PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2004, adopté par l'Assemblée nationale.

Dans la suite de l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le travail, nous en sommes parvenus à la question de Mme Anne-Marie Payet.

Vous avez la parole, ma chère collègue.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le ministre, comme vous le savez sans doute, mon département, la Réunion, connaît un taux de chômage particulièrement important : de 28,5 %, contre 9,9 % pour la France entière.

Je porte donc une attention toute particulière à la politique menée par le Gouvernement en faveur de l'emploi, et au premier chef en faveur de l'emploi des jeunes. Je pense notamment à l'accompagnement des emplois-jeunes vers leur extinction et à leur remplacement par les nouveaux dispositifs : contrats jeunes en entreprise et CIVIS, dont les diverses variantes démontrent que le Gouvernement prend à coeur la nécessité de procurer un emploi aux jeunes quel que soit leur niveau d'études.

M. le Premier ministre a officiellement annoncé, dimanche dernier, la création d'une nouvelle mesure qui s'inscrit dans la même logique : le « chèque emploi petite entreprise ».

Ce dispositif a pour objectif de permettre l'embauche, dans le courant de l'année 2004, de 500 000 personnes dans les entreprises de moins de dix salariés, grâce à une simplification administrative, le chèque étant à la fois « un contrat de travail, une déclaration d'embauche et une fiche de paye », selon les termes du Premier ministre.

Toutefois, monsieur le ministre, si nous ne remettons pas en cause les objectifs de ce dispositif, nous avons quelques doutes sur les moyens employés.

Certes, l'embauche sera facilitée par l'intervention du seul chèque. Cependant, si ce système permet d'éviter la lourdeur de la fiche de paye, très contraignante pour les petites entreprises, celles-ci ne vont-elles pas se trouver submergées par de trop nombreuses demandes d'informations sur les personnes employées de la part des organismes sociaux ?

En outre, pouvez-vous nous préciser sur quels éléments se fonde l'ambition des 500 000 embauches pour 2004 ? Ce chiffre n'est-il pas trop optimiste ?

Enfin, monsieur le ministre, si ce chèque ne nécessite pas la conclusion d'un contrat de travail, faut-il considérer qu'il est un contrat de travail ou masque-t-il une absence de contrat de travail, synonyme de précarité pour leurs bénéficiaires ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre. Ce chèque emploi petite entreprise est la transposition aux PME du chèque emploi service qui existe déjà pour les particuliers : il s'agit d'un simple document papier, comparable à un chèque, qui permet de remplir quatre formalités administratives : le contrat de travail - car il s'agit bien, madame Payet, d'un contrat de travail à part entière -, la déclaration unique d'embauche, le bulletin de paye et la déclaration unifiée de cotisations sociales.

L'organisme gestionnaire reçoit ces documents, effectue tous les calculs de cotisations et prélève directement sur le compte de l'entreprise les montants correspondants.

Ce dispositif figure dans la loi du 3 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit par ordonnances. L'ordonnance relative à cette mesure a déjà été transmise au Conseil d'Etat et elle pourra être adoptée avant la fin de l'année.

Les effets attendus sont très importants. Ce chèque va libérer les responsables des PME de contraintes administratives lourdes, qui constituent des freins à l'embauche. C'est particulièrement vrai pour de courtes missions comme il en existe dans le bâtiment ou dans le secteur des hôtels, cafés et restaurants.

Le chèque emploi petite entreprise, comme le chèque emploi service, va aussi permettre de légaliser du travail au noir. Il va faire entrer dans la légalité des personnes marginalisées. C'est donc, de surcroît, un facteur d'insertion professionnelle.

On estime que ce dispositif recèle un potentiel de création de 500 000 emplois l'année prochaine, et nous pensons que l'existence de ce chèque va simplifier grandement les décisions de recrutement que les chefs d'entreprise vont prendre.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Je vous remercie de vos explications très claires, monsieur le ministre. Dans un département comme la Réunion, où plus de 95 % des entreprises sont des PME ou de très petites entreprises, ce dispositif peut effectivement se révéler très intéressant.

M. le président. La parole est à M. Max Marest.

M. Max Marest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'effort budgétaire consacré par l'Etat à l'emploi est, depuis deux ans, plus important que ce que nous avons connu auparavant.

M. Roland Muzeau. Ça m'étonnerait !

M. Max Marest. La philosophie des dispositifs de soutien à l'emploi a surtout radicalement changé...

M. Roland Muzeau. Ça, c'est vrai !

M. Max Marest. ... puisque c'est désormais l'accès à l'emploi marchand qui est privilégié.

En outre, les efforts sont particulièrement recentrés sur les publics qui en ont le plus besoin : les chômeurs de longue durée, les seniors et les jeunes. Mon intervention, monsieur le ministre, portera sur cette dernière catégorie.

Le chômage des jeunes est structurellement plus élevé que celui du reste de la population. En effet, les jeunes sont plus exposés au risque de chômage que leur aînés pendant les phases de ralentissement conjoncturel et d'essoufflement des créations d'emplois.

En 2001-2002, le chômage a augmenté deux fois plus vite - de 15 % - parmi les jeunes que dans l'ensemble de la population, où il a tout de même crû de 7 %. En 2002-2003, les deux taux de progression sont déjà plus proches : respectivement 8,2 % et 6,9 %. La situation s'arrange donc progressivement et, n'en déplaise à certains, l'action du Gouvernement n'y est pas étrangère, au contraire.

Des mesures simples, lisibles, doivent être proposées aux jeunes afin de les aider à accéder plus facilement à leur premier emploi, de leur mettre le pied à l'étrier, de leur donner ainsi la possibilité de valider une première expérience professionnelle.

Lorsqu'il s'est agi d'apporter des réponses au chômage des jeunes, le précédent gouvernement n'a pas su contourner l'écueil de l'assistanat ni celui de la démagogie politique. Je veux évidemment parler des emplois-jeunes, dispositif qui a coûté fort cher aux Français et qui a déçu bien des jeunes et leurs familles, son seul intérêt ayant finalement été de les occuper.

L'orientation résolue que vous avez prise, monsieur le ministre, d'encourager l'accès à l'emploi dans le secteur marchand pour les jeunes nous paraît être une réponse adaptée.

Le Gouvernement ne reste pas les bras croisés face à la situation de l'emploi des jeunes les moins qualifiés : il agit et agit bien. Ainsi, la part du budget consacrée à l'insertion professionnelle dans le secteur productif, qui était, avant 2001, inférieure à 50 % passe, sous ce gouvernement, à 66 %. C'est vraiment un signe de changement, propre à redonner courage à tous ceux qui travaillent dans le monde de l'entreprise.

Du reste, des résultats encourageants peuvent d'ores et déjà être enregistrés : 100 000 contrats jeunes en entreprise ont été signés depuis leur lancement en 2002.

En outre, je me félicite que, contrairement aux emplois-jeunes, la sortie de ce dispositif ne soulève aucune difficulté, car il s'agit de contrats à durée indéterminée.

Je voudrais connaître, à ce propos, monsieur le ministre, vos projections pour les prochaines années. Mais vous avez en partie répondu tout à l'heure à cette première question.

Pour autant, la piste des contrats aidés dans le secteur public demeure, toujours dans un souci d'adapter la politique de l'emploi aux besoins.

C'est celle du CIVIS. Il s'adresse aux jeunes encore éloignés du monde de l'entreprise et qu'il faut sortir de l'oisiveté. Nous savons que « l'oisiveté est la mère de tous les vices ».

Fondée sur la signature d'un contrat entre le jeune et la collectivité, la démarche d'insertion repose sur un accompagnement renforcé vers l'emploi, un soutien à la création d'entreprise ou la possibilité de travailler dans une association. Il est fondé sur la responsabilisation et permet de mettre en oeuvre un projet d'utilité sociale défini personnellement par le jeune. Il permet aussi à des projets autonomes de se concrétiser en ce qu'il motive leurs auteurs.

Combien de jeunes seront-ils concernés par ce dispositif et à qui doivent-ils en pratique s'adresser lorsqu'ils sont intéressés par cette mesure ? C'est ma deuxième question.

Au-delà du CIVIS, je note la reconduction pour 2004 du programme TRACE pour les jeunes, qui permet un accompagnement renforcé vers l'emploi ou une formation adaptée à leurs besoins.

Pour autant, des actions restent à mener au niveau de la formation initiale, de l'apprentissage et des contrats en alternance. Ces formations sont une vraie chance pour de nombreux jeunes de sortir de l'enseignement avec une réelle formation, pratique et professionnelle, qui constitue la principale arme contre le chômage. Ces formations devraient s'inscrire dans le prochain projet de loi relatif à la formation dont le Parlement vient d'être saisi. Pouvez-vous nous en indiquer les principaux axes, monsieur le ministre ? C'est ma troisième et dernière question.

En conclusion, je voulais souligner combien votre objectif était de faciliter l'accès à de vrais emplois durables et de favoriser le développement des compétences tout au long de la vie. Mais je voulais surtout vous donner l'occasion de réaffirmer combien l'action du Gouvernement en faveur des jeunes a déjà porté ses fruits et combien elle est novatrice. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre. Monsieur le sénateur, deux raisons principales expliquent la difficulté de notre pays à insérer les jeunes.

La première de ces raisons est certainement liée à des difficultés de formation. La seconde tient sans doute à la rigidité de notre système de contrats et de notre code du travail qui dissuade souvent les entreprises de recruter des jeunes. De ce point de vue, on constate que, quelles que soient les politiques conduites, emplois-jeunes ou non, nos contre-performances en matière de chômage des jeunes sont identiques à celles des autres pays européens.

Nous avons commencé à répondre à ces difficultés, d'abord en mettant en place, en juillet 2002, grâce à votre aide, un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise, destiné à l'insertion des jeunes peu qualifiés dans le secteur marchand. Aujourd'hui, tout le monde reconnaît que c'est un succès. A la fin du mois d'octobre dernier, on comptait plus de 117 000 demandes de contrats jeune en entreprise. Les entreprises, notamment les PME, utilisent beaucoup ce dispositif. Il est donc prévu l'année prochaine 110 000 nouvelles entrées et, en 2005, 300 000 jeunes seront concernés par ce contrat à durée indéterminée.

Comme vous le relevez également, le contrat d'insertion dans la vie sociale vient compléter la politique engagée en faveur de l'emploi des jeunes, notamment de ceux qui sont le plus éloignés de l'emploi ou de ceux qui souhaitent créer une entreprise ou concrétiser un projet social ou humanitaire au sein d'une association. Il s'agit là des trois possibilités qu'offre le CIVIS.

L'an prochain, plus de 73 000 jeunes pourront bénéficier de ce dispositif, dont 11 000 au sein d'associations à vocation sociale ou humanitaire. En 2005, ils devraient être 150 000 dans cette situation, dont 25 000 seront employés par les associations.

Enfin, vous soulignez l'importance pour l'accès des jeunes à un emploi durable d'une formation professionnelle adaptée aux besoins de notre économie. C'est l'un des éléments de réponse à la première difficulté que j'évoquais. Ce souci est d'ailleurs partagé par les partenaires sociaux, qui ont signé un accord national interprofessionnel le 20 septembre 2003 aux termes duquel ils ont souhaité renouveler le cadre des actuels contrats d'insertion en alternance, les contrats de qualification, les contrats d'adaptation et les contrats d'orientation, qui seront fondus au sein d'un dispositif unique : le contrat de professionnalisation. Le Gouvernement soutient ce nouvel élan donné par les partenaires sociaux pour accroître la qualification des jeunes par la voie de l'alternance.

Le projet de loi relatif à la formation tout au long de la vie et au dialogue social, que je présenterai à partir du 11 décembre prochain à l'Assemblée nationale, visera à soutenir le contrat de professionnalisation, qui devrait entrer en vigueur le 1er juillet 2004, en permettant qu'il soit exonéré de charges sociales.

Ce projet de loi permettra également d'introduire plus de flexibilité dans le contrat d'apprentissage.

M. le président. La parole est à M. Max Marest.

M. Max Marest. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces réponses qui nous autorisent un certain optimisme. Venant de vous, le contraire m'eût étonné, car, dans ce domaine, vous nous avez toujours heureusement surpris. De ce fait, nous vous renouvellerons notre confiance.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Mon intervention, monsieur le ministre, aura une tout autre tonalité, vous vous en doutez bien.

Mme Nelly Olin. Oh non !

M. Roland Muzeau. Dix-huit milliards d'euros sont réservés aux allégements de cotisations pour les employeurs, ce qui représente près des deux tiers du budget, contre la moitié en 2002. Pour réduire les clivages qui marquent notre débat, permettez-moi de citer les avis de quelques spécialistes.

Comme l'indique M. Denis Boissard, rédacteur en chef de Liaisons sociales, c'est un budget « d'inspiration libérale ». On assiste, selon lui, « à une réorientation des aides publiques vers les entreprises du secteur marchand, au détriment du traitement social, c'est-à-dire des subventions aux emplois du secteur non marchand. Non seulement l'enveloppe globale consacrée aux aides à l'emploi est restée au même étiage bas qu'il y a trois ans - la période était alors faste sur le front du chômage - mais la part relative consacrée aux entreprises s'accroît. »

Mais, précise ce spécialiste, « cette politique, qui a sa cohérence, souffre de gros défauts : elle fait l'impasse sur les chômeurs les plus éloignés de l'emploi, sur les jeunes en situation d'échec scolaire, pour lesquels le traitement social reste un sas nécessaire pour pouvoir accéder à l'entreprise ».

Nous savons, en outre, que l'aide à l'emploi des plus démunis entraîne un gain de pouvoir d'achat qui se répercute immédiatement sur la consommation, donc sur l'emploi. Or, monsieur le ministre, 700 millions d'euros sont supprimés au détriment des publics prioritaires, c'est-à-dire ceux qui sont en difficulté d'insertion.

J'ajoute que le RMA, outre le fait qu'il nourrit une injustice, va accroître fortement les difficultés pour l'insertion économique de ces personnes.

Pour justifier la cohérence de vos choix, vous imputez aux chômeurs la responsabilité de leur situation, réactualisant pour l'occasion une vieille antienne réactionnaire. (Rires sur les travées de l'UMP.)

L'historien André Gueslin rappelle que le thème du « fainéant », du « mauvais pauvre » est contemporain du capitalisme. Il ressurgit dès que le chômage grimpe. Vous traquez, monsieur le ministre, la « France paresseuse », votre collègue M. Mattei traque les arrêts maladie et M. Raffarin va mettre 120 000 allocataires de l'ASS au RMI. Pour continuer, vous avez accepté ici même, sans broncher, la suppression de l'enveloppe des 17 % pourtant réservée à la formation des RMIstes.

Le chômage dans notre pays a augmenté de 6,9 % en un an, avec 160 000 chômeurs de plus, et ce n'est malheureusement pas terminé !

Selon M. Jean-Marc Lucas, économiste chez BNP Paribas, « ces chiffres sont en ligne avec notre scénario de poursuite de la hausse du chômage, qui devrait atteindre 9,8 % fin 2003, puis grimper jusqu'à 10,1 % en juin 2004. »

« Nous n'en n'avons pas fini avec la montée du chômage », confirme David Naucé de la Deutsche Bank. Pour lui, « il y a un risque qu'une reprise perde de son dynamisme en raison de la détérioration du marché de l'emploi. »

Monsieur le ministre, la situation vécue par les jeunes est intolérable. Que comptez-vous faire pour mettre en oeuvre une vraie politique publique de l'emploi non seulement dans le privé, mais aussi dans le secteur public ?

Une interrogation demeure : les allégements de charges sociales consentis aux patrons auront-ils l'efficacité sociale que vous leur prêtez ? Nous ne le pensons pas, et le MEDEF, de toute façon, vous en réclamera toujours plus.

Etes-vous prêt à vous engager à présenter régulièrement devant la commission des affaires sociales les éléments chiffrés, en termes de création d'emplois et de baisse du taux de chômage, liés à l'utilisation par les employeurs des 18 milliards d'euros accordés par l'Etat ? Etes-vous prêt également, monsieur le ministre, à exiger le remboursement s'il n'y a pas de création d'emplois ?

Ce serait à la fois prendre une mesure d'évaluation des politiques publiques saine et juste, et décider de faire preuve de transparence envers les contribuables, en leur permettant d'exercer un contrôle citoyen démocratique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre. Le premier des spécialistes que vous avez cités, monsieur Muzeau, a en effet raison sur un point : il est clair que le projet de budget que je vous présente n'est pas d'inspiration communiste.

M. Roland Muzeau. On n'en est pas là !

M. François Fillon, ministre. Ce budget vise à corriger des politiques qui ont été conduites depuis des années et qui ont consisté à tricher avec la réalité économique de notre pays, en créant des emplois précaires dans le secteur public, dont tout le monde savait - vous le premier en les votant - qu'ils ne pourraient pas être pérennisés. D'ailleurs, si vous aviez vraiment voulu les pérenniser, vous auriez mis en place les dispositifs nécessaires.

Contrairement à ce que vous affirmez, le Gouvernement ne réduit pas les aides destinées aux publics les plus éloignés de l'emploi. Le Gouvernement, lui, concentre les contrats aidés dans le secteur public sur les publics qui sont le plus en difficulté, contrairement aux emplois-jeunes qui étaient ouverts à tous, y compris aux diplômés. Vous savez bien, puisque je l'ai montré à plusieurs reprises dans les débats au Sénat, que le nombre des diplômés qui ont bénéficié du dispositif des emplois-jeunes a été considérable. Ces moyens financiers auraient pu être utilisés pour aider ceux qui étaient le plus en difficulté à se réinsérer.

Vous dites, monsieur Muzeau, que le Gouvernement estime que les chômeurs sont responsables de leur situation. C'est vous qui dites cela ; je n'ai jamais qualifié les chômeurs de « fainéants ».

M. Roland Muzeau. Si !

M. François Fillon, ministre. Il faut évidemment prendre garde de ne pas tomber dans ce travers. Il faut aussi prendre garde de ne pas tomber dans l'excès inverse qui consiste à penser qu'il n'y a d'abus nulle part et que les dispositifs d'assistance sans limite n'ont aucun effet négatif sur la reprise du travail.

Affirmer aujourd'hui qu'une personne qui est au chômage depuis quatre ans - c'est le cas des personnes concernées par la réforme de l'ASS - n'ont pas de réelles difficultés de réinsertion professionnelle, c'est évidemment se voiler la face. Ces catégories de chômeurs ont besoin non pas seulement d'une aide financière, mais aussi d'un vrai programme de réinsertion.

C'est pourquoi nous avons choisi de dynamiser l'insertion en la confiant aux départements - et nous faisons le pari qu'ils sauront mettre en place un système plus efficace que ne l'était le dispositif complexe qui associait l'Etat et les départements - et c'est pourquoi nous créons le revenu minimum d'activité. Ce nouvel instrument d'insertion professionnelle s'adressera prioritairement aux personnes qui sortiront de l'allocation spécifique de solidarité.

Quand aux perspectives de chômage que vous évoquez, je suis étonné que vous soyez suspendu au jugement de la Deutsche Bank, monsieur Muzeau.

M. Roland Muzeau. Pas de langue de bois !

M. François Fillon, ministre. Moi, je vous affirme qu'en 2004 - et je ne pratique pas la langue de bois - le chômage baissera dans notre pays parce que les dispositifs que nous avons mis en place en matière d'allégements de charges, comme l'INSEE vient de le constater, permettent, avec seulement 1 % de croissance, de créer des emplois. Et comme tout le monde s'accorde à dire que la croissance en 2004 sera comprise entre 1,6 % et 2 %, nous aurons de nouveau, en 2004, un solde positif en matière de création d'emplois.

Quant à l'efficacité de ces allégements de charges, j'ajoute qu'un rapport commandé par un gouvernement que vous souteniez à M. Pisani-Ferry, rapport qui faisait la synthèse de toutes les études réalisées sur l'incidence des allégements de charges, avait chiffré à environ 400 000 les emplois créés grâce à ce dispositif. C'est un des domaines qui a été le plus étudié en matière de politique de l'emploi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Monsieur le ministre, je n'ai jamais dit que vous aviez prononcé le mot « fainéants ». Vous devriez mieux écouter ! En revanche, et vous pourrez le vérifier dans les documents de la commission des affaires sociales, vous avez répété à maintes reprises, lors des auditions auxquelles nous avons assisté, que nos compatriotes en avaient assez de voir trop de chômeurs s'installer dans l'assistanat.

M. François Fillon, ministre. En effet !

M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. C'est juste !

M. Roland Muzeau. En vous appuyant sur le sentiment de certains Français - attitude un peu facile que d'autres que vous n'hésitent pas à adopter, mais je ne vous mets pas dans le même panier, car vous savez fort bien que je n'aime pas les amalgames douteux -, vous prêtez le flanc à des propos visant à caricaturer les chômeurs, les gens les plus éloignés de l'emploi et les plus précarisés. Je vous l'ai souvent dit et je le maintiens, monsieur le ministre.

Dans notre camp, des voix s'élèvent aussi pour contester l'abandon de toute politique publique de l'emploi - on en a eu quelques exemples ces derniers jours. Certains, dans votre camp, et ils seront peut-être plus nombreux demain parce que vous irez à l'échec, demandent des mesures en faveur des personnes les plus éloignées de l'emploi. Et si vous ne voulez pas entendre ce qui se dit de notre côté, peut-être percevrez-vous un peu mieux ce qui se dit du vôtre. En tout cas, la réalité vous y poussera peut-être, monsieur le ministre.

Ainsi, lors de l'examen du projet de loi RMI-RMA à l'Assemblée nationale, les propos du rapporteur, que chacun a encore en mémoire, ont dû raisonner lourdement dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Monsieur le ministre, et ce sera ma conclusion, votre politique n'a pas seulement pour effet de désespérer les demandeurs d'emploi. Vous créez, que vous le vouliez ou non, une opposition entre ceux qui ont du travail et ceux qui n'en ont pas. Voilà qui est bien lourd de conséquences pour le lien social !

M. le président. La parole est à M. Bernard Joly.

M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la fragilité du tissu industriel français, opposé au contexte légal du travail, nous conduit à nous interroger sur les raisons de la désindustrialisation du pays et de la dégradation de nos services publics.

Le taux du chômage en France est parmi les plus élevés de l'Union européenne. Il doit être rapproché d'un taux d'activité anormalement faible et d'un volume d'heures travaillées en baisse constante.

L'idée de se mobiliser contre le chômage est fondamentale. La simplification du droit du travail et la réforme du service public de l'emploi, notamment, sont des pistes novatrices. Les missions de réflexion confiées à Michel de Virville et à Jean Marimbert sur l'approfondissement de ces pistes sont révélatrices de votre ambition.

Monsieur le ministre, vous nous proposez de tuer la peur de l'embauche. Une bonne politique doit inciter les employeurs à créer des emplois. La priorité accordée aux dispositifs d'allégements de charges est alors capitale.

Au-delà, deux moteurs sont essentiels : d'une part, la croissance, non plus découragée par la diminution de l'activité mais encouragée, et, d'autre part, un environnement juridique stable et souple.

A cet égard, la réforme de la législation sur les 35 heures doit être poursuivie : la montée en puissance de ce dispositif n'a pas entravé la hausse du chômage ni la destruction de 120 000 emplois du secteur marchand. Bien au contraire, elle est responsable d'un nombre record de faillites, soit 33 000 pour les huit premiers mois de 2003.

Dans le cadre de la réforme d'un droit du travail devenu complexe, vous avez évoqué la création d'un nouveau contrat de travail, le contrat de mission, qui s'apparenterait à un contrat de chantier, permettant de faire travailler un salarié pour le temps d'un projet.

Cette évolution s'inscrit dans une refonte globale de notre système social où la préférence doit désormais aller plus au contrat qu'à la loi, non pas que la loi soit devenue secondaire, mais elle doit se montrer plus économe de ses moyens. Elle préservera sa force et sa légitimité en allant à l'essentiel et non à l'accessoire.

Il faut laisser vivre la société civile et les partenaires sociaux, d'une part, et favoriser la compétitivité des entreprises et l'attractivité du territoire, d'autre part.

A cet égard, il serait judicieux de clarifier la portée d'un certain nombre de dispositions concernant les contrats dits « d'usage constant », en raison des contradictions apportées par la jurisprudence aux volontés du législateur.

En effet, parmi les cas de recours au contrat à durée déterminée prévus par la loi figure celui des « emplois pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ». Le code du travail autorise, sur un même poste et avec le même salarié, la conclusion de ces contrats sans en limiter le nombre et sans avoir à respecter le délai d'attente.

Les entreprises visées par ces textes ont donc, à juste titre, considéré qu'elles pouvaient conclure des contrats dits « d'usage constant » pour des emplois par nature temporaires, sans en limiter le nombre. Or, la jurisprudence a privé ces dispositions d'une bonne partie de leur utilité en requalifiant certains de ces contrats en contrats à durée indéterminée.

Une autre piste est intéressante : la modernisation du service public de l'emploi et notamment le rapprochement du régime d'assurance-chômage et de l'ANPE. A cet égard, l'ouverture d'un débat sur le monopole de l'agence me paraît crédible à plus d'un titre.

Monsieur le ministre, simplification et modernisation me paraissent indispensables. Le travail est une valeur fondamentale : la meilleure des protections sociales ! Serait-on véritablement brouillé avec le travail ? « J'ai vécu parce que j'ai travaillé », nous a enseigné Zola.

Aidons nos concitoyens à suivre cet exemple qui s'exprime définitivement non pas dans les couleurs d'un logo mais dans la force de la loi et la liberté d'entreprendre.

Monsieur le ministre, l'évolution de la notion contractuelle permettra-t-elle aux partenaires sociaux et à la société civile d'exister davantage dans un pays où les lois foisonnent, de faire en sorte que la loi demeure le garant des grands équilibres, et non plus le gérant de ces mêmes équilibres ?

Puisque nous évoquons la loi, ne pourrait-elle pas trouver, en ce qui concerne les 35 heures, une réelle justification ? Un détail concernera, le 1er janvier 2004, un million d'entreprises qui auront besoin de recourir aux heures supplémentaires : pour les entreprises de vingt salariés et moins, l'article 5 de la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail a prolongé l'application de la majoration de 10 % des heures supplémentaires jusqu'au 31 décembre 2005.

En revanche, pour le décompte de ces heures supplémentaires, la souplesse prévue par la loi Aubry s'interrompt au 31 décembre 2003. Les PME perdent à cette date la possibilité d'effectuer une quarantaine d'heures supplémentaires dans l'année, sans imputation sur le contingent.

Pour maintenir la capacité productive des PME et leur laisser du temps pour s'adapter à la durée légale de 35 heures, ne serait-il pas opportun, monsieur le ministre, d'harmoniser les dates et de retenir la date du 31 décembre 2005 pour tous les assouplissements ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre. C'est le monde à l'envers : M. Joly fait référence à Zola, et M. Muzeau à la Deutsche Bank ! (Sourires.)

M. Roland Muzeau. Je suis un moderne !

M. François Fillon, ministre. Vous évoquez plusieurs sujets, monsieur le sénateur, et notamment la mise en place d'un contrat de travail correspondant à la réalisation de projets, que j'ai à plusieurs reprises mentionnée.

Ce « contrat de mission », ou « contrat de projet », pourrait répondre aux besoins de certaines entreprises qui ont à mettre en place des groupes de projets dont la durée est déterminée à l'avance. Il répond également aux souhaits de salariés prêts à s'investir sur un projet déterminé correspondant à leurs compétences - je pense en particulier à certains consultants qui ne veulent pas s'attacher à une entreprise. La mission que j'ai confiée à M. de Virville sur la modernisation du droit du travail doit me faire des propositions à cet égard dans les prochaines semaines. Il s'agit de trouver un cadre juridique adapté dont les modalités d'application reposeraient sur la négociation collective garantissant les droits des salariés ; je pense tout particulièrement, sujet d'actualité, à leur accès à la formation.

La mission Virville ne se résume pas à l'étude du seul contrat de mission. Elle pointe toutes les rigidités qui pourraient être levées ainsi que les conflits entre la loi, le contrat et la jurisprudence, qui sont aujourd'hui une source d'insécurité à la fois pour l'entreprise et les salariés.

Après la réforme de la formation professionnelle et du dialogue social, qui va être examinée par le Parlement dans les prochains jours et qui, pour une large part, permettra d'apporter des solutions nouvelles s'agissant notamment de cet équilibre entre la loi et le contrat, je présenterai un texte au Parlement, au début de l'année 2004, reprenant une partie des propositions de M. de Virville sur les sujets que vous venez d'évoquer.

M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger.

M. Yves Krattinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'interviendrai pour ma part sur l'évolution récente du chômage.

De juin 1997 à juin 2002, selon les données d'Eurostat, le produit intérieur brut de la France a augmenté de 15,3 %, alors que celui de la moyenne européenne se situait à 12,2 %. La France a donc réalisé trois points de mieux en cinq ans. Durant cette période, notre pays s'est enrichi nettement plus que la moyenne des pays de la zone euro.

Pour parvenir à ce résultat, au cours de ces années, la France a pratiqué une politique de redistribution. En ce qui concerne l'emploi, les outils utilisés ont été notamment les emplois-jeunes, la réduction du temps de travail, favorisant la création d'emploi, et le programme TRACE.

Au cours de cette période, le nombre total d'heures travaillées en une année a augmenté de 10 %, plus de richesses ont été fabriquées, près de deux millions d'emplois ont été créés, et le chômage a diminué très significativement, malgré l'arrivée sur le marché du travail de classes d'âges nombreuses.

Depuis votre arrivée aux responsabilités, nous observons attentivement la politique de l'emploi conduite par le gouvernement auquel vous appartenez. Qu'observons-nous ?

Vous avez interrompu le dispositif d'insertion par les emplois-jeunes ; vous avez diminué considérablement le nombre de contrats emploi-solidarité dans le budget de 2003 ; vous diminuez les crédits affectés aux contrats emploi consolidé pour l'année 2004 ; vous avez décidé la mise en place des contrats d'insertion dans la vie sociale pour les jeunes peu formés ; vous voulez confier aux conseils généraux la mise en place du revenu minimum d'activité visant à réinsérer dans les entreprises les chômeurs de longue durée ; les crédits affectés au programme de lutte contre le chômage de longue durée sont en recul très important malgré une croissance du nombre de ces chômeurs de plus de 8 % au cours de la dernière année ; vous avez enfin envisagé de revenir sur la réduction du temps de travail, mais une personnalité particulièrement autorisée vous en a dissuadé, jugeant que c'était une « erreur ».

Au départ, votre programme gouvernemental d'inspiration très libérale comportait deux axes principaux : la baisse des charges pour les entreprises et le désengagement de l'Etat. Les allégements de charges sociales patronales sont effectivement privilégiés et représentent la majorité des crédits de votre ministère. Quant au désengagement de l'Etat, je viens de l'évoquer.

Néanmoins, les résultats de votre politique sont jusqu'à présent assez décevants. Entre juin 2002 et juin 2003, la France a vu son PIB évoluer en dessous de la moyenne de la zone euro. Fin septembre 2003, le chômage au sens du Bureau international du travail est remonté à 9,7 % de la population active. Il est vrai qu'une réforme du mode de contrôle des chômeurs a multiplié le nombre des radiations, ce qui corrige légèrement l'évolution négative des statistiques.

La réforme de l'allocation spécifique de solidarité va permettre au budget de l'Etat d'économiser 170 millions d'euros en 2004 et plus encore en 2005, mais elle conduira aussi 160 000 chômeurs à se tourner, dès 2004, vers le dispositif du RMI.

L'UNEDIC a annoncé la semaine dernière que la France enregistrait, en 2003, la perte nette de 100 000 emplois par rapport à 2002.

Monsieur le ministre, en arrivant aux responsabilités, le chef du Gouvernement affirmait qu'il ne prendrait aucune mesure spécifique d'aide à l'emploi, car les réformes, d'inspiration libérale, devaient entraîner naturellement une baisse du chômage. Depuis lors, confronté à la dégradation des chiffres de l'emploi et à l'augmentation des déficits, le Gouvernement semble hésiter sur la méthode à mettre en oeuvre.

Pouvez-vous nous éclairer sur la véritable politique de l'emploi du gouvernement auquel vous appartenez ? Quelle part entendez-vous confier au marché ? Quel soutien entendez-vous apporter aux personnes victimes du chômage ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre. Monsieur le sénateur, permettez-moi de relever plusieurs inexactitudes dans les affirmations que vous venez de formuler.

La réforme de l'UNEDIC ne permet pas de réaliser des économies sur le budget de l'Etat, bien au contraire. Le projet de budget pour 2004 prévoit d'ailleurs une augmentation du nombre d'allocations de solidarité spécifique versées aux chômeurs qui ne seront plus indemnisés par l'UNEDIC. Comme l'Etat s'est engagé à compenser intégralement les départements sur la base du compte administratif 2004 s'agissant du transfert du RMI et de la mise en oeuvre du RMA, il n'y a pas non plus d'économies sur le budget de l'Etat à attendre sur ce point.

Nous conduisons une politique de l'emploi qui a peut-être des défauts par rapport à votre vision idéologique, mais qui n'est en rien hésitante. Elle est tout entière axée sur le retour de la croissance que nous avons voulu favoriser, notamment par le développement des allégements de charges.

Je rappelle le chiffre que j'ai déjà cité en répondant à M. Muzeau : on considère que plus de 400 000 emplois ont été créés grâce aux allégements Juppé ; nous souhaitons en faire autant. Nous avons démontré que, grâce à ces allégements de charges, nous étions capables d'enrichir la croissance en emplois.

En outre, la croissance étant désormais de retour, nous mettons en oeuvre des politiques visant à améliorer la formation des demandeurs d'emploi et à aider ceux qui sont les plus éloignés de l'emploi.

Tel est notamment le cas du revenu minimum d'activité et des CIVIS pour les jeunes les plus en difficulté. Nous prévoyons, en 2004, 170 000 CES et 50 000 RMA non marchands, selon l'estimation que nous avons faite puisque ce dispositif n'est pas contingenté. Il est en effet ouvert en fonction des offres d'emplois et des demandes qui émaneront des personnes relevant du revenu minimum. Par ailleurs, je le rappelle, 75 000 jeunes parmi les plus en difficulté seront concernés par le CIVIS.

Par conséquent, notre approche est tout sauf idéologique. Nous souhaitons le retour de la croissance et nous mettons en oeuvre une politique de soutien aux entreprises, pour que cette croissance soit la plus rapide possible. Nous réformons les dispositifs de formation professionnelle, en particulier pour donner une deuxième chance aux personnes au chômage et aux jeunes sans qualification.

Ensuite, parce que notre approche n'est pas idéologique, nous maintenons un fort investissement en faveur des contrats aidés pour les personnes les plus éloignées de l'emploi. Mais, et c'est la vraie différence avec la politique que vous avez conduite, nous concentrons cet effort sur ces personnes. A cet égard, toutes les instructions données à l'administration de mon ministère visent à faire en sorte que ces contrats soient utilisés prioritairement pour venir en aide aux jeunes en très grande difficulté et aux chômeurs très éloignés de l'emploi.

J'ai indiqué tout à l'heure, lors de ma réponse à l'un des rapporteurs, que nous allions transformer les CES et les CEC en contrats uniques d'insertion, et que nous allions durcir les obligations de formation qui y sont associées afin de leur donner une vocation encore plus forte en matière d'insertion. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger.

M. Yves Krattinger. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse qui, si elle ne me rassure pas complètement, marque toutefois une évolution par rapport à ce que vous disiez voilà quelques mois. (M. le ministre fait un signe de dénégation.)

En réalité, votre politique est beaucoup plus incertaine et hésitante que vous ne l'affirmez. La vision libérale du Premier ministre, celle qu'il voulait privilégier, est aujourd'hui en partie battue en brèche par les chiffres. Mais certaines mesures que vous adoptez montrent que vous revenez un peu en arrière, ce dont - je le dis franchement - je me réjouis ! Les propos que vous venez de tenir vont, selon moi, dans le bon sens.

La mise en place du CIVIS et l'amélioration des procédures d'accompagnement des publics en difficulté me paraissent positives, même s'il s'agit de politiques qui ont déjà été mises en place. Elles peuvent constituer un complément aux CES, aux CEC et aux emplois-jeunes que nous avions, de notre côté, créés. Toutefois on observe que l'augmentation très importante du nombre de CES autorisés en 2004 succède à des décisions contradictoires tout au long de l'année 2003.

En tout cas, la vraie réduction du chômage ne pourra venir seulement de la mise à la retraite de ceux qui ont commencé à travailler très jeunes et de la diminution naturelle du nombre de ceux qui arrivent sur le marché du travail. Elle ne viendra pas non plus, monsieur le ministre, et vous le savez, du transfert des chômeurs de longue durée vers le revenu minimum d'insertion.

On ne peut appeler emploi marchand un contrat à durée déterminée de vingt heures par semaine dont les deux tiers du salaire seront payés par la collectivité départementale.

La diminution réelle du chômage viendra de l'enrichissement partagé de notre pays. Vous l'avez d'ailleurs évoqué à l'instant, des emplois seront créés lorsque des demandes de biens et de services insatisfaites justifieront ces créations. Or, les entreprises créent des emplois lorsqu'elles ont de bonnes perspectives d'activité, vous le savez bien.

L'économie de notre pays est compétitive. Ce n'est pas le coût du travail qui fait croître le chômage. Il est donc souhaitable de mettre en oeuvre une véritable politique de redistribution qui stimule la demande et favorise l'activité, des programmes d'accompagnement diversifiés vers l'insertion sociale et professionnelle pour les publics éloignés du marché du travail et enfin, des actions de formation adaptées et renforcées, prioritairement pour tous les publics à la recherche d'un emploi, ou dont l'emploi actuel est menacé.

En tout cas, monsieur le ministre, je souhaite qu'à l'avenir la performance du Gouvernement soit meilleure qu'entre juin 2002 et juin 2003. En effet, au cours de cette période, malheureusement, il y a eu 430 chômeurs supplémentaires par jour.

M. le président. La parole est à Mme Nelly Olin.

Mme Nelly Olin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les structures relevant de l'insertion par l'activité économique ont un rôle essentiel en matière de lutte contre l'exclusion. Elles assurent en effet l'accompagnement professionnel et social des personnes éloignées de l'emploi. Les entreprises de travail temporaire d'insertion et les associations intermédiaires mettent à disposition des entreprises des personnes en situation d'exclusion, tandis que les entreprises d'insertion les emploient elles-mêmes. Elles vivent principalement des recettes de leur vente ainsi que de l'aide de l'Etat.

Le travail de ces structures aboutit à un résultat probant puisque, par exemple, le taux d'accès à l'emploi à la sortie des entreprises de travail temporaire d'insertion atteint 50 %.

En Val-d'Oise, elles emploient 120 salariés en permanence. En 2002, ce sont 3 000 personnes qui ont retrouvé une situation de travail et près de 1 000 Valdoisiens qui ont intégré une formation qualifiante ou un emploi. Ce dispositif a largement fait ses preuves.

Le projet de loi de finances revalorise de 22,5 % l'aide à l'accompagnement au sein des entreprises de travail temporaire d'insertion, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. Ces entreprises ont besoin de tout notre soutien. Aussi, je souhaiterais me faire l'écho des difficultés qu'elles rencontrent dans leur quotidien.

La procédure de versement d'aide aux associations et aux entreprises est lourde et complexe. Elle est surtout fixée selon un calendrier annuel, alors même que leurs dépenses de fonctionnement et d'investissement s'étalent tout au long de l'année. Elles connaissent donc des difficultés de trésorerie importantes dès le début de l'année, qui pourraient remettre en cause leur existence même, pour celles dont la situation financière n'est pas favorable.

Au printemps dernier, le Gouvernement avait pris l'engagement de mettre en oeuvre un nouveau calendrier du financement de l'Etat aux entreprises d'insertion. La mensualisation des aides qu'elles réclament permettrait de répondre de façon fort opportune aux besoins de ces structures qui ont été plutôt délaissées par le précédent gouvernement.

Monsieur le ministre, pouvez-vous m'indiquer si vous envisagez une telle mesure et, si oui, dans quels délais ?

Je souhaiterais vous dire également, monsieur le ministre, combien votre politique est réaliste et honnête : elle permettra de donner un travail réel à ceux qui, pendant des années, ont été laissés sur le bord de la route avec des promesses démagogiques, bernés par un gouvernement qui n'avait de cesse de vouloir gommer le chômage par des emplois qui n'en étaient pas. Votre politique leur donnera en tout cas, grâce aux mesures que vous prenez, une place réelle dans la société par l'insertion et le travail.

Certains ici prétendent rendre le Gouvernement responsable du chômage, alors que les politiques précédentes en sont la cause. Tout de même ! Je rappelle, à cet égard, que le candidat Mitterrand avait dit que, lui président, on ne passerait pas le cap du million de chômeurs. Eh bien, on en est arrivé à trois millions de chômeurs ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Alain Vasselle. Bravo !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre. Madame le sénateur, les structures d'insertion par l'économique que vous avez évoquées pour louer leur action sont nées de la volonté de redonner une chance aux personnes les plus éloignées de l'emploi en sortant des logiques de l'assistance.

Il existe aujourd'hui 4 500 structures de taille et de nature très diverses ; elles jouent un rôle irremplaçable dans l'insertion sociale et professionnelle des personnes qui, pour des raisons très variées, ne peuvent accéder directement à un emploi en milieu ordinaire.

Ces associations ont acquis un véritable savoir-faire dans l'accompagnement des personnes en difficulté et constituent l'un des instruments essentiels de la politique de lutte contre l'exclusion. Elles ont su allier action sociale et action économique, et développent souvent des secteurs où les entreprises ordinaires sont très peu présentes. Elles constituent un sas vers l'emploi pour des publics très en difficulté. Elles ont naturellement toute leur place dans la politique que conduit le Gouvernement.

Nous avons pris un certain nombre de mesures au cours de l'année 2003 pour assurer leur pérennité, pour améliorer leur situation financière et pour leur permettre de faire face à une conjoncture difficile : ces associations sont, elles aussi, victimes de la conjoncture économique générale.

D'abord, vous l'avez dit vous-même, l'aide au poste des entreprises d'insertion, qui était demeurée inchangée depuis 1999, a été revalorisée, et une aide à l'accompagnement a été mise en place pour les associations intermédiaires, pouvant atteindre 24 400 euros.

S'agissant des chantiers d'insertion, le taux de prise en charge des contrats emploi-solidarité par l'Etat a été maintenu à 95 %.

Je n'ignore pas les difficultés qu'entraîne pour ces structures le retard avec lequel sont trop souvent versées les aides auxquelles elles peuvent prétendre.

Nous avons fait en sorte que les structures d'insertion par l'économique n'aient pas à souffrir des mesures de gel de crédits imposées par la conjoncture budgétaire. En ce qui les concerne, le gel des crédits a été levé dès le mois de juin.

Les retards de paiement ont cependant d'autres causes, plus structurelles, liées à la lourdeur de nos procédures administratives ainsi qu'aux conditions fixées pour l'octroi des aides du fonds social européen.

Je me suis engagé à ce qu'une réforme des modalités de paiement des aides au poste des entreprises d'insertion et des entreprises de travail temporaire d'insertion soit réalisée rapidement et à ce que soit mis en place un système de paiement mensuel.

Les problèmes évidemment complexes que soulève une telle réforme font l'objet de débats passionnés entre mes services et ceux du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, mais je puis vous assurer que je vais peser de tout mon poids pour que cette réforme soit mise en oeuvre dans les meilleurs délais. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Alain Vasselle. Je vous souhaite de réussir, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à Mme Nelly Olin.

Mme Nelly Olin. Monsieur le ministre, votre réponse est rassurante, et je vous en remercie. Je sais que vous avez encore beaucoup à faire, mais je suis sûre que l'importance du sujet permettra au ministre des finances de comprendre qu'il est important que des mesures d'accompagnement réelles et sincères interviennent rapidement.

M. le président. La parole est à Mme Janine Rozier.

Mme Janine Rozier. Monsieur le ministre, le projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social que vous venez de présenter en conseil des ministres a été élaboré pour partie au vu de l'accord interprofessionnel historique, unanimement conclu par les partenaires sociaux en septembre dernier. Il a pour objectif de donner à chaque salarié les moyens de se former tout au long de sa vie professionnelle.

Je me réjouis que la formation professionnelle connaisse, grâce à ce projet de loi, un nouvel essor, car elle constitue un instrument de démocratie sociale.

C'est dans ce cadre que le contrat de professionnalisation a vocation à se subsistuer à l'ensemble des contrats d'insertion en alternance, notamment au contrat de qualification. Or cette annonce inquiète les organismes de formation en alternance, très attachés aux contrats de qualification, qui connaissent beaucoup de succès, surtout auprès des jeunes : je rappelle que 130 000 d'entre eux sont formés chaque année dans le cadre de ces contrats.

Les organismes de formation sont notamment préoccupés par la réduction du temps de formation minimum, ainsi que par celle de la durée possible du contrat, qui passerait de deux ans à un an maximum.

Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous rassuriez sur leur avenir ces organismes, qui ont toujours soutenu la formation en alternance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre. Madame le sénateur, je voudrais tout d'abord vous remercier d'appeler l'attention du Sénat sur l'importance de la réforme de la formation professionnelle, dont nous allons commencer la discussion dans quelques jours.

Cette réforme, que le Gouvernement a souhaitée et que les partenaires sociaux ont, pour une large part, permise par leur accord, va d'abord permettre la création du droit individuel à la formation professionnelle, évoqué depuis des années, mais jamais mis en oeuvre. Ce droit individuel à la formation professionnelle va changer presque du tout au tout la nature de l'organisation de notre système de formation professionnelle : la formation, aujourd'hui attachée à l'entreprise et à ses décisions, sera désormais un droit que le salarié pourra exercer dans des conditions différentes selon qu'il s'agira, ou non, des besoins de l'entreprise et selon que la formation interviendra, ou non, sur son temps de travail, grâce à cet accord interprofessionnel.

Pour ce qui est de la question spécifique de la diminution du minimum de formation dans les contrats de professionnalisation, je voudrais d'abord vous préciser qu'il s'agit bien d'un minimum et non pas d'un maximum, ce qui signifie que les branches et les organismes paritaires fixeront les durées adaptées, ces dernières ne pouvant pas être inférieures au minimum de 150 heures prévu par l'accord.

Si les partenaires sociaux ont, à l'unanimité - car il y a eu unanimité des partenaires sociaux -, accepté ce choix, il faut leur faire confiance.

Je sais qu'un certain nombre d'organismes de formation s'inquiètent. Je pense qu'il faut les rassurer, d'abord parce qu'une phase de transition est prévue, qui sera d'ailleurs confirmée, dans quelques jours, par les partenaires sociaux eux-mêmes, tant ils sont conscients que l'appareil de formation va devoir s'adapter.

Il faut aussi bien noter qu'il s'agit de professionnalisation. Il existe d'autres dispositifs qualifiants, et nous allons les développer, en particulier l'apprentissage. Ces dispositifs répondent aux besoins de formation longue, qualifiante et diplômante que les organismes de formation professionnelle mettent souvent en avant.

Le contrat de professionnalisation est, lui, destiné à un bien plus grand nombre de salariés que le contrat de qualification qui, je le rappelle, concernait cette année un peu plus de 140 000 personnes. Il s'agit là, au contraire, d'élargir à un nombre nettement plus important de salariés la possibilité de bénéficier d'un contrat de professionnalisation, ce qui, d'ailleurs, devrait rassurer les organismes de formation. En effet, si les durées sont, en moyenne, peut-être plus courtes, le nombre de personnes en formation sera plus élevé. Pour s'en persuader, il suffit de constater que les partenaires sociaux, notamment les employeurs, ont accepté d'augmenter de façon significative leur participation à la formation, laquelle sera portée de 0,15 % à 0,55 %, pour les petites et moyennes entreprises, et de 1,5 % à 1,6 %, pour les grandes entreprises.

Autant de raisons qui doivent vous rassurer et rassurer les organismes de formation professionnelle sur ce sujet. Il est suffisamment rare d'avoir un accord unanime entre le patronat et les syndicats pour ne pas faire confiance à l'équilibre qu'ils ont ainsi trouvé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Janine Rozier.

Mme Janine Rozier. La clarté de la réponse de M. le ministre me satisfait.

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant le travail, la santé et la solidarité : I. - TRAVAIL

ÉTAT B

Travail , santé et solidarité - I. - Travail
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Etat C - Titres V et VI

M. le président. « Titre III : 14 335 811 euros. »

L'amendement n° II-2, présenté par MM. Chabroux et Krattinger, Mme San Vicente et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Réduire les crédits du titre III de 500 000 euros. »

La parole est à M. Gilbert Chabroux.

M. Gilbert Chabroux. Monsieur le ministre, avec cet amendement, nous voudrions appeler l'attention du Sénat et du Gouvernement sur ce qui nous semble être une lacune, une carence, à savoir l'absence de postes pour le recrutement d'inspecteurs et de contrôleurs du travail en 2004. La répartition des crédits et les créations de postes ne semblent pas être prioritaires pour votre ministère, votre action consistant majoritairement à distribuer des allégements de cotisations sociales patronales. (Murmures sur les travées de l'UMP.)

N'oublions pas les missions premières de l'Etat. Vous semblez d'ailleurs y être vous-même attentif. Vous avez en effet déclaré, le 20 octobre dernier, en début de matinée, sur RMC : « Il faudra, à l'avenir, renforcer les moyens de l'inspection du travail. » Pour quelle raison ne le faites-vous pas ? Le sujet est pourtant important, car, nous en avons débattu lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, la situation n'est pas bonne.

Ainsi, les prescriptions en matière de sécurité ne sont pas assez respectées, notamment dans certaines branches où les dangers sont précisément importants. De même, toutes les entreprises qui devraient être dotées d'un comité d'hygiène et de sécurité n'en ont pas forcément. De surcroît, l'explosion des emplois précaires doublée d'une absence de formation à la sécurité de ces salariés conduit à une augmentation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Dans le dernier rapport disponible, concernant l'année 2003, on peut lire que, sur les 214 500 interventions réalisées dans 85 000 établissements, 548 750 observations ont été faites dont 16 700 ont donné lieu à procès-verbal. Un procès-verbal sur deux a été motivé par le non-respect de la réglementation du travail en matière de temps de travail, d'heures supplémentaires et de travail de nuit. Mais un quart de ces procès-verbaux relèvent d'une infraction aux règles de sécurité et 10 %, du travail dissimulé.

Ces quelques chiffres appellent de notre part deux observations.

Tout d'abord, le faible nombre de procès-verbaux montre que les inspecteurs et les contrôleurs entendent ramener les entreprises dans le respect du droit par une procédure de rappel, de conciliation, plutôt que par des sanctions - ils savent d'ailleurs que les procédures sont, en général classées sans suite, sans même parler des amnisties.

Il en résulte que les procès-verbaux signalent des infractions particulièrement graves. Chaque année, une vingtaine d'employeurs sont menacés de peine de prison, soit après la mort d'un de leurs salariés consécutive à une faute inexcusable, soit pour récidive dans le trafic de main-d'oeuvre. Aucun n'est mis derrière les barreaux. Quant aux amendes, leur montant tourne autour de 850 euros, ce qui continue à rendre l'infraction « rentable ».

Ma seconde observation porte sur le périmètre d'action de l'inspection du travail : 16 millions de salariés et 1,5 million d'établissements pour 1 390 inspecteurs et contrôleurs, mais dont la moitié est affectée à des tâches administratives.

L'ampleur de la tâche accomplie par les services de contrôle est considérable, et il convient de rendre hommage à leur conscience professionnelle.

Certes, un effort de recrutement a été accompli sous l'impulsion de Martine Aubry. De 1998 à 2002, 82 postes d'inspecteurs et 16 postes de contrôleurs ont été créés après, c'est vrai, des années de stagnation. Il n'en demeure pas moins que cela reste insuffisant.

Que comptez-vous faire ? Les interrogations sont d'autant plus fortes que les services d'inspection - vos services, monsieur le ministre - se sentent victimes d'un véritable harcèlement de la part de certains milieux patronaux et politiques.

M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. Oh !

M. Gilbert Chabroux. Contre toute évidence, certains les accusent de jouer un rôle politique lorsqu'ils entendent faire observer une législation qui n'a pas l'heur de plaire à l'employeur contrôlé.

D'aucuns veulent limiter leur activité au contrôle des règles d'hygiène et de sécurité, ce qui est d'abord le rôle des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Mais, monsieur le ministre, vous connaissez fort bien les textes.

Mme Nelly Olin. C'est vrai ! Nous avons un excellent ministre !

M. Gilbert Chabroux. L'indépendance de ces services d'inspection est remise en cause, alors qu'elle est évidemment fondamentale pour l'exercice de leurs missions et conforme à la convention 81 de l'Organisation internationale du travail.

Monsieur le ministre, quelle est votre position sur ces critiques, sur ces propositions ? Avez-vous tracé des pistes claires pour l'avenir de l'inspection du travail ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Joseph Ostermann, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Je suis rassuré.

M. Chabroux ne veut donc pas réellement diminuer de moitié les crédits destinés aux études de la DARES... (Sourires.)

M. Gilbert Chabroux. Non, laissons cela de côté ! Mon propos était de parler des inspecteurs du travail.

M. François Fillon, ministre. C'est quand même la teneur de l'amendement que vous avez déposé, monsieur Chabroux. Je pourrais m'en tenir à ce libellé et vous expliquer pourquoi il ne faut pas supprimer la moitié des crédits de la DARES.

M. Gilbert Chabroux. Je n'avais pas d'autre moyen de procéder !

M. François Fillon, ministre. Mais, s'agissant de l'inspection du travail, je partage, monsieur Chabroux, votre volonté de renforcer les moyens de contrôle de l'administration du travail. D'ailleurs, ce fut notre objectif en 2003, puisque nous avons créé sept nouvelles sections au sein de l'inspection. Nous avons engagé, en 2003, une réforme - elle sera d'ailleurs poursuivie dans le projet de loi de finances pour 2004 - qui vise à la création d'une filière administrative en service déconcentré, pour recentrer sur leurs missions de contrôle les agents de l'inspection actuellement appelés à des fonctions d'administration générale qui ont peu de chose à voir avec leur vocation première.

Je ne crois pas que les agents de l'inspection du travail se sentent « harcelés », comme vous le prétendiez à l'instant.

J'ai indiqué à plusieurs reprises que l'inspection du travail avait toute la confiance du Gouvernement et du ministre chargé du travail. Nous avons d'ailleurs demandé à l'inspection d'élargir son champ d'investigation, notamment aux entreprises de l'audiovisuel, pour lutter contre les abus qui existent aujourd'hui et que vous connaissez en matière d'emploi d'intermittents du spectacle.

Je pense que cette réponse devrait vous conduire, monsieur Chabroux, à retirer votre amendement.

M. le président. Monsieur Chabroux, l'amendement n° II-2 est-il maintenu ?

M. Gilbert Chabroux. Non, je le retire, monsieur le président.

Mme Nelly Olin. Très bien !

M. Gilbert Chabroux. Je prends note de la réponse de M. le ministre : elle ne nous mène pas très loin, mais je pense que, le dossier une fois arrivé à maturité, des postes seront crées !

M. le président. L'amendement n° II-2 est retiré.

Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. « Titre IV : 16 577 682 610 euros. »

L'amendement n° II-3, présenté par MM. Chabroux et Krattinger, Mme San Vicente et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Réduire les crédits du titre IV de 20 000 000 euros. »

La parole est à M. Gilbert Chabroux.

M. Gilbert Chabroux. Je ne veux pas anticiper sur le débat qui s'ouvrira dans quelques jours au Sénat au sujet du revenu minimum d'activité, mais, l'occasion se présentant, je propose de supprimer les crédits destinés au futur RMA.

Les critiques que nous avions formulées contre ce texte au printemps dernier sont sérieuses ; elles ont d'ailleurs été en grande partie reprises par le rapporteur de la majorité à l'Assemblée nationale, Mme Christine Boutin,...

M. Roland Muzeau. Eh oui !

M. Gilbert Chabroux. ... avec laquelle nous sommes pourtant rarement d'accord !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas dit ! Il y a un axe, monsieur Chabroux !

M. Gilbert Chabroux. Oui, un axe objectif ! (Sourires.)

Cela montre, en tout cas, combien ce texte est dangereux pour une personne qui a plus le souci des autres que celui du profit, et ce quelles soient ses options philosophiques !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais, ici, vous êtes d'accord avec elle !

M. Gilbert Chabroux. Je rappelle que le RMA est, en principe, destiné à réinsérer dans le monde du travail des allocataires du RMI.

Mme Nelly Olin. C'est une bonne chose !

M. Gilbert Chabroux. Nous ne sommes pas contre le principe. Le travail est non seulement une source de revenu, mais aussi un élément structurant de notre vie sociale. Pour autant, les modalités que vous proposez nous entraînent fort loin des préoccupations humanistes affichées.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est un bon texte !

M. Gilbert Chabroux. Vous connaissez notre position, je ne la développe pas.

Je demande néanmoins que cet amendement soit soumis au vote. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Si vous le souhaitez, je peux donner des explications plus détaillées ! Ainsi, je n'ai pas évoqué l'exploitation qui va être faite des personnes qui seront au RMA...

Mme Nelly Olin. Vous avez été très raisonnable, monsieur Chabroux !

M. Gilbert Chabroux. Je demande donc que cet amendement, que je ne retirerai pas, soit soumis au vote, même si j'en connais par avance le résultat.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. La commission des finances n'a pas examiné cet amendement, mais il est évidemment inopportun de revenir sur une mesure qui vise à conforter le caractère incitatif pour les employeurs d'un contrat qui s'adresse aux personnes les plus éloignées de l'emploi et les plus fragilisées.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, que M. Chabroux n'a d'ailleurs pas vraiment défendu : il sait bien que le débat a déjà eu lieu au Sénat et à l'Assemblée nationale, et qu'il reprendra dans quelques jours au Sénat.

Le Gouvernement et la majorité sont très attachés à la mise en place du revenu minimum d'activité.

M. Roland Muzeau. Le MEDEF aussi !

M. François Fillon, ministre. Je pense que, sur ce point, vous vous trompez, monsieur Muzeau !

Ce revenu minimum d'activité est en effet un outil d'insertion supplémentaire, et je crois que nombreux sont les Français qui, comme nous, estiment préférable d'avoir un revenu minimum avec un travail plutôt qu'un revenu minimum sans travail. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Nelly Olin. Bien sûr ! C'est la réinsertion par la valorisation du travail !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-3.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-4, présenté par MM. Chabroux et Krattinger, Mme San Vicente et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Réduire les crédits du titre IV de 216 140 000 euros. »

La parole est à M. Gilbert Chabroux.

M. Gilbert Chabroux. J'ai déjà dit ce que nous pensions des contrats jeunes en entreprise : il ne paraît pas opportun de distribuer des deniers publics pour financer un dispositif dont les employeurs eux-mêmes reconnaissent ouvertement qu'il se limite essentiellement à un effet d'aubaine.

Je demande donc que nous supprimions cette dotation de 416 140 000 euros pour les contrats jeunes en entreprise, car l'importance de la somme - puisque vous prévoyez le doublement des crédits votés pour 2003 - ne nous convient pas, surtout pour un dispositif qui, semble-t-il, ne donne pas le résultat escompté.

Mme Nelly Olin. On ne peut pas dire que vous ne l'aurez pas dit !

M. Gilbert Chabroux. C'est le ministère des finances qui le dit et qui indique que, sur les 245 000 contrats jeunes que vous espérez avoir conclus à la fin de 2004 - on est loin des 500 000 que vous aviez promis ! -, seuls 46 000 correspondraient à des créations nettes d'emplois. Que voulez-vous dire de plus, sinon qu'il y a un effet d'aubaine ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. Je ne reprendrai pas l'argumentation que j'ai développée à propos de l'amendement précédent. L'avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement est évidemment défavorable, mais il profite de l'occasion pour rectifier une affirmation de M. Chabroux : le Gouvernement n'a jamais évoqué 500 000 contrats jeunes ; il a parlé de 250 000, et je vous ai annoncé tout à l'heure que, compte tenu du succès de cette mesure, il en envisage 300 000 en 2005.

M. Gilbert Chabroux. Le chiffre de 500 000 qu'a cité M. le Premier ministre concernait effectivement le chèque emploi petite entreprise. Je vous prix d'excuser mon erreur, monsieur le ministre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-4.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

Etat B - Titre III et IV
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Art. 80

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 10 000 000 euros ;

« Crédits de paiement : 3 000 000 euros. »

Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 78 140 000 euros ;

« Crédits de paiement : 36 770 000 euros. »

Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J'appelle en discussion les articles 80 et 80 bis, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits affectés au travail.

Travail, santé et solidarité

I. - Travail