PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Outre-mer (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Outre-mer (suite)

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour un rappel au règlement.

M. Alain Vasselle. Monsieur le président, je souhaite attirer l'attention de la Haute Assemblée sur trois points.

Le premier concerne l'organisation de nos travaux. Hier, nous avons appris le report, à deux reprises, de la discussion des conclusions du rapport de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004. Prévue initialement à quinze heures cet après-midi, elle a été reportée, dans un premier temps, à dix-huit heures trente, puis à vingt et une heures trente. C'est la conséquence directe de la discussion concernant les droits sur le tabac, qui avait été reportée en fin de séance.

Il est extrêmement difficile de maîtriser son emploi du temps si des changements interviennent en permanence. Certes, nous examinons actuellement le projet de loi de finances, et chacun sait que, pendant cette période, nous devons siéger sans discontinuer. Pour autant, il n'est pas facile de maîtriser son emploi du temps. Je réitère donc le voeu que nous ne revivions plus ce que nous connaissons au cours de cette session.

En outre, dans le calendrier des travaux qui nous a été remis hier en commission des affaires sociales, j'ai découvert que nous siégerons le vendredi 12 décembre, soit, après la fin de l'examen du projet de loi de finances, pour examiner le projet de loi portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité.

Nous assistons à une dégradation de nos conditions de travail, alors que la session unique devait faire disparaître les séances de nuit et libérer les lundis et vendredis pour que nous puissions nous rendre dans nos circonscriptions ! J'ose espérer que cet état de fait est seulement lié à l'année 2003 et que nous ne revivrons pas une telle situation en 2004. Je me permets une nouvelle fois, le plus calmement possible, d'appeler l'attention de la présidence sur ce point.

J'avoue avoir été très surpris de la réponse que M. Devedjian m'avait faite quand je m'étais exprimé sur ce point lors de l'examen du projet de loi relatif aux responsabilités locales : il m'avait rétorqué sèchement que ce rythme de travail n'était pas le problème du Gouvernement, laissant sous-entendre que c'était celui de la présidence du Sénat. Or, que je sache, c'est le Gouvernement qui fixe l'ordre du jour, la conférence des présidents établissant l'organisation de nos travaux.

Je ne sais pas qui, du Gouvernement ou de la présidence, est responsable en définitive. En tout cas, je souhaiterais, monsieur le président, ne pas avoir à faire de nouveau un rappel au règlement à cet égard.

Le deuxième point que je voudrais évoquer concerne les droits sur le tabac.

La loi organique relative aux lois de finances prévoit une répartition des droits en loi de finances et l'inscription des agrégats de recettes correspondants aux besoins du budget annexe des prestations sociales agricoles et de la sécurité sociale en loi de financement de la sécurité sociale. Les deux textes sont donc interdépendants. Or nous les examinons successivement. Aussi, des « télescopages » se produisent, qui nous conduisent à bousculer l'organisation de nos travaux et à reporter la discussion des conclusions du rapport de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.

J'en déduis que nous ne pourrons pas faire l'économie d'une réforme de la loi organique aux lois de financement de la sécurité sociale. J'aimerais qu'un tel texte soit inscrit à l'ordre du jour du Sénat, et que la présidence de la Haute Assemblée accepte éventuellement, si besoin est, que nous puissions en discuter dans le cadre de l'ordre du jour réservé.

Enfin, troisième et dernier point, la nouvelle répartition des droits, décidée hier, va se traduire - et j'attire l'attention du Sénat et du Gouvernement à cet égard - par une perte de 84 millions d'euros au détriment du BAPSA, car la nouvelle répartition des droits ne permet pas de neutraliser complètement les besoins de recettes du BAPSA. N'ayant pu être présents hier soir, M. About, président de la commission des affaires sociales, et moi-même n'avons pu le faire valoir ni auprès du Gouvernement ni auprès de la commission des finances.

Tels sont les trois points qui justifient ce rappel au règlement.

M. le président. Monsieur Vasselle, je vous donne acte de votre déclaration. Je transmettrai bien sûr vos remarques à la présidence. Je tiens néanmoins à souligner que, aux termes de la Constitution, le Gouvernement détermine l'ordre dans lequel les textes sont présentés aux assemblées.

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DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur le deuxième bilan de l'application de la loi relative à la lutte contre les exclusions, établi en application de l'article L. 115-4 du code de l'action sociale et des familles.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

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LOI DE FINANCES POUR 2004

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2004, adopté par l'Assemblée nationale.

Outre-mer (suite)

Outre-mer (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Etat B - Titres III et IV

M. le président. Dans la suite de l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de l'outre-mer, la parole est à M. Victor Reux. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. Victor Reux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget qui nous est présenté augmente de 3,4 % par rapport à celui de l'an passé, ce qui, malgré les difficultés de la conjoncture actuelle, le place au nombre des quatre budgets civils les mieux lotis dans le projet de loi de finances pour 2004. Il n'y a donc pas de mystification, contrairement à la thèse défendue par l'opposition en certains lieux.

Dans la ligne générale de la politique inspirée par M. le Premier ministre, un effort particulier se dessine en faveur d'interventions directes de l'investissement, les deux totalisant 84 % de votre projet de budget, madame la ministre.

Le fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon connaît une augmentation de 114 000 euros, pour atteindre une enveloppe de 459 000 euros.

Cela illustre bien le souci du Gouvernement de poursuivre son action vers une amélioration de l'emploi outre-mer, notamment l'emploi marchand et durable, ce vers quoi tend également le volet des exonérations de charges sociales de la toute jeune loi de programme pour l'outre-mer.

Selon la tradition, le budget de l'outre-mer pour 2004 donne toute sa place à l'action sociale en faveur du logement, qui englobe à elle seule 69 % du montant des investissements du ministère, avec une priorité au logement social.

Attentive à la situation des ultramarins les plus démunis, vous avez veillé, madame la ministre, à ce que soit revalorisé le plafond d'éligibilité à la CMU complémentaire, et votre soutien ne manquera pas aux petites collectivités les plus défavorisées. Pour toutes ces orientations, nous ne pouvons que vous féliciter.

J'ai noté que la collectivité territoriale que je représente recevrait une dotation de 1 676 000 euros pour sa desserte maritime inter-îles. Celle-ci a été dernièrement au centre d'une vive polémique locale, et je tiens à souligner l'action locale particulièrement soutenue et constructive du représentant de l'Etat à Saint-Pierre-et-Miquelon dans ce dossier, en dépit du harcèlement et de l'agressivité dont il est l'objet depuis son arrivée dans l'archipel de la part de l'exécutif local.

Ce sont en effet ses propositions qui, s'appuyant sur de nouvelles initiatives privées, ont permis de débloquer la situation et d'assurer le désenclavement de Miquelon.

J'en viens à la situation du secteur de la santé dans l'archipel.

Le prix de la journée d'hospitalisation a doublé en deux ans, pour atteindre 1 850 euros par jour, sans que l'on puisse connaître toutes les raisons de cette évolution impressionnante et insolite.

L'incidence sur les mutuelles locales est terrible et de plus en plus insupportable pour les cotisants les plus modestes, notamment les retraités du régime général.

Les services rendus au public n'ont évidemment pas suivi la même ascension ; en revanche, les évacuations sanitaires hors de l'archipel sont en constante progression. L'ensemble constitue un sérieux problème, qui invite à une réflexion de fond.

De surcroît, pour la première fois dans cette petite collectivité territoriale, le président du conseil général et son ex-subordonné, le président de la SODEPAR, ainsi que le directeur de l'hôpital de Saint-Pierre ont dû se présenter devant le tribunal correctionnel, accusés dans des affaires de marchés publics douteux. Le centre hospitalier et la maison de retraite se trouvant dans le champ de ces affaires, il en résulte, pour l'opinion, un effet des plus mauvais.

Si la modernisation de l'hôpital et d'un service de santé de qualité pour tous sont au coeur même du projet du Gouvernement, il importe grandement que les mesures d'investigation et d'encadrement de notre centre hospitalier local décidées par la direction générale des hôpitaux soient menées à leur terme et que toute la lumière soit faite.

Madame la ministre, je fais appel à votre vigilance, à cet effet, car il y va de l'intérêt de la population de l'archipel, dans un domaine où elle est en droit d'attendre rigueur et responsabilité de la part de ceux qui sont en charge de son système de santé.

Vous connaissez les difficultés de la filière pêche et les aléas de la ressource qui constituent un handicap décevant pour les entrepreneurs locaux et les pêcheurs artisans, qui n'ont pas manqué d'initiative, je le souligne, comme je souligne aussi le soutien que vous apportez à ce secteur.

Ces entrepreneurs veulent maintenant aller plus loin, hors de la limite des 200 milles canadiens, ce qui soulèvent quelques interrogations majeures compte tenu de la politique d'Ottawa à l'égard des navires non canadiens allant chercher la ressource dans ces zones limitrophes. Ils vont donc courir des risques, en prévision desquels ils vous ont alertée, demandant des assurances de soutien au Gouvernement. Aussi aimerais-je, dans la mesure du possible, avoir votre sentiment en la matière.

Toujours sur le plan économique, compte tenu de la recherche et de l'exploitation des hydrocarbures au large des côtes de Terre-Neuve et de Nouvelle-Ecosse, et du profit qu'en tirent ces deux provinces canadiennes, des espoirs demeurent quant à une possible exploitation de cette ressource en zone française ou transfrontalière avec le Canada. D'où l'importance de l'accord d'union qui doit être signé entre Paris et Ottawa sur le sujet. Si l'on peut souligner un certain rapprochement des positions, la formulation retenue finalement par les deux parties ne peut me donner totale satisfaction, pas plus qu'aux autres élus de l'archipel.

Instruits par l'histoire assez récente de nos relations avec notre grand voisin, nous craignons que, au moment de traduire l'accord dans la pratique, nous ne nous trouvions de fait dans une situation discriminatoire, nos navires avitailleurs n'ayant pas les mêmes droits que leurs homologues canadiens dans la zone commune d'exploitation, ce qui aurait un effet négatif alors que l'on cherche à redonner de la vigueur au trafic maritime dans notre port, notamment.

Le Gouvernement a-t-il pris la mesure du risque potentiel encouru si l'imprécision sur ce point crucial demeure en l'état et se trouve ratifiée ?

Madame la ministre, certaines prises de position, déjà soulignées par un certain nombre de mes collègues à cette tribune, qui ont été menées sans concertation à l'Assemblée nationale et qui visent l'outre-mer sont la cause d'inquiétude. C'est le cas pour la TVA récupérable et les retraites, et pour tout ce qui est regroupé sous le vocable de « surrémunérations ».

Cette façon de vouloir changer la donne par quelques amendements qui ne prennent pas en compte les réalités socio-économiques de nos collectivités ne peut que susciter de la méfiance à l'égard de certains parlementaires, tout en jetant un discrédit sur l'ensemble d'un secteur humain de l'outre-mer et sur les efforts que l'Etat déploie en sa direction. Je souscris donc pleinement à la réaction du Gouvernement, qui veut mener au préalable une réflexion globale sur ces questions.

Enfin, j'attire votre attention sur un thème d'ordre social, domaine où Saint-Pierre-et-Miquelon affiche certains retards du fait de la spécificité de son système de prévoyance sociale, bien que des améliorations aient eu lieu ces dernières années, notamment en faveur des personnes handicapées. L'harmonisation des prestations familiales devrait être confirmée avec la prochaine mise en place de la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE.

Pour ce qui concerne la coordination de notre régime maladie avec celui de l'Hexagone, les décrets sont apparemment prêts mais ils ne sont toujours pas sortis. Pouvez-vous nous aider à agir en faveur de l'accélération du processus final ?

Reste la mise en place de l'action sociale de la caisse de prévoyance sociale, qui n'est plus, depuis 1988, du ressort de l'Etat.

Les besoins locaux en ce domaine se sont accrus au cours de la dernière décennie à cause du marasme économique nous affectant et des difficultés auxquelles sont confrontés divers groupes de personnes à revenu modeste, entre autres ceux dont j'ai parlé précédemment.

Le fonds d'action sociale est alimenté par le versement de 2 % des cotisations versées à la caisse de prévoyance sociale, ce qui, compte tenu des besoins et demandes d'aide exceptionnelle, se révèle insuffisant aujourd'hui.

Le prélèvement sur les cotisations versées, qui aurait dû, à la demande du conseil d'administration, de la caisse de prévoyance sociale, être porté de 2 % à 6 %, semble devoir être limité à 4 % par le ministre de tutelle. Le dossier n'avance donc pas et handicape les projets de la caisse locale, qui voudrait voir modifiés le décret n° 82-958 du 12 novembre 1982 ainsi que l'arrêté interministériel subséquent. Je vous serais reconnaissant de bien oeuvrer dans le sens souhaité par notre caisse de prévoyance sociale.

Madame la ministre, vous répondrez sans doute à ces quelques remarques concernant mon archipel. S'agissant du budget que vous nous présentez, j'approuve la philosophie qui l'a inspiré, faite de réalisme et de pragmatisme. Aussi, dans le difficile contexte actuel, il mérite qu'on lui apporte notre soutien. C'est ce que je ferai, car je partage vos ambitions pour l'outre-mer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu.

M. Robert Laufoaulu. Après les excellents discours de nos différents rapporteurs, que je tiens d'ailleurs à remercier, je n'ai nullement l'intention de revenir sur l'économie générale de ce budget, si ce n'est pour saluer votre action, madame la ministre, et vous remercier de votre pugnacité à défendre l'outre-mer, dans un contexte budgétaire particulièrement tendu.

La discussion sur le projet de budget est l'un des moments privilégiés de la vie de la nation, un moment où la solidarité entre les citoyens est affirmée et organisée concrètement, par le partage de la richesse commune pour répondre aux besoins de chacun. C'est donc l'occasion pour moi, qui représente une collectivité recevant beaucoup de cette solidarité, d'exprimer gratitude et, reconnaissance à l'ensemble de la collectivité nationale.

C'est sans doute en raison du sentiment de certains, selon lesquels il existe des abus, que quelques offensives, notamment à l'Assemblée nationale, ont vu le jour, pour mettre en cause certains avantages accordés aux fonctionnaires ou aux retraités installés outre-mer.

Cela peut naturellement se comprendre, mais je crois pouvoir dire, au nom de tous mes collègues ultra-marins, et comme certains l'ont déjà exprimé, que nous avons été choqués et blessés par certaines méthodes, notamment par l'absence totale de concertation avec les élus d'outre-mer. Je souhaite que des discussions plus sereines puissent permettre de faire l'état exact des lieux pour que des décisions justes soient prises et qu'une réflexion globale soit menée, afin d'éviter des initiatives dispersées.

Je me réjouis de l'entrée en application, dès l'année prochaine, de certaines mesures introduites par la loi de programme pour l'outre-mer. Outre les possibilités de la défiscalisation, entreront en vigueur les mesures améliorant la continuité territoriale et l'aide à la création d'emplois des jeunes. Je salue la rapidité de cette application et vous en remercie, madame la ministre.

L'examen du budget de l'outre-mer est aussi pour chacun de nous l'occasion d'évoquer les problèmes particuliers de la collectivité dont il est l'élu. En ce qui concerne Wallis-et-Futuna, ces problèmes sont nombreux. Je ne les évoquerai pas tous, retenant surtout ceux qui concernent les personnels et la gestion administrative, d'une part, la réalisation des projets, d'autre part.

A cet égard, je souhaiterais obtenir de votre part une précision, madame la ministre. Les crédits de votre ministère à destination de Wallis-et-Futuna sont en baisse de plus de 10 % alors que votre budget est globalement en hausse. S'agit-il uniquement d'une apparence budgétaire, due à la non-utilisation des crédits de 2003 ?

Les finances de la collectivité des îles Wallis-et-Futuna sont exsangues, et, s'il est vrai que le territoire a sa part de responsabilité, celle-ci est cependant partagée. En effet - c'est un constat et non une critique -, les fonctionnaires de l'Etat en place à Wallis-et-Futuna n'ont pas toujours su anticiper et mettre en place les dispositifs nécessaires pour faciliter la gestion et éviter les errements.

La question du personnel administratif est au coeur de nos préoccupations car nous sommes objectivement en situation de sous-effectif. L'Etat devra faire un véritable effort si nous voulons que le territoire rattrape son retard et que la stratégie de développement durable soit une réussite.

Dans son rapport, l'Inspection générale des finances, qui a réalisé l'audit des comptes du territoire au cours de cette année, a souligné l'inadéquation entre les compétences d'un grand nombre d'agents de l'administration et les responsabilités à assumer.

Madame la ministre, le territoire a besoin de renfort en personnels d'Etat dans ce domaine et d'une sérieuse formation du personnel en place.

Le domaine technique aussi a besoin d'être renforcé. L'année dernière déjà, j'avais évoqué dans cet hémicycle ce problème, qui est crucial pour nous. Nous attendons enfin, pour le début du mois de décembre, le remplacement d'un ingénieur des travaux publics. Je m'en réjouis, mais je déplore ce retard, car, tout au long de cette année, les chantiers n'ont pas avancé à un rythme suffisant. Je souligne de nouveau que le nombre d'ingénieurs reste insuffisant. Or la modernisation des infrastructures est l'un des domaines prioritaires fixés dans la stratégie de développement durable que j'ai déjà évoquée.

Parmi les autres domaines de cette stratégie de développement se trouve le soutien au secteur économique, notamment la pêche et l'agriculture. J'en profite donc pour vous demander, madame la ministre, si le poste de vétérinaire sera maintenu sur le territoire, ce qui est indispensable.

Une autre priorité affichée est l'environnement. Sur notre territoire, ce domaine est en train de devenir très sensible. En effet, le lagon commence à souffrir de pollutions, essentiellement causées par les déversements massifs d'eaux boueuses non maîtrisées par un quelconque système d'assainissement.

Nos récifs coralliens sont maintenant attaqués, ce qui risque de détruire notre écosystème. De plus, les nappes phréatiques, ces richesses premières, sont désormais menacées. Il convient de renforcer la réflexion sur ce sujet et de mettre en place des solutions de protection. C'est pourquoi je vous demande également, madame la ministre, si la création d'un poste d'ingénieur pour l'environnement à Wallis-et-Futuna peut être envisagée.

Enfin, je dois vous faire part de mon inquiétude à la suite de la mission de l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS. Je crains en effet que cette dernière ne préconise la mise en sommeil du poste de contrôleur du travail, ce qui serait une erreur. L'expérience malheureuse vécue à Futuna ne doit pas conduire à la suppression de ce poste.

Nous souhaiterions l'envoi immédiat d'un fonctionnaire de même catégorie, rattaché peut-être dans un premier temps à Wallis, mais chargé des relations avec Futuna pour l'ensemble du SITAS, le service de l'inspection du travail et des affaires sociales. Le transfert des compétences sur l'antenne de Futuna pourrait ensuite se faire progressivement, une fois l'osmose réalisée.

Indépendamment de ce poste, il faudrait envisager - l'IGAS semble d'accord sur ce point - l'affectation en urgence d'un inspecteur principal des affaires sanitaires et sociales. Ce dernier serait chargé d'oeuvrer aux côtés de l'ensemble des partenaires à l'élaboration d'un dispositif efficace et adapté dans le domaine sanitaire et dans celui de l'aide sociale.

Je tiens à rappeler ici que, à Wallis-et-Futuna, le SITAS est doté d'un effectif de fonctionnaires d'Etat très réduit car, hormis le poste de catégorie B que l'on menace de nous retirer, il n'y a qu'un seul fonctionnaire au SITAS.

Je souhaiterais donc, madame la ministre, avoir des précisions sur cette question d'effectif, qui nous préoccupe d'autant plus que le territoire souhaite une assistance plus importante de l'AFPA, l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes, avec la mise en place d'une convention pour renforcer l'action de la formation professionnelle à destination des jeunes du territoire.

Je voudrais, pour finir sur cette question de personnels, vous demander, madame la ministre, de voir comment on peut sensibiliser l'ensemble des ministères concernés par l'envoi de personnels à Wallis-et-Futuna sur la situation exacte de notre territoire. Cette démarche viserait à ce que les candidats qui souhaitent servir dans cette collectivité si éloignée et si différente par ses spécificités soient informés préalablement de ce qui les attend. Trop de fonctionnaires manifestent leur déception et leur inadaptation, une fois sur place seulement, ce qui nuit à l'accomplissement de leurs missions outre-mer dans de bonnes conditions. Les ministères concernés devraient sans doute se concerter sur la façon de mettre en place l'information, et la délégation de Wallis-et-Futuna à Paris devrait dès lors être un lieu d'information presque obligatoire.

Enfin, madame la ministre, je profite de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui pour vous faire part de notre inquiétude à propos de l'immatriculation des navires à Wallis-et-Futuna. Comme vous le savez, ce domaine est vital pour les finances du territoire.

Lors de la discussion de la loi de programme pour l'outre-mer, je m'étais inquiété des domaines dans lesquels le Parlement habilitait le Gouvernement à étendre par ordonnances certaines dispositions du droit national. Or il est aujourd'hui confirmé que les armateurs français à la croisière ne maintiendront pas l'immatriculation de leurs navires à Wallis-et-Futuna si le code des pensions de retraite des marins français et certaines dispositions du code du travail s'appliquaient sur le territoire.

Madame la ministre, je vous serais donc reconnaissant de prendre l'engagement que rien dans ce domaine ne sera modifié. A défaut, les conséquences pour Wallis-et-Futuna seraient particulièrement dommageables.

Enfin, je voudrais souligner la signature de l'accord particulier qui devrait intervenir dans quelques jours à votre ministère, rue Oudinot, entre l'Etat, la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna, pour vous remercier de l'intérêt attentif que vous lui avez accordé. Je remercie aussi le Gouvernement et les responsables néo-calédoniens pour leur écoute et leur aide précieuse. Je remercie également les membres du Sénat, notamment M. Hyest, qui ont largement oeuvré pour que soit signé cet accord particulier.

Tels sont les principaux points que je souhaitais évoquer, madame la ministre. Il me reste maintenant à vous remercier de votre action, menée sous l'impulsion du Président de la République et du Premier ministre, en faveur du développement de Wallis-et-Futuna.

J'émets le voeu que, l'année prochaine, l'effort de l'Etat s'amplifie pour nous aider à combler notre immense retard. Naturellement, je voterai votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.

M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis très heureux de m'exprimer sur ce budget de l'outre-mer, qui est de une étape importante pour nous. Chaque année, c'est l'occasion d'analyser non seulement l'effort financier consenti par ce ministère pour l'ensemble des terres françaises situées outre-mer, mais aussi le chemin parcouru. En effet, 3,4 % d'augmentation dans une période de récession, c'est un effort qu'il faut souligner devant la Haute Assemblée. C'est un effort de solidarité, mais pas seulement.

Madame la ministre, en mesurant le chemin parcouru depuis les dix-huit mois, que vous êtes, à la tête de ce ministère, sous la haute autorité du Président de la République et du Premier ministre, on peut être confiant et, à certains égards, fiers du chemin parcouru.

A votre arrivée au Gouvernement, le dossier de l'octroi de mer était pendant, l'ensemble du monde économique, tous les travailleurs de ces départements d'outre-mer étaient inquiets. Ils savaient en effet que si cet outil disparaissait, c'est notre capacité de produire qui serait remise en cause.

Avec détermination, vous avez pris en main ce dossier et il est aujourd'hui à Bruxelles. Nous aimerions aujourd'hui que vous puissiez éclairer la Haute Assemblée sur son état d'avancement. Nous espérons que la France obtiendra satisfaction sur la conclusion d'un accord avec la Commission sur ce problème important.

M. le Président de la République, après son élection, a dit vouloir réaliser, après l'égalité sociale, l'égalité économique. Ce n'est pas un slogan, ce n'est pas un mot, c'est un engagement ; c'est un engagement politique solennel, mais aussi un engagement financier important. Un an après l'élection du Président de la République, vous avez d'ailleurs présenté, madame la ministre, une loi de programme destinée à définir le cap qu'allaient suivre ces régions monodépartementales pour avancer vers un nouveau développement.

Cette loi a été votée, et nous espérons - c'est aussi une interrogation - que les décrets seront publiés très prochainement, si possible en janvier 2004, afin que les mécanismes prévus par cette loi puissent impulser un nouveau développement économique dans l'outre-mer.

Je ne voudrais pas oublier l'un des dossiers les plus importants mais dont on parle peu alors qu'il intéresse l'ensemble de l'outre-mer : après notre intégration à la communauté nationale, comment allons-nous être intégrés de façon équitable à la Communauté européenne ? Nous qui sommes à des milliers de kilomètres, nous qui avons le fret le plus cher du monde, nous qui souffrons des monopoles, des intempéries, de l'isolement, du relief, nous avons besoin d'une intégration tenant compte de l'ensemble de nos handicaps permanents et structurels.

La France, l'Espagne et le Portugal ont proposé un mémorandum à la Commission. Nous aimerions savoir, madame la ministre, quelles orientations que la Commission préconise pour que soit pris en compte l'ensemble de ces handicaps.

Une philosophie nouvelle est en train de naître dans nos relations avec la mère patrie : nous sommes passés d'une politique, d'une culture de la main tendue, à une politique, une culture de la solidarité. Pendant des années, nous avons réclamé pour passer de départements naissants à départements à part entière. C'était l'étape de l'égalité sociale, qui a permis de créer des écoles, des collèges, des lycées, des hôpitaux et des logements qu'il faut continuer à améliorer.

Nous voulons maintenant passer à la culture de la conquête. Il s'agit, pour nous-mêmes, de conquérir en coresponsabilité, grâce à un partenariat avec l'Etat et l'Europe, des parts de marché dans la zone qui nous entoure. Pour la Réunion, nous voulons mettre en place une zone de complémentarité économique avec l'île Maurice, demain, et Madagascar, après-demain. La Guadeloupe et la Martinique se tourneront vers les Caraïbes et la Guyane vers les pays qui l'environnent.

La complémentarité économique, ce sont des départements d'outre-mer qui participent au développement des pays voisins, qui travaillent avec eux, non plus en étrangers mais en partenaires.

J'en viens au troisième volet de mon intervention, au regret, à l'aigreur qui a transparu ce matin dans les interventions de certains de nos collègues qui se sont sentis agressés par les amendements déposés tardivement à l'Assemblée nationale. Pour ma part, je ne me suis pas senti agressé, mais j'ai été étonné.

Je comprends tout à fait que, en période de sacrifices, on puisse demander à l'outre-mer d'en prendre sa part. Il est évident qu'on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Il faut partager l'effort. Nous en sommes d'accord, mais dans un climat de concertation permanente et sur la base d'une opération vérité. Nous disons « oui » à la concertation, mais nous disons « non » aux réformes imposées sans discussions. Et disant cela, je m'adresse tout particulièrement, sans agressivité, mais fermement, à nos collègues de l'Assemblée nationale.

Quand nous revenons dans nos départements, nos compatriotes nous disent : pourquoi ne leur avez-vous pas dit, à ces députés qui votent la nuit des amendements visant à supprimer quelques petits avantages que ces « avantages » sont aujourd'hui indispensables pour tenir compte des disparités liées à notre isolement, à notre éloignement et à nos difficultés pour concurrencer des pays où le coût de la main-d'oeuvre est égal à 10 % du nôtre ? Comment peut-on produire à la Réunion quand, à Madagascar, les employés sont payés 6 francs par jour ?

Nos compatriotes nous disent aussi : pourquoi ne leur avez-vous pas rappelé à ces députés que, quand le Crédit Lyonnais a fait 20 milliards d'euros de déficit, nous avons payé des impôts pour boucher le trou et que nous en paierons encore pendant dix ans ?

Nos compatriotes n'acceptent pas que des représentants de la nation tolèrent que des sociétés comme Vivendi et France Télécom cumulent des déficits aussi importants que ceux de la France entière et que, dans le même temps, ils manquent d'audace sur le salaire des patrons. Nos compatriotes s'interrogent et nous interrogent : comment ces députés peuvent-ils culpabiliser l'outre-mer alors qu'ils n'ont pas le courage, parfois, de balayer devant leur porte ?

S'il faut avoir le courage de faire des sacrifices, je dis « oui » ! S'il faut faire une opération vérité, je dis « oui, quand on veut ! » Nous sommes prêts à débattre, mais jouons cartes sur table.

Nous mettrons en avant le fait que nous avons le ciment et le fret le plus cher du monde. Nous citerons l'exemple d'Air Austral créé à la Réunion avec l'appui du conseil général, du conseil régional, de capitaux privés, et d'Air Bourbon. Nous insisterons sur le fait que, lorsque ces compagnies se sont lancées à la conquête de parts de marché sur le territoire européen, la compagnie nationale Air France a fait du dumping, a cassé les prix pour leur « couper les ailes ». C'est tout ça qu'il faut mettre sur la table.

Il nous faut aussi montrer que notre développement économique - 5 000 emplois par an créés à la Réunion - est le fruit de notre travail, de votre solidarité, d'une volonté extraordinaire !

Ce miracle économique est en équilibre fragile. Il faut donc réformer le dispositif, continuer à le consolider. Mais il ne faut pas le faire n'importe comment ! Surtout, il ne faut pas culpabiliser l'outre-mer. L'outre-mer est fier d'être français, mais l'outre-mer a besoin que la France soit fière que nous soyons des territoires à part entière de la République.

La discussion de ce budget est l'occasion de vous dire merci. C'est l'occasion de vous dire aussi que nous sommes les coacteurs du développement de la France et les relais de la France et de l'Europe dans ces zones éloignées.

Ne nous montrez pas du doigt, regardons ensemble dans la même direction, celle de la culture, du progrès, du travail, de l'éducation et de la dignité. (Bravo et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

MM. Henri de Raincourt et Jean-Philippe Lachenaud. Quel talent !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget du ministère de l'outre-mer pour 2004 s'élève à 1,121 million d'euros. Comparé à celui de 2003, il est en augmentation de 3,4 %.

Avant de vous en présenter les axes prioritaires et de répondre aux différentes questions qui m'ont été posées, je tiens à dire en quoi ce projet de budget contribue à l'effort de maîtrise de la dépense.

Monsieur du Luart, vous aviez souligné l'an dernier, à l'occasion de l'examen du projet de budget de mon ministère, les efforts que l'outre-mer avait consentis, pour maîtriser la dépense publique.

Cette année encore, vous avez relevé cet effort, et je voudrais vous en remercier. Je remercierai également, à travers vous, la commission des finances dont vous êtes le rapporteur spécial pour la qualité de son travail, lequel traduit une approche constructive de l'outre-mer. La position prise par son rapporteur général sur la TVA remboursable outre-mer témoigne d'ailleurs d'une démarche pragmatique, que je salue.

A cet égard, je partage les sentiments que nombre d'entre vous ont exprimés aujourd'hui, notamment Mme Payet, MM. Flosse et Laufoaulu au sujet des amendements de circonstance visant à supprimer, sans diagnostic préalable d'ensemble de ces questions, ce que d'aucuns appellent des « cadeaux fiscaux » pour l'outre-mer ou, de manière encore plus provocante, des « niches fiscales ».

Oui, monsieur Flosse, l'outre-mer mérite le respect, et je suis heureuse de noter que M. Mercier aussi aime l'outre-mer. Ce respect doit se traduire dans les faits. Aucune réforme outre-mer ne doit être faite - comme l'a rappelé fort justement M. Virapoullé - sans concertation prélable avec les élus sur le terrain. Aucune directive arbitraire ne doit être envoyée depuis Paris à des élus et à des populations qui sont responsables pour organiser leur collectivité.

Voilà deux orientations de bon sens qui témoignent de ce que nos compatriotes ultramarins sont des Français à part entière, ainsi que le Constituant l'a rappelé dans la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, qui a mis fin à la distinction juridique entre le peuple français et les peuples d'outre-mer.

J'en viens à mon budget. J'ai souhaité qu'il soit bâti sur des données de terrain, m'éloignant ainsi de l'affichage avantageux de budget en progression, qui était de mise auparavant. Je rappelle qu'en cinq ans le précédent gouvernement a ainsi perdu pour l'outremer l'équivalent d'un budget entier en crédits non consommés.

Pour 2004, la maîtrise de la dépense se traduit donc par la volonté d'être réaliste dans les demandes de crédits et de ne pas afficher des augmentations dont on sait qu'une partie ne pourra être dépensée. Ce réalisme, je crois, participe de la rigueur budgétaire que souhaite le Sénat.

Pour l'illustrer, je prendrai l'exemple de la diminution de 30 % de la dotation pour le passeport mobilité, diminution destinée à faire correspondre cette dotation aux besoins réels de financement, sans que soient remis en cause, bien évidemment, les objectifs poursuivis.

Je précise en effet que la mise en place, dans des délais très rapides, du passeport mobilité dés l'été 2002 nous a amenés à prendre comme base de référence pour le volet étudiant l'ensemble des jeunes poursuivant des études en métropole, alors que l'éligibilité au passeport mobilité est limitée aux étudiants qui choisissent des filières inexistantes sur place ou des filières saturées. Notre objectif est, bien sûr, de ne pas assécher les universités locales.

Voilà donc l'unique raison de ces crédits revus à la baisse dans un souci de réalisme. J'espère, mesdames Létard et Payet, vous avoir rassurées sur ce point !

De même, j'indique qu'en complément de ce passeport mobilité j'ai lancé une réfexion sur le logement de nos compatriotes d'outre-mer en mobilité. Un groupe de travail associant élus et collectivités d'outre-mer est en train de finaliser des propositions pour faciliter l'accès au logement des jeunes en mobilité en métropole.

Il s'agit, notamment, de mettre en place un mécanisme de réservations de logements. Les conditions me semblent aujourd'hui réunies pour qu'une première expérimentation de ce que j'ai appelé un « passeport logement » soit menée dès 2004, dans le cadre d'un partenariat entre l'Etat et les collectivités d'outre-mer.

Ce réalisme budgétaire s'accompagne aussi de recherches d'économies de structure. Déjà l'an dernier, le ministère de l'outre-mer avait réalisé une économie significative de plus de 31 millions d'euros, tirant les conséquences de l'alignement du montant du RMI dans les DOM sur celui de la métropole. Pour l'année 2004, cette recherche d'économies se poursuivra en liaison avec les opérateurs du ministère pour diminuer leur coût d'intervention. Ainsi, s'agissant de l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer, l'ANT, nous réaliserons en 2004 une économie de structure de 7 % sur le montant de la subvention accordée par le ministère sans remettre en cause les missions de cet organisme, dont je souhaite rendre l'action plus efficace et qui je rappelle, était, à mon arrivée, sans président et sans directeur général.

Enfin, j'ai privilégié pour 2004 le redéploiement de crédits avec l'idée simple de consommer les crédits à la disposition du ministère avant d'en demander de nouveaux. Cette approche me permet d'assurer le financement de mesures nouvelles. C'est le cas de certaines mesures pour l'emploi de la loi de programme inscrites au FEDOM, et qui sont financées principalement par les économies structurelles réalisées par les sorties emplois-jeunes.

En effet, malgré le maintien en 2004 du dispositif dérogatoire outre-mer en faveur des emplois-jeunes, le ministère dégagera une économie de 35 millions d'euros, qui seront redéployés au profit des mesures du secteur marchand.

Comme vous le voyez à travers ces quelques exemples concrets, mesdames, messieurs les sénateurs, le ministère de l'outre-mer contribue à l'effort de maîtrise de la dépense publique. Il le fait à la hauteur de ses moyens et en tenant compte de sa structure budgétaire, puisque, vous le savez, plus des deux tiers des crédits inscrits au budget de l'outre-mer sont essentiellement consacrés à des dépenses sociales.

En tout état de cause, mon souci n'est pas d'avoir un budget qui augmente pour m'en féliciter ; il est tout simplement de disposer des moyens nécessaires pour mener la politique définie par le Gouvernement et qu'il me revient de mettre en oeuvre.

Je voudrais dire aux membres de la commission des finances, plus particulièrement à son rapporteur spécial, M. du Luart, que le rapport de ladite commission sera d'une grande utilité pour améliorer encore la gestion des crédits du ministère.

Bien que de taille modeste, le ministère a pris à bras-le-corps les travaux à accomplir pour la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, et il m'est agréable de constater que votre commission a bien voulu souligner l'état avancé de nos réflexions, comme les efforts concrets de sincérité budgétaire que nous avons déployés.

L'action réformatrice que j'ai engagée au sein du ministère de l'outre-mer poursuit quatre objectifs : premièrement, assurer la cohérence de l'action de l'Etat en renforçant son caractère interministériel ; deuxièment, créer les conditions d'un développement économique et social durable afin de tendre vers l'égalité avec la métropole, troisièmement, adapter le cadre juridique aux particularités institutionnelles et humaines ; enfin, quatrièmement, faire du ministère l'interlocuteur privilégié des élus, des populations et des partenaires institutionnels nationaux et internationaux.

Dans le cadre de cette stratégie ministérielle de réforme et de mise en oeuvre de la LOLF, je compte renforcer le rôle interministériel du ministère de l'outre-mer.

Parce que les moyens de mon ministère ne représentent qu'une petite part de l'action de l'Etat outre-mer, - environ 11 % -, je veille à la cohérence de l'action de l'Etat et m'emploie auprès de mes collègues du Gouvernement pour qu'ils mettent en place les financements et les moyens propres à satisfaire les besoins de l'outre-mer qui relèvent de leur compétence.

La LOLF nous offre l'occasion d'une vision globale de l'outre-mer qu'il nous faut saisir. La structuration proposée d'une mission ministérielle pour l'outre-mer regroupant trois programmes, mission accompagnée d'un projet coordonné de politique interministérielle, devrait répondre à cet objectif.

Telle est l'orientation stratégique que j'entends développer dans les prochains mois afin que mon ministère puisse avoir une approche d'ensemble des 10 milliards d'euros que l'Etat consacre à l'outre-mer.

Ce projet de budget est le premier acte, après l'adoption, le 21 juillet 2003, de la loi de programme sur quinze ans, d'une politique budgétaire destinée à inscrire l'outre-mer dans une croissance durable.

Je vous rappelle que, si un certain nombre de mesures nouvelles pour l'emploi sont financées sur mon budget, le financement de la loi de programme est principalement assuré par les crédits du ministère de l'économie et des finances, au titre de la défiscalisation et par ceux du secrétariat d'Etat aux transports et à la mer, pour ce qui relève de la continuité territoriale.

Le ministère des affaires sociales continue, pour sa part, à financer l'essentiel des exonérations de charges sociales et voit ses crédits pour l'outre-mer augmenter de 145 millions d'euros par rapport à 2003. Je rappelle que le coût du volet emploi de la loi de programme a été évalué à 55 millions d'euros. Il n'y a donc pas de difficulté pour financer cette loi de programme.

Pour répondre à votre remarque, monsieur Raoul, je vous indique que mon souhait est d'obtenir sur mon budget le rapatriement de tous les crédits destinés à l'emploi outre-mer. J'espère bien y parvenir dans le cadre de la réforme de l'Etat.

Il ne faut donc pas circonscrire l'action de l'Etat outre-mer aux seuls moyens du ministère de l'outre-mer et il ne faut pas procéder à un examen partiel des documents budgétaires si l'on veut avoir une vision d'ensemble.

Certains ont évoqué les annulations de crédits subies par le ministère. S'il est vrai que 38,8 millions d'euros devraient être annulés sur le budget de l'outre-mer dans la loi de finances rectificative, il faut aussi noter les ouvertures de crédits en faveur de l'outre-mer.

Ainsi, sur le budget même de mon ministère, ce sont plus de 16,5 millions d'euros d'ouvertures de crédits qui sont programmés pour financer notamment des subventions exceptionnelles à des communes, pour octroyer, monsieur Loueckhote, des aides à la Nouvelle-Calédonie destinées à la construction et à l'équipement des collèges, pour apporter, monsieur Laufoaulu, un soutien à l'Assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna ou encore, monsieur Flosse, pour commencer à régler les dettes de mon prédécesseur en abondant le fonds intercommunal de péréquation des communes en Polynésie.

Des ouvertures de crédits sont aussi prévues pour l'outre-mer sur d'autres budgets par la loi de finances rectificative, tel celui du ministère de la santé, pour un montant de 21,8 millions d'euros au profit notamment de Wallis-et-Futuna, ou celui du ministère de l'économie et des finances, pour 23 millions d'euros en faveur de la Polynésie. Le total de ces ouvertures de crédits prévues en loi de finances rectificative s'élève à plus de 61,3 millions d'euros, soit un montant supérieur de 57 % aux 38,8 millions d'euros de crédits annulés.

Au total, pour 2003 - et à ce propos, je voudrais mettre fin à certaines contrevérités que j'entends trop souvent -, le montant global des crédits annulés - 115 millions d'euros - reste inférieur aux 156 millions d'euros de reports de crédits de 2002 sur 2003 qui résultaient de cette politique d'affichage que je condamne.

S'agissant en particulier des crédits du FEDOM, je précise que les 35 millions d'euros annulés en mars 2003 ont été intégralement compensés par les reports de crédits de 2002.

J'observe par ailleurs que, lorsque l'on parle des moyens budgétaires consacrés à l'outre-mer, on oublie souvent d'avoir une approche globale des dotations spécifiques pour l'emploi. Ainsi, l'effort de l'Etat dans ce domaine s'élève pour 2004 à 1 145 millions d'euros, comprenant 477 millions d'euros pour le FEDOM et 668 millions d'euros pour les exonérations de charges sociales inscrites au budget du ministère des affaires sociales. C'est une progression significative de 14,5 % par rapport à 2003. Aussi je ne peux pas laisser dire que l'effort de l'Etat pour l'emploi outre-mer faiblit.

La réorientation de ces crédits vers les emplois durables sera sensible dès l'année 2004.

Alors que, en 2003, 63 % du milliard d'euros consacré à l'emploi étaient destinés à l'emploi marchand, ce sont plus de 72 % des 1 145 millions accordés pour 2004 qui vont lui être alloués.

S'agissant du FEDOM, je répondrai à Mme Létard que la réorientation vers le secteur marchand est plus modeste car cet organisme finance l'essentiel des emplois aidés outre-mer. Leur part passera toutefois de 76 % à 67 %, en raison de la sortie du dispositif emplois-jeunes car, fort heureusement, il y a des jeunes qui sortent de ce dispositif avec un emploi. Je considère en effet que l'emploi aidé qui, par nature est précaire, n'est pas porteur d'espoir pour la jeunesse d'outre-mer.

Pour répondre plus précisément à votre question, monsieur Larifla, je dirai que le nombre de contrats d'accès à l'emploi, les CAE, financés en 2003 devrait avoisiner 5 000 ; l'objectif pour 2004 est d'atteindre le nombre de 6 000, soit une progression de 20 %. C'est bien vers l'entreprise qu'il faut se tourner pour ne pas confiner nos compatriotes ultramarins dans une assistance dont ils ne veulent pas.

Certains d'entre vous, notamment MM. du Luart et Virapoullé, ont indiqué que la globalisation des crédits pour l'emploi ne permettait pas d'avoir une vision détaillée des mesures mises en oeuvre.

Cette présentation, qui ne traduit aucunement une absence de transparence, répond en fait à la nécessité d'adopter dès maintenant un cadre conforme à la mise en oeuvre de la loi organique, ces crédits faisant, l'année prochaine, l'objet d'une expérimentation en Martinique.

Cette expérimentation, comme vous le savez, consiste à globaliser les crédits et les mesures pour l'emploi alloués à ce département pour mener une politique plus dynamique et au plus près du terrain. C'est un changement culturel qu'il faut opérer pour ne plus se contenter de distribuer des mesures pour l'emploi, mais pour fixer des objectifs précis au préfet et au directeur du travail en matière de diminution du taux de chômage et d'amélioration de l'insertion des publics prioritaires que sont les jeunes, les chômeurs de longue durée et les bénéficiaires du RMI.

La mise en oeuvre de cette expérimentation à la Martinique ne signifie pas pour autant que les mesures financées sur le FEDOM disparaissent pour faire place à d'autres mesures qui ne seraient pas, à ce stade, précisées. Elles subsistent en effet, qu'il s'agisse des CES, les contrats emploi-solidarité, des CIA, les contrats d'insertion par l'activité, ou des CAE, les contrats d'accès à l'emploi, dont j'ai parlé précédemment. Leur répartition continuera d'ailleurs de faire l'objet d'un examen par le comité directeur du FEDOM, qui associe les élus.

A cet égard, je ne suis pas naïve et je sais qu'il convient de maintenir un nombre suffisant d'emplois aidés en attendant que les mesures de la loi de programme en faveur de la création d'emplois durables dans le secteur marchand produisent tous leurs effets. C'est d'ailleurs pour cette raison, comme j'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer, que les CES seront maintenus à leur niveau de consommation de 2003. Au total, ce sont 320 millions d'euros qui seront consacrés en 2004 au financement des emplois aidés.

Je voudrais donc, par l'intermédiaire de M. Mercier, rassurer M. Henry : Mayotte ne sera pas oubliée et bénéficiera en 2004 de mesures pour l'emploi dans les mêmes conditions qu'auparavant.

J'ajouterai qu'au moment où je vous parle la section sociale du Conseil d'Etat examine le projet de décret visant à mettre en oeuvre les mesures en faveur de l'emploi pour Mayotte, en application des deux ordonnances du 21 février 2002 et du 30 mars 2000. Ce dispositif sera applicable à compter du 1er janvier 2004. Le Conseil d'Etat examine également actuellement un décret relatif à l'hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail à Mayotte, qui doit combler, dans le code du travail de Mayotte, un vide juridique important.

Comme vous le voyez, la modernisation des moyens du FEDOM est donc en marche. L'expérimentation en Martinique en est la première illustration, mais ce n'est pas la seule. C'est pourquoi je vous sais gré, monsieur du Luart, d'avoir relevé dans votre rapport l'action réformatrice du ministère pour améliorer la gestion des crédits d'une politique essentielle pour l'outre-mer.

Je rappelle que la gestion des crédits du FEDOM par mes prédécesseurs a fait l'objet de vives critiques de la part de la Cour des comptes. Je me suis donc attachée, dès mon arrivée, à rétablir une gestion rigoureuse de ces crédits le plus rapidement possible.

M. M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Très bien !

Mme Brigitte Girardin, ministre. L'insertion reste, bien évidemment, une de mes préoccupations majeures.

Mmes Payet et Létard ont souligné avec raison le travail remarquable du service militaire adapté, le SMA. Ses crédits sont stabilisés en 2004, après une évolution régulière prenant en compte la montée progressive du nombre de volontaires, aujourd'hui fixé à 3 000.

Je crois désormais qu'il faut porter notre effort sur les installations des unités du SMA, lesquelles nécessitent une indispensable remise à niveau. C'est pourquoi j'ai obtenu du Premier ministre que les autorisations de programme gelées sur le chapitre d'investissement du SMA ne soient pas annulées afin que, l'an prochain, je puisse lancer ce programme de remise à niveau qui ne peut plus attendre.

Plusieurs orateurs, M. Raoul, Mmes Létard et Payet, ont souligné l'importance outre-mer de la mesure concernant la couverture maladie universelle. Je partage leur analyse. C'est, en effet, à l'honneur de ce gouvernement d'avoir mis fin à cette injustice sociale en inscrivant au budget de l'outre-mer pour 2004 un crédit de 50 millions d'euros destinés au financement de la CMU complémentaire au profit des ultramarins les plus démunis.

Concernant le logement, autre grande priorité de mon ministère, le niveau des autorisations de programme et des crédits de paiement est maintenu en 2004 au niveau de 2003, avec des montants respectifs de 287,5 millions d'euros et de 173 millions d'euros.

S'agissant des annulations d'autorisations de programme figurant dans le projet de loi de finances rectificative pour un montant de 169 millions d'euros, elles correspondent à des autorisations de programme soit inutilisées, pour un montant de 142 millions d'euros, soit redéployées vers des chapitres d'investissement du budget du ministère, pour 27 millions d'euros, au profit de la Guyane et pour financer le programme de reconstruction consécutif au passage du cyclone Erika en Nouvelle-Calédonie.

Je précise également que ces annulations d'autorisations de programme n'ont pas empêché le ministère de l'outre-mer de consommer 282 millions d'euros d'autorisations de programme en 2003, soit plus de 98 % de la loi des finances initiales, c'est-à-dire 20 millions d'euros de plus que la moyenne des trois dernières années.

Concernant la fin de gestion, vous avez indiqué, madame Payet, que tous les crédits n'avaient pas été délégués au niveau local. Je voudrais vous dire que j'ai obtenu du Premier ministre - vous avez bien voulu le rappeler puisque vous avez reçu ma lettre ce matin - un dégel de ces crédits ; ils seront mis en place ces jours-ci.

Le ministère compte donc maintenir son effort budgétaire en faveur du logement, et ce malgré les difficultés rencontrées sur le terrain pour mener à bien les projets. En la matière, on ne peut se contenter d'augmenter les crédits de la ligne budgétaire unique pour résoudre les problèmes : il faut aussi et surtout agir avec les opérateurs et les directions départementales de l'équipement pour identifier les points de blocage. C'est pourquoi, en 2004, le ministère fera porter son effort sur la simplification des procédures et sur la prise en compte des problèmes fonciers.

S'agissant de ce point précis du foncier, Mme Létard a attiré mon attention sur diverses propositions, notamment concernant le fonds régional d'aménagement foncier et urbain, le FRAFU.

Je reconnais avec elle l'intérêt de ce dispositif, qui est de prendre en compte les problèmes fonciers, essentiels outre-mer. En effet, pour accroître le nombre de logements sociaux construits, il est indispensable que les opérateurs du logement social puissent disposer de terrains aménagés en nombre suffisant.

Je souhaite donc simplifier les procédures du FRAFU pour redéfinir un partenariat entre l'Etat et les collectivités et faire en sorte qu'il devienne un véritable outil d'aménagement du territoire. Un projet de décret est en cours de finalisation en ce sens. Par ailleurs, cette année, j'ai fait mettre en place un FRAFU en Guyane, dernier DOM à ne pas en disposer, avec une dotation initiale de 10 millions d'euros.

Mme Létard a également signalé que le logement évolutif social était un produit bien adapté à l'outre-mer. C'est la raison pour laquelle la loi de programme a prévu l'extension du taux réduit de la TVA à ce dispositif. Je précise que je fais mener actuellement une évaluation qui permettra de prolonger et d'améliorer encore ce produit.

Améliorer la gestion de la ligne budgétaire unique consiste à faire évoluer les méthodes de travail pour les rendre plus efficaces sur le terrain. C'est pourquoi, non seulement j'ai demandé à ce qu'un tableau de bord soit mis en place pour me permettre de suivre régulièrement les résultats de chaque DOM, ce qui n'existait pas auparavant, mais aussi et surtout j'ai souhaité que les directeurs départementaux de l'équipement soient, en liaison avec le ministère de l'équipement, régulièrement invités au ministère pour faire le point sur leurs éventuelles difficultés et sur les résultats qu'ils obtiennent.

En 2004, le ministère poursuivra par ailleurs ses efforts de déconcentration de certains crédits inutilement gérés au niveau de l'administration centrale, notamment ceux de la résorption de l'habitat insalubre, qui seront totalement déconcentrés l'an prochain.

Vous avez notamment évoqué, monsieur Flosse, ainsi d'ailleurs que d'autres orateurs, importante mesure relative à la continuité territoriale qui va, pour la première fois, bénéficier aux collectivités de l'outre-mer.

J'ai entendu certaines critiques sur le montant de cette dotation. Je rappelle que, avant nous, cette dotation n'existait pas. Le gouvernement actuel a eu au moins le mérite de créer quelque chose. Certes, si l'on fait une comparaison avec la Corse, les montants ne sont pas de même niveau.

Cependant lorsqu'il a été mis en place en Corse, ce dispositif était tout aussi réduit. Au-delà de ce dispositif mis en place par l'Etat, certaines régions se sont déjà engagées, notamment la région Guadeloupe. L'Europe est également sollicitée. Il y a donc des perspectives d'amélioration.

Monsieur Flosse, j'ai bien entendu votre critique portant sur le mode de financement de cette mesure. Ce que je peux vous dire, c'est que le débat budgétaire n'est pas achevé : j'espère que, d'ici à son terme, nous pourrons trouver une solution plus conforme aux attentes qui ont été exprimées à ce sujet, attentes que je partage.

M. Gaston Flosse. Très bien !

Mme Brigitte Girardin, ministre. Certains d'entre vous, notamment MM. du Luart, Hyest et Balarello, ont souligné avec beaucoup de justesse l'importance de l'Europe dans le développement économique de l'outre-mer.

Concernant l'octroi de mer, je voudrais préciser à MM. du Luart, Virapoullé et Vergès que sa pérennité n'est pas remise en cause à l'échelon européen. Ainsi que vous le savez, le retard pris par le précédent gouvernement a été très préjudiciable à ce dossier.

Quand j'ai pris mes fonctions, la disparition de l'octroi de mer, qui est une source de recettes très importantes pour les communes, était programmée pour le 1er janvier 2003. Dans un premier temps, j'ai obtenu de Bruxelles un an de délai, que j'ai mis à profit pour préparer avec les quatre présidents des régions d'outre-mer un dossier de demande de maintien de ce régime, moyennant quelques aménagements, dont nous avons fait part à la Commision européenne. La Commission devrait prochainement prendre une décision qui, sur le fond, intégrera sans doute nos principales demandes et prorogera ce système essentiel au développement de l'outre-mer.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Très bonne nouvelle !

Mme Brigitte Girardin, ministre. Compte tenu du calendrier et du risque éventuel de vide juridique à compter du 1er janvier 2004, dont plusieurs d'entre vous se sont inquiétés, au cas où la décision du Conseil n'interviendrait pas d'ici à cette date. Le Gouvernement demanderait une prorogation du dispositif actuel de manière qu'il n'y ait pas de rupture.

Concernant les fonds structurels européens, MM. du Luart et Raoul ont fait part de leur inquiétude concernant la baisse des crédits du FIDOM et le risque de dégagement d'office qui pourrait en résulter.

Je voudrais tout d'abord préciser qu'une partie de la baisse du FIDOM s'explique par le fait que, l'an dernier, les crédits de la convention de développement pour Mayotte avaient été inscrits en totalité sur le chapitre 68-01, alors qu'en 2004 ils seront, compte tenu des projets à financer, redéployés en partie vers d'autres chapitres plus appropriés.

Toutefois, s'il est vrai que le risque de dégagement d'office existe, nous avons pu jusqu'à présent l'éviter. Ce risque résulte d'abord et avant tout des difficultés rencontrées localement pour constituer les dossiers et pour procéder aux appels de fonds auprès de la Commission europérenne. Les informations que j'ai en ma possession aujourd'hui me donnent à espérer que les autres départements d'outre-mer, grâce aux efforts continus de tous les acteurs locaux, ne seront pas atteints cette année par le dégagement d'office.

Je partage cependant avec vous cette préoccupation, eu égard aux enjeux financiers considérables que représentent les fonds européens pour l'outre-mer, et je tiens à vous assurer de ma vigilance.

A ce sujet, plusieurs d'entre vous, notamment M. Virapoullé, ont évoqué la nécessité de continuer à faire bénéficier les régions ultrapériphériques de l'Europe, dont nos quatre départements d'outre-mer font partie, de cette politique de fonds structurels européens.

Les trois Etats membres concernés, c'est-à-dire l'Espagne, le Portugal et la France, ont donc présenté, avec les sept régions ultrapériphériques de l'Europe, un mémorandum à la Commission européenne. Nous avons eu l'occasion, lors d'une réunion qui s'est tenue en Martinique le 31 octobre dernier, de faire le point avec M. Michel Barnier sur les discussions que mène la Commission sur ce mémorandum.

M. Barnier nous a alors apporté quelques indications intéressantes quant aux préoccupations que nous avions exprimées tous ensemble dans ce mémorandum. Après avoir souligné que la Commission reconnaissait la spécificité indiscutable des départements d'outre-mer, M. Barnier a fait des avancées significatives concernant des thèmes importants comme celui des transports. La Commission a indiqué qu'elle était prête à autoriser le cofinancement communautaire d'obligations de service public qui seraient instaurées. Elle a également fait part de l'intérêt qu'elle trouvait à la création de zones de complémentarité économique avec les pays voisins des départements d'outre-mer.

Cela étant, la Commission entend nous répondre sur le mémorandum dans le cadre plus général de ses travaux sur la politique de cohésion, c'est-à-dire probablement à la fin du mois de janvier ou au début du mois de février.

En tout cas, nous avons déjà l'assurance que le fameux article 299, alinéa 2, du traité de l'Union européenne sera bien repris dans le traité constitutionnel - il s'agira du troisième alinéa de l'article III-330 - et nous espérons, à cette occasion, pouvoir faire de Mayotte la huitième région ultrapériphérique de l'Europe.

Monsieur Désiré, il est vrai que le financement par les fonds structurels européens des travaux de construction et de rénovation des écoles primaires n'est pas prévu actuellement.

Un tel programme d'investissements ne pourra cependant être réalisé qu'avec le concours du FEDER, le fonds européen de développement régional. La renégociation du contrat de plan et du document unique de programmation de la Martinique, de même que l'utilisation de la réserve de performance dont pourrait bénéficier la région, me paraît être l'occasion pour redéployer des crédits au profit des écoles primaires, ainsi que vous le proposez.

S'agissant du problème de la drogue aux Antilles, le centre interministériel et de formation antidrogue, le CIFAD, poursuit le développement de ses actions dans le domaine de la prévention et assure désormais des actions de formation destinées à l'ensemble des animateurs sociaux confrontés à cette question. Ces actions doivent être encouragées et confortées. C'est dans cet esprit que le centre vient d'être transformé en groupement d'intérêt public.

Cela me conduit tout naturellement à évoquer les mesures prises dans le domaine de la sécurité intérieure. Elles seront renforcées.

Ainsi, pour compléter le dispositif mis en place à Mayotte en 2003, mon ministère financera, en 2004, la mise en place d'un radar pour assurer, en coopération avec le ministère de l'intérieur et celui de la défense, une surveillance renforcée du lagon mahorais pour lutter contre l'immigration clandestine par voie maritime.

Ces mesures s'ajoutent à celles qui ont été mises en place en Guyane pour répondre aux préoccupations du même type dont vous avez fait état, monsieur Othily. Ainsi, un escadron complet est affecté en permanence à la lutte contre l'orpaillage illégal et, par conséquent, contre l'immigration clandestine. Je vous confirme la détermination du Gouvernement à poursuivre et à amplifier les opérations Anaconda, dont les résultats sont extrêmement encourageants : plus de vingt-huit sites ont déjà été demantelés depuis le début de l'année et l'on note un réel recul de l'activité clandestine.

Monsieur Balarello, vous avez souhaité avoir des précisions sur la reconstruction de la maison d'arrêt de Saint-Denis. Comme vous l'avez souligné, l'extrême vétusté de l'actuelle maison d'arrêt Juliette-Dodu, dont les bâtiments datent de 1856, et la surpopulation carcérale - 210 détenus pour 111 places - rendent tout à fait indispensable la réalisation de ce projet, qui n'a que trop tardé.

Je rappelle que diverses études se sont succédé depuis cinq ans et que nos prédécesseurs avaient retenu un site qui suscitait l'hostilité des agriculteurs. Le gouvernement actuel a pris la décision de créer un nouvel établissement pénitentiaire de 600 places, qui devrait être livré en 2007 sur le site de Domenjod, à Saint-Denis. Je peux d'ores et déjà vous indiquer que les premières enquêtes publiques débuteront d'ici à la fin de l'année en cours.

Vous avez aussi posé, monsieur Othily, la question du financement de la construction des écoles primaires en Guyane. Je partage totalement votre préoccupation puisque l'évolution démographique conduit les communes de Guyane à ouvrir entre cinquante et soixante classes dans le primaire, ce qui est considérable.

Je ne suis cependant pas sûre que la disposition du code général des collectivités territoriales à laquelle vous faites référence soit la mieux adaptée, car elle concerne des dépenses de fonctionnement et non d'équipement. Je crois qu'il faut plutôt rechercher une solution vers une dotation exceptionnelle d'investissement « fléchée » vers les constructions scolaires.

J'ai donc demandé à mes services de se rapprocher de ceux de la préfecture pour trouver une solution adaptée, susceptible de produire des résultats concrets dès la rentrée scolaire de septembre 2004.

Vous avez évoqué, monsieur Reux, diverses questions concernant nos compatriotes de Saint-Pierre-et-Miquelon.

En matière de pêche, vous avez souhaité avoir des précisions sur les risques pris par les entreprises de pêche de Saint-Pierre-et-Miquelon qui veulent aller chercher la ressource au-delà de la limite des 200 miles des eaux canadiennes.

Je vous précise que, lors de la visite du Premier ministre au Canada, en mai dernier, les discussions bilatérales ont privilégié une solution commerciale pour permettre à l'entreprise concernée de s'approvisionner en crabes des neiges. Le Gouvernement a demandé au préfet de Saint-Pierre-de-Miquelon et à l'ambassadeur de France au Canada de poursuivre leurs efforts pour que cette orientation trouve sa concrétisation rapidement.

En matière d'action sociale, les décrets d'application auxquels vous faites référence sur la mise en place de l'allocation spéciale vieillesse et l'assurance invalidité ouvrant de nouveaux droits aux personnes invalides sont prêts et les procédures de consultation vont être engagées dans les prochains jours.

S'agissant des moyens dédiés à l'action sociale proprement dite, il est effectivement envisagé de relever, comme le souhaite la caisse de prévoyance sociale, le montant du prélèvement sur les cotisations afin d'alimenter le fonds d'action sociale. A cet effet, un arrêté interministériel devrait être pris au début de l'année 2004.

Concernant le secteur hospitalier à Saint-Pierre-et-Miquelon, je partage votre préoccupation. Comme vous l'avez vous-même indiqué, des décisions ont été prises récemment concernant la direction de l'hôpital. C'est pourquoi, avec mon collègue Jean-François Mattei, il a été décidé de renforcer les moyens du préfet par la mise à disposition d'un directeur d'agence régionale de l'hospitalisation et de deux directeurs d'hôpitaux chargés de clarifier les comptes de l'établissement. Il faut voir, monsieur le sénateur, au travers de ces mesures, la volonté du Gouvernement d'améliorer le fonctionnement du centre hospitalier de l'archipel.

Vous avez enfin, monsieur Reux, abordé la question de l'accord franco-canadien sur l'exploitation des champs d'hydrocarbures transfrontaliers au large de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le Gouvernement a obtenu, au cours des dernières semaines, des avancées significatives sur ce dossier, notamment quant aux échanges avec le Canada de renseignements relatifs aux forages pétroliers et au principe d'une participation des acteurs saint-pierrais à la fourniture de services à ces activités pétrolières, y compris sur le territoire canadien.

Le conseil général, dans sa séance du 13 novembre dernier, a émis, à l'unanimité, un avis favorable sur ce projet d'accord. J'ai toutefois noté les préoccupations qui ont été exprimées au cours de cette séance et je vous indique que j'ai saisi le ministre des affaires étrangères afin que soient étudiées les propositions que vous y avez faites.

Monsieur Laufoaulu, vous m'avez fait part de votre inquiétude concernant la situation financière de Wallis-et-Futuna. Il est vrai que celle-ci est fortement dégradée, présentant un déficit de plus de 3,5 millions d'euros.

Ainsi que je le disais tout à l'heure, le Gouvernement a dépêché sur place une mission de l'Inspection générale des finances, chargée de procéder à un audit financier sur la base duquel l'Etat apportera au territoire une aide financière exceptionnelle d'un montant de 2,3 millions d'euros en loi de finances rectificative.

Je souligne d'ailleurs la collaboration très constructive entre l'assemblée territoriale et l'administration supérieure ; elle a permis d'aboutir à la mise en place d'un plan de redressement et à la définition de modalités plus rigoureuses de gestion des finances du territoire.

Concernant les retards que vous mentionnez dans la réalisation de certains chantiers de travaux publics, je crois, monsieur le sénateur, que l'Etat a tenu ses engagements en affectant, ainsi que je vous l'annonçais ici même l'an dernier, un chef des travaux publics ; vous l'avez d'ailleurs mentionné.

Je note également l'achèvement de plusieurs kilomètres de routes à Wallis cette année, ce qui traduit une accélération notable du rythme de réalisation des équipements routiers.

Concernant les diverses questions relatives à l'encadrement des services, soyez assuré, monsieur le sénateur, que je reste très attentive à la qualité de ces personnels. J'étudierai, lorsque je les aurai reçus, les rapports des différentes missions dont votre territoire a bénéficié ou bénéficiera prochainement. Il est donc prématuré d'en anticiper les conclusions.

Enfin, s'agissant de l'application à Wallis-et-Futuna du code des pensions de retraite des marins français, comme j'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer, l'ordonnance prévue par la loi de programme n'a pour seul objet que de clarifier certaines dispositions et nullement de remettre en cause le régime existant du registre d'immatriculation.

Monsieur Hyest, vous avez appelé mon attention sur les modalités de calcul de la dotation globale de fonctionnement à Wallis-et-Futuna qui vous paraissent complètement inadaptées aux besoins de financement de cette collectivité.

Je partage totalement votre diagnostic. C'est pourquoi une remise à plat s'impose, non seulement pour Wallis-et-Futuna, mais aussi pour l'ensemble des collectivités d'outre-mer. Elle se réalisera dans le cadre de la réforme des dotations de l'Etat outre-mer prévue par l'article 47 de la loi de programme. Les charges particulières résultant de l'éloignement, de l'insularité, de la faiblesse des ressources internes sont parmi les pistes actuellement en cours d'étude pour mieux adapter la dotation globale de fonctionnement, la DGF, aux réalités de ces collectivités.

Dans l'immédiat, j'ai demandé le concours de l'Inspection générale des finances qui a procédé à un audit financier. Une aide exceptionnelle fondée sur cet audit est prévue dans le projet de loi de finances rectificative au profit du territoire et de la circonscription d'Ouvéa.

Monsieur Loueckhote, vous m'avez rappelé la situation financière, que je connais bien, hélas ! de la province des îles. Les comptes de la province font l'objet d'un examen par la chambre territoriale des comptes de la Nouvelle-Calédonie, saisie par le haut-commissaire. La chambre proposera des mesures de redressement qui devront être mises en oeuvre, et mon ministère examinera le moment venu si ces mesures doivent être accompagnées, le cas échéant, d'une subvention exceptionnelle.

MM. Balarello et Othily, m'ont interrogé - nous sortons un peu du débat strictement budgétaire - sur l'évolution institutionnelle éventuelle de la Guyane. Comme vous le savez, le Gouvernement n'entend proposer au Président de la République d'engager la procédure de consultation populaire que si les propositions d'évolution statutaire dont il est saisi ont recueilli un large accord politique local. S'agissant de la suppresion de deux collectivités - le département et la région - dont les assemblées ont été démocratiquement élues, la moindre des choses est bien d'obtenir l'accord de la majorité des membres de chaque assemblée concernée. Peu importe que cet accord s'exprime au sein de chaque assemblée siégeant séparément ou bien au sein du congrès : ce qui compte, c'est bien que cette double majorité soit atteinte.

Je vous indique que j'ai reçu un projet de document d'orientation. Après mes premières observations sur son contenu, une deuxième version m'a été adressée cette semaine. Elle mérite d'être encore modifiée car elle présente des dispositions incomplètes et imprécises, s'agissant notamment des compétences des nouveaux districts. Je compte également formuler des observations sur le mode de scrutin. Lorque ce document d'orientation aura pu être finalisé puis approuvé par les élus dans les conditions que je viens d'indiquer, nous pourrons mettre en oeuvre les procédures constitutionnelles prévoyant l'avis du Conseil d'Etat, une délibération en conseil des ministres et une déclaration au Parlement.

Pour conclure, je rappelle qu'en une année, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin aura concrétisé tous les engagements du Président de la Républque. Les principaux décrets d'application de la loi de programme sont prêts et en cours d'examen par les assemblées locales et par le Conseil d'Etat. Mon objectif, monsieur Virapoullé, est qu'ils soient publiés le plus rapidement possible, de façon que le dispositif de la loi de programme soit opérationnel dès le début de l'année 2004.

Je vous rappelle que la Commission européenne vient d'approuver le nouveau régime de défiscalisation contenu dans la loi de programme, soit moins de quatre mois après la promulgation de la loi. A cet égard, je veux rappeler que le précédent dispositif, qui n'était qu'une simple reprise des rares dispositions encore en vigueur de la loi Pons, n'avait obtenu le feu vert de Bruxelles qu'au bout d'un an.

En ce qui concerne le dispositif d'exonérations de charges sociales de la loi de programme, nous attendons une décision de la Commission européenne d'ici à mi-décembre.

Au total, ce projet de budget traduit bien les engagements pris par le Président de la République et par le Gouvernement. Il assure le financement des mesures prévues dans la loi de programme.

Soyez assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, de mon infatigable détermination pour que les spécificités de l'outre-mer soient prises en compte et que les engagements contractés soient respectés, afin de donner à la France d'outre-mer toute la place qui lui revient au sein de la République. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère de l'outre-mer et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

Outre-mer (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Etat C - Titres V et VI

M. le président. « Titre III : 2 008 725 euros. »

Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. « Titre IV : 50 547 986 euros. »

Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

Etat B - Titres III et IV
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Travail , santé et solidarité - III. - Ville et rénovation urbaine

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 10 750 000 euros ;

« Crédits de paiement : 4 570 000 euros. »

Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 382 432 000 euros ;

« Crédits de paiement : 109 470 000 euros. »

Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de l'outre-mer.

Mes chers collègues, avant d'aborder la suite de l'ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Travail, santé et solidarité

Etat C - Titres V et VI
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Etat B - Titres III et IV

M. le président. Le Sénat va entamer l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le travail, la santé et la solidarité.

III. - VILLE ET RÉNOVATION URBAINE

M. le président. Le Sénat va tout d'abord examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le travail, la santé et la solidarité : III. - Ville et rénovation urbaine.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Eric Doligé, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite, au cours de cette brève intervention, vous présenter les principales observations que m'a inspirées le budget de la ville et de la rénovation urbaine pour l'année 2004.

Succinctement, j'indiquerai que le budget de la ville et de la rénovation urbaine proposé pour l'année 2004 s'élève à 344 millions d'euros, ce qui correspond à une diminution de 7 %. Afin de fixer les idées, je rappellerai toutefois que, si l'on en croit le « jaune » budgétaire, le budget de la ville ne correspondrait qu'à environ 6 % des crédits publics consacrés à la ville.

J'aborderai successivement deux points : d'une part, le jugement qu'il convient, me semble-t-il, de porter sur ce projet de budget ; d'autre part, la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.

S'agissant du jugement qu'il convient de porter sur ce projet de budget, il me semble nécessaire de prendre en compte le fait que la diminution de 7 % des crédits ne traduit pas la réalité de l'évolution des moyens mis en oeuvre.

Tout d'abord, les crédits de paiement destinés aux dépenses en capital passeraient de 97 millions d'euros à 110 millions d'euros, ce qui représente une augmentation de 14 %.

Si l'on considère que ce sont les crédits d'investissement qui sont les plus utiles, le présent projet de budget, malgré sa diminution globale, est donc en progrès par rapport à celui de l'année dernière.

J'en viens maintenant à la seconde raison, sans doute la plus importante, pour laquelle la diminution des crédits du budget de la ville ne me semble pas traduire la réalité : alors que le budget de la ville diminue, les crédits publics relatifs à la politique de la ville, si l'on en croit le « jaune » budgétaire, augmentent au total de près de 600 millions d'euros, soit deux fois le budget de la ville.

Cela provient de la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 2003. Cette loi prévoit en effet la mise en place d'un établissement public, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, dont le budget, de l'ordre de 1 milliard d'euros en 2004, serait financé, notamment, par l'Etat et le « 1 % logement ». Il est prévu que ce « 1 % logement » contribue en 2004 au renouvellement urbain à hauteur de 550 millions d'euros, d'où l'augmentation que je vous ai indiquée.

Par ailleurs, la loi du 1er août 2003 prévoit que l'Etat consacre chaque année au moins 465 millions d'euros au financement de l'ANRU.

Le présent projet de loi de finances vise à instituer une contribution égale à ce montant si l'on raisonne en autorisations de programme, mais pas si l'on prend en compte les crédits de paiement qui sont de 209 millions d'euros.

Ainsi, la diminution des crédits du budget de la ville et de la rénovation urbaine ne doit pas dissimuler le fait que, toujours selon le « jaune » budgétaire, les moyens de la politique de la ville connaissent globalement une augmentation considérable.

Ces considérations m'amènent, monsieur le ministre, à vous poser ma première question : dans quelle mesure les crédits réunis dans le « jaune » budgétaire préfigurent-ils ce qui sera effectivement dépensé en 2004 ?

J'en viens maintenant à la seconde partie de mon intervention, relative à la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001.

La délégation interministérielle à la ville et au développement social urbain, la DIV, a proposé à la direction du budget, dès mars 2002, une ambitieuse mission interministérielle intitulée « politique de la ville », dont le projet a été abandonné depuis.

La mise en place d'une telle mission pouvait sembler artificielle, dans la mesure où elle impliquait de regrouper des fractions de crédits de ministères comme ceux de l'éducation nationale ou de l'intérieur, représentatives de leur contribution à la politique de la ville. C'est pourquoi la Cour des comptes s'y est opposée. En ce qui me concerne, j'ai exprimé en juillet dernier un point de vue analogue dans mon rapport pour avis sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

Ainsi, ce qui est actuellement prévu, c'est d'ériger le budget de la ville non en mission, mais en programme.

Un nouveau problème se pose donc : celui de la mission de rattachement du futur programme « politique de la ville ». Le bon sens voudrait, me semble-t-il, que ce programme soit rattaché à la mission du ministère de l'équipement comprenant les crédits du logement. En effet, la politique actuellement menée par le ministère de la ville repose essentiellement sur la politique du logement.

Pourtant, je crois savoir que la question ne serait pas encore tranchée. Le Gouvernement hésiterait actuellement entre un rattachement de ce programme à la mission « solidarité » du ministère des affaires sociales ou son rattachement à une mission du ministère de l'équipement.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, si une décision a été prise à cet égard.

Par ailleurs, toujours en ce qui concerne la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, les objectifs et indicateurs du futur programme « politique de la ville » restent à déterminer.

Il me semble que le champ couvert par les objectifs et indicateurs du futur programme devra être moins large que celui qui est couvert par les objectifs et indicateurs de l'actuel agrégat « politique de la ville et du développement social urbain ». En effet, cet agrégat retient des objectifs et indicateurs qui, s'ils étaient appropriés dans le cadre d'une mission interministérielle « politique de la ville », me semblent couvrir un champ trop large pour un simple programme correspondant à l'actuel budget de la ville, notamment la délinquance, la scolarisation ou la santé. Si ces indicateurs sont intéressants, ils ne permettent pas de mesurer l'efficacité de l'action du ministère, ce qui est l'objectif de la LOLF. Cela n'empêcherait pas la publication annuelle de l'ensemble des indicateurs proposés, ainsi que le prévoit la loi du 1er août 2003.

Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, et c'est là ma troisième question, que vous m'indiquiez si l'ensemble des indicateurs figurant dans le « bleu » budgétaire, en particulier ceux qui correspondent au sous-programme « équité sociale et territoriale », ont vocation à faire partie des indicateurs du futur programme.

En conclusion, je vous rappelle, mes chers collègues, qu'en raison notamment de la volonté manifestée par M. le ministre de permettre une plus grande efficacité de la dépense publique, la commission des finances vous recommande d'adopter le budget de la ville et de la rénovation urbaine. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre André, rapporteur pour avis.

M. Pierre André, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. « J'ai placé au coeur de mon engagement une ambition : rendre tout leur sens aux valeurs républicaines, à l'égalité des chances, au droit à la sécurité et à la tranquillité, au droit à la dignité et au travail. La politique de la ville est un des fers de lance de cet engagement. »

Ainsi s'exprimait à Valenciennes le Président de la République, M. Jacques Chirac, rendant hommage, monsieur le ministre, à votre action brillante et créative en faveur notamment de la rénovation urbaine et du retour de l'activité dans les quartiers en difficulté.

Fin juillet, nous adoptions la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, dont l'une des pièces maîtresses et novatrices, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, est déjà en marche. Sa naissance à la Sorbonne en présence du Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, il y a quelques semaines, a soulevé l'enthousiasme de l'ensemble des participants, quelles que soient leurs sensibilités politiques.

Monsieur le ministre, lorsqu'une loi est bonne, il est souhaitable qu'elle soit appliquée avec un rythme soutenu. C'est fait, grâce à vous, et nous vous en félicitons car 6 millions de Français dans la difficulté sont directement concernés.

L'examen du projet de budget pour 2003 nous permet de constater que le Gouvernement est fidèle à ses engagements, cohérent dans ses décisions et constant dans sa volonté de mener à bien une politique ambitieuse.

Fidèle à ses engagements, le Gouvernement le demeure, d'une part, en menant à bien une politique de la ville qui repose sur des opérations de reconstruction d'une importance sans précédent dans l'histoire de notre pays et, d'autre part, en s'attachant à favoriser l'initiative individuelle comme vecteur de la réussite et de la cohésion sociales, grâce à la création des zones franches urbaines, les ZFU.

Cohérent dans vos décisions vous l'êtes, monsieur le ministre, lorsque vous nous proposez d'adopter un budget de vérité qui repose, avant tout, sur une stratégie de long terme tendant à faire primer l'investissement sur le fonctionnement, pour mieux répondre, désormais, aux besoins de nos concitoyens.

La constance que vous manifestez dans votre volonté de changement, nous avons pu la remarquer cet été, lorsque vous nous avez proposé, par un texte ambitieux, de trouver de nouvelles sources de financement pour la politique de la ville.

La commission des affaires économiques soutient donc totalement votre effort. Pour autant, elle souhaiterait vous présenter quatre suggestions.

En premier lieu, nous sommes très désireux que l'évaluation de la politique de la ville en général, et celle de la réussite des zones franches en particulier, soit un objectif clairement assigné à la délégation interministérielle pour la ville.

Le débat d'orientation que nous aurons dans un an sur ce sujet nous permettra de savoir si, comme nous le souhaitons, des méthodes d'évaluation simples et solides verront enfin le jour.

En second lieu, je souhaiterais vous demander solennellement de donner des instructions aux services compétents et aux différents ministères pour qu'ils fassent tout leur possible afin de consommer les crédits européens qui sont trop souvent « dormants » et que le principe du « cofinancement » n'aboutisse pas à annihiler toute initiative.

M. Paul Girod. Très bien !

M. Pierre André, rapporteur pour avis. Vous le savez mieux que quiconque, monsieur le ministre, les collectivités locales concernées par la politique de la ville sont souvent les moins riches et ont besoin du soutien de l'Etat et de l'Union européenne.

Je souhaiterais enfin vous faire part des interrogations des membres de la commission des affaires économiques au sujet de la mise en oeuvre des « contrats de ville ». Si j'en crois ma propre expérience, monsieur le ministre, il est très difficile de mener à bien ces procédures d'une lourdeur effrayante. C'est pourquoi je souhaite effectuer, au nom de la commission des affaires économiques, une étude sur ce sujet dans les mois à venir, en pleine collaboration avec les services placés sous votre haute autorité.

Pour conclure mon propos, je vous rappellerai, monsieur le ministre, les discussions que nous avons eues cet été au sujet du rôle des URSSAF.

J'ai noté avec beaucoup d'intérêt que le Sénat avait renforcé le contrôle de l'ACOSS, l'Agence centrale de contrôle des organismes de sécurité sociale, sur ces organismes. C'est là un net progrès.

J'ai noté aussi que M. le ministre des affaires sociales avait, dans sa réponse à mon collègue Alain Vasselle, dont je tiens ici à saluer l'initiative, donné à penser que nous aurions bientôt un « rescrit social » qui permettrait aux entreprises de savoir à quoi s'en tenir quant à l'interprétation de la loi par les URSSAF. Je souhaite que nous poursuivions dans cette voie.

Fidélité, cohérence et constance, voilà les trois vertus qui conduisent la commission des affaires économiques à émettre un avis très favorable à l'adoption des crédits inscrits pour la ville dans le projet de loi de finances pour 2004. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Nelly Olin, rapporteure pour avis.

Mme Nelly Olin, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vingt ans après sa création, la politique de la ville a aujourd'hui, enfin, les moyens de ses ambitions ; elle est au coeur des préoccupations de l'Etat, et c'est une excellente chose.

Dans un contexte de grande rigueur budgétaire, le projet de loi de finances pour 2004 se veut la traduction financière de ce nouvel élan en faveur des quartiers défavorisés, en mettant l'accent sur l'investissement et la participation des différents partenaires de la politique de la ville et en rationalisant les dépenses de fonctionnement.

Le budget pour la ville s'élève à 344 millions d'euros en 2004, contre - M. Muzeau l'aura noté - 370 millions d'euros en 2003.

M. Roland Muzeau. Et voilà !

M. Eric Doligé, rapporteur spécial. C'est une bonne chose.

Mme Nelly Olin, rapporteure pour avis. Tous les postes de dépenses ne sont toutefois pas touchés de manière identique par cette réduction des moyens financiers.

La baisse de 16 % des moyens des services résulte de deux mouvements contraires : d'une part, une diminution des crédits de la délégation interministérielle à la ville de 11 % et, surtout, des services publics de quartier, mais pour des raisons de présentation comptable ; d'autre part, une augmentation sans précédent des crédits de personnel - de 130 000 euros en 2003 à 1,5 million d'euros prévus en 2004 -, en raison du financement, sur une ligne budgétaire spécifique, des personnels vacataires et des stagiaires, ainsi que l'avait préconisé la Cour des comptes dans son rapport de février 2002.

Les crédits consacrés aux interventions publiques diminuent de 14 %, pour atteindre 222 millions d'euros. Ils constituent plus des deux tiers du budget du ministère.

Cette réduction est notamment due à la suppression du fonds de revitalisation économique, mis en place en 2001 pour contribuer à développer les activités économiques dans les quartiers. Rappelons-nous que cet outil, d'une mise en oeuvre particulièrement complexe, n'a jamais fait la preuve de son efficacité. Sa suppression n'est donc que la conséquence logique de son inadaptation aux besoins.

Sont également en diminution de 14,5 millions d'euros les crédits du fonds d'investissement pour la ville, le FIV, qui est l'instrument principal des actions du ministère et qui finance notamment les contrats de ville. En revanche, si les crédits destinés aux grands projets de ville passent de 31,7 millions d'euros en 2003 à 20 millions d'euros en 2004, ils avaient triplé entre 2002 et 2003. La dotation pour 2004 demeure donc deux fois supérieure à celle de 2002.

Deux points positifs méritent d'être ici relevés.

En premier lieu, les crédits consacrés aux adultes-relais, qui passent de 50,7 millions d'euros en 2003 à 57 millions d'euros en 2004. Ces moyens supplémentaires permettront la reconduction des 3 100 adultes-relais dont le recrutement aura lieu d'ici à la fin de l'année, mais aussi la création de 500 autres postes en 2004, notamment dans le cadre des contrats locaux de sécurité, les CLS. Ces emplois, chacun le sait, sont nécessaires aux quartiers, d'abord parce qu'ils remplissent une mission de médiation, ensuite parce qu'ils participent du dispositif de lutte contre le chômage des adultes vivant dans les territoires prioritaires de la politique de la ville.

En second lieu, le mouvement de regroupement des crédits consacrés aux opérations « ville, vie, vacances » destinées aux enfants et adolescents défavorisés, au sein du seul budget de la ville, se confirme : après ceux de la justice en 2003, c'est au tour des crédits alloués par le ministère des affaires sociales d'être inscrits désormais dans cette ligne budgétaire en 2004, pour un montant de 2,1 millions d'euros.

Grâce à cette fusion, les projets pourront être mis en oeuvre plus rapidement, sans attendre les dotations parfois tardives provenant des autres ministères. A cet égard et compte tenu des excellents résultats de ce dispositif sur les conditions de vie dans les quartiers, notamment pendant les périodes de vacances, la commission des affaires sociales estime que ce type d'opérations doit être développé.

La diminution des crédits des titres III et IV ne doit pas dissimuler la forte augmentation des subventions d'investissement du titre VI, concernant les opérations d'investissements des contrats de ville et des grands projets de ville et le programme national de rénovation urbaine. Le présent projet de loi de finances vise en effet à les porter de 97 millions d'euros en 2003 à 110 millions d'euros en 2004, soit une hausse de 14 %.

De ce fait, les crédits de subventions d'investissement du FIV et des grands projets de ville augmentent respectivement de 4 millions d'euros et de 9,3 millions d'euros. Au total, ces deux postes ne subiraient donc qu'une légère diminution, permettant un financement des contrats de ville à un niveau identique à celui de 2003, et une contribution de 57 millions d'euros pour la mise en oeuvre des opérations de renouvellement urbain, prévues par la loi du 1er août dernier.

La qualité d'un budget doit, en outre, être jugée à l'aune de son engagement effectif. Or le taux de consommation des crédits de la ville, dont la Cour des comptes, je le rappelle, avait dénoncé le faible niveau, ne cesse de s'améliorer : de 68 % en 2000, il pourrait approcher les 90 % en 2003.

Enfin, les dotations affectées à la politique de la ville ne se limitent pas aux seuls crédits inscrits au budget, qui ne représentent en fait que 6 % d'une enveloppe globale de 6 milliards d'euros, si l'on y ajoute les crédits provenant des autres ministères, les fonds structurels européens et les contributions des collectivités locales.

Cette enveloppe augmente de 580 millions d'euros, grâce à la mise en place de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, créée par la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août dernier. Cette agence disposera de 1 milliard d'euros de crédits en 2004, provenant de l'Etat et de la Caisse des dépôt et consignations, d'une nouvelle contribution de 550 millions de l'Union d'économie sociale du logement au titre du 1 % logement et de la caisse de garantie pour le logement locatif social.

Puis, alors que le précédent gouvernement s'apprêtait, pardonnez-moi l'expression, à « tordre le cou » aux zones franches, la loi d'orientation a reconduit, pour cinq ans, le dispositif des zones franches urbaines et l'a étendu à quarante et un nouveaux territoires, ce dont on ne peut que se réjouir au vu de ses résultats positifs. Aujourd'hui, tous les maires qui en bénéficient, quelle que soit leur sensibilité, sont ravis.

Les entreprises qui s'installent dans ces zones bénéficient d'exonérations fiscales et sociales, en contrepartie d'une obligation d'embauche locale. Plus de 45 000 emplois ont ainsi été créés dans les quartiers entre 1997 et 2001, dont 80 % sont des emplois à durée indéterminée, ce qui a permis, et chacun le sait, la revitalisation économique de territoires entiers.

En définitive, ce budget doit être replacé dans le contexte volontariste qui a présidé au vote de la loi d'orientation, en termes de renouvellement urbain et de revitalisation économique et commerciale.

L'ouverture croissante de la politique de la ville à des financements extérieurs à ceux du ministère requiert une mobilisation sans faille des différents acteurs, pour permettre, il est vrai, d'améliorer la situation des quartiers en termes de logement, d'emplois et de qualité de vie.

Si tel est le cas, et je crois que chacun a désormais conscience de l'urgence qu'il y a à agir, la politique de la ville en sortira gagnante.

Monsieur le ministre, vous avez donné à nos villes les moyens de se redresser, et à nos habitants l'espoir de mieux vivre. Nous avons, avec les partenaires locaux, notamment les bailleurs sociaux, le devoir d'agir rapidement. Les moyens sont là, ils sont bons, et c'est pourquoi la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi de finances pour 2004, dans sa partie consacrée aux crédits de la ville. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 30 minutes ;

Groupe socialiste, 18 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 6 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.

Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.

M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tenais à intervenir à cette tribune dans le cadre de l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la ville et la rénovation urbaine pour apporter le soutien de mon groupe, l'Union pour un mouvement populaire, à l'action du ministre. Celle-ci est en effet beaucoup plus large que les chiffres que viennent de nous présenter les trois rapporteurs ne le laissent penser.

Cette politique de la ville a plusieurs objectifs. D'abord, elle a la lourde charge de pallier les erreurs de décennies d'urbanisme mal calculé qui ont entassé des populations dans des conditions de vie tout à fait désastreuses. Ensuite, elle a la nécessité de rapprocher les quartiers en difficulté des coeurs de ville pour essayer d'en faire des villes complètes. Enfin, elle a le souci, dans sa dimension humaine, de promouvoir à la fois l'insertion des jeunes dans notre société et la baisse des taux de chômage excessifs qui caractérisent ces villes.

C'est la raison pour laquelle, le groupe UMP tient à adopter les crédits de ce ministère, sous réserve de quatre observations.

Première observation : si nous vous félicitons, monsieur le ministre, de vous être engagé sur la voie de la simplification des procédures, nous vous sollicitons néanmoins pour aller plus loin. La création de l'ANRU est une excellente initiative et les collectivités territoriales en attendent beaucoup. Encore faut-il définir un interlocuteur unique - le préfet ou son délégué à la ville - et voir comment faire avancer les projets, concentrer les financements, mettre en place des maîtrises d'ouvrage convenables et trouver des formules permettant d'éviter aux collectivités qui souhaitent entreprendre quelque chose de positif d'être sans cesse retardées. Sur ce point, vous avez innové, monsieur le ministre, mais il faut continuer, car cela me semble encore insuffisant.

Deuxième observation : en cette période conjoncturelle difficile, les problèmes d'emplois sont beaucoup plus durement ressentis par les jeunes non qualifiés. A chaque ralentissement conjoncturel, ce sont évidemment les cadres âgés et les jeunes sans qualification qui, sont les premières victimes. Il faudrait donc amplifier nos efforts pour insérer ces jeunes dans les activités productives. Ceux qui ont été consentis par le Gouvernement, notamment par M. Fillon, vont dans ce sens, mais il nous faut revenir sur un problème de culture des missions locales.

Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Fourcade. C'est ainsi que les missions locales, qui ont été créées dans le but de s'occuper de l'insertion des jeunes dans les quartiers en difficulté ou dans les villes qui connaissent des taux de chômage importants se sont « fonctionnarisées » au fil du temps pour devenir des sortes de « super assistantes sociales » - sans que je veuille, bien sûr, critiquer cette honorable profession - au sein desquelles l'évolution de la société et de l'emploi n'a pas été suffisamment prise en compte pour préparer les jeunes.

Il faudrait donc qu'avec l'énergie que vous avez déployée dans d'autres secteurs, monsieur le ministre, vous vous adressiez à ces missions locales pour les convaincre que c'est précisément en période de basse conjoncture qu'il faut améliorer l'insertion des jeunes sans qualification et les orienter vers des emplois productifs qui sont le seul moyen de les sortir de la difficulté.

Troisième observation : il faut faire de très grands efforts sur tout le territoire, notamment dans les zones urbaines, pour améliorer la mixité de l'habitat. Cette mixité est la réponse moderne et convenable aux difficultés que nous rencontrons. C'est l'accumulation de logements sociaux de standing équivalents dans des zones généralement peu agréables, éloignées des coeurs de villes et privées des moyens de transport qui génère des problèmes tant sur le plan de la délinquance qu'en matière d'habitat.

Il me semble que toute la politique de l'Agence nationale de rénovation urbaine et des contrats de ville doit porter sur la mixité,...

Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Fourcade. ... car plus il y a de logements de catégories différentes, allant du PLAI, le prêt locatif aidé d'intégration, jusqu'au PLS, le prêt locatif social, en passant par toutes les autres formules comprenant du locatif et de l'accession à la propriété, et plus les gens sont obligés de se mélanger, apprennent à dialoguer et, par conséquent, font reculer la violence, qui est l'une des caractéristiques de notre société.

Enfin, quatrième observation : il est évident que la réforme des concours financiers de l'Etat qui est en cours de discussion doit comprendre la modification de la dotation de solidarité urbaine, la DSU.

La DSU a été une bonne invention au moment de sa création. Cependant, et j'ai longuement étudié cette affaire, si la dotation moyenne par habitant des communes qui la perçoivent est de 25 euros, elle cache une amplitude qui peut varier de 4,18 euros à 103,02 euros.

Cette amplitude est significative à plusieurs égards. Elle montre d'abord que l'on a dépassé l'objectif et, ensuite, que l'on réalise, comme à l'accoutumée dans ce pays, un saupoudrage au lieu d'attribuer une véritable dotation à ceux qui en ont besoin. Ainsi, sur 750 communes de plus de 10 000 habitants, 696 reçoivent la DSU, ce qui n'est pas cohérent.

Je suggère donc deux voies de réforme.

La première serait de concentrer le versement de la DSU sur des communes dont le potentiel fiscal et les charges sociales sont tels qu'elles auraient besoin d'un soutien très fort d'au moins 100 euros par habitant pour disposer de ressources nécessaires.

La seconde pourrait être, puisque la plupart des collectivités se regroupent aujourd'hui en communautés de communes, en communautés d'agglomération ou en communautés urbaines, de tenir compte de manière différenciée dans la DGF communautaire de la population et des objectifs de l'agglomération, donc sur un site parfaitement défini.

Nous serons obligés, au cours de l'année 2004, d'examiner de manière précise l'ensemble de ces éléments financiers. La simplification des procédures, la remise en ordre des missions locales et le développement de l'insertion, l'effort continu vers la mixité de l'habitat et une aide financière plus massive, mais plus sectorisée, en direction des communes qui rencontrent des problèmes particuliers, sont les quatre éléments d'une politique de la ville que vous avez heureusement réveillée et réorienter. C'est la raison pour laquelle le groupe UMP tout entier votera les crédits de la politique de la ville pour 2004. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Monsieur le ministre, si votre discours est positif, votre budget, lui, ne l'est pas. Vous avez déclaré : « J'ai la conviction que c'est dans les cités que se joue l'avenir de la République, l'idée que je me fais de la République, c'est-à-dire celle de l'égalité des chances et de son unité. » Et lorsque l'on vous demande pourquoi la République n'a pas été à la hauteur en matière d'intégration, vous répondez : « On n'a pas mis les moyens suffisants. » Je suis bien d'accord avec vous ! Pourtant l'Orientation donnée à ce budget nous préoccupe. L'an dernier, avec mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen, nous vous alertions déjà sur le rique qu'il y avait à accepter une diminution budgétaire de 3 % après des années de progression souvent spectaculaires. Diminuer les budgets et geler les crédits est une habitude qui se prend mais qui se perd en général difficilement !

Cette habitude est d'autant plus incompréhensible après vos déclarations et le vote de la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, dans l'urgence et la précipitation, le 1er août dernier. Ce n'est pas ma collègue Nelly Olin, rapporteure pour avis, qui me contredira, tant elle a consciencieusement analysé la diminution de 7 % des crédits par rapport à 2003, pour un montant de 24 millions d'euros.

L'argumentation relative aux autorisations de programme et aux crédits de paiement ne résiste pas à l'examen. Les moyens des services diminuent de 16 % et, parmi ceux-ci, les crédits des services publics des quartiers diminuent très fortement de près de 40 %.

Il est vrai que après l'examen de la Cour des comptes, il fallait intégrer les personnels stagiaires et vacataires du ministère, d'où une augmentation des crédits de personnel. Mme Olin s'efforce de nous expliquer que cette forte diminution des crédits destinés aux services publics de quartier n'est pas la conséquence d'un désengagement de l'Etat. Mais l'instruction des dossiers de formation et d'animation de services sur les crédits du titre IV ne nous rassure pas du tout, car ces crédits sont globalement en diminution, seule la part consacrée aux adultes-relais augmentant !

Après la suppression des emplois-jeunes, je ne nie pas que ces emplois soient nécessaires aux quartiers, mais ils ne peuvent résumer à eux seuls le besoin impérieux de renforcer le présence, la qualité et l'accessibilité des services publics dans les quartiers les plus en difficulté.

Je regrette également la réduction des crédits consacrés aux interventions publiques, qui diminuent de 14 %, et je m'interroge notamment sur le bien-fondé de la suppression du fonds de revitalisation économique, mis en place par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain dite SRU, loi du 13 décembre 2000, pour un montant de 20 millions d'euros. Ces restrictions de crédits d'interventions publiques vont en outre fragiliser les associations impliquées sur le terrain, qui souffrent déjà dans leurs activités quotidiennes.

Je m'interroge également sur le devenir des contrats de ville avec la réduction de 14,5 millions d'euros, soit 10 % des crédits du fonds d'investissement pour la ville, dont le rapporteur nous dit que bien qu'augmentant au titre VI concernant les investissements, ils ne subiraient au total qu'une légère diminution, compte tenu des restrictions s'appliquant aux dépenses publiques ! C'est le même raisonnement qui est tenu pour les grands projets de ville, les GPV !

Cette faiblesse de moyens face aux besoins immenses m'inspire beaucoup d'inquiétudes.

Vous connaissez, monsieur le ministre, le dernier rapport du conseil d'analyse économique dépendant du Premier ministre. Il confirme ce que je disais devant le Sénat l'an dernier en vous alertant sur une France dont certains quartiers ne cessent depuis vingt ans de s'enfoncer.

Ce rapport établit un lien de cause à effet entre la discrimination et le chômage, en particulier entre la discrimination et le chômage des jeunes, plus encore quand ceux-ci sont d'origine étrangère ou supposée telle. Il estime que la ségrégation urbaine « amoindrit l'efficacité d'ensemble du système économique » et pointe l'accès à l'emploi de ces jeunes comme la question centrale, en mettant directement en cause le comportement de nombreuses directions d'entreprise.

Je crains fort que la création d'une autorité administrative indépendante contre les discriminations, que j'approuve totalement, ne suffise pas à modifier ces phénomènes qui perdurent.

Enfin, vous connaissez comme moi la situation du logement, qui connaît une crise sans précédent depuis quarante ans.

Il va certainement falloir innover en matière de politique publique afin d'empêcher le développement de la logique de marchandisation du logement, de construire les 100 000 à 200 000 logements sociaux par an réclamés par toutes les associations, indispensables pour répondre aux besoins à court et à moyen terme, et d'en finir avec les pratiques indignes telles les expulsions pour loyer impayé, comme avec les entorses au droit de chacun à disposer d'un logement décent et d'un cadre de vie agréable.

L'objectif annoncé de 80 000 logements sociaux pour 2004, en baisse depuis le 1er août, est loin de faire le compte, d'autant qu'il inclut 20 000 démolitions-reconstructions, et 60 000 réhabilitations. De tels chiffres sont loin d'être ambitieux en matière de renouvellement urbain et constituent un véritable drame pour les centaines de milliers de demandeurs de logement, sans parler des difficultés d'instruction que certains de mes collègues, y compris ceux de la majorité, n'ont cessé de rappeler lors des auditions ou dans cet hémicycle.

Monsieur le ministre, vous l'aurez compris, le groupe communiste républicain et citoyen ne peut approuver ce projet de budget et exprime le souhait qu'il se rapproche un jour de votre discours, sur lequel j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la deuxième année consécutive, les crédits consacrés à la politique de la ville sont en baisse, ce qui ne manque pas d'étonner au regard des ambitions affirmées par la loi d'orientation et de programmation pour la ville.

Nous nous attendions en effet à une augmentation sans précédent, alors que l'on comptabilise une diminution de 7 % de ces crédits ! La contradiction est forte et l'on peut d'ores et déjà s'interroger, monsieur le ministre, sur la faisabilité de votre programme de rénovation urbaine sans pour autant rogner les crédits consacrés au volet social que nous aurions préféré voir augmenter davantage.

Sur le terrain, les inquiétudes sont grandes, car les habitants savent que les transformations physiques des quartiers n'entraînent pas mécaniquement l'amélioration des problèmes humains. Nul ne conteste l'intérêt d'améliorer le cadre de vie et l'habitat dans les quartiers urbains, mais cela ne résoudra pas tous leurs problèmes.

La demande des habitants restera identique, que ce soit en matière d'emploi, de loisirs, de prévention ou d'insertion, d'intégration, d'éducation, de services publics et de développement économique. La politique de la ville doit rester globale. Si l'on veut que nos concitoyens aient envie d'habiter les quartiers, il faut savoir tout coordonner et ne pas être contraints de choisir entre l'urbain et l'humain.

Nombre d'incertitudes demeurent quant au programme de rénovation urbaine qui intègre notamment les opérations de démolitions-reconstructions. Tout d'abord, pouvez-vous nous préciser si les nouveaux logements seront intégralement financés par l'Etat ou si les collectivités locales seront, elles aussi, mises à contribution ? On démolit des immeubles, mais où logera-t-on les habitants ? A-t-on la garantie que les reconstructions précéderont systématiquement les démolitions ? Quelles seront les conditions d'accessibilité à ces nouveaux logements ? Où seront-ils situés ? Seront-ils automatiquement attribués aux familles des immeubles démolis sans passer par une lourde procédure administrative ? Le loyer sera-t-il identique ? Quelles garanties demandera-t-on aux familles ? Toutes ces questions préoccupent les habitants des quartiers et nous souhaiterions, monsieur le ministre, que bon vous y répondiez.

Parmi les orientations que vous proposez, nous en approuvons certaines, comme le renforcement du programme adulte-relais mis en place par votre prédécesseur, et celui de l'opération « ville, vie, vacances ». En outre, nous prenons acte de votre volonté d'encourager les habitants à participer à la vie des quartiers ainsi que de votre souhait d'augmenter la présence de services publics dans ces lieux où elle est indispensable.

Nous souhaiterions toutefois avoir des précisions quant à la méthode et aux moyens qui vont être utilisés. Vous savez que ces mesures ne seront effectivement appliquées sur le terrain que s'il y a une impulsion de l'Etat et, surtout, si les nouvelles directives sont accompagnées des moyens adéquats. Malheureusement, monsieur le ministre, compte tenu de la diminution des crédits, nous craignons que ces mesures n'en restent au stade des bonnes intentions. Ce ne serait pas la première fois.

Concernant, par exemple, les discriminations raciales à l'embauche, malgré de nombreuses promesses, on ne voit rien venir sur le terrain. Au contraire, les associations souffrent de la diminution des subventions, notamment celles qui sont versées par le fonds d'action sociale pour l'intégration et la lutte contre les discriminations. Récemment, le conseil d'analyse économique a encore souligné le comportement discriminatoire des employeurs dans un rapport rendu public trois semaines.

Monsieur le ministre, vous savez que les discriminations nuisent à l'intégration des populations issues de l'immigration et nourrissent un sentiment d'injustice de plus en plus mal ressenti par des jeunes trop souvent assimilés aux agissements répréhensibles d'une minorité. Des mesures sont attendues d'urgence pour favoriser l'embauche et l'insertion professionnelle de ces jeunes qui font beaucoup d'efforts et méritent de s'en sortir.

Il faut aussi veiller au respect des dispositifs existants. En 2001, la DIV et le service des droits des femmes et de l'égalité avaient signé un protocole d'accord relatif aux femmes et aux jeunes filles des quartiers. Le but de cet accord était d'améliorer leur accès à la formation, à l'emploi et à la création d'activités et d'entreprises, en veillant à promouvoir leurs droits personnels et sociaux.

Monsieur le ministre, vous connaissez la double discrimination dont souffrent les jeunes filles des cités issues de l'immigration ; le mouvement « Ni putes ni soumises » l'a fort bien relayée dans tout le pays. Avec toutes les promesses qu'elles ont reçues, elles ne comprendraient pas que rien ne soit fait rapidement. C'est pourquoi il est urgent de généraliser et de faire appliquer cet accord.

En ce qui concerne les zones urbaines sensibles, les ZUS, nous n'accueillons pas très favorablement le choix d'un retour au principe de la géographie prioritaire et à une certaine discrimination positive. Nous pensons que la politique de la ville ne peut se réduire aux seules ZUS, mais qu'elle doit s'étendre à l'agglomération tout entière.

De plus, nombre de périmètres établis en 1995 sont devenus inadaptés. Dans mon département, par exemple, je connais des quartiers encore qualifiés de zones sensibles qui n'en sont plus du tout, et d'autres, au contraire, qui le sont devenus. Beaucoup de périmètres méritent au moins d'être actualisés, au mieux d'être renégociés. Nous souhaiterions connaître vos intentions à ce sujet.

Toujours dans le domaine de la géographie prioritaire, vous avez décidé de relancer le dispositif des zones franches urbaines et de supprimer le fonds de revitalisation économique. Ainsi verra-t-on la création de quarante et une nouvelles zones et la prolongation des quarante quatre anciennes créées en 1997. Comme je vous l'ai dit ici même, en mars dernier, lors d'une question orale avec débat à ce sujet, nous sommes sceptiques quant à la réussite de ce dispositif, notamment en matière de création d'emplois.

En effet, si les mesures d'exonération sont persuasives, elles se traduisent davantage par un effet d'aubaine pour la trésorerie des entreprises qui, pour satisfaire à l'obligation de réaliser un tiers des embauches dans le quartier, n'hésitent pas à recourir au temps partiel avec un turn-over parfois très impressionnant.

Comme je le disais tout à l'heure, les craintes sont grandes que le volet social de la politique de la ville ne fasse les frais de la rénovation urbaine. A moyen terme, le contrat de ville pourrait même être menacé. A aucun moment, en effet, la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine n'y fait référence, pas plus qu'elle n'évoque son devenir à l'horizon 2006. Or, il est l'outil le plus efficace de la politique de la ville, il est l'interface entre l'Etat et les acteurs de terrain ; il est également le premier partenaire des initiatives locales ; il est aussi, et surtout, le meilleur moyen d'engager tous les partenaires dans la durée.

Beaucoup craignent, en fait, que le volet social de la politique de la ville ne soit décentralisé, ce qui signifierait la fin du contrat de ville. En ce qui nous concerne, nous pensons qu'il doit perdurer et qu'en aucun cas la politique de la ville ne doit être décentralisée.

L'Etat doit rester garant des solidarités nationales et accompagner les projets locaux en mobilisant tous ses services. Le contrat de ville doit demeurer l'outil principal de la politique de la ville, le seul « interlocuteur » pour toute demande et attribution de subventions. C'est pourquoi nous vous demandons des garanties, monsieur le ministre, quant à la reconduction des contrats de ville et des contrats d'agglomération après 2006.

Je souhaite à présent dire quelques mots sur la formation. De nombreux acteurs interviennent dans le cadre de la politique de la ville : chargés de missions, associations, collectivités locales, services déconcentrés de l'Etat. Mais tous n'ont pas l'expérience nécessaire, ni une connaissance suffisante du sujet.

Or leur formation est un enjeu essentiel, car la politique de la ville nécessite des intervenants hautement qualifiés, qu'il s'agisse d'enseignants, d'animateurs, d'adultes-relais ou de bénévoles. Nous pensons que la délégation interministrérielle à la ville devrait être partie prenante et financer la formation de tous les acteurs qui interviennent dans la politique de la ville.

L'an dernier, à pareille époque, j'avais évoqué la question du statut des animateurs des équipes qui agissent dans le cadre des maîtrises d'oeuvre urbaines et sociales. Malheureusement, la question reste toujours en suspens. Vous savez, monsieur le ministre, pour vous être rendu souvent sur le terrain, que ces personnes - directeurs de projet, coordonnateurs de contrats de ville - accomplissent un travail considérable et que leur implication dans la politique de la ville est remarquable. Malheureusement, elles restent confinées dans la précarité de leur poste, renouvelé chaque année. L'un peut dépendre d'une mission locale, l'autre d'un centre social ; chacun a un salaire différent. Il est vraiment indispensable de mener une réflexion sur le statut de ces personnes. Nous souhaitons connaître vos intentions sur ce point très important.

En conclusion, monsieur le ministre, c'est le terme « insuffisant » qui caractérise au mieux votre budget. Nous reconnaissons votre volontarisme, et, comme je l'ai dit, certaines des mesures que vous proposez nous paraissent intéressantes. Toutefois, votre ministère n'est pas jugé prioritaire par le Gouvernement et, de l'avis de tous les partenaires, votre projet n'est pas applicable, car les moyens ne suivent pas.

Nous savons que vous ne pourrez pas tout concilier et que le volet social de la politique de la ville en fera les frais. C'est pourquoi le groupe socialiste votera contre ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Paul Girod. (M. Jean Chérioux applaudit.)

M. Paul Girod. Mon intervention sera brève, monsieur le ministre, mais elle sera consacrée à un souvenir, pour une part tout au moins, celui de quelqu'un qui est à la fois près et loin, un élu local en colère qui, autant que je me le rappelle, trépignait devant la complexité des procédures lorsqu'il voulait entreprendre des actions : il constatait qu'en définitive, malgré des inscriptions budgétaires quelquefois flatteuses, le résultat sur le terrain était très loin de ce qui avait été annoncé, pour la simple raison que l'administration « sciait » elle-même ce qu'elle prétendait vouloir servir.

L'élu local est loin, puisqu'il est devenu ministre, mais la préoccupation demeure, et c'est la manière que vous avez d'être près de celui que vous fûtes. Nous devons vous en féliciter, car vous considérez le ministère de la ville non pas comme une addition de crédits, mais comme une mission que vous voulez remplir. C'est l'une des raisons pour lesquelles, avec mon groupe, je voterai sans hésitation le projet de budget que vous nous présentez.

M. Jean Chérioux. Très bien !

M. Paul Girod. Cela étant dit, je souhaite tout de même faire une réflexion, car je suis, dans une vie parallèle, le rapporteur spécial du budget du logement.

Monsieur le ministre, le système actuel de présentation budgétaire ne favorise pas la clarté des choses en la matière.Sur ce point précis, je ferai mienne l'interrogation que vous a adressée notre collègue Eric Doligé en ce qui concerne la détermination des missions.

J'ai l'impression que le ministère de l'équipement tente de se transformer lui-même en une mission unique et qu'il décline en programmes internes au ministre ce qui ne correspond pas à l'esprit de la LOLF. Cela n'est pas une clarté suffisante.

Monsieur le ministre, dans quelle mesure pourriez-vous nous aider à faire en sorte que se crée une vraie mission « logement », qui permette d'informer vraiment le public et le Parlement sur cette action très importante de l'Etat ? Ainsi, les indicateurs interministériels de performance ne seraient plus simplement ceux d'une administration qui se juge elle-même : ils permettraient au Parlement de juger l'action du Gouvernement dans son ensemble.

Par ailleurs, vous avez mis en place l'Agence nationale de rénovation urbaine. A cet égard, je ne peux que faire miennes les observations qu'a formulées tout à l'heure M. Fourcade : vous en avez fait un élément de simplification, c'est bien, mais il faut aller plus loin, plus vite, et parvenir à obtenir un effet suffisant.

En conclusion, j'évoquerai les zones franches urbaines. Je suis de ceux qui ont applaudi à leur création. L'une d'elles, au moins a réussi ; - j'en suis le témois - je la connais bien et le rapporteur de la commission des affaires économiques la connaît encore mieux que moi. Je me réjouis d'ailleurs de la création, dans mon département, d'une seconde zone franche.

En ce qui concerne les effets d'aubaine qui ont été évoqués voilà un instant, je préfère, pour ma part, qu'une entreprise bénéficie d'un effet d'aubaine et qu'elle survive plutôt qu'une entreprise disparaisse parce qu'elle n'a pas profité d'un effet d'aubaine.

L'élargissement du nombre des zones franches urbaines est une bonne initiative, sous une toute petite réserve : la délimitation.

Il arrive que, dans un certain nombre de cas, l'application des textes sur les zones franches urbaines aboutisse à ce qu'un bassin d'emploi qui, pour des raisons diverses, est amené à créer à sa proximité immédiate une zone d'activités, ne puisse pas faire entrer celle-ci dans le système des zones franches urbaines. J'en connais une dans le même département que la ville de Saint-Quentin, qui a quand même connu pas loin de 3 000 licenciements en cinq ans pour 30 000 habitants. On pourrait peut-être faire preuve de largesse d'esprit, dans un certain nombre de cas, s'agissant de la manière dont on applique le dispositif relatif aux zones franches urbaines.

Monsieur le ministre, avec l'expression d'une satisfaction non seulement pour votre tempérament et pour votre initiative, mais également pour la réalité d'un budget qui ne correspond pas aux apparences qui viennent de nous être décrites, et avec l'espoir que, grâce aux zones franches urbaines, vous relancerez pour une part l'économie des zones en difficulté, je vous confirme que je voterai avec enthousiasme votre budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'union centriste.) ainsi que sur certaines travées du RDSE

M. le président. La parole est à Mme Annick Bocandé.

Mme Annick Bocandé. Le budget que vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le ministre, est le premier budget mettant en oeuvre la nouvelle politique de la ville instaurée par la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, du 1er août 2003.

Ce texte que nous avons adopté et auquel nous avons apporté tout notre soutien a le mérite de relancer la politique du logement dans les villes et les quartiers marqués par des difficultés structurelles majeures. Pour ce budget comme pour les précédents, vous avez choisi comme axe central le logement.

Je salue cette volonté politique qui trouve aujourd'hui un écho très favorable auprès de citoyens et des acteurs sociaux que j'ai pu rencontrer sur le terrain. Les attentes sont nombreuses et je crois que vous y répondez.

Toutefois, la politique de la ville ne peut se concevoir sans concilier à la fois les impératifs de logements, d'emplois et de soutien à l'économie locale.

Le logement, et notamment le logement social, constitue aujourd'hui un objectif politique prioritaire qui doit être mené tant au niveau de l'Etat qu'au niveau des collectivités locales.

La loi que vous avez instituée relance la politique de rénovation urbaine dans les quartiers difficiles. Ainsi, sur la période 2004-2008, la loi prévoit, dans les zones urbaines prioritaires, une nouvelle offre de 200 0000 logements locatifs sociaux, la réhabilitation d'une nombre équivalent de logements et la démolition des deux cent mille logements locatifs sociaux ou de copropriétés dégradés.

Pour mettre en oeuvre ce programme national de rénovation urbaine, la loi crée un guichet unique, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, qui sera la seule à pouvoir accorder les concours financiers au titre de la mise en oeuvre de ces opérations.

Cet établissement est une véritable nouveauté et constitue le garant de la réussite de cette politique ambitieuse. En effet, la création de cet interlocuteur unique permet de simplifier les circuits financiers. Cette centralisation à la fois des ressources de l'Etat, des collectivités territoriales, mais également de l'Union d'économie sociale du logement, à hauteur de 550 millions d'euros, et de la Caisse de garantie du logement locatif social, à hauteur de 30 millions d'euros, est un facteur d'efficacité et de sécurité.

Par ailleurs, l'Etat s'engage à financer tous les ans l'ANRU à hauteur de 465 millions d'euros. J'espère, monsieur le ministre, que cet engagement sera tenu dès 2004.

Le nouveau dispositif de renouvellement urbain constitue donc une véritable avancée tant par les moyens qui sont mis en oeuvre que par les objectifs défendus.

J'en viens au nécessaire lien entre le logement et le développement social et économique des quartiers concernés.

En effet, ce coup d'accélérateur au renouvellement urbain doit être l'occasion, pour le Gouvernement, de rappeler à tous les acteurs locaux l'importance de leurs actions en faveur de la politique de la ville. Les collectivités territoriales, notamment la région et le département, doivent également être incitées à participer à cet effort. Il doit y avoir une synergie des actions menées aux différents échelons et par les diverses personnes contribuant à développer la politique de la ville.

Je m'inquiète, à cet égard, de la réduction de certains crédits. Ainsi, ceux qui sont affectés aux grands projets de ville, dont les crédits étaient contractualisés dans les contrats de plan Etat-région, ont diminué d'un tiers ; les crédits d'investissement du fonds d'intervention pour la ville sont en baisse de 10 % et le fonds de revitalisation économique est supprimé.

Toutes ces coupes budgétaires s'effectuent au détriment de l'aide aux petites entreprises et aux associations jouant parfois un rôle de médiation très important. La cohésion sociale et humaine des quartiers risque de subir les conséquences de ces réductions budgétaires, ce qui peut être regrettable si l'on considère que la politique de la ville doit être envisagée dans son ensemble.

Je connais, monsieur le ministre, votre attachement au rôle des différents acteurs sociaux dans les quartiers difficiles : je crois qu'à l'avenir les prochains budgets devront tenir compte de ces remarques.

Nous nous réjouissons, par ailleurs, de la création de quarante et une nouvelles zones franches urbaines. M. Pierre André a rappelé, à plusieurs reprises, notamment dans son rapport d'information, le bilan positif des quarante-quatre zones franches de premières générations.

Les exonérations fiscales et les conditions d'embauche de personnes habitant les zones concernées assurent un développement économique et, par voie de conséquence, une relance de l'emploi dans ces quartiers profondément marqués par des situations économiques et humaines alarmantes.

L'étude réalisée par l'Union sociale pour l'habitat révèle à quel point, à côté d'une politique de renouvellement urbain, une action forte menée en faveur de l'emploi est primordiale. Chaque année, 120 000 logements sociaux, soit le quart de ceux qui sont attribués, vont à des ménages dont les ressources sont inférieures à 20 % des plafonds, soit l'équivalent d'un salaire pour une personne seule de 350 euros par mois en région parisienne et de 310 euros par mois dans les autres régions. Le taux de chômage dans les zones urbaines sensibles avoisine les 25 %.

Si le prolongement du dispositif des zones franches urbaines est incontestablement une bonne chose, je regrette que d'autres améliorations en faveur de l'emploi ne figurent pas dans le projet de loi de finances. Un vrai travail sur l'emploi social doit être mené : il s'agit bien là de la prochaine échéance importante de la politique de la ville.

Si, au cours de mon intervention, j'ai souligné quelques points négatifs du budget de la ville et de la rénovation urbaine, je tenais toutefois à vous assurer du soutien de notre groupe, monsieur le ministre. Il ne s'agit ici que d'une facette des solutions à la crise du logement, mais elle n'en constitue pas moins une véritable avancée. Vous nous proposez un ambitieux programme en faveur de la rénovation urbaine et nous ne pouvons que vous soutenir dans cette démarche. Je regrette seulement la sanctuarisation des budgets de certains ministères, qui risque peut-être de nuire à l'accomplissement de vos projets et de ceux que nous souhaitons si vivement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Alduy.

M. Jean-Paul Alduy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion budgétaire est un moment privilégié pour le Parlement, car elle permet d'analyser les moyens alloués à l'action gouvernementale.

Je souhaite saluer la compétence et la pertinence des analyses de nos rapporteurs, Nelly Olin, Pierre André et Eric Doligé. Il fallait, en effet, beaucoup de compétence et de perspicacité pour analyser les évolutions réelles des efforts consentis tant le sujet est complexe, parce qu'il est interministériel, parce que les champs d'intervention sont très divers, et parce que les intervenants eux-mêmes sont multiples.

Au-delà des évolutions budgétaires, il faut surtout analyser les dynamiques qui sont créées, et, à ce sujet, permettez-moi d'exprimer quelques inquiétudes.

Au-delà de votre dynamisme personnel, monsieur le ministre - et il est grand et communicatif -, ce qui compte aujourd'hui, ce sont non pas les volumes des inscriptions budgétaires - chaque ministre a su présenter des chiffres qui frappaient les imaginations - mais l'efficacité réelle sur le terrain, donc la mobilisation des partenaires. Votre politique est mobilisatrice, parce qu'elle crée une dynamique nouvelle.

Tout d'abord, on recompose les quartiers. Finalement, l'action clé a été d'avoir multiplié par trois, quatre et cinq le nombre de démolitions. Nous nous donnons les moyens de le faire par une action globale et massive ! Or la démolition permet de modifier immédiatement la composition d'un quartier : on va changer les types d'habitat et les formes urbaines ; on va reloger les habitants dans d'autres quartiers, donc mettre en place une véritable mixité sociale à l'échelle de la cité. On va également pouvoir développer l'accession sociale là où il n'y avait que du logement locatif très aidé. Je note d'ailleurs, monsieur le ministre, que votre politique élargit la gamme, puisque l'on va enfin pouvoir traiter les copropriétés dégradées. L'action va ainsi se centrer sur l'éradication de l'habitat indigne de nos centres et de nos quartiers anciens.

On relance également la dynamique économique, puisque, et c'est notre collègue Pierre André qui en a été le premier avocat, on donne un nouvel élan à la discrimination positive en faveur des petites entreprises, notamment, ainsi qu'à la création d'emploi dans les zones franches urbaines ou dans les zones de rénovation urbaine. Je note donc que l'on a consacré un effort particulier aux petites entreprises, de même que, et c'était nouveau, aux associations oeuvrant dans ces quartiers.

Mais c'est surtout avec l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, que l'on crée un véritable guichet unique : plus d'un milliard d'euros de crédits par an sanctuarisés dans une loi de programme ! L'ANRU permettra une vraie dynamique en nous faisant passer de la politique de procédures à la politique de projets.

M. Pierre André, rapporteur pour avis, et M. Eric Doligé, rapporteur spécial. Très bien !

M. Jean-Paul Alduy. On finissait par dépenser plus d'énergie administrative que d'énergie technique ou d'énergie sociale. Grâce à la simplification du dispositif, on va enfin pouvoir bâtir des projets, les négocier, et définir des aides globales pour leur mise en oeuvre.

Les collectivités locales pourront créer des établissements publics locaux. Ainsi donc, le tandem historique des établissements publics des villes nouvelles et du secrétariat des villes nouvelles est en quelque sorte réinventé avec le tandem agence, au niveau national, et établissement public, sur le plan local. Je vous signale d'ailleurs, mes chers collègues, que les villes nouvelles ont quand même été, qu'on le veuille ou non, une réussite en termes de mixité sociale et de création d'emplois dans la périphérie de l'agglomération parisienne.

Une innovation fondamentale n'a sans doute pas été assez commentée : pour la première fois, les partenaires sociaux sont associés à l'élaboration, à la négociation et à la mise en oeuvre du projet urbain. Je forme le voeu que cette innovation au niveau national se répercute à l'échelon local et que, demain, les partenaires sociaux soient conviés à la table de la définition et de la mise en oeuvre des politiques de l'habitat, notamment pour la reconquête de ces quartiers en difficulté.

Autre innovation importante, on va - enfin ! - observer et - enfin ! - évaluer. Ainsi, chaque année, un débat sera organisé au Parlement pour mesurer l'efficacité et rectifier le tir, si besoin est.

Voilà pour la dynamique. Elle est forte, elle est réelle !

Permettez-moi néanmoins de vous faire part de quelques inquiétudes, monsieur le ministre.

Vous savez mieux que quiconque que vous ne réussirez pas seul. (M. le ministre délégué acquiesce.) Vous aurez plus que jamais besoin de collectivités locales capables d'assumer les charges de cette ambition nouvelle ; vous aurez plus que jamais besoin d'un tissu associatif solide, acteur incontournable du développement social et culturel dans ces quartiers.

Or les crédits de subvention qui alimentent les associations, notamment via les contrats de ville, sont en diminution, et ce au moment même où le financement des emplois-jeunes arrivent à son terme. J'ai vu que l'on augmentait le nombre d'adultes-relais. J'ai constaté également que, dans les zones franches urbaines, les associations bénéficieront d'exonérations de charges sociales. Je sais que nos préfets parlent de CIE, de CIVIS, de CES et de CEC. Je sais également que les sommes prévues dans les contrats de plan ont souvent été éparpillées et qu'un peu de rigueur et de recentrage des aides aux associations ne nuira pas à l'efficacité.

Toutefois, il est clair que de vraies difficultés sont devant nous, et les collectivités locales pressentent qu'elles seront mises à contribution. Or, précisément, celles qui portent le fardeau des quartiers les plus lourds sont déjà « épuisées ». La réforme de la DSU est aujourd'hui urgente.

M. Jean-Philippe Lachenaud. Oui !

M. Jean-Paul Alduy. Certes, dans le projet de loi de finances pour 2004, l'architecture générale des dotations de l'Etat aux collectivités locales est réorganisée, et l'on distinguera désormais une part forfaitaire et une part de péréquation. Reste que les mécanismes de péréquation n'ont pas été modifiés. Il y a urgence à les modifier, mais de façon simple, pour ne pas ajouter à la complication.

Personnellement, je propose quelques orientations simples : pondérons positivement, c'est-à-dire multiplions par 1,5 ou par 2 les logements sociaux, les allocataires de l'aide personnalisée au logement des ZUS, et peut-être également introduisons le nombre de RMIstes comme critère de péréquation de la DSU, car, finalement, le nombre de RMIstes - je suis bien placé pour le savoir, puisque, à Perpignan, 17 % des actifs sont RMIstes - est l'un des critères les plus significatifs d'évaluation des difficultés sociales et financières des villes.

Monsieur le ministre, vous avez créé, comme votre budget le confirme, une nouvelle dynamique de l'intervention publique dans les quartiers en difficulté. Nous connaissons l'enjeu, quelle que soit notre sensibilité politique : vous devez réussir à inverser, dans ces quartiers, le cours de l'exclusion sociale, économique, culturelle et même politique.

Vous ne réussirez évidemment pas seul, et vous en êtes le premier persuadé. Il vous faut donc soutenir les maires et les présidents des communautés d'agglomération qui sont chargés de la définition et de la mise en oeuvre des politiques urbaines.

L'Agence sera l'instrument essentiel de cette politique. Ses moyens financiers sont à la hauteur de nos ambitions légitimes et ils sont inscrits dans une loi de programme. Cependant, si, avec la création de l'Agence, les conditions nécessaires sont aujourd'hui réunies, elles ne sont pas totalement suffisantes.

La réforme des mécanismes de péréquation des dotations aux collectivités locales est encore devant nous. Une telle réforme est incontournable, si l'on veut que la dynamique que vous suscitez aujourd'hui ne se brise pas sur l'incapacité de communes épuisées à faire face aux charges nouvelles des investissements nécessaires.

Vous avez donné un élan nouveau au combat décisif contre l'exclusion et contre le communautarisme, au combat décisif pour le projet de société qui est le nôtre. Ce projet devrait recueillir l'adhésion unanime de tous les démocrates. Il recueille, en tout cas, l'adhésion enthousiaste de l'UMP. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de remercier ceux qui m'ont assuré de leur soutien très favorable, enthousiaste et déterminé. (Sourires.)

En réalité, monsieur Doligé, dans cette présentation, nous débattons sur des virtualités absolues. En gros - n'y voyez aucune malice -, tout le monde ment depuis vingt ans. Le « jaune » budgétaire, qui est censé retracer l'effort de la nation, est très virtuel. Combien de ministères jouent le jeu ? Donc, loin de moi l'idée de dire que l'effort de la nation est de 6 milliards d'euros. La présentation mérite d'être sérieusement repensée.

Débat virtuel, aussi, parce que les annonces sur ce que seront les crédits de ce ministère, notamment lors des comités interministériels de la ville, sont douloureusement relues quelques années plus tard. Pour prendre le dernier en date, celui de 1998, on avait annoncé 1 015 millions d'euros pour la rénovation urbaine de nos quartiers, somme notifiée aux villes, conventionnée avec les préfets. Or, 78 millions sont arrivés effectivement dans les quartiers, chez ceux qui ont le plus besoin de l'effort de la nation.

Et nos partenaires ? Moralement, mentalement, les partenaires sociaux étaient déterminés à s'engager et signaient une convention avec l'Etat. En réalité, chacun sait que l'Etat, discrètement, faisait ses fins de mois sur le budget du logement social affecté à la rénovation urbaine.

Entendez ces chiffres, mesdames, messieurs les sénateurs : au cours des trois dernières années du gouvernement précédent, en moyenne, 700 millions d'euros ont été détournés - 700 millions d'euros par an ! -, et ce dans une totale discrétion. Autant d'argent qui n'a jamais été mis à disposition des quartiers prioritaires de notre pays !

Voilà pourquoi nous avons souhaité partir d'idées claires et de règles simples, avec, comme premier objectif, que l'habitat et l'environnement de ces quartiers soient au moins au niveau de ce qu'ils sont ailleurs sur le territoire. Cela s'appelle la rénovation urbaine, c'est-à-dire tout à la fois le logement, l'accès au logement, la résidentialisation et la qualité du quartier.

Vous le voyez, l'objectif est assez simple, il fallait juste décider de l'outil.

Notre deuxième objectif est de faire en sorte que les écarts - de 1 à 4 sur les quartiers prioritaires de la politique de la ville et de 1 à 2,5 sur l'ensemble des quartiers de la politique en matière d'emploi - soient réduits.

Qu'on y songe : la moitié des jeunes âgés de seize à vingt-quatre ans n'a pas d'activité dans ces quartiers. La moitié de l'avenir du pays n'a pas d'activité, madame Printz ! Et l'on discutaille sur l'impact ou le coût d'une procédure d'aide à l'emploi ? J'ai vraiment l'impression d'être dans un monde complètement virtuel !

Notre troisième objectif réside dans le soutien éducatif dans ces quartiers-là.

Le reste, très franchement, c'est une machine un peu folle qui, pendant quelques années, sans ministère de tutelle, a produit sa propre organisation.

S'agissant de ce projet de loi de finances, ce n'est qu'un tout petit complément de dispositifs globaux.

Pour la rénovation urbaine, c'est assez simple : oui, on a fait le formatage général avec tout le monde, les élus, le monde HLM, le 1 %. Nous nous sommes arrêtés sur un retard de l'ordre de 30 milliards d'euros. Peut-être s'est-on trompé. Peut-être s'agit-il de 35 milliards d'euros, ou de 27 milliards d'euros, ou de 40 milliards d'euros. De toute manière, il s'agit du retard accumulé jusqu'à aujourd'hui, et à rattraper tout de suite simplement pour mettre à niveau ces quartiers-là ! Je ne parle évidemment pas de ce qu'il faudrait faire au-delà de ce seul rattrapage. Voilà pourquoi nous avons mobilisé tout le monde.

De notre côté, nous avons juré de ne plus toucher au 1 % pour les fins de mois difficiles. En échange, cet argent-là va à l'Agence qui dispose - effet de levier maximal - d'un minimum de 1,2 milliard d'euros - mais c'est un minimum ; ce sera peut-être plus ; on s'adaptera aux besoins.

Pour ce qui est de l'emploi dans les zones franches urbaines, je dois dire que c'est seulement au moment de la discussion officielle du budget que j'entends des parlementaires déclarer que les ZFU ne marchent pas ; le reste de l'année, les parlementaires que je croise - où qu'ils siègent, par ailleurs, dans cet hémicycle - ne s'en plaignent jamais. Eh bien ! qu'ils sachent les promouvoir dans les régions ou les départements dont ils sont les élus !

Quand on offre un dispositif d'effort national de près de 500 millions d'euros de défiscalisation et d'exonérations de charges sociales, la moindre des choses, c'est de pouvoir demander que, localement, sur le terrain, avec les URSSAF, les préfets, les sous-préfets, les chambres de métiers, les chambres de commerce et d'industrie, les villes et les agglomérations, on aille chercher les talents de ces quartiers-là, que l'on mette en place les filières de formation nécessaires, et que l'on crée de bonnes conditions d'accueil pour valoriser cet effort de la nation, plutôt que de nourrir des débats qui, très sincèrement, me paraissent bien déplacés quand on parle des quartiers en difficulté.

J'en viens au budget plus précisément. C'est un effort gigantesque qui est demandé à la nation. Mais comment dégager presque autant que les 500 millions d'euros des zones franches quand on a un fonds de revitalisation économique dont seulement 6 % des fonds ont été utilisés ? Si 60 millions d'euros n'ont pas été consommés, on peut s'interroger sur la pertinence du dispositif. D'où notre décision de supprimer ce fonds qui, visiblement, ne fonctionne pas.

Pour ma part, je ne suis pas partisan inconditionnel d'une augmentation des crédits de ce ministère ; on a vu ce que cela a donné depuis vingt ans. Je suis donc fier de pouvoir affirmer que nous faisons des efforts de gestion de notre propre ministère, et ce n'est que normal. Ainsi, s'agissant des procédures, nous avons simplement supprimé le fonds de revitalisation économique, et il fallait le faire. Nous déployons les mêmes efforts de gestion sur notre propre fonctionnement, pour un montant de 10 millions d'euros, à commencer par la communication. Je pense ici à un certain nombre de documents qui n'intéressaient, finalement, que les spécialistes, alors qu'il nous faut une mobilisation générale.

Pour le reste, les contrats de ville sont intégralement honorés, il n'y manque pas un euro, associations comprises. L'écart qui donne une baisse apparente provient du transfert sur l'Agence de la quote-part d'ingénierie affectée au FIV. Donc, c'est parfaitement clair, mais je mets en garde contre les contrevérités que l'on peut entendre, ici ou là, parce que certains continuent de considérer que l'Agence est une espèce de monstre qui retire du pouvoir à certains. Non ! Mesdames, messieurs les sénateurs, il n'y a pas de difficultés concernant les villes et les associations.

M. le rapporteur spécial a parlé du « jaune » budgétaire. Il sait ce que j'en pense : les crédits figurant dans ce document ne représentent pas la réalité de l'effort de la nation, ministère par ministère. Pour une présentation plus réaliste, il faut un ministère de la ville soutenu par le Parlement et qui ne soit pas un appendice par rapport à des ministères un peu plus puissants politiquement. (Sourires.) J'ai le sentiment que ce combat est plutôt en bonne voie.

A quelle mission rattacher le futur programme « politique de la ville » ? Je considère que la politique de la ville, c'est du rattrapage, et pas une fonction durable. On peut, certes, s'interroger : ministère des affaires sociales ou ministère de l'équipement ?

Très franchement, il paraissait plus raisonnable de rattacher le programme à l'équipement de préférence aux affaires sociales, dans un premier temps.

J'aurais donc personnellement préféré un rattachement à l'équipement, mais, à l'expérience, le fait de considérer que même le logement n'est que du rattrapage et ne constitue pas la politique du logement social, le fait donc que l'un et l'autre soient parfaitement étanches dans les conventions, tout cela n'est pas un drame absolu et a probablement quelque intérêt.

Toutefois, sur le fond, le « ministère du rattrapage » doit avoir une mission spécifique, bien positionnée dans l'architecture générale, afin d'être en mesure de peser sur l'éducation, la sécurité et sur la prévoyance - la question est, on le verra, de plus en plus d'actualité.

Je ne suis donc pas convaincu qu'il faille rattacher cette mission à un système plus important, sauf à lui ôter un peu de son poids. En vérité, nous ne dépendons que très théoriquement du ministère des affaires sociales, même si nous bénéficions de son soutien réel et affectueux ; nous jouissons d'une réelle autonomie, ce qui nous permet de demander des comptes aux autres, d'autant que l'observatoire des zones urbaines sensibles va nous permettre de renforcer cette capacité d'interpellation des autres grands ministères ainsi que des différentes collectivités chargées de la politique de la ville.

J'en viens à la question des agrégats, monsieur Doligé. Je partage absolument votre avis sur le caractère éclaté et dispersé de ces agrégats qui ne correspondent pas à une véritable évaluation de l'action collective ; d'où la création de cet observatoire, d'où la mission qui nous a été confiée de remettre en place des agrégats et des indicateurs.

Monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, sans revenir sur les zones franches urbaines, j'insiste sur le fait que nous nous battons beaucoup moins, aujourd'hui, pour la création de ces zones que pour leur optimisation. C'est ainsi que nous demandons systématiquement une convention avec l'ensemble des partenaires pour l'optimisation de ces opérations-là.

Les contrats de ville sont trop lourds ? C'est également notre avis ! Une évaluation est en cours, mais nous ne verrions que des avantages à ce que cette tâche soit partagée avec une mission parlementaire. Nos collègues - sur la rénovation urbaine, ce sont les mêmes, en réalité - sont assez frappés du contraste entre la simplification que nous introduisons avec l'Agence et la complexité qui perdure sur les contrats de ville. Or, manifestement, des événements se chevauchent ! L'Agence étant clairement et rapidement opérationnelle, nous pouvons obtenir la même simplification concernant les contrats de ville.

J'ai bien entendu Mme Printz dire qu'en aucun cas la politique de la ville ne devait être confiée à la démocratie locale.

Je partage en partie cet avis. Je ne crois pas que la démocratie locale soit toute la démocratie de ce pays, mais, en même temps, qui est mieux placé pour faire vivre la démocratie ? Quel déni, sinon !

Madame Printz, ce qui vous anime, j'en suis convaincu, est au fond une petite lumière assez justifiée, mais qui n'est plus d'actualité, et je vais vous dire pourquoi. Certes, depuis vingt ans, ce que l'on appelle le « rattrapage » ou la « politique de la ville » était finalement une affaire de spécialistes ayant acquis soit une technicité, soit une expérience en la matière : un dirigeant d'organisme d'HLM, un maire... Mais depuis, cela ne vous aura pas échappé, la situation a fortement évolué.

Il y un an et demi, il ressortait d'un sondage de la SOFRES réalisé pour Le Figaro Magazine que, pour l'opinion publique, les crédits inutiles étaient avant tout ceux de la politique de la ville et des quartiers. La semaine dernière, madame Printz, lundi exactement, un sondage CSA montrait une situation radicalement inverse : 64 % des Français considèrent aujourd'hui que le rattrapage est prioritaire, 31 % qu'il est très important, 5 % qu'il est secondaire. En un an et demi, ce sujet est devenu un élément central de la vie sociopolitique du pays, et cela peut s'expliquer de différentes façons : la laïcité, la ségrégation urbaine, l'idée que la fracture est devenue ethnique, sociale et religieuse, le sentiment que cela ne peut pas continuer, la crainte peut-être..., mais aussi le fait que la dynamique locale est en marche et que, finalement, les choses paraissent possibles. Ce dernier point est important : le sentiment qu'une situation ne cesse de se dégrader a pour corollaire l'idée que rien ne sert d'insister.

Permettez-moi de vous le dire, je pense que c'est dans les mensonges, même involontaires, dont nous nous sommes tous rendus coupables ces dernières années qu'il faut chercher le fondement de ce grand malaise républicain. Voilà dix ans que l'on dit que l'on fait, voilà dix ans que ceux qui ne connaissent pas ces quartiers pensent que l'on a fait et constatent que cela se dégrade, voilà dix ans que ceux qui sont dans les quartiers savent que l'on n'a pas fait. Et l'on aboutit à l'opposition de deux France : celle qui est à l'extérieur du problème et ne comprend pas pourquoi cela ne va pas mieux, voire pourquoi cela va plus mal, et celle qui vit au coeur du problème et en veut aux autres, parce qu'elle pense que l'on s'est moqué d'elle.

Si la tension s'exprime à certains moments par des violences inacceptables, si elle revêt parfois la forme de communautarismes liés à la ghettoïsation et non pas au sentiment d'appartenance volontaire et apaisée, c'est probablement là qu'on peut en chercher une explication au moins partielle.

Quoi qu'il en soit, le sujet est aujourd'hui devenu central pour la République. Combien de villes riches et puissantes qui avaient à la fois moyens financiers et ingénierie ont laissé les quartiers de leur périphérie tomber dans un état inacceptable ? Les financements de l'Etat ne sont pas seuls en cause, il faut aussi une volonté politique des grandes agglomérations.

Pour avoir visité sinon tous, du moins presque tous les sites, dont certains deux ou trois fois, je peux attester devant la Haute Assemblée de l'extraordinaire degré d'implication des élus des villes et des agglomérations et des partenaires HLM, implication généralement soutenue par les régions, dans le cadre de contrats de plan Etat-région ou d'accords sur la gestion des fonds européens, mais aussi par les départements, y compris par des départements très ruraux pourtant très éloignés de telles problématiques. La mobilisation est donc générale.

C'est la raison pour laquelle nous pouvons, me semble-t-il, faire sincèrement confiance à la démocratie locale - excusez le détour - et confier aux élus locaux les moyens de soutenir les acteurs publics et associatifs.

Comme l'ont indiqué MM. Alduy et Fourcade, la question de la situation financière de certaines collectivités locales reste aujourd'hui malheureusement absente de la politique de la ville.

Ce matin, nous avons travaillé avec l'Agence sur la situation de Stains : quelle accumulation d'absence de financement ! Et ce n'est pas Plaine Commune, et ce n'est pas l'intercommunalité qui permettra de résoudre le début du quart de la moitié du problème, alors que le taux de financement de l'Agence passe de 20 % à 60 % dans certains cas.

Il ne vous a pas échappé, mesdames, messieurs les sénateurs, que l'année dernière, à peu près à la même époque, le ministre de la ville vous avait proposé un amendement visant à faire évoluer la DSU. La commission des finances avait indiqué qu'il fallait y réfléchir, et le Gouvernement, par la voix d'un autre ministre, en avait accepté le retrait en s'engageant à y réfléchir. Je suis aujourd'hui heureux de constater que, contrairement à tout ce qui avait pu m'être dit des égoïsmes des uns et des autres, ce sujet est effectivement central. Il suffit pour s'en convaincre d'entendre s'exprimer dans le même débat M. Jean-Pierre Fourcade, qui ne peut être suspecté de vouloir profiter, demain, en sa qualité de maire, d'un nouveau dispositif, et M. Jean-Paul Alduy, qui est parfaitement en mesure d'apprécier l'absolue urgence, l'absolue nécessité d'une évolution de la DSU : c'est bien la preuve que tout le monde est conscient qu'il faut faire ce pas supplémentaire. La DSU aujourd'hui n'est plus discriminante, et les villes qui sont confrontées à ces difficultés doivent être beaucoup mieux soutenues.

M. Jean-Pierre Fourcade a formulé un certain nombre de propositions, tout comme M. Jean-Paul Alduy et nous-mêmes.

Il est un point que je veux souligner devant la Haute Assemblée : le nombre de familles très nombreuses, dont la présence est un accélérateur de coûts d'ordre social et suppose un soutien collectif tout à fait considérable, n'apparaît dans aucun critère.

Nous défendrons quant à nous la prise en compte du doublement des personnes dans les zones urbaines sensibles, au moment de la répartition des crédits de la DSU - cela correspond grosso modo à la proposition de M. Alduy -, en y incluant les familles très nombreuses. Celles-ci représentent en effet un cas très particulier dans les grandes agglomérations, où elles sont concentrées dans un certain nombre de sites.

Monsieur Muzeau, vous évoquez une crise du logement sans précédent. Que ne l'avez-vous dit au moment où elle naissait !

M. Roland Muzeau. Je le disais !

M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué. Dois-je vous rappeler, monsieur Muzeau, que, sous la majorité que vous avez ardemment et brillamment soutenue, nous sommes passés de 80 000 à 38 000 constructions de logements sociaux en cinq ans ?

M. Roland Muzeau. Vous n'avez pas besoin de le rappeler !

M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué. Je sais bien que cela ne vous a pas fait plaisir !

M. Roland Muzeau. Certes non !

M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué. Dois-je vous rappeler que 700 millions d'euros ont été pris chaque année sur le financement du logement social, simplement pour arrondir les fins de mois ? Dois-je vous rappeler que pareille machine ne se remet pas en route si facilement ?

Je sais bien que vous n'y êtes pour rien, monsieur le sénateur, mais la crise du logement est réelle. Il est vrai cependant que les mesures prises par M. Gilles de Robien et la mobilisation du monde HLM nous permettront d'en sortir : plus de 50 000 logements sociaux vont être construits cette année, et je pense que nous ne devrions pas être très loin des 80 000, chiffre qui n'inclut bien évidemment pas les 60 000 réhabilitations évoquées par M. Muzeau.

Le monde HLM a été lui aussi quelque peu déstabilisé par tous ces événements, par la création de l'Agence notamment. Vous avez accepté, mesdames, messieurs les sénateurs, de réformer la gouvernance des SA, qui, quelle que soit la qualité de leurs dirigeants, ne répondaient finalement aux attentes ni des actionnaires, du fait de la règle des dix voix, ni des collectivités locales, qui étaient absentes, ni des locataires, qui n'avaient pas voix au chapitre. Toute cette effervescence a créé une certaine émulation, et le monde HLM, qui est en quelque sorte titulaire d'une délégation de service public et dont le métier est non pas seulement de gérer, mais aussi de produire du logement de qualité conventionné, en fin de compte, s'est remis en route de manière extrêmement active.

Madame Bocandé, vous vous interrogez sur l'exécution des financements de l'Etat qui figurent dans la loi du 1er août 2003.

Le fondement même de ce dispositif, sa finalité, est que l'argent arrive enfin le bon jour au bon endroit. Eh bien, pour une fois, non seulement nous sommes à l'heure, mais nous sommes même en avance, et l'Agence fonctionne déjà. C'est ainsi que ce matin-même, pendant six heures, avec tous les partenaires, nous avons étudié notamment les cas de Stains, de Boulogne-sur-Mer et de Douchy-les-Mines. Le dossier de Stains, en Seine-Saint-Denis - Mme Nelly Olin le connaît bien -, est un dossier crucial : la cité des Jardins et le Clos Saint-Lazare connaissent des problèmes de saturnisme épouvantables...

Ces quinze derniers jours, nous avons étudié les cas de Montereau, Trélazé, Arras, Meaux, Toulouse, Aulnay-sous-Bois, Maubeuge, Saint-Dizier, Montauban et Châteauroux.

Monsieur Muzeau, madame Printz, je vous donnerai un exemple : pour la seule ville de Montereau, nous avons délibéré un programme de 150 millions d'euros. Et, pour la première fois, 61,8 millions d'euros seront versés par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine : c'est décidé, le virement va être fait. Il faut comparer cette somme aux 78 millions d'euros qui ont été répartis dans toute la France les quatre années précédentes ! Aujourd'hui, à cette heure-ci, 1 300 millions d'euros sont engagés, dont 402 par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine.

MM. Jean-Paul Alduy et Jean-Pierre Fourcade réclamaient une accélération. Mais nous sommes à la limite de la rupture ! Toutes les semaines, voire tous les trois jours, des conventions de finalisation sont adoptées, ce qui n'empêche pas des réunions techniques quotidiennes. Dans les mois qui viennent, soixante-dix conventions globales auront été approuvées et signées.

Il y a mieux : imaginez-vous que, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2003, dès cette année, vous devrez voter sur 106 millions d'euros parce que nous sommes en avance sur le programme ! Non seulement nous sommes à l'heure, mais nous sommes même en avance ! J'espère donc que vous aurez la gentillesse, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir voter, en avance sur le programme, les 106 millions qui sont prévus.

Tout n'est évidemment pas parfait. Je suis absolument convaincu que l'emploi et la qualité de l'habitat restent les moyens les plus sûrs de lutter en faveur de la laïcité. La République française est laïque quand elle est sociale, et le reste relève de débats purement philosophiques.

Je compte sur le Sénat pour nous soutenir dans la réforme de la dotation de solidarité urbaine.

Madame Bocandé, nous aurons une réflexion complémentaire à vous proposer sur les métiers de l'humain, sur la qualité des MOUS, les maîtrises d'oeuvre urbaines et sociales - c'est un vrai sujet, madame Printz -, ainsi que sur le soutien par « coups de pouce » : vous savez que le moment crucial de la scolarité est le cours préparatoire. Si l'on bascule alors du mauvais côté, on ne saura jamais lire et écrire, et c'est la première marche vers l'exclusion. En revanche, si on parvient à la fin du CP, on sera un citoyen de notre République.

Tels sont, brièvement présentés, les éléments de ce projet de budget. Nous sommes fiers de la baisse de certains crédits. Quant aux compléments gigantesques - 1,2 milliard d'euros pour la rénovation urbaine, auxquels s'ajoutent 400 millions d'euros pour les zones franches anciennes et encore 400 millions pour les nouvelles, sommes à comparer avec les 345 millions initialement prévus -, nous remercions la nation de nous les avoir donnés. Ils nous permettront d'apporter une aide aux collectivités qui en ont besoin. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant le travail, la santé et la solidarité : III. - Ville et rénovation urbaine.

ÉTAT B

Travail , santé et solidarité - III. - Ville et rénovation urbaine
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Etat C - Titre VI

M. le président. « Titre III : moins 2 230 000 euros. »

Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. « Titre IV : moins 36 771 477 euros. »

Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

Etat B - Titres III et IV
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Travail , santé et solidarité - I. - Travail

M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 265 000 000 euros ;

« Crédits de paiement : 53 000 000 euros. »

Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la ville et la rénovation urbaine.

I. - TRAVAIL

Etat C - Titre VI
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Etat B - Titre III et IV

M. le président. Le Sénat va maintenant examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le travail, la santé et la solidarité : I. - Travail.

J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.

Ainsi, M. le ministre répondra immédiatement et successivement au rapporteur spécial, puis aux deux rapporteurs pour avis, et enfin à chaque orateur des groupes.

Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.

Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur, ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.

J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole impartis.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits du ministère du travail s'élèvent pour 2004 à plus de 32 milliards d'euros, alors qu'ils s'établissaient à moins de 16 milliards d'euros en 2003.

Ce doublement résulte de la suppression, à compter du 1er janvier 2004, du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, suppression que nous avons souhaitée. En effet, la compensation des allégements généraux de charges auprès de la sécurité sociale, qui est largement débudgétisée depuis 2000 via le FOREC, est réintégrée dans le budget du travail - j'y reviendrai dans quelques instants.

En réalité, dans son nouveau périmètre, ce budget augmente de 2,9 %.

Je souhaite vous faire part de cinq observations que m'inspirent les dotations allouées au travail pour 2004.

Première observation : la hausse du chômage se poursuit. De l'été 1997 au printemps 2001, le taux de chômage était passé de 12,7 %, taux record, à 8,7 %, taux plancher. Hélas ! depuis mai 2001, la situation de l'emploi se détériore progressivement, et ce taux s'établit aujourd'hui à 9,5 %, contre 8,1 % dans le reste de l'Union européenne. Toutefois, la dégradation observée en France est, en valeur relative, d'un niveau comparable à celle qui a pu être observée en Europe.

Le retournement du printemps 2001 affecte davantage les jeunes, les hommes, les plus diplômés, les plus qualifiés. Ainsi, le taux de chômage des hommes n'a jamais été aussi proche de celui des femmes.

A l'évidence, nous souffrons d'un chômage structurel très élevé. Il appelle de vraies réformes afin que la croissance, dont le retour est attendu, profite davantage à l'emploi.

Cela appelle ma deuxième observation : le projet de budget pour 2004 s'inscrit justement dans le cadre d'une réforme structurelle du marché du travail.

Quelle est la politique suivie pour réduire le socle du chômage structurel ?

Le premier axe de l'action du Gouvernement est la diminution du coût du travail dans le secteur marchand, avec, tout d'abord, la poursuite de la politique d'exonérations générales sur les bas salaires, sans référence à la durée du travail.

La loi Fillon a instauré un dispositif unifié de réduction des cotisations patronales, mesure élaborée dans le contexte de la nécessaire « convergence des SMIC », programmée pour le 1er juillet 2005. Ce dispositif concilie deux objectifs : il s'agit, d'une part, de restaurer un SMIC unique sans perte pour les salariés déjà passés aux 35 heures et, d'autre part, malgré les fortes revalorisations des minima salariaux, de peser le moins possible sur la compétitivité des entreprises, grâce à une augmentation progressive des exonérations de charges.

Toutefois, l'article 80 rattaché à ce budget, qui met fin au cumul entre l'aide « Aubry I » et l'« allégement Fillon » dès le mois d'avril 2004, paraît justement de nature à entamer cette compétitivité ; aussi ai-je déposé, au nom de la commission des finances, un amendement tendant à différer cette mesure d'un trimestre.

Par ailleurs, la réorientation des politiques ciblées vers le secteur marchand participe également à la baisse du coût du travail. Il s'agit de privilégier l'accès à un emploi durable dans le secteur marchand et de recentrer les dispositifs d'insertion du secteur non marchand vers les publics les plus éloignés de l'emploi.

Ainsi, le contrat « jeune en entreprise » et le contrat d'insertion dans la vie sociale, le CIVIS, « association », devront permettre de prendre en charge 120 000 contrats en 2004, tandis que les sorties d'emplois-jeunes concerneront 50 000 jeunes.

De même, les contrats initiative-emploi, les CIE, et l'insertion par l'économique sont préférés aux contrats emploi-solidarité, les CES, aux contrats emploi consolidé, les CEC, et aux stages d'insertion et de formation à l'emploi, les SIFE, qui se sont révélés peu conformes à leur objet.

Rappelons enfin que la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, acquise pour 2003, vise aussi à diminuer le coût du travail.

Le deuxième axe de lutte contre le chômage structurel est l'amélioration de l'offre de travail.

Il s'agit d'abord d'une amélioration qualitative, avec le maintien de l'effort en direction de la formation professionnelle en alternance, qui devrait être profondément rénovée dans le cadre de la future loi « emploi-formation », et l'appui aux dispositifs de validation de l'expérience et de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. En synergie avec le rapprochement annoncé de l'ANPE et de l'UNEDIC, cette politique devrait permettre de pourvoir à 100 000 offres d'emploi qui ne trouvent pas preneur, comme M. le ministre s'y est engagé devant la commission des finances.

L'amélioration de l'offre de travail passe aussi par un renforcement quantitatif, avec la poursuite de la diminution des crédits de préretraite, le renforcement de la prime pour l'emploi, et la réforme de l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS.

Le troisième axe de la lutte contre le chômage structurel vise les rigidités qui pénalisent l'emploi, avec la hausse des moyens dévolus à la création d'entreprises et les assouplissements apportés aux règles relatives aux 35 heures et aux licenciements économiques.

J'en viens à ma troisième observation : l'axe majeur de la politique du travail est constitué par la baisse des charges.

En 2004, les moyens dévolus aux différents dispositifs d'exonération de charges sociales, en augmentation de 7 %, dépassent pour 2004 le seuil de 60 % des moyens dévolus au travail. Ce chiffre confirme l'évolution constatée en 2003, année pour laquelle j'avais indiqué que le coût des allégements de charges financés par le FOREC excéderait pour la première fois le montant prévu pour le budget du travail.

La budgétisation du FOREC pour 2004 permet - enfin ! - de recouvrer une vision satisfaisante de la politique du travail.

L'augmentation de 2,9 % du budget du travail recouvre des mouvements contrastés. Ainsi, l'augmentation des moyens mis au service des dispositifs généraux d'exonération de charges sociales excède 7 %. Elle s'accompagne d'une diminution corrélative des moyens consacrés aux autres dispositifs de l'emploi. Cette baisse concerne surtout les dispositifs destinés aux publics prioritaires relevant du secteur non marchand, notamment les emplois-jeunes.

Le ministère considère-t-il que l'orientation majeure de la politique de l'emploi est désormais constituée par les exonérations de charges sociales ? Finalement, existe-t-il un schéma optimal dans lequel tendrait à s'inscrire la politique de l'emploi, qui résiderait dans la coexistence d'un dispositif généralisé, renforcé et unifié d'exonérations de charges et de quelques dispositifs rationalisés d'aides ciblées, du type CIE ou CES, destinés à assurer l'insertion des personnes les plus éloignées de l'emploi ?

Quatrième observation : l'application de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, en est à ses prémices.

La poursuite de la démarche de globalisation des crédits, notamment avec la région Centre, est de bon augure.

Cependant, les indicateurs de résultats mis en place au niveau des agrégats, quoique bien conçus, recouvrent très insuffisamment le champ de la politique de l'emploi. De surcroît, ces agrégats sont mal renseignés.

L'essentiel est ailleurs : je veux parler de la définition des futurs « programmes », qui est satisfaisante dans la mesure où elle procède d'une vraie réflexion sur les actions du ministère, sans reprendre la définition des agrégats existants.

Toutefois, elle déçoit par la définition extensive du « programme support ». J'admets, lorqu'un même fonctionnaire travaille à plusieurs programmes, qu'il soit appréhendé, dans un souci de clarté, par un « programme support ». Ce n'est cependant pas le cas de l'ensemble des fonctionnaires de l'administration du travail, même s'il est vrai que le personnel du ministère ne constitue que 1,5 % des moyens dévolus au travail.

Fort heureusement, M. le ministre a récemment formulé l'engagement devant la commission des finances de « sortir » de ce programme support environ 2 000 agents, que vous pourrez facilement affecter à d'autres programmes.

Dans la perspective du parachèvement de la mise en place de la LOLF, M. le ministre peut-il préciser l'avancement de la réflexion qui est menée sur les indicateurs de performance ?

Par ailleurs, la pratique des reports, toujours trop générale, diminue la portée du consentement parlementaire. L'application de la loi organique devrait aussi ramener à plus de mesure.

Enfin, bien que les crédits du ministère soient constitués à 95 % de crédits d'intervention, il serait intéressant que M. le ministre précise quelles perspectives de simplification et d'économies présentent les structures actuelles de son ministère. Cette démarche, s'inscrirait dans le cadre nouveau des SMR, les stratégies ministérielles de réforme.

Cinquième observation : le budget du travail évolue en cohérence avec la décentralisation de la formation professionnelle au profit des régions.

De 1983 à 1993, de nombreux crédits avaient été transférés : la formation professionnelle continue des actifs, l'apprentissage et la formation des jeunes chômeurs. Puis la loi relative à la démocratie de proximité de 2002 a transféré aux régions l'indemnité compensatrice des contrats d'apprentissage.

Le projet de loi relatif aux responsabilités locales prévoit un nouvel élargissement concernant la formation des demandeurs d'emploi adultes, ce qui devrait parachever la décentralisation de la formation professionnelle, demeurée incomplète à ce jour.

Cet élargissement doit être accompagné de nouveaux transferts de crédits, correspondant notamment à ceux qui sont actuellement affectés par l'Etat à l'association nationale pour la formation professionelle des adultes, l'AFPA.

Il doit être souligné que, concernant le transfert du RMI au département, M. le ministre s'est engagé devant la commission des finances à une compensation intégrale, prenant en compte notamment les effets de la réforme de l'allocation de solidarité spécifique.

Je conclurai par une constatation d'ensemble : la complexité, le foisonnement et le coût de nos dispositifs en matière d'emploi paraissent encore disproportionnés eu égard aux résultats obtenus par la France en matière de lutte contre le chômage.

Aussi, l'engagement d'une politique de lutte contre le chômage structurel, ainsi qu'une modération budgétaire d'ensemble sont porteurs d'espoir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je voudrais remercier M. Ostermann de la pertinence de ses observations et de la qualité de son rapport avant de répondre aux trois questions précises qu'il m'a posées.

La première concerne la politique de l'emploi et l'équilibre que le Gouvernement a choisi entre les exonérations de charges, que nous avons voulu renforcer et unifier, et les dispositifs rationnalisés d'aides « ciblées ».

Les exonérations de charges sont donc renforcées, et la progression est considérable puisqu'elle est de 6 milliards d'euros sur la période 2003-2006.

Ce système, dont le Gouvernement a fait le choix en accord avec la majorité, a montré au cours des deux dernières années qu'il est l'un des plus efficaces en matière de soutien à l'emploi.

En effet, avant que ne soient mises en oeuvre les premières mesures d'allégement de charges, le niveau de croissance requis pour créer des emplois était supérieur à 2,3 %. L'application des ristournes que l'on a pris l'habitude d'appeller les ristournes Juppé et Aubry avaient déjà permis de réduire ce seuil à 1,3 %.

Le nouveau dispositif d'allégement que nous avons mis en place le ramène à moins de 1 %, ce qui signifie que la France sera mieux prête que naguère pour saisir, en matière d'emploi, le premier souffle de la croissance.

Ces exonérations de charges sont unifiées grâce à l'instauration d'un allégement unique qui est désormais indépendant de la durée du travail et grâce à une simplification progressive des différents dispositifs.

D'abord, un certain nombre d'aides sont supprimées à mesure qu'elles arrivent à échéance : il en est ainsi de l'allégement dit « Robien », dans le courant de 2005, de l'aide incitative « Aubry I », à la fin de 2006, de l'abattement lié au travail à temps partiel, au 1er juillet 2005, et de l'exonération pour l'embauche d'un premier salarié, à la fin de l'année 2003.

D'autres dispositifs sont regroupés et fusionnés. Les contrats en alternance vont laisser place à un dispositif unique, le contrat de professionnalisation, du fait de la réforme de la formation professionnelle.

Un système unique applicable à toutes les PME implantées en Corse sera créé, constitué de l'allégement de droit commun et d'une majoration forfaitaire.

Le deuxième volet de cette politique de l'emploi consiste en des aides mieux ciblées sur les publics les plus en difficulté.

Pour les jeunes, nous avons choisi de remplacer les emplois-jeunes, ouverts à tous et souvent sans véritables débouchés, par des dispositifs à la fois ciblés sur les jeunes réellement en difficulté et dirigés vers un objectif d'insertion professionnelle, soit directement dans le secteur marchand, avec les contrats jeunes, soit grâce à l'accompagnement prévu avec le CIVIS.

Pour les autres publics en difficulté, nous réservons les aides à l'emploi non marchand, comme les contrats emploi-solidarité, aux personnes les plus éloignées de l'emploi. Pour les autres, nous privilégions l'insertion dans l'emploi marchand via des dispositifs tels que le contrat initiative-emploi que nous avons choisi, dans le cadre de ce projet de budget, d'abonder de manière considérable, puisque le volume va augmenter de plus 30 000 par rapport aux choix initiaux.

Notre choix en faveur du CIE est conforté par une étude récente de la DARES, la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, qui révèle que 40 % des anciens bénéficiaires de ce contrat restent dans l'entreprise où ils l'ont effectué. Parmi ceux qui la quittent au terme du contrat, près de sept sur dix trouvent un autre emploi dans le mois qui suit. Il s'agit donc de l'un, sinon du dispositif le plus efficace pour le retour à l'emploi, et nous en prenons acte en augmentant le nombre de près de 60 %.

La deuxième question de M. Ostermann portait sur la mise en place de la loi organique relative aux lois de finances et des indicateurs de performance.

Nous nous sommes fixés pour but, dans le cadre de la préparation de la mise en oeuvre de la loi organique et de son application, de parvenir à une première identification des objectifs et des indicateurs de performance associés au cours du premier semestre de 2004.

Pour conduire la réflexion, nous nous appuyons sur des travaux qui ont déjà été menés au sein du ministère. Il s'agit d'abord de mettre fin à la multiplicité des circulaires qui sont adressées aux services déconcentrés. Désormais, les instructions feront l'objet d'un document annuel - la directive nationale d'orientation - qui fixera les objectifs aux services et leur notifiera les moyens dont ils disposeront. La prochaine directive nationale d'orientation couvrira les deux années 2004 et 2005.

Afin de donner plus de visibilité aux services déconcentrés, le nombre des priorités sera réduit de moitié - une quinzaine au lieu de trente -, car il s'est avéré beaucoup trop élevé pour permettre une véritable mobilisation des services.

Par ailleurs, la mise en oeuvre du programme globalisé de lutte contre le chômage de longue durée, c'est-à-dire les crédits des CES, des CEC, du CIE, des SIFE, des SAE, les stages d'accès à l'emploi, entre lesquels les services locaux peuvent redéployer les moyens, s'est traduite par la conception d'outils de suivi.

Enfin, sur le plan local, les huit régions qui sont engagées dans des expérimentations visant à préparer la mise en oeuvre de la loi d'orientation ont mis au point et testé des indicateurs de résultats que nous allons pouvoir reprendre à l'échelle nationale.

Toutes ces initiatives doivent nous permettre, à la fin du premier semestre 2004, de « documenter » les futurs projets annuels de performance du ministère.

Enfin, en réponse à la dernière question de M. Ostermann sur les perspectives de simplification et d'économie concernant les structures du ministère, j'évoquerai trois initiatives.

La première concerne la mise en place du contrat d'accueil, qui sera proposé à terme à tous les étrangers arrivant sur notre territoire et mis en oeuvre par une agence unique issue de la fusion de l'OMI, l'Office des migrations internationales. établissement public administratif qui emploie 471 agents, et du SSAE, le service social d'aide aux émigrants, association presque entièrement financée sur crédits d'Etat et qui, elle, emploie 435 salariés.

Ces deux organismes seront fusionnés au 1er avril 2004 pour donner naissance à une agence qui aura donc la responsabilité de l'ensemble des problèmes liés à l'accueil et à l'intégration.

Quant à la deuxième initiative, c'est l'achèvement de la décentralisation dans le domaine de la formation professionnelle.

Cette décentralisation, qui a été largement engagée avant l'arrivée de l'actuel gouvernement, sera achevée avec le transfert aux régions des crédits correspondant à la commande publique en matière de formation. Ces crédits seront dans un premier temps déconcentrés aux préfets de région, puis, progressivement, entre 2005 et 2008, intégralement transférés aux régions.

Enfin, troisième initiative, j'ai confié pour mission à Jean Marimbert d'étudier les moyens de rapprocher l'ensemble des acteurs du service public de l'emploi, notamment l'ANPE, l'UNEDIC et les services déconcentrés du ministère.

Je ne peux pas avant qu'il m'ait été remis vous dévoiler les conclusions de ce rapport pour la bonne raison que je ne les connais pas, mais je vous indique non seulement que la stratégie ministérielle de réforme de l'an prochain intégrera ces conclusions, mais aussi que j'aurai l'occasion de présenter un projet de loi dans le courant de l'année 2004 qui, comme le Premier ministre l'a annoncé, permettra la mise en oeuvre des propositions tendant à faire du service public de l'emploi un service assurant un suivi plus individualisé des chômeurs. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Louis Souvet, rapporteur pour avis.

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour le travail et l'emploi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget du travail que nous examinons aujourd'hui n'a plus rien à voir, au moins par sa dimension, avec celui de l'an passé.

Le doublement des crédits s'explique avant tout par un changement considérable de périmètre puisque le Gouvernement a fait le choix de rebudgétiser le FOREC.

Permettez-moi de revenir un instant sur ce point au travers, cette fois, du prisme de la politique de l'emploi.

D'abord, la réintégration du remboursement des allégements de charges sociales dans le budget du travail a l'immense mérite de nous permettre de cerner, dans son intégralité, l'effort budgétaire de l'Etat en faveur de l'emploi. Le budget du travail regroupera désormais la quasi-totalité des moyens affectés à la politique de l'emploi.

Ensuite, cette réintégration permettra de répondre au plus près des exigences de la loi du 25 juillet 1994, à laquelle la commission des affaires sociales est tout particulièrement attachée. Celle loi prévoit, je vous le rappelle, que toute exonération de cotisations sociales décidée par l'Etat doit être intégralement compensée à la sécurité sociale par le budget de l'Etat. Ce n'était pas le cas avec le FOREC, vous ne l'ignorez pas.

L'orientation d'une politique de l'emploi et des crédits qui lui sont consacrés doit d'abord être examinée au regard du contexte dans lequel elle s'inscrit. Or, ce contexte reste encore très préoccupant, même si l'année 2004 laisse entrevoir certains signes d'amélioration.

Vous le savez, mes chers collègues, le chômage est en augmentation continue depuis mai 2001. Cette dégradation du marché du travail tient très largement au retournement conjoncturel.

Cette hausse du chômage n'est pas propre à la France, mais elle est d'autant plus inquiétante que le chômage continue de se situer dans notre pays à un niveau comparativement élevé. Un seul pays de l'Union, l'Espagne, connaît un taux de chômage plus élevé que le nôtre, lequel demeure supérieur de 1,4 point à la moyenne européenne.

J'observe toutefois que le marché du travail résiste globalement mieux à la dégradation de la situation économique qu'il n'a pu le faire par le passé. Aujourd'hui, on estime généralement qu'une croissance de l'ordre de 1 % permet encore la création nette d'emplois. Il y a vingt ans, il nous fallait atteindre 2,5 % de croissance.

En ce sens, on peut dire que la croissance est devenue plus riche en emplois. Ce phénomène tient, à mon sens, très largement à la politique d'allégement du coût du travail menée depuis le début des années quatre-vingt-dix par la plupart des gouvernements successifs.

Je note aussi que la croissance du chômage n'empêche pas la persistance, dans certains secteurs, de réelles difficultés de recrutement. L'adéquation entre l'offre et la demande d'emploi est encore imparfaite. Le service public de l'emploi s'est pourtant déjà significativement mobilisé ces derniers mois, notamment à travers la mise en oeuvre du plan d'aide au retour à l'emploi, le PARE, ce qui a permis d'atténuer, pour partie, les effets du retournement conjoncturel. A cet égard, vous avez récemment annoncé, monsieur le ministe, votre intention de renforcer davantage encore la mobilisation du service public de l'emploi afin de réduire, dès 2004, de 100 000 le nombre d'emplois non durablement pourvus.

J'aimerais savoir - et ce sera ma première question - comment vous comptez atteindre cet objectif, au moment même où l'environnement du service public de l'emploi est appelé à évoluer.

Vous avez, en effet, déjà confié à M. Jean Marimbert - vous venez de le rappeler - la mission d'explorer les voies et moyens d'un meilleur partenariat entre les acteurs de la politique de l'emploi, le futur contrat de progrès entre l'ANPE et l'Etat pour les années 2004-2008 sera conclu d'ici à quelques semaines.

Pourriez-vous nous préciser en quoi ces initiatives participent à la réalisation de cet objectif ?

J'ai parlé du service de l'emploi. Permettez-moi, monsieur le ministre, de dire que l'on ne m'empêchera pas de trouver singulier que, à un moment où les crédits sont comptés, il ait été jugé utile de lancer une grande opération de rénovation de l'image de l'ANPE. L'étude préalable a certainement eu un coût ; il faut y ajouter les dépenses nécessaires à la modification des enseignes, des formulaires, des documents, que sais-je encore ? Créer une nouvelle identité visuelle était peut-être souhaitable, mais le moment était-il vraiment bien choisi ?

C'est dans ce contexte encore difficile, qui appelle à l'évidence une politique ambitieuse, qu'il convient d'apprécier le présent projet de budget. L'objectif du Gouvernement est clair et vous nous l'avez exposé en détail lors de votre audition par la commission des affaires sociales du Sénat, monsieur le ministre : il s'agit de réorienter la politique de l'emploi et l'effort budgétaire au profit de la création d'emplois dans le secteur marchand, afin d'anticiper le retour de la croissance et de rendre celle-ci le plus riche possible en emplois durables.

Cette réorientation a une traduction budgétaire immédiate, par la réallocation des moyens destinés au financement des actions en faveur des publics prioritaires.

En effet, si le nombre d'emplois reste globalement stable, le projet de budget pour 2004 comporte une réaffectation considérable des dotations, s'agissant en particulier de l'emploi des jeunes.

Ainsi, la montée en charge du dispositif des contrats-jeunes en entreprise se poursuivra à un rythme soutenu : 110 000 entrées dans le dispositif seront financées, ce qui fera plus que compenser les sorties du programme des emplois-jeunes. J'observe d'ailleurs que le projet de budget prévoit 25 millions d'euros de crédits pour financer des mesures nouvelles visant à aider les associations à pérenniser les emplois créés dans ce cadre.

Cependant, le projet de loi de finances institue surtout le CIVIS et lui affecte 94 millions d'euros, ce qui devrait permettre de financer un peu plus de 70 000 contrats en 2004. L'article 80 bis du projet de loi de finances, inséré à l'Assemblée nationale, donne une base légale à ce dispositif tout en confiant la responsabilité de sa gestion à la région.

S'agissant des autres contrats aidés s'adressant aux publics les plus en difficulté, la priorité porte clairement sur les contrats d'insertion dans le secteur marchand, parallèlement à la création du RMA.

Ainsi, les dotations budgétaires, telles que modifiées par l'Assemblée nationale, devraient permettre de financer 110 000 contrats initiative-emploi en 2004, soit 40 000 de plus qu'en 2003.

Par ailleurs, le Gouvernement poursuit le recentrage des CES et des CEC, les contrats emplois consolidés, au profit des publics les plus éloignés de l'emploi. L'objectif est de mieux moduler le niveau de l'aide en fonction des actions d'insertion réalisées par l'employeur et de ne recourir à ces contrats que lorsqu'aucune autre mesure du secteur marchand ne peut être valablement utilisée.

Toutefois, ce recentrage intervient au moment même où l'architecture générale du dispositif des contrats d'insertion va être sensiblement modifiée, notamment par l'instauration du contrat d'insertion-revenu minimum d'activité. Il est vrai que l'articulation entre ces différents contrats est loin d'être toujours très claire et que les résultats obtenus, en termes d'insertion professionnelle durable, sont, pour le moins, contrastés. Dans ce contexte en évolution, il a donc semblé à la commission des affaires sociales qu'il était temps de remettre un peu d'ordre dans notre palette d'instruments d'insertion. Plusieurs rapports récents, notamment celui qu'a remis voilà quelques mois au Premier ministre notre collègue Bernard Seillier, nous ont d'ailleurs confortés dans cette intention.

L'an passé, monsieur le ministre, vous nous aviez dit réfléchir à la « redéfinition de la gamme des outils utilisés par le service public de l'emploi pour lutter contre le chômage de longue durée ». Je crois que cela est en effet indispensable, et que nous devons nous interroger : quels contrats, pour quels besoins, avec quel accompagnement, quel niveau de participation financière et quel pilotage ?

Cela m'amène à ma deuxième question : quel bilan dressez-vous de l'articulation actuelle des différents contrats et où en êtes-vous aujourd'hui de votre réflexion, s'agissant notamment de la création éventuelle d'un « contrat unique d'insertion » ou d'un « contrat d'accompagnement généralisé » ?

Au-delà de cette révision de la gestion des contrats aidés, le présent projet de budget se caractérise par l'effort très important, qui représente 57 % des crédits, consacré aux mesures générales d'allégement du coût du travail et, dans une moindre mesure, à la création d'activité.

Je ne reviendrai que très brièvement sur ces mesures, puisqu'elles ne constituent ici que la traduction budgétaire de plusieurs lois récentes relatives à l'assouplissement du dispositif des 35 heures, à l'initiative économique, à l'outre-mer et à la rénovation urbaine.

Je me bornerai à constater que la forte hausse des crédits, qui atteint 1,4 milliard d'euros, répond à la fois à une exigence, à savoir compenser les effets sur le coût du travail de l'harmonisation des SMIC, et à un objectif, favoriser la création d'emplois, l'expérience récente et les études économiques ayant démontré l'efficacité de cet instrument.

A cet égard, j'observe que l'article 80 du projet de loi de finances, relatif aux conditions de cumul des différents allégements, s'il permet certes une substantielle économie de 500 millions d'euros, s'inscrit surtout dans la logique de la loi du 17 janvier 2003, qui tend à maximiser les effets des allégements de charges en les déconnectant de la réduction du temps de travail. Les conséquences de cette disposition devraient être supportables pour les quelque 100 000 entreprises concernées, puisque, comme vous nous l'avez indiqué, monsieur le ministre, lors de votre audition, la hausse du coût salarial devrait être relativement modeste, de l'ordre de dix euros par salarié et par mois.

Le dernier axe de ce projet de budget a trait à l'accompagnement des restructurations économiques.

A ce titre, les crédits inscrits au projet de budget du travail permettront le financement de trois séries de mesures.

La première d'entre elles est très directement liée aux restructurations de l'appareil productif, les crédits y afférents augmentant de près de 4 %. Si les dotations allouées au financement du chômage partiel diminuent légèrement compte tenu des perspectives d'amélioration de la conjoncture en 2004, les crédits destinés à la prévention des licenciements et au reclassement s'accroissent de 12 %. Cette augmentation prend notamment en compte le doublement du plafond de la participation de l'Etat au financement des cellules de reclassement, annoncé dès le mois de mars dernier.

A cet égard, je souhaite vous interroger, monsieur le ministre - ce sera là ma troisième question -, sur l'évolution récente de l'accompagnement social des restructurations. Avez-vous pu établir un premier bilan des « accords de méthode » institués en application de la loi du 3 janvier dernier ? Comment s'articulent les initiatives du Gouvernement - je pense ici, par exemple, à la création des « contrats de site » ou aux dispositions du projet de loi relatif à la formation tout au long de la vie et au dialogue social - et la négociation actuelle entre les partenaires sociaux sur les restructurations ?

La deuxième série de mesures regroupe les mesures d'âge, pour lesquelles les crédits affectés diminueront de 25 %. Cette évolution est cohérente avec nos engagements européens en faveur d'une augmentation du taux d'activité des salariés âgés et avec les dispositions de la loi du 27 août 2003 portant réforme des retraites.

La troisième série de mesures concerne le financement du régime de solidarité. L'Etat y consacre déjà globalement 2,5 millards d'euros, au bénéfice de 430 000 demandeurs d'emploi, et les crédits budgétaires devraient croître de 9 % en 2004. Cette évolution prend en compte la forte progression attendue du nombre des bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, sous l'effet, en particulier, des mesures de redressement décidées par les partenaires sociaux.

Parallèlement, le Gouvernement a décidé de réformer le régime de l'ASS. Vous avez choisi, monsieur le ministre, d'inscrire votre action dans une logique d'« activation des dépenses d'indemnisation du chômage », comme l'ont fait les partenaires sociaux lorsqu'ils ont institué le plan d'aide au retour à l'emploi. Vous soumettez, certes, le maintien du bénéfice de l'ASS à certaines conditions, mais vous offrez davantage d'outils d'insertion, notamment par l'augmentation du contingent de CIE ou par l'accès prioritaire aux CES.

Sur ce point - ce sera ma dernière question -, vous avez laissé entendre que cette réforme s'accompagnerait de mesures visant notamment à favoriser l'insertion professionnelle des allocataires de l'ASS. Puisque la logique de cette réforme est justement de favoriser le retour à l'emploi, pourriez-vous nous préciser le contenu des mesures d'accompagnement envisagées par le Gouvernement ?

En conclusion, la commission des affaires sociales considère que ce projet de budget autorisera, par l'ensemble de ses aspects, la mise en oeuvre de la stratégie retenue par le Gouvernement, qui est du reste celle qu'elle appelait de ses voeux depuis plusieurs années.

La réorientation de la politique de l'emploi vers la création d'emplois dans le secteur marchand intervient dans un contexte que nous savons difficile, mais ce choix nous a semblé le mieux à même de permettre d'anticiper et d'accompagner la reprise de la croissance pour rendre celle-ci créatrice d'emplois durables. Aussi la commission a-t-elle émis un avis favorable à l'adoption des crédits du travail pour 2004 et des deux articles, 80 et 80 bis, qui leur sont rattachés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Bocandé, rapporteure pour avis.

Mme Annick Bocandé, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales pour la formation professionnelle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'année 2004 s'annonce décisive pour notre système de formation professionnelle, et nous ne pouvons que nous en réjouir.

En effet, la commission des affaires sociales dénonçait depuis longtemps la trop lente évolution de ce secteur. Il est indispensable de maintenir un dispositif de formation des actifs performant, sinon la politique de l'emploi en pâtira, la compétitivité de notre économie sera affaiblie et la démocratie sociale se trouvera fragilisée.

Fort heureusement, notre pays est à la veille de la réforme historique d'un système datant de trente ans. Cette réforme, engagée en 1983 avec les premières lois de décentralisation, se poursuivra en 2004 avec l'entrée en vigueur de deux nouveaux textes d'une importance déterminante : la loi relative aux responsabilités locales et la loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, issue de l'accord interprofessionnel conclu entre l'ensemble des partenaires sociaux le 20 septembre 2003.

Ainsi, la réorganisation du système de formation professionnelle est en bonne voie. Elle doit notamment permettre de remédier aux dysfonctionnements que la commission des affaires sociales a souhaité rappeler.

A cet égard, la question de la répartition des compétences reste problématique. En effet, bien que la région ait été clairement désignée par les lois de 1983 comme le pilote du système, la situation n'est toujours pas clarifiée. Il ressort de cette confusion généralisée que, quelle que soit la formation visée, les compétences demeurent partagées entre l'Etat, les collectivités territoriales et les partenaires sociaux.

Mais c'est surtout la multiplication des organismes de formation qui nous a interpellés. En effet, on relève que, depuis 1994, leur nombre a doublé, de telle sorte que, à l'heure actuelle, pas moins de 67 000 organismes, privés et publics, spécialisés ou généralistes, employant plus de 140 000 formateurs, prolifèrent sur un marché où les contrôles sont rares, alors que seuls 8 000 d'entre eux exercent une activité de formation à titre principal.

Enfin, en ce qui concerne le mode de financement, sa complexité a contribué à la perte d'efficacité du système. Dans la plupart des Etats européens, le financement de la formation à la charge des entreprises repose sur une obligation conventionnelle et non légale, leur permettant une plus grande souplesse dans l'allocation des fonds.

Dans notre pays, le choix d'une obligation financière a été fait en 1971, sans qu'il se traduise nécessairement par une obligation de formation. Il en a résulté une pluralité de réseaux collecteurs concurrents et un affaiblissement de la mutualisation des fonds entre les différents dispositifs de formation.

A ce jour, le bilan de la formation professionnelle en France paraît mitigé aux yeux de la commission des affaires sociales. Deux éléments peuvent illustrer cette appréciation : d'une part, la baisse régulière de la dépense globale de la nation, c'est-à-dire de l'ensemble des financeurs, en faveur de la formation, d'autre part - j'aimerais insister davantage sur ce point -, les inégalités en matière d'accès à la formation.

En effet, un ouvrier non qualifié a trois fois moins de chances de pouvoir se former qu'un cadre. En outre, dans les entreprises de moins de vingt salariés, seuls 10 % de ceux-ci peuvent suivre une formation, contre 50 % dans les entreprises de plus de cinq cents salariés. Enfin, le taux d'accès à la formation, supérieur à 36 % pour la tranche d'âge de 35 ans à 45 ans, ne s'élève plus qu'à 31 % pour les personnes âgées de 50 ans à 54 ans et tombe à 20 % pour les salariés âgés de 55 ans et plus.

A l'heure où l'on parle de relancer l'emploi des seniors, la commission des affaires sociales regrette que les salariés les plus âgés de l'entreprise ne soient pas mieux préparés à entreprendre une « seconde carrière ».

Dans ce contexte, le projet de loi de finances pour 2004 apparaît comme le dernier acte de la vie d'un système de formation devenu obsolète, mais également comme le préambule à la mise en place d'un nouveau dispositif. Pour ces motifs, on peut le qualifier de projet de budget de transition.

Pour 2004, les crédits de la formation professionnelle, qui s'élèvent à 4,6 milliards d'euros, baisseront d'environ 1 % par rapport à 2003. Cependant, il faut préciser que ce montant ne représente que 22 % de la dépense globale consentie par l'ensemble des financeurs, et que la présentation de ce projet de budget est bouleversée cette année en raison des transferts aux régions, du fait de la décentralisation, et aux budgets « solidarité » et « travail » du ministère des affaires sociales.

En revanche, nous avons observé, durant l'année, plusieurs mouvements financiers conduisant à l'annulation de 33,5 millions d'euros de crédits, à la mise en réserve de 47 autres millions d'euros et au gel de 252 millions d'euros de reports. Ce sont autant de crédits retirés des dotations que nous avions précédemment votées.

Ce constat regrettable m'amène à vous poser, monsieur le ministre, une première question : au moment où l'augmentation du taux de chômage devrait placer la formation des actifs au rang de vos priorités, comment expliquer de telles annulations, et quelles lignes budgétaires ont été plus particulièrement affectées par ces économies ?

Cela étant, la commission des affaires sociales a également relevé trois points positifs dans votre projet de budget pour 2004.

En premier lieu, les contrats de formation en alternance resteront des outils privilégiés de la politique de formation professionnelle du Gouvernement. La baisse de près d'un tiers des crédits affectés à la formation en alternance de 2003 à 2004 n'est, en effet, qu'apparente, car elle résulte, en réalité, du transfert aux régions de plus de 450 millions d'euros de crédits destinés à l'apprentissage, de la révision de la base forfaitaire de calcul des cotisations sociales à partir du 1er janvier prochain et du ralentissement du rythme des créations d'emplois, donc des embauches au titre de la formation en alternance. Le nombre de celles-ci a été cette année inférieur de 4 % aux prévisions.

Aussi, comptant sur le retour annoncé de la croissance, affichez-vous, monsieur le ministre, pour 2004, une augmentation de 10 % des flux d'entrée dans la formation en alternance, ce qui est une excellente décision, car la formation en alternance constitue le moyen d'insertion professionnelle le plus performant. Il suffit, pour s'en convaincre, de se reporter aux bons chiffres de l'année 2002 : vingt-sept mois après leur sortie d'un dispositif de formation en alternance, 85 % des jeunes formés par ce biais disposaient d'un emploi, contre moins de 60 % des bénéficiaires d'un contrat emploi-solidarité.

La formation en alternance est aujourd'hui en mutation. D'ores et déjà, à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif aux responsabilités locales, la commission des affaires sociales a proposé au Sénat, qui l'a suivie, la simplification du régime de la prime d'apprentissage et le renforcement de la compétence des régions en la matière. Au début de l'année prochaine, nous serons aussi appelés, lors de l'examen du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, à nous prononcer sur la nouvelle réforme de l'apprentissage et sur la mise en place d'un contrat de professionnalisation qui remplacera, dès le mois de juillet prochain, tous les contrats de formation en alternance existants. Ces éléments expliquent que M. le ministre ait annoncé, devant la commission des affaires sociales du Sénat, une éventuelle adaptation de ces crédits, en cours d'année, en fonction des modifications qui seront apportées au dispositif.

En deuxième lieu, la poursuite des actions de formation à la charge de l'Etat est une autre priorité qui se dégage de l'examen de ce projet de budget.

En matière de chômage, la barre symbolique des 10 % est en passe d'être franchie. Malgré la décentralisation future des actions de formation à destination des chômeurs, le Gouvernement assumera pleinement sa responsabilité dans ce domaine en 2004. Il prévoit ainsi une hausse de près de 6 % du montant des crédits relatifs à la formation des demandeurs d'emploi dont il a la charge.

Cette importante progression est due à deux facteurs.

Le premier tient à la revalorisation des dépenses de rémunération, notamment de celles qui sont consacrées aux allocations de formation, lesquelles progresseront de 36,5 % sous l'effet de la remontée du chômage. Par souci de transparence et d'efficacité, le Gouvernement a choisi d'harmoniser la rémunération des stagiaires de la formation, qu'ils soient ou non demandeurs d'emploi, et d'encourager les chômeurs à entrer le plus tôt possible dans un dispositif de formation. La commission des affaires sociales considère que cette réforme est judicieuse et fondée.

Le second facteur à l'origine de l'augmentation de la participation financière de l'Etat à la formation des chômeurs est lié aux dépenses de fonctionnement. Ainsi, les dotations relatives à la validation des acquis de l'expérience seront augmentées de 22 % pour 2004. L'an dernier, près de 150 000 personnes ont été candidates à l'obtention d'une certification professionnelle sanctionnant leurs années d'expérience. Ce succès grandissant a poussé le Gouvernement à favoriser la montée en charge de ce dispositif, en particulier dans les territoires marqués par la mise en oeuvre de plans sociaux importants.

En revanche, la commission des affaires sociales a observé que les dotations consacrées à la lutte contre l'illettrisme font l'objet d'une simple reconduction, à hauteur de 10 millions d'euros.

Or, dans notre société du savoir, l'illettrisme est un fléau trop peu souvent évoqué, voire « tabou », alors que ce phénomène touche encore 10 % de la population et même 30 % de la population carcérale. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser les intentions du Gouvernement en matière de lutte contre l'illettrisme des adultes ?

En troisième lieu, le dernier axe de ce projet de budget consiste en l'affirmation du rôle pilote de la région en matière de formation professionnelle. Les transferts de compétences successifs se sont traduits par une dotation de décentralisation d'un montant sans précédent de 1,8 milliard d'euros, soit une hausse de 34 % par rapport à 2003.

Ainsi, trois transferts importants de crédits aux régions seront effectués en 2004.

Il s'agit d'abord de la prime d'apprentissage, pour un montant de 454 millions d'euros.

Ensuite, le transfert de la gestion des deux nouveaux volets du CIVIS, intitulés « accompagnement vers l'emploi » et « création ou reprise d'entreprise », ainsi que de l'accompagnement personnalisé des jeunes visés par le programme TRACE, représente un montant de 36 millions d'euros.

Il s'agit, enfin, du relèvement de la compensation, au profit des régions, de la revalorisation des barèmes de rémunération des stagiaires.

En ce qui concerne l'AFPA, d'ici au 31 décembre 2008, les régions deviendront ses principaux donneurs d'ordre, conformément aux dispositions du projet de loi relatif aux responsabilités locales. Pour l'année 2004, les crédits consacrés à cette association resteront stables, à hauteur de 713 millions d'euros, avant d'être progressivement transférés aux régions dans le cadre du contrat de progrès pour 2004-2008.

Concernant précisément les transferts de charges, je souhaiterais, monsieur le ministre, attirer votre attention sur les conditions dans lesquelles sont accordées aux régions les dotations de l'Etat. Celles-ci doivent, selon le code général des collectivités territoriales, compenser les charges nouvelles des régions en prenant en compte leurs besoins socioéconomiques.

Dans son rapport public de 2000, la Cour des comptes a d'ailleurs souligné cette nécessité de moduler les dotations transférées en fonction de la situation économique de chaque région. Or, on constate que la répartition des transferts opérés jusqu'à présent n'a pas toujours correspondu aux besoins répertoriés dans chacune des régions. Pour les prochains transferts budgétaires devant résulter de l'application de la future loi relative aux responsabilités locales, comment pensez-vous, monsieur le ministre, remédier à cette situation ?

En conclusion, à un moment où la formation est en pleine mutation, et malgré les quelques réserves exprimées, la commission des affaires sociales se réjouit que le Gouvernement ait su présenter un projet de budget équilibré.

Réaliste, ce projet de budget maintient la formation en alternance au coeur de la politique de l'emploi.

Pragmatique, il anticipe la hausse des demandes de formation des chômeurs.

Efficace, il compense les transferts de charges aux régions par des transferts de crédits importants.

Par conséquent, la commission des affaires sociales propose au Sénat d'adopter les crédits de la formation professionnelle pour 2004. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre. Après avoir remercié M. Souvet et Mme Bocandé de leur rapport, je vais maintenant répondre à leurs questions, comme le veut la procédure en vigueur au Sénat.

Vous m'avez interrogé sur les offres d'emploi non satisfaites et sur le programme que j'ai annoncé afin d'en réduire le nombre de 100 000.

Je pense que chacun en conviendra, il est anormal que, dans notre pays, le chômage augmente tandis que le stock d'offres d'emploi non satisfaites reste à un niveau élevé.

J'ai donc souhaité mettre en oeuvre une série d'actions à l'échelon tant local que national pour réduire ce stock d'offres non staisfaites.

A l'échelon local, nous allons définir des plans d'action régionaux pour déterminer, dans chaque région, les trois ou quatre métiers dans lesquels les offres d'emploi ont le plus de difficultés à obtenir des réponses. Avec l'aide du service public de l'emploi, nous mettrons en place un diagnostic visant à objectiver les difficultés de recrutement et à en déterminer les causes.

Nous allons impliquer directement les entreprises locales dans le processus de résolution de leurs difficultés, et nous nous appuierons sur le développement d'une offre de services qui favorise une meilleure adéquation des compétences des demandeurs d'emploi aux opportunités d'emploi.

Enfin, nous allons chercher à mettre en oeuvre de manière plus ordonnée les engagements propres de chacun des acteurs, l'Etat, les collectivités territoriales, bien entendu les régions, mais aussi les partenaires sociaux, à travers les OPCA, les organismes paritaires collecteurs agréés, et les ASSEDIC.

A l'échelon national, nous allons mettre en place des actions d'incitation avec les branches professionnelles qui rencontrent des difficultés particulières. Un accord a déjà été signé entre l'ANPE, l'AFPA et la FFB, la Fédération française du bâtiment, le 6 novembre dernier.

Il en ira de même dans les domaines du bâtiment, du service aux personnes, de l'aide à domicile, du tourisme, des hôtels, cafés et restaurants, des métiers de bouche, du transport, de la métallurgie, etc., pour prendre les exemples les plus évidents.

Avec le ministère de l'éducation nationale et l'UNEDIC, nous sommes en train de mettre en place, en liaison avec les conseils régionaux, une offre supplémentaire de formation aux métiers dans lesquels la tension est plus forte.

M. Louis Souvet m'a interrogé sur les perspectives de mise en oeuvre du contrat unique d'insertion et sur l'articulation de ce nouveau dispositif avec le revenu minimum d'activité.

J'ai annoncé à plusieurs reprises devant le Sénat mon intention de fusionner les CES et les CEC dans un seul dispositif d'accompagnement, qui serait dénommé « contrat unique d'insertion ». Il ne s'agit pas seulement de rassembler deux dispositifs dans un seul, il s'agit, en réalité, de mieux orienter ces contrats aidés pour qu'ils répondent aux besoins des personnes les plus en difficulté. Dans le cadre de cette unification, les obligations des employeurs en matière de formation et d'accompagnement des personnes qu'ils accueillent seront sensiblement renforcées.

Il faut vraiment faire des CES et des CEC un outil d'insertion des publics en difficulté, et non pas un outil utilisé très largement pour réduire les statistiques du chômage. Les axes de modernisation des CES et des CEC tiendront compte évidemment des propositions contenues dans le rapport de M. Bernard Seillier.

Il est vrai que la décentralisation du RMI et la mise en place du RMA nous a conduits à différer de quelques mois la création du contrat unique d'insertion afin d'inscrire les différentes réformes dans un calendrier progressif. Je compte bien cependant réaliser l'unification des deux contrats dans le cadre des mesures de simplification administrative du droit du travail qui sont prévues par la deuxième ordonnance de simplification en cours d'élaboration.

Il s'agit bien de moderniser et de simplifier les outils d'aide au retour à l'emploi avec la création d'un contrat unique d'insertion et la création du revenu minimum d'activité, outil original mêlant à la fois l'insertion et le travail qui permettra aux conseils généraux de disposer d'un outil d'insertion professionnelle venant en complément des moyens propres aux services publics de l'emploi et d'être pleinement responsables des actions d'insertion des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion.

S'agissant de la gestion des restructurations, nous avons mis en place en 2002 des mesures de court terme, que M. Souvet a d'ailleurs rappelées, pour limiter les conséquences sociales et territoriales des plans sociaux. Nous avons doublé le plafond des cellules de reclassement, mis en place les contrats de site pour les bassins les plus en crise. Ces contrats de site ont été négociés ou sont en cours de négociation et de mise en oeuvre.

Ces mesures répondent à des préoccupations de court terme. Elles correspondent à des situations dans lesquelles les entreprises concernées n'avaient pas les moyens de financer le plan social et où l'Etat a assuré l'accompagnement social et territorial.

Une négociation est en cours depuis maintenant plusieurs semaines entre les partenaires sociaux sur la question de la gestion des restructurations.

Je voudrais d'abord faire remarquer que, même si elle est difficile, cette négociation a lieu. Nous avons entendu à plusieurs reprises, ici notamment, des avertissements sur le fait que les partenaires sociaux n'accepteraient pas de discuter de questions aussi difficiles. En réalité, les partenaires sociaux sont responsables et ils ont accepté de mettre sur la table des sujets très difficiles.

Certes, nous avons pu constater à travers les échos qu'en donne la presse que, pour le moment, ces discussions n'ont pas débouché sur une proposition d'accord. Je profite de l'occasion pour m'adresser aux partenaires sociaux et leur dire que, à l'instar de ce qui a eu lieu pour la formation professionnelle, nous souhaitons qu'ils puissent se mettre d'accord et que, si tel n'était pas le cas, le Gouvernement proposerait un projet de loi sur ce sujet. Il faudrait qu'au début de l'année 2004 il y ait des avancées significatives dans la négociation.

Ces avancées pourraient s'inspirer des accords de méthode qui ont été réalisés dans de nombreuses entreprises et qui constituent un succès réel, à la fois, sur le plan quantitatif - puisque de très nombreux accords ont été réalisés - et sur le plan qualitatif. La signature de ces accords permet souvent d'obtenir un cadre plus adapté, qui facilite le dialogue et la recherche de solutions dans l'intérêt de tous.

M. Souvet m'a enfin interrogé sur la réforme de l'ASS et sur les mesures d'accompagnement envisagées.

Je rappelle que le Gouvernement a souhaité renforcer le choix fait initialement par la majorité d'une insertion durable et du retour à l'emploi contre celui du maintien dans l'assistance sans perspective de réinsertion.

C'est dans ce contexte que nous avons décidé de la réforme de l'allocation de solidarité et notamment de la limitation de son versement.

Nous avons prévu de donner à ceux qui sortiront de l'ASS un accès privilégié aux contrats aidés de l'Etat. Des dispositions réglementaires vont être prises en application de la loi portant décentralisation du RMI et création du RMA. Ces dispositions prévoiront une éligibilité immédiate au RMA pour les sortants de l'ASS qui entrent dans le dispositif du RMI.

Pour les autres, un article 40 bis A, adopté par voie d'amendement lors de l'examen de la loi par l'Assemblée nationale, dispose qu'ils bénéficieront en priorité d'un CES ou d'un CIE.

Avant même le vote de cet amendement, le budget consacré au financement des CIE avait prévu d'augmenter le nombre de places proposées à ces publics, soit 30 000 CIE supplémentaires, réservés prioritairement aux sortants de l'ASS.

Enfin, je crois savoir que le Sénat a adopté, la nuit dernière, un amendement qui prévoit de proroger l'ASS si certaines conditions, permettant de vérifier que l'allocataire est entré dans un processus de recherche active d'emploi, sont réunies.

Mme Bocandé m'a interrogé sur l'impact de la régulation pour les crédits de formation professionnelle.

Il est vrai que nous avons dû subir deux annulations sur le chapitre « financement de la formation professionnelle » : une annulation de 23,5 millions d'euros en mars et une autre de 114,64 millions d'euros dans le cadre du décret d'avances sur l'hébergement, en octobre. Ces annulations ont tiré les conséquences de l'évolution des entrées en 2003 dans les différents dispositifs et notamment les contrats d'apprentissage.

En ce qui concerne les actions plus spécifiques - la politique contractuelle, la formation des ingénieurs, l'illettrisme, les politiques en direction des détenus, les nouvelles technologies -, la totalité du programme prévu en loi de finances initiale a pu être respectée.

Enfin, les mises en réserve opérées dans le cadre de la régulation budgétaire ont été entièrement levées au 15 octobre dernier. On peut dire, en définitive, que la régulation budgétaire ainsi que les annulations ne se sont pas traduites par une remise en cause des orientations et des moyens du ministère en matière de formation professionnelle.

J'en viens aux observations de la Cour des comptes préconisant de fixer la dotation de décentralisation en fonction des critères socio-économiques. Il est exact qu'une partie des dotations de décentralisation ne prennent pas en compte cette situation socio-économique de la région.

Cependant, je voudrais faire remarquer que, pour la moitié de la dotation environ, et en particulier pour les primes d'apprentissage, qui ont été récemment décentralisées, les critères pris en compte sont le niveau de qualification de la population et le niveau du chômage. Il s'agit bien de critères permettant d'ajuster ces dotations à l'environnement socio-économique.

Le transfert de la dotation relative au CIVIS prend en compte les remarques de la Cour des comptes, et le Gouvernement va vous présenter un amendement visant à répartir la dotation entre les régions en fonction du nombre de jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans et de leur situation à l'égard du marché du travail.

S'agissant de l'illettrisme, je voudrais donner quelques informations à Mme Bocandé afin d'apaiser ses inquiétudes.

La politique de lutte contre l'illettrisme a concerné 23 000 personnes en 2002, contre 19 500 en 2001, soit une hausse d'environ 18 %. Le public bénéficiaire est à 60 % féminin ; 85 % des stagiaires ont un niveau de formation inférieur au niveau 5 ; enfin, les trois quarts des bénéficiaires sont des demandeurs d'emplois, 10 % sont inactifs et 10 % environ occupent un emploi.

Les dispositifs permanents construits dans de nombreuses régions fonctionnent d'abord sur le principe d'universalité d'accès et de modalité d'entrée-sortie permanente et permettent ainsi à tout public en situation d'illettrisme d'accéder aux formations conventionnées. Ces dispositifs prennent en compte les dimensions sociales, professionnelles et culturelles de la lutte contre l'illettrisme par un partenariat avec les acteurs locaux, les conseils régionaux, les conseils généraux, le service public de l'emploi, l'action sociale, l'action culturelle, la politique de la ville et les entreprises.

Pour l'année 2004, nos priorités sont les suivantes : structurer un dispositif d'information en direction du public et des institutions d'accueil, outiller le réseau d'accueil jeune et les agences locales pour l'emploi en vue d'un premier repérage de difficultés ; développer la qualité des prestations par le recours accru aux nouvelles technologies et à la formation à distance ; enfin, développer une offre de formation locale en direction des salariés de bas niveau de qualification dans le cadre, notamment, de partenariats avec les OPCA ou avec les entreprises.

Nous menons cette action en étroite collaboration avec l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme, pour la prévention, le repérage et la qualité des outils et de l'offre de formation.

Il me reste a répondre à M. Souvet sur la question qu'il m'a posée à propos du nouveau logo de l'ANPE.

Monsieur Souvet, je considère que le Gouvernement n'a pas à se mêler de la politique d'animation et de gestion interne de l'ANPE, qui relève de la mobilisation de l'ensemble de l'agence. On peut émettre tous les jugements qu'on veut sur le sujet. Pour ma part, je considère que le Gouvernement doit s'en tenir à la responsabilité qui est la sienne. Nous avons engagé un dialogue avec l'ANPE dans le cadre de la mise en place de son contrat de progrès. Mais c'est au directeur de l'ANPE, qui a d'ailleurs présenté son projet au conseil d'administration, où siègent tous les représentants des partenaires sociaux, de prendre les initiatives en termes d'organisation interne. (M. Roland Muzeau s'exclame.)

M. le président. Nous passons aux questions des orateurs des groupes.

Je rappelle que chaque intervenant dispose de cinq minutes maximum pour poser sa question, que le ministre dispose de trois minutes pour répondre et que l'orateur dispose d'un droit de réplique de deux minutes maximum.

La parole est à M. Gilbert Chabroux.

M. Gilbert Chabroux. Monsieur le ministre, la priorité absolue de votre ministère devrait être la lutte contre le chômage.

Le chômage est à nouveau la première préoccupation des Français.

La situation est alarmante, elle se dégrade très vite. Les derniers chiffres font état d'une forte augmentation de 1 %, en septembre. En un an, cela fait 160 000 chômeurs de plus. Le taux de chômage atteint maintenant 9,7 % de la population active.

Dans ce contexte, la progression du chômage des jeunes est encore plus préoccupante. En septembre, sur les 25 300 demandeurs d'emploi supplémentaires, 20 600 avaient moins de vingt-cinq ans, soit 5,1 % de plus qu'au mois précédent. Les premières entrées, qui concernent essentiellement les jeunes sortant du système scolaire, ont bondi de 18 %.

Le chômage des moins de vingt-cinq ans atteint 21,2 % en moyenne nationale, ce qui implique des poches de chômage beaucoup plus graves. Il est évident, et le ministère le reconnaît, que la fin des emplois-jeunes y est pour beaucoup, de même que les suppressions de crédits aux dispositifs d'insertion. Il reste encore malgré tout un peu plus de 100 000 titulaires d'emplois-jeunes dont les contrats ne sont pas arrivés à leur terme. Qu'en sera-t-il après ? Les perspectives paraissent bien sombres.

Le contrat jeune en entreprise, qui traduit la volonté du Gouvernement de miser sur le secteur marchand, ne répond pas aux espoirs que vous aviez placés en lui. Selon les prévisions du ministère des finances, il ne permettrait que 40 000 créations nettes d'emplois sur 245 000 contrats prévus à la fin de 2004. C'est le ministère des finances qui le dit.

Les employeurs reconnaissent eux-mêmes que ces contrats représentent un effet d'aubaine. Selon l'Observatoire français des conjonctures écononomiques, pour 80 000 contrats signés en août dernier, il n'y aurait eu que 20 000 chômeurs en moins, les 60 000 autres étant déjà sur d'autres types de contrats non aidés ou moins avantageux pour l'employeur. Un tiers d'entre eux étaient déjà dans l'entreprise qui a conclu le contrat.

Quant au CIVIS, il n'a pas encore « décollé ». Il demeure tout à fait marginal, avec 3 000 contrats signés en 2003 et 8 000 contrats espérés en 2004.

Il est vrai que des CIVIS sous la responsabilité des régions, avec un accompagnement vers l'emploi ou destinés à la création d'entreprises, vont voir le jour en 2004.

Ce deuxième volet du CIVIS permettrait d'assurer la transition avec le programme TRACE, trajet d'accès à l'emploi. Quel intérêt y-a-t-il alors à supprimer le programme TRACE pour le remplacer par une autre formule si l'objectif est à peu près le même ?

Mais il ne faut sans doute pas oublier les finances de l'Etat et l'intérêt pour celles-ci de transférer le dispositif aux régions, y compris ce qui relevait de la solidarité nationale. Une fois de plus, se pose le problème du transfert du financement. On en revient au débat sur le projet de loi relatif aux responsabilités locales.

Ce nouvel exemple de transfert illustre bien la politique que conduit le Gouvernement, c'est-à-dire le désengagement de l'Etat à l'égard de tout ce qui relevait de la solidarité nationale et la volonté d'en transférer la charge aux collectivités territoriales. Il montre également l'embarras du Gouvernement en présence de populations en grande difficulté, dont les problèmes ne peuvent être résolus, dans le cadre de l'économie marchande, à grand renfort d'exonérations patronales.

En l'espèce, sous couvert de simplification, les régions deviennent responsables des actions en faveur des jeunes les plus démunis, ce qui excède largement leur compétence en matière de formation professionnelle.

L'engagement européen de limitation des déficits publics, d'une part, et la décentralisation, d'autre part, ne risquent-ils pas d'être utilisés à des fins nettement anti-sociales ?

Monsieur le ministre, quelles sont vos véritables intentions par rapport à la situation difficile, parfois désespérée, dans laquelle se trouvent de nombreux jeunes confrontés au chômage ? Quelle est votre politique ? Quels sont les moyens ? Y-a-t-il une réelle volonté de lutter contre le chômage des jeunes ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre. Nous avons trouvé, en arrivant aux affaires, une situation gravement dégradée sur le plan économique et au regard de l'emploi. Le chômage a régulièrement augmenté à partir de 2001.

Or nous savons désormais qu'au troisième trimestre de 2003 l'emploi dans le secteur marchand est stable. Nous savons également que la croissance a été de 0,4 % durant la même période, c'est-à-dire que nous sommes maintenant sur une tendance de 1,6 % à 2 % de croissance pour l'année prochaine.

Par ailleurs, il est établi que les mesures d'allégement de charges que nous avons prises ont permis d'abaisser à un point de croissance le niveau au-delà duquel l'économie française crée des emplois.

Autrement dit, il est clair que nous arrivons à la fin de cette période d'augmentation du chômage, dont la responsabilité n'incombe d'ailleurs pas au gouvernement précédent : elle a résulté d'une situation économique internationale défavorable.

Il reste que cette augmentation du chômage n'a été enrayée ni par les mesures de partage du temps de travail ni par la création massive d'emplois précaires dans le secteur public.

Nous considérons que ces politiques ont échoué, en particulier parce qu'elles n'ont pas permis une insertion professionnelle durable des jeunes. Tout le monde constate que, dans les années qui viennent, ni les collectivités locales ni l'Etat ne seront en mesure de créer des centaines de milliers d'emplois supplémentaires pour accueillir tous les jeunes qui entrent dans les dispositifs de type contrats jeunes. A l'avenir, une politique de même modération fiscale des collectivités locales et de l'Etat se mettra nécessairement en place, qui conduira à une modération dans la création d'emplois publics.

En Europe, notre pays est l'un de ceux qui a le plus d'emplois publics. Or il se situe dans un espace européen commun, où les économies sont interdépendantes. Nous n'aurons donc pas d'autre choix que celui d'être, sur ce sujet, attentifs et rigoureux.

C'est, par conséquent, dans le secteur marchand que réside l'essentiel des possibilités d'insertion professionnelle.

Le contrat jeune en entreprise que nous avons créé est un contrat à durée indéterminée, il ne faut jamais l'oublier. On peut raconter tout ce que l'on veut sur les effets d'aubaine, on peut dire que c'est un dispositif avantageux pour les entreprises, mais c'est aussi un dispositif avantageux pour les salariés ! Si les jeunes qui sont entrés dans ce dispositif n'étaient pas auparavant au chômage, ils occupaient le plus souvent des emplois précaires dans les entreprises, avec des contrats à durée déterminée, ou étaient en apprentissage. Désormais, ils ont un véritable contrat à durée indéterminée.

Notre objectif est de 300 000 contrats jeunes à la fin de 2005. Nous en avons enregistré 90 000 en 2003, nous en prévoyons 110 000 en 2004. En 2005, le nombre de 300 000 sera atteint. Ce nombre est d'ailleurs supérieur à celui des emplois-jeunes. Or le coût d'un contrat jeune est inférieur au quart de celui d'un emploi-jeune.

Ainsi, non seulement le contribuable est gagnant, mais les bénéficiaires de ces contrats sont insérés professionnellement de manière durable.

Cette politique ne nous a pas amenés pour autant à abandonner les emplois d'utilité sociale, notamment via le CIVIS. M. Chabroux a dit que celui-ci n'avait pas encore « décollé ». Il n'y a là rien d'étonnant puisque les dispositions permettant de le créer vous sont proposées dans le présent projet de loi de finances !

Le CIVIS présente d'abord l'avantage de regrouper les dispositifs qui existaient précédemment, en particulier pour venir en aide aux jeunes en très grande difficulté. En outre, il permet de mettre en oeuvre un partenariat avec les régions, qui sont compétentes dans ce domaine, notamment en matière de formation professionnelle. C'est ce qui explique que nous ayons voulu reconvertir le programme TRACE dans le CIVIS.

Enfin, M. Chabroux a certainement noté que, dans le projet de loi de finances, le Gouvernement a présenté un amendement permettant de compenser intégralement aux régions la création du CIVIS. M. Chabroux devrait être ainsi pleinement rassuré.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux.

M. Gilbert Chabroux. Monsieur le ministre, votre réponse est insuffisante.

Vous avez une fois de plus évoqué la situation que vous avez trouvée. Mais cela fait un an et demi que l'on nous parle de l'« héritage » ! Il faudrait assumer vos choix politiques. Cela étant, vous ne les cachez pas : pour vous, seul compte le secteur marchand. D'où le contrat jeune en entreprise.

A vos yeux, toutes les mesures qui ont été prises précédemment - les emplois-jeunes, la réduction du temps de travail, etc. - n'ont servi à rien.

Je voudrais simplement vous répondre sur les chiffres. J'ai l'impression que vous vous attaquez aux statistiques du chômage. Tout ce que vous décidez concernant l'ASS, le RMI, le RMA, ne vise qu'à vous permettre de réduire les chiffres. Il faut quand même se rappeler que, pendant la législature précédente, deux millions d'emplois ont été créés et que le nombre des demandeurs d'emplois a diminué de près de un million. Il suffit de faire la comparaison !

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heure trente, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)