Art.  additionnels avant l'art. 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif au divorce
Art. 2

Article 1er

L'article 229 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 229. - Le divorce peut être prononcé en cas :

« - soit de consentement mutuel ;

« - soit d'acceptation du principe de la rupture du mariage ;

« - soit d'altération définitive du lien conjugal ;

« - soit de faute. »

M. le président. L'amendement n° 111, présenté par M. About et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« - soit de minorité du demandeur au divorce à la date du mariage. »

La parole est à Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier. Important, cet amendement l'est tout particulièrement, puisqu'il est relatif au divorce des mineurs et, plus précisément, aux mariages forcés des mineurs. Il s'agit d'introduire un nouveau cas de divorce, au terme d'une procédure simple, au bénéfice de personnes qui, mineures lors de leur mariage - il y en a, malheureusement - ont été mariées contre leur volonté. Elles doivent pouvoir divorcer sans contrainte. Certes, il existe une procédure d'annulation, mais elle est complexe. Il faut, en effet, rapporter la preuve que le consentement a été vicié, ce qui est difficile, surtout lorsque les événements ont eu lieu alors que la personne concernée n'était encore qu'adolescente.

Voilà pourquoi nous proposons que la personne mariée alors qu'elle était mineure puisse demander le divorce sur ce seul fondement. La minorité dûment prouvée, ce qui ne représente pas de difficulté particulière, suffira à fonder le divorce.

Dans le cas d'un mariage forcé, ce procédé permettra à la personne concernée de partir facilement sans que son conjoint puisse s'y opposer. Il est difficile de croire qu'un conjoint de bonne foi puisse s'opposer à ce que la personne qui ne désire pas rester avec lui le quitte.

Cependant, même si le mariage a été bref, il peut avoir des conséquences, non seulement sur les biens des époux, mais également sur les enfants qui ont pu naître de cette union. C'est pourquoi il est proposé que cette possibilité soit incluse dans les procédures de divorce énumérées à l'article 1er.

En outre, il ne faut pas craindre les abus, puisque la possibilité de demander le divorce sur ce fondement est enfermée dans un délai qui trouve son terme aux vingt-trois ans du demandeur au divorce.

Nous ne limitons pas le recours à cette procédure aux seules personnes victimes de mariages forcés. En effet, la condition unique de l'âge englobe également toutes les jeunes personnes qui se sont mariées sur un coup de coeur, et qui le regrettent profondément par la suite. Cette procédure leur sera donc ouverte. Il est bien normal, en effet, de permettre à ces personnes de réparer facilement leur erreur.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, cette nouvelle cause de divorce ne remet en rien en cause la nature de ce projet de loi, elle renforce simplement la protection des mineurs.

De surcroît, cette mesure aujourd'hui nécessaire a vocation à tomber en désuétude dans quelques années, puisque, si vous adoptez notre amendement visant à fixer désormais l'âge légal du mariage à dix-huit ans, pour les hommes comme pour les femmes, cette possibilité de divorce ne s'appliquera plus à partir de 2012.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. M. About et les membres du groupe de l'Union centriste posent un vrai problème, celui des mariages forcés : ils existent, et ceux d'entre nous qui sont officiers d'état civil en ont tous connu au moins un cas, et savent que, devant ce phénomène, nous sommes totalement démunis. Cependant, la solution préconisée ne me paraît pas la bonne.

Tout d'abord, je relève que l'on introduit une inégalité en ouvrant cette procédure aux femmes, et pas aux hommes. Voilà déjà une atteinte au principe d'égalité.

Ensuite, je m'interroge sur la place de ce nouveau cas de divorce par rapport aux autres. S'il s'agit d'un vice du consentement, il convient alors d'appliquer les règles applicables au vice du consentement. Je rappelle d'ailleurs que la jeune fille mineure devient émancipée par le mariage et, par conséquent, peut engager des actions en justice, dès le moment de son émancipation.

Enfin, pour cet amendement comme pour les précédents, je suis dans l'incapacité de mesurer les conséquences d'une telle mesure et, surtout, les difficultés juridiques qu'elle pourrait susciter. Adopter cette solution, c'est s'engager en toute impréparation dans une voie extrêmement périlleuse.

Je rappelle qu'il existe des procédures d'annulation. En outre, il sera toujours possible de demander le divorce pour altération définitive du lien conjugal, dans la mesure où l'époux aura disparu...

Je ne comprends donc pas bien l'intérêt de cette disposition par rapport à l'arsenal juridique dont disposent déjà, à l'heure actuelle, les jeunes femmes dans cet état. Au surplus, je crains qu'elle ne soit absolument inapplicable si la personne, mariée à l'âge de quinze ans, agit à vingt-trois ans.

Par conséquent, je suis désolé de devoir émettre sur cet amendement, ainsi d'ailleurs que sur toute la série d'amendements de même nature, un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Le problème posé est bien réel, c'est celui des mariages forcés ou des mariages non vraiment consentis, mais la réponse proposée n'est pas la bonne.

En revanche, dans le texte qu'a fait adopter il y a quelques semaines Nicolas Sarkozy, il est prévu que l'officier d'état civil, s'il a un doute, peut entendre les futurs conjoints, ensemble et séparément ; si le doute persiste, l'officier d'état civil ne procède pas au mariage. Voilà la bonne réponse. Je m'étais d'ailleurs prononcé très favorablement sur ce dispositif. Mais cette possibilité de divorce automatique que vous proposez ne me paraît pas pertinente.

M. le président. L'amendement n° 111 est-il maintenu, madame Gautier ?

Mme Gisèle Gautier. Malheureusement, monsieur le président, les réponses qui m'ont été apportées ne m'ont pas convaincue, et je maintiens mon amendement.

Je précise, d'une part, que je n'ai pas insisté sur le sexe ; j'ai parlé de la personne d'une façon générale.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ce sont des femmes !

Mme Gisèle Gautier. D'autre part, nous visons dans cet amendement non seulement les mariages forcés, mais aussi les unions consenties par immaturité, par naïveté : on ne s'aperçoit pas des conséquences, et il est trop tard ensuite.

En tout état de cause, il s'agit avant tout de fixer l'âge légal du mariage à dix-huit ans.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je tiens à remercier vivement Mme Gautier d'avoir maintenu son amendement, ce qui me permet de tenter de la convaincre de le retirer ou de convaincre le Sénat de voter contre ! (Sourires.)

M. About est trop habile. Il avait déposé un amendement fixant l'âge du mariage à dix-huit ans, pour les femmes comme pour les hommes. Interrogé à ce sujet, quand il a été entendu par la commission des lois, M. le garde des sceaux a répondu que le texte concernait le divorce et non le mariage. M. About a alors imaginé cet autre procédé pour parvenir au même résultat.

Il est vrai que l'amendement ne fait pas état du sexe de la personne. Mais il se trouve que les hommes ne peuvent se marier qu'à dix-huit ans. Votre proposition ne paraît donc viser que les personnes du sexe féminin, ma chère collègue. Ce n'est pas tout à fait exact parce que l'on peut obtenir du procureur de la République une dérogation pour se marier avant dix-huit ans et l'on est alors émancipé par le mariage. Mais ce qui est vrai pour les hommes serait vrai également pour les femmes, si elles ne pouvaient pas se marier dès l'âge de quinze ans.

Voilà de même ce qu'il faut garder à l'esprit.

En outre, compte tenu effectivement de la disposition « Sarkozy », il y a une possibilité de contrôle, non par un juge, mais par le maire.

Sur le reste, franchement, cela me rappelle ce délai de prescription que l'on voudrait allonger à toute la durée de la vie au bénéfice de ceux qui prétendent avoir subi des atteintes sexuelles. Mais il serait tout de même trop facile pour une femme mariée avant dix-huit ans de demander le divorce, sur le seul fondement de la minorité, dix ans, quarante ans ou cinquante ans après !

J'avoue que je ne comprends pas comment vous pouvez faire une proposition comme celle-là, vous qui ne souhaitez pas faciliter le divorce.

Enfin, on nous dit qu'il y aurait beaucoup de mariages forcés. Y en a-t-il beaucoup en France ? Je n'en sais rien et cela mériterait tout de même une étude pour savoir ce qu'il en est, et si le phénomène est bien réel.

Je suis, comme la plupart de mes collègues, officier d'état civil. Pour ma part, je n'ai jamais rencontré de mariage qui m'ait paru forcé, mais, s'il y en a et si l'on prétend que c'est le fait de certaines confessions, comme cela nous a été dit ce matin en commission des lois, est-ce bien opportun, au moment où l'on s'interroge encore sur la législation à venir concernant le voile, d'adopter maintenant un tel texte ? Je ne le crois pas.

C'est pourquoi vous avez vraiment toutes les raisons, ma chère collègue, de retirer votre amendement, ou le Sénat aurait, à défaut, toutes les raisons de le repousser.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je suis tout à fait convaincue par les arguments de M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cependant, je suis moins affirmative que lui en ce qui concerne les mariages forcés : ils existent bel et bien, mon cher collègue. Ils n'ont pas lieu en France, mais sont organisés à l'étranger, à l'occasion de vacances. Tous nos consulats rapportent les mêmes faits, attestés, d'ailleurs, par les problèmes que pose la transcription de ces mariages en France. Car ce sont des mariages transcrits.

Je crois qu'en effet le seul moyen de mettre fin aux pressions qui sont exercées sur des très jeunes filles - de quinze ans à dix-huit ans - pour les marier contre leur gré à l'occasion de vacances au pays sera de retarder l'âge légal du mariage en France et de le fixer à dix-huit ans. Cela leur donnera un peu plus de temps pour échapper à l'influence familiale.

D'ici là, je ne vois pas comment on pourrait adopter un tel amendement, d'autant que, faute de délai prévu, il ne paraît pas applicable. Cela étant, le problème est bien réel.

M. le président. Madame Gautier, maintenez-vous toujours votre amendement ?

Mme Gisèle Gautier. Effectivement, la procédure d'annulation existe, mais elle est très complexe, car il faut rapporter la preuve que le consentement a été vicié, ce qui n'est pas évident pour une personne mineure, vous en conviendrez avec moi.

Aussi, pour les raisons déjà évoquées, je maintiens cet amendement, que je voterai !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 111.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif au divorce.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 2.

Chapitre Ier

Des cas de divorce

Art. 1er
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Art. 3

Article 2

I. - Les intitulés : « paragraphe 1 - Du divorce sur demande conjointe des époux » et « paragraphe 2 - Du divorce demandé par un époux et accepté par l'autre » de la section 1 du chapitre Ier du titre VI du livre Ier du code civil sont supprimés.

II. - Cette section comprend les articles 230 et 232 ainsi rédigés :

« Art. 230. - Le divorce peut être demandé conjointement par les époux lorsqu'ils s'entendent sur la rupture du mariage et ses effets en soumettant à l'approbation du juge une convention réglant les conséquences du divorce.

« Art. 232. - Le juge homologue la convention et prononce le divorce s'il a acquis la conviction que la volonté de chacun des époux est réelle et que leur consentement est libre et éclairé.

« Il peut refuser l'homologation et ne pas prononcer le divorce s'il constate que la convention préserve insuffisamment les intérêts des enfants ou de l'un des époux. »

M. le président. L'amendement n° 59 rectifié a déjà été examiné par priorité.

L'amendement n° 103, présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Compléter le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 232 du code civil par les mots : tant sur la rupture du mariage que sur la convention de règlement du divorce. »

La parole est à Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier. La comparution unique devant le juge, dans le cadre de la procédure de divorce par consentement mutuel, est une mesure de simplification afin que le divorce soit rapidement prononcé.

Toutefois, on l'a dit à maintes reprises, le divorce ne doit pas être prononcé dans la précipitation. C'est pourquoi le juge doit s'assurer que les époux veulent effectivement se séparer et qu'ils sont en accord sur tout point du règlement du divorce avant d'homologuer la convention de séparation et de prononcer le divorce.

Cette précision formelle permettrait le réexamen avec les époux de chaque point de la convention, évitant tout risque de contentieux ultérieurs, le juge pouvant ne pas homologuer la convention s'il constate que les parties n'étaient en réalité pas d'accord. En outre, s'il y a des contentieux ultérieurs, cette mesure permettrait de protéger les juges contre des accusations de règlement hâtif du divorce.

Cet amendement n'apporte pas de changement fondamental au projet de loi, mais cela va mieux en le disant.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Cet amendement s'avère redondant par rapport à l'article 230 du code civil, qui n'est pas modifié par le projet de loi. Par conséquent, j'en demande le retrait.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Madame Gautier, l'amendement n° 103 est-il maintenu ?

Mme Gisèle Gautier. Compte tenu de ces précisions, je retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 103 est retiré.

L'amendement n° 60, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l'article 232 du code civil par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, à la demande de l'un ou des deux époux, une seconde comparution est ordonnée par le juge. »

La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Le projet de loi supprime la double comparution devant le juge en matière de divorce par consentement mutuel. Cette disposition paraît tout à fait excellente à mon groupe en ce qu'elle permettra un traitement beaucoup plus rapide des vrais divorces par consentement mutuel ne présentant pas de difficulté particulière. Cela signifie que l'avocat ou les avocats vont préparer une convention définitive de divorce qui réglera tous les problèmes inhérents à la rupture.

Je m'interroge simplement sur le fait que seul le juge aura la possibilité de faire revenir les parties devant lui s'il l'estime utile dans certaines circonstances.

Par mon amendement, je propose qu'à la demande de l'un ou des deux époux la seconde comparution soit ordonnée par le juge.

En effet, tous les praticiens vous le diront, il y a une proportion non négligeable de faux consentements mutuels, de consentements mutuels extorqués à l'époux en situation d'infériorité, en situation de dépendance psychologique. Or le juge, pris dans la masse des affaires qui se succèdent, ne décèle pas nécessairement les cas un peu tangents, surtout s'il n'y a qu'un avocat, celui-ci ayant été choisi par l'époux en situation de force. Il arrive trop souvent que ce dernier - dans la plupart des cas, le mari - dise : « Prenons l'avocat de ma société, ce sera plus simple et il nous prendra moins cher. » Le résultat, c'est que l'avocat en question défend surtout les intérêts de l'un et pas ceux de l'autre. Finalement, l'épouse en situation d'infériorité s'est laissée aller au départ à accepter un divorce par consentement mutuel qui ne lui est pas favorable.

Aussi, il serait bon, me semble-t-il, de laisser, dans des cas très limités, la possibilité à l'un des époux de se ressaissir et de demander une seconde comparution.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Même si je trouve les arguments de Mme Cerisier-ben Guiga intéressants, je vais toutefois émettre un avis défavorable pour plusieurs raisons.

Premièrement, c'est le juge qui doit estimer s'il y a lieu ou non de procéder à une seconde comparution.

Deuxièmement, rien n'interdit à l'une ou l'autre des parties de demander au juge de comparaître devant lui une nouvelle fois.

En fait, je crains, madame, que votre amendement n'aille à l'encontre de l'esprit de la réforme du divorce que nous sommes en train de mener et qui a pour objet d'accélérer, de rendre plus facile la procédure de divorce par consentement mutuel. Les juges ne sont pas des imbéciles, ils savent ce qu'ils font, et ils se rendront bien compte si les deux parties sont totalement consentantes ou si l'une ou l'autre éprouve des réticences. Il faut donc leur faire confiance et leur laisser la responsabilité de décider d'une seconde comparution si l'une ou l'autre des deux parties le lui ont demandé ou s'il estime que la convention établie n'est pas satisfaisante.

Par conséquent, la solution que nous avons adoptée est sage. Votre idée est intéressante, mais elle risque d'aboutir à un allongement des délais.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. L'objet du texte est de faire en sorte, en cas de consentement mutuel, de simplifier et surtout d'accélérer la procédure.

Nous connaissons tous un grand nombre de cas dans lesquels, en fait, il y a accord mais qui, pour des raisons d'audiencement, prennent du retard, entretenant une situation de crispation, de tension à l'intérieur du foyer, avec toutes les conséquences qui peuvent s'ensuivre.

Au moment de la comparution, chacun s'exprimera et si l'un ou l'autre des époux manifeste la volonté de se rétracter, soit une seconde comparution sera ordonnée, soit il y aura changement de nature du divorce.

L'amendement aurait le gros inconvénient de rendre illisible la réforme. Nous avons souhaité que, lorsqu'il y a consentement mutuel, il n'y ait qu'une seule comparution afin d'accélérer le processus.

M. le président. Madame Cerisier-ben Guiga, l'amendement n° 60 est-il maintenu ?

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je suis sensible aux arguments de M. le rapporteur et de M. le ministre. L'essentiel est effectivement d'obtenir une accélération et une simplification des procédures du divorce par consentement mutuel, et c'est à l'usage que l'on verra si, oui ou non, les juges rencontrent des difficultés.

Je m'inquiète surtout de ce qu'il n'y ait qu'un seul avocat dans cette procédure car cela ne me semble pas donner toutes les garanties nécessaires.

Quoi qu'il en soit, j'accepte de retirer l'amendement n° 60 ; on verra bien dans quelques années !

M. le président. L'amendement n° 60 est retiré.

Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Art. 2
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Art. 4

Article 3

I. - L'intitulé de la section 2 du chapitre Ier du titre VI du livre Ier du même code est ainsi modifié :

« Section 2. - Du divorce accepté. »

II. - Cette section comprend les articles 233 et 234 ainsi rédigés :

« Art. 233. - Le divorce peut être demandé par l'un ou l'autre des époux ou par les deux lorsqu'ils acceptent le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l'origine de celle-ci.

« Cette acceptation n'est pas susceptible de rétractation, même par la voie de l'appel.

« Art. 234. - S'il a acquis la conviction que chacun des époux a donné librement son accord, le juge prononce le divorce et statue sur ses conséquences. »

M. le président. L'amendement n° 99, présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Le second alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 233 du code civil est ainsi rédigé :

« Un délai de deux mois suivant l'acceptation est ouvert au conjoint pour se rétracter. »

La parole est à Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier. L'impossibilité de rétractation après acceptation du divorce par acceptation du principe de la rupture du mariage nous semble excessive. Elle est en effet de nature à brimer la volonté de l'époux ou de l'épouse qui peut changer d'avis au cours de la procédure. Lui refuser le droit de se rétracter revient à l'empêcher d'exprimer librement sa volonté.

En outre, le juge doit apprécier la réalité et la liberté de l'acceptation des époux. Comment pourrait-il reconnaître le consentement réel et libre de l'époux qui fait part de sa volonté de divorcer pour un autre motif ? S'il le faisait, il y aurait un trop grand nombre de cas d'acceptation du principe de la rupture du mariage finalement extorquée.

Toutefois, il ne faut pas autoriser une rétractation sans poser de délai, sinon cela affecterait la sécurité juridique de l'époux demandeur. Un délai de deux mois suivant l'acceptation paraît raisonnable pour permettre à l'époux ayant accepté le principe de la rupture de se rétracter.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je suis très sensible à cet amendement, mais le processus de divorce en cas d'acceptation du principe de la rupture du mariage vise précisément à rendre celui-ci plus sûr en évitant les rétractations.

Je tiens à préciser que, dans cette procédure, il y aura deux avocats. En tout cas, nous ne pouvons pas accepter le principe de rétractations qui remettraient en cause notre objectif principal, qui est d'accélérer les choses, de les rendre plus simples. L'insécurité qui naîtrait du fait des rétractations possibles irait à l'encontre de cette mission que nous nous sommes fixée les uns et les autres.

Par conséquent, je suis obligé de donner un avis défavorable sur cet amendement, à moins qu'il ne soit retiré.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Madame Gautier, l'amendement n° 99 est-il maintenu ?

Mme Gisèle Gautier. M. le rapporteur est un bon avocat puisqu'il a réussi à me convaincre : je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° 99 est retiré.

Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Art. 3
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Art. additionnel après l'art. 4

Article 4

I. - Avant l'article 237 du même code, est insérée une section 3 intitulée : « Du divorce pour altération définitive du lien conjugal ».

II. - Cette section comprend les articles 237 et 238 ainsi rédigés :

« Art. 237. - Le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque le lien conjugal est définitivement altéré.

« Art. 238. - L'altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie, tant affective que matérielle, entre les époux durant les deux années précédant la requête initiale en divorce ou pendant une période de deux ans entre le prononcé de l'ordonnance de non-conciliation et l'introduction de l'instance.

« Nonobstant ces dispositions, le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article 246, dès lors que la demande présentée sur ce fondement est formée à titre reconventionnel. »

M. le président. L'amendement n° 61, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 238 du code civil, supprimer les mots : ", tant affective que matérielle,". »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avons été très déçus que notre amendement ne soit pas accepté par la commission.

En effet, la formulation actuelle de l'article 238, à laquelle nous proposons en fait de revenir, est la suivante : « Il en est de même lorsque les facultés mentales du conjoint se trouvent, depuis six ans, ... » - mais nous sommes d'accord pour que ce délai soit ramené à deux ans - « ... si gravement altérées qu'aucune communauté de vie ne subsiste plus entre les époux. » C'est clair, net et précis, et la jurisprudence montre que les juges savent parfaitement de quoi il retourne.

C'est pourquoi, d'ailleurs, nous rectifions notre amendement, de manière que, dans l'article 238 du code civil tel qu'il est proposé, après le mot « résulte » et avant le mot « précédant », la rédaction soit la suivante : « de ce qu'aucune communauté de vie ne subsiste plus entre les époux depuis deux années ».

Autrement dit, nous proposons qu'il ne soit plus question de la « cessation de la communauté de vie, tant affective que matérielle, entre les époux ».

En effet, nous ne comprenons pas comment pourrait être prouvée la cessation de la communauté de vie affective. On voit bien ce que recouvre la cessation de communauté de vie matérielle, encore que des époux puissent être séparés, par exemple, du fait de nécessités professionnelles. Mais il ne s'agit pas de savoir si c'est la communauté de vie matérielle ou la communauté de vie affective qui a cessé : il s'agit de savoir s'il n'y a plus aucune communauté de vie. C'est ce que prévoit actuellement le texte de l'article 238 et il n'y a pas de raison de changer.

Nous nous permettons d'insister parce que, au lieu de régler les problèmes, on va les compliquer. En effet, celui dont le conjoint voudra divorcer au bout de deux années de rupture de la vie commune pourra toujours dire que, matériellement, il n'était plus là mais que, « affectivement », il était toujours présent. Comment le savoir ? Comment le prouver ? Où est, dès lors, l'intérêt d'inscrire dans la loi les termes « matérielle ou affective » ?

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 61 rectifié, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, et ainsi libellé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 238 du code civil, remplacer les mots : "de la cessation de la communauté de vie, tant affective que matérielle, entre les époux durant les deux années" par les mots : "de ce qu'aucune communauté de vie ne subsiste plus entre les époux depuis deux années". »

Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je dois dire que l'approche de M. Dreyfus-Schmidt est intéressante. Cependant, si nous avons maintenu la formulation qu'il critique, c'est parce que la Cour de cassation a exigé dans ses arrêts successifs que la communauté de vie, tant matérielle qu'affective, ait cessé entre les conjoints.

Je ne voudrais pas que la Cour de cassation vienne, par ce biais, compliquer, voire empêcher l'application des nouvelles dispositions que nous voulons mettre en place.

C'est la raison pour laquelle je suis au regret d'émettre un avis défavorable.

En reprenant les termes de la Cour de cassation, nous ne risquons rien ! Nous ne lui causons pas la moindre peine ! (Sourires.) Elle pourra continuer d'appliquer sa jurisprudence en matière de cessation de la vie commune, d'altération du lien conjugal.

A l'inverse, monsieur Dreyfus-Schmidt, si votre amendement était adopté, je craindrais que la Cour de cassation ne développe une nouvelle jurisprudence qui nous obligerait à légiférer à nouveau. C'est pourquoi je vous demande, avec toute l'amitié que je vous porte, de retirer cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Outre ce qui vient d'être dit par le rapporteur, à savoir que le texte figurant dans le projet reprend purement et simplement la jurisprudence de la Cour de cassation, il me paraît important que cela soit inscrit dans le code.

En effet, dès lors que nous portons le délai à deux ans, il convient que le constat qui est fait porte à la fois sur l'aspect affectif et sur l'aspect matériel. Sinon, risquent d'être introduites des demandes en divorce fondées uniquement sur une situation de fait, par exemple l'existence de deux domiciles différents pour des raisons professionnelles, alors qu'il a pu y avoir par ailleurs continuation d'une certaine vie affective, attestée par des échanges de lettres ou quelque autre élément. Ne pas en tenir compte reviendrait en fait à raccourcir encore le délai.

Je crois donc que, à la fois au regard de la jurisprudence actuelle à la Cour de cassation et pour préserver l'esprit du texte, son équilibre et sa modération, il serait tout à fait inopportun d'adopter cet amendement.

M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, l'amendement n° 61 rectifié est-il maintenu ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je tiens d'abord à préciser que la commission des lois a repoussé notre amendement par 11 voix contre 9. C'est dire que la discussion avait été serrée ! Et si vous prenez en compte les votes défavorables du rapporteur et du président, avec toute l'autorité qui est la leur, vous constatez que la majorité présente en commission s'était, en vérité, prononcée pour.

Qu'a dit la Cour de cassation ? Selon le Dalloz, que « l'article 237 n'effectue aucune distinction quant aux circonstances ayant accompagné la séparation des époux et il suffit, pour que les conditions prévues par la loi soient remplies, que la communauté de vie, tant matérielle qu'affective, ait cessé entre les conjoints ». Or cela, la Cour de cassation l'a dit en 1980 ! Depuis, plus rien !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Lisez la suite !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais la suite n'a aucun rapport ! La voici : « Une séparation légale consécutive à un jugement de séparation de corps peut servir de fondement à une demande en divorce pour rupture de la vie commune. »

Je le répète, cette jurisprudence est vieille de près de vingt-quatre ans !

M. René Garrec, président de la commission des lois. Elle est donc fermement établie !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Au demeurant, elle n'est nullement contraire à la position que je défends. C'est une question de preuves. La formule selon laquelle « il ne subsiste aucune communauté de vie » dit bien ce qu'elle veut dire. Elle signifie qu'il faut éventuellement rechercher s'il subsiste ou non quoi que ce soit de cette communauté. A partir du moment où il n'en subsiste rien, cela inclut évidemment l'aspect matériel, l'aspect affectif ou tout ce que vous voudrez ! Véritablement, vous risquez de compliquer les choses !

Je n'ai pas eu communication, malgré ma demande, de la composition du groupe de travail, et je le regrette. En tout cas, c'est un mauvais argument que celui qui consiste à s'appuyer sur trois arrêts de la Cour de cassation datant de 1980, et qui ne disent d'ailleurs pas le contraire de ce que je dis, à savoir que la communauté de vie ne doit en rien subsister !

Il suffit de reprendre cette formule plutôt que de permettre qu'on ergote d'un côté ou de l'autre de la barre en disant que, matériellement, c'est vrai, il n'y avait plus communauté de vie, mais que, affectivement, celle-ci continuait. Et le président devra solliciter des attestations ou faire entendre des témoins, qui expliqueront par exemple que le mari avait dit : « Je l'aime bien, je ne lui veux pas de mal... » ou que sais-je encore !

Dans ces conditions, monsieur le président, nous maintenons évidemment l'amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 117, présenté par Mme G. Gautier, M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Après les mots : "entre les époux", rédiger comme suit la fin du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 238 du code civil : "durant les trois années précédant la requête initiale en divorce". »

L'amendement n° 120, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Après les mots : "deux années précédant", rédiger comme suit la fin du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 238 du code civil : "l'assignation en divorce". »

La parole est à Mme Gisèle Gautier, pour présenter l'amendement n° 117.

Mme Gisèle Gautier. J'ai bien entendu les arguments de M. le rapporteur tendant à nous faire comprendre qu'il n'y avait pas lieu de prolonger outre mesure le délai concernant la possibilité de demander unilatéralement le divorce.

Lorsque j'ai été conduite à rédiger cet amendement, j'ai pris en considération le fait que la séparation imposée à l'un des conjoints est toujours très douloureuse pour celui-ci, à la fois psychologiquement et matériellement, et qu'il convenait de lui accorder davantage de temps, au moins pour s'organiser pratiquement, pour trouver du travail, éventuellement un logement, et aussi pour que la douleur s'apaise.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 120.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous n'avons pas été étonnés que la commission donne un avis favorable sur cet amendement puisqu'il est strictement identique à celui que nous avait proposé M. le rapporteur avant que la commission ne le repousse.

Une discussion fort intéressante s'est néanmoins instaurée sur le point de savoir comment on allait calculer les deux années de « cessation de toute communauté de vie ».

Le texte qui nous est soumis évoque, d'un côté, « les deux années précédant la requête initiale en divorce » et, d'un autre côté, « une période de deux ans entre le prononcé de l'ordonnance de non-conciliation et l'introduction de l'instance ». Cela constitue deux hypothèses un peu lourdes à concevoir. Nous proposons donc de viser simplement les deux années précédant l'assignation, et cela quel que soit le motif de la requête.

Nous avons donc estimé que, en définitive, le premier mouvement de la commission était le bon et nous nous y sommes ralliés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement de Mme Gautier, nous avons eu une très longue discussion sur la question de savoir si ce délai devait être de deux ou de trois ans.

Je comprends parfaitement vos arguments, ma chère collègue, mais la commission a estimé qu'un délai de trois ans constituait une durée trop longue par rapport à la rapidité qui caractérise notre époque.

Cela dit, nous aurons un débat avec l'Assemblée nationale sur cette question, car je sais que son rapporteur inclinera, lui, plutôt pour trois ans. Moi, j'estime que deux ans constituent un délai suffisamment long, d'autant qu'il convient d'y ajouter les délais de procédure.

C'est la raison pour laquelle je vous invite, madame Gautier, à retirer cet amendement en sachant que nous serons certainement amenés à revoir cette question en commission mixte paritaire.

Sur votre amendement n° 120, monsieur Dreyfus-Schmidt, je suis en parfait accord avec vous ; vous avez d'ailleurs repris un amendement que j'avais initialement déposé, mais qui avait disparu après un cafouillage un peu byzantin au sein de la commission. Il faut dire que, à la fin du mois de décembre, nous étions épuisés par la surcharge de travail parlementaire qu'a connue la commission des lois !

M. René Garrec, président de la commission des lois. C'est vrai !

M. Patrice Gélard, rapporteur. En fin de compte, il convient de distinguer trois cas. Dans le premier, les époux sont réellement séparés depuis deux ans. Ils vivent dans des logements différents, et n'ont plus rien en commun. Il s'agit dans ce cas des deux ans précédant l'introduction du divorce. Nous sommes d'accord sur ce point qui ne pose pas de problème, puisque le projet de loi prévoit ce cas.

Le deuxième cas est celui des époux qui demandent le divorce, mais qui ne voulant pas invoquer le divorce pour faute, ni entamer une procédure en demandé-accepté, vont se reporter sur le divorce pour altération définitive du lien conjugal.

Dans ce cas, le délai de deux ans est nécessaire, mais il convient de trouver une date à partir de laquelle ce délai va commencer à courir. J'avais proposé, pour ma part, la date de l'assignation ; vous la reprenez et je suis totalement en accord avec vous.

En outre, l'amendement que vous proposez, qui est identique à celui que j'avais déposé, va aussi dans le sens de ceux qui, dans le troisième cas, avaient commencé à mener une vie totalement séparée, pendant une période de six mois, un an ou dix-huit mois, mais inférieure à deux ans, et donc qui n'était pas décomptée dans le texte initial du Gouvernement.

Votre amendement satisfait totalement la commission, monsieur Dreyfus-Schmidt, et c'est la raison pour laquelle j'émets en sa faveur un avis extrêmement favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je souhaite replacer ces deux amendements dans le cadre général du projet de loi que je présente, dont l'un des objectifs est de faire en sorte que les époux ne se tournent plus dorénavant vers le divorce pour faute mais optent pour une formule beaucoup plus pacifiée telle que celle qui est proposée.

En effet, près de 50 % des divorces sont encore des divorces pour faute car c'est bien souvent le seul moyen que l'un des deux conjoints trouve pour obtenir le divorce, avec toutes les conséquences que l'on sait, notamment la recherche de preuves plus ou moins sollicitées. Je passe sur ce processus que nous connaissons tous à travers les cas que nous avons pu rencontrer.

C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à l'amendement n° 117 qui aura pour effet de maintenir la recherche du divorce pour faute pour un grand nombre de couples.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Exactement !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. En réalité, le délai sera supérieur à trois ans, compte tenu du point de départ de la procédure. Par conséquent, ces « faux divorces pour faute », si je puis dire, vont subsister, alors qu'ils sont tout à fait négatifs en termes de capacités à refaire une vie, à reconstruire un projet, à essayer de protéger les enfants des couples divorcés. Tous ces arguments m'incitent à souhaiter vivement que le recours au divorce pour faute devienne beaucoup plus exceptionnel.

En revanche, je suis favorable à l'amendement n° 120, qui simplifie effectivement le texte du projet de loi.

M. le président. Madame Gautier, l'amendement n° 117 est-il maintenu ?

Mme Gisèle Gautier. Il est vrai que les membres de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes que je préside se sont interrogés sur ce point et c'est à la suite d'une longue discussion, toutes sensibilités confondues, que cet amendement a été formulé.

En ne nous opposant pas un « niet » catégorique, à savoir que ce point pourra éventuellement être de nouveau discuté, M. le rapporteur m'a apporté tous apaisements. Aussi, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 117 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 120.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 109, présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l'article 238 du code civil par un alinéa ainsi rédigé :

« Si l'autre époux établit que le divorce aurait, soit pour lui, compte tenu notamment de son âge et de la durée du mariage, soit pour les enfants, des conséquences matérielles et morales d'une exceptionnelle dureté, le juge rejette la demande. »

La parole est à Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier. Cet amendement a pour objet de rétablir la « clause de dureté » prévue par l'article 240 du code civil et que le présent projet de loi abroge. Il est en effet important de permettre au juge de rejeter la demande de mariage dans les cas, il en existe, où le divorce aurait des conséquences dramatiques pour l'un ou l'autre des conjoints.

Les différentes interventions ont bien montré que le juge est un homme responsable, de bon sens, faisant preuve de capacités de raisonnement. On peut donc imaginer qu'il puisse prendre lui-même la décision de rejeter la demande de mariage au regard des éléments dont il a connaissance.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je suis très ennuyé par cet amendement.

Tout en comprenant très bien les motivations qui animent ses auteurs, je suis obligé de dire qu'il est totalement contraire à l'esprit du texte que nous examinons aujourd'hui, lequel envisage tout simplement de supprimer la clause de dureté dont je rappelle qu'elle donnait au juge le pouvoir d'interdire un divorce.

M. Jean-Jacques Hyest. Oui !

M. Patrice Gélard, rapporteur. De plus, cet amendement est totalement contraire à la disposition nouvelle introduite par le présent projet de loi concernant le divorce pour altération définitive du lien conjugal, disposition à laquelle la clause de dureté ne pourra pas être opposée.

Si vous me le permettez, je distinguerai deux sortes de mariage. En premier lieu, le mariage de la République, qui est le mariage civil, avec ses droits et ses obligations, pour chacun des époux, que l'officier d'état civil énonce en donnant lecture des articles 212, 213, 214 et 215 du code civil et du nouvel article sur l'autorité parentale. L'une des corrélations du mariage civil depuis 1804 est la reconnaissance du divorce.

En second lieu, à côté du mariage civil, il existe les mariages religieux où chacun prend des engagements différents. Mais la République, au nom de la laïcité, n'a pas à tenir compte de ces engagements religieux. Dès lors, nous ne pouvons pas prendre en considération l'argument que vous soulevez, madame Gautier, celui de l'extrême dureté, qui repose en réalité exclusivement sur des concepts religieux et non pas laïques.

M. Jean-Jacques Hyest. Non ! Revoyez votre droit canon ! Le mariage catholique est indissoluble !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Cet argument en relève en grande partie tout de même !

M. René Garrec, président de la commission des lois. Il n'a pas prononcé le mot !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Voilà pourquoi, si nous comprenons très bien les raisons qui motivent cet amendement, nous ne pouvons pas l'accepter dans le cadre de la réforme que nous envisageons aujourd'hui, parce qu'il constituerait un retour en arrière par rapport à toute la pratique qui s'est développée depuis 1975.

C'est la raison pour laquelle je souhaite que vous le retiriez, sinon je serai obligé de donner un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Je m'en tiendrai à l'essentiel : l'esprit du texte est de faire en sorte que le mariage soit préservé lorsqu'il a un sens. S'il y a des conséquences graves pour l'un des deux conjoints, la réponse est, non pas le maintien de force du mariage, mais le traitement des conséquences matérielles du divorce, la prestation compensatoire et le nouvel article 266 en matière de dommages et intérêts que le Sénat examinera ultérieurement et que vous me permettrez de lire : « Sans préjudice de l'application de l'article 270, des dommages et intérêts peuvent être accordés à un époux en réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il subit du fait de la dissolution du mariage, soit lorsqu'il était défendeur à un divorce prononcé pour altération définitive du lien conjugal, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint. »

La réponse, en l'occurrence, ne peut être que matérielle.

M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Sinon nous nous enfermons dans une conception du mariage qui n'est pas la nôtre.

Ne mélangeons pas les choses : s'il y a effectivement impossibilité de poursuivre la vie conjugale, il importe d'en prendre acte et de permettre une protection des personnes concernées, tant des parents que des enfants.

En revanche, il faut que la justice puisse tenir compte de la réalité, y compris matérielle, et de la gravité des conséquences que peut avoir le divorce. La prestation compensatoire, d'une part, et les dommages et intérêts, d'autre part, sont prévus à cet effet.

M. le président. Madame Gautier, l'amendement n° 109 est-il maintenu ?

Mme Gisèle Gautier. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 109 est retiré.

Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)