c'est-à-dire par la réforme constitutionnelle.

Au terme d'une année de travail, de réflexions, de concertation, l'édifice a pris forme. Le texte qui nous est présenté aujourd'hui nous permet de penser que, cette fois, il ne s'agira pas d'une occasion manquée, d'un simple effet d'annonce. Il ne s'agira plus de parler de décentralisation tout en faisant le contraire. Il ne s'agira plus de repeindre la façade, de refaire les tapisseries sans toucher à la structure même de cette maison commune des Français qu'est l'organisation de leur vie quotidienne.

Il ne s'agira plus de déléguer les responsabilités de gestion - donc des responsabilités politiques - aux élus sans leur en donner les moyens, notamment financiers et budgétaires. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.) Il ne s'agira plus de déléguer compétences et missions sans réorganiser en profondeur l'appareil central et territorial de l'Etat.

Ce texte vient logiquement après une réforme constitutionnelle dont la portée politique et institutionnelle n'a échappé à personne. Cette étape essentielle, complétée par les trois lois organiques, va fixer le cadre des réformes et confirmer les principes directeurs.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, la décentralisation, j'y crois ! Je ne doute pas un seul instant de son succès tant cette démarche est inéluctable.

C'est ce qui m'autorise à vous livrer une de mes craintes : que la décentralisation ne soit, en dépit de notre vigilance, réduite à une évolution d'ordre financier, à un processus technique ou administratif.

Certes, la décentralisation, c'est un peu tout cela pour arriver à l'efficacité souhaitée, mais la décentralisation, mes chers collègues, est d'abord d'ordre culturel. Elle s'inscrit dans un projet de société.

La décentralisation concerne le pays tout entier. Elle doit faire partie des habitudes de nos concitoyens, de l'ensemble des acteurs politiques, sociaux, économiques et associatifs. Cela devrait être tout naturel.

La décentralisation, c'est un mode de fonctionnement de la société que la France n'a pas osé jusqu'à ce jour mettre en oeuvre pleinement. Cette culture de la décentralisation a du mal à se conjuguer « à la française », car les résistances « d'en haut » sont fortes. C'est un constat que tout le monde fait.

Pourtant, quoi de plus normal pour nous et pour la très grande majorité de nos concitoyens que de fonder l'organisation de notre société sur les corps intermédiaires, au premier rang desquels les collectivités territoriales élues au suffrage universel ?

C'est un des piliers de la République.

Ce pilier serait-il trop démocratiquement simple pour être sinon admis du moins respecté par une « intelligentsia » coupée des réalités et qui fait malheureusement école ?

Nous ne sommes pas dans un débat opposition-majorité. C'est un débat que nous retrouvons dans toutes nos formations politiques.

Aussi, je souhaite ardemment que le Gouvernement, avec notre aide, puisse vaincre ou plutôt dépasser les résistances jacobines. Cependant, monsieur le ministre, vous le savez, ce sont des résistances têtues. Elles s'opposeront par tous les moyens à votre politique.

Nos administrations centrales et la haute fonction publique ne sont pas les seuls gardiens du temple jacobin. Les structures nationales de la société civile et médiatique ne fonctionnent pas autrement. Le moteur est le même partout : conserver une structure de pouvoir dans tous les secteurs centralisés.

Je citerai, pour mémoire, les appareils des partenaires sociaux et économiques. Par exemple, comment gèrent-ils notre système de sécurité sociale ? Par circulaires. Ils sont plus centralisateurs que la plus centralisatrice des administrations centrales !

Autre exemple : les milieux associatifs s'insurgent contre toute réforme qui consiste à rapprocher le citoyen des pouvoirs de décision. On a pu, malheureusement, le constater au printemps dernier. On a assisté alors à une formidable campagne de désinformation sur une prétendue volonté de « privatiser » l'éducation nationale.

Les élus locaux, sur le terrain, le constatent quotidiennement : ils savent bien que les propres échelons déconcentrés de ces appareils économiques et sociaux, qui ont une vision réaliste du terrain, sont très souvent en parfait décalage avec les positions de leurs organisations nationales.

Bref, la culture de la décentralisation, cette culture de la proximité, de la réalité quotidienne, n'a pas, malgré tous les efforts déployés à ce jour, pénétré l'ensemble de la société française.

Tout cela justifie que cet « acte II » de la décentralisation donne lieu à un grand débat. Ce débat, que le Gouvernement a souhaité, doit permettre l'expression d'une volonté politique claire de l'ensemble du Parlement.

Je l'ai dit et je le répète : il faut y aller et y aller tambour battant ! J'en suis de plus en plus convaincu.

J'ai toujours dit qu'il fallait que les collectivités de tous niveaux s'attellent à un travail commun avec le Gouvernement pour aboutir à des propositions équilibrées, transparentes et lisibles par tous.

Je n'ai pas ménagé mes efforts en ce sens, vous le savez, avec mes collègues Daniel Hoeffel et Gérard Longuet, responsables respectivement de l'Association des maires de France et de l'Association des régions de France. Notre concertation a été permanente.

Je m'en félicite, car les tentatives de division n'ont pas manqué. Ce travail n'est pas achevé et nous le poursuivrons avec la même détermination, en lien constant avec le Gouvernement et les assemblées parlementaires.

Tout au long de la préparation, j'ai aussi constamment dit que ce texte devait être un texte de décentralisation et non de délégation de gestion. Il l'est pour l'essentiel, et je compte sur la sagesse de notre assemblée pour le parfaire sur ce point. En effet, ainsi que M. le Premier ministre l'a réaffirmé avec une force particulière, on ne peut laisser subsister des « ersatz » de cogestion.

Par exemple, si l'Etat veut créer, comme certains le demandent, un cinquième risque de la sécurité sociale pour les personne âgées, qu'il le fasse, mais qu'il laisse les collectivités territoriales tranquilles ! Si, en revanche, il souhaite une gestion proche de la personne, ce que nous savons faire, qu'il sache nous faire confiance !

Autre exemple, si l'Etat veut garder une maîtrise, même déconcentrée, de la politique des aides à la pierre dans le secteur du logement, il n'a pas besoin d'un texte législatif pour améliorer sa propre gestion. Le texte qui nous est présenté est, en l'état, un texte de simple déconcentration. Dans sa version actuelle, les collectivités territoriales porteraient la responsabilité politique, alors que l'Etat et ses préfets répartiraient les crédits. J'ajoute, mais vous le savez déjà, que les départements cautionnent déjà trois quarts du financement des investissements et que les offices départementaux gèrent plus de la moitié du parc locatif HLM ! Il y a là une expérience, une pratique du terrain, et il me semble que l'on devrait parvenir à une conclusion qui satisfasse tout le monde.

M. le ministre de l'intérieur a dit, et j'ai relevé ses termes, que la décentralisation devait être « loyale » et « transparente » : c'est une exigence pour nos concitoyens et pour les personnels de la fonction publique.

Les événements du printemps dernier que je rappelais sont révélateurs de la confusion qui peut régner dans les esprits. Il ne faut pas donner prise à la rumeur, à la désinformation, aux peurs injustifiées.

Monsieur le ministre, le Gouvernement nous a donné ces derniers jours de nombreuses assurances sur les modalités des transferts envisagés, qu'ils soient financiers ou en personnels. M. le ministre de l'intérieur les a réitérées hier au cours de son intervention devant notre assemblée. J'en suis heureux.

Nous vous demanderons toujours, vous le comprendrez, la clarté et la lisibilité. Elles sont d'autant plus nécessaires que la conjoncture économique oblige Etat et collectivités territoriales à un jeu à somme nulle. L'essentiel de nos préoccupations, pour nous responsables territoriaux comme pour les responsables de l'Etat, c'est d'établir une feuille de route fiscale pour nos concitoyens contribuables, c'est-à-dire des budgets loyaux, vrais, sans face cachée. Nous sommes donc bien sur les mêmes longueurs d'onde.

Je conclurai en saluant le travail considérable accompli, en un temps record, par M. le rapporteur ainsi que par Mme et MM. les rapporteurs pour avis, que je remercie très sincèrement.

Sachez que vous aurez toujours à vos côtés les représentants des élus locaux, notamment les conseillers généraux dans leur ensemble. Tout au long de ce débat, aujourd'hui comme hier et demain, ils vous apporteront un soutien sans faille...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas tous !

M. Jean Puech. ... et voteront tout amendement de nature à clarifier et à simplifier toujours davantage.

Nous le ferons, car dès le premier jour, depuis les prémices de son élaboration sous l'égide du Premier ministre, nous avons approuvé les orientations fondamentales de ce texte, et nous continuons à le faire avec détermination tant il nous paraît indispensable et urgent de réformer et de moderniser l'administration de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on pourrait évidemment se demander, au seuil de cette discussion, si la question des finances locales mérite d'être posée, alors même que l'essentiel du texte de loi qui nous est soumis porte, à la vérité, sur le nouveau partage opéré entre l'Etat et les collectivités territoriales pour répondre aux besoins sociaux collectifs.

A dire vrai, et cela apparaît à la lecture même du texte, la question financière n'est finalement que secondaire, couvrant seulement 2 des 126 articles originels. Cela cache forcément quelque chose, monsieur le ministre, s'agissant notamment des financements...

Pour autant, c'est une autre question qui doit se poser à l'occasion de cette discussion générale : celle de savoir s'il suffirait de résoudre les contraintes financières inhérentes aux tranferts de compétences entre Etat et collectivités territoriales pour s'assurer de leur plein accomplissement.

Dans les faits, la première question à poser est celle de la pertinence même de la décentralisation des compétences, du bien-fondé même des transferts de responsabilités nouvelles que l'on s'apprête à opérer en direction des collectivités locales.

Dans le projet de loi, le cadre est en apparence clair et les ambitions affichées pour le moins évidentes.

Il s'agit de « faire émerger une République des proximités [...] pour rétablir la légitimité même de l'action publique ».

« Cet acte II de la décentralisation », nous dit-on aussi, « sera l'aiguillon de la nécessaire modernisation de notre pays et de l'évolution de ses structures administratives. Rapprochant la décision publique du citoyen, il la rendra plus simple, plus efficace et plus démocratique. Clarifiant la répartition des compétences, il permettra aux citoyens de mieux identifier les responsables des politiques publiques. »

On pourrait évidemment souscrire à ces intentions, mais les choses ne sont pas aussi claires. Posons quelques questions.

Le développement économique doit-il être porté par l'action des collectivités locales, alors même que nous assistons à l'internationalisation et à l'intégration de notre économie, et que la Commission européenne s'oppose, sous les prétextes les plus discutables, à toute initiative de politique économique nationale qui « sortirait des clous » de l'économie de marché, comme l'a montré l'affaire Alstom ?

L'efficacité de notre système scolaire, que bien des pays nous envient, gagnerait-elle à voir la charge de son financement encore plus décentralisée, alors même qu'il est évident que bien des collectivités locales seront dans la plus parfaite incapacité de consacrer à cette mission publique essentielle les moyens qu'elle mérite ?

Que dire encore de l'action en matière de santé, qui, d'ailleurs, aux dernières nouvelles, est souvent largement financée par la sécurité sociale, l'Etat se contentant, au travers des lois de financement, de jouer le rôle de gendarme de la dépense publique en la matière ?

Dans les faits, nous ne pouvons évidemment oublier le débat essentiel : le transfert de compétences risque fort d'être avant tout l'occasion d'alléger quelque peu les charges de l'Etat, alors même que la dérive des comptes publics, vous le savez, est particulièrement sensible cette année. Elle atteindra en effet près de 64 milliards d'euros et sera fixée à 55 milliards d'euros dans la loi de finances initiale pour 2004.

Si l'on se livrait d'ailleurs à l'exercice consistant à repérer effectivement les dépenses transférées, on découvrirait sans trop de surprise que la plupart des chapitres concernés sont affectés cette année par une réduction des engagements de dépenses.

Nous ne parlerons pas, pour ne vexer personne, de la réduction des dépenses en matière de logement, de construction et d'entretien des routes, ou encore d'action sociale, mais les faits sont là.

Autre point : l'article 40 du projet de loi de finances pour 2004 montre qu'une partie des compétences transférées va être financée au travers d'une affectation de produits fiscaux d'Etat.

Nous estimons pour notre part que la solution n'est sans doute pas là, puisque le transfert portera sur des impôts et taxes sans rapports immédiats avec les dépenses couvertes.

La justice fiscale et sociale risque fort d'être encore aux abonnés absents - cela commence mal avec le partage de la taxe intérieure sur les produits pétroliers - et ce alors même que la fiscalité locale a connu en cette fin d'année un nouveau « coup de chaud » et que rien ne laisse penser qu'il en sera autrement durant les années à venir...

De fait, nous ne pouvons, au moment où s'ouvre ce débat, faire abstraction d'une nécessaire réforme des finances locales permettant de poser la question essentielle de l'autonomie financière des collectivités territoriales et de leur capacité à répondre aux besoins collectifs, et ce d'autant que, bon an mal an, de nouveaux transferts de charges sont opérés.

On peut ainsi citer l'instruction des documents d'état civil, comme les passeports ou les procurations électorales, sources de nouveaux coûts de gestion pour les collectivités locales.

Dans ce qui nous est proposé, monsieur le ministre, il n'y a rien pour permettre de faire face aux transferts de compétences.

Au-delà, l'une des finalités du projet de loi serait de permettre au travers des transferts de compétences et de la « proximité » une réduction des prélèvements obligatoires.

Il est vrai que les impôts baissent pour certains tandis que les taxes augmentent...

A cet égard, l'on ne peut oublier que, si le redevable de l'impôt sur le revenu voit sa contribution légèrement allégée, l'usager des voies express sera invité à acquitter tous les péages que l'article 14 du projet de loi permettra d'instituer. Moins d'impôts, donc, pour le contribuable, plus de dépenses pour l'usager ! Cherchez l'erreur !

Cela étant, ce que ce débat met également en exergue, c'est la nécessité du retour de l'Etat à ses missions essentielles, qui ne sauraient se résumer au seul triptyque « défendre, assurer et juger », mais comprennent aussi la lutte contre les exclusions, l'éducation, la formation, le développement de l'économie et des infrastructures du pays.

La décentralisation ne saurait donc être le prétexte à un simple « délestage » de l'Etat au profit des collectivités territoriales, qui permettrait à la France de respecter coûte que coûte les critères de convergence européens, critères dont le moins que l'on puisse en dire est qu'ils ont été définis au plus loin des citoyens.

Le débat financier autour de la décentralisation est donc un débat sur la pertinence même des transferts de compétences, car ce qui doit nous guider, c'est le souci de répondre aux attentes sociales de la population de notre pays.

Mes chers collègues, vous l'aurez compris : comme l'a indiqué hier mon amie Josiane Mathon, il ne peut y avoir de décentralisation qui ne soit porteuse de nouveaux droits pour les collectivités et leurs habitants, qui ne soit porteuse de nouvelles ambitions pour le service public ; la décentralisation doit être réellement démocratique, et assortie de moyens financiers à la hauteur de la réponse à apporter aux besoins des populations. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Claude Lise.

M. Claude Lise. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la question de la responsabilité locale revêt, comme vous le savez, une importance toute particulière dans les départements d'outre-mer. C'est dire avec quelle attention le projet de loi que nous allons examiner a été étudié par les conseillers généraux et régionaux martiniquais, consultés pour avis par le Gouvernement. Ceux-ci ne se sont pas contentés de critiquer les insuffisances du texte, notamment en ce qui concerne les compensations de charges et les transferts de personnel ; ils se sont prononcés, et ce à la quasi-unanimité, contre toute application de ce projet de loi au département de la Martinique.

Cette position ne saurait surprendre le Gouvernement, messieurs les ministres, puisque ce dernier a engagé un processus de réforme institutionnelle spécifique, qui concerne non seulement la Martinique, mais aussi la Guadeloupe. Ce processus prévoit une prochaine consultation des citoyens de ces deux îles, probablement le 7 décembre de cette année.

Ce qui est surprenant, en revanche, c'est que, en présentant l'actuel projet de loi, le Gouvernement se comporte comme s'il ignorait l'existence de ce processus ou comme s'il préjugeait d'une réponse négative des électeurs.

Il faut, en tout cas, que la représentation nationale prenne bien la mesure du caractère totalement inadapté de ce projet de loi à la situation, on ne peut plus singulière, des régions monodépartementales que sont les départements d'outre-mer.

Cette situation, qui résulte de la farouche opposition de la droite, en 1982, au projet d'assemblée unique du gouvernement Mauroy, se caractérise par un enchevêtrement des compétences des deux collectivités, départementale et régionale, coexistant sur un même territoire.

On en connaît les conséquences, que personnellement je vis au quotidien en tant que président de conseil général : confusion des responsabilités, manque de cohérence des politiques publiques locales, manque d'efficacité dans leur mise en oeuvre, nombreux surcoûts, ou encore absence de lisibilité pour les citoyens.

Or l'actuel projet de loi, loin de clarifier l'exercice des compétences, tend à accentuer leur enchevêtrement, notamment dans les domaines du développement économique, du tourisme, de la politique du logement ou du patrimoine culturel. Son application ne pourrait donc qu'aboutir à une nette aggravation d'une situation de plus en plus unanimement déplorée.

C'est dire que, dans l'hypothèse - pour moi inimaginable - où seraient maintenues, en Martinique, les deux collectivités actuelles, il deviendrait indispensable de concevoir un dispositif de liaison entre leurs assemblées, pour tenter de réduire les graves dysfonctionnements évoqués. Peut-être faudrait-il alors revenir à l'une des fonctions du congrès que j'avais initialement proposé d'instaurer dans l'avant-projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, ce qui nécessiterait, là encore, un dispositif législatif spécifique.

Pour l'heure, il m'apparaît que l'évidente inadaptation du texte soumis à notre examen constitue une raison supplémentaire, s'il en était besoin, de souhaiter que le processus de réforme institutionnelle mis en oeuvre aux Antilles aboutisse.

Cette réforme a été, on le sait, engagée par le gouvernement précédent, après une large consultation des forces vives locales. Elle a permis la mise en place, en Martinique et en Guadeloupe, des congrès des élus départementaux et régionaux. Ceux-ci ont, au terme de leurs travaux, formulé des propositions tendant, d'une part, à simplifier le cadre institutionnel existant par la substitution au département et à la région d'une collectivité territoriale unique, et, d'autre part, à doter cette collectivité nouvelle de compétences supplémentaires, ainsi que d'un pouvoir réglementaire d'adaptation, pour permettre aux élus de répondre, avec beaucoup plus d'efficacité, aux besoins et aux aspirations des populations.

C'est sur la base de ces propositions que les Martiniquais seront très prochainement consultés. Si, comme j'en suis convaincu, le « oui » l'emporte, un projet de loi spécifique sera ensuite élaboré, selon l'engagement pris - je le souligne - par l'actuel gouvernement.

Ces femmes et ces hommes, que je représente ici, ne comprendraient pas que, dans l'intervalle, je tente d'amender un texte législatif relevant du droit commun et qui s'avère très peu satisfaisant, même pour les citoyens de l'Hexagone, pour qui il a été avant tout pensé.

Je ne présenterai donc pas d'amendements dans la suite des débats. Je me contenterai de souhaiter, mes chers collègues, que vous soyez saisis, le plus tôt possible, d'un projet de loi spécifique visant à permettre aux deux départements des Antilles de faire un pas en avant, aussi modeste soit-il en réalité, sur la voie de la responsabilité et du développement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la décentralisation doit favoriser la mise en place d'une véritable démocratie de proximité, en fixant un échelon de gestion plus pertinent et mieux adapté aux réalités quotidiennes. On doit avoir pour objectif de simplifier la prise de décision et de renforcer la cohérence et la légitimité du pouvoir local. L'évolution de nos institutions a profondément bouleversé les niveaux de compétence et a dilué, en quelque sorte, le pouvoir de décision dans des structures complexes, opaques et vieillissantes.

En effet, à côté des communes, des départements et des régions, nous avons vu fleurir les instances de coopération intercommunale - syndicats, communautés de communes, communautés d'agglomération, pays, schéma de cohérence territoriale, et j'en passe... -, ce qui a abouti à neutraliser les responsabilités locales. A cela s'ajoute la présence de l'Etat et de l'Europe.

Afin de mieux cerner « qui fait quoi », la clarification des compétences doit permettre de définir l'interlocuteur privilégié en mesure de répondre aux attentes et aux préoccupations. Est-il bien raisonnable de saisir deux, trois, voire quatre collectivités différentes afin d'arrêter le financement d'un projet ? Que de temps et de moyens gaspillés pour analyser et « décortiquer » un seul dossier !

La multiplication des financements croisés ne permet pas la nécessaire lisibilité des différents échelons d'intervention. La superposition des structures réduit considérablement la transparence des politiques publiques locales et engendre inévitablement des conflits d'intérêts. L'émancipation du pouvoir local est une revendication légitime, renvoyant au principe même de la démocratie locale. La garantie du suffrage universel doit suffire à préserver l'équilibre de nos institutions de proximité.

Veillons également à maintenir à un très haut degré la raison d'être et la capacité d'expression de nos élus locaux : rien ne serait plus dangereux qu'une gestion directement inspirée par des revendications ou des manifestations diverses. Nos élus sont suffisamment responsables pour conduire leur mission avec abnégation, dans le souci de l'intérêt général. A l'échéance de leurs mandats, leurs juges seront les électeurs !

Décentraliser, c'est aussi responsabiliser le développement local, c'est aussi humaniser la gestion de proximité. Certes, les moyens sont importants, les transferts de charges également, mais nous ne gagnerons notre indépendance qu'à la seule condition d'organiser l'autonomie fiscale de nos collectivités et d'améliorer le système fiscal.

Ouvrir nos collectivités locales à la décentralisation constitue une juste reconnaissance de leur rôle, mais, dans le même temps, n'acceptons pas que cette évolution soit perturbée par le jeu d'une administration trop pointilleuse, plus soucieuse parfois de chercher l'obstacle que de contribuer davantage à résoudre les difficultés.

Je voudrais maintenant m'arrêter très brièvement sur trois cas concrets de transferts de compétences.

Premièrement, la gestion des infrastructures et des réseaux routiers au plus près des territoires représente une exigence essentielle, car elle permettra de répondre aux besoins propres de chacun d'entre eux. Les départements, qui gèrent déjà 300 000 kilomètres de routes, seront responsables de 20 000 kilomètres supplémentaires, l'Etat ne conservant la compétence que pour les grands itinéraires nationaux. C'est une très bonne chose, car nous éviterons ainsi les doublons entre les départements et les services de l'Etat.

Cependant, messieurs les ministres, sur quelles bases l'évaluation des moyens financiers nécessaires sera-t-elle effectuée ? En effet, à cet égard, deux situations extrêmes peuvent se présenter : dans certains cas, très peu d'aménagements ont été réalisés au cours des cinq dernières années ; dans d'autres, à l'inverse, de nombreuses améliorations ont été apportées au réseau, par exemple grâce à la création de contournements. Par conséquent, ne conviendrait-il pas de prévoir une évaluation plutôt qu'une référence ?

Deuxièmement, la région devient le moteur du développement économique et de l'emploi, ce qui la qualifiera pour être, dans l'avenir, l'interlocuteur principal des entreprises. Le conseil général pourra ainsi abonder l'aide régionale. La décentralisation doit rester une démarche pragmatique en termes de bassin d'emploi ; le lien avec le département doit être maintenu, pour assurer une concertation en vue de la nécessaire coordination des politiques de développement local. Le département connaît mieux que n'importe quel autre acteur les forces et les faiblesses de son territoire. Aucune disposition ne semble pourtant définir très précisément cette concertation.

Troisièmement, enfin, les personnels techniciens ou ouvriers spécialisés des collèges et lycées, au nombre de 95 000, ainsi que les 35 000 personnels de l'équipement, ont tout à gagner à une gestion de proximité. La fonction publique territoriale offre les mêmes garanties que celles de l'Etat et a fait la preuve de son attractivité. Cependant, n'y a-t-il pas quelque incohérence à engager cette évolution en maintenant les intendants chargés de gérer les techniciens ou ouvriers spécialisés dans la fonction publique d'Etat ? Pourquoi ne pas opérer un transfert complet aux régions et aux départements des personnels concernés ?

M. Claude Domeizel. Bien sûr !

M. Jean Boyer. Je regrette également, comme certains de mes collègues, que les communes et les communautés de communes ne soient pas clairement visées dans ce message décentralisateur. Nous aurions peut-être pu créer un véritable mouvement de reconnaissance d'une intercommunalité mal connue de nos concitoyens. A cet échelon aussi, bien souvent, les chevauchements de compétences conduisent à un certain immobilisme. Ne pourrions-nous profiter de cette occasion pour mieux définir les domaines respectifs de l'action intercommunale et de l'action municipale ?

L'Etat doit rester le garant d'une certaine égalité entre les territoires. Il doit arbitrer en matière de solidarité et de péréquation entre les régions. Il doit maintenir une vision d'ensemble de l'aménagement du territoire et des disparités existant en cette matière, lesquelles peuvent être criantes.

Toutefois, l'Etat doit faire preuve de bon sens et de réalisme dans ses prescriptions afin de ne pas imposer des surcoûts trop pénalisants pour les payeurs que seront les collectivités locales et, en aval, les entreprises.

Telles sont, messieurs les ministres, mes chers collègues, les remarques que je souhaitais formuler. Cette décentralisation, nous l'avons voulue, nous l'appelons de nos voeux ; construisons-la ensemble dans un bon état d'esprit, afin de la réussir.

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Tout à fait !

M. Jean Boyer. Je la soutiendrai, avec mes collègues du groupe de l'Union centriste. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Daniel Hoeffel.

M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, lors du débat sur le projet de loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République, l'année dernière à pareille époque, nous avions eu l'occasion d'exprimer notre attachement sans équivoque à la poursuite de la décentralisation et de préciser les principes qui conditionnent sa mise en oeuvre.

Un an après, la nécessité de franchir une deuxième étape doit être clairement réaffirmée, alors que le contexte économique et budgétaire dans lequel nous nous trouvons aujourd'hui rend plus difficiles, mais non pas impossibles, des avancées nouvelles.

Le projet de loi qui nous est soumis va donc globalement dans la bonne direction, un certain nombre de dispositions pouvant et devant être complétées et modifiées. Ce sera l'objet d'amendements qui permettront de clarifier certains aspects et aussi de combler certaines lacunes.

Mes observations porteront sur deux points : le contenu du projet de loi et le contexte dans lequel il doit être replacé.

En ce qui concerne le contenu du texte, les transferts de compétences proposés pérenniseront la structure territoriale française actuelle, comme l'avait d'ailleurs déjà fait la loi de 1982. La région, chef de file sur le plan économique et du point de vue de la formation, et le département, renforcé dans sa vocation sociale, qui n'est cependant pas sa vocation unique, seront l'un et l'autre confirmés dans leurs rôles respectifs. Il était d'ailleurs illusoire de penser que l'un de ces échelons prendrait le pas sur l'autre.

En revanche, la commune n'apparaît pas avec suffisamment de clarté dans le projet de loi (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste), alors qu'elle dispose tout de même d'une compétence générale...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !

M. Daniel Hoeffel. ... et qu'elle est en mesure d'assumer quelques compétences complémentaires.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est nécessaire !

M. Daniel Hoeffel. J'espère toutefois que sa place et sa mission seront réaffirmées par voie d'amendements. Je sais, messieurs les ministres, que vous y êtes favorables, et je profite de cette occasion pour rendre hommage au sens du dialogue dont vous avez fait preuve tout au long de la préparation de ce texte.

Cela étant, à l'heure où la proximité est à l'ordre du jour - cela est encore apparu cet été -...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui !

M. Daniel Hoeffel. ... et où elle est tant prônée, il convient de rappeler que la commune, quelle que soit sa taille, est l'échelon de base, le socle de la structure territoriale française.

M. Bernard Murat. Très bien !

M. Daniel Hoeffel. Faut-il étayer cette évidence...

M. Robert Bret. Oui !

M. Daniel Hoeffel. ... par le constat qu'une part prépondérante des investissements publics est réalisée par l'échelon communal et que la majorité des fonctionnaires territoriaux relèvent de celui-ci ? Pensons, en particulier, au rôle de plus en plus important joué par les villes, les agglomérations, les communautés d'agglomération et les communautés urbaines. Et c'est un maire rural qui vous le dit...

M. Gérard Collomb. Très bien !

M. Daniel Hoeffel. D'autres membres de cette assemblée seraient plus qualifiés que moi pour souligner ce fait.

M. Gérard Collomb. Très bien !

M. Daniel Hoeffel. Bien entendu, l'intercommunalité est le complément naturel de l'échelon communal, sa prolongation, voire la condition de son existence. A cet égard, j'approuve les dispositions inscrites dans le projet de loi qui tendent à une adaptation et à un assouplissement des textes régissant l'intercommunalité, dans la fidélité à l'esprit de la loi de 1999,...

M. Yves Fréville. Très bien !

M. Daniel Hoeffel. ... et c'est le rapporteur au Sénat du texte d'alors qui se permet de l'affirmer.

Je suis d'accord avec ceux qui rappellent que l'intercommunalité ne se justifie que si elle apporte un supplément de qualité et d'économies à ce que les communes peuvent offrir en restant isolées.

L'intercommunalité doit être stimulée et partie prenante dans certains transferts de compétence de l'Etat vers les collectivités, et j'approuve à cet égard tout particulièrement la compétence d'aide à la pierre, qui est typiquement une compétence que les structures intercommunales, et parfois les communes, sont en mesure d'assumer dans de bonnes conditions.

Veillons aussi, à propos de l'intercommunalité, à ce que les pouvoirs des maires, et je pense particulièrement aux pouvoirs de police, ne soient pas réduits, totalement ou partiellement, sans leur assentiment. Nous abordons là un point fondamental dans la répartition des pouvoirs entre maires et présidents de structures intercommunales et, à travers cette question de fond, se profile tout le problème de l'avenir de la commune en France.

Et là où communes et communautés sont amenées à être associées à la mise en oeuvre de certaines compétences, il est évident qu'elles le feront en tant que partenaires de l'Etat, de la région et du département. Et le partenariat se concrétise naturellement à travers la contractualisation, à laquelle nous sommes attachés et qui, mieux que toute autre formule, est garante de non-tutelle d'une collectivité sur une autre.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Très juste ! Très bonne observation !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Comme d'habitude !

M. Daniel Hoeffel. Monsieur le ministre, comment ne me féliciterais-je pas de l'approbation que, publiquement, vous apportez à cette formulation ? (Sourires.)

M. Gérard Collomb. Elle va faire jurisprudence ! (Nouveaux sourires.)

M. Daniel Hoeffel. Quant au contexte dans lequel est placé le projet de loi, il m'amène à insister sur le fait que les transferts de compétences, de moyens financiers et de personnels sont trois éléments indissociables, qui conditionnent la réussite de la décentralisation.

La loi constitutionnelle garantit dans son principe - cela a été dit maintes fois depuis hier - qu'aucun transfert de charges ne saurait se faire sans le transfert des moyens financiers correspondants. C'est une assurance, parce qu'il s'agit d'une disposition d'ordre constitutionnel. Mais de là à pouvoir affirmer que les contribuables seront gagnants, il faudra quelques précautions supplémentaires,...

M. Jean-Yves Mano. Cela ne suffira pas !

M. Robert Bret. C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Daniel Reiner. Quel euphémisme !

M. Daniel Hoeffel. ... sans dénaturer pour autant votre pensée, monsieur le ministre. Et il me paraît souhaitable que, rapidement, nous puissions avoir des informations complémentaires sur les perspectives de la péréquation,...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ah !

M. Daniel Hoeffel. ... sur l'interprétation à donner à la part déterminante des ressources des collectivités locales (Oui ! sur les travées du groupe socialiste), sur la réforme fiscale envisagée (Oui ! sur les mêmes travées), sur la réforme de la DGF (Oui ! sur les mêmes travées), en veillant à ce que la révision de la DGF respecte la part qui doit revenir à la commune et à l'intercommunalité. (Oui ! sur les mêmes travées.) Certains éléments concernant ces réformes sont d'ores et déjà intégrés dans le projet de loi de finances pour 2004.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. En effet ! L'article 30 !

M. Daniel Hoeffel. Nous nous en félicitons. Puisse l'amorce de ce mouvement être poursuivie et même accélérée dans les mois à venir ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Claude Domeizel. C'est bien dit !

M. Daniel Hoeffel. Nous savons aussi que chacun de ces volets, que l'on ne peut séparer du reste, est - nous devons le reconnaître - infiniment plus difficile à mettre en oeuvre en période de récession qu'en période d'expansion. Pourtant, chacune de ces questions est indissociable des autres, y compris et surtout lorsqu'il y a une crise des finances publiques à tous les niveaux.

Au-delà du cadre proprement dit de la décentralisation, nous devons être vigilants quant à la cohérence entre des lois déjà votées et qui peuvent avoir des conséquences financières sur les finances locales, par exemple la loi sur la ville, et des lois en préparation comme celle qui est relative à la sécurité civile sous l'aspect SDIS - service départemental d'incendie et de secours - ou celle qui concernera, demain, les réseaux d'écoles.

Cela me conduit, en conclusion, à souhaiter que la décentralisation, si nécessaire et plus que jamais indispensable, soit perçue positivement, non seulement par les élus locaux, mais aussi par la population,...

M. Claude Domeizel. Très bien !

M. Daniel Hoeffel. ... c'est-à-dire par nos concitoyens, qui sont aussi des contribuables.

Leurs aspirations sont de trois ordres.

La première est que la décentralisation ait un moindre coût, ou qu'elle entraîne au moins la stabilité de la fiscalité locale.

M. Claude Domeizel. Très bien !

M. Daniel Hoeffel. Or, le mouvement ne va pas à l'heure actuelle dans ce sens, alors même que la deuxième étape de transfert des compétences n'est pas entrée en vigueur. Et pourtant, dans l'esprit des gens - et c'est cela qui est redoutable -, cette hausse des impôts locaux risque d'être imputée à la décentralisation,...

M. Robert Bret. Effectivement !

M. Daniel Hoeffel. ... et faussement d'ailleurs.

La deuxième aspiration est liée à la réduction des inégalités territoriales.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Absolument !

M. Claude Domeizel. Très bien !

M. Daniel Hoeffel. Nous avons vécu ce débat à l'occasion de l'expérimentation. Il est nécessaire que cette crainte, vraie ou fausse, se trouve apaisée par une définition claire de la politique de péréquation.

M. Michel Teston. Très bien !

M. Daniel Hoeffel. N'hésitons pas à nous inspirer, cela a été rappelé hier soir par M. Jean François-Ponçet, de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire de 1995 et veillons à ce que les règles qui ont été proposées hier soir ne se limitent pas au seul échelon départemental, car ce sont toutes les collectivités territoriales réunies qui sont partie prenante d'une véritable politique de péréquation.

La troisième aspiration, c'est une meilleure lisibilité - je n'ose parler de simplification car je sais, monsieur le ministre, que ce terme peut recouvrir plusieurs définitions -...

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est bien la pédagogie sincère !

M. Daniel Hoeffel. ... et, surtout, une meilleure qualité de service. Je le reconnais, c'est plus facile à dire qu'à mettre en oeuvre. Et c'est pourtant l'une des raisons d'être de toute politique de décentralisation.

Pour conclure, il convient de rappeler que la décentralisation ne saurait être considérée comme tenant lieu, à elle seule, de réforme de l'Etat. Elle n'en est que l'un des aspects et elle ne saurait exonérer l'Etat de sa propre réforme. Et nous savons que la tâche est considérable, mais urgente. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'Union centriste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Mano.

M. Jean-Yves Mano. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes donc au rendez-vous de l'acte II de la décentralisation, voulu par le Premier ministre.

La décentralisation fut un acte fort de la gauche en 1982, porté par Pierre Mauroy, alors Premier ministre, et Gaston Defferre, ministre de l'intérieur. Ce fut, à l'époque, une révolution dans les esprits, dans une période où la décentralisation était de règle. Cette évolution dans les relations des citoyens avec l'organisation de l'Etat a marqué les vingt dernières années.

Pourtant, reconnaissons-le, un deuxième souffle est nécessaire. Le rapport de Pierre Mauroy a ouvert de nombreuses pistes, mais qu'en reste-t-il dans vos propositions ? Vous aviez l'occasion, avec cette réforme, de rapprocher les Français du politique et de la politique, au sens noble du terme. Hélas, quelle occasion gâchée !

Un constat simple s'impose : les Français se désintéressent de cette initiative. La France à deux vitesses nous guette. Selon moi, il n'existe pas de cohérence dans l'organisation des territoires structurés par la loi Chevènement et la confusion des responsabilités instaurée par le texte qui est présenté aujourd'hui.

Vous n'avez pas voulu choisir entres les régions, les départements, l'intercommunalité, les communautés urbaines.

M. Jacques Blanc. Heureusement !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. On attend vos idées et votre choix !

M. Jean-Yves Mano. Vous les entendrez dans le cours du débat, sans aucun soute.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Oui, mais maintenant ?

M. Jean-Yves Mano. Cet enchevêtrement complexifie encore davantage les processus des décisions. Vous voulez rapprocher les Français, mais, dans les faits, vous les éloignez.

La région aurait pu devenir l'axe central de votre réforme. Certes, celle-ci contient des avancées, mais elles sont insuffisantes pour structurer notre pays autour de pôles économiques forts, à la mesure des enjeux internationaux.

Alors que cette réforme aurait pu constituer un grand dessein, vous en avez fait uniquement une variable d'ajustement budgétaire. C'est essentiellement à un transfert des déficits que nous allons assister.

Ce constat accablant, vos propres amis le partagent et s'en inquiètent ouvertement.

Toutefois, dans un domaine essentiel à la vie des Français, le secteur du logement, l'Etat a su garder, en matière d'aide à la personne, ses responsabilités à l'égard des citoyens.

Conscient de l'importance de ce sujet, l'Etat, par la simple délégation de compétence de l'aide à la pierre, donne l'impression de garantir à tous les Français le droit au logement inscrit dans la Constitution.

Mais l'organisation envisagée place les préfets de région dans un rôle de distributeurs d'enveloppes budgétaires. Cela ne garantit pas la pérennité de la participation de l'Etat dans les secteurs aussi importants que le logement d'urgence, la construction, l'acquisition et la réhabilitation.

Certes, des conventions pluriannuellles avec les collectivités sont prévues. Cependant, si le logement est, à l'évidence, une politique à moyen terme, nous n'avons aucune visibilité quant aux intentions du Gouvernement, ou, du moins, nous n'avons que des inquiétudes. Il suffit, pour cela, de regarder le projet de budget pour 2004 en matière de logement.

Les collectivités locales ne pourront pas s'engager dans la durée ou ne le feront qu'en contrepartie d'une loi-programme sur le logement. C'est d'ailleurs le sens d'un amendement que j'aurai l'honneur de défendre devant notre assemblée.

Par ailleurs, le transfert du contingent préfectoral en matière de droit d'attribution suscite des appétits certains. Et sur ce sujet, messieurs les ministres, je vous invite à rester extrêmement prudents. Le volet conditionnel de cette démarche contenue dans le projet de loi doit être précisé. Il doit être réaffirmé clairement que le contingent préfectoral doit être utilisé pour des personnes en difficulté.

En outre, quelle cohérence y a-t-il entre le projet de décentralisation présenté et la création de l'Agence nationale de renouvellement urbain, décidée en juillet dernier ?

Autant de sujets, messieurs les ministres, mes chers collègues, que nous aurons l'occasion de développer au cours de nos débats. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Louis de Broissia. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. Louis de Broissia. Messieurs les ministres, nous avons vécu une époque quelque peu oiseuse où l'on parlait de « l'échelon de trop », seule perspective offerte aux responsables des collectivités locales. Actuellement, nous vivons une période positive. Aujourd'hui est un beau jour pour la démocratie participative, pour la démocratie locale, et même pour le Sénat qui, légitimement, est l'assemblée qui est saisie en premier lieu des textes touchant aux collectivités locales.

Vingt et un ans après les premières lois Mauroy-Defferre, le Gouvernement auquel vous appartenez, messieurs les ministres, s'engage sur la voie d'un partage des responsabilités publiques. L'intitulé du projet de loi est beau. Ce texte a été très soigneusement préparé - c'est inédit - entre les représentants des communes, des départements et des régions. Vous y avez expressément tenu, monsieur le ministre de l'intérieur. A l'issue des Assises des libertés locales, qui ont eu, en France, un véritable écho, même si, ici ou là, il y avait...

M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... des absents !

M. Louis de Broissia. ... des doutes qui se sont exprimés, reconnaissance avait déjà été donnée aux fantassins installés aux postes avancés de la démocratie, par l'inscription dans la Constitution de cette fameuse « République décentralisée » et par la mention, importante pour nous, de la compensation des transferts de compétences.

J'aimerais donc insister sur la confiance que le Parlement doit porter à un texte de loi fondamental qui réinstalle de façon visible et transparente l'action publique au coeur de nos villes, de nos quartiers, de nos bourgs et de nos villages.

Ici, messieurs les ministres, personne ne vous fera de procès d'intention. Ou très peu ! (Sourires.)

M. Jacques Blanc. Aucun !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ne les provoquez pas !

M. Louis de Broissia. En tout cas, c'est ce que j'ai cru comprendre à travers les propos que j'ai entendus jusqu'à présent.

Le Premier ministre a, en effet, inscrit son action gouvernementale sous cet engagement clair : il veut un partage des responsabilités de l'action publique pour obtenir une réforme possible de l'Etat, afin que les Français soient mieux servis, et non pour que la gauche ou la droite y trouve son intérêt.

Vous l'avez compris, messieurs les ministres, j'ai, comme tous les élus du pays, attendu, parfois avec passion, les cent vingt-six articles qui composent ce texte de loi.

Le Sénat avait, avec une opiniâtreté qui lui est propre, inscrit dans la Constitution un article majeur précisant que « tout transfert de compétence entre l'Etat et les collectivités territoriales devra s'accompagner de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice ».

Cette inscription, chers collègues de l'opposition,...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est insuffisant !

M. Louis de Broissia. ... nous l'attendions depuis 1982. Or, et c'est l'objet de mon propos cet après-midi, nos collectivités, en particulier les conseils généraux, toujours très dignement représentés dans cet hémicycle, traînent et traîneront encore longtemps le poids d'une fiscalité d'origine antérieure due à trois raisons principales.

En premier lieu, elle est due - il faut le rappeler, même si je ne suis ni le premier ni le dernier à le faire - à l'application des 35 heures non compensées. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jacques Blanc. Eh oui !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ils n'aiment pas ! Cela fait mal !

M. Louis de Broissia. Il est étrange que Mme Aubry ait tenu à compenser - et je m'adresse à ceux de mes collègues qui siègent à l'extrémité gauche de cet hémicycle -...

M. Ivan Renar. Raisonnables comme nous le sommes, vous ne pouvez pas nous traiter d'extrêmes !

M. Louis de Broissia. Cher Ivan Renar, les 35 heures des grandes entreprises furent compensées, mais pas les 35 heures des collectivités territoriales !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Elles en faisaient 32 !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. On le dira aux personnels !

M. Louis de Broissia. Pourquoi ne pas avoir prévu de compensation s'agissant des collectivités territoriales ? Quelle injustice !

En deuxième lieu, cette fiscalité est due au financement des SDIS, qui avait été passé sous silence, escamoté avec les dispositions de la loi Vaillant...

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Quel réquisitoire !

M. Louis de Broissia. ... aux termes desquelles les conseils généraux, en particulier, prennent en charge financièrement toutes les augmentations de charges. Ce n'est pas compliqué, chez moi, cela représente quatre fois plus en quatre ans.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Regardez devant !

M. Louis de Broissia. Attendez, cher monsieur Dreyfus-Schmidt !

Troisièmement, cette fiscalité tire son origine de la mise en place, depuis deux ans, de l'allocation personnalisée d'autonomie...

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Qui n'est pas compensée !

M. Louis de Broissia. ... pour laquelle aucun financement pérenne n'est prévu. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est accablant !

M. Claude Domeizel. Mais si, le financement est prévu !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Mais non !

M. Louis de Broissia. Il a fallu que, dans cet hémicycle, avec d'autres collègues, j'autorise le Gouvernement - c'est une honte pour un parlementaire - à faire un emprunt pour payer le surcoût qui n'était pas prévu !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il était prévu !

M. Louis de Broissia. La fiscalité locale héritée du gouvernement de Lionel Jospin a été plombée volontairement et sciemment par une série de mesures aux effets indubitables et durables.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Quel réquisitoire !

M. Louis de Broissia. Certaines ont même été qualifiées de « bombes retards » ! (Sourires.)

Certes, la compensation s'appliquera aux responsabilités nouvelles, mais que ferons-nous pour éviter une nouvelle hausse de la fiscalité ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'impôt, qui le vote ?

M. Louis de Broissia. Comment éviter une nouvelle hausse de la fiscalité assumée par les plus modestes de nos concitoyens sur les bases que vous avez retenues ?

Les taxes d'habitation, les taxes foncières et la taxe professionnelle permettent de payer ces charges non prévues !

Pourquoi voulez-vous que ce soient les habitants les plus modestes de ce pays qui supportent ces charges non compensées ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais non !

M. Louis de Broissia. Pourquoi voulez-vous que ce soient les générations les plus entreprenantes ?...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les plus pauvres sont exemptés !

M. Louis de Broissia. Vous me direz, monsieur Dreyfus-Schmidt, que vous préférez que ce soit l'emprunt qui finance, c'est-à-dire les générations futures. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.)

Le voyage n'est pas terminé, monsieur Dreyfus-Schmidt !

Pour aggraver le phénomène, le gouvernement précédent a supprimé d'un trait de plume - c'étaient un certain Laurent Fabius...

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Oh !

M. Louis de Broissia. ... et une certaine Florence Parly -...

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Oh !

M. Louis de Broissia. ... sans aucune concertation, un impôt affecté à une collectivité locale : il s'agissait de la taxe différentielle sur les véhicules à moteur,...

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Exactement !

M. Louis de Broissia. ... improprement appelée « vignette automobile ».

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Remettez-la !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Pourquoi l'avez-vous suprimée ?

M. Louis de Broissia. A l'époque, où était l'autonomie des collectivités locales alors même qu'il s'agissait d'un impôt simple, équitable et, chers collègues de gauche, lourd pour les riches, faible pour les pauvres, modulable pour les départements, et permettant à chacun d'entre eux d'engager sa responsabilité propre ?

Messieurs les ministres, quels que soient les amendements qui seront ou non adoptés, le texte qui nous est soumis restera un très bon texte. Mais, chat échaudé craignant même l'eau tiède,...

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il a raison !

M. Louis de Broissia. ... n'oublions pas que nous aurons deux années difficiles - 2004 et 2005 - au cours desquelles nos concitoyens nous jugeront tous ensemble, où que nous soyons, non pas sur le terme « décentralisation », qui est à leurs yeux ésotérique, non pas sur le service de proximité, qui est une notion qu'ils appréhendent, mais bien plus encore sur les impôts locaux, qui deviennent insupportables à chacun et à chacune. (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste.)

Au moment où va s'ouvrir le débat d'orientation budgétaire, nous devons, pour ne pas polluer le bon esprit de ce texte, veiller à accompagner les régions, les départements, les communes et les intercommunalités dans leur lutte pour une fiscalité la plus mesurée possible.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour un an !

M. Louis de Broissia. De grâce, messieurs les ministres en charge des libertés locales, veillez dès aujourd'hui - mais je sais que vous le faites - à ce que les technostructures très compétentes, très organisées, très parisiennes...

M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... et souvent socialistes...

M. Louis de Broissia. ... ne se lancent pas en permanence dans la rédaction de circulaires, de règlements, de normes, qui condamnent les collectivités territoriales à toujours plus de dépenses.

Je citerai quelques exemples : les puéricultrices sont devenues, d'un trait de plume, des cadres de catégorie A ; les strapontins des bus scolaires ont été supprimés. Je pourrais poursuivre cette énumération la soirée entière !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Cela coûte cher en effet, car ce n'est pas compensé.

M. Louis de Broissia. De grâce, messieurs les ministres, veillez, avec les membres du Gouvernement qui vous sont proches, à ce que, avant la fin de l'année, ait lieu une réunion du fonds de financement de l'APA, car nous ne savons pas sur quelle base nous fonderons nos budgets !

De la même façon, nous devrons dégager, avant la fin de l'année, une ressource spécifique pour les SDIS.

Pour conclure, je dirai que, pour que cette importante réforme aboutisse, il nous faudra veiller au maintien de l'autonomie financière. Celle-ci sera corrigée dans le bon sens, si j'en crois l'excellent rapport de notre collègue Jean-Pierre Schosteck, puisque 11 milliards d'euros de ressources seront réattribués aux collectivités. Après les 15 milliards d'euros qui leur ont été retirés depuis quelques années, le solde restera cependant négatif.

Il nous faudra aussi veiller au maintien de la compensation financière, ignorée par le gouvernement précédent et bafouée pour l'APA, les SDIS, les 35 heures. J'ai appelé cela des « bombes retards », mais je pourrais tout aussi bien les qualifier de « poisons retards ».

Pour quelles raisons profondes l'ensemble des groupes du Sénat n'accepterait-il pas ce texte ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et la péréquation !

M. Louis de Broissia. J'y ai beaucoup réfléchi. J'ai écouté M. Mauroy hier soir et j'ai relu son discours, j'ai écouté attentivement les élus de l'opposition, y compris dans mon propre département. J'en ai déduit que la gauche, parce que le mouvement a été initié de son temps, considère qu'elle est propriétaire du concept de décentralisation.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Très juste !

M. Louis de Broissia. Faisons en sorte d'honorer ce concept à travers les acteurs de la démocratie locale, à travers les centaines de milliers d'élus communaux, intercommunaux, départementaux et régionaux, à travers les centaines de milliers de membres de la fonction publique territoriale.

Messieurs les ministres, il était temps que votre texte arrive pour que la République soit non pas simplement décentralisée mais incarnée, faite de chair et de sang. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les considérations générales qu'appelle ce projet de loi, mes collègues, Jean-Claude Peyronnet, Bernard Frimat et Pierre Mauroy les ayant brillamment exposées. Pour ma part, j'aborderai essentiellement le volet du transfert des personnels, sujet qui a grandement motivé bon nombre de nos concitoyens à descendre dans la rue au printemps de cette année.

Ces agents, les techniciens ouvriers et de service, sont-ils plus proches d'une fonction technique que de l'équipe pédagogique ? Sont-ils au service du propriétaire ou de l'occupant des lieux d'enseignement ? Ces questions peuvent se poser.

Monsieur le ministre, il faut le rappeler, cette idée a été accueillie très froidement par plusieurs membres de votre gouvernement, et non des moindres, si l'on se souvient de la première réaction de M. Luc Ferry. Cette hostilité spontanée du ministre de l'éducation nationale s'est très vite propagée chez les fonctionnaires et, à un degré variable, mais toutes tendances confondues, chez les élus locaux.

Quels sont vos arguments ?

Vous faites un parallèle avec ce qui existerait dans l'enseignement primaire depuis 125 ans. Monsieur le ministre, écoutez-moi bien !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Mais je vous écoute ! Ce n'est pas si compliqué que je ne puisse le faire !

M. Claude Domeizel. Je voudrais tordre le cou à cette idée fausse. Non, les communes n'assurent pas l'entretien des écoles primaires depuis l'époque de Jules Ferry ! A l'origine, elles n'avaient que l'obligation du propriétaire, en particulier en vertu d'une circulaire de 1887 qui les invitaient seulement à blanchir et à désinfecter les locaux une fois par an.

M. Eric Doligé. Et alors ! C'est nul comme argument !

M. Claude Domeizel. Il a fallu attendre les années 1960 pour que les communes aient réellement et totalement à assurer l'entretien des écoles primaires.

Selon vous, il s'agirait d'une loi de simplification et de clarté. Dans les armoires des rectorats et des collectivités, vont s'accumuler des dizaines de conventions, lequelles additionneront des motifs de révisions permanentes.

Dans l'immédiat, et au moins pour une quarantaine d'années, vont coexister des fonctionnaires intégrés, des détachés à durée limitée, des détachés à vie, des non-titulaires traditionnels, des non-titulaires dérogatoires, des fonctionnaires mis à disposition pour lesquels il faudra, en plus, passer des conventions individuelles. Sans parler de la confusion, doublée d'un sentiment d'inégalité, qu'engendreront les expérimentations différentes d'un département à l'autre ou d'une région à l'autre.

Nous naviguons à vue ! Vous ne fournissez aucune pyramide des âges des corps à transférer, ce qui ne permet pas d'appréhender l'avenir en termes de retraites, de renouvellement, de formation. Vous restez dans le flou sur d'éventuelles créations de cadres d'emplois spécifiques. Une nouvelle fois, vous êtes les champions de l'improvisation.

M. Jacques Blanc. C'est parce qu'il est bon !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Voilà une intervention intellectuelle !

M. Claude Domeizel. Les compensations financières, correspondront-elles à la réalité ? Nous sommes en tous cas certains que les présidents de région ou de département doivent s'attendre à de nombreuses demandes de créations de postes dans les secteurs souvent en sous-effectifs, particulièrement pour la médecine scolaire dont le transfert est proposé par la commission des lois.

Par ailleurs, une arrivée massive de nouveaux fonctionnaires va nécessiter un renforcement des directions des ressources humaines.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Vous êtes contre les fonctionnaires ?

M. Claude Domeizel. En sera-t-il tenu compte pour le calcul du transfert des moyens ?

Les conseils généraux savent déjà ce que signifie désengagement de l'Etat et cadeaux empoisonnés. Vous comprenez que je parle de RMI, de RMA, d'ASS.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Vous êtes un spécialiste en matière de cadeaux empoisonnés !

M. Jacques Blanc. Et l'APA ? Elle est financée par qui ?

M. Claude Domeizel. Permettez-moi d'ouvrir une parenthèse. Monsieur Devedjian, vous avez déclaré que : « Les quatre départements qui ont le plus augmenté leurs impôts sont de gauche : le Gers, la Creuse, les Alpes-de-Haute-Provence - que je représente - et la Corse. »

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. La Haute-Corse !

M. Claude Domeizel. La Haute-Corse, en effet ! C'est inadmissible !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est vrai !

M. Claude Domeizel. Vous auriez au moins pu, monsieur le ministre, avoir l'élémentaire correction de noter que ces départements sont essentiellement constitués de zones sensibles de moyenne montagne.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Et d'élus socialistes !

M. Claude Domeizel. Il s'agit de départements aux finances modestes,...

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Aux élus aux compétences modestes !

M. Claude Domeizel. ... alors que leurs besoins sont énormes. Ces départements doivent consacrer une bonne partie de leurs dépenses aux routes, lesquelles, en montagne,...

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Dans la Creuse, par exemple !

M. Claude Domeizel. ... nécessitent un entretien ruineux du fait de la succession des ponts, des tunnels et en raison des éboulements fréquents.

Les présidents de conseil régional et général vont être cantonnés dans un rôle de gestionnaires d'agents qui n'auront, pour eux, qu'une existence fictive, sauf qu'ils devront les payer, les sanctionner, régler les situations délicates dans les commissions administratives paritaires, les comités techniques paritaires ou les conseils de disciplines, et, enfin, recevoir les délégations syndicales ou de parents d'élèves.

Durant cette période transitoire qui va s'étaler sur quarante ans, comment seront compensées les pensions servies aux fonctionnaires intégrés qui n'auront cotisé à la CNRACL que pour une partie de leur carrière ! Sans compensation, ce sont in fine les collectivités territoriales et les hôpitaux qui, une nouvelle fois, paieront ! Rien n'est prévu dans le projet de loi à ce sujet. C'est pourtant un point important.

Et les fonctionnaires eux-mêmes, combien seront-ils ? 125 000 ? 130 000 ? 150 000 ? On ne sait pas trop !

Mais pourquoi y sont-ils donc opposés ? Pour les TOS, et il en sera de même pour les médecins scolaires,...

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Vous n'en savez fichtre rien !

M. Claude Domeizel. ... tout laisse à penser qu'ils tiennent à conserver l'appartenance à l'équipe pédagogique, appartenance qu'ils perdraient sensiblement s'ils n'avaient pas le même statut que les enseignants. Cette appartenance à l'équipe pédagogique doit être l'élément fort qui soude tout le personnel d'un établissement, dans l'intérêt des élèves. Tous les éducateurs le savent !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Domeizel.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est une très bonne nouvelle !

M. Claude Domeizel. Dans une brochure que vous avez largement diffusée, vous versez à votre actif les Assises des libertés locales. Ces grand-messes auraient rassemblé 55 000 personnes ! Que faites-vous des dizaines de milliers de citoyens qui ont manifesté leur désaccord dans les rues ? Ils sont, pour vous, quantité négligeable !

Vous citez aussi les réunions du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, mais vous omettez de mentionner son vote contre.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Avec quelle majorité ?

M. Claude Domeizel. Ils ont voté contre !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Vous dites n'importe quoi !

M. Claude Domeizel. Dans ces mêmes fiches, vous écrivez : « La décentralisation au service d'un cadre scolaire rénové pour vos enfants ». En quoi le service sera-t-il meilleur ? Quelle sera la valeur ajoutée ?

Que penser du détachement à vie pour le personnel en place qui n'opterait pas pour la fonction publique territoriale ? Cette vraie-fausse mise à disposition révèle surtout votre incapacité à prendre vos responsabilités en créant, pour demain, des situations inextricables.

Voilà ce que je voulais dire sur l'une des parties de ce projet de loi...

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'était très utile ! Cet exposé nous aurait manqué !

M. Claude Domeizel. ... que nous considérons contraire aux règles républicaines...

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Rien que ça !

M. Claude Domeizel. ... parce qu'il instaure des inégalités entre les territoires, les citoyens et les services publics.

Je vous remercie, mes chers collègues, de votre attention. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Vous pouvez nous remercier, monsieur Domeizel, c'était méritoire de notre part !

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Monsieur le ministre, je vais tenir un autre langage : c'est en effet avec enthousiasme que je présenterai ma réflexion sur ce qui doit être une chance pour les Françaises et les Français.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ah ! Voici une bonne intervention !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tout est blanc ou tout est noir !

M. Jacques Blanc. Personne ne conteste qu'il fait meilleur vivre dans nos lycées depuis la régionalisation. Ce n'est pas M. Gérard Longuet qui va me démentir !

M. Gérard Longuet. Tout à fait !

M. Jacques Blanc. Personne ne conteste qu'il fait meilleur vivre dans nos collèges. Les présidents des conseils généraux le savent bien !

Il s'agit aujourd'hui d'aller plus loin pour apporter une réponse aux problèmes de la France, pour permettre une réforme de l'Etat et offrir un meilleur service à l'ensemble des Françaises et des Français. Le Gouvernement fait ce qu'il a dit.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Tout est là !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ça change !

M. Jacques Blanc. C'est un changement, effectivement ! Le Premier ministre, vous-mêmes, messieurs les ministres, aviez annoncé qu'on allait s'engager sur la voie d'une véritable décentralisation.

Vous l'avez fait avec intelligence, parce que, au lieu de tomber dans le simplisme,...

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ce n'est pas facile !

M. Jacques Blanc. ... qui consistait à opposer les départements, les régions, les communes, vous avez au contraire proposé - et je vous en remercie - un couple, département-commune et intercommunalité. Le problème demain sera celui des grandes intercommunalités par rapport aux départements. Mais il se posera en son temps. La décentralisation, ce n'est jamais terminé !

Vous avez également permis que le couple région-Etat, en intégrant la dimension européenne d'ailleurs, puisse réellement préparer l'avenir de ce pays.

Hier, monsieur le ministre, vous avez rappelé qu'il ne fallait pas tomber dans le simplisme. Le simplisme aurait pu consister, par exemple, à proposer la solution que certains maires, dont celui de Montpellier (Protestations sur les travées du groupe socialiste),...

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Quelle référence !

M. Jacques Blanc. ... avaient émise : supprimer les départements.

Jamais cela ne vous serait venu à l'esprit, monsieur le ministre. Vous avez résisté au simplisme, et vous nous proposez des solutions.

Hier, vous avez souhaité clarté, loyauté et ouverture. Pendant plusieurs mois, M. Devedjian et vous-même - et nous vous en remercions - avez sillonné ce pays, écouté lors des Assises non seulement des élus, mais l'ensemble des responsables socio-économiques et des forces vives de notre pays.

Certains avaient annoncé que la décentralisation était en panne. Il n'en est rien puisqu'une étape constitutionnelle a été franchie. La région est désormais inscrite dans la Constitution, et l'exigence de la péréquation aussi.

Ceux qui nous donnent des leçons et qui soutiennent que la décentralisation va appauvrir demain les plus pauvres, ferment les yeux sur cette péréquation.

Je suis l'élu d'une région où le PIB n'est pas très élevé et où la péréquation doit jouer. Or, monsieur le ministre, vous avez annoncé qu'il n'y aurait pas de transfert de compétences sans transfert de ressources fiscales et non sans dotations budgétaires.

Je vais vous faire part de mon expérience. Ma région a dû accueillir 25 000 lycéens supplémentaires depuis 1986. Elle n'a vu sa dotation évoluer qu'en fonction de l'indice des prix. Or cette dotation était très basse au départ. En tant que président de cette région, je me réjouis que vous nous proposiez de transférer demain une part de la TIPP et de la taxe sur les conventions d'assurances qui reflètent l'activité économique et la réalité d'une région ou d'un département. Ces ressources fiscales nous permettront d'exercer nos responsabilités, alors que, sous le gouvernement Jospin, nous avons perdu la petite parcelle d'autonomie financière qui nous restait.

Vous avez dit, et je crois que tout le monde le reconnaît, que c'est à la région de piloter le développement économique. J'ai précisé à mes amis responsables de départements que ce n'était pas dirigé contre eux. En fait, il est nécessaire d'avoir un niveau de responsabilité clairement défini. Il appartiendra ensuite aux régions d'ouvrir le dialogue.

Transfert de développement économique, qu'est-ce que cela veut dire ? Cela signifie le transfert de moyens en hommes et en financements pour tout ce qui concerne l'animation économique, qu'il s'agisse du traitement des problèmes liés à l'export, de l'animation technologique, de l'octroi des aides aux entreprises.

Permettez-moi d'ouvrir en cet instant une petite parenthèse.

Dans le département du Gard, une expérimentation de transfert à la région du FISAC, le fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales, a été faite, et personne ne conteste qu'elle a permis une accélération. Elle s'est déroulée parfaitement et les entreprises artisanales ou commerciales ont mesuré l'intérêt de cette démarche.

Donc, demain, il pourrait être procédé au transfert du FISAC, avec l'ensemble de ses aides, et, bien entendu, à titre expérimental ou définitif, au transfert de la gestion des crédits européens du FEDER, le fonds européen de développement régional.

Dans les domaines de l'agriculture et du tourisme également est reconnue la nécessité d'une compétence de pilotage du développement économique.

Je souhaite qu'au cours du débat l'ensemble des décisions prises à cet égard puissent être précisées et que soit défini avec cohérence le rôle de pôle économique régional nécessaire à la dynamisation et à l'attractivité de nos territoires.

J'approuve aussi la logique du transfert total en matière de formation. Dans ce domaine, nous avions en effet assisté à des récupérations au niveau national de ce qui, théoriquement, était attribué aux régions. Il est capital d'apporter de la cohérence dans l'ensemble des actions de formation et donc dans la gestion des crédits du fonds social européen, de manière à ce qu'on sorte de cet imbroglio dans lequel plus personne ne se retrouve. J'espère que nos débats permettront de conforter cette vocation de la région.

Permettez-moi d'ajouter un mot sur les expérimentations.

M. le Premier ministre le rappelait hier, l'expérimentation menée dans le domaine des TER a démontré que cette démarche pouvait être positive.

Pour ma part, je souhaiterais qu'une expérimentation de transfert puisse avoir lieu dans le domaine des équipements sanitaires et dans le domaine de la prévention.

En effet, nous sommes dans une situation telle que, si de nouvelles mesures ne sont pas prises, le plan pourtant remarquable engagé par le Gouvernement, le plan Hôpital 2007, ne sera jamais réalisé à la date prévue.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est exact.

M. Jacques Blanc. Je souhaiterais donc que les régions qui le veulent puissent procéder de façon expérimentale à la réalisation des équipements sanitaires nécessaires, avec des formules adaptées, de façon à ne pas perdre trois ou quatre ans sur chaque dossier. C'est ce que nous avons fait en Languedoc-Roussillon lorsque, avec Gérard Saumade, alors président du conseil général, nous avons construit un CHU, ce qui a débloqué l'ensemble de la situation.

En tous les cas, dans une région comme la nôtre, et je parle sous le contrôle de notre collègue le sénateur maire de Perpignan, mais aussi de notre collègue Paul Blanc, la dimension sanitaire est très importante.

Il faudrait dire très clairement que les régions qui le souhaiteront pourront lancer, au cours des cinq ans à venir, de façon expérimentale, la mise en oeuvre de programmes complémentaires d'équipement sanitaire, par le biais d'une société d'économie mixte par exemple ; on pourra discuter ultérieurement des différents acteurs possibles.

Nous n'empiétons pas, dans ce domaine, sur la compétence sociale des départements, monsieur Puech. Je profite de l'occasion pour dire combien je suis heureux de voir réunis ici, dans cette assemblée, le président de l'Assemblée des départements de France, le président de l'Association des régions de France et le président de l'association des maires de France. C'est une grande réussite, car c'est ensemble que l'on pourra bâtir l'avenir de notre pays.

Messieurs les ministres, vous avez du courage, nous le savons.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Merci !

M. Jacques Blanc. Vous êtes déterminé, vous avez restauré l'autorité de l'Etat. Mais c'est aussi par la décentralisation que l'on permettra à l'Etat d'être de nouveau respecté, et c'est cela dont notre démocratie a besoin. Vous pouvez compter sur nous pour vous soutenir dans cette action de réforme indispensable pour notre pays ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb.

M. Gérard Collomb. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, rien ne serait pire que de n'avoir à l'esprit, lors de la discussion de cette loi de décentralisation, le seul cadre hexagonal.

Nous sommes, comme le rappelait hier Jean François-Poncet, dans une économie mondialisée, dans une Europe où les métropoles, grandes ou moyennes, se trouvent en compétition les unes avec les autres. Dans cette compétition entre les villes, nos agglomérations, comme le soulignent les auteurs du rapport de la DATAR, la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, paru en début d'année, peinent à faire le poids par rapport aux grandes métropoles européennes.

Or ce mouvement va encore s'accentuer avec l'ouverture de l'Union européenne aux pays de l'Europe centrale et orientale et aux pays Baltes. Les métropoles de ces pays sont en phase de rattrapage rapide et viendront à leur tour concurrencer demain nos propres villes. Leur dynamisme va d'ailleurs contribuer à déplacer encore le centre de gravité de l'Europe plus à l'est et faire courir le risque à notre pays de se retrouver isolé au bout du continent.

Pour contrecarrer un tel mouvement, pour que la France puisse continuer à peser demain en Europe, il aurait fallu une réforme audacieuse qui puisse renforcer la dynamique de nos villes de manière à permettre un développement qui pourrait ensuite irradier tout un territoire, urbain aussi bien que rural. Car je m'inscris en faux contre une analyse qui voudrait continuer à opposer urbain et rural. Désormais, les intérêts de l'ensemble des territoires sont profondément liés.

C'est pourquoi, quand M. le Premier ministre a annoncé qu'il souhaitait amorcer une phase nouvelle de la décentralisation, nous nous attendions à ce que le projet proposé puisse prendre appui largement sur les villes, qu'il renforce les grandes métropoles, mais aussi ces agglomérations moyennes qui avaient, ces dernières années, profité pleinement des lois sur l'intercommunalité.

En effet, c'est bien autour des villes que se structure désormais notre territoire, des villes où vivent 80 % de nos concitoyens, des villes qui, comme je viens de le dire, ont un effet d'entraînement de plus en plus fort sur le territoire rural, des villes qui concentrent la richesse économique, intellectuelle, culturelle, mais qui sont aussi en première ligne face aux grands problèmes de notre société : cette fracture sociale et spatiale qui risque de marginaliser une partie de nos populations ; ces problèmes environnementaux auxquels nos concitoyens sont aujourd'hui de plus en plus sensibles. Les villes nous semblaient donc devoir être au coeur du projet de décentralisation qui allait prendre forme. Et voici qu'aujourd'hui elles en sont les grandes oubliées !

Les régions se voient reconnaître un rôle, des compétences fondamentales en matière d'économie, de formation professionnelle, de développement touristique, de mise en oeuvre des programmes de santé, de gestion des fonds européens.

Les départements se voient reconnaître le rôle de pivot de la proximité avec l'attribution du RMI et du RMA, de l'action sociale, des routes nationales et de tant d'autres compétences, à tel point que ce transfert finit même par inquéter les plus avisés de nos collègues conseillers généraux, qui se demandent, malgré votre engagement, messieurs les ministres, si les financements correspondants seront bien au rendez-vous.

Les agglomérations, les intercommunalités devont se contenter non pas même de la totalité de la compétence « logement social », mais d'une simple délégation de crédit sur la base d'une convention négociée avec le préfet de région, sans engagement de l'Etat ni sur les transferts financiers associés ni sur la pérennité de la politique du logement au niveau national. Et l'on a vu, au cours de ces deux dernières années, les réductions de crédit qui ont été opérées !

On leur donnera, il est vrai, la gestion d'un parc de logements d'étudiants, aujourd'hui largement obsolète et qu'il leur faudra entièrement réhabiliter.

Est-ce que ce sont là des leviers suffisants pour dynamiser des villes privées de la possibilité de mener une politique d'ensemble mettant en concordance développement économique et technologique, prise en compte de la fracture sociale et rénovation urbaine ? En matière économique, elles vont se retrouver en position seconde. En matière d'insertion sociale, elles n'auront plus de vrai pouvoir.

Sur un sujet aussi sensible en milieu urbain que celui de l'insécurité, elles n'auront, monsieur le ministre, aucun moyen nouveau d'agir en matière de protection et de suivi de la jeunesse ni en ce qui concerne les services de prévention.

Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que l'Association des maires de grandes villes de France et l'Association des communautés urbaines de France se soient massivement élevées contre cette vision réductrice de l'aménagement du territoire.

Dans la compétition qui existe entre les grandes villes européennes pour attirer les investisseurs, l'innovation, les universitaires, les chercheurs et les acteurs culturels de haut niveau, les maires et les présidents des grandes agglomérations savent tous qu'avec cette loi les villes françaises vont prendre quelques longueurs de retard.

Alors, messieurs les ministres, je crains que l'on ne soit parti à la recherche du temps perdu.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Perdu par qui ?

M. Gérard Collomb. Du temps perdu, au sens proustien, monsieur le ministre ! Je comptais sur votre culture !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ah ! (Sourires.)

M. Gérard Collomb. Mais cultiver la nostalgie d'une France passée ne saurait changer la réalité : c'est largement dans les villes, qu'elles soient grandes ou petites que se jouera demain l'avenir de la France, l'avenir de toute la France, de la France rurale aussi bien que de la France urbaine. Je regrette, messieurs les ministres, que votre projet de loi l'ait totalement oublié et n'ait pas donné à notre pays le souffle dont il a besoin pour équilibrer le dynamisme de l'ensemble des pays voisins. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. Ivan Renar applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Oudin.

M. Jacques Oudin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le texte dont le Sénat est aujourd'hui saisi est fondamental pour l'organisation future de notre République. Le Président de la République s'était fermement engagé dans cette voie ; le Gouvernement tient ces engagements. Il peut être assuré de notre soutien.

Certes, il existe encore des incertitudes, voire des zones d'ombre ; mais le débat parlementaire permettra d'atteindre l'équilibre le plus consensuel possible.

Monsieur le ministre, lors de votre audition devant le Sénat, vous avez tenu à souligner combien ce mouvement de décentralisation, amorcé dès le début de la Ve République avec la création des régions, a connu des fortunes diverses. L'échec du référendum de 1969 a été suivi de l'avancée significative de 1982, que notre majorité a appliquée loyalement ; maintenant arrive cette étape audacieuse et courageuse.

La nouvelle organisation de la République donnera à notre pays, plus particulièrement à nos territoires, davantage d'efficacité, de compétitivité et d'attractivité.

Dans le domaine financier, je crois que cette réforme aura un double impact positif.

Le premier, c'est que la gestion de certains équipements de proximité sera mieux assurée. L'exemple des collèges et des lycées ou celui de la voirie ont été abondamment cités.

Le second, c'est que le principe de l'équilibre obligatoire des budgets locaux, doublé d'un contrôle amélioré des chambres régionales des comptes - et le Sénat y a été pour quelque chose - apporte à nos concitoyens une certaine garantie de bonne gestion.

Parmi les multiples avancées contenues dans le projet de loi, un grand nombre concernent les transports : les ports, les aéroports, les cours d'eau, les infrastructures de transport ferré ou guidé de voyageurs, enfin, les infrastructures routières.

J'évoquerai essentiellement le réseau routier, car c'est lui qui irrigue le plus nos territoires, jusqu'aux zones les plus reculées.

C'est également le mode de transport auquel nos concitoyens ont le plus recours pour leurs déplacements personnels comme pour les marchandises.

Certes, les dispositions de ce projet de loi ne règlent pas tous les problèmes liés aux transports ; je pense notamment à celui du financement. A cet égard, le Gouvernement devra prendre prochainement des décisions importantes concernant la poursuite ou non de la privatisation de notre système autoroutier.

Je me suis, pour ma part, exprimé à plusieurs reprises sur ce sujet, notamment dans mon rapport, approuvé par la commission des finances du Sénat, sur la politique financière des transports. Je suis persuadé que, tant que l'ensemble du maillage de notre réseau autoroutier ne sera pas achevé, l'Etat a intérêt à garder dans son domaine les sociétés d'autoroutes et donc les recettes, ce que j'appelle la « rente autoroutière ».

Chacun comprend que les régions les plus développées, que les sections ayant le plus fort trafic, ont été logiquement équipées les premières. Ce sont donc les plus rentables, et cela explique la forte croissance du chiffre d'affaires sur ce réseau autoroutier à péage et les bénéfices importants qui en résultent.

Privatiser ces sociétés à ce stade de notre développement, alors que les besoins sont encore considérables - je les estime à près de 4 000 kilomètres - reviendrait à alimenter généreusement le marché financier et à priver l'Etat de recettes à long terme qui lui permettraient de financer les autoroutes et les autres modes de transport des régions les moins favorisées.

Certes, les revenus immédiats de la privatisation ne seraient pas négligeables, mais ils seraient largement inférieurs à l'ensemble des bénéfices recueillis par l'Etat jusqu'à la fin des concessions. S'il n'en était pas ainsi, on ne s'expliquerait pas l'intérêt que suscitent dans certains grands groupes les perspectives de privatisation. Les débats qui se sont déroulés le 20 mai à l'Assemblée nationale et le 3 juin au Sénat ont parfaitement montré les préoccupations et les attentes des élus dans ce domaine.

L'Etat doit assumer l'élaboration et la mise en oeuvre de nos réseaux structurants à long terme des différents modes de transport. Il doit assumer son rôle de financeur et de péréquateur. J'ai proposé, à cet égard, la création d'un fonds national de financement et de péréquation des infrastructures de transport.

En attendant que des décisions positives soient prises dans ces domaines, nous évoquerons à nouveau dans cet hémicycle, le 12 novembre prochain, à propos d'une question orale avec débat, les suggestions que j'ai formulées dans ma proposition de loi n° 377 portant diverses mesures en matière de transport.

Pour ce qui est du présent texte, je formulerai trois observations.

La première concerne l'ampleur des transferts, qui ne sont que le prolongement des mesures antérieures.

J'ai moi-même participé, au côté d'Olivier Guichard, alors ministre de l'équipement et des transports, à la mise en oeuvre de la loi du 29 décembre 1971 transférant à la voirie départementale 53 000 kilomètres de voirie nationale.

La loi du 2 mars 1982 a confié au conseil général la gestion du domaine public routier départemental. Je pense que personne ne regrette cette évolution.

Le transfert actuel porte sur 20 000 kilomètres supplémentaires, mais la situation n'est pas comparable, car, il y a trente ans, notre réseau autoroutier était encore embryonnaire ; or il est actuellement largement développé, et ce transfert me paraît donc souhaitable.

Pour ma part, je préfère que l'Etat réserve ses moyens à la réalisation des grandes liaisons nationales et transeuropéennes.

Ma deuxième observation concerne la planification et la programmation des infrastructures de transport.

Celles-ci sont essentielles, car les infrastructures de transport durent des décennies et nécessitent des investissements considérables. Leur rentabilité n'est pas toujours immédiate, mais leurs répercussions en termes de croissance et d'aménagement du territoire sont toujours positives.

La loi d'orientation des transports intérieurs de 1982 a décidé la mise en place de schémas directeurs routiers nationaux ainsi que de schémas régionaux d'infrastructures de transport.

A ce jour, la notion de « schéma de structure » a été abandonnée au profit de celle de « schéma de service » et les schémas régionaux n'ont pas tous été réactualisés. Je me réjouis donc des dispositions de l'article 12, qui évoque les schémas régionaux ainsi que le contenu du « domaine public routier national ».

Je pense que plus les opérateurs seront nombreux dans le domaine des infrastructures de transport, plus la nécessité d'une coordination et d'une planification se fera sentir.

Au-delà des dispositions actuelles, un effort accru de conception devra être poursuivi. En particulier, un rôle plus important pourrait être confié à un Conseil national des transports rénové - où seraient représentés, outre l'Etat, la totalité des collectivités territoriales - et doté d'une réelle autorité, au moins morale.

Ma troisième observation concerne le financement.

Je ne peux qu'approuver les dispositions du paragraphe II de l'article 14 autorisant le département, les communes ou leurs groupements à aménager des routes express à péages. J'avais d'ailleurs formulé les mêmes propositions dans les articles 4 et 8 de ma proposition de la loi n° 377.

En revanche, je pense que nous devons compléter notre réflexion sur les dispositions du paragraphe I de ce même article 14 concernant les autoroutes concédées à péage.

Au-délà du problème de la privatisation, que j'ai déjà évoqué, la question que je souhaite voir résolue est celle des participations financières des collectivités territoriales pour l'aménagement de sections d'autoroutes ou pour des aménagements accessoires qui peuvent se révéler utiles au cours de l'existence d'une concession dont la durée peut varier de trente à soixante ans, voire plus puisque des concessions ont été délivrées pour quatre-vingts ans.

Personne ne peut raisonnablement prévoir dans un cahier des charges initial tous les besoins futurs en termes de trafic ou de développement local qui peuvent surgir au cours d'une concession de si longue durée.

J'estime, pour ma part, que le péage a été institué et confié, en monopole, à un concessionnaire pour qu'il finance la totalité de l'ouvrage et de ses équipements accessoires.

Ce système a parfaitement fonctionné jusqu'en 2000, grâce à la procédure de l'adossement. Après que ce mécanisme eut donné lieu à un long débat dans cet hémicycle, il a été supprimé et n'a pas été remplacé par un système clair de péréquation. De ce fait, des participations financières massives ont été ou sont demandées aux collectivités territoriales pour les aménagements autoroutiers.

Dans ce cas de figure, nous passons de la logique du financement par l'usager à celle du financement par le contribuable local pour un équipement à vocation nationale. A l'évidence, une telle situation n'est pas satisfaisante.

Je proposerai donc, monsieur le ministre, par amendement, deux adaptations qui me paraissent nécessaires pour préserver l'intérêt des collectivités locales.

Le premier amendement vise à une meilleure intégration des participations financières des collectivités locales, lorsqu'elles sont nécessaires, dans l'équilibre financier global de la concession. Les collectivités locales doivent pouvoir, à un moment déterminé, commencer à être remboursées de leur mise de fonds. Cela implique un examen périodique et régulier des comptes de la concession dans l'esprit des dispositions de la loi sur la transparence et la sécurité financière, sachant que les concessions autoroutières sont les seules à échapper au dispositif de cette loi.

Le second amendement concerne le financement de ce que l'on appelle les « petits bouts » et les nouveaux échangeurs souhaités par les collectivités pour une meilleure desserte et une meilleure irrigation de leur territoire.

Il n'est pas acceptable que, lorsqu'une collectivité demande à juste titre un tel aménagement, elle soit contrainte de financer la totalité de l'investissement et du fonctionnement, alors que le concessionnaire continue à se réserver le bénéfice de la totalité des recettes.

Monsieur le ministre, le problème des transports est essentiel pour notre développement économique et pour notre aménagement du territoire.

Compte tenu de l'ampleur des investissements nécessaires et des bouleversements que nous avons connus, il convient de refonder notre politique financière des transports autour des trois objectifs suivants : l'efficacité, l'équité, la clarté.

Je suis sûr que le présent projet de loi nous y aidera. Il ne fait toutefois qu'ouvrir le chemin à d'autres décisions tout aussi importantes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel.

M. Gérard Miquel. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le présent projet de loi nous offre l'occasion d'exercer le droit à l'expérimentation récemment reconnu par la Constitution. Les initiatives actuelles ont en commun de prévoir, à titre expérimental, un transfert des compétences de l'Etat vers les régions, les départements ou les communes.

Il s'agit en quelque sorte d'un transfert hiérarchique, vertical et de haut en bas. C'est évidemment le mouvement le plus attendu. Mais rien n'interdit une expérimentation en sens contraire qui consisterait, par exemple, à transférer une compétence des communes vers les départements.

Le domaine dans lequel je souhaite proposer ce droit à l'expérimentation départementale est celui de l'eau.

Cette initiative s'appuie sur une longue expérience d'élu local et sur les travaux que j'ai conduits au nom de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Je suis convaincu que, en milieu rural, l'échelon communal n'est pas le mieux adapté pour traiter les questions d'environnement. C'est le cas dans le domaine des déchets ; c'est aussi le cas dans le domaine de l'eau.

Il me semble que les seules communes peuvent difficilement prélever, transporter, traiter, analyser, contrôler, distribuer l'eau et assurer l'assainissement. C'est une question de compétences et de moyens.

La plupart des communes sont démunies face aux contaminations des eaux, aux inquiétudes de nos concitoyens et aux contraintes des directives européennes. Elles n'ont pas les moyens de financer les nouveaux traitements physico-chimiques ou le changement des canalisations qui sont parfois des foyers d'infection.

Compte tenu des évolutions sociales en cours, la responsabilité pénale des maires sera de plus en plus souvent engagée. Pour beaucoup d'élus ruraux, cette évolution est vécue comme une injustice.

Il faut un autre niveau de responsabilité.

Autre exemple : la tarification de l'eau par les communes entraîne des écarts considérables entre communes selon qu'elles sont dotées ou non en ressources et selon qu'elles ont ou non investi. Des écarts de prix peuvent se comprendre entre régions, mais la situation actuelle n'est pas satisfaisante. Dans ce domaine, il faut parvenir à une péréquation des charges afin d'établir un minimum d'égalité entre les citoyens. Cette péréquation peut être assurée dans un cadre départemental.

Le cadre communal me paraît également inadapté pour protéger la ressource. La dégradation de la ressource se poursuit. Aujourd'hui, quand une source est mauvaise, on ferme le forage et l'on en creuse un autre ailleurs. Mais le problème c'est qu'il n'y a plus d'« ailleurs » ! La fuite en avant technologique n'est pas une solution pour assurer un développement durable. Il nous faut désormais préserver la ressource.

L'un des instruments de cette protection est le périmètre de protection, qui continue de relever de l'initiative des communes. Cependant, dix ou quarante ans après l'obligation légale, selon les captages, seul un tiers d'entre elles en sont pourvues. Sans changement de notre organisation, il ne faut pas attendre d'amélioration. Le dispositif est inadapté aux pollutions diffuses et inapplicable après un demi-siècle d'urbanisation. Compte tenu des contraintes, les communes ont intérêt à définir les plus petits périmètres possible, alors que les pollutions diffuses imposent d'intervenir sur de larges espaces. Enfin, il y a une distorsion entre la protection de la ressource, qui bénéficie à tous, et les servitudes du périmètre de protection, qui, elles, ne sont supportées que par une seule commune.

La protection de la ressource est l'affaire de la collectivité et non d'une commune en particulier. Dans cet exemple, encore, le département est le niveau le plus pertinent.

Certes, les communes ne sont pas seules. L'eau est un domaine où les barrières institutionnelles traditionnelles ont éclaté. Les agences de bassin, créées selon une logique hydrogéologique, sont une structure indispensable à la planification et au financement des travaux. Mais l'agence de bassin n'est pas une structure de gestion et elle a besoin de relais locaux.

L'eau est aussi le domaine par excellence de la coopération intercommunale. Pourtant, ce cadre ne me paraît pas toujours idéal. L'intercommunalité en milieu rural ne donne ni les moyens financiers, ni les compétences humaines, ni le poids nécessaire dans la négociation avec les grands groupes industriels qui maîtrisent les équipements, la technologie et les concessions.

La coopération intercommunale est aussi une réponse imparfaite au problème de la dispersion. Avec des syndicats de pompage, de barrage, de distribution, d'assainissement, dont les périmètres sont à chaque fois différents, l'enchevêtrement des structures a remplacé l'éclatement des communes.

Enfin, en milieu rural, communes et syndicats restent largement tributaires des recommandations des services de l'Etat, qui sont donc à la fois conseillers et contrôleurs et cette confusion des rôles nuit à tous. En outre, cette mission de conseil est de moins en moins bien remplie : dans de nombreux cas, les communes ne peuvent plus compter sur les services de l'Etat. Je proposerai d'ailleurs un amendement visant à clarifier cette situation et à transférer, à titre expérimental, les missions d'ingénierie au département.

Il est admis que le cadre communal est le cadre naturel du service des eaux. Mais cette compétence est plus implicite et indirecte qu'explicite et expresse. Elle résulte aujourd'hui d'un maillage de textes très divers. Cependant, sauf erreur de ma part, nulle part la compétence des communes en matière de distribution d'eau n'est formellement et expressément établie.

Cette ambiguïté est même entretenue par plusieurs dispositions majeures. D'une part, la loi sur l'eau de 1992 et la charte de l'environnement énoncent que l'eau est « patrimoine de la nation », et non patrimoine des communs, ce qui laisse la place à d'autres niveaux de collectivité. D'autre part, si la jurisprudence considère que les eaux destinées à l'alimentation humaine font partie du domaine public communal, la distribution de l'eau ne fait pas partie des services publics locaux obligatoires énumérés par la loi, parmi lesquels on compte l'assainissement, mais non la distribution de l'eau.

Enfin, on observera que le budget du service de l'eau est un budget annexe au budget communal. Le législateur a marqué une différence entre les dépenses, ce qui peut constituer la première étape d'une déconnexion, au moins à titre expérimental.

On pourrait discuter sur l'échelon local idéal, mais je défendrai, à titre expérimental, l'échelon départemental. Déjà, le département élabore des SAGE, les schémas d'aménagement et de gestion des eaux, pour planifier et il accorde des subventions aux travaux de captage, d'adduction et d'assainissement. Ainsi, il est clair que le département a déjà non seulement une légitimité, mais aussi une expérience dans ce domaine.

Même si je suis parfaitement conscient de proposer un bouleversement déroutant, bousculant l'ordre établi et difficile à mettre en oeuvre sur le plan juridique, je proposerai, dans le cours de la discussion, des amendements visant à expérimenter cette compétence départementale dans le domaine de l'eau. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Alduy.

M. Jean-Paul Alduy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je consacrerai mon intervention à la question du logement.

La politique du logement renvoie à de nombreux objectifs : le droit au logement pour les plus démunis, la cohésion et la mixité sociales, la cohérence des territoires urbains et ruraux, l'économie de la construction, qu'il s'agisse des entreprises du bâtiment ou des industriels fabriquant les composants et les matériaux.

En France, la politique du logement a toujours été une affaire d'Etat, je dirai même une affaire de l'Etat central. Néanmoins, au fil du temps, les collectivités locales - les communes, leurs groupements, les départements, parfois même les régions - sont intervenues de manière importante, voire incontournable, par la mise à disposition de terrains, par l'octroi de subventions ou par des garanties d'emprunt.

La situation actuelle est telle que la multiplication des intervenants, la complexité des mécanismes de programmation et d'agrément des opérations, à quoi s'ajoutent les aléas des appels d'offres, ont pour résultat la dilution des responsabilités et l'inefficacité globale de l'intervention politique.

Chaque maire ou chaque président de conseil général - souvent, d'ailleurs, également président d'office d'HLM - en fait l'amer constat : tous les ans, il existe un important décalage entre les autorisations de programme votées par le Parlement dans la loi de finances et le volume réel des logements construits ou réhabilités.

C'est précisément pour garantir une intervention plus efficace dans les cités HLM dégradées que la récente loi sur le renouvellement urbain a créé une agence regroupant les financements, ce qui permet d'échapper aux décisions d'agrément rendues au coup par coup.

Il faut donc clarifier, simplifier et responsabiliser, mais en respectant, en tout cas dans le domaine du logement, une double obligation.

Tout d'abord, l'Etat doit être le garant des grands équilibres et de la solidarité nationale. Dès lors, les aides à la personne, les aides fiscales, doivent rester de la responsabilité de l'Etat.

Par ailleurs, les collectivités locales, les communes et leurs groupements - plus précisément les communes qui ont élaboré un plan local de l'habitat -, les départements - plus précisément ceux qui ont élaboré un plan départemental d'aide au logement des personnes défavorisées - doivent avoir la responsabilité de la mise en oeuvre d'une politique de l'habitat cohérente avec leurs projets de ville ou avec leurs projets de territoire.

La première option consistait dans la décentralisation pure et simple des aides à la pierre ; les élus, responsables devant les électeurs auraient ainsi assumé pleinement les arbitrages politiques de l'équilibre social des quartiers et des villages, de la démolition des quartiers obsolètes ou encore de la relance de la construction locative sociale.

Le choix qui a été fait, celui de la délégation de pouvoir, correspond à une démarche de prudence. Je comprends cette prudence eu égard à l'implication très inégale des collectivités locales dans le combat pour le droit au logement ou l'éradication de l'habitat indigne. Je comprends cette prudence sachant que l'intercommunalité est encore, dans de nombreuses villes, une aventure récente et que la compétence en matière de politique sociale du logement y est souvent exercée a minima.

Je comprends votre prudence, messieurs les ministres, même si un grand nombre de communautés urbaines, de communautés d'agglomération ou de départements font la preuve de leur capacité à assumer pleinement la responsabilité de l'aide à la pierre, et donc de la politique du logement social.

Le projet actuel de délégation de pouvoir dans le cadre de conventions est donc pour moi une étape, décisive certes, mais une étape seulement, dans le processus de décentralisation de la compétence en matière de logement aux agglomérations et aux départements. Il faudra demain aller plus loin, sans doute par voie expérimentale.

Encore faut-il que cette étape soit utile et ne constitue pas une source de complexité supplémentaire. Il faut donc être très clair sur quatre points au moins.

Premièrement, il doit être bien compris que l'agrément des opérations relèvera désormais des communes, de leurs groupements ou des départements.

M. Jean-Yves Mano. Très bien !

M. Jean-Paul Alduy. Cela doit figurer expressément dans l'ensemble du texte, ce qui signifie qu'il nous faut faire la chasse au mot « opérations ». J'ai déposé plusieurs amendements en ce sens.

Deuxièmement, le contingent préfectoral de réservation HLM n'a, selon moi, plus lieu d'être. Si l'on parle de « délégation de tout ou partie », ce n'est plus de la prudence, c'est de la méfiance !

Troisièmement, les conventions de délégation doivent être également l'occasion d'adapter les règles nationales en matière de plafond de ressources, de loyer plafond ou encore s'agissant de certaines normes techniques. On ne construit pas, dans le contexte social, économique, climatique de Perpignan, de la même manière qu'à Dunkerque !

Quatrièmement, enfin, dès lors que l'Etat reste le seul décideur de la répartition des aides accordées année après année entre les régions, puis, au sein de chaque région, entre les communautés urbaines et les départements, il convient de renforcer les procédures d'information - et donc de contrôle - du Parlement sur les répartitions effectuées.

Ainsi, sous réserve de ces quelques clarifications, que je juge nécessaires, je crois, monsieur le ministre, que votre projet de loi marque, dans le domaine du logement comme dans les autres domaines, une vraie rupture avec les pratiques passées, où l'Etat décidait de l'opportunité et du contenu de la moindre opération sur les 36 000 communes du territoire.

C'est une première étape, souvent évoquée depuis de nombreuses années mais jamais engagée. Il fallait une vraie volonté décentralisatrice pour bousculer les administrations centrales. Je ne suis pas trop mal placé pour en parler !

M. Jacques Blanc. Vous vous y connaissez un peu ! (Sourires.)

M. Jean-Paul Alduy. Cette volonté est aujourd'hui clairement affirmée, et je vous en félicite.

Il appartient aux élus de tous bords de se saisir de ces responsabilités nouvelles pour permettre, demain, de franchir une autre étape, celle d'une décentralisation de plein droit de l'aide à la pierre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Percheron.

M. Daniel Percheron. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il n'y a pas, il n'y aura pas de grand rendez-vous de la décentralisation. Certes, j'ai bien entendu les accents parfois pathétiques du Premier ministre hier. J'ai bien noté aussi la démonstration financière implacablement malicieuse du ministre de l'intérieur,...

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est un reproche ?

M. Daniel Percheron. Non ! C'est un compliment !

M. Gérard Longuet. On a le droit d'être intelligent !

M. Daniel Percheron. ... ministre qui est lui-même bien protégé au coeur des Hauts-de-Seine.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est une attaque personnelle ! Elle disqualifie tout le reste ! C'est une occasion perdue !

M. Daniel Percheron. Mais le modeste président de région que je suis n'est guère convaincu. C'est qu'il faut un Etat fort pour entraîner le pays le plus centralisé du monde vers le partage équitable des pouvoirs !

Il faut aussi des élus confiants pour accepter, au nom de leurs concitoyens, le tranfert de compétences que le contrat démocratique - la mode impose aujourd'hui de parler de « proximité » - transforme peu à peu en impôts supplémentaires et en services publics plus performants.

Mais c'est au nom de sa faiblesse que le Gouvernement s'apprête à imposer aux régions et aux départements de nouvelles responsabilités et de nouvelles charges.

Faiblesse : le budget de la nation, gravement déséquilibré, est sous haute surveillance. C'est donc pied à pied, sou à sou, que les évaluations et les compensations vont être discutées, disputées, tronquées, je le crains, Constitution ou non.

En écoutant hier, avec respect et admiration, M. Sarkozy...

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est bien ! Vous progressez ! (Sourires.)

M. Daniel Percheron. ... nous promettre, 30 milliards d'euros en bandoulière, le paradis des finances locales pour demain, je pensais irrésistiblement à Mirabeau au sein du tiers état, parlant d'un de ses collègues promis à un avenir glorieux : « Il ira loin, il croit ce qu'il dit. » (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Vous riez ? Ce n'est pourtant pas votre culture !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Honnêtement, nous ne sommes pas en désaccord !

M. Robert Bret. Pauvre Mirabeau !

M. Daniel Percheron. La croissance proche de zéro ? Faiblesse là aussi. La croissance, au moins dans un premier temps, ne soulagera pas les injustices que cette deuxième vague de décentralisation a déjà entraînées et entraînera encore.

Faiblesse aussi, la protection sociale est menacée au travers de l'assurance vieillesse, de l'assurance maladie, de l'assurance chômage, autant d'inquiétudes, de reculs et de faiblesses.

Et ne croyez pas que je m'écarte de mon sujet ! Plus de 50 % des revenus des habitants du Nord - Pas-de-Calais proviennent de la protection sociale ! Comment voulez-vous intéresser les ouvriers de Metaleurop ou de la Comilog au rôle illusoire de chef de file du développement économique assumé par leur région lorsque les droits de chômeurs sont amputés ?

Non, mes chers collègues, il n'y a pas et il n'y aura pas pour les régions de France de grand rendez-vous de la décentralisation.

Qu'est devenu, monsieur le ministre, le fameux couple Etat-région rêvé, annoncé et célébré à l'avance par le Premier ministre, M. Raffarin, juché sur les collines de son Poitou ? Il n'existe plus !

Oui, il faut un Etat ambitieux pour décentraliser.

La décentralisation des lycées a pris toute son ampleur et toute sa place, irremplaçable, parce que les gouvernements de gauche ont décidé et réussi, les premiers en Europe, la massification et la démocratisation de l'enseignement secondaire.

Que signifierait la responsabilité des lycées et de la vie lycéenne si nous n'avions pas aujourd'hui l'un des meilleurs systèmes scolaires du monde ? Que signifierait cette responsabilité si les lycées ne s'étaient pas ouverts avec nous au monde, à la société, à l'entreprise et à la ville, eux qui sont des villes dans la ville ?

Au succès de cette décentralisation ont participé la communauté éducative tout entière, les emplois-jeunes, les contrats emplois solidarité et les contrats emplois consolidés, CES et CEC aujourd'hui condamnés.

Qu'allez-vous apporter à cette décentralisation exemplaire ? Le transfert des personnels administratifs, techniques, ouvriers, sociaux, de santé et de service, les ATOSS, contre leur volonté. Est-ce là un approfondissement de la décentralisation ? Non ! C'est une simple astuce comptable qui va faire peser 50 % du coût de la décentralisation en direction des régions.

Il faut aussi un gouvernement confiant dans la fonction publique, dans le service public, dans les entreprises publiques pour réussir la décentralisation. La décentralisation du rail en est l'exemple vivant.

C'est dans le domaine portuaire, domaine où l'Etat est absent, où il est indifférent depuis près de trente ans, que vous nous proposez d'avancer. Il suffit de relire le rapport de la Cour des comptes : il en faudra, des centaines d'euros de modulation de la TIPP pour que Boulogne-sur-Mer, le premier port de pêche d'Europe, retrouve toutes ses chances ! Ces centimes de modulation aggraveront les fractures et les inégalités, comme le disait le président François-Poncet.

Toute décentralisation est ambivalente, c'est une chance et c'est un fardeau. Au lendemain des élections introuvables du printemps 2002, vous espériez sans doute sincèrement la décentralisation « chance ». L'échec global de votre gouvernement nous impose la décentralisation « fardeau ». Nous le regrettons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Murat.

M. Bernard Murat. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, engager l'acte II de la décentralisation afin d'accroître l'efficacité des politiques publiques en les confiant à l'échelon territorial le mieux à même de les conduire tout en permettant aux citoyens de mieux identifier les responsables devenait primordial.

Le texte présenté par le Gouvernement va permettre, si ce dernier accepte certains amendements, de répondre aux attentes exprimées tant par les collectivités territoriales que par les citoyens, ceux-ci se reconnaissant d'abord et avant tout, tout le monde le sait ici, dans les maires, les élus locaux et intercommunaux.

En tant que membre de la commission des affaires culturelles, je m'attarderai plus particulièrement sur deux volets de ce projet de loi, l'un consacré à la culture, l'autre à l'enseignement.

Héritage commun de notre collectivité, partie intégrante de notre cadre de vie, atout essentiel pour le tourisme, notre patrimoine national est au coeur d'enjeux multiples et fondamentaux.

Dans ce secteur, la décentralisation a été jusqu'alors très restreinte, si bien que la protection du patrimoine est souvent dénoncée comme le dernier bastion du centralisme.

Or ce que l'on pourrait appeler le « réveil patrimonial » des collectivités territoriales ces dernières années, qui s'est d'ailleurs accompagné d'une montée en puissance de leurs interventions financières, ne pouvait plus continuer à être ignoré.

En effet, tout le monde sait aujourd'hui que 90 % des dépenses culturelles engagées à l'échelon local le sont par les collectivités territoriales, qui consacrent désormais un effort financier équivalent à celui de l'Etat, tous ministères confondus.

La conviction du Gouvernement que l'action des collectivités territoriales en faveur du patrimoine, et plus généralement de la culture, doit trouver un nouveau souffle est d'ailleurs tirée d'un constat de carences graves de notre système.

De fait, l'intégration de la décentralisation culturelle qui accompagne le mouvement général de décentralisation et la prise en compte d'un patrimoine de proximité tendent à ériger naturellement les collectivités territoriales en partenaires actifs de la politique du patrimoine.

L'objectif poursuivi par le texte est donc de proposer un projet de développement des responsabilités des collectivités territoriales dans une articulation cohérente avec les missions qui doivent rester de la compétence de l'Etat.

Notre excellent rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, M. Philippe Richert, vous a présenté précisément les transferts proposés, et il s'est attaché à en accroître la cohérence, en particulier s'agissant de l'inventaire général et de la gestion des crédits du patrimoine. Je n'y reviendrai donc pas. Je tiens simplement à préciser que l'ensemble de ces mesures ne trouvera son plein effet qu'en étant accompagné d'une série d'autres dispositions permettant d'accroître l'effort de la collectivité nationale pour son patrimoine et tendant à la réforme de l'Etat, qu'il s'agisse des simplifications des procédures ou du développement de la déconcentration et de la réflexion sur l'organisation des services centraux et déconcentrés compétents en matière de patrimoine. M. le ministre de la culture s'est d'ailleurs engagé à agir en la matière.

Le second point que j'aborderai concerne les dispositions relatives à l'éducation.

Dans les années quatre-vingt, la France s'engageait dans une importante action de décentralisation. La responsabilité du fonctionnement matériel et de l'investissement dans les établissements scolaires revenait ainsi aux collectivités locales. L'Etat conservait son rôle fondamental dans le champ pédagogique et l'organisation du système éducatif. Je n'irai pas, comme M. Percheron, jusqu'à dire que notre système scolaire était le meilleur du monde, mais je constate qu'un partage de compétences intervenait entre les collectivités locales et l'Etat pour la prise en charge de la planification scolaire.

Cette entreprise a produit des effets particulièrement bénéfiques, dont la grande majorité des usagers et des acteurs du système éducatif se félicite encore aujourd'hui.

C'est donc tout naturellement qu'une deuxième étape de décentralisation est aujourd'hui en marche pour l'éducation nationale.

Le projet de loi que nous allons examiner maintient l'ambition d'assurer sur l'ensemble du territoire l'égalité d'accès de tous les jeunes Français au service public de l'éducation, en même temps qu'il assure la laïcité. L'Etat reste donc garant de l'organisation et du contenu des enseignements, de la définition et de la délivrance des diplômes, du recrutement et de la gestion des personnels qui relèvent de sa responsabilité, de la répartition des moyens, de la régulation de l'ensemble du système, du contrôle et de l'évaluation des politiques éducatives, en vue de faire respecter le principe d'égalité.

Mais une association plus marquée avec les collectivités territoriales permettra d'améliorer le service public de l'éducation nationale au bénéfice des élèves et de leurs familles, qu'il s'agisse du fonctionnement matériel des établissements scolaires ou de la planification des formations.

Je n'énumérerai pas les mesures contenues dans le projet de loi et dans les amendements de la commission des affaires culturelles, qui ont tous été déposés afin de répondre à un double souci de cohérence et d'efficience.

Je souhaite simplement revenir sur l'inquiétude ressentie face au transfert de certains personnels de l'éducation nationale vers le fonctionnariat territorial. En effet, il me semble que les craintes des personnels de l'Etat devant la perspective d'être placés sous l'autorité des maires ou des présidents de conseil général ou de conseil régional paraissent injustifiées au regard de ce qu'est la fonction publique territoriale.

En tant que maire, je me dois de rendre un hommage mérité à ceux qui font vivre chaque jour, à nos côtés, la réforme si bénéfique de la décentralisation, qui libère les énergies et stimule les initiatives locales. Grâce à leur bonne connaissance des besoins, grâce à leur expertise, leur éthique, en un mot leur professionnalisme, les fonctionnaires territoriaux ont contribué au succès de la décentralisation. Ce n'est donc pas sacrilège que d'appartenir à la fonction publique territoriale.

M. Gérard Longuet. C'est vrai !

M. Bernard Murat. Dans une société qui se tourne vers la proximité, qui doit renforcer le dialogue social et accompagner l'émergence des talents et des savoirs, il semble légitime de vouloir rapprocher au plus près les agents de l'Etat des citoyens, pour plus d'efficacité et plus de service au public.

De plus, vous le savez, mes chers collègues, la fonction publique territoriale, dont le statut est aussi protecteur que celui de la fonction publique d'Etat, s'inscrit pleinement dans notre modèle de service public à la française et, depuis 1983, elle a fait la preuve de son attractivité.

Ces craintes me semblent donc injustifiées, d'autant plus qu'un certain nombre de garanties ont été reconnues dans le projet de loi aux agents des services transférés et que le Sénat a engagé une vaste réflexion afin de « réformer la fonction publique territoriale pour mieux réussir l'acte II de la décentralisation ».

Avant de conclure, étant un défenseur des activités sportives, je ne pourrai que regretter, messieurs les ministres, le fait que le projet de loi ne contienne que très peu de mentions visant expressément le sport, et j'aurai l'occasion de défendre quelques amendements pour rectifier cette absence. L'inscription du sport dans les lois de décentralisation constituerait pourtant, me semble-t-il, l'occasion de reconnaître son importance en matière sociale et économique et pour le développement territorial durable, ainsi que le rôle non moins considérable que jouent dans ce domaine les collectivités, tout particulièrement les communes.

Les états généraux du sport, en décembre 2002, avaient permis de souligner la nécessité de faire du sport, jusqu'alors grand oublié de la décentralisation, un acteur de la vie des territoires. Ce souhait est toujours d'actualité, comme l'a évoqué tout dernièrement le ministre des sports.

Messieurs les ministres, permettez-moi de rappeler que les communes constituent le premier et indispensable niveau d'administration publique, le premier échelon de proximité pour les Français. A mes yeux, la place de la commune et celle du maire, élu le plus proche du terrain, doivent être clairement réaffirmées et le maire confirmé dans ses compétences de premier magistrat dans sa commune.

Cela va de pair avec la nécessité de rappeler ici que l'intercommunalité est plus que jamais le prolongement naturel, voulu par le législateur, des conseils municipaux, lieux de décision privilégiés pour une veille permanente des politiques de proximité au service de nos concitoyens.

Comme le Gouvernement le constate lui-même, les EPCI ont su faire la démonstration de leur capacité à faire face aux enjeux locaux. Leur jeune légitimité est reconnue par tous et ils sont devenus un acteur à part entière du grand mouvement de décentralisation que le Gouvernement veut promouvoir. Il doit le faire avec eux et non pas contre eux.

M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, je défendrai en même temps l'amendement n° 618 rectifié.

L'amendement n° 617 rectifié vise à organiser un partenariat entre la région et le département, dans un cadre conventionnel, afin de faciliter la mise en oeuvre de programmes d'action territorialisée.

Une telle disposition complèterait inutilement les mesures d'association des collectivités territoriales à l'exercice des compétences économiques des régions, prévues au Ii de l'article 1er relatif à la consultation et à l'élaboration du schéma régional de développement, ainsi qu'au IV du même article en ce qui concerne la possibilité, pour les collectivités territoriales, de majorer les aides régionales.

En effet, dans certains départements ruraux à faible densité en particulier, le partenariat de proximité s'avère efficace. La région, si elle le souhaite, doit pouvoir déléguer au département la mise en oeuvre de programmes de développement territoriaux qui le concernent spécifiquement. Ce peut être le cas, par exemple, s'agissant de l'accompagnement de projets de développement pluriannuels menées par certains départements, ayant pour objet la lutte contre l'exode rural ou la valorisation de filières particulières de développement.

Ainsi, certaines expérimentations ont été conduites en partenariat entre l'Etat et des départements qui, par convention et cofinancement, se sont engagés en vue de susciter de nouvelles dynamiques de développement. Il serait donc utile que ce type de partenariat puisse poursuivre en liaison avec les régions après la ratification de la loi que nous élaborons.

Ainsi, le projet de loi contient des dispositions qui vont simplifier les procédures de fusion des EPCI ou permettre la transformation des syndicats intercommunaux en communautés de communes.

Plus important encore, à mes yeux, le titre IX du projet de loi tend à consacrer l'essor de l'intercommunalité en ouvrant aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre la faculté de demander aux départements et aux régions de leur déléguer l'exercice de certaines de leurs compétences. Nous ne pouvons que nous en réjouir.

M. le ministre de l'intérieur nous a assuré hier que le Gouvernement accepterait tous les amendements s'ils font avancer les choses, « sans faire de la démocratie à la serpe ».

Comme l'a dit M. Daniel Hoeffel, gageons que nous aurons l'opportunité, au cours du débat, d'approfondir le sujet, de renforcer encore plus la légitimité des structures intercommunales et surtout, messieurs les ministres, de faciliter les négociations entre les EPCI, les conseils régionaux et les conseils généraux afin d'établir des conventions pour l'exercice de compétences qui sont souhaitées par les maires, par les communautés de communes ou d'agglomération, mais plus encore par l'ensemble de nos concitoyens, qui se reconnaîtront toujours dans des décisions prises à l'échelon le plus proche d'eux et de leurs besoins. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi est le quatrième en un an qui concerne la décentralisation. Guère satisfaits des trois premières lois, nous attendions avec impatience et avec espoir le vrai projet de loi, celui qui traite des transferts de compétences, qui simplifie, qui clarifie et qui rend lisible aux yeux des élus et de nos concitoyens les rôles des diverses catégories de collectivités locales, car là également se situe l'enjeu de la décentralisation.

Hélas ! Le but ne nous paraît pas être atteint. A cet égard, je ne citerai qu'un seul exemple, celui de l'intercommunalité.

Dans le projet de loi qui nous est soumis, les EPCI ne trouvent guère grâce à vos yeux. Au pire, ils sont exclus du processus, au mieux ils agiront dans l'ambiguïté. Pourtant, ils existent. Leur essor a d'ailleurs été assez exceptionnel depuis les lois de 1992 et de 1999. Ils touchent aujourd'hui 80 % de la population et la plus grande partie du territoire, tant en zones urbaines - où ils associent les villes et leurs périphéries autour d'un projet permettant de mieux partager les moyens - qu'en zones rurales, où ils permettent de poursuivre et d'amplifier un mouvement de développement local que les villages seuls ne pouvaient mettre en oeuvre. Les EPCI réalisent désormais la plus grande part des investissements publics locaux et gèrent l'essentiel des grands services de proximité essentiels à la vie quotidienne.

Vous aviez en d'autres temps - c'était un signe - refusé d'inscrire les EPCI dans la Constitution. Aujourd'hui, vous ne leur octroyez guère de nouvelles compétences obligatoires. Vous leur proposez quelques secteurs facultatifs sur la base du volontariat. Et, comme si vous étiez conscients de les maltraiter, vous leur ouvrez une magnifique boîte de Pandore, je veux parler de l'article 101 de votre projet de loi.

Je m'en tiendrai à cet article. Celui-ci offre la possibilité à tout EPCI, de la plus petite communauté de communes à la plus puissante communauté urbaine, de demander à exercer n'importe quelle compétence du département ou de la région ! Ou c'est un article de rattrapage et donc d'affichage, dont vous n'attendez pas grand-chose en termes d'application ; ou c'est un véritable cadeau empoisonné !

A la question maintes fois posée : « Qui fait quoi », la réponse pourraît être : « N'importe qui ! » Comment les élus, les usagers, les citoyens pourront-ils s'y reconnaître ? L'illisibilité sera totale. Enseigner l'instruction civique aux jeunes va devenir un exercice délicat. Par simple voie contractuelle - et les conventions pourraient être légions - les EPCI deviendront de simples sous-traitants multicartes.

Interrogeons-nous : pour quelles raisons un EPCI, une communauté de communes ou une communauté d'agglomération urbaine demanderaient-ils à exercer ces nouvelles responsabilités ? Pour faire la même chose ? Quel intérêt ? Pour faire moins bien ? Ce serait inquiétant ! Pour faire mieux, imagine-t-on ?

En effet, une communauté riche et puissante pourrait être tentée d'en faire plus que la collectivité qui lui a délégué sa compétence. Mais alors, c'est accepter de fait une inégalité de traitement entre les citoyens, entre les entreprises, selon la compétence, et ce dans un même département, dans une même région. Que vaut le principe de subsidiarité si l'on admet désormais que peuvent coexister plusieurs « meilleurs niveaux » pour exercer une même compétence ?

M. Jean-Claude Peyronnet. Très bien !

M. Daniel Reiner. La cohérence du couple Etat-région, évoquée par M. le Premier ministre, la proximité du couple département-communes et intercommunalités, sur laquelle vous avez insisté, monsieur le ministre, qu'en restera-t-il si un EPCI peut se substituer à la région ?

Certes, il ne s'agit que d'une délégation de compétences, mais que restera-t-il de la cohérence d'un plan départemental si les exécutants sont multiples ? Ne risque-t-on pas d'aboutir à de véritables « patchworks territoriaux » ?

De plus, la délégation de compétences n'est pas de droit : n'assisterons-nous pas à une multiplication des conflits entre les communautés qui demanderont à exercer de nouvelles compétences et les collectivités qui les délègueront, ou non ? Sur quelle base seront résolus ces conflits ? Et je ne pense pas uniquement aux cas dans lesquels des majorités politiques opposées pourraient trouver là un terrain d'affrontement, naturellement stérile. Dans ce domaine, le risque d'instrumentalisation politicienne est évident.

Aussi, messieurs les ministres, mes chers collègues, vous l'aurez compris, pour nous, cet article 101, au demeurant assez révélateur de l'ensemble du texte, soulève de nombreux problèmes de fond.

La discussion requerra la sagesse traditionnelle du Sénat afin que cette nouvelle étape de la décentralisation n'ouvre pas la voie, sous couvert de liberté, à une administration territoriale plus confuse aux yeux des élus locaux et des citoyens, et dont le juge administratif serait un garant sans cesse sollicité.

En ce sens, il n'est pas sûr que le présent texte ouvre la voie à une administration plus efficace et plus économique. De plus, il est à craindre que non seulement il ne contribue pas à corriger les inégalités entre les territoires, mais encore qu'il ne soit source d'inégalités nouvelles entre eux. Avouons qu'il serait dommage de laisser passer l'occasion de mettre en oeuvre cette belle ambition ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Eric Doligé.

M. Eric Doligé. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, sans vouloir paraphraser M. le Premier ministre, je me permettrai de reprendre à mon compte certaines de ses expressions, que je fais miennes, et qui ne pourront que valoriser ma présente intervention : « Ce gouvernement est un gouvernement de missions. Nous sommes des collectivités de missions. Notre feuille de route est claire, nous a-t-il dit hier. Il s'agit d'être au service de nos concitoyens et de répondre au mieux à leurs attentes légitimes, sans être pour autant condamnés à augmenter les impôts locaux. Imposer toujours un peu plus pour assouvir les envies des autres ne doit pas être une fatalité pour un exécutif.

Notre rôle en tant que collectivité est capital dans l'organisation de notre société et nous avons depuis vingt ans accompli des prouesses avant d'être brutalement stoppés, une première fois par le revenu minimum d'insertion, le RMI, puis plus récemment par le poids des 35 heures, de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, ou encore des services départementaux d'incendie et de secours.

Vous nous proposez, messieurs les ministres, de repartir sur de bonnes bases, grâce à l'engagement constitutionnel et à la clause de rendez-vous. Je vous fais naturellement confiance, bien que l'Etat nous ait habitués à certaines trahisons par le passé. « Je décide, vous payez », telle était en effet sa méthode.

La confiance n'exclut pas toutefois une profonde vigilance. Entre la volonté claire des ministres et la mise en oeuvre de cette volonté au plus près du terrain, il peut y avoir des adaptations administratives particulièrement coûteuses.

M. le Premier ministre nous a encore dit récemment : « C'est lorsque c'est celui qui ne paye pas qui commande que l'on voit les coûts s'envoler », ce qui, en langage de terrain, se traduit par : « C'est celui qui paye qui doit commander. » Si cette affirmation semble être une lapalissade, elle constituera dans les faits une réelle nouveauté. Nous étions en effet trop habitués, depuis des années, à payer, avec pour unique contrepartie une mise sous tutelle de fait des directions locales de l'Etat. Il règne encore, dans l'attente de l'adoption du présent projet de loi, une véritable omerta d'Etat. A tort, l'Etat local pense tirer son autorité du silence et du secret. C'est là la marque des faibles. Cela ne sera dorénavant plus possible.

Je prendrai un exemple au hasard : les routes nationales. Les départements, associés aux régions, règlent couramment 66 % de la facture, l'Etat se réservant les 33 % à 34 % restants, sans omettre, au passage, de récupérer la TVA, tout en étant le dernier à régler sa part. Comme vous l'aurez calculé, celle-ci ne dépasse pas 15 %.

Assurant 85 % du financement, nous serions donc légitimement fondés à penser que nous pourrions avoir un droit de regard sur les délais, sur les caractéristiques techniques, sur les marchés et sur les difficultés, etc. Eh bien non, la porte nous est fermée ! Le mot transparence fait rarement partie du vocabulaire de l'administration locale de l'Etat. Ce sera bientôt du passé. Quelle révolution ! Que d'espoir ! Quelle marge d'efficacité !

M. le ministre de l'intérieur nous a dit voilà quelques jours : « Je sais que je ne serai pas ministre à vie, et que je ne suis que de passage à cette responsabilité. Je me retrouverai un jour parmi vous et devrai m'appliquer les lois que j'ai présentées. »

M. Gérard Longuet. Nous sommes tous des passagers sur terre !

M. Eric Doligé. Je ne peux que saluer cette clairvoyance, ce réalisme, qui renforcent la confiance que je porte au Gouvernement.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il faut bien laisser une place aux autres !

M. Eric Doligé. Enfin, grâce à un texte fort, les portes vont s'ouvrir. Ce projet de loi contient en lui les promesses d'un vent de liberté, même si quelques nuages sont peu à peu venus obscurcir la volonté claire et décentralisatrice du Premier ministre et des deux ministres, ici présents, qui avec lui portent ce texte.

L'intitulé du texte a été modifié. Ce projet de loi est relatif non plus à la « décentralisation », mais aux « responsabilités locales », ce que j'interprète comme suit : pour décentraliser, il faut profondément réformer l'Etat. Or la réforme de l'Etat est quelque peu passée à la trappe. Localement, depuis quelques mois, nous sentons se manifester une forte résistance.

Lorsque l'on interroge les services déconcentrés de l'Etat pour savoir qui s'occupe du RMI, des routes nationales, de la carte scolaire, comme par enchantement, il n'y a plus personne ! Finalement, tout cela se faisait jusqu'à présent naturellement et sans moyens. Il n'y aurait donc pas grand-chose à transférer, hormis les charges. Vous devrez, avec nous, être vigilants sur ce sujet.

Comme vous le savez, de nombreux amendements ont été déposés sur ce texte. Vous-même, comme M. le Premier ministre, avez ouvert la porte du dialogue. Vous constaterez que votre majorité a su saisir cette main tendue. C'est une grande première pour une majorité ! (Sourires.)

Pour ma part, je me situe non pas dans un schéma de compétition entre les niveaux de collectivités, mais dans une complémentarité, une subsidiarité et une solidarité. Pour que ces grands principes soient appliqués, il ne doit en aucun cas exister de risques de tutelle ou de blocage. Je ne peux en effet envisager qu'un niveau puisse être en mesure, par son inaction, d'en bloquer un autre.

Avant-hier, les six présidents des départements de la région Centre, dont je fais partie, ont été conviés à une réunion particulièrement surréaliste de « revoyure » - quel joli terme ! - du contrat de plan Etat-région. Ce fut probablement la plus belle partie de poker menteur à laquelle il nous fut donné d'assister.

Tout fut organisé pour que rien ne bouge. Dès que le préfet avançait, le président de la région reculait, et vice-versa. En définitive, les départements, invités dès 2002 à financer, mais non à négocier, ont une fois de plus été les dindons de la farce. Cela peut être également vrai dans l'autre sens. Peut-être est-ce là une exception locale. Mais veillons à ce que le présent texte n'entérine pas l'inexistence de la plus grande région française.

Ne pêchons pas par angélisme ou par naïveté. Le projet de loi doit définir sans aucune ambiguïté les rôles respectifs de l'Etat, des régions, des départements, des communes ou de leurs groupements.

Les amendements permettront de bien préciser par des mots le fond de la pensée de chacun. C'est à nous de dire ce que nous voulons, et non à l'administration d'interpréter notre pensée, sinon elle le fera naturellement à son avantage. Des précisions me seront nécessaires sur l'économie, les routes, le transport, l'enseignement ou encore le logement.

Messieurs les ministres, merci de nous avoir apporté l'espoir de retrouver enfin l'efficacité, mais il faut afficher une véritable volonté de réformer l'Etat. C'est là une chance inespérée de regagner la confiance des citoyens. Offrez aux collectivités un autre horizon que celui d'être condamnées à augmenter les impôts afin de satisfaire des visées politiciennes, comme ce fut le cas il n'y a pas si longtemps. La Constitution nouvelle doit enfin nous rassurer. Donnez à la base de l'Etat des instructions pour qu'elle joue le jeu. La décentralisation doit en effet se faire à la base, au plus près du terrain.

Comme vous l'avez compris, ma confiance est totale, mais mes attentes sont fortes. Dans cet esprit, vous avez tout mon soutien, ce qui n'est pas une nouveauté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge. Monsieur le président, messieurs les ministres, j'interviendrai sur le titre VIII du projet de loi, qui porte sur les missions et l'organisation de l'Etat, pendant naturel de la décentralisation, tout le monde, y compris vous et M. le Premier ministre, l'a dit.

Il est vrai que, sur ce chapitre - sans méconnaître l'intérêt d'un article concernant le rôle du préfet de région -, nous restons un peu, vous en conviendrez, sur notre faim. Sans doute une suite viendra-t-elle, mais il existe, c'est vrai, un grand déséquilibre entre, d'une part, un projet de décentralisation que vous voulez mobilisateur - c'est en effet une grande cause - et, d'autre part, le chapitre « réforme de l'Etat », qui est pratiquement vide !

J'irai même un peu plus loin, messieurs les ministres, en vous disant, sans intention d'être désagréable, que la manière dont vous avez abordé cette question - et je me fais ici l'écho de mon collègue Eric Doligé - a créé un malaise au sein des administrations.

Pour elles, qui ont souvent le sentiment de n'être guère aimées, la décentralisation signifie d'abord le transfert de certains fonctionnaires. Pourquoi pas un tel transfert, en effet ? Encore faut-il veiller à la manière dont on le fait. Elle signifie ensuite réduction du nombre de fonctionnaires. Là encore, pourquoi pas, à condition d'en discuter sérieusement, car ce sujet est difficile. Enfin, elle veut dire traitement au mérite.

Je vous le dis en toute franchise, car je suis en contact avec les administrations, aborder le sujet de cette façon, c'est, que vous le vouliez ou non, vous placer d'entrée de jeu dans une situation difficile pour mener à bien une réforme de l'Etat. Je vous invite donc à changer de méthode vis-à-vis des administrations. En effet, lorsqu'il s'agit de réformer l'Etat, tout le monde est d'accord, mais l'on se comporte ensuite de manière telle avec les administrations que l'on se trouve alors dans une situation de blocage ou, pour le moins, de crispation.

Je plaide donc en faveur d'une réforme qui soit aussi mobilisatrice pour l'Etat que pour les collectivités territoriales. Tel est d'ailleurs notre voeu à tous. Mais nous avons pris, et depuis longtemps, un retard considérable. Je ne dis pas que ce retard date de votre arrivée, mais les choses ne se sont pas arrangées depuis, malgré votre volonté manifeste de réformer l'Etat, messieurs les ministres.

Je ne parlerai pas ici des prérogatives de l'Etat, mais je vous rappellerai les mots du Premier ministre : « sécurité, armée, justice ».

Mais tel n'est pas l'objet de mon propos, qui portera sur le rôle majeur que l'Etat doit jouer dans les politiques nationales qui font l'objet d'une décentralisation, politiques à la réussite desquelles nous souhaitons que les communes et leurs groupements, les départements et les régions participent plus activement, en ayant plus de responsabilités.

On a en effet souvent l'impression que la décentralisation équivaut pour l'Etat à abandonner son rôle dans la mise en oeuvre d'une politique nationale, par exemple en matière de patrimoine, d'environnement, d'urbanisme ou d'aménagement du territoire. Telle est ma préoccupation : comment faire en sorte que, malgré la décentralisation, l'Etat demeure un acteur majeur et ne devienne pas - le risque est grand, messieurs les ministres - un simple contrôleur ?

Il est vrai en effet que nous faisons tous face à un nombre de plus en plus élevé de contentieux. Il est vrai aussi que, pour différentes raisons - circulaires européennes, niveaux de sécurité requis en matière d'équipements, multiplication des normes -, la demande de contrôle est forte.

Si nous n'y prenons pas garde, l'Etat ne remplira plus le rôle qui doit être le sien s'agissant des politiques nationales, le contenu de son message s'en trouvera asséché. Il deviendra un Etat contrôleur. Il ne faudra pas alors s'étonner du fort rejet qu'il suscitera de la part des administrations, notamment des préfectures et des sous-préfectures qui exercent le contrôle de légalité. L'enjeu est, à mon avis, considérable.

Si nous voulons être opérationnels sur ce sujet, il faut poser de façon très ambitieuse le problème de l'organisation de l'Etat, notamment au niveau des régions, parce que c'est bien là que vont se rencontrer la politique nationale voulue par l'Etat et la décentralisation avec ses relais puissants que sont les collectivités locales.

Il faut donc absolument que l'Etat s'organise et renforce ses services. Le fait que vous fassiez du préfet de région un coordonnateur des politiques ayant un champ de compétences plus vaste est une excellente chose. Mais il ne dispose pas d'un personnel suffisant pour assurer une telle mission. Par conséquent, je pense que vous serez d'accord avec moi pour dire qu'il faut aussi, si nous voulons réussir nos politiques nationales, renforcer les secrétariats généraux pour les affaires régionales, les SGAR, ainsi que les directions qui travaillent sur des sujets d'avenir : je pense aux directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, les DRIRE, ainsi qu'aux directions régionales de l'environnement, les DIREN. Ce sont des créations positives de ces dernières années.

Je pense encore aux directions régionales des affaires culturelles. Dieu sait si nous nous inquiétons quelquefois de leur affaiblissement alors qu'une politique nationale de la culture reste un enjeu partagé par tous !

Monsieur le ministre, je voudrais bien que, sur ces questions-là, vous nous apportiez au cours du débat, ou dans d'autres lieux, des éclaircissements, et que vous nous montriez que vous avez des propositions à faire, y compris en matière de restructuration des services dans les départements.

Il y a longtemps, c'est vrai, que l'on se demande ce qu'il faut faire dans les départements des directions départementales de l'agriculture, les DDA, et des directions départementales de l'équipement, les DDE.

Comment l'Etat va-t-il reconstituer ses services et comment les départements organiseront-ils de façon plus claire leurs services en fonction des compétences anciennes qu'ils avaient et des compétences nouvelles qu'ils recevront ? Il y a, autour des DDA et des DDE, un malaise qu'il faut absolument régler. Cela fait partie du sujet d'aujourd'hui, comme l'a dit notre collègue Doligé, dont je me fais l'écho. Si l'on ne clarifie pas ces points, nous nous mettrons tous dans une situation de non-efficacité et de non-clarté que nous ne souhaitons pas.

M. Puech a fait observer tout à l'heure que nous étions tous opposés à ces forces de résistance qui bloquent : les technostructures. S'il est vrai que, sur toutes les travées, elles nous agacent, je crains - je le dis à M. le ministre et à tous nos collègues - qu'elles ne nous concernent aussi car, sans vouloir être injurieux à l'égard des collectivités territoriales que nous représentons, il nous arrive, aux uns et aux autres, d'être au coeur d'une technostructure locale qui n'a rien à envier à celle de l'Etat !

Cessons par conséquent de faire un procès constant à l'Etat sous prétexte que les administrations sont technocratiques ! Personnellement, j'ai avec les administrations - nos collègues qui sont ici peuvent en témoigner - une relation nullement marquée par une technocratie absolue ! Les administrations ont beaucoup évolué et il faut le dire pour ne pas donner à penser que, du côté des collectivités, il y a les bons, mais que, du côté de l'Etat, la situation est tellement épouvantable qu'il faut détruire les administrations et vite décentraliser afin que tout le monde soit content. Ce serait caricatural. Evitons de tomber dans ce piège, mais on n'en est pas loin ! Je mets en garde contre ce simplisme-là, qui est très dangereux pour la cause que nous défendons. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Etienne.

M. Jean-Claude Etienne. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, rarement un projet de loi a été aussi important et aussi déterminant pour la vie d'une nation. Il s'agit de faire entrer la France dans la modernité, d'offrir aux forces vives de ses territoires la possibilité, enfin, de prendre des initiatives.

Pas plus tard qu'hier, à Poitiers, autour de MM. Raffarin et Schroder, les élus de nos régions se retrouvaient avec leurs homologues allemands des Länder. On a pu mesurer combien ce projet de loi relatif aux responsabilités locales en France arrivait à point nommé. Il n'y avait pas là de représentants des régions espagnoles ou italiennes, qui peuvent se prévaloir de la possibilité de prendre des initiatives d'importance.

Oui, ce projet va dans le bon sens, celui d'une remise à niveau en France des responsabilités locales au regard de ce qui existe dans les pays les plus dynamiques en Europe.

Messieurs les ministres, je voudrais vous remercier des nombreuses réunions de concertation qui ont eu lieu avec les représentants des collectivités territoriales. Il vous est d'ailleurs arrivé - je l'ai vu dans vos regards, parfois ! - de vous interroger sur le manque d'appétence pafois avéré de ces collectivités locales en matière de ressources. Elles sont d'accord pour se faire « repasser des bébés », mais elles craignent de ne pas avoir les biberons remplis à la mesure nécessaire pour les nourrir. (Sourires.) Pourtant, jamais projet de transfert n'a été accompagné d'autant de garanties. Mais chat échaudé craint l'eau froide. Compte tenu de la façon dont ont été effectués certains transferts, notamment au niveau des régions, nous avions quelques raisons d'avoir des appréhensions !

Mais le balisage est réalisé au mieux par la donne constitutionnelle. Comme nous n'y étions pas habitués, il nous a fallu quelque temps pour nous reprendre et pour mesurer que, dans ce domaine, pour une fois au moins, les ressources devaient nous être garanties, et nous y comptons bien !

Parmi les nombreux secteurs où les envies de « gourmandises » exprimées par les collectivités locales - notamment les régions - ont été particulièrement effrénées, il en est un, singulier, dont je voudrais pourtant souligner l'importance : celui des questions de santé, qui concernent l'économie et l'aménagement du territoire, compétences désormais reconnues aux régions.

S'il y a des politiques nationales qui ne peuvent être véritablement opérationnelles sur le terrain que dans la mesure où elles prennent en compte les spécificités et les disparités régionales, c'est bien dans le domaine de la santé !

Aucune collectivité, et singulièrement pas les régions, ne peut prétendre organiser une politique générale sans prendre en compte la plus transversale de toutes les préoccupations de nos concitoyens, celle qui, dans tous les sondages, arrive en tête de leurs priorités : la santé. Il y aurait un manque de pertinence dans l'action régionale à ne pas intégrer cette volonté partagée par tous nos concitoyens.

Le texte qui nous est proposé apporte des éléments de réponse importants, notamment au chapitre IV, qui a trait à la santé. Ne serait-ce que sur le terrain des compétences nouvelles, il permet aux régions de prendre place dans un paysage institutionnel complexe - DRASS, DDASS, ARH, URCAM, URML,... -, mais avec le rôle de catalyseur qui leur est désormais reconnu.

C'est la voix consultative, au sein des ARH, des partenaires recherchés ; c'est la fameuse voix délibérative pour assurer l'accompagnement de certains projets en matière d'équipements qui peuvent prendre un relief particulier dans telle ou telle région.

C'est aussi, et peut-être surtout, le rôle que les régions vont pouvoir jouer en matière de réduction des inégalités d'accès aux soins, en corrigeant par des politiques de prévention régionalement ciblées les disparités que l'on peut noter sur le territoire de l'Hexagone.

Ce projet de loi relatif aux responsabilités locales est aussi, en matière de santé, une invite à expérimenter sur le terrain des initiatives que la procédure d'expérimentation locale peut porter, aussi bien d'ailleurs dans ses dimensions communales ou intercommunales que départementales déjà reconnues - notamment dans le secteur sanitaire et social - mais aussi régionales.

Notre pays, qui est en retard en Europe pour la prévention en matière de santé - cela a été souligné tout à l'heure par le président du conseil général de Languedoc-Roussillon -, se doit d'entreprendre, comme le président de la République et le Premier ministre le souhaitent, une politique offensive trop longtemps laissée pour compte au cours de ces dernières décennies.

L'expérimentation, corollaire de ce projet de loi, offre, notamment pour la déclinaison en région de certaines politiques, des possibilités d'adaptation nécessaires, sans lesquelles la performance nouvelle recherchée dans ces secteurs ne sera jamais obtenue.

On le sait tous, les politiques nationales de prévention de santé n'ont un véritable caractère opérationnel que dans la mesure où elles sont correctement déclinées au niveau régional. C'est vrai ailleurs. Pourquoi cela ne serait-il pas vrai chez nous ? Les maladies cardio-vasculaires, les cancers colorectaux, les cancers gastriques sont très inégalement répartis sur le territoire. Et je ne parle pas du suicide, notamment du suicide des jeunes, dont le taux peut varier considérablement d'une région à l'autre.

Il nous faut des adaptations régionales, des expérimentations, pour relancer en France cette politique de prévention nationale, et hisser notre pays afin de compenser le retard qui est le sien. Ce projet de loi nous offre des possibilités dans ce domaine. Ce serait nier les réalités du terrain que de pratiquer autrement.

Messieurs les ministres, je voulais simplement vous dire ma reconnaissance, en tant que médecin, pour les perspectives qui nous sont ainsi offertes, non seulement en matière de santé de nos concitoyens - je n'ai abordé que ce point, car c'est celui que je connais le moins mal ! -, mais aussi dans d'autres domaines.

Nous sommes un certain nombre d'élus à penser que ce projet de loi constitue une nouvelle chance pour que, parmi les nations du monde, notre pays soit respecté et entre résolument dans la modernité ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Merci !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de cette discussion générale, qui a permis d'entendre, outre le Gouvernement, six rapporteurs et trente-quatre orateurs, je voudrais remercier le Sénat dans toute sa diversité, y compris ceux qui ont été critiques ou, de mon point de vue, injustes,...

M. Jean-Pierre Sueur. Quelle mansuétude, monsieur le ministre !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... de l'intérêt qu'il a porté à ce texte et par là même de la reconnaissance de son importance décisive pour l'avenir de l'organisation publique dans notre pays.

Je répondrai tout d'abord au rapporteur, M. Jean-Pierre Schosteck.

M. Gérard Longuet. Très bien !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Son important rapport, dont le premier volume, à lui seul, fait plus de cinq cents pages, représente un énorme travail de commission. Sur les 1 272 amendements qu'elle a examinés, beaucoup, comme l'a fait observer Eric Doligé, émanent de la majorité, mais il y a aussi des amendements de l'opposition.

Je confirme, si tant est que je puisse le faire, les propos de M. le Premier ministre.

Le Gouvernement aborde le débat avec un grand esprit d'ouverture et ne retient qu'un seul critère : les amendements - M. le ministre de l'intérieur l'a affirmé hier - qui iront dans le sens du projet de loi et qui tendront à l'améliorer seront accueillis par le Gouvernement avec un maximum de compréhension.

M. Jean-Pierre Schosteck a parfaitement mené à bien sa tâche en commission et son rapport illustre éloquemment le travail accompli. Les rapporteurs pour avis ont également apporté une importante contribution. MM. Philippe Richert, Georges Gruillot, Mme Annick Bocandé, M. Michel Mercier et le président de la délégation à l'aménagement du territoire, M. Jean François-Poncet, ont soulevé un certain nombre de problèmes ponctuels qui seront étudiés à l'occasion de l'examen du texte, et la plupart des amendements qui ont été déposés seront certainement de nature à apporter des précisions, et donc cette clarté qui a très souvent été demandée.

J'ai surtout été frappé par les travaux du groupe de travail sur la péréquation, dont M. Jean François-Poncet nous a parlé hier soir. J'ai regretté que nous n'ayons pas encore reçu, au courrier de ce matin, le rapport annoncé, parce que nous avons, en effet, été alléchés hier par les conclusions qui semblent être les siennes. (Sourires.)

Je vais maintenant m'efforcer de répondre aux nombreuses questions posées par chacun des orateurs.

M. Demilly a demandé que les ressources transférées soient réactualisées chaque année. C'est évidemment une utopie ! Quoi qu'il en soit, son soutien à ce projet de loi est apprécié du Gouvernement - je le dis très naturellement. Je ne crois pas que les compétences transférées soient réévaluables chaque année en fonction des besoins. C'est d'ailleurs pour cette raison que le Gouvernement a envisagé de financer les compétences transférées par la fiscalité. En effet, la fiscalité, sous la responsabilité des collectivités locales, est évolutive et permet des adaptations.

Certes, il faut que le transfert soit loyal, et j'y reviendrai tout à l'heure. Mais l'évolution des compétences transférées, l'évolution des besoins, trouve sa contrepartie dans l'évolution de la fiscalité et du produit fiscal.

Monsieur Peyronnet, en dépit d'une modération de ton...

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Inhabituelle !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... et de l'agrément de votre propos, vous vous êtes montré injuste envers le Gouvernement. (M. Bernard Frimat proteste.) Monsieur Frimat, si vous me le permettez, j'ai relevé au sein de la gauche une contradiction éloquente,...

M. Jean-Pierre Sueur. Une seulement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Bien des contradictions !

M. Bernard Frimat. C'est rassurant !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Mais il en est une qui est éloquente et je résiste difficilement à la tentation d'en faire la démonstration.

Monsieur Peyronnet, je vous citerai parce que je veux être rigoureux. Vous avez stigmatisé « le régionalisme outrancier du Premier ministre, qui va faire des dégâts, la région étant mise à toutes les sauces ».

M. Josselin de Rohan. Quelle horreur !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Et j'ai observé que vous aviez écouté religieusement M. Mauroy,...

M. Jean-Pierre Sueur. Et laïquement ! (Sourires.)

M. Gérard Longuet. Avec révérence !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... laïquement, naturellement, qui s'est constamment référé à vous pour illustrer son propos et qui reproche au contraire au Gouvernement de ne pas donner toutes ses chances à la région. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Le groupe socialiste devrait essayer de se mettre d'accord sur son argumentation. Ce serait un minimum !

M. Jean-Pierre Sueur. On s'en expliquera !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. D'après vous, monsieur Peyronnet, le Premier ministre pratiquerait, d'une manière générale, l'intégrisme décentralisateur. Sur ce point aussi, M. Mauroy a tenu un discours tout à fait contraire, puisqu'il a parlé de déception. En entendant M. Mauroy, j'avais surtout le sentiment d'entendre quelqu'un exprimer un certain dépit. La décentralisation, qui est devenue une grande fille - elle a vingt ans -, convole malheureusement avec d'autres que ceux qu'espérait M. Mauroy. Cela lui procure bien évidemment quelque déception !

Aujourd'hui, la décentralisation, c'est nous qui la faisons. Il est vrai, monsieur Peyronnet, que nous avons été, à droite, un peu contraints, déçus, de vous entendre dire que nous étions les « ralliés » de la décentralisation. Ce n'est ni très gentil ni très juste !

Puisqu'il faut mettre les choses au point, rappelons-les.

En 1969, c'est le général de Gaulle qui, après mille ans de centralisme - le centralisme a commencé avec Hugues Capet (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) -,...

M. Jean-Pierre Sueur. Cela a commencé avec Ramsès II ! (Sourires.)

M. Ivan Renar. Charlemagne !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... a relancé le processus de décentralisation. Il a échoué, mais le parti socialiste et la gauche tout entière y ont contribué pour une bonne part, et Gaston Defferre lui-même a voté contre la décentralisation du général de Gaulle !

M. Adrien Gouteyron. Eh oui ! C'est une belle leçon d'histoire !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. N'oubliez pas le rôle du Sénat !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. En 1982, nos amis - je ne les désavoue pas - ont eux aussi voté contre la décentralisation.

M. Gérard Longuet. Parce qu'elle n'était pas assez ambitieuse ! (Sourires.)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Nous sommes ainsi, nous les Gaulois : nos passions politiques sont plus fortes que nos convictions.

Aujourd'hui, vous n'échappez pas à cette règle. Tout est en ordre. Vous allez voter également contre vos convictions, c'est-à-dire contre notre projet de décentralisation, en essayant d'en réduire la portée. Mais cette portée est tout de même ce qu'elle est. C'est pour cette raison que vous en êtes venus à dire, par exemple, sur le RMI-RMA, que le dispositif n'était pas satisfaisant. Je vous ferai observer que le RMI ne figure pas dans le texte. Bien sûr, il est un élément de l'ensemble du projet du Gouvernement, et nous l'assumons.

Vous avez déclaré, à plusieurs reprises, que la réforme de l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS, aurait des conséquences et que, d'une certaine manière, la loyauté à laquelle nous nous sommes engagés, s'agissant de la compensation, serait une vaine promesse. Nicolas Sarkozy vous a répété hier avec force - et j'espérais que cela avait été entendu, puisqu'il l'a dit avant que n'interviennent tous les orateurs - que le Gouvernement voulait une clause de rendez-vous pour dresser un bilan à l'issue de l'année prochaine, et qu'il en serait tenu compte.

Ce n'est pas seulement un voeu pieu. Il a été dit, à plusieurs reprises, que chat échaudé craint l'eau froide. Toutefois, une garantie constitutionnelle est maintenant prévue (Exclamations sur les travées du groupe socialiste) à peine de nullité.

J'ai été un peu déçu d'entendre, de la part de sénateurs avisés, comme M. Bernard Frimat, que cette garantie constitutionnelle était factice, que nos lois ne prévoyaient pas de mesures financières pour compenser le transfert de compétences envisagé dans la loi portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité ou dans le texte qui vous est soumis.

Vous avez également critiqué le fait que le chiffre était variable : entre 11 et 13 milliards d'euros. Dans le même temps, vous ne tenez pas compte du fait que le dispositif financier que nous mettons en place instaure une véritable garantie, ce qui n'était pas le cas antérieurement.

Tout d'abord, aux termes de la loi organique relative aux lois de finances, les dispositions financières doivent figurer dans la loi de finances, et c'est une bonne chose. Vous avez pu vérifier que, s'agissant du RMI, elles y étaient bien ! Ensuite, le projet de loi prévoit - c'était presque superfétatoire, car c'était une évidence juridique - que si les financements ne sont pas assortis de mesures prévues par la loi de finances, le nouveau dispositif ne pourra pas entrer en application. C'est, là aussi, une vraie garantie qui vous est offerte.

Je comprends que le Sénat soit échaudé par le passé ; cela a été dit sur l'ensemble des travées. Mais il faut quand même se souvenir que la décentralisation de 1982 n'offrait pas toutes les garanties qui se trouvent dans le projet de loi qui vous est soumis : il y en a beaucoup plus !

Je veux simplement les rappeler. Tout d'abord, l'article 72-2 de la Constitution donne une véritable garantie. Certes, on peut dire qu'elle n'est pas suffisante, que l'on verra quelle sera la jurisprudence du Conseil constitutionnel, mais, avant, aucune garantie n'était prévue ! Ensuite, il y a la question de l'évaluation. Il existait une commission d'évaluation qui, dans la pratique, a plutôt déçu. Là aussi, Nicolas Sarkozy vous a assurés hier, offrant ainsi une véritable garantie, que le Gouvernement se ralliera, dans le cadre de la discussion des amendements, au dispositif d'évaluation qui recevra la faveur du Sénat.

On ne peut donc pas être de meilleure foi : c'est vous qui allez déterminer comment sera réalisée l'évaluation.

Nous avons également annoncé - et cela figure déjà pour partie dans le projet de loi de finances - la façon dont seront financées les compétences transférées. Elles le seront par la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, et par la taxe sur les conventions d'assurance, la TCA.

Il y a l'engagement du Gouvernement, la clause de rendez-vous. Nous avons également organisé une concertation, qui, permettez-moi de le dire, était parfois assez virile, avec les destinataires des compétences transférées. Ils veulent, en effet, que les choses soient solidement établies, car ils se méfient. Cette concertation elle-même est un instrument de garantie.

Sur la question de l'année de référence pour l'évaluation des compétences, Nicolas Sarkozy vous a dit que c'est vous qui choisiriez, par voie d'amendements, le système de référence. Car, que l'on retienne la dernière année ou les trois dernières années, on est de toute façon taxés de turpitudes ou, à tout le moins, d'arrière-pensées. Vous choisirez donc l'année de référence. Là encore, je vois difficilement comment le Gouvernement pourrait montrer de meilleure façon sa bonne foi.

Tout cela n'était pas prévu dans les lois de 1982, 1983 et 1985. C'est donc, de ce point de vue, en termes de garanties financières offertes, un véritable progrès.

Je répondrai également à tous les arguments qui on été avancés sur la question de l'intercommunalité.

J'ai entendu en particulier M. Mauroy, mais aussi bien d'autres orateurs, nous expliquer que l'intercommunalité était une vraie déception. Là aussi, très honnêtement, cela me paraît profondément injuste. Permettez-moi de vous rappeler les mesures dont bénéficie l'intercommunalité.

Il s'agit, d'abord, d'un certain nombre de dispositions que M. Mauroy a bien voulu qualifier lui-même de « bienvenues » et qui sont de nature à faciliter le développement des intercommunalités. Ce sont toutes les mesures relatives à la fusion, la transformation des syndicats intercommunaux, les fonds de concours et l'intérêt communautaire. Là encore, le Gouvernement a indiqué qu'il serait ouvert à tous les amendements qui viseraient à faciliter la vie et le développement de l'intercommunalité.

Il s'agit, ensuite, du transfert aux intercommunalités de l'aide à la pierre. M. Jean-Paul Alduy en a fait une juste appréciation en disant que c'était une étape considérable. Ce transfert concerne le logement universitaire, c'est-à-dire le logement social, car le logement universitaire n'est qu'une variante du logement social. Des amendements prévoient également le transfert des crédits de rénovation urbaine aux EPCI. Peuvent leur être attribués, à leur demande, les monuments historiques, les ports et les aéroports, le droit à l'expérimentation, le droit à être chef de file, deux droits qui sont reconnus par la Constitution. Il est donc inexact de dire que la réforme constitutionnelle a ignoré l'intercommunalité.

Tout cela forme un ensemble important, y compris s'agissant de la référence à la commune. A cet égard, je me tourne vers Daniel Hoeffel pour lui dire que, naturellement, le Gouvernement a écouté avec intérêt son discours sur la commune, pilier de l'organisation administrative française et fondement de notre démocratie. C'est au sein de la commune que les Français ont appris la liberté. Le Gouvernement acceptera donc bien volontiers les amendements tendant à marquer ce rôle de la commune.

S'agissant de l'intercommunalité, le seul point de divergence qui subsiste porte sur le suffrage universel. Quand M. Mauroy déclare, ici ou à Cherbourg, qu'il est déçu en ce qui concerne l'intercommunalité, cette déception porte sur le passage au suffrage universel pour l'élection des intercommunalités.

M. Jean-Jacques Hyest. On en a débattu il y a un an et demi !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ce n'est pas sérieux ! Tout d'abord, la gauche elle-même, en 2001, lors de l'examen du projet de loi relatif à la démocratie de proximité en commission mixte paritaire, a renoncé au suffrage universel, et elle a eu raison. En effet - et j'ai déjà eu l'occasion de l'expliquer à M. Mauroy -, pour les communes, les choses ne sont pas mûres : les maires des petites villes auraient le sentiment de perdre leur légitimité démocratique si la communauté de communes était élue au suffrage universel.

J'ai cru comprendre que la gauche voulait bien convenir que, pour les communautés de communes, ce n'était pas opportun. Mais, dit-elle, il reste les communautés d'agglomération et les communautés urbaines : rien ne s'oppose à une élection au suffrage universel. C'est sur ce point que porte le désaccord.

Je voudrais dire pourquoi, à mon sens, nous ne pouvons prévoir cette mesure.

S'agissant des communautés d'agglomération, les choses sont assez simples : il est vrai que l'intercommunalité a connu un élan décisif depuis la loi de 1999, et il est non moins vrai que nous sommes dans un mouvement tout à fait extraordinaire qu'il faut favoriser et qui est très porteur d'avenir.

Cependant, ce mouvement, précisément, est très récent : il a quatre ans. Or près de la moitié des communautés d'agglomération ont un pacte fondateur qui n'est pas proportionnel à leur démographie. C'est le résultat raisonnable d'un compromis politique entre les adhérents d'une même intercommunalité : souvent, la ville-centre a accepté d'avoir des droits de vote moindres que ceux que sa population aurait pu lui donner.

Si nous passons au suffrage universel direct - un homme, une voix -, le pacte fondateur d'origine explose, et ce moins de quatre ans après la fondation de ces organes. C'est une folie ! Par votre impatience, vous conduirez à l'échec les intercommunalités, que tout le monde veut voir réussir. (M. Philippe Richert applaudit.) Faut-il changer la règle du jeu alors que les choses fonctionnent et que, simplement, l'on est impatient ?

Il reste les communautés urbaines, pour lesquelles se pose simplement un problème d'ordre constitutionnel : peut-on faire le choix, parmi les intercommunalités, d'une sous-catégorie d'intercommunalités pour passer au suffrage universel ? J'en doute fortement, monsieur Dreyfus-Schmidt, et vous qui êtes juriste vous devriez vous interroger sur les incidences constitutionnelles d'une telle mesure.

C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas progressé sur cette question. Mais le temps viendra où nous pourrons le faire. Si c'est la seule chose que vous ayez à nous reprocher sur l'intercommunalité, ce n'est pas important.

Enfin, sans prolonger les débats, je souhaite indiquer que, souvent, on n'a pas pris la juste mesure de notre attitude à l'égard des lois de décentralisation de Gaston Defferre, qui sont de bonnes lois, qui ont acclimaté la décentralisation en France et qui ont permis d'aboutir en particulier au projet de loi dont nous débattons aujourd'hui. Nous rendons cette justice à Gaston Defferre et je pense qu'il y a une forme d'élégance de notre part à le dire, après que, effectivement, nos amis politiques ont combattu ces lois de décentralisation. Alors, nous traiter de « ralliés », parce que nous avons cette élégance, c'est en manquer soi-même, permettez-moi de vous le dire. Cette élégance, vous ne l'avez pas à l'égard du général de Gaulle, car vous pourriez reconnaître qu'il a eu raison avant tout le monde.

Malgré l'hommage que je rends volontiers à Gaston Defferre, je tiens à dire que la réforme qu'il a mise en oeuvre est tout de même plus limitée que celle que nous vous proposons aujourd'hui.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Effectivement !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Nous avons d'abord procédé à une révision constitutionnelle, afin d'inscrire la décentralisation dans la durée. Ensuite, nous avons engagé une très large concertation. Gaston Defferre n'a effectué aucune consultation ! Il a peut-être eu raison sur un plan tactique - sans doute était-ce plus facile ! -, mais j'ai observé qu'il a rencontré de nombreuses difficultés pour faire aboutir son texte, y compris au sein de sa propre majorité. En effet, un certain nombre de dispositions qui étaient annoncées, telle la régionalisation de l'université, ont été abandonnées en cours de route, car, parmi ses propres amis, les décentralisateurs n'étaient pas si nombreux que cela.

M. Jean-Pierre Sueur. Les vôtres étaient absents !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Nous, c'est très simple, ils étaient contre, comme vous l'êtes aujourd'hui ! La situation est rigoureusement la même !

M. Jean-Pierre Sueur. Non !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Nos erreurs ne vous servent à rien !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est d'ailleurs normal : les erreurs des uns ne servent jamais aux autres. Nous avons donc eu tort en 1982, vous avez eu tort en 2002 et vous avez tort en 2003. Ainsi va la vie !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'avenir le dira !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. En 1982, il n'y a pas eu de concertation ! On n'a pas eu le temps de se préparer !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Quant à la question de la popularité de la décentralisation, je veux vous rafraîchir la mémoire. Vous nous dites que la décentralisation n'est pas populaire. Je vous concède volontiers qu'elle ne mobilise pas les foules, et qu'elle se déroule souvent dans l'indifférence. Malgré tout, elle constitue un progrès considérable. En 1969, la décentralisation a été rejetée par les Français : ils n'en ont pas voulu !

M. Gérard Longuet. C'est trop compliqué !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. A partir de 1982, pendant dix ans, et même un peu plus, on a entendu dire, à tort, que la décentralisation était synonyme de corruption : qu'elle permettait aux élus de se livrer à tous les débordements. C'était d'autant moins vrai que la décentralisation a permis de mettre en place des instruments de contrôle et d'éradication qui n'existaient pas et de révéler une corruption latente.

Au bout de vingt ans, la corruption a considérablement reculé - je ne suis pas angélique : je ne pense pas qu'elle ait disparu -, malgré l'opprobre dont a fait l'objet la décentralisation à cette époque-là.

Le projet de décentralisation que nous vous présentons aujourd'hui n'encourt pas tous les reproches que l'on a alors entendus. Nous sommes donc plutôt en progrès.

Le dispositif est nécessairement complexe puisqu'il s'agit de décentraliser des compétences alors que la situation est déjà compliquée. L'opinion publique ne comprend même pas comment cela fonctionne aujourd'hui. Elle aurait d'ailleurs bien du mérite ! Je prendrai l'exemple du système de dotations des collectivités locales : je serais curieux de connaître - ne serait-ce que dans cet hémicycle - le nombre de personnes qui savent précisément comment cela marche. Par conséquent, on ne peut pas reprocher aux Français de ne pas s'y retrouver ! C'est la complexité invraisemblable de notre système qui en est la cause. Il faudra nécessairement démêler cet écheveau, dont les fils sont fortement enchevêtrés.

Enfin, je voudrais répondre à tout ce qui a été dit sur l'Etat. M. Dauge, par exemple, a regretté que l'Etat ne soit pas suffisamment mis en valeur par la décentralisation, laquelle doit inévitablement - je suis entièrement d'accord avec lui - s'accompagner d'une réorganisation de l'Etat.

Je préciserai d'abord que la loi de décentralisation n'est pas une loi de déconcentration. La question de la réorganisation de l'Etat et de la déconcentration dépasse le cadre de cette seule loi. Pour autant, le présent texte traite du sujet - vous l'avez sans doute remarqué - au travers du rôle du préfet. La loi constitutionnelle avait clarifié un point - c'était nécessaire ! - en précisant que le préfet est le représentant de tous les ministres. Au niveau de la coordination des administrations centrales, à l'échelon local, ce n'est pas purement formel.

Par ailleurs, la réorganisation des rapports hiérarchiques entre le préfet de département et le préfet de région, qui était voulue par le ministre de l'intérieur, représente également un grand progrès. Du reste, cette réorganisation n'a pas été toujours très facile à mettre au point, mais elle a produit ses effets.

J'ajoute, mais personne n'en a parlé, ce que j'ai trouvé tout à fait extraordinaire, que la loi contiendra un certain nombre de dispositions sur le contrôle de légalité.

M. Jean-Pierre Sueur. Adoptées par ordonnance !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Non ! Par voie d'amendement !

M. Jean-Pierre Sueur. Non, par ordonnance, monsieur le ministre !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Mettez-vous à jour, monsieur le sénateur : la solution avait été effectivement envisagée, vous avez raison, mais elle a été abandonnée car, s'agissant d'une loi pour les élus, elle doit être faite par les élus !

M. Jean-Pierre Sueur. Mais le Gouvernement y était prêt !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Donc, le contrôle de légalité figure dans le texte, ce qui est indispensable.

M. Gérard Longuet. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. Attendez que l'amendement soit adopté !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Nous en sommes arrivés aujourd'hui à une situation de crise, une crise quantitative, du fait de la multiplicité des actes qui, souvent, ne mériteraient pas d'être soumis au contrôle de légalité, une crise qualitative, aussi, du fait de la complexité de certains actes qui exigent de véritables expertises et, finalement, des pôles de compétences très précises.

Je suis bien obligé de dire, tout en reconnaissant d'ailleurs que M. Dauge a fait la part des choses, que personne ici n'a eu le sentiment, depuis que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin est aux responsabilités, que l'Etat était abaissé ou en voie de régression. Je réponds ici en partie au groupe communiste, qui voudrait nous faire croire que la décentralisation est un avatar du libéralisme et un moyen de faire disparaître l'Etat. Pas du tout ! Il suffit, pour s'en convaincre, de considérer ce qu'a accompli, en termes de réorganisation de la sécurité, M. Nicolas Sarkozy sur l'ensemble du territoire.

Par rapport à la situation que nous avons trouvée, si la délinquance a baissé, ce n'est pas par l'opération du Saint-Esprit, ni par des discours, mais bien par une réorganisation profonde de l'Etat et une présence sur le terrain beaucoup plus efficace, avec des moyens certes, en augmentation, mais pas aussi extraordinairement que cela, compte tenu du contexte budgétaire difficile qui est le nôtre. Ce qui a compté,...

M. Gérard Longuet. C'est l'autorité du patron !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... c'est l'ampleur de la réorganisation. Croyez-moi, allez interroger les délinquants, et ils vous diront que l'Etat est de plus en plus présent ! (Très bien ! sur les travées de l'UMP.) Et il le sera davantage encore demain !

En outre, s'agissant de la place de la France sur la scène internationale, le monde entier s'est aperçu que dorénavant la France existe. Non seulement, d'ailleurs, elle existe, mais encore elle est entendue.

Donc, je ne crois pas du tout que la décentralisation, contrairement au mauvais procès que l'on a voulu nous faire, soit l'occasion d'abaisser l'Etat, de le réduire à la portion congrue, et j'ai la conviction, bien au contraire, qu'il s'agit ici de le réhabiliter dans ses missions essentielles.

Dans un rapport récent du ministère de l'intérieur, on peut lire que les préfets doivent présider trois cent cinquante commissions par an ! Or ce n'est pas dans la mission de l'Etat que d'avoir des préfets qui passent leur vie à présider des commissions !

M. Jean-Pierre Sueur. Avec M. Plagniol, cela va sans doute changer !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le devoir de l'Etat, c'est d'être stratège, c'est d'être le gardien de la cohésion sociale. Or, précisément, en inscrivant la péréquation dans la Constitution,...

M. Jean-Pierre Sueur. Mais pas dans le budget pour l'année prochaine !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... nous avons réhabilité le rôle de l'Etat. Par la péréquation, l'Etat est le gardien de l'égalité et de la cohésion nationale.

M. Gérard Delfau. Nous voulons des actes !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. On nous dit : « Nous voulons voir. Nous voulons davantage. » Si vous vous reportez au projet de loi de finances, actuellement examiné par l'Assemblée nationale, vous pouvez constater que pas moins de dix articles amorcent la première étape de l'organisation de la péréquation et des dotations aux collectivités locales.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous en reparlerons !

M. Paul Loridant. Il faut en parler, en effet !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Attendez : vous pouvez être d'accord ou pas, libre à vous, mais ne dites pas que nous n'avons rien fait et que nous avons ignoré le problème. C'est un tout autre débat !

En tout cas, aujourd'hui, la péréquation, nous la faisons ; la réorganisation de l'Etat, nous la faisons, quand la gauche, elle, n'avait rien fait en ces domaines ! En 1982, vous avez ouvert le débat de la décentralisation, mais vous n'avez pas institué de péréquation ! Jean François-Poncet a dit fort justement que c'était même un souvenir pieux.

C'est donc nous qui avons introduit la péréquation dans la Constitution - ce n'est pas rien - et, même si la majorité change, vous la garderez, et vous regretterez de ne pas l'avoir votée. Vous viendrez dire - comme nous quand nous regrettons aujourd'hui de ne pas avoir voté la décentralisation en 1982 - combien vous aurez eu tort de ne pas voter au moins la péréquation. J'en prends le pari, un jour, vous le direz ! Vous devriez en tenir compte dès aujourd'hui et soutenir notre texte ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Gérard Longuet. Ils ne le reconnaîtront jamais !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Bravo ! Il fallait le dire !

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Exception d'irrecevabilité

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales
Question préalable

M. le président. Je suis saisi, par Mme Borvo, M. Renar, Mme Mathon, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 450, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Cette motion est ainsi rédigée :

« En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi relatif aux responsabilités locales (n° 4 - 2003-2004). »

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Ivan Renar, auteur de la motion.

M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, d'emblée, je tiens à vous faire part d'une inquiétude profonde. Quelle est, dès à présent, et quelle sera, à l'avenir, la valeur d'un rappel à la Constitution de notre pays ?

Le démembrement de la République, que vous appelez « décentralisation », monsieur le ministre, et l'accélération de l'intégration européenne proposée par M. Giscard d'Estaing n'auront-ils pas comme conséquence de rendre caducs les principes qui ont fait la force de la République, qui ont forgé son aura dans le monde ?

Ces principes ne s'appellent pas « étatisme », « autoritarisme bureaucratique » et « centralisation ». Ils sont, dois-je le rappeler ?, justice, liberté, égalité et fraternité.

Pourra-t-on affirmer demain la continuité de ces valeurs qui ont vu tant d'hommes s'enthousiasmer, y consacrer leur vie, parfois même la perdre ? Cette espèce de restauration libérale qui est en cours met-elle en danger l'idée même de la République ? Non seulement avec mes amis, mais aussi avec beaucoup d'élus de différents horizons, j'en suis profondément convaincu.

Aussi, l'exception d'irrecevabilité que je défends ne se fonde pas sur les seules dispositions du bloc de constitutionnalité. Elle s'appuie sur l'histoire même de notre démocratie, sur les fondements de notre contrat social.

Cela a déjà été dit lors de la discussion générale : il est temps de cesser de jouer avec les mots. Non, ce texte ne constitue en rien une avancée démocratique au nom de la proximité.

Le Premier ministre ne croyait pas si bien dire lorsqu'il affirmait, ici même, le 29 octobre 2002 : « C'est dans la proximité que doivent s'exprimer les complexités. »

M. Raffarin enfonçait le clou, puisqu'il indiquait : « Je compte sur la Haute Assemblée pour simplifier les textes importants qui ajoutent la complexité à la complexité. »

Le travail de clarification ne va pas manquer, en effet. M. Sarkozy l'a reconnu lui-même devant la commission des lois, même si notre rapporteur, M. Schosteck, a pu, lui, déclarer à la presse que ce projet de loi montrait beaucoup de simplicité et de cohérence.

Il ne s'agit pas d'une simple question de forme. La « République de proximité » constitue un slogan gouvernemental, depuis le discours de politique générale du 3 juillet 2002. C'est dans la proximité que se trouverait l'essence de la démocratie, cette proximité qui, dans une lecture simpliste de la tradition girondine, constituerait une fin en soi pour l'épanouissement de chacun.

La réalité, en fait, est tout autre.

La déstructuration de l'Etat qui est proposée aboutit à une extraordinaire confusion des rôles entre les différents échelons institutionnels, notée par la plupart des observateurs.

Nous allons inévitablement assister à une nouvelle désaffection de nos concitoyens à l'égard de l'action politique, du fait non pas de l'éloignement géographique, mais de la méconnaissance du lieu réel de décision.

Avant, le centre était trop éloigné. Demain, il aura disparu. Il sera partout et nulle part !

Ce projet de loi n'est pas un texte de décentralisation. Il vise à accélérer l'adaptation de notre pays à la poussée libérale. Il tend à faire sauter les verrous posés par deux siècles de progrès social et démocratique.

Votre but, monsieur le ministre, est de déresponsabiliser la collectivité au profit des particularismes.

Quelle est votre potion magique pour briser les solidarités ? La mise en concurrence des territoires ! M. Barrot, président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, ne déclarait-il pas en octobre 2002 : « Les territoires doivent être compétitifs » ?

C'est clair, et la messe est dite ! Ce n'est plus la solidarité, l'unité de la République qui prévalent, c'est la loi du plus fort ou du plus prospère.

Ce projet libéral de décentralisation qui, déjà, n'en porte plus le nom - on parle désormais de « responsabilités locales », - a déjà dû essuyer des vents contraires. La forte mobilisation du printemps dernier a modifié le calendrier initial. Le Gouvernement cependant est persévérant, pour ne pas dire têtu. Dans l'exposé des motifs du projet de loi, il continue d'affirmer que ce texte répond à l'attente des citoyens.

Qui peut ici prétendre que la mise en danger mortel de la commune, inscrite dans le projet de loi, correspond à un souhait populaire ? Qui peut dire que la généralisation des péages et la possible privatisation de nouveaux réseaux correspondent à ce souhait ?

Qui peut affirmer sans rougir que la fin du logement social étudiant, programmée par ce texte, répond aux attentes « d'en bas » ?

Qui peut justifier, au nom des intérêts du peuple, la généralisation de la privatisation de services parascolaires, comme la restauration ?

Qui peut se satisfaire des menaces réelles pesant sur l'unicité du service public ?

Ce projet de loi heurte frontalement la conception républicaine de notre pays. C'est bien entendu le principe d'égalité, noeud gordien de la République, qui est attaqué par ce projet de loi.

M. Jean Gicquel, professeur de droit constitutionnel, écrivait au printemps dernier : « Reste que cet ébranlement de la norme législative, nettement accentué pour l'outre-mer, devra impérativement être canalisé pour les futures lois organiques et que l'ensemble aura aussi à se concilier avec l'article VI de la déclaration de 1789, qui proclame que la loi doit être la même pour tous. »

Monsieur le rapporteur, vous affirmez dans votre rapport que « l'égalité n'est pas l'uniformité ». Assurément !

C'est pourquoi je suis, avec mes amis, un farouche partisant de la spécificité, de la valorisation des différences. Dès 1977, par exemple, les parlementaires communistes déposaient une proposition de loi favorable à un essor du rôle des régions.

Nous sommes toujours aux côtés de l'expression des cultures locales et régionales, en un mot, de la diversité des cultures qui fondent ainsi l'exception culturelle. Nous avons une vision plurielle de la collectivité. Mais nous avons aussi un objectif : l'égalité et la mise en commun des solidarités.

Je refuse catégoriquement cette idée de la concurrence insufflée comme valeur fondamentale de notre société, concurrence qui serait la version moderne de l'esprit de clocher.

Votre projet de loi, monsieur le ministre, ne respecte pas l'article VI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. (M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois, s'exclame.)

Il le contourne, il le dénature, il le vide de son sens.

En premier lieu, votre projet de loi accentue les inégalités entre les collectivités locales elles-mêmes. En bon élève de la méthode Coué, vous répétez que la décentralisation réduit les inégalités entre les territoires. Cela ne suffit pas, car la réalité est tout autre.

La mise en concurrence des territoires voulue et affichée comme telle, aura une conséquence bien prévisible : les régions, les départements, les communautés ou les communes à fort potentiel se détacheront plus encore.

Le projet de loi est traversé de dispositions empreintes de cette rupture du principe d'égalité entre les collectivités. J'en veux pour preuve la santé. Les dispositions du texte qui autorisent la région à financer la politique de santé créeront de toute évidence une disparité entre collectivités territoriales sur ce plan.

Ce qui est vrai pour la santé l'est aussi pour le développement économique. Comment imaginer que l'intervention de la région dans ce domaine réduira les inégalités déjà constatées entre les territoires ?

L'absence de clarification dans le domaine de la péréquation, présentée hier comme la solution cruciale, conforte mon inquiétude. Je reviendrai sur ce point.

L'égalité entre les collectivités locales est mise en cause. Mais, au travers de cette compétition entre institutions locales, c'est surtout l'égalité des citoyens qui est contestée.

La rupture d'égalité est inhérente à l'attaque frontale qu'opère le projet de loi contre la notion même de service public.

De toute évidence, le transfert massif de compétences, le transfert de responsabilités de service public vont entraîner une mise en cause grave du principe du traitement équitable des citoyens sur l'ensemble du territoire.

M. Jean-Pierre Raffarin nous répondrait que les inégalités existaient déjà. Il aurait raison, mais elles étaient déjà contestables. Demain, elles seront légitimées par la décentralisation libérale.

Je considère, avec mes amis du groupe communiste républicain et citoyen, que le projet de loi porte atteinte au concept constitutionnel de « service public », à la notion même de « service public constitutionnel » reconnue par la jurisprudence du Conseil constitutionnel s'appuyant tant sur la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 que sur le préambule de la Constitution de 1946, textes qui font partie intégrante du bloc de constitutionnalité, au même titre que la Constitution de 1958.

Le Conseil constitutionnel, par trois décisions - du 25 juin 1986, du 7 juillet 1986 et du 18 septembre 1988 - a dégagé les notions de « service public exigé par la Constitution » et d'« activité de service public ayant son fondement dans des dispositions de nature constitutionnelle ». Il précise, dans la première décision, que « la nécessité de certains services publics nationaux découle de principes ou de règles de valeur constitutionnelle ».

Cette jurisprudence renvoie à une ancienne mais célèbre décision du Conseil d'Etat, bien connue des étudiants en droit : l'arrêt Heyries, du 28 juin 1918, qui rend l'Etat responsable de la bonne marche des services publics.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Ce n'est pas le bon arrêt !

M. Ivan Renar. Cette jurisprudence historique du Conseil d'Etat fut explicitée par l'un des maîtres du droit public français, Léon Duguit. Ainsi le service public doit être considéré comme : « toute activité dont l'accomplissement doit être assuré, réglé et contrôlé par les gouvernants, parce que l'accomplissement de cette activité est indispensable à la réalisation et au développement de l'interdépendance sociale et qu'elle est de telle nature qu'elle ne peut être réalisée complètement que par l'intervention de la force gouvernementale ».

Lorsque l'on croise la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel avec la jurisprudence, plus commune, du Conseil d'Etat, on perçoit les menaces dont le texte est porteur à l'égard des services publics reconnus comme constitutionnels.

M. Pierre Esplugas, dans son ouvrage préfacé par M. Georges Vedel, est clair : « Les services publics sont nationaux, dans la mesure où ils sont justifiés, notamment par le souci de faire bénéficier chacun des membres de la collectivité nationale des droits créances proclamés par le préambule de 1946. Ils correspondent donc incontestablement à des intérêts nationaux. Les services publics constitutionnels paraissent à ce titre devoir relever de l'Etat. »

Il serait dommage, monsieur le ministre, mes chers collègues, que ces analyses fines soient abandonnées à la critique rongeuse des souris ! (Sourires.)

D'ailleurs, M. Esplugas précise même que « cette solution n'exclut pas toute intervention des collectivités locales dès l'instant où le caractère unitaire de l'Etat français est préservé ».

Nous y voilà, me direz-vous : ce caractère est-il préservé ? Le doute est pour le moins permis. Qui peut nier les visées fédéralistes de M. Raffarin ? Celui-ci s'est même permis d'infliger un camouflet au Conseil d'Etat qui lui faisait remarquer, à demi-mot, le caractère dogmatique de la modification de l'article 1er de la Constitution par l'ajout d'un concept d'« organisation décentralisée de la République » ?

M. Jean-Claude Peyronnet. Vous voyez que j'ai raison !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ce n'est pas le Conseil d'Etat qui fait la loi, tout de même !

M. Ivan Renar. Où en sommes-nous exactement ? Peut-on se fier à un concept tel que celui de la « République unitaire décentralisée », prôné l'an dernier par M. Perben, garde des sceaux ? Faut-il être perdu sur le plan des valeurs pour avancer une formule aussi contradictoire !

La confusion remarquable, et remarquée, entre le droit administratif - « organisation décentralisée de l'Etat » - et l'idéologie - « organisation décentralisée de la République » - ne relève pas du hasard.

Ce dernier concept, dans l'esprit du Gouvernement, autoriserait la mise en cause des services publics nationaux, des services publics constitutionnels, dont on a trop peu parlé, depuis un an.

Les questions de pouvoir entre régions et départements, entre communes et établissements publics de coopération intercommunale, sont importantes, mais elles ne doivent pas masquer ce qui est l'essentiel à nos yeux.

Le texte du 28 mars 2003 vise à créer les conditions d'une mise en cause massive du concept de « service public à la française », concept qui s'oppose, de fait, au « tout-libéral » qui imprègne l'Europe de Maastricht.

Le Gouvernement et la commission me répondront : « Nous ne touchons pas aux prérogatives régaliennes de l'Etat. » Ce vocabulaire est celui d'une conception libérale de l'Etat. La réforme de l'Etat que l'on nous propose, ce n'est pas sa démocratisation, ô combien nécessaire, mais son repli.

Vous vivez encore dans le dogme de la lutte contre l'Etat-providence, et votre but est de revenir à l'Etat-gendarme !

Les compétences régaliennes ne sont pas celles que vous croyez, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur. La Constitution et la jurisprudence du Conseil constitutionnel ont étendu ce concept au-delà de la justice, de la sécurité ou de la politique étrangère.

La souveraineté nationale sera mise en cause si la liberté d'aller et venir est atteinte. C'est le cas avec les transferts de compétences en matière de voirie et la privatisation annoncée de grands réseaux. Ce sont également les services publics constitutionnels, les secteurs de la santé et du logement, la protection sociale, ainsi, bien sûr, que l'éducation.

M. Esplugas, que j'ai déjà cité, l'affirme : « L'intervention du constituant est requise pour supprimer les services publics constitutionnels. Cela nécessiterait des modifications de textes fondateurs de la démocratie constitutionnelle française formés de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 et du préambule de 1946, ce qui semble, sur un plan politique, délicat. Aussi, ces services publics constitutionnels semblent dotés d'une vie quasi éternelle en étant protégés tant des interventions du législateur que de l'autorité administrative. Toutefois, le législateur pourrait contourner l'obstacle constitutionnel, s'il ne se trouvait pas une autorité pour saisir le Conseil constitutionnel de la loi remettant en cause ces services publics. »

M. Raffarin est en difficulté, mais il demeure habile, monsieur le ministre. En avançant le mirage de la démocratie de proximité, il maintient dans l'ombre la casse de services publics essentiels à la cohésion de la nation et à sa souveraineté.

Non content de s'attaquer aux services publics, garants du principe d'égalité, le Gouvernement semble avoir oublié ses engagements inscrits dans la loi du 28 mars 2003 sur la fiscalité locale. Mon ami Paul Loridant développera ce point en défendant la demande de renvoi en commission déposée par notre groupe, à moins que, séduit par une argumentation de la solidité de laquelle je ne doute pas, le Sénat ne confirme l'inconstitutionnalité du texte.

M. Jean-Pierre Fourcade. Oh !

M. Ivan Renar. On peut toujours rêver ! Vous connaissez, monsieur le ministre, ce rêve qui précède l'action ! (Sourires.)

La loi du 28 mars 2003 exige la concomitance des transferts de compétences et des transferts de ressources. La notion de « concomitance » était dans toutes les bouches, il y a un an : elle a disparu aujourd'hui. A mon sens, cette concomitance doit s'apprécier au moment de l'annonce. Comment, en effet, accepter de voter un transfert de compétences si l'annonce chiffrée du transfert de ressources n'est pas livrée simultanément au débat ?

Cela est d'autant plus vrai que le financement de la décentralisation, tel qu'il est prévu par le Gouvernement, est en partie fondé sur un versement aux collectivités locales du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers dont le montant serait défini proportionnellement à l'importance des charges transférées.

Or, on apprend que cette décision est liée à un accord de la Commission de Bruxelles qui ne sera pas délivré avant le printemps. Le mépris à l'égard du Parlement serait-il tel que ses débats sont considérés comme virtuels ?

De même, le principe, organisé dans la loi du 28 mars 2003, de la péréquation, censée garantir l'égalité entre les territoires, n'est pas respecté. Quand celle-ci sera-t-elle votée, et dans quelles conditions ?

Enfin, la place des ressources propres conférées aux collectivités locales pour mettre en oeuvre ce projet de loi est-elle conforme aux intentions constitutionnelles ? Nous ne le pensons pas.

Comment s'étonner - et ce sera ma conclusion - que le Gouvernement demeure dans le flou pour ce qui est des moyens financiers du transfert de responsabilités ? L'objectif réel, affirmé par MM. Raffarin et Lambert à l'automne dernier, est d'utiliser la décentralisation libérale pour faire des économies. Comment ne pas comprendre l'inquiétude des élus locaux de tous bords quand ils constatent le délestage massif dont ils sont les premières victimes, fiscalement et politiquement ? Car c'est à eux que reviendra le privilège d'annoncer à leurs concitoyens la hausse de la fiscalité, la réduction des dépenses publiques, la suppression ou la privatisation des services publics faute de moyens. On va, en quelque sorte, décentraliser l'impopularité !

A une stratégie historique de libéralisation des institutions françaises s'ajoute désormais un objectif immédiat de réduction de la dépense publique. Notre responsabilité est de faire face à cette offensive sans précédent contre des acquis historiques.

Par cette analyse de l'inconstitutionnalité du projet, j'ai souhaité éveiller la vigilance critique de la Haute Assemblée et alerter tout nos collègues élus locaux que les acteurs sociaux et nos concitoyens.

Nous proposons donc au Sénat de voter cette motion pour qu'enfin soient, non pas remises en cause, mais au contraire réhabilitées et promues les trois valeurs fondamentales de la République : la liberté, l'égalité, la fraternité, auxquelles il faut ajouter cette valeur qui est devenue essentielle pour notre société, la justice. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, contre la motion.

M. Jean-Pierre Fourcade. Les propos de M. Renar étaient certes émouvants, mais il y était beaucoup question de 1789 et de 1946. Or nous sommes en 2003 : l'Europe se fait, on discute de la Constitution européenne, et cette espèce de rétroviseur sur le passé me gêne un peu...

J'ai cependant retenu trois points dans l'argumentation de M. Renar, fondée sur des déclarations de juristes, des décisions du Conseil constitutionnel, etc.

M. Ivan Renar. Sur des valeurs !

M. Jean-Pierre Fourcade. Pourquoi s'est-on heurté, lors de la première étape de la décentralisation, à des difficultés ? Première étape que j'appellerai d'ailleurs la deuxième, car, la première étape, c'est moi qui l'ai accomplie en 1975. La dissociation des notions d'emprunt et de subvention a en effet été un élément fondamental de l'autonomie financière des collectivités territoriales.

Quoi qu'il en soit, quelle a été la double erreur de 1982 ?

Première erreur, le principe de la liaison entre le transfert des compétences et l'affectation par l'Etat de ressources aux collectivités était bien inscrit dans la loi de 1982, mais les gouvernements successifs - ne jetons la pierre à personne ! - se sont affranchis de l'obligation de respecter ce principe en faisant voter des textes qui ont modifié la loi de 1982.

Nous, nous avons changé la méthode : nous avons obtenu du Gouvernement, après un long débat, que le principe soit inscrit dans la Constitution de manière à ce qu'aucun gouvernement ne puisse demain faire voter un texte qui remette en cause le lien entre transfert de compétences et transfert de ressources.

La seconde erreur a tenu à la concomitance entre les transferts de responsabilités et les transferts de ressources budgétaires ou fiscales. Les fonctionnaires des différents ministères ont en effet procédé à des évaluations instantanées dans le cadre des fameuses concertations interministérielles arbitrées par le cabinet du Premier ministre, puis, en fonction de ces évaluations, on a accordé une part de la vignette, de la taxe sur les cartes grises ou des droits d'enregistrement aux collectivités locales.

C'est là qu'était l'erreur ! Aujourd'hui, le Gouvernement propose au Parlement, et le changement est d'importance, de définir d'abord par le menu, dans le détail, le domaine d'application des différents transferts aux régions, aux départements, aux communautés d'agglomération ou aux communautés urbaines, et aux communes.

Ce n'est qu'ensuite, une fois que le texte sera définitif, qu'il sera passé dans les deux assemblées, qu'il aura été déféré au Conseil constitutionnel par les soins de l'opposition et que le Conseil constitutionnel aura statué, qu'aura lieu l'évaluation.

L'évaluation sera beaucoup plus sérieuse et beaucoup plus efficace dans ce cadre que dans celui de la loi de 1982. M. Sarkozy hier et M. Devedjian aujourd'hui l'ont affirmé. Il n'y aura dès lors plus de distorsion entre le montant des tranferts et l'évaluation des charges transférées.

Ce sont les deux innovations fondamentales entre l'« acte Defferre » et l'« acte Raffarin ». Elles constituent une double garantie donnée aux collectivités territoriales : d'une part, la garantie constitutionnelle, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, et, d'autre part, la garantie de l'évaluation, à condition, bien entendu, que l'on transforme la commission d'évaluation des charges. Je n'ai pas eu le temps de développer ce point, mais il me paraît en effet évident que l'on ne peut pas laisser cette commission fonctionner selon le mode administratif qu'elle a adopté depuis un certain temps. C'est le premier point.

Deuxième point, vous avez soulevé le problème de la concurrence entre territoires, dont a en effet parlé, vous l'avez rappelé, Jacques Barrot. Mais, cher ami, cette concurrence existe déjà et, si nous avons inscrit dans la Constitution le principe de la péréquation, c'est justement pour prévoir un filet de sécurité.

Jean François-Poncet a décrit les effets de la péréquation à l'échelon des départements. Le comité des finances locales étudie la péréquation au niveau communal. Nous l'avons nous-mêmes étudiée.

Permettez-moi d'ailleurs de vous rappeler après Patrick Devedjian que, lors de la réforme de la DGF et de l'institution d'une DGF pour les régions, pour les communes et pour leurs groupements - les départements en bénéficiaient déjà -, on a mis en place pour chacune d'elles un système de dotation forfaitaire et un système de péréquation.

Dans la loi de finances pour 2004, le système de péréquation sera renforcé, sous le contrôle du comité des finances locales, qui dispose d'un curseur et peut faire varier la partie péréquation et la partie forfaitaire en fonction de la situation de la collectivité, de la conjoncture générale, de l'évolution, des masses salariales, etc.

Par conséquent, dire qu'il n'y a pas de péréquation et que l'on va aggraver la compétition est faux. Au contraire, on essaie d'avoir des territoires compétitifs, mais on garde un filet de sécurité.

Le système n'avait pas mal fonctionné à l'échelon départemental dans le cadre de l'ancienne DGF à travers la dotation de fonctionnement minimale. Le comité a fait un énorme effort depuis quatre ou cinq ans pour réévaluer celle-ci, qui a évolué de 8 ou 10 % par an, alors que la dotation forfaitaire n'évoluait que de 2 %.

Désormais, c'est un principe constitutionnel, et il sera appliqué.

Enfin, troisième et dernier point, monsieur Renar, vous avez mis en cause la notion de service public.

Nous sommes tous attachés au service public. Ce qui me gêne, c'est que vous parliez de service public « à la française ». En effet, le service public « à la française » n'est pas fondé sur la notion, fondamentale en Europe et dans le monde entier, de la continuité du service. L'objectif ne doit pas être la défense des personnes qui participent à l'exercice du service public, mais la protection des usagers, d'où l'importance de premier plan à nos yeux du principe de la continuité des services publics. Je n'ai jamais entendu ce mot de « continuité » dans votre bouche.

M. Ivan Renar. C'est le service minimum !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Non, continu !

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Le service minimum n'existe pas, de toute façon !

M. Jean-Pierre Fourcade. Il y a une conception du service public reconnue par l'ensemble de la corporation des professeurs de droit, par le Conseil d'Etat, etc., mais notre conception du service public, c'est qu'il peut être exercé aussi bien par l'Etat central que par les collectivités territoriales. Je vous trouve d'ailleurs injurieux pour les régions, pour les départements, pour les communes, pour les communautés d'agglomération que vous voulez bien voir « concourir » au service public sous réserve que l'Etat continue à prévaloir. Tout cela, c'est fini, et on se fonde désormais sur deux éléments : l'égalité de tous face au service public que garantit la péréquation tarifaire et la continuité du service public.

Ce n'est pas votre conception, mais c'est la nôtre !

J'ai noté enfin dans votre intervention si bien documentée que vous aviez oublié, d'une part, que le Parlement réuni en Congrès à Versailles avait adopté la réforme constitutionnelle et, par conséquent, que cette affaire était derrière nous, d'autre part, que le texte que nous examinons est un texte d'application de cette réforme constitutionnelle.

Pour toutes ces raisons, je demande au Sénat de ne pas adopter votre motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je ferai deux remarques préliminaires.

La première, c'est que nous avons le droit, nous Sénat, de déclarer un texte qui nous est proposé par le Gouvernement ou par un sénateur comme contraire à la Constitution. En d'autres termes, nous aussi, nous pouvons être juges constitutionnels, au même titre que l'Assemblée nationale, qui cependant pourra, dans la navette, avoir le dernier mot.

M. Jean-Pierre Sueur. Jusque-là, c'est très bien !

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Seconde remarque : on a beaucoup entendu parler ces derniers temps du Conseil d'Etat.

Je voudrais rappeler que le Conseil d'Etat, lui, n'est pas législateur. Au contraire, il est chargé de veiller à ce que la loi soit respectée. Il est donc à notre service, et pas l'inverse. Et, lorsqu'il donne des avis au Gouvernement, il est le conseiller du Gouvernement, pas celui du Parlement.

Par conséquent, le Conseil d'Etat n'a pas tout à fait sa place dans ce débat.

J'ajoute que l'arrêt Heyries n'a rien à voir avec la notion de service public. Eventuellement, on aurait pu en l'espèce citer l'arrêt Bianco, mais pas l'arrêt Heyries.

J'en viens maintenant aux deux principes évoqués par notre collègue Ivan Renar concernant, d'une part, l'égalité et, d'autre part, les services publics.

S'agissant de l'égalité, je suis obligé de dire que vous déformez la définition du principe d'égalité, monsieur Renar.

En effet, le principe d'égalité signifie l'égalité devant la loi. Ce n'est pas l'égalité de la taille, l'égalité devant le climat, ou encore l'égalité des diplômes.

Les régions, les départements, les communes sont égaux devant la loi. Cela ne veut naturellement pas dire que la commune de Marseille a les mêmes pouvoirs qu'une commune de 300 habitants, car, bien qu'étant égales devant la loi, elles sont différentes. L'égalité ne signifie pas gommer les différences.

C'est d'ailleurs pourquoi, dans notre sagesse, lors de la révision constitutionnelle, nous avons justement prévu de faire en sorte que les distorsions liées à la taille et au climat puissent être corrigées par la péréquation.

L'égalité est donc même un peu contournée, puisque l'on va donner un coup de pouce aux plus démunis, non pas en termes d'égalité mais en termes de moyens, car l'égalité n'est absolument pas remise en cause dans ce texte.

A aucun moment, ce principe ne peut donc servir de fondement à un recours constitutionnel.

En ce qui concerne la notion de service public, faut-il rappeler que les services publics constitutionnels n'existent pas ? Il existe des services publics que l'Etat doit organiser, mais, dans la Constitution, rien ne renvoie à l'obligation de créer tel ou tel service public constitutionnel. Cette notion de service public constitutionnel n'existe pas en droit français.

Il y a des services publics que l'Etat doit assumer, mais je rappelle qu'il existe aussi des services publics municipaux, départementaux...

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Les cantines, par exemple !

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. ... départementaux ou régionaux. Il n'est absolument pas porté atteinte au principe du fonctionnement du service public que ce dernier soit géré par l'Etat, par une région, par un département, par une commune, voire par une société privée lorsque celle-ci a la concession.

Le service public ne relève donc pas exclusivement de l'Etat, et l'on peut même dire que, quand l'Etat assume le service public, ce n'est pas toujours fameux ! C'est ainsi que si la SNCF avait continué à assurer le service public de la desserte régionale des transports ferroviaires, eh bien, il n'y aurait plus de transports ferroviaires régionaux. Ce sont maintenant les régions, avec les TER - les transports express régionaux -, qui ont repris cela en main. La SNCF était incapable d'assumer ce service public !

La décentralisation est au contraire le moyen de faire en sorte que l'Etat se recentre sur ses véritables missions, sur ces services publics nationaux que le Conseil constitutionnel l'oblige, c'est vrai, à assurer, la justice, par exemple. Mais laissons aux collectivités locales le soin de gérer ce qu'elles savent gérer mieux que l'Etat. Convenez par exemple que certaines routes départementales sont mieux entretenues que les routes nationales !

Il n'y a absolument aucune base, compte tenu de la révision constitutionnelle qui est intervenue, pour contester la constitutionnalité du présent projet de loi et donc pour adopter la motion.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. J'ai scrupule à intervenir, l'essentiel ayant été dit par MM. Fourcade et Gélard. Quoi qu'il en soit, le Gouvernement s'oppose, bien évidemment, à la motion.

J'ai entendu, monsieur Renar, vos critiques sur la Constitution, mais là n'est pas l'objet du débat. Je conçois que la Constitution ne vous plaise pas, mais notre devoir est de l'appliquer. D'ailleurs, dans ces domaines, la réforme de la Constitution n'a en pratique rien changé. Ainsi, vous avez manifesté la crainte que nous n'allions à la catastrophe pour ce qui est de la voierie, mais je vous rappelle qu'en 1972, sous l'empire donc de la Constitution ancienne formule, ce sont 50 000 kilomètres de route nationale qui ont été décentralisés contre 20 000 aujourd'hui, et le service public n'a pas été pour autant été affaibli.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il a coûté plus cher !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Bien ou pas bien, c'était parfaitement légal.

Par ailleurs, le service public n'est pas nécessairement un service d'Etat. L'exemple des cantines dans nos municipalités le démontre assez !

Enfin, pour répondre à votre objection relative à la concomitance, j'ajouterai un argument. Je vous rappelle que le présent projet de loi ne sera applicable qu'au 1er janvier 2005, et non au 1er janvier 2004. C'est donc dans la loi de finances pour 2005 qu'il nous faudra impérativement prévoir les dispositions financières nécessaires, ce qui nous laisse l'année qui vient pour procéder à une évaluation indiscutable, rénovée et contradictoire, ce qui sera un grand progrès par rapport au passé.

A cet égard, l'article 126 du projet de loi vous apporte une véritable garantie : « Les dispositions de la présente loi sont applicables, sous réserve de l'entrée en vigueur des dispositions relevant de la loi de finances et sauf disposition particulière de la présente loi, à compter du 1er janvier 2005. »

J'espère d'ailleurs, compte tenu de vos observations, que vous voterez cet article ! En tout cas, il y a bien concomitance.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et les décrets en Conseil d'Etat ?

M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour explication de vote.

M. Robert Bret. Ni les interventions de MM. Raffarin et Sarkozy hier ni celle de M. Devedjian aujourd'hui, pas plus que les propos des rapporteurs, ne nous ont éclairés sur les véritables intentions du Gouvernement et de sa majorité.

Comme cela a été rappelé par la presse ces derniers jours, M. le Premier ministre fait de la dissimulation une méthode de gouvernement.

Ainsi déclarait-il dans l'hebdomadaire américain Times du 13 octobre dernier : « Nos élites parisiennes ne se sont pas rendu compte que je décentralisais le pays. Ne le leur dites surtout pas ! Le temps qu'ils s'en aperçoivent et ce sera trop tard pour eux. »

Monsieur le ministre, quel est ce sens que certains ne devraient pas voir ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le sens de l'humour ! (Sourires.)

M. Robert Bret. Ce ne sera pas une réponse satisfaisante pour les élus !

Je confirme la démonstration de mon ami Ivan Renar : la volonté du Gouvernement est de déstructurer la République solidaire en engageant une réduction importante des dépenses publiques par le délestage considérable qu'organise le projet de loi de l'Etat vers les collectivités territoriales.

Il ne doit pas y avoir de tartufferie en la matière.

L'immense majorité des élus locaux savent qu'ils ne pourront pas faire face au transfert massif de compétences que vous engagez et que l'aternative se réduira à la fermeture de services publics ou à leur privatisation.

La conséquence d'un tel choix, c'est l'approfondissement des inégalités entre les territoires et entre les populations.

Il n'est pas dans nos habitudes de citer M. Jean François-Poncet, mais je dois remarquer que la limpidité de son intervention est à la hauteur de son scepticisme : « Ces collectivités attributaires des compétences transférées sont loin de disposer des moyens équivalents. D'où le risque que la décentralisation accroisse les inégalités de développement entre collectivités, l'argent des riches leur permettant de faire pleinement usage de nouveaux pouvoirs, tandis que les collectivités pauvres auront de la peine à les assumer. »

M. Jean François-Poncet rappelait même que « l'Etat veillait à ce que les écarts de richesses entre collectivités territoriales ne menacent pas la cohésion de la communauté nationale ».

Aujourd'hui, monsieur Fourcade, chacun attend le respect des principes - ils sont constitutionnels depuis le 28 mars 2003 - de concomitance entre les transferts de compétences et de ressources, d'une péréquation efficace et de la création de ressources propres à la hauteur des enjeux.

Soyez sincère, monsieur le ministre, ce qui est demandé aujourd'hui au Parlement, c'est de voter les transferts de compétences sans savoir comment ils seront financés. Voilà quelques instants, vous nous avez renvoyés à la loi de finances pour 2005. Il n'y a pas concomitance dans la décision, et c'est un viol de l'article 72-2 de la Constitution, que vous avez pourtant vous-même créé et approuvé !

Hier, M. Raffarin indiquait : « Nous allons débattre ensemble des transferts de compétences : dès que le Parlement les aura votés, fin 2003, début 2004, nous pourrons évaluer leur coût. » Quel aveu ! Il est demandé au Parlement de voter des transferts sans évaluation des coûts. Ce n'est pas sérieux, c'est dangereux pour la cohésion nationale et c'est bien sûr contraire à la Constitution.

Dans la Revue du droit public, un article de M. Doat, maître de conférence à l'université de Bretagne occidentale, montre la portée réelle de cette réforme : « Aujourd'hui, il semble que la réforme (...) marque une véritable rupture dans la manière d'être de l'Etat (...) On est en train de passer d'un mode d'organisation unifiée, hiérarchique, avec des échelons territoriaux bien identifiés, à un système complexe, indéterminé, qui prend la forme d'un rhizome. » Nous connaissons tous cette tige souterraine vivace, qui donne naissance à une tige aérienne.

Selon M. Doat, cette réforme « met en place des mécanismes qui annoncent le passage à une conception nouvelle, une organisation a-centralisée de la France », autrement dit, une organisation éclatée. L'ordre juridique qui s'impose au local devient, par cette réforme, un ensemble extensif et modulable. Il ordonnance non plus le territoire, mais un système de normes, ce qui n'a plus rien à voir avec la décentralisation.

Aussi, chers collègues, je vous invite à voter cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité pour appeler au respect des valeurs de solidarité et d'égalité, qui font la force de notre pays, et pour alerter notre peuple sur la réalité et la gravité des projets du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier, pour explication de vote.

Mme Gisèle Gautier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon moi, le texte que nous examinons aujourd'hui, et qui vise à l'approfondissement du processus de décentralisation de l'Etat, a été soutenu depuis toujours par le groupe de l'Union centriste. Loin d'être en rupture avec la conception actuelle du service public, il en concrétise l'esprit.

Il le concrétise parce que décentraliser, c'est aussi satisfaire de mieux en mieux les besoins des Français.

En effet, un service public de qualité passe d'abord par une plus grande proximité, gage d'une bonne connaissance des besoins et des attentes de la population. Elle permet la mise en oeuvre d'actions adaptées aux usagers, qui sont les principaux bénéficiaires de la décentralisation. Dans cet objectif, le texte apporte un début de rationalisation et de clarification des compétences des différents échelons de collectivités territoriales, tout en élargissant les missions qui leur sont attribuées.

Le groupe de l'Union centriste estime donc que le texte qui nous est soumis aujourd'hui n'est nullement contraire au fondement constitutionnel du service public ni à celui d'égalité. Au contraire, il considère que ces deux notions sont renouvelées et renforcées par le processus de décentralisation, dont ce texte ne marque qu'une étape, de moindre ampleur que celle qui nous avait d'abord été annoncée.

C'est pourquoi mon groupe votera contre cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste. M. Yves Détraigne applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le groupe socialiste votera cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. Si elle n'est pas adoptée, c'est bien sûr le Conseil constitutionnel qui, le moment venu, nous départagera.

Monsieur le ministre, vous avez dit : « Oui, c'est vrai, nous, l'actuelle majorité, nous étions, en 1982, contre la décentralisation, mais il n'est pas décent de nous le rappeler. »

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je n'ai pas dit cela !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous me permettrez de vous dire que c'est la moindre des choses que nous vous le rappelions.

Vous avez ajouté : « A l'époque, nous avons eu tort, mais, aujourd'hui, c'est vous qui avez tort. » Si, finalement, votre texte est adopté en l'état actuel, c'est non pas en l'instant mais dans vingt ans...

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je nous le souhaite !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... que l'on pourra savoir si vous avez raison aujourd'hui, ou si, de nouveau, vous avez tort. Cela devait être dit !

La vérité, c'est que, malgré les arguments avancés par M. Fourcade, qui a des souvenirs sélectifs de l'époque où il était ministre des finances, nous ne sommes nullement rassurés en ce qui concerne la péréquation.

Hier, M. Jean François-Poncet nous a expliqué ce qui pourrait en être pour les départements. S'agissant des communes, nous savons bien que la plus grande inégalité règne. La Constitution ne dispose pas qu'il faut appliquer la péréquation, elle dispose qu'il faut y tendre. Or, dans les textes qui nous sont proposés, nous ne voyons rien qui y tende.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le budget !

M. Jean-Pierre Sueur. Il n'y a rien dans le budget !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Mais si !

M. Jean-Pierre Sueur. On va en parler !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Notre réforme a beaucoup plus d'ampleur que celle de 1982, avez-vous dit. C'est précisément le problème ! A l'époque, les collectivités ont été capables de faire un effort financier supplémentaire pour les lycées et pour les collèges. Mais ce qui était possible dans un cas ne l'est pas dans cinquante. C'est parce que vous généralisez ce qui avait été fait à cette époque que nous sommes en droit de vous dire que, après l'acte I de la décentralisation, l'acte II devrait traiter d'abord de l'égalité entre les contribuables du pays, quelles que soient leur commune ou leur région. Or vous savez bien que tel n'est pas le cas.

Tout à l'heure, vous avez évoqué les départements qui ont le plus augmenté leurs impôts et vous avez bien sûr cité les quatre plus pauvres,...

M. Gérard Delfau. Effectivement !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... c'est-à-dire ceux qui sont contraints d'augmenter le plus l'impôt pour répondre aux obligations que la loi met à leur charge.

M. Eric Doligé. L'APA !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Telles sont quelques-unes des raisons pour lesquelles nous voterons, avec détermination, cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - M. Gérard Delfau applaudit également.)

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 450, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois. (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Plusieurs sénateurs du groupe CRC. Où sont les membres de la majorité ?

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Nous sommes là !

M. le président. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 33 :

Nombre de votants315
Nombre de suffrages exprimés314
Majorité absolue des suffrages158
Pour114
Contre200

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif aux responsabilités locales.

Question préalable

Exception d'irrecevabilité
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales
Demande de renvoi à la commission

M. le président. Je suis saisi, par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, d'une motion n° 346, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif aux responsabilités locales (n° 4, 2003-2004). »

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la décentralisation, ce devrait être la séparation des pouvoirs...

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Non ! Cela n'a rien à voir !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Ça commence mal !

M. Jean-Pierre Sueur. ... de manière que chacun comprenne, dans la République, qui fait quoi, qui est responsable de quoi.

La vérité, c'est que nous passons insensiblement de la séparation des pouvoirs à la confusion des pouvoirs. En effet, il est très difficile de ne pas remarquer, d'abord, que ce projet de loi accroît la complexité, la confusion et l'opacité.

Il y avait déjà les financements croisés, la multiplication des contrats et conventions de toutes natures pour lesquels l'histoire, sous tous ses aspects, porte ses responsabilités. Vous venez d'ajouter l'expérimentation qui va permettre à chaque collectivité, pour une durée de huit ans, de se doter de toutes compétences. Vous ajoutez également pas moins de quarante conventions...

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Voyons, plus !

M. Jean-Pierre Sueur. ... peut-être davantage, qui vont encore compliquer la situation. De plus, l'article 101 du projet de loi permettra à toute institution intercommunale d'exercer toutes compétences de la région et du département.

Au terme de ce processus, il sera vraiment impossible pour les citoyens de s'y retrouver.

Il est vrai que la réalité est complexe. Il est vrai aussi qu'il n'est pas possible d'établir une séparation absolue entre les différents champs de compétences. Est-il pour autant nécessaire d'en arriver à ce degré de complexité ? C'est l'un des arguments que je souhaitais développer à l'appui de cette motion tendant à opposer la question préalable.

Je souhaitais également insister sur l'absence de dessein clair quant à l'avenir de nos collectivités locales. Il est vrai que le département voit ses compétences largement accrues - vous l'avez d'ailleurs dit, monsieur le ministre - et que la région voit elle aussi ses compétences étendues. Mais elle ne connaît sans doute pas le développement qu'elle aurait pu espérer.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ce n'est pas l'avis de certains de vos collègues !

M. Jean-Pierre Sueur. Et surtout, nous n'assistons pas à la mutation tellement nécessaire qui nous permettra, dans l'Europe, de faire entendre la voix de régions et d'intercommunalités fortes.

Il faudrait enfin que les conseils des agglomérations soient élus au suffrage universel, de manière qu'il y ait la démocratie là où il y a des dépenses importantes et des responsabilités lourdes.

Le budget de communautés urbaines comme celles de Lille-Roubaix-Tourcoing ou de Lyon dépasse 2 milliards d'euros. Il est donc plus élevé que celui d'un certain nombre de nos régions. Pourtant, le citoyen reste éloigné de ce niveaux de décision alors que, nous le savons, dans notre Europe, il faut des régions fortes, des agglomérations fortes et légitimées par le suffrage universel.

J'aurais pu soutenir ces deux arguments, mais, monsieur le ministre, après avoir entendu votre discours cet après-midi et celui de M. Sarkozy hier, j'ai choisi de me concentrer sur une seule question : la question financière.

En effet, monsieur le ministre, de ce point de vue, nous ne pouvons pas souscrire à cette décentralisation à l'aveuglette que vous nous proposez.

Nous connaissons les charges qui seront transférées, mais nous ne connaissons pas les ressources, et cela en dépit des déclarations qui ont été faites.

En premier lieu, la réforme constitutionnelle que vous invoquez sans cesse n'est pas de nature à limiter les transferts de charges de l'Etat vers les collectivités territoriales selon le bon vouloir des gouvernements.

L'affaire de l'allocation spécifique de solidarité en est une parfaire illustration. La Constitution tend certes à garantir les collectivités locales contre les transferts de compétences non compensés, mais elle n'empêche pas le Gouvernement d'imposer des charges nouvelles aux collectivités locales, que ce soit par la voie législative ou par la voie réglementaire.

En effet, la réduction de la période de versement de l'ASS n'est pas un transfert de compétences, c'est une évidence. Elle n'est pas plus une création ou une extension de compétences. Dès lors, elle n'est pas protégée par le juge constitutionnel. Pourtant, elle conduit très concrètement à alourdir les charges des départements par l'augmentation mécanique du nombre de RMIstes qu'elle va engendrer.

Je prendrai également l'exemple des transports en commun. Dans le projet de loi de finances pour 2004, vous proposez - et c'est très grave - de retirer les crédits destinés aux projets de transports en commun en site propre. Les agglomérations concernées vont avoir de très graves problèmes financiers. Il n'existe donc pas de garantie, chacun en conviendra !

En second lieu, pour ce qui est de la fiscalité, vous évoquez la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Je vous fait tout d'abord observer que les départements ne pourront pas se prémunir contre les évolutions négatives de la TIPP, car la fraction qui leur est attribuée par l'article 40 de la loi de finances est fixe, ce qui est en totale contradiction, vous en conviendrez, avec les excellents propos de notre excellent président M. Christian Poncelet, qui a déclaré : « Transférer le produit d'un impôt sans qu'il soit possible d'en moduler le taux équivaudrait à l'octroi d'une dotation. » Or, c'est exactement ce qui se passe. (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Par ailleurs, la question de la TIPP est conditionnée à l'accord de Bruxelles. Or, M. Sarkozy ne nous a pas dit, et vous non plus, monsieur le ministre, où en sont les discussions avec les autorités européennes à ce sujet.

Comme nous ne le savons pas, nous considérons qu'il y a un manque d'information considérable sur l'un des moyens de financement que vous invoquez et qui, aujourd'hui, est encore largement aléatoire.

M. Sarkozy nous a annoncé ensuite, de manière quelque peu triomphante, le transfert d'une partie du produit de la TIPP aux régions. Je voudrais vous poser une question très simple à ce propos, monsieur le ministre, et les élus locaux seront très sensibles à votre réponse : quelle partie ?

Que signifie : « une partie de la taxe intérieure sur les produits pétroliers » dont les régions vont pouvoir moduler le taux ? 5 % c'est une partie, 40 % aussi et 80 % également.

Nous avons déjà eu de grands débats sur la notion de « part déterminante » des recettes fiscales et des autres ressources propres des collectivités locales, qui devait permettre d'assurer leur autonomie financière.

Certes, le qualificatif « déterminant » est inscrit dans la Constitution, mais nous avons toujours dit que cela ne signifiait rien, et nous aurons l'occasion d'en reparler.

Concernant la part de TIPP, monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner des engagements ? Pouvez-vous nous dire s'il s'agira d'au moins la moitié, d'au moins les deux tiers ou d'au moins les trois quarts de cette taxe, pour que nous sachions ce que cela veut dire ?

Mes chers collègues, il serait très léger de délibérer sur ce texte si nous n'obtenions pas de réponse à cette question simple.

Je poursuis avec la taxe sur les conventions d'assurances dont vont bénéficier les départements.

D'abord, j'observe que le transfert du produit de cette taxe ne s'accompagnerait pas d'une liberté totale de vote des taux, puisque ceux-ci seront encadrés par la loi, ce qui est contraire, une fois encore, aux déclarations de notre président, M. Poncelet ; je tiens à attirer à nouveau votre attention sur ce point.

Mais, surtout, je relève que M. Nicolas Sarkozy a déclaré hier : « Le Gouvernement va donner une preuve supplémentaire de sa bonne volonté en transférant aux départements une partie de la taxe sur les conventions d'assurances. »

Je vous demande donc, monsieur le ministre,...

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Quelle partie ?

M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez compris ! Je vois que vous êtes un excellent élève. Je me permets, disais-je, de vous poser cette question :...

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Pas trop difficile !

M. Jean-Pierre Sueur. A combien évaluez-vous cette partie ? S'agit-il de 5 %, 20 % ou 50 % ?

Vous comprenez bien que, même si nous formulons ces interrogations avec le sourire, c'est néanmoins un point qui intéresse assurément l'ensemble des élus locaux de ce pays. Nous attendons donc vos réponses avec impatience, monsieur le ministre.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. La réponse est facile !

M. Jean-Pierre Sueur. Enfin, je veux aborder la question de la péréquation, parce que l'on nous fait fort sonner que, désormais, la péréquation figure dans la Constitution.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est une bonne chose !

M. Jean-Pierre Sueur. C'est une bonne chose, il est vrai.

Mais il n'est pas possible, monsieur le ministre, mes chers collègues, d'accepter de nouveaux transferts de charges importants sans progrès de la péréquation.

Je ne prendrai qu'un exemple à l'appui de mon propos. Tout à l'heure, M. Alduy évoquait la question des hôpitaux. Les régions vont pouvoir, si elles le souhaitent, investir dans le domaine hospitalier. Mais lorsque l'on aborde le sujet avec les représentants des régions, ils soulèvent immédiatement l'objection suivante : si les régions qui en ont la possibilité financière seront sans doute très heureuses d'investir dans le domaine hospitalier, les régions qui n'ont pas les moyens financiers suffisants ne pourront pas le faire sans qu'il soit procédé à une autre distribution des ressources, donc à une péréquation.

Cet exemple peut être reproduit à de multiples exemplaires si l'on considère l'ensemble des compétences que vous proposez de transférer.

Au moment où vous dites « péréquation, péréquation ! », nous, nous considérons ce que vous faites, puisque vous avez le privilège de présenter le projet de loi de finances pour 2004.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Ce n'est pas à l'ordre du jour !

M. Jean-Pierre Sueur. C'est tout à fait l'ordre du jour, monsieur Gélard !

Ainsi, en lisant le projet de loi de finances pour 2004, on s'aperçoit que l'ensemble des ressources des collectivités locales provenant de l'Etat diminue de 0,3 % en volume. Ainsi, au moment où vous parlez de péréquation, vous donnez moins aux collectivités locales dans leur ensemble.

Mais, me répondrez-vous, c'est là une vision globale ; c'est la répartition qu'il faut examiner. Précisément, vous avez eu l'occasion de dire que vous aviez choisi d'affecter à la dotation de solidarité urbaine et à la dotation de solidarité rurale, la DSU et la DSR, donc à deux dotations de péréquation, l'ensemble de la régulation de la DGF pour cette année.

Je vous ferai remarquer que c'est contraire à la loi, en particulier aux articles L. 1613-2 et L. 2334-1 du code général des collectivités territoriales. Mais ne nous arrêtons pas à cela.

Dans le même temps, monsieur le ministre, pour l'année 2004, alors que vous affectez 45 millions d'euros de la régulation de la DGF à la DSU et à la DSR, l'Etat réduit ses abondements à la DSU et à la DSR de 47,5% par rapport à l'année dernière.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'était un abondement !

M. Jean-Pierre Sueur. Je vous livre les chiffres : si les abondements de l'Etat à la DSU et à la DSR s'élevaient à 68,5 millions d'euros en 2003, ils ne sont plus que de 36 millions d'euros en 2004, soit une baisse de 47,5 %.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je le répète, c'était un abondement !

M. Jean-Pierre Sueur. Autrement dit, ce que vous donnez d'une main, vous le reprenez très largement de l'autre, et il y a moins de péréquation que l'année dernière.

Vous nous dites : qu'à cela ne tienne ! Nous lançons une puissante réforme de la DGF, au terme de laquelle il y aura une dotation forfaitaire et une dotation de péréquation. Il y aura donc de la péréquation.

Mais, en examinant cette DGF « nouvelle formule », je constate que vous aviez une opportunité à saisir puisque, cette année, la hausse de la DGF des EPCI est moindre que les années précédentes : elle était de 22 % en 2002, elle n'est plus que de 10,44 % en 2003. Vous auriez pu en profiter pour augmenter les dotations de la DSU et de la DSR. Or vous les diminuez.

Avec ce nouveau dispositif, vous intégrez dans la DGF, par exemple, la compensation de la part salaire de la taxe professionnelle. A y regarder de près, on s'aperçoit que cela sera très défavorable aux zones urbaines, au profit de la masse, et que ce sera très défavorable aux zones urbaines qui comptent des quartiers en difficulté et qui doivent payer le prix de la politique de la ville.

Or, vous savez qu'en dépit de la loi de M. Borloo nous nous retrouvons avec un budget de la ville en diminution de 8 % et avec un budget du logement qui est, lui aussi, en diminution. Dans ces conditions, comment va-t-on faire pour trouver les moyens financiers nécessaires à la mise en oeuvre de cette politique de la ville et des quartiers ? En effet, je pense vous avoir démontré que, en réalité, il n'y a pas de péréquation. Aujourd'hui, disons la vérité, la péréquation ne représente guère plus de 5 % à 6 % de la masse de la DGF. C'est notoirement insuffisant.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Vous avez raison ! Mais il y a ceux qui veulent que ça change.

M. Jean-Pierre Sueur. On peut faire le procès du passé, on peut le faire longuement et de tous les côtés.

En tout cas, au moment où vous proposez ces importants transferts de charges, il n'est pas possible d'avoir un discours aussi léger, aussi court, aussi creux que celui que vous tenez sur la fiscalité locale et sur la péréquation.

Puisque j'ai souvent cité M. le président du Sénat, je conclurai en rappelant ce propos récent de M. Poncelet : « La décentralisation doit s'effectuer sur des bases financières saines, sûres, sereines. »

Eh bien, monsieur le ministre, les bases sur lesquelles repose votre projet de loi ne sont ni saines, ni sûres, ni sereines. C'est pourquoi nous vous proposons, mes chers collègues, de voter la motion opposant la question préalable que nous soumettons à vos suffrages. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Y a-t-il un orateur contre la motion ?...

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission des lois est évidemment contre cette motion, qui repose sur des arguments financiers pour le moins spécieux. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Il est tout d'abord reproché au Gouvernement de ne pas communiquer d'éléments précis sur les ressources qui seront transférées aux collectivités territoriales.

Il faut tout de même rappeler que l'impossibilité de prévoir les modalités de la compensation financière des transferts de compétences aux collectivités dans le texte même opérant ces transferts résulte de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, qui, je le rappelle pour les esprits distraits, a été votée sous la précédente législature. Ce n'est donc pas ce gouvernement qui a imposé ces règles.

Le Gouvernement, par ailleurs - mais il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre -, a donné tout de même des informations relativement précises sur les ressources financières qui seront transférées aux collectivités : une part modulable du produit de la TIPP aux régions, une part non modulable du produit de cette taxe et la taxe sur les conventions d'assurance aux départements.

M. Jean-Pierre Sueur. Une partie ! J'ai demandé ce que cela signifiait.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Les indications ont été fournies alors même que le Gouvernement n'avait pas à les donner dans ce texte.

M. Jean-Pierre Sueur. Je n'ai pas eu le temps de les enregistrer.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. C'est bien ce que je dis !

Il semble donc logique d'attendre que le Parlement ait déterminé l'étendue des transferts de compétences avant de procéder à l'évaluation précise de la compensation financière.

M. François Marc. La facture !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Nous avons eu une discussion très intéressante en commission - vous vous en souvenez, mes chers collègues - sur le calendrier d'une décision d'achat d'un véhicule particulier. Il nous a semblé qu'il fallait d'abord se mettre d'accord sur l'objet concerné avant de se soucier de savoir comment il devait être financé.

Mais oui, il y a des règles constitutionnelles ! On a l'air de considérer que la Constitution, ce n'est rien. Pour nous, ces règles qui sont désormais inscrites dans la Constitution sont intangibles. Elles sont gravées dans le marbre.

On nous rebat les oreilles avec la précédente décentralisation. Mais je n'ai pas le souvenir qu'on ait inscrit alors dans la Constitution les règles précises qui déterminent l'obligation de transférer les ressources correspondantes à tout transfert de charges.

Puisqu'on évoque la décentralisation de 1982, j'en profite pour répondre à ceux qui se plaignent en disant que, lors des premières lois de décentralisation, il n'y a pas eu les problèmes que l'on constate aujourd'hui. Par ailleurs, on nous reprochait tout à l'heure, à nous élus de la majorité d'aujourd'hui, de nous être ralliés à l'idée de décentralisation. Mais la décentralisation de 1982 n'a pas été préparée dans les mêmes conditions que celle-ci. Vous semblez oublier qu'elle a été décrétée sans donner lieu à une concertation préalable, laquelle cette fois-ci a duré un année.

M. Jean-Pierre Sueur. Elle a été votée par le Parlement ! Le vote du Parlement donne naissance à une loi et non à un décret !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Nous n'avons donc pas eu le temps, à l'époque, d'être convaincus par les arguments du Gouvernement. Cette fois-ci, il a pris le temps de la discussion, et je regrette que vous n'ayez pas pris tout ce temps pour écouter ce qui se disait.

M. Jean-Pierre Sueur. On a beaucoup discuté en 1982, comme en 1983, en 1984 et en 1992 !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Vous dites que les moyens consacrés par l'Etat aux compétences transférées sont insuffisants. C'est évident, tout le monde le sait, mais ce que nous pensons profondément, c'est qu'avec les mêmes moyens, même insuffisants, les collectivités locales feront mieux que l'Etat.

Par conséquent, si elles souhaitent faire davantage - c'est là que réside la grandeur de l'exercice des mandats locaux -, elles le décideront librement. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Enfin, dernier point de ma réponse, les collectivités territoriales doivent disposer de ressources fiscales. Je vous invite, encore une fois, à l'introspection et à la modestie, si vous me le permettez, car les recettes fiscales des collectivités territoriales ont été amputées de 15 milliards d'euros sous la précédente législature.

M. Eric Doligé. Oh la la ! ce n'est pas possible ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Il ne faudrait donc tout de même pas l'oublier !

Pour mettre fin à ces errements, la révision constitutionnelle du 28 mars dernier a prévu que les ressources propres des collectivités territoriales devaient représenter une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources.

M. Jean-Pierre Sueur. Cela veut dire quoi ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Par ailleurs, on ne peut pas feindre non plus d'ignorer que le conseil des ministres a examiné, le 21 octobre dernier, un projet de loi organique garantissant aux collectivités territoriales que le niveau d'autonomie fiscale atteint en 2003 constituera un plancher. Ce texte sera probablement adopté avant même que le Parlement n'achève la discussion du présent projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je ferai d'abord observer que les arguments du M. Sueur portent, pour l'essentiel, sur le projet de loi de finances et nullement sur ce qui fait l'objet de notre débat...

M. Jean-Pierre Sueur. Mais si !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il me paraît assez singulier de vouloir faire voter une motion tendant à opposer la question préalable à partir d'un texte de loi qui n'est pas en discussion.

M. Paul Loridant. C'est de la prospective !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Cela étant, j'en viens au fond de votre propos.

Monsieur le sénateur, votre introduction sur la séparation des pouvoirs était tout à fait surréaliste. La France n'a jamais vécu dans la séparation des pouvoirs, jamais au grand jamais, et le projet de loi relatif aux responsabilités locales ne vise pas cet objet. On pourrait idéalement imaginer qu'elle fasse l'objet d'une réforme constitutionnelle mais elle n'a jamais existé et n'existera jamais.

Franchement, j'ai eu l'impression d'être au cinéma car ce que vous décrivez n'a absolument rien à voir avec la réalité constitutionnelle de notre pays. Depuis la Révolution, la France n'a jamais connu la séparation verticale des pouvoirs.

Ensuite, vous avez dit, monsieur Sueur, que le système était opaque, complexe et qu'il le serait encore plus avec ce texte.

M. Jean-Pierre Sueur. C'est vrai !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Non, je ne le crois pas !

Vous avez poursuivi en soulignant que l'expérimentation augmentait l'opacité du texte. Je vous rappellerai que l'expérimentation a été initiée pour le secteur ferroviaire en 1996 et que le gouvernement Jospin, l'ayant estimée bonne, l'a généralisée. Par la suite, dans la loi sur la démocratie de proximité de M. Vaillant, votée en 2001, l'expérimentation a été prévue dans trois domaines.

M. Jean-Pierre Sueur. C'était dans des conditions différentes !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Oui, sans aucun encadrement !

Votre discours récurrent sur le fait que l'expérimentation pourrait porter atteinte à l'égalité trouve sa meilleure illustration dans la loi sur la démocratie de proximité, qui ne prévoit aucun encadrement à l'expérimentation de la loi.

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas vrai !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il ne suffit pas de dire que ce n'est pas vrai ; si l'on se reporte au texte, on est bien obligé de constater que c'est évident.

Ensuite, vous avez stigmatisé l'appel à compétences prévu à l'article 101 du projet de loi en disant que les conventions allaient en quelque sorte créer l'obscurité.

Il est tout de même très singulier d'être ainsi contre la liberté contractuelle, qui est le fondement d'une société de liberté. Pour ma part, je préfère le contrat au coup de sifflet !

M. Jean-Pierre Sueur. Moi aussi !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Alors, ne condamnez pas le fait que les collectivités locales puissent passer des contrats entre elles. D'ailleurs, fort heureusement, elles le font d'ores et déjà de manière très fréquente : c'est même toute la souplesse que l'on peut avoir dans une gestion administrative par ailleurs trop rigide.

Nous permettons donc, par l'appel à compétences, l'application du principe de subsidiarité qui figure dans la Constitution en faisant en sorte que des compétences puissent effectivement être déléguées.

M. Jean-Pierre Sueur. Par toute collectivité et à toute collectivité ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Par toute collectivité - y compris les EPCI, que vous trouvez mal lotis - sous son contrôle, dans le cadre conventionnel, et sans qu'il soit porté atteinte au fait qu'elle conserve la compétence visée, car ce qui est délégué peut naturellement être repris à l'issue de la convention ou si celle-ci n'est pas respectée.

Il n'y a donc là aucune source d'opacité. C'est au contraire une forme de gestion normale dans une société de liberté.

Vous-même, j'en suis sûr, préférez le contrat au règlement.

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. S'agissant du contrat, c'est M. Hoeffel qui a énoncé l'argument le plus fort, et j'avoue que je n'y avais pas songé avant. De manière extrêmement judicieuse, il a en effet expliqué, dans son intervention, que le contrat constituait la meilleure garantie contre la tutelle.

J'ai entendu, de-ci de-là, surtout chez vos amis, certains exprimer des craintes de tutelle. Eh bien, à ceux-là je réponds que le contrat, qui définit le périmètre juridique de chacun, est une vraie garantie...

M. Jean-Pierre Sueur. Le contrat n'est pas l'embrouillamini !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... et le Gouvernement fait sien cet excellent argument de M. Hoeffel.

M. Eric Doligé. Très bien !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je reviens sur la question du suffrage universel pour les EPCI, à propos de laquelle j'avais cru donner tout à l'heure quelques explications, mais vous n'y avez pas répondu. Vous vous êtes borné à regretter à nouveau l'absence de vote au suffrage universel.

M. Jean-Pierre Sueur. C'est ma position !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est votre droit le plus triste.

M. Jean-Pierre Sueur. Le plus strict ! (Sourires.)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le plus strict mais aussi le plus triste (Nouveaux sourires) parce que vous vous contentez de répéter sans argumenter. Or un débat n'a d'intérêt et ne peut progresser que si chacun avance des arguments auxquels l'autre peut répondre. Pour ma part, j'avais apporté quelques arguments. Vous pouviez les combattre, mais vous ne l'avez pas fait.

M. Jean-Pierre Sueur. Je vais le faire !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. En ce qui concerne l'ASS, vous nous condamnez à vous répéter ce que nous avons déjà dit. Nicolas Sarkozy vous a expliqué qu'une clause de rendez-vous permettrait de prendre en compte ce qui aura été observé.

Je conviens volontiers que la modification du dispositif aura sans doute des effets sur le nombre de RMIstes. Mais, ces effets, je vous le dis en toute honnêteté, je suis incapable de les mesurer. Si vous, vous en êtes capable, c'est que vous êtes très fort, que vous lisez dans le marc de café !

M. Jean-Pierre Sueur. Je n'ai jamais dit cela !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Comme le Gouvernement ne lit pas dans le marc de café, il vous déclare qu'une clause de rendez-vous permettra de faire les comptes. Il prendra en charge ce qui devra être pris en charge. On ne peut pas être plus loyal !

M. Paul Loridant. Paroles verbales !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Vous demandez par ailleurs quelle partie de la TIPP sera transférée. J'ai envie de vous faire la réponse de l'adjudant à propos du temps de recul du canon.

M. Gérard Longuet. Du temps de refroidissement !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. M. Longuet est un artilleur...

M. Gérard Longuet. Un artilleur de Metz ! (Sourires.)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... et il sait donc que le temps de refroidissement du canon, c'est un certain temps ! Eh bien, pour la part de la TIPP qui sera transférée, c'est la même chose ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Donc, il n'y a pas de réponse ! On est dans le flou le plus total !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Permettez que je vous explique ! Je vais vous mettre les points sur les « i », mais j'avais imaginé qu'avec votre esprit subtil vous aviez trouvé l'explication tout seul !

La part de TIPP qui sera employée à financer les compétences transférées sera celle qui, précisément, permet de les financer. C'est évident ! Pour les régions, on va évaluer quel est le montant correspondant aux compétences transférées. Dès lors qu'on aura ce chiffre, on leur donnera, à due concurrence, le pourcentage de la recette produite par la TIPP - 24 milliards à 25 milliards d'euros -, nécessaire au financement de ces compétences. C'est aussi simple que cela !

M. Jean-Pierre Sueur. La part de l'Etat, ce sera le reste. Elle sera aléatoire !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Bien sûr, la part de l'Etat sera résiduelle et la part des régions sera la part nécessaire au financement des compétences transférées, conformément à la loi.

M. Jean-Pierre Sueur. Même chose pour l'assurance ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Oui, naturellement !

Les transferts de fiscalité étant destinés à financer les transferts de compétences, ils ont lieu à due concurrence du coût de ces derniers. Cela suppose de procéder à l'évaluation et dans des conditions de loyauté offrant toutes les garanties.

M. Jean-Pierre Sueur. Sous quelle autorité ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur Sueur, je sais bien que la répétition est la source de la pédagogie - tous les enseignants s'accordent pour le dire - mais je croyais que cela concernait plutôt les enfants et que je n'aurais donc pas à en faire ici un tel usage ! (Sourires.)

Cela étant, je répète bien volontiers que l'évaluation du coût des transferts sera faite dans les conditions que le Sénat, saisi en premier lieu, puis le Parlement dans son ensemble voudront bien fixer. On ne peut être de meilleure foi !

J'en viens maintenant au point qui ne fait pas l'objet de notre débat, ni, en principe, de votre question préalable, à savoir la péréquation, dont vous dites qu'elle diminue cette année.

M. Jean-Pierre Sueur. C'est vrai !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. En vérité, pour 2003, elle a augmenté de 3 %.

M. Jean-Pierre Sueur. Qu'est-ce qui a augmenté de 3 % ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. La DSU a augmenté de 3 %. Pour l'an prochain, elle augmentera de 1,5 %. Je vous le concède, c'est moins qu'en 2003, mais c'est tout de même trois fois le taux de croissance.

M. Jean-Pierre Sueur. Vous parlez en valeur nominale ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Mais je viens de vous le dire, monsieur Sueur : la croissance est de 0,5 % et la DSU augmente de 1,5 %. L'effort est tout de même très net compte tenu de la considérable dégradation de la situation économique par rapport à l'année dernière.

En tout état de cause, le débat quantitatif est au faux débat. La péréquation est globalement assez ridicule dans son montant.

Toutefois, nous, nous ne nous contentons pas de le déplorer ; nous nous donnons les moyens de changer cela dès la loi de finances pour 2004. Bien sûr, nous ne sommes pas au bout du processus, mais nous agissons ! Nous avons réformé la Constitution, nous commençons à en tirer les conséquences dans la loi de finances et nous finaliserons l'année prochaine.

La question est aussi de savoir à qui la péréquation est destinée. Il y a des collectivités qui bénéficient de la péréquation alors que d'autres mériteraient d'en bénéficier davantage. On peut donc parfaitement reprendre la péréquation dans le sens d'une plus grande équité, au profit de ceux dont la situation s'est dégradée depuis vingt ans tandis que d'autres ont connu une évolution plus favorable.

Enfin, je veux répondre à M. Dreyfus-Schmidt, qui n'est malheureusement plus là ; mais je suis sûr qu'il lira ma réponse dans le Journal officiel, car je le sais consciencieux.

J'ai évoqué les quatre départements qui avaient augmenté leurs impôts de la manière la plus importante, notamment le Gers, cher à mon coeur, qui a établi un record avec 21 %. La gauche n'a cessé de dire que c'était la décentralisation qui faisait augmenter les impôts locaux. Ce n'est évidemment pas vrai puisqu'il n'y a pas un centime de décentralisé à ce jour. On sait parfaitement - Jean-Pierre Schosteck en a parlé - pour quelles raisons la fiscalité locale a augmenté.

Puisque M. Glavany a déclaré qu'il fallait réhabiliter l'impôt, j'ai voulu lui rendre hommage en disant que la gauche tenait ses engagements et qu'elle réhabilitait effectivement l'impôt en détenant le record à cet égard.

M. Eric Doligé. Très bien !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Tout à l'heure, M. Dreyfus-Schmidt a affirmé que les quatre départements cités pour avoir le plus augmenté l'impôt étaient en fait les départements les plus pauvres.

M. Bernard Frimat. C'est M. Domeizel qui l'a affirmé !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Que ce soit M. Dreyfus-Schmidt ou M. Domeizel, ce n'est pas vrai.

M. Jean-Claude Peyronnet. Il faut aussi prendre en compte les années précédentes !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Bien sûr, je conviens que ce sont des départements pauvres, mais ce ne sont pas les plus pauvres.

C'est la Lozère qui est le département le plus pauvre de France. Or elle ne figure pas dans ce triste palmarès.

M. Jean-Claude Peyronnet. Le plus pauvre, c'est la Creuse !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je regrette, mais la direction générale des collectivités locales prend en compte le potentiel fiscal et, selon ce critère parfaitement objectif, c'est la Lozère qui est le département le plus pauvre de France.

La Creuse est le deuxième et, elle, figure parmi les quatre départements qui ont le plus augmenté leur fiscalité. Vient ensuite le Cantal, qui n'y figure pas. Le Gers, quatrième département le plus pauvre, s'y trouve. Le cinquième, l'Aveyron - hommage en soit rendu à Jean Puech -, n'y est pas. Le sixième, le Lot, n'y est pas non plus. Le septième, la Haute-Corse, y est. Le huitième, les Hautes-Alpes, n'y est pas !

Voilà ce qui ressort des chiffres du ministère de l'intérieur. (M. Jean-Claude Peyronnet brandit un document.) Monsieur le sénateur, ce rapport fait apparaître un classement établi après pondération. M. Jean François-Poncet nous a expliqué hier soir, et de manière fort intéressante d'ailleurs, quels critères devraient être pris en compte dans la péréquation. Moi, je vous parle de la pauvreté au regard de la ressource fiscale stricto sensu et du classement - toujours le même, hélas ! - de nos collectivités départementales sous cet aspect.

Autrement dit, un département peut être pauvre et ne pas pressurer sa population pour autant. Il est vrai que, lorsqu'on préfère réhabiliter l'impôt plutôt que le travail, cela produit des effets pervers ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste. - M. le rapporteur applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des lois.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Je voudrais simplement faire deux remarques très brèves.

Premièrement, nous examinons un projet de loi relatif aux collectivités locales et non pas un projet de loi de finances bis. Par conséquent, nous ne pouvons pas tenir compte de certaines propositions fort intéressantes qui ont été formulées parce qu'elles relèvent strictement de la loi de finances. C'et donc lors de l'examen d'un prochain projet de loi de finances que nous pourrons étudier en détail ces propositions.

M. Paul Loridant. Manque de sagesse !

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Deuxièmement, je ne vois pas comment le Sénat, après la révision constitutionnelle qui a prévu qu'il serait saisi en premier des textes concernant les collectivités locales, pourrait décider de se laver les mains, d'abandonner cette prérogative et de laisser aux députés le soin d'examiner le contenu de ce texte. Ce serait manquer complètement à notre mission sénatoriale.

Ne serait-ce que pour ces deux raisons, monsieur Sueur, nous ne pouvons pas vous suivre.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Peyronnet. Je n'avais pas l'intention d'intervenir, mais un certain nombre d'affirmations m'amènent à le faire.

Sur la question de l'augmentation de la fiscalité départementale, il n'est tout de même pas très honnête de nous dire - au demeurant, ce n'est pas la première fois que nous entendons cet argument - que ce sont quatre départements dirigés par des socialistes qui ont le plus augmenté leurs impôts.

C'est vrai pour cette année. Mais regardez ce qui s'est passé l'année dernière ! Certains ont anticipé !

M. Josselin de Rohan. Oui, le Finistère !

M. Jean-Claude Peyronnet. Demandez à M. Jean François-Poncet ! Voyez la Savoie !

L'honnêteté voudrait que l'on compte sur deux ans, voire sur trois ans. Je ne sais pas ce que fera la Lozère l'année prochaine ou dans deux ans, mais certains ont différé, préférant passer le cap par l'emprunt.

Il ne sert à rien de se lancer des invectives. Car ce n'est pas par plaisir que le Gers ou la Creuse ont augmenté leurs impôts dans des proportions importantes. Dans mon département, qui n'est pas parmi les plus pauvres, sans révision des bases légales, nous avons dû augmenter la fiscalité de 11,4 %.

Bien sûr, il faut prendre en compte le potentiel fiscal, mais aussi la structure d'âge de la population. Avec ces deux critères, à quelques exceptions près - je pense notamment au département d'Ille-et-Vilaine -, vous trouvez presque tous les départements qui sont effectivement obligés d'augmenter leur fiscalité. Si un département a à la fois un potentiel fiscal faible et beaucoup de personnes de plus de soixante-dix ans, il n'a pas d'autre choix !

Par ailleurs, M. Sueur a insisté sur les conséquences graves que pourraient entraîner les difficultés de péréquation, en particulier sur les hôpitaux.

Vous nous dites que l'expérimentation est volontaire. Certes, mais la Constitution prévoit que, si cette expérimentation s'avère positive, elle est étendue à l'ensemble du territoire. Cela veut dire que, après quatre ou cinq ans, un certain nombre de départements ou de régions pauvres vont connaître les plus grandes difficultés, parce que ce qui avait fait l'objet de l'expérimentation leur sera imposé. Il faudra bien, alors, prévoir une péréquation.

S'agissant de la TIPP, je suis stupéfait d'entendre que la part dévolue à l'Etat sera résiduelle. Au demeurant, c'est bien le reflet de la conception de l'Etat qui est celle du Gouvernement !

Ma question est très précise, monsieur le ministre : avez-vous l'assurance formelle que vous pouvez moduler la TIPP ? Pouvez-vous nous affirmer que les autorités européennes vont accepter une modulation de la TIPP ?

M. Paul Loridant. Il ne le peut pas !

M. Jean-Claude Peyronnet. A défaut d'une telle assurance, vous risquez à tout le moins une remontrance forte de la part du Conseil constitutionnel.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.

M. Roland Muzeau. Le groupe communiste républicain et citoyen votera la motion tendant à opposer la question préalable déposée par le groupe socialiste. Nous la voterons, car nous sommes convaincus, que le Gouvernement minimise la réalité du transfert de charges et, surtout, qu'il renvoie à plus tard les transferts de compétences et même l'évaluation de leur niveau.

Le Gouvernement et M. le rapporteur de la commission des lois mettent en avant une obligation constitutionnelle en la matière.

Qui fera respecter cette obligation ? Le Parlement ? Non, ce sera le Conseil constitutionnel, cet organisme dépourvu - qui peut le nier ? - de légitimité démocratique.

M. Gélard, dont personne ne contestera les compétences en matière constitutionnelle, a exposé son point de vue en commission des lois la semaine dernière. Voici ce qui figure dans le bulletin des commissions : « Après avoir expliqué que le montant des ressources transférées aux collectivités territoriales serait fixé chaque année par la loi des finances et qu'il était impossible de le prévoir dès à présent, M. Gélard a précisé que l'article 72-2 de la Constitution garantissait désormais aux collectivités territoriales une compensation des transferts de charges par l'attribution de ressources équivalentes à celles que l'Etat consacrait à leur exercice et, d'autre part, que le Conseil constitutionnel pourrait assurer le respect de ce principe en cas de saisine sur la loi de finances. »

M. Gélard ne me contredira pas si j'affirme que, selon son raisonnement, s'il n'y a pas de saisine - puisque celle-ci n'est pas automatique, elle doit être le fait du Président de la République, du Premier ministre, du président de l'une des deux assemblées ou de soixante sénateurs ou soixante députés -, il pourra y avoir transfert de compétences sans transfert de ressources aux collectivités territoriales.

Cette faille montre bien que la nécessaire concomitance que M. Gélard évoquait lui-même voilà un an doit être établie et chiffrée au moment de la décision du transfert.

L'existence de cette faille doit entraîner d'emblée le rejet d'un texte qui ouvre clairement, sur le plan juridique, la possibilité d'une asphyxie des collectivités territoriales.

Cette asphyxie, c'est la mort lente du service public à la française, de sa générosité, de son équité. Là se trouve l'enjeu fondamental de ce projet.

Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront donc sans hésitation cette motion à l'encontre d'un texte en apparence fourre-tout mais qui obéit en fait aux dogmes du libéralisme le plus pur : mise en concurrence, rentabilité, réduction des dépenses publiques.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 346 tendant à opposer la question préalable, repoussée par le Gouvernement.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

Je suis saisi de deux demandes de scrutin public, émanant, l'une, du groupe socialiste et, l'autre, de la commission des lois.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptages des votes.)


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 34 :

Nombre de votants314
Nombre de suffrages exprimés313
Pour114
Contre199

Demande de renvoi à la commission

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales
Division et art. additionnels avant le titre Ier (début)

M. le président. Je suis saisi, par Mme Borvo, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 1282, tendant au renvoi à la commission.

Cette motion est ainsi rédigée :

« En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, le projet de loi relatif aux responsabilités locales (n° 4, 2003-2004). »

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion, l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n'est admise.

La parole est à M. Paul Loridant, auteur de la motion.

M. Paul Loridant, Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je débuterai mon propos par quelques citations : « impressions de complexité », « un texte confus », « une décentralisation dissymétrique qui rend le territoire illisible ». De nombreuses voix se sont élevées sur les travées de notre assemblée pour évoquer la grande complexité et la rigidité de ce projet de loi, qui ne sont guère conformes à la double exigence de cohérence et de proximité si volontiers affichée par le Gouvernement et, en particulier, par son Premier ministre.

Ce texte suscite en effet bien des interrogations quant au rôle exact dévolu aux différents niveaux de collectivités. Nous connaissons tous les difficultés auxquelles sont confrontés les élus locaux face aux méandres du système des dotations, qui constitue un véritable maquis, devenu inextricable. Le Gouvernement répond par un texte technique et confus : 126 articles, excusez du peu !

Monsieur le ministre, les élus redoutent cette décentralisation, véritable « usine à gaz » qui ne concourt pas à ce que les collectivités locales exercent pleinement leurs responsabilités.

Nos concitoyens sont eux aussi perplexes. Ils sont d'abord préoccupés par le chômage, la santé, l'école, par la situation économique calamiteuse, bien plus que par la décentralisation. Mais j'ai cru comprendre des propos que vous avez tenus tout à l'heure, monsieur le ministre, que vous ne considériez pas que l'absence de mobilisation des citoyens sur ce texte puisse être en soi une cause d'inquiétude.

La réalité, c'est que ce texte n'est ni compris ni porté par l'opinion. Le projet de loi se distingue également, et je dirai surtout, par l'absence extraordinaire de clarté sur les moyens mis à la disposition des collectivités territoriales.

Faute de simplification des ressources et de réforme de la fiscabilité locale, ne subsistent que des interrogations. Quelle marge de manoeuvre réelle les départements et les régions auront-ils sur les recettes nouvelles ? Comment l'Etat jouera-t-il son rôle péréquateur ? Autant de questions fondamentales qui restent sans réponse ou, tout au moins, auxquelles ne sont apportées que des réponses floues, ce qui paraît irresponsable au regard de l'importance des transferts en jeu - je vous rappelle, mes chers collègues, que notre discussion porte sur une somme comprise entre 11 milliards et 14 milliards d'euros, excusez du peu ! - et du contexte budgétaire, que je qualifierai de médiocre.

Ces incertitudes sont encore plus dramatiques si l'on songe à l'état du patrimoine transféré, je pense notamment aux routes nationales ou au logement social étudiant. Dans de nombreux domaines, il s'agit non plus de transferts de compétences, mais, disons-le plus clairement, de transferts de besoins ou de charges nouvelles !

Comment les collectivités locales vont-elles faire, face à ce délestage de l'Etat, comme l'a si justement appelé notre bien-aimé président du Sénat, M. Christian Poncelet, alors même que la proximité - puisque M. Raffarin nous parle de proximité - rendra les Français encore plus exigeants ?

Comment les départements assumeront-ils financièrement le transfert du RMI ou du RMA alors que la limitation annoncée de la durée de versement de l'allocation spécifique de solidarité va tout simplement faire exploser le nombre des bénéficiaires de ces aides ?

N'attendons pas la discussion du projet de loi de finances pour 2004 pour constater le manque de loyauté du Gouvernement, alors que la commission des finances du Sénat, qui mène des travaux dont je salue le sérieux, dans son avis sur le présent texte, rédigé par notre collègue M. Mercier, président du conseil général du Rhône, a pudiquement relevé : « Il ne semble pas que la création de la compétence "revenu minimum d'activité" ait été prise en compte pour le calcul du montant de la compensation proposée aux départements. » Vous apprécierez, mes chers collègues, l'euphémisme de M. Mercier !

Soyons lucides : le véritable objectif du Gouvernement, qui est pris dans le carcan communautaire, est de respecter les critères de convergence et donc d'obtenir des rentrées budgétaires exceptionnelles : peu importent les sacrifices qu'il faudra consentir pour atteindre cet objectif. En la matière, le projet de loi que nous examinons n'est malheureusement pas un exemple unique.

Sous la pression de Bruxelles, le Gouvernement décentralise ses déficits vers les collectivités locales, qui n'auront d'autre choix que d'augmenter la fiscalité locale, puis d'en répondre devant leurs administrés. Rappelons-le, les collectivités locales sont, à la différence de l'Etat, tenues à l'équilibre budgétaire.

Si le choix du transfert d'une part de la TIPP est jugé positivement par certains, celui-ci nécessitera un mécanisme de péréquation dont le moins que l'on puisse dire est qu'il sera complexe. De fait, la nature même de la TIPP, impôt indirect, met à mal le principe de justice fiscale et sociale. C'est la régionalisation du prix du litre de super !

Plus alarmant encore, le Gouvernement n'a, à notre connaissance - monsieur le ministre, je ne demande qu'à être démenti -, toujours pas obtenu l'assentiment de la Commission de Bruxelles. Que se passera-t-il s'il ne l'obtient pas ?

A cette question pour le moins préoccupante, vous nous répondez : « Nous verrons bien. » Les élus apprécieront.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Avant, on ne voyait rien. C'est déjà ça !

M. Paul Loridant. Il nous paraît inconcevable d'entamer ce débat sans avoir au préalable obtenu les précisions et les garanties financières indispensables. Cela n'a pas l'air de vous inquiéter, monsieur le ministre. Quelle cécité !

Devant de telles incertitudes, le renvoi de ce texte en commission est une priorité, j'allais dire une simple question de bon sens.

A titre d'exemple, monsieur le rapporteur de la commission des lois, vous n'avez pas cru bon devoir consulter les caisses nationales de sécurité sociale, comme l'a relevé M. Jean-Marie Spaeth, président de la caisse nationale de l'assurance maladie, la CNAM ; pas plus que vous n'avez consulté les associations intervenant sur le terrain dans la lutte contre les exclusions, alors même que l'essentiel des transferts aux départements portera précisément sur l'action sociale !

De même, nous débattrons, à l'occasion de l'examen des articles 88 et 89 du projet de loi, des compensations financières des transferts de compétences, alors que le projet de loi de finances pour 2004 modifie de manière importante l'architecture des concours budgétaires aux collectivités locales et que, par ailleurs, vient d'être déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, à la suite d'un récent conseil des ministres, un projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales. Concevez, mes chers collègues, que la question est d'importance.

De manière plus générale, c'est de la philosophie qui se dégage du texte dont il nous faut nous défier ; car quelle est aujourd'hui la « grande réforme » que l'on nous propose ? Elle n'est en fait qu'un alibi pour ceux qui souhaitent enterrer le modèle politique républicain au profit de modèles dominants en Europe : la régionalisation, le fédéralisme et leurs travers habituels, à savoir l'opacité, le trafic d'influence voire, çà et là, une politique de clientélisme.

Sous les apparences d'un simple toilettage, d'un dépoussiérage des institutions visant à mettre de l'ordre entre l'Etat et un empilement de collectivités, ce sont tout simplement, me semble-t-il, les fondements et les principes mêmes de notre République qui, à travers ce texte, sont en jeu.

En d'autres termes, avec ces nouveaux transferts de compétence, ce n'est pas simplement une deuxième étape de la décentralisation que l'on nous propose vingt ans après celle de 1982 ; ce dont il s'agit ici, au nom de « plus de démocratie de proximité », au nom de « plus de libertés locales », c'est tout simplement l'éclatement de notre nation et de ses valeurs fondamentales.

Or la décentralisation, pour nous, ce n'est pas celle des pouvoirs ni celle des déficits, c'est la mise en oeuvre d'une véritable décentralisation citoyenne, permettant à nos concitoyens de prendre à bras-le-corps leurs problèmes, leur vie au travers du réseau des collectivités locales et de leurs élus, ce que ne permettra pas le projet de loi que nous soumet le Gouvernement, d'autant qu'il ne se présente pas sous les meilleurs auspices budgétaires - et là encore, c'est un euphémisme !

Je voudrais simplement, mes chers collègues, afin que vous mesuriez les enjeux, vous citer quelques exemples tirés du projet de loi de finances pour 2004.

M. Gélard ne manquera pas de me dire que nous n'examinons pas ce soir le projet de loi de finances,...

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Eh oui !

M. Paul Loridant ... mais, monsieur Gélard, nous ne sommes pas des sénateurs ex nihilo. Nous sommes ancrés, englués dans le quotidien des collectivités locales.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Englués, en effet !

M. Paul Loridant. Ainsi les aides sociales aux collégiens et aux lycéens sont-elles réduites de 55 millions d'euros, la dotation au financement des transports collectifs en Ile-de-France de 59,5 millions d'euros, les crédits d'infrastructures de 18 millions d'euros. La dotation pour les transports collectifs en province passe de 100 millions à 55 millions d'euros, tandis que la ligne PLA-PALULOS passe de 435 millions à 288 millions d'euros.

M. Jean-Pierre Sueur. Et voilà !

M. Paul Loridant. Que faut-il vous dire de plus, mes chers collègues, vous qui êtes dans la majorité ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. On règle vos dettes !

M. Paul Loridant. Sur ces seuls chapitres, ce sont donc plus de 300 millions d'euros de dépenses qui sont ainsi amputés, dans des domaines où s'exercent, comme par hasard, les « responsabilités locales » ! Quelles perspectives effroyables !

En revanche, monsieur le ministre, puisque le Gouvernement est solidaire, qu'adviendra-t-il des engagements de M. Borloo qui, à la fin du mois de juillet, déclarait qu'il n'y aurait pas de problème pour financer la politique de la ville ? Où sont passés les engagements formels de M. Fillon lors du débat sur les retraites ? Le Gouvernement serait-il devenu schizophrène ? La question se pose vraiment !

Les élus locaux, les maires, les conseillers généraux ou régionaux porteront de fait la responsabilité de la gestion des services publics et des missions transférées que l'Etat ne veut plus assumer. De plus, les possibilités de privatisation à géométrie variable en fonction des capacités financières ou des choix politiques de telle ou telle collectivité qu'ouvre le texte rendront ces mêmes élus locaux responsables des normes libérales dictées dans le contexte de l'accord général sur le commerce des services, qui est en cours de négocation pour 2005, et sur lequel, à ce jour, les parlementaires nationaux n'ont pas été consultés.

Bref, votre décentralisation, monsieur le ministre, aboutira à mettre sous tutelle financière les pouvoirs locaux et sera une source d'inégalités en fonction des ressources des régions et des départements.

Les services publics, vecteurs d'un Etat acteur, ne permettront plus à tous d'accéder aux droits les plus élémentaires, en matière de santé ou d'éducation par exemple. Ils seront à la merci des contraintes des collectivités ; leur financement dépendra donc d'une fiscalité locale qui frappe le plus lourdement ceux dont les revenus sont les plus faibles.

L'Etat se réduit comme une peau de chagrin : il faut veiller à ce qu'un minimum de règles soient respectées pour que la loi du marché puisse fonctionner correctement, sans contradictions trop importantes.

L'Etat ne sera plus acteur, mais sera simple « régulateur » de l'ensemble de ces opérations, projets, initiatives, décentralisés. Ce sera le règne de la « gouvernance », terme à la mode, selon des règles directement issues de l'entreprise.

Ce que le Gouvernement nous propose à travers ce texte, c'est d'une certaine façon de laisser le libre jeu au marché, à ses logiques de développement inégalitaire et de mise en concurrence des ressources, des hommes et des territoires.

La rentabilité à court terme affaiblira l'investissement, la sécurité d'approvisionnement et l'indépendance nationale.

C'est un trait commun en Europe : partout les libéraux privatisent les services publics, alors qu'ils ne parviennent plus à dissimuler les catastrophes économiques et sociales qui en découlent. La faillite du chemin de fer britannique est symptomatique de ce désastre, avec son lot de conséquences pour les populations.

Le peuple français est-il prêt à accepter de se priver de la maîtrise des derniers outils industriels performants qu'il a encore en sa possession ?

N'écoutons pas le chant des sirènes du Gouvernement, qui voudrait encore nous faire croire que l'Etat français conservera la maîtrise de ses domaines régaliens, ce qui n'est déjà plus le cas.

Monsieur le ministre, je vous le dis franchement, là, je ne m'adresse pas à vous, je m'adresse à mes collègues sénateurs.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je peux sortir ! (Sourires.)

M. Paul Loridant. En dépit du rapport de la commission saisie au fond et des rapports des commissions saisies pour avis - et elles sont nombreuses -, je voudrais vous convaincre que la discussion et le vote de ce texte ne peuvent intervenir logiquement tout de suite. Ils ne peuvent avoir lieu qu'après l'adoption de la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales et du projet de loi de finances pour 2004.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Non !

M. Paul Loridant. Par conséquent, mes chers collègues, il est urgent pour vous, notamment les membres de la majorité, de réfléchir et de mesurer la portée du vote que vous allez émettre.

En conclusion, c'est parce que le présent projet de loi dont nous débattons n'est pas suffisamment clair ni sur les enjeux, ni sur les modes de financement, ni sur les vices cachés que recèlent certaines de ses dispositions que je ne peux, au nom de mon groupe, qu'inviter le Sénat à adopter cette motion tendant au renvoi à la commission. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. J'ai longtemps attendu, en écoutant la péroraison de notre collègue, les raisons pour lesquelles le Sénat était saisi d'une demande de renvoi en commission.

J'ai entendu, comme nous tous, la litanie des arguments qui ont déjà été exposés plusieurs fois. La pédagogie supposant la répétition, nous finirons par bien comprendre, sans toutefois adopter la motion.

Cinq commissions sur six ont examiné ce projet de loi sur lequel elles ont toutes émis un avis favorable. La commission des lois, d'ailleurs élargie, a entendu le 14 octobre MM. Nicolas Sarkozy et Patrick Devedjian pendant plus de deux heures, si j'ai bonne mémoire, et j'ai pour ma part procédé à de très nombreuses auditions dont la liste figure en annexe du rapport.

Un reproche m'a été adressé selon lequel je n'aurais pas entendu le président de la CNAM. C'est vrai, mais je signale que c'était plutôt à la commission des affaires sociales que la demande aurait dû être formulée. En outre, le président de cette honorable institution n'a pas demandé à être auditionné par la commission des lois.

M. Jean-Pierre Godefroy. Si ! Il a été auditionné à sa demande par la commission des affaires sociales.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Oui, mais pas par la commission des lois.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il a donc été entendu !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Il a été reçu par la commission des affaires sociales, donc tout est bien. C'était la vocation de cette commission et, je le répète, il ne m'a pas demandé à être reçu, sinon je me serais fait un plaisir, comme pour toutes les personnalités qui me l'ont demandé, de trouver un moment pour l'auditionner.

Pour toutes ces raisons, le renvoi de ce texte ne me semble absolument pas justifié et la commission est donc défavorable à cette motion.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement n'a pas d'observations à faire sur la manière dont le Sénat doit travailler. D'ailleurs M. Loridant me l'a fait comprendre en quelque sorte. (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1282 tendant au renvoi à la commission.

(La motion n'est pas adoptée.)

M. Paul Loridant. C'est bien dommage !

M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Division et articles additionnels avant le titre Ier

Demande de renvoi à la commission
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales
Division et art. additionnels avant le titre Ier (interruption de la discussion)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Monsieur le président, je demande la réserve de l'amendement n° 874 jusqu'après l'examen de l'amendement n° 889.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement y est favorable.

M. le président. La réserve est ordonnée.

L'amendement n° 875, présenté par MM. Peyronnet, Frimat, Sueur, Lagauche, Dauge, Marc, Reiner, Godefroy, Mauroy, Mano, Domeizel, Chabroux, Cazeau, Bel, Courteau, Krattinger et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Avant le titre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« La conférence nationale permanente de la décentralisation est présidée par le Premier ministre.

« Elle comprend des représentants du Parlement, dont les premiers vice-présidents, des représentants de l'Etat et des différentes catégories de collectivités territoriales et de groupements.

« Elle est consultée sur tous les projets de textes juridiques organisant des transferts de compétence entre l'Etat et les collectivités territoriales ou leurs groupements.

« Elle procède à une évaluation permanente, et au moins annuelle, du fonctionnement et des coûts des transferts effectués à la suite du vote de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003.

« Elle fait toute proposition en vue d'assurer un juste équilibre financier entre l'Etat et les diverses catégories de collectivités territoriales et de groupements et entre ces diverses catégories elles-mêmes.

« La Commission pour l'évaluation des charges transférées aux collectivités locales et le Comité des finances locales constituent des sections de la Conférence nationale de décentralisation.

« Aucune charge nouvelle résultant d'un accord national salarial, y compris les rémunérations accessoires, entre les partenaires sociaux et l'Etat ou résultant d'une décision gouvernementale pouvant l'un et l'autre entraîner des conséquences financières sur les budgets des collectivités territoriales et de leurs groupements ne peut être transférée sans l'accord de la Conférence nationale permanente de la décentralisation statuant à bulletins secrets et à la majorité des deux-tiers au moins des membres de la conférence.

« Un décret en Conseil d'Etat prévoit les modalités de mise en oeuvre des dispositions du présent article. »

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Cet amendement, qui tend à insérer un article additionnel avant le titre 1er, est important, puisqu'il concerne le sujet qui nous préoccupe depuis le début de cette soirée, celui de l'équité des transferts.

Nous ne faisons aucun procès d'intention au Gouvernement et nous avons bien lu que la compensation se ferait sur la base des sommes que l'Etat allouait à l'objet de la compétence transférée. Toutefois, on peut discuter sur le mode et le temps de calcul, ainsi que sur le suivi, la durée, etc. Quel sera donc le montant du transfert financier ? Quelle sera sa durée ? Comment estimera-t-on la façon dont les choses évolueront ? Nous avons déjà parlé longuement de ces questions.

Cette idée d'organisme indépendant et pluraliste faisant un lien permanent avec l'Etat pour que soient examinées, sur la durée, la situation et l'évolution des politiques locales revient souvent. On la trouve en particulier dans le rapport de la commission Mauroy, laquelle avait prévu d'instaurer une commission nationale de ce type qui aurait eu pour objet de permettre aux collectivités locales d'être présentes, représentées en tout cas, lors des discussions - discussions salariales, discussions indemnitaires, discussions sur les conventions collectives - ayant des répercussions - qui peuvent être lourdes quelquefois - sur les budgets des collectivités locales.

La création d'une conférence nationale permanente de la décentralisation pourrait jouer ce rôle.

Elle pourrait également vérifier que l'autonomie financière des collectivités est bien assurée avant une éventuelle saisine du Conseil constitutionnel.

En la matière, ce qui compte surtout, c'est le suivi. Je le disais tout à l'heure, il n'est pas question de faire de procès d'intention à l'Etat. Nous savons que, comme cela s'est fait honnêtement en général depuis 1983, l'Etat transférera bien les sommes correspondant aux compétences transférées.

Le problème, c'est la suite : les normes et la réglementation évoluent, et la vie suit son cours. On s'aperçoit qu'il n'est pas toujours possible, en réalité, de prévoir sur le long terme - voire sur le moyen terme - le sens favorable ou défavorable de l'évolution. Je crois donc indispensable de nous doter d'un organisme indépendant chargé d'assurer ce suivi et d'établir des rapports réguliers - je propose une périodicité d'au moins une fois par an. Il serait composé de représentants du Parlement, de l'Etat et des différentes catégories de collectivités territoriales et de groupements.

Ce dispositif me paraît fondamental pour garantir l'équité de la décentralisation, pour suivre de manière effective et objective les coûts de cette dernière, mais aussi, au-delà des compétences qui vont être transférées maintenant, pour suivre éventuellement des transferts plus anciens.

Un organisme de ce type nous aurait évité les difficultés que nous avons rencontrées, notamment pour identifier le problème posé par l'APA. Je remarque au passage que M. le ministre de l'intérieur a évoqué la possibilité de créer une instance chargée de ce suivi et de ce dialogue entre les collectivités et l'Etat.

Transparence, suivi, équité : tels sont les objets de cet amendement. Son adoption contribuerait à établir une sérénité qui est souhaitable dans les relations entre l'Etat et les collectivités locales.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission est bien entendu sensible à l'intérêt que présente une telle suggestion. Transparence, équité, tout cela est excellent, mais il se trouve que la commission, quasiment à l'unanimité d'ailleurs si j'ai bonne mémoire, a émis le souhait de supprimer le plus possible d'organismes, qui ne sont que trop nombreux déjà. En outre, tous ces comités étant inutiles et coûteux, il n'a pas semblé opportun à la commission d'en créer un de plus.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je comprends le souci, qui n'est pas antipathique, de M. Peyronnet, mais je pense qu'il ne répond pas aux problèmes posés.

Comme le disait M. Schosteck, ce que le Gouvernement craint, c'est la polysynodie, c'est-à-dire la multiplication des conférences, des conseils, des groupes. Il considère en revanche - et je dois dire que nous sommes ouverts sur ce point - que la commission consultative sur l'évaluation des charges, la CCEC, doit être rénovée et qu'elle ne donne pas satisfaction.

M. Jean-Claude Peyronnet. Il y a des commissions !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je reproche à votre amendement, monsieur Peyronnet, de ne prendre en compte ni cette commission ni le comité des finances locales.

Nous préférerions trouver une solution permettant d'effectuer une rénovation indispensable de la CCEC, afin que cette dernière offre des garanties d'impartialité, de transparence et d'équité. Tout cela est tout à fait souhaitable. Elle est sans doute restée trop, jusqu'à maintenant, entre les mains de l'administration. Or votre amendement ne répond pas, me semble-t-il, à cet objectif puisqu'il ajoute une structure à l'existant, sans le rénover.

C'est la raison pour laquelle, à mon grand regret, et bien que votre intention soit louable, le Gouvernement est défavorable à votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Notre collègue M. Peyronnet a fait un effort tout à fait remarquable pour rédiger cet amendement que nous avons cosigné avec lui. Cette initiative va tout à fait dans le sens de ce que vous souhaitez, monsieur le ministre !

Hier, nous avons entendu M. le ministre de l'intérieur nous dire, avec peut-être quelque désinvolture, voire une légère démagogie...

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ce n'est pas bien de s'attaquer aux personnes !

M. Jean-Pierre Sueur. Je ne m'attaque pas aux personnes, monsieur le ministre.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Si, vous avez dit qu'il était démagogue !

M. Jean-Pierre Sueur. J'ai parlé d'une légère démagogie ! (Sourires.)

M. Eric Doligé. Avec une chaleur convaincante !

M. Jean-Pierre Sueur. M. le ministre de l'intérieur, se demandant du haut de cette tribune combien coûterait la compensation des charges transférées, nous a affirmé que l'Etat ferait exactement ce que lui diraient les élus locaux, et que le montant auquel ils parviendraient serait celui que l'Etat accepterait. Est-ce que je trahis ses propos ?

M. François Marc. Non ! C'est bien ça.

M. Jean-Pierre Sueur. J'ai été, je l'avoue, quelque peu surpris d'entendre un membre du Gouvernement, qui représente certes les collectivités locales, mais aussi l'Etat, parler de cette manière, car si nous sommes tous ici préoccupés par les finances des collectivités locales, nous le sommes aussi par celles de l'Etat.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. C'est merveilleux !

M. Jean-Pierre Sueur. Et lorsque vous nous dites, monsieur le ministre, qu'en matière de TIPP ce qui reviendra finalement à l'Etat, c'est ce qui restera, nous vous répondons que la conception de l'Etat selon laquelle les compétences de celui-ci sont résiduelles et la conception des finances publiques en vertu de laquelle les ressources de l'Etat sont résiduelles ne sont pas les nôtres. Et c'est pourquoi je tiens à souligner la grande responsabilité de la proposition faite par M. Peyronnet et visant à mettre en place une instance destinée à procéder aux évaluations et composée de représentants de l'Etat, du Parlement et des collectivités locales.

Il est beaucoup plus juste de les associer plutôt que d'en exclure l'Etat sous prétexte qu'il n'aurait rien à y faire, ce dernier se faisant ainsi en quelque sorte dicter la loi.

Parce que nous devons avoir le souci de l'équilibre, nous sommes, les uns et les autres, préoccupés à la fois par les finances de l'Etat et par celles des collectivités locales.

Non seulement cette proposition est très responsable, mais, en outre, monsieur le ministre, elle va vraiment dans le sens que vous souhaitez.

Enfin - et je réponds à M. Schosteck - si nous y regardons de près, nous allons voir apparaître avec ce projet un grand nombre de commissions, de conférences,...

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. J'ai veillé à simplifier !

M. Jean-Pierre Sueur. ... bref, un embrouillamini, et même nous, nous aurons bien du mal à nous y retrouver !

Je ne confonds pas la belle idée du contrat, qui est noble et à laquelle nous tenons, avec l'accumulation d'instances qui fait qu'au bout d'un moment plus personne ne comprend rien.

M. Peyronnet ne propose pas une instance supplémentaire puisque la nouvelle commission comprendrait à la fois la commission consultative sur l'évaluation des charges et le comité des finances locales. La proposition est donc tout à fait sage.

J'ajoute - cela pourrait vous inciter à revoir votre jugement, monsieur le ministre - que cette instance serait présidée par le Premier ministre. Cela montre aussi combien nous sommes, comme vous, attachés aux intérêts de l'Etat.

M. Eric Doligé. Il fallait garder le pouvoir !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 875.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 876, présenté par MM. Frimat, Peyronnet, Sueur, Lagauche, Dauge, Marc, Reiner, Godefroy, Mauroy, Mano, Domeizel, Chabroux, Cazeau, Bel, Courteau, Krattinger et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Avant le titre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Lorsque l'Etat transfère des crédits qui ont fait l'objet, dans le cadre du contrat de plan Etat-région, d'une contractualisation, il est effectué préalablement à tout transfert une évaluation contradictoire de l'exécution des engagements réciproques. Le cas échéant et dans des conditions déterminées par une loi de finances, une dotation spécifique compense les engagements non respectés. »

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Cet amendement se rapporte au problème général des contrats de plan Etat-région, que nous connaissons tous bien pour avoir, dans nos régions, depuis de nombreuses années, une pratique de cette technique contractuelle.

Les contrats de plan, quel que soit le gouvernement au pouvoir, ont toujours eu la caractéristique d'avoir comme champ de contractualisation celui des compétences de l'Etat. Dès qu'il y a eu décentralisation, nous avons entendu l'Etat, quels que soient ceux qui l'incarnaient, répondre qu'il ne pouvait plus contractualiser sur des compétences transférées puisqu'il n'y avait plus de ligne budgétaire, et l'on sentait très souvent une désolation extraordinaire de sa part, le regret profond de ne pouvoir nous aider davantage.

Monsieur le ministre, vous ouvrez un champ très large alors que nous avons actuellement une génération de contrats de plan calés sur la même durée que les fonds structurels, c'est-à-dire qu'ils courent jusqu'à fin 2006. La décentralisation que vous avez prévue prenant effet au 1er janvier 2005, il restera donc deux années d'application des contrats de plan. Signés depuis début 2000, ils ont relevé, tout au long de leur durée de vie, d'autorités différentes. Nous ne pouvons donc aujourd'hui en faire qu'un bilan provisoire et non un bilan d'exécution.

Je souhaiterais être démenti, mais les faits sont là : on constate que l'exécution des contrats de plan, d'une manière générale, accuse du retard par rapport à l'enveloppe prévue sur la période 2000-2006. Ce retard est parfois imputable à l'Etat, parfois à la région, qui n'a pas dépensé autant que prévu.

Or, si vous décentralisez des crédits qui ont fait l'objet d'une contractualisation entre l'Etat et la région, vous ne pourrez plus, demain, agir sur les lignes, puisque vous aurez déjà transféré les crédits. D'expérience, nous connaissons la réponse, mais je vous pose tout de même la question : comment traiterez-vous le retard accumulé puisque vous n'aurez plus, demain, une fois les transferts effectués, les moyens de le combler ?

Vous le voyez, monsieur le ministre, cet amendement, qui concerne toutes les régions, est dénué de tout esprit partisan. Il a pour objet de clarifier la situation, d'apporter une garantie financière aux régions. Il s'agit de dresser, à un moment donné, le bilan des retards réciproques. S'ils se valent, tout va bien, mais, s'il y a un retard accusé de l'Etat, alors la somme due risque d'être perdue, ce qui serait la négation même du contrat passé. Précisément, je vous propose d'isoler cette somme, d'en établir une évaluation contradictoire et de renvoyer à la loi de finances le soin de trouver la dotation spécifique qui permettra de solder le tout, en faisant en sorte que les cocontractants aient honoré leur parole.

Je parle sous votre contrôle, monsieur le président, vous qui attachez une importance toute particulière à ces contrats, mais je ne vois ni agression politique ni déshonneur à demander que le contrat soit honoré et que, après transfert, le cocontractant ne se trouve pas avec un arriéré parce que l'Etat aura été défaillant.

Je ne préjuge pas de l'avenir, mais, si cela doit arriver, je pense que cet amendement permettra d'agir en toute équité et en toute transparence.

Vous avez la possibilité, bien évidemment, de rejeter cet amendement, mais il faudra expliquer pourquoi, d'un côté, vous sacralisez la démarche contractuelle, alors que, de l'autre, vous n'hésitez pas, au nom de la décentralisation, à courir le risque de rendre caduc le contrat passé entre l'Etat et la région.

Je ne vous fais aucun procès d'intention ; je veux simplement poser le problème. Nous sommes ici pour débattre et, si nous ne nous expliquons pas maintenant, nous ne nous expliquerons jamais. Nous savons, vous et moi, monsieur le ministre, que la parole du ministre lors d'un débat parlementaire a une valeur interprétative pour la suite.

Je suis très attaché au respect des contrats de plan. J'avance d'ailleurs sans trop de risques sur cette question, car je vois difficilement des présidents de région, quelle que soit la région et quelle que soit l'étiquette politique, se montrer tout à coup indifférents à l'exécution des contrats de plan, au retard pris et à la menace d'une perte d'argent.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission a déposé l'amendement n° 48, qui lui paraît répondre à la préoccupation exprimée par M. Frimat.

Cet amendement prévoit le maintien des financements de l'Etat et des collectivités locales prévu dans le cadre des contrats de plan. C'est une solution qui nous semble raisonnable, mais la position du Gouvernement sera très intéressante à entendre.

Donc, en l'état, elle émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur Frimat, il y a un point sur lequel je suis d'accord avec vous : il nous faut débattre et éclaircir ces questions tout à fait légitimes.

Cela étant, cet amendement est d'abord sans portée juridique, puisqu'il renvoie à une loi de finances. Vous vous faites plaisir avec cet amendement purement invocatoire, vous le reconnaissez vous-même, mais votre dispositif est inutile.

Ensuite, s'il est tout à fait vrai que l'exécution des contrats de plan Etat-région prend très fréquemment du retard - loin de moi l'idée de le contester, le phénomène, critiquable, est éternel -, je continue de sacraliser le contrat. Oui, il n'y a aucun doute, le contrat est la loi des parties.

Monsieur Frimat, au moment où la décentralisation intervient, le retard n'est pas créateur de droits. L'Etat n'a plus le droit d'intervenir à compter de la date du transfert, en principe le 1er janvier 2005. Mais le retard qui a été accumulé reste dû. Il est donc inutile de créer une dotation, car le dû reste dû.

Il est vrai, toutefois, que les circonstances pourront être assez variables selon les cas. Aussi l'Etat prend-il l'engagement de garantir la neutralité budgétaire de l'opération. C'est-à-dire que, dans un certain nombre de cas, la décentralisation conférera les moyens réels de conduire jusqu'à son terme le projet qui était inscrit dans le contrat de plan Etat-région. Il n'y a pas lieu à prévoir un delta. Dans d'autres cas, je suis prêt à le croire, le retard accumulé - du fait de l'Etat ou du fait de la région, peu importe - donnera lieu à un delta. L'Etat prend l'engagement de la neutralité budgétaire : les régions ne seront donc pas pénalisées du fait de ce retard.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec beaucoup d'attention, comme je le ferai tout au long de ce débat.

Nous sommes en effet réunis pour débattre, ce qui n'est pas tout à fait choquant dans une enceinte parlementaire. Ce que vous venez de dire est très important pour nous.

J'ai la faiblesse de croire que, quand un ministre s'exprime au banc du Gouvernement, au nom du Gouvernement, il engage celui-ci, et je n'ai aucune raison de vous faire un procès d'intention : si je ne vous crois pas maintenant, nous ne sommes plus en démocratie.

Si donc il nous revient de débattre, ce n'est pas pour défendre les intérêts de la région dont nous sommes originaires, non ! Nous sommes ici pour parler des affaires de la France, donc de toutes les régions, donc de tous les départements. Je voudrais simplement une petite précision. Si, une fois que le transfert est fait, l'Etat ne peut plus rien, parce que, les crédits étant transférés, ce n'est plus de sa compétence, il faut, au moment du transfert, faire le solde. Que le retard soit le fait de la région et pas du tout de l'Etat - ce qui n'est sans doute pas le cas le plus courant - ou l'inverse, le contrat est néanmoins honoré. S'il apparaît un delta négatif, la région, quelle qu'elle soit, quelle que soit son orientation politique, n'est pas pénalisée pour l'éternité, puisque ce delta lui sera compensé à l'issue d'une évaluation contradictoire.

S'il en est bien ainsi, je considère à titre personnel que j'ai satisfaction sur ce premier point, et cela me semble augurer très favorablement de la suite d'un débat qui a été placé sous le signe de la transparence.

Je n'ai donc pas de raison de maintenir mon amendement, puisque votre engagement, monsieur le ministre, répond au souci que nous avons manifesté, souci qui, comme toujours quand nous intervenons, n'a pas pour première vocation d'être partisan !

M. le président. L'amendement n° 876 est retiré.

Je suis maintenant saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Cependant, pour la clarté des débats, je les appellerai successivement.

L'amendement n° 877, présenté par MM. Frimat, Peyronnet, Sueur, Lagauche, Dauge, Marc, Reiner, Godefroy, Mauroy, Mano, Domeizel, Chabroux, Cazeau, Bel, Courteau, Krattinger et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Avant le titre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Pour assurer la sincérité et l'équité des compensations financières, toute mesure législative ou réglementaire ayant pour objet de transférer une charge assumée par une collectivité territoriale à une autre collectivité territoriale doit prévoir les modalités de compensation. »

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Je ne sais pas quel sort connaîtra cet amendement, mais je forme le voeu qu'il fasse l'objet d'une discussion de la même qualité que le précédent.

On plante le décor : sincérité, équité des compensations financières. Qui pourrait être contre ? Ce souci manifeste que les choses se passent correctement, honnêtement, régulièrement, j'oserai presque dire « loyalement ».

Or je ne peux pas avoir la garantie, aujourd'hui, de ce que sera la législation de demain, et vous non plus, monsieur le ministre. Toute collectivité territoriale est donc susceptible de se voir transférer, par une mesure législative - respectable, puisque c'est la loi - ou par une mesure réglementaire une charge assumée naguère par une autre collectivité territoriale.

Ma question dans cette hypothèse, qui n'est pas totalement, je pense, une hypothèse d'école, est très précise : que se passe-t-il si la loi, que vous adopterez si vous la trouvez bonne, décide un transfert de ce type ? Mon seul souci est d'obtenir l'assurance que la collectivité qui recevra une charge du fait d'une décision qui lui échappe, recevra dans le même temps une compensation. Une telle garantie, me semble élémentaire. Quel sort réserverez-vous à la collectivité « déchargée » et à la collectivité « chargée » ? Il est impossible de traiter cette question par l'indifférence en considérant que cela se passe entre collectivités et que ce n'est pas grave.

Je répéterai à l'attention de M. Patrice Gélard la vieille formule si simple d'un de mes maîtres, qui faisait allusion au juriste Loisel : qui fait l'enfant doit le nourrir. En l'espèce, si c'est l'Etat qui fait l'enfant et qui décide de mettre sur le dos de la collectivité A ce qui est sur le dos de la collectivité B, je voudrais être assuré qu'une telle décision ouvre droit à compensation.

J'admets que nous ne pouvons pas débattre de la technique, des modalités, de la grandeur de cette compensation, car nous serons renvoyés à la loi de finances, mais nous affirmons là un principe pour résoudre un problème général et non pour défendre un intérêt particulier. Le Premier ministre nous a dit hier que nous avions une double sécurité. J'ai déjà émis des doutes en la matière. C'est pourquoi, chemin faisant, nous allons essayer d'obtenir des précisions.

Monsieur le ministre, je souhaiterais entendre de votre bouche cet engagement qui relève du bons sens et de l'équité. Vous pouvez me le donner de manière formelle en émettant un avis favorable sur l'amendement : M. Jean-Pierre Schosteck, je pense, ne vous en tiendra pas une rigueur éternelle ! (Sourires.)

Cela étant, monsieur le ministre, c'est à vous de trouver les moyens par lesquels vous pourrez répondre à cette question. Je vous écouterai avec intérêt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 878, présenté par MM. Frimat, Peyronnet, Sueur, Lagauche, Dauge, Marc, Reiner, Godefroy, Mauroy, Mano, Domeizel, Chabroux, Cazeau, Bel, Courteau, Krattinger et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Avant le titre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Pour assurer la sincérité et l'équité des compensations financières, celles-ci sont calculées sur la moyenne actualisée des dix exercices budgétaires précédant celui au cours duquel le projet de loi, support à la loi n° relative aux responsabilités locales a été déposé sur le bureau de l'une ou l'autre des assemblées parlementaires. »

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. En rédigeant cet amendement, j'ai voulu, là encore, que nous ayons une discussion calme, sereine, je ne dirais pas « sûre », parce que ce serait plagier le président Poncelet, ce à quoi, pour de multiples raisons, je me refuse.

Le décor est le même que précédemment : toujours sincérité et équité des compensations financières. Je propose une moyenne actualisée, les francs d'hier n'étant pas ceux d'aujourd'hui (Sourires), et ce sur dix exercices budgétaires. Si nous gardons la période de référence qui est la mienne, c'est-à-dire une période pendant laquelle la France aura été gouvernée pendant cinq ans par la gauche et pendant cinq ans par la droite, nous atteindrons l'idéal de la démocratie et serons tous, à nos places diverses, au moins satisfaits à 50 %, ce qui est déjà un début !

Eh bien ! Chiche, monsieur le ministre ! Profitons de l'occasion pour régler le problème une fois pour toutes, sans céder à la facilité, sans ces habiletés dont on peut quelquefois soupçonner Bercy, mon collègue Paul Loridant s'est exprimé tout à l'heure à ce sujet.

A l'époque de la décentralisation « Mauroy », nous avez-vous dit, on a retenu la dernière année : c'était concomitant. Dont acte ! Maintenant, avec vingt ans d'expérience de décentralisation derrière nous, nous serons d'accord pour reconnaître, même si nous n'en faisons pas la même analyse, que les années 2003 et 2004 - l'année 2003, pour ce qui est des annulations de crédits qui ont été pratiquées, l'année 2004, pour ce qui est de celles que vous préparez déjà en prévision du budget que nous n'avons pas encore voté - peuvent être banalisées. En effet, comme nous connaissons les endroits où vont s'appliquer les transferts, nous éviterons toute tentation de faire des économies futures en diminuant particulièrement les transferts sur ces deux années-là.

Oui, chiche ! monsieur le ministre. Cela étant, si vous préférez huit plutôt que dix exercices budgétaires, je n'en ferai pas une maladie !

Notre souhait est de sortir de cette fausse querelle, ou de cette vraie querelle qui oppose toujours les collectivités territoriales à l'Etat. Que mes collègues me démentent s'ils n'ont pas eu le sentiment, au gré des changements d'orientation politique à la tête de l'Etat, d'être « roulés » car le compte n'y était pas. J'ai entendu Jean-Claude Gaudin dire à la télévision, mardi matin, que l'on ne nous referait pas le coup des lycées.

MM. Josselin de Rohan et Eric Doligé. Trop tard !

M. Bernard Frimat. Il est vrai que ce fut un coup, car toutes les régions on fait des efforts pour mettre à niveau les lycées.

Dès lors, ne pouvons-nous pas, dans ce débat, trouver une base de référence ? Je ne dispose pas des calculs et j'ignore s'ils sont favorables aux uns ou aux autres. Mais ne peut-on trouver une référence qui, une fois pour toutes, parce qu'elle est suffisamment large, nous épargne les accidents conjoncturels et les mauvais procès ? C'est un peu l'idée ici.

Retenir une période de trois ans, et précisément 2004, 2003 et 2002, risque d'avoir budgétairement pour les collectivités qui hériteront des crédits un effet de séduction relativement limité, surtout s'il faut compter avec l'habileté de Bercy que nous savons grande. Tels sont les termes du débat.

Peut-être, monsieur le ministre, faut-il de manière plus précise le renvoyer à un autre moment de la discussion. C'est votre liberté, s'il vous faut du temps, si vous préférez que l'on ne traite pas ainsi cette question ; mais je voulais vraiment la poser dans sa logique : pouvons-nous, ensemble, déterminer une base suffisamment large pour qu'elle vide, une fois pour toutes, la querelle qui nous oppose ?

Vous essayez de « rouler » les collectivités locales, et je conçois ce que cela peut avoir de désagréable pour vous de l'entendre, puisque le ministre de l'intérieur a parlé de « clarté », de « loyauté », de « simplification ». C'est pourquoi je dis : Chiche ! Déterminons une base.

Je serais tenté de dire que la conjoncture des années 2003 et 2004 sera sans doute trop particulière. Permettez à l'ancien universitaire que je suis de livrer son expérience : quand on calcule une tendance, on élimine au moins les années statistiquement disqualifiantes. Or, je crains - ou plutôt j'espère - que 2003 et 2004 seront pour vous et pour la France des années disqualifiantes, et que nous irons vers des budgets meilleurs. Mais cela, comme disait qui vous savez, est une autre histoire... (Sourires.)

M. le président. Les trois amendements suivants sont présentés par MM. Peyronnet, Frimat, Sueur, Marc, Lagauche, Dauge, Godefroy, Cazeau, Chabroux, Reiner, Mano, Bel, Domeizel, Mauroy, Krattinger, Courteau et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté.

L'amendement n° 879 est ainsi libellé :

« Avant le titre Ier insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Pour assurer la sincérité et l'équité des compensations financières, la mise en oeuvre des dispositions de la présente loi est conditionnée au vote et à la mise en oeuvre de la loi organique prévue par l'article 72-2 de la Constitution. »

L'amendement n° 882 est ainsi libellé :

« Avant le titre Ier insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Pour assurer la sincérité et l'équité des compensations financières, les transferts de compétences de l'Etat aux collectivités territoriales prévus par la présente loi entreront en vigueur lorsque la commission consultative d'évaluation des charges mentionnée à l'article L. 1614-3 du code général des collectivités territoriales en aura évalué la charge financière, et lorsque la loi de finances, sur la base de cette évaluation, aura prévu les modalités précises de leur compensation par l'attribution de ressources supplémentaires et évolutives aux collectivités territoriales. »

L'amendement n° 883 est ainsi libellé :

« Avant le titre Ier insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Pour assurer la sincérité et l'équité des compensations financières, une annexe au projet de loi de finances décrit et explique les modalités précises du calcul de la compensation du coût des compétences transférées inscrites dans le projet de loi de finances. Elle justifie le montant de la compensation. Elle fait apparaître le détail de l'ensemble des dépenses que l'Etat a consacré à l'exercice de ces compétences au cours des dix derniers exercices budgétaires.

« La Cour des comptes formule un avis motivé sur cette annexe. Il accompagne le projet de loi de finances. »

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour défendre ces trois amendements.

M. Jean-Claude Peyronnet. Ces trois amendements déclinent les excellents sentiments brillamment exposés par M. Frimat : ils visent à instaurer des relations confiantes entre l'Etat et les collectivités, fondées sur la sincérité et l'équité des compensations financières.

Le premier de ces trois amendements placés sous le signe de la sincérité et de l'équité, l'amendement n° 879, ne vous surprend pas : reprenant l'argumentation de notre collègue Paul Loridant, il vise à conditionner la mise en oeuvre des dispositions du présent projet de loi à la mise en oeuvre de la loi organique.

Nous avons déjà insisté sur cette question, et vous nous avez répondu, monsieur le ministre, mais il est cependant un point sur lequel je voudrais vous interroger de nouveau. Avez-vous, oui ou non, obtenu une réelle réponse de Bruxelles sur la question de la TIPP modulable pour la part qui concernera les régions ?

Les amendements n°s 882 et 883 s'inscrivent dans le prolongement des propos tenus par M. Frimat et du premier amendement que j'ai défendu, leur objet étant de trouver des mécanismes pour mesurer de façon objective l'évolution des charges transférées.

L'amendement n° 882 prévoit ainsi que la commission d'évaluation des charges devra évaluer le coût réel avant même que le transfert ne soit décidé et effectif. Au fond, c'est l'équivalent de l'étude d'impact des projets de loi à laquelle, je vous le rappelle, mes chers collègues, nous devrions systématiquement procéder.

Ensuite, une fois cette évaluation faite, la loi de finances devrait prévoir les ressources correspondantes. Dès lors, les choses seraient parfaitement claires.

Pour que les choses soient encore plus claires, l'amendement n° 883 prévoit l'établissement annuel, dans chaque loi de finances, d'une annexe faisant le point sur les sommes transférées par l'Etat aux collectivités, sur l'évolution des charges correspondantes et sur l'adéquation ou la non-adéquation entre ces sommes et cette évolution.

La Cour des comptes, organisme indépendant, formulerait un avis sur cette annexe afin d'assurer la sincérité, l'équité et les bonnes relations entre l'Etat et les collectivités. On éviterait ainsi les procès d'intention, qui sont toujours fâcheux.

M. le président. L'amendement n° 884, présenté par MM. Frimat, Peyronnet, Sueur, Marc, Lagauche, Dauge, Godefroy, Cazeau, Chabroux, Reiner, Mano, Bel, Domeizel, Mauroy, Krattinger, Courteau et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Avant le titre Ier insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« En vertu du principe constitutionnel d'autonomie financière des collectivités territoriales, tout transfert de compétences ne peut intervenir qu'à l'issue d'une évaluation précise et exhaustive de son coût par la commission d'évaluation des charges prévues à l'article L. 1614-3 du code général des collectivités territoriales. »

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. L'abondance de la production des rapporteurs et l'édition dans la journée de lundi de leurs fascicules, la fixation à ce même lundi, à dix-sept heures, du délai limite pour le dépôt des amendements, bref, la manière dont nous avons été contraints de travailler explique sans doute la redondance entre cet amendement et l'amendement défendu par Jean-Claude Peyronnet.

Je retire donc l'amendement n° 884, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 884 est retiré.

L'amendement n° 885, présenté par MM. Frimat, Peyronnet, Sueur, Marc, Lagauche, Dauge, Godefroy, Cazeau, Chabroux, Reiner, Mano, Bel, Domeizel, Mauroy, Krattinger, Courteau et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Avant le titre Ier insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Afin d'assurer la sincérité et l'équité des compensations financières, tout transfert de compétences ne peut intervenir qu'après la détermination par décret en Conseil d'Etat, de critères précis et favorables à l'objectif constitutionnel de péréquation, permettant une juste répartition des ressources transférées entre les collectivités territoriales. »

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Cet amendement répond aussi à un souci de clarté. Je l'ai situé dans le même « décor » que ceux que j'ai exposés précédemment, décor qui, je l'ai vu, vous ravit : la sincérité et l'équité des compensations financières.

Le problème que je veux maintenant soulever est celui de la péréquation.

Nous avons souvent débattu, et nous débattrons encore, de la péréquation. Depuis la réforme de la Constitution, le dernier alinéa de l'article 72-2 prévoit que la péréquation favorise l'égalité entre les collectivités territoriales. Je me souviens que, lors du débat sur la réforme, nous avions des ambitions plus « péréquatrices » que les vôtres. Nous aurions voulu un verbe plus fort que le verbe « favoriser », mais nous n'avions pas su vous convaincre. Il nous faut donc remettre sur le métier notre ouvrage et développer à nouveau notre argumentation.

Là encore, essayons d'avoir une vision clinique des phénomènes : des inégalités, territoriales, sociales existent. On pourrait faire l'analyse de leur origine. Quoi qu'il en soit, j'ai dit hier, au cours de la discussion générale, que nous ne posions pas comme règle que ces inégalités étaient irréversibles. Or, si elles ne sont pas irréversibles, il faut donc « péréquer ». J'ai pris l'exemple des TOS, mais cela ne s'applique pas qu'aux TOS - cela s'applique d'ailleurs essentiellement aux crédits.

Pour procéder à la péréquation, bien sûr, on fera un calcul pour déterminer, globalement, ce à quoi correspond la compétence transférée. Pour ce faire, on utilisera la commission d'évaluation des charges, le comité des finances locales, puis on se mettra d'accord sur un chiffre : telle compétence égale tant de millions d'euros, qui seront transférés du budget national.

Mais, cette somme globale, il faudra bien la ventiler entre les collectivités destinataires du transfert. Or, il y a deux façons de procéder à la ventilation.

La première façon consiste à reproduire l'existant. Si un département recevait des crédits importants, il continuera donc à recevoir des crédits importants.

La seconde solution consiste en revanche à répartir la somme globale entre les collectivités concernées selon - et je prends là le texte de mon amendement - « des critères précis permettant une juste répartition ».

C'est ce que nous attendons du Gouvernement, car cela seul permettra d'éviter de scléroser, de sacraliser, de figer les inégalités existantes.

C'est le gouvernement Mauroy qui a décentralisé les lycées et les collèges, et nous sommes tous d'accord pour dire que les dotations que nous avons reçues ne permettaient pas de faire face aux besoins. Dont acte !

Maintenant, le principe est celui de la neutralité financière : c'est l'article 72-2 de la Constitution, et l'Etat transfère aux collectivités les sommes que lui-même consacrait aux responsabilités transférées.

L'établissement de la dotation régionale d'équipement scolaire et la dotation départementale d'équipement des collèges était fondé sur une logique certes complexe et discutable, mais au moins faisait-on entrer en ligne de compte le nombre d'élèves, de bâtiments, de mètres carrés, etc., puis on procédait à des pondérations en fonction d'une série de critères objectifs actualisés tous les ans et, tous les ans, la dotation évoluait.

Eh bien, pouvons-nous avoir la certitude que les futurs transferts de personnels et de moyens seront fondés sur des critères « péréquateurs » précis permettant une juste répartition des ressources qui ne fige pas les inégalités ?

On hésitait tout à l'heure sur le temps de refroidissement du canon. En l'espèce, je vois plutôt un fusil à un coup.

Première hypothèse : au moment où vous transférez la somme globale aux collectivités intéressées, vous le faites dans l'équité, et il y aura, en effet, péréquation. La Constitution sera respectée parce que la somme transférée correspondra au montant que l'Etat consacrait à ces activités. Peu importe les réactions - c'est assez, pas assez, ou, réaction assez improbable, trop - puisque vous aurez respecté ce qui vous paraît être une garantie, tout en ayant oeuvré en faveur de plus d'équité et de justice entre les collectivités.

C'est cela que nous vous demandons.

Bien sûr, si l'Etat double les crédits et qu'en plus il le fait dans l'équité, personne ne viendra le lui reprocher. Mais nous ne sommes pas dans le domaine du rêve. Nous sommes dans la réalité, et il va s'agir de déterminer le montant contradictoirement avec les commissions qu'il plaira à la majorité sénatoriale d'instituer.

Si le Gouvernement n'établit pas maintenant les critères, il ne pourra plus jamais le faire, parce que l'Etat sera dessaisi de la compétence. Vous avez donc le choix, monsieur le ministre, entre, soit faire un transfert qui induit déjà une péréquation - c'est la première hypothèse, et vous serez tout à fait dans la ligne de votre réforme constitutionnelle -, soit, seconde hypothèse, faire un transfert en dehors de la péréquation, ce qui aggravera les inégalités...

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. D'abord, les articles L. 16-14-2 et L. 16-14-3-1 du code général des collectivités territoriales disposent déjà que les accroissements de charges résultant, pour les collectivités territoriales, d'une modification réglementaire ou législative des conditions d'exercice de leurs compétences doivent être compensés.

Ensuite, la commission des finances a présenté un amendement qui tend à prévoir la compensation des charges résultant des créations et extensions de compétences.

Enfin, j'observe que les modalités de la compensation financière relèvent de la loi de finances.

Compte tenu de ces observations, je demande à l'auteur de l'amendement n° 877 de bien vouloir le retirer. A défaut, l'avis serait défavorable.

J'en viens à l'amendement n° 878. La commission des lois et la commission des finances se sont accordées pour retenir une base de calcul égale à la moyenne actualisée des dépenses au cours des cinq années précédant le transfert de leurs compétences pour les dépenses d'investissement, cette durée pouvant d'ailleurs être accrue par décret, et la moyenne actualisée des dépenses au cours des trois années précédant le transfert pour les dépenses de fonctionnement. Nous avons estimé au sein des deux commissisons qu'il s'agissait là d'une réponse équilibrée au problème très pertinent qui a été posé.

Nous sommes donc défavorables à l'amendement n° 878.

S'agissant de l'amendement n° 879, le projet de loi organique a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale. Comme vous le savez, ce projet de loi devrait être adopté avant l'entrée en vigueur des dispositions de la présente loi. Par conséquent, rien ne justifie de surbordonner l'entrée en vigueur du présent projet de loi à son adoption. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 879.

En ce qui concerne l'amendement n° 882, il est satisfait par le droit en vigueur, auquel se réfère l'article 88 du projet de loi, et par l'article 126 de ce même texte.

Il s'agit de répétitions inutiles et je demande le retrait de cet amendement.

En ce qui concerne l'amendement n° 883, l'idée de créer une annexe à la loi de finances est séduisante, mais celle de prévoir un avis motivé de la Cour des comptes l'est peut-être moins, parce que celle-ci n'a pas à porter d'appréciation sur le contenu des documents budgétaires présentés au Parlement. Il n'y a peut-être pas lieu, non plus, de prévoir une annexe pour les autres exercices budgétaires que celui au cours duquel a lieu le transfert des compétences.

Je rappelle aussi que le rapport de la commission consultative sur l'évaluation des charges expliquera - postérieurement, il est vrai, à l'adoption de la loi de finances pour 2005 - les modalités de la compensation financière.

Nous entendrons avec intérêt l'avis du Gouvernement, mais, d'ores et déjà, nous estimons que le retrait de l'amendement n° 883 serait bienvenu.

J'en viens à l'amendement n° 885.

Le droit prévoit déjà des critères de péréquation entre les collectivités. Ils sont sans doute perfectibles, car tout est perfectible, mais le Parlement débattra en 2004 d'un projet de loi à cet effet.

La commission a donc émis un avis défavorable.

Le réforme de ces critères, il faut l'observer, n'a pas non plus été effectuée sous la précédente législature, pendant laquelle, il est vrai, on préférait - pardonnez-moi ce rappel cruel - les rapports aux actes...

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ces amendements, qui traitent de vrais problèmes, méritent d'être débattus et ils sont l'occasion de clarifier les choses.

Sur l'amendement n° 877, monsieur Frimat, je vous le confirme, dès lors que l'Etat reprend la main, c'est-à-dire dès lors qu'il décide de procéder à un transfert de collectivité territoriale à collectivité territoriale, il est soumis aux obligations édictées par l'article 72-2 de la Constitution et la garantie est apportée de ce fait. Si le transfert a lieu entre collectivités territoriales par voie conventionnelle, c'est la convention qui règle les litiges éventuels.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous êtes donc d'accord avec M. Frimat ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Oui, je suis d'accord avec M. Frimat. Mais son amendement est totalement superfétatoire : la Constitution elle-même satisfait l'amendement. Que peut ajouter la loi ordinaire ?

Cet amendement est inutile puisque, dès lors que l'Etat décide de transférer une compétence d'une collectivité territoriale à une autre, il prend la responsabilité de ce transfert et assume les obligations correspondantes : loyauté du transfert, compensation, etc.

M. Bernard Frimat. Vos paroles, elles, ne sont pas inutiles !

M. Gérard Longuet. C'est vrai, notamment pour les travailleurs sociaux !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. S'agissant de l'amendement n° 878, le Gouvernement a dit, et vous avez bien voulu le rappeler, qu'il voulait qu'il n'y ait pas de discussion et que les choses soient assurées.

Je veux simplement poser le problème comme il se présente.

D'abord, il y a le fonctionnement et il y a l'investissement. La règle n'est pas nécessairement la même, et il ne serait peut-être pas opportun qu'elle le soit, pour l'investissement et pour le fonctionnement. Les dépenses de fonctionnement ont plutôt tendance à augmenter régulièrement malgré les crises, encore qu'il peut y avoir des effets d'anticipation de la décentralisation tendant à dévitaliser les services, j'en conviens, mais la question de savoir si le même critère doit s'appliquer ou non mérite que l'on y réfléchisse.

Deuxième observation, il faut tout de même que l'évaluation se fasse à périmètre constant. En dix ans, le contenu de la compétence transférée a pu considérablement changer, notamment pour les investissements. Il faut donc préciser que l'on procède à périmètre constant, ce qui est d'ailleurs dans l'intérêt de tout le monde et conforme au principe de loyauté, puisque cela peut favoriser la collectivité comme l'Etat.

Troisième observation, la commission a déposé sur ce point un amendement n° 202, auquel le Gouvernement est plutôt favorable, mais cela ne devrait pas empêcher le débat de reprendre toute sa signification. Peut-être cet amendement pourra-t-il faire l'objet d'un consensus entre la majorité et l'opposition ?

Là encore, le Gouvernement est ouvert, et, d'un point de vue philosophique, je suis d'accord avec vous, monsieur Frimat, sur l'objectif à atteindre. Il faut cependant essayer de ne pas se tromper quant aux modalités techniques, et je suis donc d'avis de reporter la discussion à l'examen de l'amendement n° 202.

A propos de l'amendement n° 879, vous m'avez interrogé sur la position de Bruxelles quant à la TIPP.

D'abord, je tiens à vous dire que la France n'est pas sous tutelle et qu'elle n'a pas à être autorisée à procéder à des réformes qu'elle estime souhaitables.

En revanche, elle doit naturellement se conformer aux traités qu'elle a signés et respecter le droit européen. Si la Commission estime que la France a commis une erreur de droit, elle peut la déférer devant la Cour européenne. Mais elle n'a pas à l'autoriser à agir. Néanmoins, la courtoisie...

M. Gérard Longuet. La prudence !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... et, peut-être, une bonne politique...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... exigent que l'on noue avec la Commission un dialogue afin d'éclairer un problème...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. On ne l'a pas fait pour Alstom !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... qui, en effet, n'est pas très simple. Nous discutons avec la Commission. Pour le moment, elle a simplement posé des questions ; elle n'a émis aucune objection sur le projet dont nous lui avons donné connaissance. Nous avons d'ailleurs fait un peu mieux que de lui donner connaissance de notre projet : nous avons fait des recherches en droit et nous avons notamment consulté d'éminents spécialistes, qui nous ont assuré que ce dispositif était conforme au droit européen, étant entendu que le droit, M. Dreyfus-Schmidt le sait comme moi, est un art incertain, mais on peut tout de même essayer de le cerner. C'est pourquoi je suis hostile à cet amendement, qui me paraît dilatoire, car il tend à reporter inutilement l'application du dispositif.

L'amendement n° 882 me semble satisfait. A l'évidence - et cela résulte de l'article 126 du présent texte -, la loi n'entrera en vigueur que si la compensation financière est inscrite dans la loi de finances votée. Elle ne peut donc pas entrer en vigueur autrement. Et pour qu'elle figure dans la loi de finances, il faut qu'elle ait été convenablement évaluée, suivant les dispositions qui seront arrêtées par le Parlement. Votre demande est donc totalement satisfaite.

L'amendement n° 883 me paraît inutile, car la commission d'évaluation des charges devrait rédiger un rapport. D'ailleurs, ce ne sera peut-être pas la commission d'évaluation des charges, puisque cela dépendra du dispositif qui sera arrêté. Je suis ouvert à vos propositions dans ce domaine. En tout état de cause, c'est à ce stade que sera rédigé le rapport. Votre amendement risque donc d'alourdir inutilement la procédure. En outre, comme l'a observé M. Schosteck, la Cour des comptes n'a pas sa place à ce stade.

J'en viens à l'amendement n° 885. Vous l'avez parfaitement compris, monsieur Frimat, il y a deux éléments, qui sont séparés : d'une part, le transfert, qui doit être compensé loyalement par les sommes que l'Etat affectait, et, d'autre part, la péréquation. Votre amendement tend à lier les deux éléments et il conditionne le transfert à la péréquation. Cela me paraît être un obstacle au transfert, et je ne crois pas que ce soit de bonne politique.

Cependant, il est vrai que les travaux sur la péréquation trouveront leur aboutissement en même temps que la mise en oeuvre de la loi de transfert. Aussi, les deux phénomènes, s'ils ne sont pas juridiquement liés, le sont conjoncturellement. En effet, le premier stade sera la loi de finances pour 2004 et le deuxième le travail de l'année 2004 pour 2005, à savoir les critères de la péréquation. La décision appartiendra au Parlement. Je rappelle que, aux termes de la Constitution, la fixation des critères ne peut pas intervenir par décret. Cela relève donc du domaine législatif. La nouvelle péréquation entrera en vigueur dans la loi de finances pour 2005. Donc, vous trouverez la concomitance, à défaut du conditionnement juridique. Pour toutes ces raisons, et avec regret, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Frimat, les six amendements en discussion commune sont-ils maintenus ?

M. Bernard Frimat. Oui, monsieur le président, ils le sont, du moins pour l'instant.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 877.

M. Bernard Frimat. D'abord, je me réjouis de la qualité du débat, monsieur le ministre.

Ce débat, nous ne l'avons pas eu en commission, compte tenu de la vitesse de travail que vous pouvez apprécier, monsieur le président. Je le regrette. Mais la commission pouvait-elle faire autrement dans le temps qui lui était imparti ? Je suis donc peu sensible au fait d'entendre ici qu'un amendement n'est pas conforme à un avis émis en commission, où le temps moyen d'examen des amendements est très long quand il dure dix secondes ; quand nous discutons, c'est, en général, sur des sujets éminemment secondaires, à quelques exceptions près. Aussi, je vous remercie de ce débat, monsieur le ministre. Je souhaite que nous le poursuivions (M. le ministre opine), car la décentralisation est un sujet très important, sur lequel nous sommes tous engagés.

J'ai vécu la décentralisation depuis ses débuts dans ma région. Nous nous sommes passionnés pour ce sujet. Peut-être pouvons-nous partager cette passion sans avoir recours, sur tel ou tel point, à certains qualificatifs.

J'ai noté vos propos. Vous m'avez dit que le problème que je posais était réel, que mon amendement était intéressant et que vous en partagiez la philosophie, toutes choses fort intéressantes. Mais vous avez ajouté : « Il est inutile. » Soit ! Il est malheureux d'être inutile quand on a préalablement reçu tous ces éloges. Toutefois, j'accepte qu'il en soit ainsi car je constate que nous avons de bons débats à partir d'amendements que l'on peut qualifier - je vous taquine - d'« inutiles » ; nous avons parfois de mauvais débats sur des amendements qui, aux yeux de certains, sont indispensables.

Si je vous ai bien compris, dès lors que l'Etat décide de transférer à une collectivité ce qui est fait par une autre collectivité, l'article 72-2 de la Constitution s'applique, sauf que l'Etat ne peut pas tout à fait lui donner l'argent qu'il consacrait à la compétence puisque, en l'occurrence, il ne versait rien à ce titre. Mais il doit assurer. Parce qu'il y a extension, il doit faire face. Dès lors que l'Etat décide, en cas de transfert d'une communauté à la région, par exemple, il ne peut pas dire à ladite région : « Je ne payais pas, donc débrouillez-vous » ; il est obligé de compenser. Sommes-nous d'accord ? (M. le ministre fait un signe d'assentiment.) Dont acte, monsieur le ministre. Vos paroles n'étaient pas inutiles, elles sont maintenant gravées. Aussi, mon amendement étant satisfait, non par ce qu'évoquait la commission, mais par vos propos, je le retire, afin de vous éviter de le mettre aux voix, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 877 est retiré.

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 878.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. le ministre nous a dit qu'il ne verrait pas d'inconvénient à l'adoption de cet amendement s'il y était précisé que les compensations financières sont calculées « à périmètre constant ». Aussi, nous rectifions en ce sens notre amendement.

M. le ministre a réfléchi devant nous et, finalement, il a raison : pourquoi faire une différence entre l'investissement et le fonctionnement ? Après tout, il n'y a pas de raison particulière, surtout si l'on prend une période suffisamment longue - ce qui est le cas ici puisqu'elle est précisément de dix ans -, bien évidemment actualisée, mais qui ne soit pas faussée par certains éléments divers.

Compte tenu de cette rectification, j'espère que le Gouvernement émettra un avis favorable sur cet amendement, que nous vous demandons d'adopter, mes chers collègues.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 878 rectifié, présenté par MM. Frimat, Peyronnet, Sueur, Lagauche, Dauge, Marc, Reiner, Godefroy, Mauroy, Mano, Domeizel, Chabroux, Cazeau, Bel, Courteau, Krattinger et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, et ainsi libellé :

« Avant le titre Ier insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Pour assurer la sincérité et l'équité des compensations financières, celles-ci sont calculées, à périmètre constant, sur la moyenne actualisée des dix exercices budgétaires précédant celui au cours duquel le projet de loi, support à la loi n° relative aux responsabilités locales a été déposé sur le bureau de l'une ou l'autre des assemblées parlementaires. »

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission maintient sa position.

M. Jean-Pierre Sueur. Oh !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. En effet, la commission des lois et la commission des finances ont adopté une position commune et retenu, je le répète, la moyenne actualisée des dépenses sur cinq années...

M. Gérard Longuet. Pour les investissements !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. ... pour les investissements et sur trois années pour les dépenses de fonctionnement. Je suis lié par la position de la commission, et je vois M. Mercier opiner pour ce qui concerne la commission des finances.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il n'est pas de l'intérêt des collectivités territoriales d'avoir une moyenne sur dix ans. En effet, si la moyenne est calculée sur une aussi longue période, comme il est probable que les dotations des premières années seront beaucoup plus faibles que celles des dernières années, la moyenne sera plus faible...

M. Gérard Longuet. Elle sera tirée vers le bas !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... que si elle est établie sur une durée plus courte. Cela vous paraît une garantie, monsieur le sénateur...

M. Gérard Longuet. C'est une garantie pour l'Etat, mais pas pour les collectivités locales !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Moi, j'ai l'impression que c'est très dangereux pour les collectivités territoriales, je me permets de vous le dire. La position réfléchie et équilibrée qu'ont élaborée les deux commissions me semble plus prudente. Au demeurant, Bercy est sûrement de votre avis, monsieur le sénateur. Cela devrait vous faire réfléchir.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non, il s'agit de ce que l'Etat dépensait, et non de ce que les collectivités dépensaient !

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Monsieur le ministre, vous avez formulé trois remarques.

D'abord, vous avez dit que pour le fonctionnement et l'investissement les règles ne devaient pas forcément être les mêmes. Dont acte !

Ensuite, vous avez précisé qu'il fallait calculer « à périmètre constant ». Cela me semble effectivement pertinent.

Enfin, vous nous avez dit qu'un amendement avait été déposé conjointement par la commission des lois et la commission des finances. J'ai expliqué tout à l'heure pourquoi nous avions été contraints de déposer nos amendements sans attendre de connaître ceux de la commission des finances : si nous l'avions fait, nous aurions été forclos ! En ce sens, ce débat a son utilité.

Monsieur le ministre, vous nous avez fait une proposition et vous avez évoqué l'amendement n° 202 de la commission des lois. Je vous propose donc, si cela peut vous convenir, de nous donner le temps de la réflexion et de réserver notre amendement jusqu'à l'examen de l'amendement n° 202, mais je ne sais pas si c'est possible, monsieur le président, car je suis novice dans cette assemblée. Ainsi, au moment où nous aborderons le débat sur la période de référence de trois ans, nous reprendrons l'examen de notre amendement. Cela est-il techniquement conforme au règlement ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Sous-amendez l'amendement n° 202 !

M. Bernard Frimat. Si nous pouvons procéder ainsi, je me rallierai à la position de M. le ministre. Vous le constatez, monsieur le ministre, nous sommes sensibles à votre capacité de conviction !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il faut réserver cet amendement jusqu'à l'examen de l'amendement n° 202 !

M. le président. Monsieur Frimat, l'amendement n° 202 portant sur un article, le débat perdrait de sa cohérence.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Je ne peux que partager votre avis, monsieur le président. Si nos collègues veulent intervenir dans le cadre de l'amendement n° 202, ils pourront le sous-amender lors de son examen.

M. le président. Monsieur Frimat, la commission vous suggère de sous-amender l'amendement n° 202,...

M. Jean-Pierre Sueur. Nous allons le faire !

M. le président. ... ce qui serait de nature à préserver la cohérence du débat et à vous permettre de prendre peut-être maintenant l'initiative qui contribuerait à la clarification ultérieure.

M. Bernard Frimat. Monsieur le président, je vous écoute toujours très attentivement. Pour ne pas apparaître désagréable à M. Jean-Pierre Schosteck en sortant du débat et à titre exceptionnel, mais avec un plaisir infini, je me rallie à cette proposition. Nous retirons donc notre amendement.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Je vous remercie.

M. Bernard Frimat. Nous présenterons peut-être plusieurs sous-amendements, afin de bien préciser le dispositif. Nous aurons du temps pour le faire, puisque nous avons non pas la connaissance générale, à laquelle personne ne peut prétendre, mais au moins une parfaite connaissance de tous les rapports. En effet, je suis sûr que tous les collègues présents ont eu, depuis lundi, la faculté de lire plusieurs fois la totalité des rapports et en sont maintenant totalement imprégnés !

M. Jean-Jacques Hyest. Une fois nous suffit ! (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 878 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 879.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote sur l'amendement n° 882.

M. Jean-Claude Peyronnet. Cet amendement est satisfait par l'article 126, avez-vous dit, monsieur le ministre. Pour ma part, je n'en suis pas complètement convaincu. De toute façon, à la fin de notre amendement figurent des précisions concernant l'obligation de voter des ressources supplémentaires et évolutives. Ces précisions me semblent justifier à elles seules le maintien de cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 882.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 883.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le rapporteur, je voudrais savoir sur quel article porte l'amendement n° 202.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. L'article 88 !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous remercie.

Nous souhaitons rectifier l'amendement n° 883. D'abord, on nous dit que la Cour des comptes ne peut pas formuler un avis motivé sur une annexe au projet de loi de finances. Il suffirait que la loi le décide pour que ce soit de sa compétence. Toutefois, dans la mesure où cela vous choque, nous supprimons cette disposition.

Reste la première partie de l'amendement aux termes de laquelle l'annexe ferait « apparaître le détail de l'ensemble des dépenses que l'Etat a consacré à l'exercice de ces compétences au cours des dix derniers exercices budgétaires ». Il est préférable de faire référence aux « exercices budgétaires visés à l'article 88 de la présente loi ».

M. Jean-Claude Peyronnet. Très bien !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Demeure donc seul en discussion maintenant le principe même d'une annexe au projet de loi de finances, dont il nous a été dit que c'était une bonne idée. Monsieur le ministre, nous pourrions donc être d'accord sur cet amendement ainsi rectifié.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 883 rectifié, présenté par MM. Peyronnet, Frimat, Sueur, Marc, Lagauche, Dauge, Godefroy, Cazeau, Chabroux, Reiner, Mano, Bel, Domeizel, Mauroy, Krattinger, Courteau et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, et ainsi libellé :

« Avant le titre Ier insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Pour assurer la sincérité et l'équité des compensations financières, une annexe au projet de loi de finances décrit et explique les modalités précises du calcul de la compensation du coût des compétences transférées inscrites dans le projet de loi de finances. Elle justifie le montant de la compensation. Elle fait apparaître le détail de l'ensemble des dépenses que l'Etat a consacré à l'exercice de ces compétences au cours des exercices budgétaires visés à l'article 88 de la présente loi. »

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Je maintiens ma position. J'avais commencé par dire que c'était une idée séduisante, mais je n'avais pas dit qu'elle était forcément bonne. A la réflexion, j'ai considéré que cette disposition n'était pas absolument indispensable et que, de surcroît, il n'était pas nécessaire de la maintenir au-delà de la première année.

L'avis de la commission est donc globalement défavorable, même si l'idée est sympathique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Peyronnet. L'amendement n° 883 rectifié que vient de défendre mon collègue Michel Dreyfus-Schmidt permettait de beaucoup progresser et je suis tout à fait inquiet après avoir entendu l'argumentation de M. le rapporteur.

Si ces modalités concernant un bilan d'étape annuel ne sont pas retenues, c'est très inquiétant. En effet, si les normes évoluent d'une façon qui n'était pas prévisible, si l'Etat impose aux collectivités des charges nouvelles, il faut que les élus disposent, pendant un certain temps - peut-être pas éternellement, mais sûrement pendant quelques années - d'informations précises.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je crois avoir déjà raconté au Sénat cette histoire drôle. Je tiens à cependant la raconter à nouveau, car c'était il y a fort longtemps.

Un enfant quelque peu gâté voudrait manger quelque chose d'absolument immangeable. Son père se refuse d'abord à satisfaire ce caprice. Puis, devant l'insistance de l'enfant, il accepte. Mais l'enfant dit : « Je veux que papa goûte d'abord. » En se bouchant le nez, le père s'exécute. L'enfant dit alors : « Je n'en veux plus, il a mangé le morceau que je voulais. »

C'est exactement la même histoire qui vient de se produire !

M. Eric Doligé. Qu'y avait-il de drôle ? (Rires.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. On vous donnera un cours particulier !

Nous en sommes exactement là : nous avons rectifé notre amendement à trois reprises pour vous donner satisfaction...

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Si j'ai bien compris, l'amendement était le plat que nous devions déguster !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous le trouviez immangeable, nous l'avons rendu mangeable ! Nous avons fait exactement ce qu'il fallait pour répondre à votre demande et vous dites que vous n'en voulez pas et que vous êtes du même avis que la commission.

J'avoue que nous ne comprenons pas, mais j'aimerais que le Sénat, lui, salue les efforts que nous avons faits pour vous satisfaire.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Nous les saluons !

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Eric Doligé. Une histoire drôle !

M. Bernard Frimat. Je vous la laisse, mon cher collègue ! Vous nous raconterez une histoire départementale sans doute !...

Mes chers collègues, je suis d'une grande sérénité quand vous refusez nos amendements. Cela ne me perturbe pas. La seule chose, c'est que je voudrais comprendre pourquoi vous les refusez.

Sans doute pouvons-nous revoir la forme de l'amendement, et vous avez vu que nous sommes très ouverts sur cette possibilité. Mais qu'est-ce qui vous gêne dans cet amendement ? Est-ce la notion d'annexe à la loi de finances ? Pensez-vous que ce dispositif serait trop lourd ?

Pouvons-nous avoir l'engagement de votre part que, demain, les collectivités territoriales pourront disposer des éléments qui leur permettront de vérifier les modalités précises du calcul de la compensation et de justifier son montant, comme le prévoit l'amendement ?

C'est cela le fond, le reste n'est que formel. Si l'annexe à la loi de finances n'est pas le bon document, nous pourrons en débattre. L'important, c'est de s'expliquer clairement.

Etes-vous d'accord pour dire qu'il est normal que les collectivités territoriales, quelles qu'elles soient et quelle que soit leur orientation politique, demain, pourront comprendre les modalités de calcul, en avoir le détail, avoir les formules, pourront en débattre, les contester éventuellement, pourront dire qu'il n'y a pas le compte ou que c'est très bien et que chacun connaîtra les bases de référence ?

Cet amendement vise à assurer la transparence, nous ne disons rien d'autre et je n'ose imaginer que, pour votre part, vous disiez : « Non ! Votre amendement, nous n'en voulons pas parce que nous préférons l'opacité, parce que nous ne voulons pas que vous compreniez ! »

Vous pouvez le faire. Aujourd'hui, vous avez tous les éléments et nous ne les avons pas. C'est la règle du jeu : c'est vous qui êtes aux manettes, cela durera ce que cela durera, mais c'est la démocratie.

Nous vous demandons donc : êtes-vous, oui ou non, d'accord pour que n'importe quel brillant - puisqu'il aura atteint ces fonctions - président de conseil régional, de conseil régional, de communauté urbaine, de communauté de communes, puisse savoir - et ce sera la seule image culinaire que j'utiliserai - à quelle sauce il va être mangé ou à quel festin on l'invite.

Choisissez, monsieur le ministre, mais répondez-nous sur le fond. Après, on trouvera les modalités.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je dirai d'abord à M. Dreyfus-Schmidt que je ne me résous jamais à manger l'immangeable : quand c'est immangeable, je laisse !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais nous l'avons rendu mangeable !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Cela dit, monsieur Frimat, j'avais cru m'être déjà exprimé sur ce point, mais peut-être n'ai-je pas été assez clair. Je reprends donc : en l'occurrence, je suis d'accord avec la finalité de cet amendement, à savoir la transparence, mais la commission consultative sur l'évaluation des charges, doit faire un rapport annuel d'évaluation.

M. Bernard Frimat. Elle ne se réunit pas !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Cela ne fonctionne pas, c'est exact. Mais nous sommes tous convenus qu'il fallait réorganiser ce dispositif d'évaluation et lui donner toutes les garanties qui satisfassent et le Parlement et les collectivités territoriales. Mais c'est par cette commission que l'information doit circuler.

Afin d'éviter les doublons, je pense que la commission revisitée devra faire un rapport. Ce rapport offrira plus de garanties qu'un rapport fait par l'Etat, qui est un rapport nécessairement unilatéral. Le rapport de la commission sera contradictoire et offrira davantage de garanties en matière d'équité et de transparence, comme vous le demandez.

M. Jean-Claude Peyronnet. Je demande la parole.

M. le président. Est-ce pour retirer l'amendement ?

M. Jean-Claude Peyronnet. Je suis prêt à retirer l'amendement n° 883 rectifié. Il serait souhaitable dans ces conditions que M. le ministre accepte ultérieurement un sous-amendement prévoyant que la commission d'évaluation des charges rénovée établira un rapport annuel.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. J'ai dit que le Gouvernement était d'accord !

M. Jean-Claude Peyronnet. Cette rénovation se fera-t-elle rapidement ou nécessitera-t-elle un délai ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Nous proposons d'intégrer cette possibilité dans le cadre de cette loi. Lors des concertations, les débats ont en effet montré qu'il existait une méfiance à l'égard de l'Etat, une méfiance qui est le produit de l'histoire.

Le Gouvernement est donc d'accord pour mettre en place dispositif que le Parlement décidera dans ce projet de loi.

Le Gouvernement a dit par avance, par la voix du Premier ministre, du ministre de l'intérieur et par la mienne, qu'il acceptait cette disposition. Que puis-je dire de plus ?

M. Eric Doligé. Rien !

M. le président. L'amendement n° 883 rectifié est retiré.

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 885.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avons écouté avec beaucoup d'attention les explications que M. le ministre a bien voulu nous donner. Il nous a confortés dans l'idée que cet amendement n° 885 doit être adopté par le Sénat. Il nous a, en effet, expliqué qu'il y a, d'une part, le transfert, qui est global, et, d'autre part, la péréquation.

Pour notre part, nous demandons que les deux aient lieu en même temps. Pourtant, M. le ministre a dit que la loi sur la péréquation serait discutée ultérieurement même si elle était appliquée en même temps que le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui.

Or, le meilleur moyen pour que la péréquation ait lieu en même temps que le transfert, c'est précisément de lier les deux éléments. Cela reviendra à mentionner d'ores et déjà dans la loi ce que vous nous proposerez ensuite et en détail dans la loi sur la péréquation.

« Afin d'assurer la sincérité et l'équité des compensations financières, tout transfert de compétences ne peut intervenir qu'après détermination par décret en Conseil d'Etat...

M. Jean-Jacques Hyest. C'est déjà dans la loi !

M. Michel Dreyfus-Schmidt ... de critères précis et favorables à l'objectif constitutionnel de péréquation permettant une juste répartition des ressources transférées entre les collectivités territoriales. »

A en croire M. le rapporteur, ce serait inutile, puisque la Constitution le prévoit. Eh bien ! non, ce que dit la Constitution, c'est seulement qu'on doit tendre vers une péréquation !

Si on ne transfère pas en même temps, d'une part, ce qui doit être transféré normalement, et, d'autre part, ce qui permet d'aboutir à une équité pour aider ceux qui n'en ont pas les moyens à faire face à la nouvelle compétence, on n'arrivera jamais à une véritable péréquation.

Voilà pourquoi nous vous demandons d'accepter notre amendement n° 885.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 885.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 880, présenté par MM. Frimat, Peyronnet, Sueur, Marc, Lagauche, Dauge, Godefroy, Cazeau, Chabroux, Reiner, Mano, Bel, Domeizel, Mauroy, Krattinger, Courteau et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Avant le titre Ier insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Les transferts de compétences aux collectivités territoriales et à leurs groupements prévus par la présente loi ne seront mis en oeuvre qu'à l'issue d'une réforme profonde de la fiscalité locale fondée sur la révision des valeurs locatives, le renforcement de la modulation des bases de taxe d'habitation en fonction du revenu des contribuables et la suppression des éléments de la taxe professionnelle conduisant à une taxation de l'investissement. »

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. L'attribution de compétences nouvelles aux collectivités territoriales va inévitablement - comme cela a toujours été le cas dans le passé - les conduire à augmenter le produit fiscal généré par leur impôts. En effet, même si l'Etat accorde aux collectivités territoriales un montant de ressources nouvelles égal au montant de dépenses qu'il consacrait aux compétences transférées - ce que personne d'ailleurs ne croit ! - cela ne sera pas suffisant tant il est patent que la plupart des compétences transférées aux collectivités territoriales sont actuellement mal exercées et sous-dotées.

Suffisamment d'exemples ont été fournis lors de cette première journée de discussion des articles pour ne pas en ajouter sur ce point. Tout le monde s'accorde sur le fait que, les impôts locaux étant destinés à être davantage sollicités, leurs effets néfastes ne pourront que s'amplifier.

Force est en effet de constater aujourd'hui que les impôts locaux sont à bout de souffle : ils pénalisent excessivement les acteurs économiques, ils sont arbitraires et particulièrement injustes sur le plan social, leur poids variant d'un contribuable à l'autre en fonction d'une évaluation des biens remontant à 1970.

Par conséquent, la révision des valeurs locatives doit être un impératif si l'on veut conserver à long terme les « quatre vieilles » comme impôts locaux. Le chantier est immense et risqué, comme le prouve l'expérience.

M. Jean-Jacques Hyest. Personne ne l'a mis en oeuvre !

M. François Marc. Mon cher collègue, ne pas l'entamer serait encore plus risqué pour l'avenir de la fiscalité locale, car c'est sa légitimité même qui est en jeu.

Comment les élus locaux peuvent-ils justifier une taxation sur la base de valeurs locatives remontant à 1970 pour le bâti, voire à 1961 pour le non bâti ? Ne s'est-il rien passé depuis ? Des quartiers ne se sont-ils pas dégradés, tandis que d'autres étaient rénovés ? Tous les quartiers de Paris se sont-ils valorisés au même rythme ? Comment expliquer que la valeur réelle des biens, leur valeur vénale, soit si éloignée de leur valeur locative, sur laquelle pourtant ils sont taxés ?

En vérité, ne rien faire, c'est négliger les collectivités territoriales et les élus locaux qui se débattent pourtant comme ils peuvent avec ce qui existe. Chaque jour, ils sont sommés de justifier l'injustifiable !

L'amendement que je défends vise donc à conditionner la mise en oeuvre des transferts de compétences à la réalisation d'une réforme de la fiscalité locale tournée vers trois directions : premièrement, la révision des valeurs locatives ; deuxièmement, le renforcement de la modulation de la taxe d'habitation en fonction du revenu ; troisièmement, la suppression des éléments de la taxe professionnelle frappant les moyens de production.

Mes chers collègues, il s'agirait d'un préalable hautement souhaitable pour que l'ensemble des élus locaux puissent entr'apercevoir cette évolution de la décentralisation comme une évolution favorable et supportable d'une façon plus équitable par les contribuables locaux.

C'est la raison pour laquelle il paraît souhaitable d'adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Je me permets de rappeler que la réforme de la fiscalité locale qui a été opérée sous la précédente législature a consisté dans la suppression pure et simple de 15 milliards d'euros de recettes fiscales des collectivités territoriales. Il est donc normal que celles-ci soient embarrassées et inquiètes aujourd'hui.

En revanche, le Parlement a voté dans la loi de finances pour 2003 deux mesures importantes pour les collectivités locales : l'assouplissement du lien entre le taux des impôts locaux - on l'attendait depuis longtemps - et la normalisation de l'assujettissement de France Télécom à la taxe professionnelle ; il y avait là une injustice, elle est réparée.

Les auteurs de l'amendement ne me paraissent donc pas les mieux placés pour prodiguer des conseils et des exhortations. Ils avaient tout le temps de le faire, puisque c'était si facile.

En tout cas, compte tenu des propos que M. Marc a tenus, j'avoue que, en tant que maire d'une commune, je ne suis pas pressé de voir ses idées mises en oeuvre !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Même avis défavorable.

Je veux tout de même remercier les auteurs de cet amendement pour la très grande confiance qu'ils ont dans le Gouvernement, puisqu'ils le croient capable de réaliser immédiatement, dans un très court délai, ce qu'ils n'ont pas pu faire en tant de temps. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Paul Girod, contre l'amendement.

M. Paul Girod. J'ai eu l'honneur d'être le rapporteur de la loi de révision des valeurs locatives déposée il y a déjà un certain nombre d'années et votée en termes identiques, à un article près, par les deux assemblées. En effet, nous avions pris l'engagement, avec le rapporteur de l'Assemblée nationale, après une commission mixte paritaire qui avait officiellement échoué à cause d'un article qui nous opposait, de faire voter par nos assemblées tout le reste du texte en termes identiques, ce qui a été fait. Et c'est le gouvernement de l'époque, qui n'était pas un de ceux que j'ai eu l'honneur de soutenir, qui a arrêté la mise en application de la loi.

Par conséquent, nous demander aujourd'hui de faire ce qui a été abandonné il y a déjà pas mal d'années me semble un peu excessif sur le plan des principes. J'ajoute que les termes qui sont employés comme « une révision profonde » n'ont aucune valeur juridique et ne peuvent être admis dans un texte de loi comme celui dont nous discutons.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je reconnais que l'adjectif « profonde » n'a pas sa place dans un texte de loi. Nous serons au moins d'accord sur ce point, et nous modifions donc l'amendement n° 880 en supprimant l'adjectif « profonde ».

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 880 rectifié, présenté par MM. Frimat, Peyronnet, Sueur, Marc, Lagauche, Dauge, Godefroy, Cazeau, Chabroux, Reiner, Mano, Bel, Domeizel, Mauroy, Krattinger, Courteau et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, et ainsi libellé :

« Avant le titre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Les transferts de compétences aux collectivités territoriales et à leurs groupements prévus par la présente loi ne seront mis en oeuvre qu'à l'issue d'une réforme de la fiscalité locale fondée sur la révision des valeurs locatives, le renforcement de la modulation des bases de taxe d'habitation en fonction du revenu des contribuables et la suppression des éléments de la taxe professionnelle conduisant à une taxation de l'investissement. »

Veuillez poursuivre, monsieur Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai trouvé que François Marc était sévère pour le Gouvernement que nous avons eu l'honneur de soutenir ensemble parce que des efforts avaient tout de même été faits pour rendre l'impôt local moins injuste, en prévoyant notamment des exemptions en matière de taxe d'habitation. Il me semblait nécessaire de le rappeler.

Notre collègue Paul Girod vient de nous dire que nous étions d'accord à l'époque pour revaloriser les bases.

J'ai évoqué avec lui le souvenir de notre collègue Jacques Descours-Desacres, qui insistait lourdement, mais avec raison, et malheureusement pas suffisamment puisqu'il n'a pas été suivi, pour que les bases soient revalorisées.

Chers collègues de la majorité, vous avez demandé une telle revalorisation lorsque le gouvernement en place était celui que vous souteniez. Vous ne l'avez pas obtenu. Nous l'avons demandée lorsque le gouvernement en place était celui que nous soutenions. Nous ne l'avons pas obtenu.

Les gouvernements ont manqué de courage les uns et les autres, il faut dire les choses comme elles sont. Mais cette situation ne peut plus durer. Aussi, compte tenu de l'expérience du passé, que nous avons dénoncée les uns et les autres, il serait normal que nous soyons cette fois unanimes pour demander que les bases soient enfin revalorisées.

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.

M. Michel Mercier. Je voudrais répondre à mes collègues et dire pourquoi nous ne pouvons être que résolument hostiles à cet amendement.

Nous avons tous estimé hier que le coût des compétences transférées avoisinait les 11 milliards d'euros, voire un peu plus. Penser que la fiscalité locale rénovée comme vous nous le proposez est capable de fournir plus de 11 milliards d'euros, c'est croire en la magie, surtout que cet amendement vise, en outre, à supprimer purement et simplement la taxe professionnelle dont il ne resterait plus rien. (M. Dreyfus-Schmidt proteste.)

Vous aurez tout le loisir de me répondre demain et les jours suivants, monsieur Dreyfus-Schmidt.

On ne pourra financer la décentralisation nouvelle qu'en transférant des impôts nouveaux. Essayer d'obtenir 11 milliards d'euros d'impôts qui ont deux siècles d'existence et dont nous connaissons l'inadaptation au monde d'aujourd'hui, c'est compter sur la magie, je le répète.

Battons-nous pour obtenir de vrais transferts fiscaux pour accompagner les compétences transférées et ne supprimons pas la taxe professionnelle, cet impôt économique essentiel, ancré sur le territoire !

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. J'ai bien conscience que la dimension politique de ce sujet fait prendre aux uns et aux autres des positions tranchées, un peu caricaturales. Ainsi, lorsqu'on soutient que notre objectif est de trouver 11 milliards d'euros, on se fourvoie sérieusement.

Le Gouvernement nous a assuré qu'il allait mettre en place des compensations. Mais nous ne pouvons prendre cette affirmation à la lettre. Il y aura certainement des dérapages puisque déjà, actuellement, certaines compétences ne sont pas assurées dans des conditions satisfaisantes. Aussi, pour couvrir les dépenses supplémentaires que devront engager les collectivités, il faudra bien faire appel à la fiscalité locale. Les divers arguments qui nous ont été opposés ne tiennent donc pas.

Ce débat est au demeurant très instructif. Il fait ressortir le malaise que certains éprouvent aujourd'hui par rapport à la position prise par le Gouvernement sur la fiscalité.

Tous les Français se rendent bien compte - il n'est que de lire la presse tous les matins pour le savoir -...

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Pas tous les Français, quelques journalistes !

M. François Marc. ... qu'il s'agit de baisser l'impôt sur le revenu, qui est progressif, et d'accroître la fiscalité locale, qui, à l'inverse, est une imposition tout à fait injuste pénalisant davantage les ménages à ressources modestes.

On voit très bien où passe la ligne de clivage. Certains veulent à tout prix défendre cette baisse de l'impôt sur le revenu et sont un peu gênés quand on veut réformer un impôt qui est considéré comme injuste par la plupart des Français.

M. Christian Cointat. Cela n'a rien à voir !

M. François Marc. Dans ces conditions, je comprends pleinement l'argumentation qui est développée.

En tout cas, je maintiens qu'il serait hautement souhaitable, compte tenu des enjeux financiers de la décentralisation, que le Gouvernement prenne un engagement et qu'une réforme de la fiscalité locale soit envisagée d'une manière sérieuse et définitive.

C'est la raison pour laquelle cet amendement a toute sa place dans le débat.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. J'ai écouté François Marc avec l'intérêt que vous devinez...

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je ne devine pas cet intérêt.

M. Bernard Frimat. Je vais donc devoir vous l'expliquer, monsieur le ministre.

Je voudrais rappeler la différence qui existe entre impôts et taxes. En jouant sur les taxes - taxes sur les assurances, TIPP -, on touche directement le consommateur.

Je crois que la distinction qui a été faite par François Marc entre, d'un côté, les taxes qui touchent les différents usagers, et, de l'autre, la fiscalité, que ce soit la fiscalité nationale, dont on sait ce que vous en faites, que ce soit la fiscalité locale dont tout le monde sait qu'elle est injuste et archaïque, était éclairante et je pense que notre amendement ouvre des perspectives de réflexion dont vous avez pu saisir tout l'intérêt. C'est pourquoi nous le maintenons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 880 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Division et art. additionnels avant le titre Ier (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales
Division et art. additionnels avant le titre Ier (suite)

4

DÉPO^T D'UNE QUESTION ORALE

AVEC DÉBAT

M. le président. J'informe le Sénat que j'ai été saisi de la question orale avec débat suivante :

M. Jacques Oudin attire l'attention du ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, sur l'intérêt qui s'attache à développer certains aspects de la politique des transports dans les trois domaines suivants : la programmation à long terme ; l'approfondissement de la concertation ; la garantie d'un financement pérenne s'appuyant sur le principe selon lequel le secteur des transports génère suffisamment de recettes pour payer la majeure partie de son propre développement.

Les infrastructures de transport sont des investissements à très long terme. La France avait élaboré il y a plus de vingt ans des schémas de structure, notamment pour les autoroutes. Il convient de reprendre une telle démarche en s'appuyant, d'une part, sur les schémas régionaux de transport et, d'autre part, sur les grands réseaux transeuropéens qui structurent l'Europe des transports et dont la France constitue le coeur.

En second lieu, il apparaît indispensable pour l'élaboration de ces schémas d'organiser une concertation à tous les échelons et en particulier avec les régions qui ont en charge l'élaboration des schémas régionaux de transport.

La multiplicité des opérateurs de transport nécessite en outre la rénovation d'une instance nationale qui serait à même de procéder à la consultation et à la formulation d'avis sur l'ensemble de la gestion des différents modes de transport. Cette instance pourrait être un Conseil national des transports réformé.

En dernier lieu, aucune politique des transports cohérente n'est concevable sans une réforme de la politique financière des transports.

Les réformes engagées dans le secteur ferroviaire doivent être poursuivies en intégrant les trois impératifs suivants : la poursuite de l'ouverture de ce secteur à la concurrence ; la recherche d'une meilleure productivité globale de la SNCF ; la régionalisation engagée depuis maintenant près de trois ans.

L'aspiration de nos concitoyens à des transports rapides nous amène à demander également l'accélération de la mise en oeuvre d'un réseau à grande vitesse et du développement des infrastructures dédiées au fret, et ce dans le contexte d'une Europe élargie.

En ce qui concerne le secteur autoroutier, il apparaît nécessaire de prévoir l'achèvement du maillage du territoire national, en prenant particulièrement en compte les grandes liaisons transeuropéennes.

Cela implique la réalisation de 4 000 kilomètres de routes rapides (autoroutes ou 2 × 2 voies) pour laquelle une politique de financement et de péréquation doit être engagée.

A cet égard, la clarification du système financier des concessions autoroutières et la création d'un fonds de financement et de péréquation sont des éléments essentiels pour assurer le développement d'une politique des transports efficace, équitable et transparente (n° 21).

Conformément aux articles 79, 80 du règlement, cette question orale avec débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.

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DÉPÔT DE PROJETS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sur la conservation des albatros et des pétrels (ensemble deux annexes).

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 45, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la ratification de l'accord établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République du Chili, d'autre part.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 46, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

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TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION

DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil portant modification du règlement (CE) n° 427/2003 du Conseil relatif à un mécanisme de sauvegarde transitoire applicable aux importations de certains produits de la République populaire de Chine et du règlement (CE) n° 519/94 du Conseil relatif au régime commun applicable aux importations de certains pays tiers.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2413 et distribué.

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DÉPOT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Alain Vasselle, un rapport d'information, fait au nom de la commission des affaires sociales, sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.

La rapport d'information sera imprimé sous le n° 44 et distribué.

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ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 30 octobre 2003, à neuf heures trente, à quinze heures et le soir :

Suite de la discussion du projet de loi (n° 4, 2003-2004) relatif aux responsabilités locales.

Rapport (n° 31, 2003-2004) fait par M. Jean-Pierre Schosteck, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

Rapport pour avis (n° 32, 2003-2004) de M. Philippe Richert, fait au nom de la commission des affaires culturelles.

Rapport pour avis (n° 34, 2003-2004) de M. Georges Gruillot, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.

Rapport pour avis (n° 33, 2003-2004) de Mme Annick Bocandé, fait au nom de la commission des affaires sociales.

Rapport pour avis (n° 41, 2003-2004) de M. Michel Mercier, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délai limite pour les inscriptions de parole

Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la consultation des électeurs de Guadeloupe, de Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, en application de l'article 72-4 de la Constitution.

Délai limite pour les inscriptions de parole dans débat : mercredi 5 novembre 2003, à dix-sept heures.

Personne ne demande la parole ?...

(La séance est levée, le jeudi 30 octobre 2003, à zéro heure trente.)

Le Directeur

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD

ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL

de la séance

du mercredi 29 octobre 2003

SCRUTIN (n° 33)

sur la motion, présentée par Mme Nicole Borvo et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité au projet de loi relatif aux responsabilités locales.


Nombre de votants : 314
Nombre de suffrages exprimés : 313
Pour : 113
Contre : 200
Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :

Pour : 22.

N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Guy Fischer, qui présidait la séance.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (28) :

Contre : 28.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :

Pour : 7. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin et Dominique Larifla.

Contre : 9.

Abstention : 1. _ M. Nicolas Alfonsi.

GROUPE SOCIALISTE (83) :

Pour : 83.

GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (165) :

Pour : 1. _ M. Emmanuel Hamel.

Contre : 163.

N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :

N'ont pas pris part au vote : 5.

Ont voté pour

Michèle André

Bernard Angels

Henri d'Attilio

Bertrand Auban

François Autain

Jean-Yves Autexier

Robert Badinter

Jean-Michel Baylet

Marie-Claude Beaudeau

Marie-France Beaufils

Jean-Pierre Bel

Jacques Bellanger

Maryse Bergé-Lavigne

Jean Besson

Pierre Biarnès

Danielle Bidard-Reydet

Marie-Christine Blandin

Nicole Borvo

Didier Boulaud

André Boyer

Yolande Boyer

Robert Bret

Claire-Lise Campion

Jean-Louis Carrère

Bernard Cazeau

MoniqueCerisier-ben Guiga

Gilbert Chabroux

Michel Charasse

Yvon Collin

Gérard Collomb

Yves Coquelle

Raymond Courrière

Roland Courteau

Yves Dauge

Annie David

Marcel Debarge

Gérard Delfau

Jean-Pierre Demerliat

Michelle Demessine

Rodolphe Désiré

Evelyne Didier

Claude Domeizel

Michel Dreyfus-Schmidt

Josette Durrieu

Bernard Dussaut

Claude Estier

François Fortassin

Thierry Foucaud

Jean-Claude Frécon

Bernard Frimat

Charles Gautier

Jean-Pierre Godefroy

Jean-Noël Guérini

Emmanuel Hamel

Claude Haut

Odette Herviaux

Alain Journet

Yves Krattinger

André Labarrère

Philippe Labeyrie

Serge Lagauche

Roger Lagorsse

Dominique Larifla

Gérard Le Cam

André Lejeune

Louis Le Pensec

Claude Lise

Paul Loridant

Hélène Luc

Philippe Madrelle

Jacques Mahéas

Jean-Yves Mano

François Marc

Jean-Pierre Masseret

Marc Massion

Josiane Mathon

Pierre Mauroy

Louis Mermaz

Gérard Miquel

Michel Moreigne

Roland Muzeau

Jean-Marc Pastor

Guy Penne

Daniel Percheron

Jean-Claude Peyronnet

Jean-François Picheral

Bernard Piras

Jean-Pierre Plancade

Danièle Pourtaud

Gisèle Printz

Jack Ralite

Daniel Raoul

Paul Raoult

Daniel Reiner

Ivan Renar

Roger Rinchet

Gérard Roujas

André Rouvière

Michèle San Vicente

Claude Saunier

Michel Sergent

René-Pierre Signé

Jean-Pierre Sueur

Simon Sutour

Odette Terrade

Michel Teston

Jean-Marc Todeschini

Pierre-Yvon Trémel

André Vantomme

Paul Vergès

André Vézinhet

Marcel Vidal

Henri Weber

Ont voté contre

Nicolas About

Jean-Paul Alduy

Jean-Paul Amoudry

Pierre André

Philippe Arnaud

Jean Arthuis

Denis Badré

Gérard Bailly

José Balarello

Gilbert Barbier

Bernard Barraux

Jacques Baudot

Michel Bécot

Claude Belot

Daniel Bernardet

Roger Besse

Laurent Béteille

Joël Billard

Claude Biwer

Jean Bizet

Jacques Blanc

Paul Blanc

Maurice Blin

Annick Bocandé

Didier Borotra

Joël Bourdin

Brigitte Bout

Jean Boyer

Jean-Guy Branger

Gérard Braun

Dominique Braye

Paulette Brisepierre

Louis de Broissia

Jean-Pierre Cantegrit

Jean-Claude Carle

Ernest Cartigny

Auguste Cazalet

CharlesCeccaldi-Raynaud

Gérard César

Jacques Chaumont

Jean Chérioux

Marcel-Pierre Cléach

Jean Clouet

Christian Cointat

Gérard Cornu

Jean-Patrick Courtois

Robert Del Picchia

Fernand Demilly

Christian Demuynck

Marcel Deneux

Gérard Dériot

Yves Détraigne

Eric Doligé

Jacques Dominati

Michel Doublet

Paul Dubrule

Alain Dufaut

André Dulait

Ambroise Dupont

Jean-Léonce Dupont

Hubert Durand-Chastel

Louis Duvernois

Daniel Eckenspieller

Jean-Paul Emin

Jean-Paul Emorine

Michel Esneu

Jean-Claude Etienne

Pierre Fauchon

Jean Faure

Françoise Férat

André Ferrand

Hilaire Flandre

Gaston Flosse

Alain Fouché

Jean-Pierre Fourcade

Bernard Fournier

Serge Franchis

Philippe François

Jean François-Poncet

Yves Fréville

Yann Gaillard

René Garrec

Christian Gaudin

Jean-Claude Gaudin

Philippe de Gaulle

Gisèle Gautier

Patrice Gélard

André Geoffroy

Alain Gérard

François Gerbaud

Charles Ginésy

Francis Giraud

Paul Girod

Daniel Goulet

Jacqueline Gourault

Alain Gournac

Adrien Gouteyron

Francis Grignon

Louis Grillot

Georges Gruillot

Charles Guené

Michel Guerry

Hubert Haenel

Françoise Henneron

Marcel Henry

Pierre Hérisson

Daniel Hoeffel

Jean-François Humbert

Jean-Jacques Hyest

Pierre Jarlier

Bernard Joly

Jean-Marc Juilhard

Roger Karoutchi

Joseph Kergueris

Christian de La Malène

Jean-Philippe Lachenaud

Pierre Laffitte

Lucien Lanier

Jacques Larché

Gérard Larcher

André Lardeux

Robert Laufoaulu

René-Georges Laurin

Jean-René Lecerf

Dominique Leclerc

Jacques Legendre

Jean-François Le Grand

Serge Lepeltier

Philippe Leroy

Marcel Lesbros

Valérie Létard

Gérard Longuet

Jean-Louis Lorrain

Simon Loueckhote

Roland du Luart

Brigitte Luypaert

Max Marest

Philippe Marini

Pierre Martin

Jean-Louis Masson

Serge Mathieu

Michel Mercier

Lucette Michaux-Chevry

Jean-Luc Miraux

Louis Moinard

René Monory

Aymeri de Montesquiou

Dominique Mortemousque

Georges Mouly

Bernard Murat

Philippe Nachbar

Paul Natali

Philippe Nogrix

Nelly Olin

Joseph Ostermann

Georges Othily

Jacques Oudin

Monique Papon

Anne-Marie Payet

Michel Pelchat

Jacques Pelletier

Jean Pépin

Jacques Peyrat

Xavier Pintat

Bernard Plasait

Jean-Marie Poirier

Ladislas Poniatowski

André Pourny

Jean Puech

Henri de Raincourt

Victor Reux

Charles Revet

Henri Revol

Henri de Richemont

Philippe Richert

Yves Rispat

Josselin de Rohan

Roger Romani

Janine Rozier

Bernard Saugey

Jean-Pierre Schosteck

Bruno Sido

Daniel Soulage

Louis Souvet

Yannick Texier

Michel Thiollière

Henri Torre

René Trégouët

André Trillard

François Trucy

Maurice Ulrich

Jacques Valade

André Vallet

Jean-Marie Vanlerenberghe

Alain Vasselle

Jean-Pierre Vial

Xavier de Villepin

Serge Vinçon

Jean-Paul Virapoullé

François Zocchetto

Abstention

Nicolas Alfonsi.

N'ont pas pris part au vote

Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Bernard Seillier et Alex Türk.

N'ont pas pris part au vote

Christian Poncelet, président du Sénat, et Guy Fischer, qui présidait la séance.

Les nombres annoncés en séance avaient été de :


Nombre de votants : 315
Nombre de suffrages exprimés : 314
Majorité absolue des suffrages exprimés : 148
Pour : 114
Contre : 200
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 34)

sur la motion n° 346, présentée par M. Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, tendant à opposer la question préalable au projet de loi relatif aux responsabilités locales.


Nombre de votants : 314
Nombre de suffrages exprimés : 313
Pour : 114
Contre : 199
Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :

Pour : 23.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (28) :

Contre : 28.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :

Pour : 7. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin et Dominique Larifla.

Contre : 9.

Abstention : 1. _ M. Nicolas Alfonsi.

GROUPE SOCIALISTE (83) :

Pour : 83.

GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (165) :

Pour : 1. _ M. Emmanuel Hamel.

Contre : 162.

N'ont pas pris part au vote : 2. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat, et M. et Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :

N'ont pas pris part au vote : 5.

Ont voté pour

Michèle André

Bernard Angels

Henri d'Attilio

Bertrand Auban

François Autain

Jean-Yves Autexier

Robert Badinter

Jean-Michel Baylet

Marie-Claude Beaudeau

Marie-France Beaufils

Jean-Pierre Bel

Jacques Bellanger

Maryse Bergé-Lavigne

Jean Besson

Pierre Biarnès

Danielle Bidard-Reydet

Marie-Christine Blandin

Nicole Borvo

Didier Boulaud

André Boyer

Yolande Boyer

Robert Bret

Claire-Lise Campion

Jean-Louis Carrère

Bernard Cazeau

MoniqueCerisier-ben Guiga

Gilbert Chabroux

Michel Charasse

Yvon Collin

Gérard Collomb

Yves Coquelle

Raymond Courrière

Roland Courteau

Yves Dauge

Annie David

Marcel Debarge

Gérard Delfau

Jean-Pierre Demerliat

Michelle Demessine

Rodolphe Désiré

Evelyne Didier

Claude Domeizel

Michel Dreyfus-Schmidt

Josette Durrieu

Bernard Dussaut

Claude Estier

Guy Fischer

François Fortassin

Thierry Foucaud

Jean-Claude Frécon

Bernard Frimat

Charles Gautier

Jean-Pierre Godefroy

Jean-Noël Guérini

Emmanuel Hamel

Claude Haut

Odette Herviaux

Alain Journet

Yves Krattinger

André Labarrère

Philippe Labeyrie

Serge Lagauche

Roger Lagorsse

Dominique Larifla

Gérard Le Cam

André Lejeune

Louis Le Pensec

Claude Lise

Paul Loridant

Hélène Luc

Philippe Madrelle

Jacques Mahéas

Jean-Yves Mano

François Marc

Jean-Pierre Masseret

Marc Massion

Josiane Mathon

Pierre Mauroy

Louis Mermaz

Gérard Miquel

Michel Moreigne

Roland Muzeau

Jean-Marc Pastor

Guy Penne

Daniel Percheron

Jean-Claude Peyronnet

Jean-François Picheral

Bernard Piras

Jean-Pierre Plancade

Danièle Pourtaud

Gisèle Printz

Jack Ralite

Daniel Raoul

Paul Raoult

Daniel Reiner

Ivan Renar

Roger Rinchet

Gérard Roujas

André Rouvière

Michèle San Vicente

Claude Saunier

Michel Sergent

René-Pierre Signé

Jean-Pierre Sueur

Simon Sutour

Odette Terrade

Michel Teston

Jean-Marc Todeschini

Pierre-Yvon Trémel

André Vantomme

Paul Vergès

André Vézinhet

Marcel Vidal

Henri Weber

Ont voté contre

Nicolas About

Jean-Paul Alduy

Jean-Paul Amoudry

Pierre André

Philippe Arnaud

Jean Arthuis

Denis Badré

Gérard Bailly

José Balarello

Gilbert Barbier

Bernard Barraux

Jacques Baudot

Michel Bécot

Claude Belot

Daniel Bernardet

Roger Besse

Laurent Béteille

Joël Billard

Claude Biwer

Jean Bizet

Jacques Blanc

Paul Blanc

Maurice Blin

Annick Bocandé

Didier Borotra

Joël Bourdin

Brigitte Bout

Jean Boyer

Jean-Guy Branger

Gérard Braun

Dominique Braye

Paulette Brisepierre

Louis de Broissia

Jean-Pierre Cantegrit

Jean-Claude Carle

Ernest Cartigny

Auguste Cazalet

CharlesCeccaldi-Raynaud

Gérard César

Jacques Chaumont

Jean Chérioux

Marcel-Pierre Cléach

Jean Clouet

Christian Cointat

Gérard Cornu

Jean-Patrick Courtois

Robert Del Picchia

Fernand Demilly

Christian Demuynck

Marcel Deneux

Gérard Dériot

Yves Détraigne

Eric Doligé

Jacques Dominati

Michel Doublet

Paul Dubrule

Alain Dufaut

André Dulait

Ambroise Dupont

Jean-Léonce Dupont

Hubert Durand-Chastel

Louis Duvernois

Daniel Eckenspieller

Jean-Paul Emin

Jean-Paul Emorine

Michel Esneu

Jean-Claude Etienne

Pierre Fauchon

Jean Faure

Françoise Férat

André Ferrand

Hilaire Flandre

Gaston Flosse

Alain Fouché

Jean-Pierre Fourcade

Bernard Fournier

Serge Franchis

Philippe François

Jean François-Poncet

Yves Fréville

Yann Gaillard

René Garrec

Christian Gaudin

Jean-Claude Gaudin

Philippe de Gaulle

Gisèle Gautier

Patrice Gélard

André Geoffroy

Alain Gérard

François Gerbaud

Charles Ginésy

Francis Giraud

Paul Girod

Daniel Goulet

Jacqueline Gourault

Alain Gournac

Adrien Gouteyron

Francis Grignon

Louis Grillot

Georges Gruillot

Charles Guené

Michel Guerry

Hubert Haenel

Françoise Henneron

Marcel Henry

Pierre Hérisson

Jean-François Humbert

Jean-Jacques Hyest

Pierre Jarlier

Bernard Joly

Jean-Marc Juilhard

Roger Karoutchi

Joseph Kerguéris

Christian de La Malène

Jean-Philippe Lachenaud

Pierre Laffitte

Lucien Lanier

Jacques Larché

Gérard Larcher

André Lardeux

Robert Laufoaulu

René-Georges Laurin

Jean-René Lecerf

Dominique Leclerc

Jacques Legendre

Jean-François Le Grand

Serge Lepeltier

Philippe Leroy

Marcel Lesbros

Valérie Létard

Gérard Longuet

Jean-Louis Lorrain

Simon Loueckhote

Roland du Luart

Brigitte Luypaert

Max Marest

Philippe Marini

Pierre Martin

Jean-Louis Masson

Serge Mathieu

Michel Mercier

Lucette Michaux-Chevry

Jean-Luc Miraux

Louis Moinard

René Monory

Aymeri de Montesquiou

Dominique Mortemousque

Georges Mouly

Bernard Murat

Philippe Nachbar

Paul Natali

Philippe Nogrix

Nelly Olin

Joseph Ostermann

Georges Othily

Jacques Oudin

Monique Papon

Anne-Marie Payet

Michel Pelchat

Jacques Pelletier

Jean Pépin

Jacques Peyrat

Xavier Pintat

Bernard Plasait

Jean-Marie Poirier

Ladislas Poniatowski

André Pourny

Jean Puech

Henri de Raincourt

Victor Reux

Charles Revet

Henri Revol

Henri de Richemont

Philippe Richert

Yves Rispat

Josselin de Rohan

Roger Romani

Janine Rozier

Bernard Saugey

Jean-Pierre Schosteck

Bruno Sido

Daniel Soulage

Louis Souvet

Yannick Texier

Michel Thiollière

Henri Torre

René Trégouët

André Trillard

François Trucy

Maurice Ulrich

Jacques Valade

André Vallet

Jean-Marie Vanlerenberghe

Alain Vasselle

Jean-Pierre Vial

Xavier de Villepin

Serge Vinçon

Jean-Paul Virapoullé

François Zocchetto

Abstention

Nicolas Alfonsi.

N'ont pas pris part au vote

Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Bernard Seillier et Alex Türk.

N'ont pas pris part au vote

Christian Poncelet, président du Sénat, et Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.

Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.