Art. 3
Dossier législatif : projet de loi relatif à la politique de santé publique
Art. 3 bis

Article additionnel après l'article 3

M. le président. L'amendement n° 14, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Le premier alinéa de l'article L. 1114-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :

« I. - Après la première phrase est insérée une phrase ainsi rédigée : "L'agrément est prononcé sur avis conforme d'une commission nationale qui comprend des représentants de l'Etat, dont un membre du Conseil d'Etat et un membre de la Cour de cassation en activité ou honoraire, des représentants de l'Assemblée nationale et du Sénat, et des personnalités qualifiées en raison de leur compétence ou de leur expérience dans le domaine associatif."

« II. - Dans la deuxième phrase, après les mots : "actions de formation et d'information qu'elle conduit", sont insérés les mots : "à la transparence de sa gestion".

« III. - A la dernière phrase, après les mots : "les conditions d'agrément et du retrait de l'agrément", sont insérés les mots : "ainsi que la composition et le fonctionnement de la commission nationale". »

La parole est à M. le ministre.

M. Jean-François Mattei, ministre. C'est un amendement important, qui s'inscrit dans la logique de la loi relative aux droits des malades.

Dans le cadre de la continuité de l'Etat et à l'issue d'une concertation qui a été conduite avec les associations de patients et d'usagers du système de santé, nous sommes parvenus à un protocole consensuel s'agissant de l'agrément des associations.

Le mécanisme est le suivant : « L'agrément est prononcé sur avis conforme d'une commission nationale qui comprend des représentants de l'Etat, dont un membre du Conseil d'Etat et un membre de la Cour de cassation en activité ou honoraire, des représentants de l'Assemblée nationale et du Sénat, et des personnalités qualifiées en raison de leur compétence ou de leur expérience dans le domaine associatif. » A peu de choses près, cette formulation a recueilli l'assentiment de chacun.

Tout le monde comprendra que, depuis dix-neuf mois, des difficultés soient apparues dans l'application de la disposition de la loi relative aux droits des malades sur l'agrément. Il était prévu que l'Etat devait donner un agrément. Or on compte quelque six mille associations. Il était donc très difficile pour l'Etat de prendre la responsabilité de donner ou non un agrément, car il n'avait pas toujours la capacité de mener les enquêtes nécessaires pour s'assurer de la finalité des associations.

Par ailleurs, nombre d'associations se réfèrent à l'usage du système de santé, à un objectif sanitaire. En outre, un certain nombre d'entre elles, sans être vraiment d'origine sectaire, se livrent néanmoins à des pratiques qui ne sont pas celles que nous pourrions juger souhaitables en matière de responsabilité d'ordre sanitaire.

Comme les associations souhaitaient malgré tout obtenir un agrément pour être reconnues, c'est le dispositif qui a été proposé dans le pré-rapport de M. Alain-Michel Ceretti, du comité interassociatif, qui semble avoir recueilli l'accord de la majorité de ces associations.

Je ne vous cache pas que le Gouvernement aurait souhaité que les associations de patients et d'usagers du système de santé s'organisent sur le modèle des associations familiales ou celui des associations d'enfants ou de personnes handicapées, ou même encore sur celui des associations à caractère social. Nous avons les URIOPS et l'UNIOPS ; nous avons les UDAF et l'UNAF ; nous avons les ADAPEI et l'UNAPEI. Ces unions rassemblent les associations, qui sont d'abord regroupées à l'échelon départemental, puis à l'échelon régional.

Cette organisation semblait trop compliquée et difficile à mettre en oeuvre par les associations qui, pour beaucoup d'entre elles, il faut bien le dire, n'ont pas d'implantation dans de très nombreux départements. Nous sommes donc convenus de ces modalités, qui me paraissent à tout le moins satisfaisantes.

Par conséquent, le Gouvernement vous propose de valider ces modalités d'agrément mettant en application la loi du 4 mars 2002.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Francis Giraud, rapporteur. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. M. le ministre vient de faire à la fois les questions et les réponses. Mais il dispose d'un avantage sur nous : il connaît le prérapport de M. Ceretti.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est le ministre !

M. Guy Fischer. S'agissant de la représentation des usagers du système de santé, le Gouvernement semblait avoir renoncé à la mise en oeuvre d'une Union nationale des associations de santé regroupant, sur le modèle de l'UNAF, notamment, l'ensemble des associations ayant pour objet la représentation des malades.

Au dire des associations que nous avons auditionnées, la voie choisie, à savoir l'agrément, était, par défaut, la solution la plus pragmatique. Il n'en demeurait pas moins que la question des critères de l'agrément restait entière.

J'avais cru comprendre, monsieur le ministre, que vos services examinaient encore les moyens d'entourer la procédure d'agrément du maximum de garanties pour assurer l'exercice de la démocratie sanitaire. Je suis donc surpris par cet amendement qui, de toute évidence, apporte une réponse anticipée puisque le rapport Ceretti devait préciser certains points et suggérer des orientations.

L'important est toutefois la reconnaissance du statut d'association des malades qui permettra, dans le domaine de la recherche biomédicale notamment, de mettre un bémol à la toute-puissance de l'industrie pharmaceutique.

Nous ne voyons pas d'objection à nous engager sur la piste envisagée par le Gouvernement. Nous voterons donc cet amendement, mais nous resterons très vigilants.

C'est un premier pas, et bien entendu, il est important que l'un des objectifs de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé puisse se concrétiser.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3.

Art. additionnel après l'art. 3
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Art. additionnels après l'art. 3 bis

Article 3 bis

L'article L. 1522-1 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les établissements de santé, les établissements sociaux ou médico-sociaux et les groupements de coopération sanitaire peuvent participer au capital de sociétés d'économie mixte locales ayant pour objet exclusif la conception, la réalisation, l'entretien et la maintenance ainsi que, le cas échéant, le financement d'équipements pour leurs besoins. »

M. le président. L'amendement n° 73, présenté par M. Giraud, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. Francis Giraud, rapporteur.

M. Francis Giraud, rapporteur. La commission est disposée à accueillir favorablement le principe d'une société d'économie mixte, ou SEM, spécialisée dans les opérations sanitaires.

Elle considère toutefois que les dispositions de l'article 3 bis n'ont pas de raison de figurer dans un chapitre intitulé « Objectifs et plans régionaux de santé publique ».

C'est pourquoi elle vous propose la suppression de cet article, pour réintroduire ses dispositions à l'article 13 ter, qui contient des mesures de même nature.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Mattei, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 73.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 3 bis est supprimé.

Articles additionnels après l'article 3 bis

Art. 3 bis
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Art. 4

M. le président. L'amendement n° 233, présenté par Mme Luc, M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Après l'article 3 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Le chapitre V du titre Ier du livre 3 du code de la santé publique est complété par un article ainsi rédigé :

« Art. L. 6315-1 bis. - L'association des professionnels de santé libéraux à des actions permettant d'améliorer la permanence des soins fait l'objet d'une rémunération dont le mode est déterminé selon les conditions prévues à l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale.

« En l'absence de convention nationale susvisée, par arrêté, le ministre de la santé, après consultation de la Caisse nationale de maladie des travailleurs salariés, des organisations syndicales représentatives des professionnels libéraux, fixe le montant de cette rémunération. »

La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Cet amendement a pour objectif de pérenniser la rémunération des professionnels de santé libéraux qui participent, sur la base du volontariat, à des permanences de soins.

Ces permanences, pourtant indispensables, ont, pour la plupart, disparu, surtout dans les grandes villes, du fait de conditions d'exercice difficiles de la médecine, notamment pour des raisons de sécurité.

Il s'agit, grâce aux efforts de tous, de les reconstituer.

Le décret du 16 septembre 2003 sur la permanence des soins a consacré la notion de service public. Il est maintenant nécessaire de prévoir un financement pérenne pour les médecins d'astreinte, quelle que soit la forme de la garde, traditionnelle ou médicale.

Il était, jusqu'à présent prévu que ces gardes pouvaient faire l'objet d'une rémunération. Notre amendement vise à introduire une rédaction plus directive, selon laquelle elles feront l'objet d'une rémunération. La définition, actuellement provisoire, de cette rémunération fait craindre pour l'avenir de la permanence des soins : elle est fixée conventionnellement entre la Caisse nationale de l'assurance maladie, la CNAM, et les organisations syndicales représentatives des professionnels libéraux.

Notre amendement vise à prévoir une garantie : en l'absence de convention nationale, le ministre de la santé, après consultation de la CNAM et des organisations syndicales, fixe le montant de cette rémunération.

Il semble - je suis prudente - que des discussions se soient engagées entre votre ministrère et les représentants des médecins à ce sujet. Qu'en est-il exactement, monsieur le ministre ?

En effet, il est sûr qu'une aide, d'où qu'elle vienne, doit être apportée à ces permanences de soins si nous voulons qu'elles continuent leur activité.

Dans de nombreux départements, les médecins généralistes libéraux se sont organisés pour créer des structures de garde médicale de premiers secours situées dans un lieu sécurisé, à partir de vingt heures les jours ouvrés ainsi que les dimanches et jours fériés.

Ces structures bénéficient de l'aide des mairies, des conseils généraux et des conseils départementaux de l'ordre des médecins.

En ce qui concerne le Val-de-Marne, les services d'accueil médical initial, les SAMI, bénéficient d'une mise à disposition de locaux et de personnels d'accueil par les mairies. Le conseil général finance les services du 15 chargés de répartir les appels vers les structures les plus appropriées. Le 15 agit en tant que centre de régulation. Dès lors que ces appels relèvent de la médecine ambulatoire, le SAMU est chargé de les transmettre aux médecins libéraux.

A ce jour, quatre SAMI existent, depuis un peu plus d'un an et demi, dans les villes de Choisy-le-Roi, Vincennes, Vitry-sur-Seine et Ivry-sur-Seine : ils font partie du dispositif de permanence des soins expérimenté dans le département.

Cette initiative devrait donner prochainement le jour à de nouveaux SAMI, dans d'autres groupements de communes mais aussi dans d'autres départements, et je sais que des expériences semblables sont menées ailleurs, à Saint-Etienne par exemple.

Les événements auxquels nous avons récemment assisté en France, la canicule, dont il faut tirer tous les enseignements, ou encore l'épidémie de bronchiolite à l'occasion de laquelle les parents désemparés se sont précipités aux urgences alors que les services de garde étaient délaissés, nous incitent à mieux faire connaître, grâce à des actions de l'Etat, des départements et des communes, la permanence des soins.

Toutefois, mon propos n'est pas d'appuyer la mise en place de structures qui se substitueraient aux urgences, lesquelles répondent à des besoins très précis. Les deux structures ont leurs spécificités et sont l'une et l'autre essentielles dans le système de soins français. Elles doivent coexister et répondre à une attente précise des Françaises et des Français.

La mise en place des permanences des soins ne doit pas nous faire oublier les grandes difficultés que rencontrent les services des urgences, en particulier du fait du manque de personnels et de matériels, difficultés qu'il convient également de résoudre très rapidement, en augmentant le nombre de médecins en rehaussant significativement le numerus clausus des étudiants en médecine, mais également le nombre d'infirmières, dont il faut prolonger la formation.

En ce qui concerne la permanence des soins, l'action doit être menée sur deux niveaux : il faut mieux faire connaître son existence aux Français et mieux apporter une juste reconnaissance aux médecins qui effectuent les gardes, notamment par le biais d'une rémunération pérenne et effective qui seule permettra la poursuite de l'expérience.

Tel est le sens de notre amendement. Je vous demande, mes chers collègues, de l'adopter.

M. le président. Quel est donc l'avis de la commission ?

M. Francis Giraud, rapporteur. La commission n'a pas pu analyser cet amendement, qui ne lui avait pas été communiqué. Elle s'en remet à l'avis de M. le ministre.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Mattei, ministre. Monsieur le président, il s'agit d'un sujet important, sur lequel je souhaite m'exprimer assez longuement. Il conviendrait peut-être de reporter la discussion à la reprise de la séance.

Mme Hélène Luc. Vous avez raison !

M. le président. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre maintenant nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à la politique de santé publique.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 233 tendant à insérer un article additionnel, après l'article 3 bis.

La parole est à M. le ministre.

M. Jean-François Mattei, ministre. Je commencerai par remercier Mme Luc d'avoir déposé cet amendement n° 233, qui permet à la Haute Assemblée de discuter d'un problème extrêmement important : la permanence des soins.

La situation que j'ai trouvée voilà dix-huit mois n'était pas, vous le savez, brillante : les médecins généralistes étaient en grève depuis sept mois et ils avaient délaissé la permanence des soins.

Il faut bien reconnaître que celle-ci n'a pas donné toute satisfaction au cours des dernières années. D'une part, la pénurie des médecins et, d'autre part, l'augmentation de leur âge moyen, la féminisation, quelquefois l'insécurité et le désir d'une meilleure qualité de vie ont conduit les médecins généralistes, dans bien des cas, à tenter de s'écarter de la permanence des soins.

Cette situation ne peut pas être durablement acceptée, car les malades s'adresseront de plus en plus souvent directement aux urgences, contribuant ainsi à leur encombrement.

Mme Hélène Luc. Absolument !

M. Jean-François Mattei, ministre. J'ai demandé immédiatement à l'un de vos anciens collègues, le sénateur honoraire Charles Descours, chirurgien de son état, de procéder à une vaste concertation avec l'ensemble des personnes intéressées. Je ne vais pas les énumérer, mais tout le monde était représenté : le conseil de l'Ordre, la caisse d'assurance maladie, les urgentistes, le SAMU, SOS médecin, les usagers et, naturellement, les syndicats de médecins.

Il est apparu assez vite que les médecins n'étaient, bien entendu, pas opposés à remplir leur obligation de permanence de soins. Ils demandaient néanmoins que le code de déontologie soit modifié et que les règles soient mieux précisées.

Conformément aux recommandations de Charles Descours, nous avons publié à l'automne deux décrets, l'un pour rappeler que la permanence des soins était une obligation médicale, l'autre pour préciser les trois degrés successifs de son organisation : d'abord le volontariat, conformément à la demande des praticiens ; puis, en cas de manque sur le tableau de garde, le recours au conseil départemental de l'ordre des médecins et au CODAMUPS, le Comité départemental de l'aide médicale urgente, de la permanence des soins et des transports sanitaires, pour tenter de remplir le tableau ; enfin, en dernier recours et si les manques sont cruciaux, la possible réquisition par le préfet.

Chacun a compris que ces décrets ouvraient la possibilité de s'organiser différemment et, peu à peu, trois solutions se sont dégagées : les astreintes, la corégulation des centres 15, les maisons médicales. Ce sont ces trois thèmes qui ont été discutés, avec la CNAM notamment, et qui ont fait l'objet de concertations. Où en sommes-nous ?

D'une part, les médecins nous avaient demandé de préciser les règles par une circulaire. La circulaire a été publiée. Elle fait apparaître qu'une grande flexibilité est nécessaire, qu'il faut agrandir les secteurs pour diminuer le nombre de médecins de garde tout en continuant naturellement, à répondre aux besoins de la population et en laissant, selon les endroits, la possibilité de recourir, soit aux maisons médicales, soit aux astreintes traditionnelles, soit à la corégulation.

Tout le monde est maintenant à peu près d'accord, et je crois que chacun commence à se mettre au travail. Cependant, sans attendre que les choses soient bouclées, un certain nombre de médecins avaient commencé à s'organiser, bénéficiant tantôt de financements des collectivités locales, tantôt d'un financement par l'assurance maladie via le fonds d'aide à la qualité des soins de ville, le fameux FAQSV. On a assisté ainsi à l'expérimentation des maisons médicales. Près de quarante fonctionnent ainsi d'ores et déjà, et elles fonctionnent bien.

La discussion entre les médecins et la caisse porte sur la question de savoir comment ces maisons continueront à être financées et comment de nouvelles maisons pourraient être incluses dans le programme. Naturellement, tout dépendra des résultats de l'évaluation de l'action des ces maisons médicales.

Pour ce qui est de l'indemnité d'astreinte, l'accord est à peu près acquis entre les syndicats et la CNAM sur une indemnité de base de 50 euros.

Reste une dernière difficulté, qui n'est pas mince, le financement de la corégulation. Les médecins veulent l'équivalent de trois consultations par heure. La caisse trouve cette demande un peu excessive.

En tout état de cause, il n'appartient pas au Gouvernement de se prononcer et, madame Luc, après vous avoir de nouveau remerciée de nous permettre d'aborder un sujet aussi important, je tiens à vous dire que, à cet égard, votre amendement m'inquiète quelque peu. Il prévoit en effet que, en l'absence de convention nationale, le ministre de la santé fixe le montant de cette rémunération.

D'abord, alors que nous abordons la réforme de l'assurance maladie, je ne voudrais pas donner le sentiment que l'Etat substitue par avance la loi au dialogue entre les partenaires sociaux et les professionnels.

Ensuite, ce que vous me demandez est déjà une réalité, puisque, en l'absence d'accord conventionnel, le règlement conventionnel minimal s'impose, et il est évidemment décidé et signé par le ministre, mais j'ai préféré, pour les spécialistes, m'entourer du consensus le plus large possible. Les conversations, les discussions, les concertations sont actuellement en cours entre les syndicats et la CNAM. Je ne voudrais pas donner le sentiment d'anticiper un éventuel échec, car je suis persuadé, en tout cas, j'ose espérer, qu'elles vont aboutir.

Je vous demanderai donc, madame Luc, de bien vouloir retirer cet amendement, dont éventuellement nous pourrons rediscuter lors de la deuxième lecture, quand la concertation sera plus avancée.

Ma réponse a été un peu plus longue que de coutume, mais j'avais pris la précaution de dire, avant la suspension de séance, que je tenais à vous répondre pleinement sur ce sujet, qui, chacun le comprend, est essentiel.

J'ajoute, mais on y reviendra un peu plus tard, que, pour lutter contre la pénurie de médecins généralistes dans certaines zones géographiques, nous n'avons pas perdu de temps. Nous avons publié le décret relatif aux zones sous-médicalisées et trois mécanismes d'incitation sont désormais en place, au niveau national, au niveau territorial et au niveau conventionnel. Cela permettra, j'en suis persuadé, d'inciter un certain nombre de jeunes médecins à s'installer dans les zones sous-médicalisées.

Ils ont naturellement intérêt, comme tout le monde, d'ailleurs, à ce que ce système fonctionne, car sinon cela aboutirait à la mise en place de systèmes plus encadrés, ce que personne ne souhaite dans notre médecine libérale et dans notre système conventionnel.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Je voudrais prolonger le dialogue avec M. le ministre.

Bien sûr, il ne sera pas surpris que je m'associe pleinement à mon amie Hélène Luc, abordant à travers cet amendement d'appel la question de la permanence des soins des médecins d'exercice libéral.

En posant les bases, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, de l'organisation de cette permanence des soins, qui relève de la responsabilité de l'Etat, et de la rémunération des médecins y participant par la CPAM, vous avez ouvert, monsieur le ministre, un chantier important, car il conditionne l'égal accès aux soins.

Localement, les élus en lien avec les professionnels de santé et paramédicaux ont réussi des « montages » pour garantir une médecine de nuit, une médecine de proximité, y compris les week-ends et les jours fériés. Je peux en témoigner personnellement, car j'ai participé à l'ouverture de la première maison médicale de garde pour la région Rhône-Alpes, à Vénissieux.

Il est maintenant de notre responsabilité d'assurer la pérennité des dispositifs mis en oeuvre dans le cadre d'actions expérimentales financées jusqu'en décembre 2004 par les fonds d'aide à la qualité des soins de ville.

Un groupe de travail, vous l'avez rappelé, présidé par M. Charles Descours, s'est penché, notamment, sur les modes de valorisation de ces gardes pour les médecins.

Je suis conscient que les modalités de rémunération, le niveau de rémunération, relèvent du champ conventionnel. La Caisse nationale d'assurance maladie, la CNAM, sur ce sujet, comme sur d'autres d'ailleurs, doit négocier avec les médecins. Il n'en demeure pas moins, étant entendu que les professionnels de santé libéraux se trouvent associés à une mission d'intérêt public, que le Gouvernement se doit de tout mettre en oeuvre pour qu'une convention puisse être signée. Cela dit, je mesure les obstacles dans le contexte actuel de réforme de l'assurance maladie.

Comment terminer, monsieur le ministre, dans la mesure où les sujets sont liés, sans vous interroger sur l'état d'avancement du plan quinquennal « urgences » que vous avez annoncé, à la suite de la crise sanitaire de cet été ? Qu'en est-il des 150 millions d'euros prévus dès 2004 ?

Comment allez-vous recruter les 10 000 professionnels compétents dans le contexte de pénurie en médecins et infirmières que nous connaissons ?

Allez-vous mettre en oeuvre - et à quelle échéance - des mesures pour valoriser les métiers des services d'urgence ? La reconnaissance de l'urgence comme spécialité médicale est-elle toujours à l'ordre du jour ?

Comment ne pas remarquer pour le déplorer - mais je ne veux pas polémiquer sur ce thème, puisque nous sommes là pour débattre - que, dans sa globalité, la politique sanitaire du Gouvernement ne soit pas de nature, bien au contraire, à lever la pression des services d'urgence des hôpitaux ?

Si, effectivement, vous êtes soucieux de désengorger les urgences - renoncez aux dispositions restrictives prises dans la loi de financement de la sécurité sociale ou dans la loi de finances, qui sont autant de barrières financières à l'accès aux soins, à la médecine de ville !

Je voulais prolonger le dialogue avant tout, monsieur le ministre.

M. Jean-François Mattei, ministre. Je vais le prolonger encore !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-François Mattei, ministre. Je ne veux pas abuser de la patience des sénateurs, mais, comme je suis interrogé sur des sujets qui sont importants et que, de plus, je constate que nous nous acheminons vers un débat assez long, au moins, profitons-en !

M. Fischer me questionne sur le plan « urgences ». Je vais le lui détailler, avec les sommes et les échéances, et je le remercie de me permettre de le mettre en valeur.

Je rappelle que ce plan prévoit l'inscription de 489 millions d'euros sur cinq ans, dont 150 millions d'euros pour la seule année 2004. Je n'ai pas besoin de revenir sur les économies, sur le budget ou sur les dépenses prévues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, tout cela ayant été parfaitement programmé.

Ce plan « urgences » se décline en trois parties, selon une logique très cartésienne : avant les urgences, pendant les urgences et après les urgences.

Avant les urgences, il faut naturellement s'intéresser - telle était la préoccupation de Mme Luc - à la permanence des médecins généralistes. C'est la permanence des soins, dont nous venons de parler.

Les maisons médicales, qui font également partie de ce premier chapitre, sont de trois types : celles qui sont ouvertes vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sur le modèle de la maison médicale de Gap, celles qui sont ouvertes en ville et seulement aux heures correspondant à la fermeture des cabinets médicaux, par exemple de vingt heures à minuit, ou le samedi et le dimanche, et les autres, très originales - à mon avis, c'est un modèle d'avenir -, qui sont implantées à l'entrée de l'hôpital ou à proximité immédiate de celui-ci, comme les « services porte » d'autrefois. C'est là que les patients se présentent, sont examinés, soignés immédiatement pour les uns ou orientés pour les autres vers un service d'urgence situé quelques mètres plus loin.

Un autre point de ce chapitre « avant les urgences » est la coordination ville-hôpital.

On a déjà parlé de la régulation unique du centre 15. Je voudrais ajouter un élément important : la valorisation du métier de permanencier. Il faut accorder un véritable statut à ces personnes qui, au centre 15, assurent une permanence téléphonique et assument une vraie responsabilité. Il faut leur donner un statut, un métier et leur apporter une reconnaissance. Nous sommes en train de le faire.

Il faut également consolider les SAMU, les services d'aide médicale urgente, et les SMUR, les services mobiles d'urgence et de réanimation.

Enfin, dernier point de ce chapitre, il faut lutter contre la pénurie qui règne dans les zones sous-médicalisées.

Je n'insisterai pas sur cette première étape, mais sachez qu'elle représente 119 millions d'euros accordés sur cinq ans, dont 30 millions en 2004.

Sur la deuxième partie de ce plan, « pendant les urgences », je serai plus bref.

Il s'agit, d'une part, d'optimiser l'accueil des urgences, de les imposer comme une mission fondamentale de l'hôpital au travers d'un contrat d'établissement, et de connecter les urgences avec leur environnement, notamment avec la veille sanitaire, avec un système d'information complet.

Il s'agit, d'autre part, des investissements du plan « Hôpital 2007 ». A ce sujet, je vous confirme que sera créée une spécialité d'urgentiste à la rentrée prochaine. Ce dossier doit passer devant un certain nombre de commissions de l'enseignement supérieur, mais nous sommes sur la bonne voie, comme pour la gériatrie d'ailleurs. Ces deux engagements seront tenus.

Cette deuxième partie représente 124 millions d'euros sur cinq ans, dont 68 millions en 2004.

Enfin, la troisième partie, « après les urgences », a trait à la coopération entre les établissements, au développement des réseaux et, surtout, à l'accroissement des lits d'aval. Nous nous sommes engagés à en créer 15 000 en cinq ans.

Cette troisième partie, représente 246 millions d'euros, dont 52 millions en 2004. Tout est donc parfaitement prévu sur le plan budgétaire, monsieur Fischer.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Francis Giraud, rapporteur. La commission souhaite le retrait de cet amendement.

M. le président. L'amendement est-il maintenu, madame Luc ?

Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, nous faisons le même constat : cette situation ne peut pas durer et il faut trouver une solution. Certains patients, dont l'état ne justifie pas une consultation dans le service des urgences de l'hôpital doivent être dirigés vers les permanences médicales.

Comme vous le savez, le traitement des urgences se répartit entre les SAMU et les pompiers eux aussi saturés. En effet, lorsque les gens ne savent plus où aller, ils appellent les pompiers, qui viennent très rapidement.

Les médecins qui travaillent dans les permanences médicales ont été encouragés grâce à l'aide des élus. Je l'ai ressenti très nettement, ce que vous avez dit est vrai.

M. Jean-François Mattei, ministre. Ah !

Mme Hélène Luc. Car il y a eu à un certain moment le découragement : manque de moyens suffisants, problèmes de sécurité lorsqu'ils devaient se rendre dans les cités, problèmes liés au nombre d'heures de travail, préoccupation au demeurant bien légitime, il faut le reconnaître.

J'ai lu avec attention votre circulaire datée du 10 décembre 2003. Il y a le système des « trois fois cinquante euros ». S'il y a trois malades, le médecin perçoit une fois cinquante euros, s'il y en a deux, il touche deux fois cinquante euros et s'il n'y en a qu'un il touche trois fois cinquante euros.

Reconnaissez avec moi que cet amendement était difficile à rédiger. Mon souci était d'aboutir à une aide pour favoriser les permanences médicales. Je sais que des discussions sont en cours avec la CNAM. Nous ne savons pas quelle en sera l'issue, mais je ne veux pas les gêner. J'ai apprécié votre réponse, monsieur le ministre et j'ai d'ailleurs eu l'occasion d'évoquer ce sujet avec M. Descours que j'ai rencontré incidemment lors de la cérémonie de présentation des voeux de M. le président du Sénat, et qui est d'accord avec nous. Je vais donc retirer mon amendement... mais jusqu'à la prochaine lecture !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr : la confiance n'exclut par la prudence !

Mme Hélène Luc. Il faut aller au bout !

Enfin, monsieur le ministre, j'aurais aimé avoir une réponse à propos du numerus clausus, c'est-à-dire l'augmentation du nombre d'étudiants en médecine, car c'est vraiment un problème.

M. le président. L'amendement n° 233 est retiré.

La parole est à M. le ministre.

M. Jean-François Mattei, ministre. Le numerus clausus pour 2002 était de 4 700 ; en 2003, nous l'avons porté à 5 100 ; en 2004, nous le portons à 5 600 et nous continuerons de l'augmenter progressivement jusqu'au chiffre probable de 7 000. Nous verrons d'ici là.

M. Guy Fischer. Le plus tôt sera le mieux !

M. Jean-François Mattei, ministre. Ne dites pas cela ! C'est inconséquent ! Augmenter brutalement le numerus clausus aurait pour corollaire la baisse du niveau de recrutement.

Les directeurs des IFSI, les instituts de formation en soins infirmiers, m'ont confié qu'en portant le recrutement des élèves infirmières à 30 000 ils avaient aujourd'hui des candidates qui n'avaient pas tout à fait le niveau suffisant pour suivre les études d'infirmières.

Si vous portez brutalement le nombre d'étudiants en médecine de 4 700 à 7 000, ou 8 000, tel que cela m'a été demandé, vous baissez considérablement le niveau et, de surcroît, vous créez des effets d'accordéon d'une génération à l'autre, qui vont se faire sentir très longtemps ! Nous n'avons pas encore totalement épongé les effets des recrutements massifs, entre 1958 et 1968, de professeurs des universités, de praticiens hospitaliers, consécutifs à la réforme Debré. Les effets générationnels qui sont raccourcis sont très difficiles à gérer en termes de retraites, en termes d'avancement, en termes de promotion. Il faut donc essayer d'étaler l'augmentation dans le temps : si nous augmentons ce numerus clausus de 500 chaque année pendant cinq ans, six ans s'il le faut, croyez-moi, nous atteindrons les bons chiffres et nous le ferons de façon raisonnable et raisonnée.

M. le président. L'amendement n° 291, présenté par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Après l'article 3 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« L'article 49 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003) est abrogé. »

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Nous vous avons fait le reproche, monsieur le ministre, comme un grand nombre des professionnels de santé travaillant quotidiennement auprès de toutes les populations, dont Médecins du monde, de ne pas avoir prévu, dans le présent projet de loi, des objectifs forts et spécifiques en faveur de l'accès aux soins et de la prévention des personnes les plus fragilisées.

Nous en avons déjà parlé, mais par le biais de cet amendement, nous entendons revenir sur les dispositions concernant l'aide médicale d'Etat, revues récemment de façon restrictive sur l'initiative du Gouvernement.

Hier encore, toute personne résidant en France, quelles que soient les conditions de son séjour, pouvait, dès lors qu'elle était démunie, bénéficier d'un accès gratuit aux soins. De plus, si sa situation l'exigeait, en cas d'urgence médicale, elle pouvait être admise immédiatement au bénéfice de l'aide médicale.

Prétextant les abus, mettant à l'index les personnes se trouvant en fait dans une situation d'extrême dénuement, qui sont contraintes de quitter leurs pays pour accéder aux soins ou qui sont touchées en cours de séjour par une pathologie, le Gouvernement a réussi cette année, en loi de finances rectificative, à faire aboutir l'un de ses vieux projets, qui tendait à encadrer beaucoup plus stictement, pour des considérations étroitement financières et idéologiques, l'accès à l'aide médicale d'Etat.

Désormais, les étrangers résidant en France sans titre de séjour, bien que confrontés à un problème de santé, devront attendre trois mois avant l'ouverture hypothétique d'un droit.

Ensuite, le parcours du combattant continue ; des obstacles financiers sont mis en travers de la longue route vers les soins ou vers la prévention, puisque la personne devra s'acquitter d'un ticket modérateur.

Donc, deux mesures ont été adoptées.

Pour continuer à être prise en charge et soignée, la personne doit être gravement menacée !

Les associations, les syndicats de médecins, notamment, ont été nombreux à dénoncer avec force « l'application de la préférence nationale au système de santé » pour reprendre les termes d'un communiqué d'Act-Up Paris.

Monsieur le ministre, vous ne pouvez décemment pas défendre votre projet de santé publique, censé promouvoir la prévention et s'attaquer aux inégalités sociales de santé, et continuer sur la voie choisie par le Gouvernement, qui est celle de l'exclusion de personnes, adultes ou enfants, de notre système de soins. C'est selon nous porter atteinte aux principes jusqu'ici en vigueur en matière d'aide sociale.

Cette violation du principe d'égalité de traitement entre nationaux et étrangers en matière de protection sociale, traduisant bien la conception particulière qui est la vôtre de la solidarité nationale, est également un non-sens sanitaire.

Vous connaissez mieux que moi la réalité des données épidémiologiques. Permettez-moi toutefois de vous donner un exemple : l'accès au dépistage et la découverte du statut sérologique se fait à 42 % pour la population française au moment du diagnostic du sida contre 68 % pour les migrants venant d'Afrique subsaharienne.

Une nouvelle fois, les parlementaires communistes vous demandent, monsieur le ministre, de renoncer à vos choix en acceptant notre amendement, qui tend à supprimer les dispositions dangereuses de l'article 49 de la loi de finances rectificative pour 2003.

Plus globalement, nous souhaitons ardemment que vous arrêtiez d'ériger en principe de gouvernement l'opposition d'une partie de nos concitoyens aux autres, ceux qui consomment sans compter des soins à ceux qui peinent à accéder à une couverture complémentaire ; ceux qui travaillent durement sans pouvoir vivre dignement à ceux, les bénéficiaires du RMI, se complaisant dans l'assistance !

Nous ne reviendrons pas sur les problèmes liés à l'aide médicale d'Etat, mais nous souhaitions, une dernière fois au cours de ce débat, rappeler les principes de votre action et notre point de vue sur la question.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Francis Giraud, rapporteur. Les auteurs de l'amendement entendent revenir sur l'encadrement de l'accès à l'aide médicale. Le Gouvernement a, sur le sujet, arrêté sa position, que le Sénat a adoptée. La commission ne souhaite pas revenir sur cette décision et émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Mattei, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 291.

(L'amendement n'est pas adopté.)