PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi organique pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales
 

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Questions d'actualité

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Avant de donner la parole à l'auteur de la première question, je voudrais, en notre nom à toutes et à tous, à quelques jours de la commémoration du débarquement du 6 juin 1944 sur les plages normandes, rendre un hommage solennel au courage exemplaire de ces hommes, des Américains, des Britanniques, des Canadiens, des Polonais, des Français et bien d'autres, qui ont participé à la libération de la France.

Saluons la mémoire de tous ceux, soldats et civils, qui ont trouvé la mort en ces jours historiques sur la terre de France.

Pour sa part, le Sénat a souhaité apporter sa contribution au devoir de mémoire en organisant, sur les grilles du jardin du Luxembourg, une exposition de photos retraçant cet événements, qui sera inaugurée ce soir même.

J'invite les uns et les autres à participer à cette manifestation.

réforme de l'assurance maladie (organisation des soins)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.

M. Jean-Louis Lorrain. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'assurance maladie.

Menacé par d'importantes dérives, notre système d'assurance maladie est en péril. En effet, ce système universel et généreux, qui souffre d'une mauvaise organisation, fait malheureusement l'objet d'abus et de gaspillages.

Nous ne pouvons laisser continuer à croître les dépenses remboursées par l'assurance maladie sans avoir la certitude qu'elles sont justifiées. Une réforme est donc indispensable pour sauvegarder ce régime auquel nous sommes attachés.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous vous êtes attelé avec détermination à l'élaboration d'une telle réforme.

Depuis votre arrivée au Gouvernement, M. Philippe Douste-Blazy et vous-même avez reçu l'ensemble des partenaires sociaux et des professionnels de santé au ministère. Nous nous félicitons de cet esprit de dialogue dont le Gouvernement fait preuve.

Les grandes orientations de la réforme s'appuient sur le constat partagé réalisé par le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie.

Un texte a été soumis au Conseil d'Etat afin de définir un nouveau système de pilotage de l'assurance maladie, au sein duquel chacun pourra prendre toute sa place et toute sa part de responsabilité, les mesures de financement nécessaires et une nouvelle organisation de l'offre de soins.

Concernant cette dernière, les pistes de réforme sont multiples qui doivent permettre de mieux soigner tout en luttant contre les abus et de faire ainsi des économies : associer plus efficacement les professionnels de santé aux actions de prévention au travers des contrats de santé publique, mettre en place le dossier médical partagé, développer les réseaux de soins.

M. Didier Boulaud. Il faut interdire la maladie !

M. Jean-Louis Lorrain. Nous savons que la mise en oeuvre de ces dispositifs est plus ou moins complexe. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, détailler ces réformes et nous donner des éléments sur le calendrier de leur application ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie. Monsieur le sénateur, vous avez raison de rappeler que notre système d'assurance maladie, auquel nous sommes tous profondément attachés, serait en grand péril si nous ne le modernisions pas.

Avons-nous aujourd'hui un bon système d'assurance maladie ? La réponse est oui. Pouvons-nous l'améliorer ? La réponse est, là aussi, bien évidemment, oui.

Vous avez également raison de rappeler qu'il y a un certain nombre d'abus et de gaspillages auxquels il est essentiel de mettre un terme, d'autant que nos concitoyens se disent prêts à faire des efforts à condition que ce préalable soit respecté. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Cela fait d'ailleurs partie du pacte fondateur de solidarité tel qu'il a été imaginé en 1945, mais un système solidaire ne vaut que s'il est respecté par les uns et par les autres.

D'autre part, se pose un problème de pilotage. Aujourd'hui, notre système d'assurance maladie n'est pas piloté, il n'y a pas de gouvernance dans ce système.

Si l'Etat doit conserver toute sa place et définir une véritable ambition pour la santé comme pour notre système d'assurance maladie, il faut que l'ensemble des acteurs se sentent responsables et que chacun consente un certain nombre d'efforts.

Vous avez évoqué la mise en place d'un nouveau système de soins centré sur la qualité des soins.

Dans le plan de modernisation engagé par le Gouvernement, tel que l'ont voulu le Président de la République et le Premier ministre, sera proposée une nouvelle offre de soins.

Nous devrons, les uns et les autres, quelle que soit notre couleur politique, apporter notre contribution à la mise en place de ce nouveau système de soins, fondé, notamment, sur une meilleure coordination autour du médecin traitant, sur l'élaboration d'un dossier médical personnel, évitant la prescription d'examens redondants, inutiles, et permettant au médecin d'être mieux informé sur son patient,...

Mme Hélène Luc. Connaissez-vous beaucoup de gens qui vont chez le médecin quand ils n'ont rien ?

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. ...ainsi que sur la définition d'une nouvelle politique du médicament.

Nous avons la ferme conviction que nous pouvons dépenser mieux pour soigner mieux. Ce sera l'affaire de tous. Chacun peut faire évoluer son comportement par rapport à l'assurance maladie.

M. Didier Boulaud. J'ai l'impression d'avoir déjà entendu ça !

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. C'est de cette façon que nous réussirons à sauvegarder notre sécurité sociale, et c'est bien là l'essentiel. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

budget de l'europe

M. le président. La parole est à M. Henri Weber.

M. Henri Weber. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

Nombre de nos régions françaises en difficulté ou en reconversion industrielle bénéficient de très importantes aides européennes. Ainsi, dans le Nord-Pas-de-Calais, en Haute-Normandie, en Basse-Normandie et en Picardie, des milliers de réalisations ont vu le jour grâce à ces aides, dont le montant s'élève, pour le grand Nord-Ouest, à 2,5 milliards d'euros sur la période 2000-2006.

La reconversion économique de ces régions n'est pas achevée et elles ont toujours besoin des aides de l'Europe.

Le Président de la République, M. Jacques Chirac, a décidé de plafonner le budget de l'Union européenne à 1% du produit intérieur brut européen, malgré l'arrivée des dix nouveaux pays membres et de 75 millions de nouveaux citoyens.

Les dix nouveaux pays de l'Est seront légitimement de gros consommateurs de fonds structurels européens. Ils en seront aussi les bénéficiaires prioritaires au titre de l'objectif 1.

Maintenir le même budget pour vingt-cinq pays au lieu de quinze, ne pas tenir compte de l'élargissement, cela revient en réalité à accepter de réduire le budget de l'Union européenne.

La droite révèle ainsi sa vision de l'Europe : un grand marché à solidarité limitée.

Dans ces conditions, ce sont nos régions françaises qui serviront de variables d'ajustement et verront leurs subventions réduites ou supprimées.

Vous le savez si bien, monsieur le ministre, que, lorsque vous étiez commissaire européen, vous avez proposé vous-même d'augmenter substantiellement le budget de l'Union européenne, sans aller toutefois jusqu'au taux de 1,5% que nous demandons.

Ma question est double.

Qu'allez-vous faire pour préserver l'aide européenne aux régions françaises qui y ont droit, et qui en ont un grand besoin, avec un budget représentant 1% du PIB européen ?

Comment comptez-vous augmenter les ressources de l'Europe pour lui permettre de faire face à ses responsabilités nouvelles nées de l'élargissement ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, je me permettrai d'abord d'observer que vous auriez pu aussi bien adresser votre question à Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Vous avez préféré la poser au ministre des affaires étrangères, mais il s'agit d'affaires qui sont de moins en moins étrangères, comme en témoignent les propos mêmes que vous venez de tenir.

Le budget de l'Union européenne représente aujourd'hui à peu près 1 % de la richesse européenne, ce que l'on appelle le « revenu national brut communautaire ». A ce budget les contribuables français apportent chaque année environ 17 milliards d'euros.

Je vous le dis pour nourrir votre réflexion personnelle et celle de vos amis, puisque vous avez parlé de la gauche et de la droite, monsieur Weber : adopter le pourcentage de 1,5 % que vous demandez conduirait les contribuables français, vous en avez sûrement conscience, à verser 8 milliards d'euros supplémentaires par an.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est mathématique !

M. Michel Barnier, ministre. Oui, mais encore faut-il le dire !

M. Jacques Mahéas. C'est ce que vous allez donner aux riches !

M. Henri Weber. Il nous en reviendrait combien ?

M. Michel Barnier, ministre. Alors, soyons sérieux et laissons de côté la campagne électorale, si vous le voulez bien, monsieur Weber ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Michel Barnier, ministre. Le Président de la République n'a pas décidé de plafonner ce pourcentage. Il a formulé une proposition, mais il ne l'a pas fait tout seul : il a signé une lettre avec cinq autres chefs d'Etat et de Gouvernement, au nombre desquels Tony Blair et Gerhardt Schroeder. Je tenais à le préciser puisque vous ne l'avez pas dit. (Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.). Il ne s'agit donc pas là d'une affaire de gauche ou de droite.

Il y a un temps pour la proposition et un temps pour la négociation.

La proposition, c'est la Commission qui l'a faite. Je m'en souviens d'autant plus précisément que j'ai contribué à l'élaborer. Cette proposition est la suivante : quels que soient les moyens qui seront affectés au budget européen, la politique régionale sera préservée, elle que j'ai portée avec tant de passion et qui a été si utile, non seulement à la région dans laquelle, monsieur Weber, vous vous présentez aux élections européennes,...

M. Serge Vinçon. Et même au Berry !

M. Michel Barnier, ministre. ...mais aussi à toutes les régions françaises, et d'abord aux plus défavorisées d'entre elles - car il ne faut pas les oublier et moi, je ne les oublie pas - que sont les régions françaises d'outre-mer. (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)

Si les propositions de la Commission sont suivies, les aides seront donc préservées, notamment celles qui sont destinées à favoriser les reconversions industrielles.

Vient ensuite le temps de la négociation : au bout d'un an ou d'un an et demi, nous trouverons le juste équilibre entre la demande d'un certain nombre d'Etats, dont le nôtre, qui ont le souci des maîtrises budgétaires, et la proposition de la Commission, qui se traduirait par un taux de 1,11 %. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

délocalisation en chine de l'industrie de la chaussure

M. le président. La parole est à M. Henri de Richemont.

M. Henri de Richemont. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'industrie.

L'industrie de la chaussure, dans le grand Sud-Ouest, est frappée de plein fouet par les effets de la mondialisation : on y dénombrait 30 000 emplois en 1995, 15 000 en 2003. Cette perte d'emplois s'est encore accélérée, puisque 700 emplois ont été supprimés depuis le 1er janvier 2004, dont 350 en Dordogne et 200 en Charente.

Hier encore, l'entreprise Chaignaud a annoncé la suppression de 50 emplois, de même que l'entreprise Baby Mousse.

Sur 320 millions de paires de chaussures consommées en France, 100 millions proviennent de Chine et 45 millions du Vietnam.

Nous avions pu, jusqu'à présent, limiter les effets de l'importation grâce aux mesures antidumping et aux quotas. Cependant, voilà dix-huit mois, les mesures anti-dumping ont été supprimées. A la fin de l'année, les quotas le seront également en raison des accords de l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce

Ma question est donc celle-ci : sera-t-il possible, dans le cadre des négociations de l'OMC, de prolonger les quotas ou de prévoir des mesures transitoires ?

Si tel n'est pas le cas, une reconversion sera indispensable. Or une reconversion est coûteuse et pénalisante pour les petites entreprises, qui, lorsqu'elles ne peuvent pas assumer la contribution Delalande, sont souvent acculées à déposer le bilan.

Puisque les suppressions d'emplois vont s'accélérer dans le grand Sud-Ouest, n'est-il pas possible de supprimer ou de suspendre les contributions Delalande pour les petites entreprises et de les aider par un effort de formation ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur de Richemont, vous avez raison : la situation de la filière de la chaussure est très grave. En effet, cette filière, qui compte encore aujourd'hui 170 entreprises employant 15 000 salariés, est prise en tenaille entre la production bas de gamme venant le plus souvent de Chine, où les coûts salariaux sont vingt fois inférieurs aux nôtres, et la production haut de gamme de l'Italie. La marge de manoeuvre qui reste à nos entreprises est donc assez faible.

Dans votre département, la Charente, sur 750 emplois relevant de cette filière, 200 sont menacés cette année.

Face à cette situation, L'Etat n'est pas resté inactif : des mesures à court terme et des mesures à long terme ont été mises en oeuvre.

S'agissant du court terme, le préfet a constitué une plate-forme avec les partenaires sociaux, la chambre de commerce et d'industrie d'Angoulême, la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, la direction du travail, afin de mettre en place à la fois des mesures de reconversion et des mesures de reclassement. Elles permettront de faire face à l'urgence : 200 000 euros ont été dégagés au titre du fonds national de l'emploi, le FNE.

Parallèlement, des mesures à long terme de restructuration ont été engagées.

En réalité, la chance de la chaussure passe nécessairement par l'innovation, c'est-à-dire par la différenciation des produits. Il faut créer des produits différents, car nous n'arriverons pas à concurrencer la Chine sur les produits bas de gamme.

Pour favoriser cette créativité, le Gouvernement souhaite s'appuyer sur le crédit impôt-recherche, dont nous voulons, vous le savez, accroître la capacité.

Dans le même temps, les professionnels, par exemple le comité interprofessionnel de développement des industries du cuir, de la maroquinerie et de la chaussure, le CIDIC, travaillent avec le Gouvernement pour encourager l'innovation dans ce secteur.

Bref, tous les moyens sont mobilisés, non seulement pour aider au reclassement des entreprises existantes, mais aussi pour insérer dans le tissu économique local de nouvelles entreprises qui viendront revitaliser le territoire.

La situation est difficile, mais le Gouvernement, avec volontarisme, s'attache à créer des emplois dans les départements concernés, donc en Charente. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Polygamie

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto.

M. François Zocchetto. Madame la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, je souhaite vous interroger sur le problème de la polygamie en France.

Depuis la loi du 24 août 1993, le regroupement familial de plusieurs épouses sur le sol français est interdit, de même que le renouvellement du titre de séjour du chef de famille polygame. Par ailleurs, le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel ont affirmé à plusieurs reprises que la polygamie était contraire à l'ordre public français et n'ouvrait aucun droit particulier aux personnes concernées.

Je ne souhaite pas porter de jugement de valeur sur les familles polygames. Toutefois, madame la ministre, je m'inquiète de l'atteinte à la dignité des femmes et de leur état de dépendance, qui sont des conséquences de la polygamie. Ni la polygamie, ni les mariages forcées, ni les violences ou les discriminations ne sauraient être acceptés sur le sol français, car ils portent atteinte, tout le monde en a conscience, à la dignité humaine.

Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour venir en aide à ces femmes et leur permettre de s'intégrer ?

En outre, se pose la question du coût pour la communauté nationale et pour les services sociaux des 10 000 à 20 000 familles polygames en France.

Mme Nicole Borvo. Nous y voilà !

M. François Zocchetto. Ce coût est estimé à environ 300 millions d'euros par an. Il s'agit là d'un détournement de notre politique sociale, et je ne parle pas des problèmes de logement et d'insertion sociale que ces situations engendrent.

Est-il nécessaire d'adapter notre législation pour empêcher ces abus, sans pour autant léser les mères de famille victimes de ces situations ?

Mme Nicole Borvo. C'est déjà le cas !

M. François Zocchetto. Quelles mesures comptez-vous prendre pour mettre fin à ces violations répétées de notre droit ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Monsieur le sénateur, si la France s'affirme comme une terre d'accueil généreuse et humaine, elle ne saurait en aucune façon tolérer sur son sol des atteintes, quelles qu'en soient la forme, la nature ou l'expression, aux valeurs de la République et particulièrement à la dignité de la personne humaine.

Vous le savez, nous sommes résolus à faire évoluer, s'il le faut, notre droit sur tous ces aspects pour faire respecter ce principe constitutionnel qui inspire notre législation et fait l'honneur de notre République.

Vous évoquez tout particulièrement la polygamie. Sur ce point, la règle est claire : la polygamie, naturellement, est interdite sur notre territoire. La législation a été renforcée en 1993 par l'interdiction du regroupement familial des épouses ainsi que par le non-renouvellement du titre de séjour du chef de famille polygame.

A plusieurs reprises, ainsi que vous l'avez indiqué, le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat ont rappelé que la polygamie était contraire à l'ordre public et n'ouvrait donc aucun droit aux personnes concernées.

Si la règle est claire, la réalité est plus complexe.

Les maires le savent bien, c'est dans le cadre des décohabitations longues et coûteuses, procédures lourdes, que se manifeste singulièrement la difficulté de ces situations.

Comment y répondre ?

Une évaluation de l'application de la loi depuis 1993 s'impose, de même qu'un contrôle plus efficace de ces situations, dont on n'a pas toujours connaissance.

Par ailleurs, il faut le rappeler, ces situations sont souvent liées à l'immigration clandestine. L'action menée par Dominique de Villepin en la matière devrait également permettre de résoudre pour partie ce problème.

Toutefois, le droit n'est pas tout. Bien évidemment, il faut compter avec le relais des associations ainsi qu'avec l'action conduite par Jean-Louis Borloo et par Catherine Vautrin sur la mise en oeuvre du contrat d'intégration et l'information systématique des femmes sur leurs droits. Il s'agit là de pistes tout à fait prometteuses.

Nos politiques sociales doivent conduire, au-delà de l'assistance, à la liberté, à l'égalité et surtout à la responsabilité.

Nous devons faire en sorte, partout où cela est possible, de fonder notre politique d'intégration sur une véritable égalité des chances. C'est le sens de la politique qu'a réaffirmée le Premier ministre hier, dans le cadre du comité interministériel de l'intégration : il a démontré l'importance de la relation contractuelle et de toute la politique de promotion sociale, ainsi que l'intérêt d'une véritable stratégie d'égalité des chances.

C'est aussi cela, la politique d'intégration dont nous avons besoin ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Conséquences pénales pour les maires de la réforme du code des marchés publics

M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson.

M. Pierre Hérisson. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat aux droits des victimes.

La nouvelle réglementation du code des marchés publics est en vigueur depuis le début de l'année. Les maires en attendaient beaucoup.

Or, même si l'on constate des avancées, notamment quant à la liberté d'accès et à la transparence dans la commande publique, des points importants concernant la responsabilité pénale des maires restent à préciser.

Le nouveau code des marchés publics, d'inspiration européenne et libérale, transforme le maître d'ouvrage donneur d'ordre public en acheteur-négociateur. Cela signifie que les élus sont totalement exposés, sans aucune protection face au délit de favoritisme. Celui-ci devient une arme redoutable que peuvent très facilement utiliser les candidats qui n'ont pas été retenus.

Il est donc urgent de revoir les dispositions et les sanctions relatives au délit de favoritisme. Elles étaient certainement adaptées à la situation qui découlait de l'ancien code des marchés publics, où l'appel d'offres était la règle essentielle. A présent, ce n'est plus le cas.

Madame la secrétaire d'Etat, quand et comment envisagez-vous d'apporter les garanties et les précisions nécessaires à l'exercice redoutable de la commande publique par les élus territoriaux, de manière qu'ils puissent agir en pleine connaissance de cause ? Les élus ont un besoin impérieux de sérénité et de confiance ; surtout, ils ont besoin de ne pas être soumis à la vindicte dès lors qu'il y a doute ou méfiance dans la gestion du mandat que le peuple leur a confié. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes. Monsieur le sénateur, M. Dominique Perben m'a chargée de vous demander d'excuser son absence et de vous communiquer sa réponse.

Le décret du 7 janvier 2004, qui constitue le nouveau code des marchés publics, est le fruit d'une large concertation. Il révèle un véritable changement d'esprit du droit de la commande publique autour des trois principes directeurs que sont la simplification administrative, la libéralisation de l'achat public et la progression de la liberté contractuelle.

Ce nouveau code a libéralisé de façon considérable l'achat public. La priorité a été donnée au dialogue et à la négociation, afin de mieux adapter les prestations aux besoins des acheteurs publics et de concourir ainsi à l'efficience des dépenses publiques.

Selon le manuel d'application du code des marchés publics, les personnes publiques détermineront elles-mêmes le contenu des procédures de passation à mettre en oeuvre. Toutefois, les principes fondamentaux de la commande publique induisent un strict respect des principes de transparence, de publicité et de mise en concurrence.

La responsabilisation des acheteurs publics s'appuie ainsi sur la simplification et la transparence des règles de passation des marchés.

Contrairement aux inquiétudes que vous avez exprimées, ces règles sont favorables à l'acheteur public puisque l'incrimination du délit de favoritisme n'a pas été modifiée. Elle ne pourra donc être retenue contre un acheteur public dont la transparence des choix garantit la qualité.

La réforme de simplification intervenue en 2004 garantit en réalité la sécurité juridique de l'acheteur public.

J'ajoute que, s'agissant des commandes passées pour des montants significativement inférieurs au seuil réglementaire, le Premier ministre a bien pris note des observations formulées par l'Association des maires de France. C'est pourquoi, afin de poursuivre la réflexion que vous demandez dans le sens de la simplification et de l'efficacité de la commande publique, le Gouvernement s'attachera à maintenir le dialogue et la concertation avec les élus. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Réforme de l'assurance maladie

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le secrétaire d'Etat à l'assurance maladie, votre projet de réforme est fondé sur deux principes : la réduction des dépenses, donc de l'offre de soins, et la culpabilisation des assurés. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Roger Karoutchi. Ce n'est pas vrai !

M. Thierry Foucaud. Repoussant les sources essentielles du déficit de la sécurité sociale que sont le chômage et la précarité, mais aussi la très faible contribution des revenus financiers, vous envisagez, monsieur le secrétaire d'Etat, de réaliser d'emblée 15 à 16 milliards d'euros d'économies en ponctionnant toujours plus les assurés.

Confirmez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, que 5 milliards d'euros seront ainsi prélevés sur les assurés ?

Renchérir le coût de la santé est-il, selon vous, un bon moyen d'élargir l'offre des soins ? Aujourd'hui, en effet, au moins 20 % de nos concitoyens ne se soignent pas vraiment, en particulier par manque d'argent !

Les dix autres milliards d'économie relèvent pour l'essentiel de ce que vous pouvez appeler la « chasse au gaspi ».

Le déremboursement croissant des médicaments, l'augmentation d'un euro du forfait hospitalier, la politique du soupçon en matière d'arrêt de maladie, relèvent de ce principe.

Monsieur le secrétaire d'Etat, les Français ne sont pas des malades imaginaires : ils n'ont pas besoin de saignées !

L'augmentation de la contribution sociale généralisée, qui, une fois de plus, épargne les revenus financiers, est programmée pour les retraités et salariés, alors que 80 % du produit de cette taxe proviennent déjà, comme vous le savez, des revenus du travail.

Votre potion est classique : faire payer les salariés et les retraités, exonérer les revenus financiers et réduire le service en matière de santé publique.

Vous refusez toujours d'étudier les propositions alternatives à votre projet. Allez-vous, oui ou non, monsieur le secrétaire d'Etat, décider le renforcement de la participation des revenus du capital au financement de la santé publique ?

Taxer le profit au même niveau que les salaires rapporterait 20 milliards d'euros. Pouvez-vous répondre sur ce point crucial ? Faute de suivre cette voie, vous confirmerez que votre plan se fonde sur les propositions du MEDEF.

Il y a en France de l'argent pour faire vivre la sécurité sociale et pour garantir à tous l'accès aux soins.

Ce qui est là en question, c'est un choix de société, ainsi que le signifieront d'ailleurs à M. Douste-Blazy et au Gouvernement les Français qui manifesteront samedi 5 juin à Paris et en province...

M. Alain Gournac. Encore des défilés !

M. Thierry Foucaud. ...pour une sécurité sociale fondée sur la justice et la solidarité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie. Monsieur le sénateur, je ne sais pas si vous êtes prêt à changer d'avis, mais, moi, je suis en mesure de vous apporter des réponses précises aux questions que vous avez posées.

Mme Nicole Borvo. Ah ça alors !

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Vous nous dites aujourd'hui que les revenus financiers ne seront pas taxés. C'est faux !

M. Henri de Raincourt. Mauvaise pioche !

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Il est prévu, au nom de l'équité et d'un effort justement réparti, de demander une participation de 0,7 % aux détenteurs de revenus du patrimoine.

Mme Nicole Borvo. Il faut qu'elle soit au même niveau que l'effort demandé aux salariés !

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, autre erreur figurant dans vos propos : vous avez parlé de politique de déremboursement. Vous vous trompez de plan ! Le Gouvernement a précisément veillé à exclure de ce plan-ci ce qui constitue la marque de fabrique de nombreux plans en matière de sécurité sociale, à savoir des prélèvements et des déremboursements massifs.

Aujourd'hui, le système de soins est maintenu à l'identique. La frontière entre le régime obligatoire et le régime complémentaire n'a pas changé. Les Français continueront à être remboursés de la même façon. C'est un choix politique courageux qu'a voulu faire M. le Premier ministre et son gouvernement.

Mme Hélène Luc. Ce n'est pas vrai !

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Vos souhaits seront donc aussi exaucés à cet égard.

Mme Nicole Borvo. Personne ne vous croit !

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Je vous remercie d'ailleurs de me donner l'occasion de faire ainsi un sort à certaines contrevérités.

Par ailleurs, le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, dont les conclusions ont fait l'objet d'un consensus en son sein, a bien montré que, en cas de déficit de l'assurance maladie, les deux tiers étaient d'origine structurelle et un tiers était d'origine conjoncturelle.

Mme Nicole Borvo. Justement !

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. C'est dans la droite ligne de ces conclusions que le plan de modernisation ne prévoit de lever des recettes qu'à hauteur de 5 milliards d'euros, parce que la vraie réponse concerne l'offre de soins.

Il y a donc non pas culpabilisation mais responsabilisation des assurés, monsieur le sénateur.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Au-delà du débat sémantique, pensez-vous que l'on doive continuer à ne rien faire ? En ce qui nous concerne, la réponse est non.

Mme Hélène Luc. Nous n'avons jamais dit qu'il ne fallait rien faire !

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Il faut avoir le courage de demander à chacun de faire évoluer son comportement.

Mme Hélène Luc. Ce n'est pas ce que vous faites !

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Etes-vous prêts, vous aussi, à demander aux Français de faire évoluer leur comportement afin de préserver notre système social généreux et solidaire ? Nous, nous allons le leur demander et nous pensons qu'ils répondront de façon positive.

Monsieur le sénateur, l'égalité d'accès aux soins, tout comme l'équité, figure toujours en lettres d'or dans le projet de modernisation qui est le nôtre.

Mme Hélène Luc. Vous savez très bien que ce n'est pas vrai !

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Le moment venu, quand un débat ouvert s'engagera au Parlement, après que le Gouvernement vous aura apporté ses réponses, nous verrons si, vous aussi, vous prenez vos responsabilités et si vous voulez vraiment « sauver la sécu ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

INTERDICTION DU GAUCHO

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez décidé de suspendre l'usage du Gaucho (Exclamations amusées sur diverses travées) pour le traitement des semences de maïs jusqu'à la réévaluation de cette substance par la Commission européenne en 2006. Je comprends votre décision, qui répond à l'inquiétude exprimée tant par les apiculteurs que par nos concitoyens à la suite de la diffusion de diverses informations faisant état d'un risque éventuel pour la santé humaine.

Or ce danger pour l'homme a été exclu par tous les experts et, à en croire les différentes études scientifiques menées à ce jour, aucune corrélation n'a été établie entre l'utilisation du Gaucho et la mort des abeilles.

Ainsi, que ce soit dans les Vosges, où aucun traitement n'est pratiqué, ou en Vendée, où moins de 5 % des surfaces sont traitées, le même problème de santé se pose pour les abeilles que dans les régions où les agriculteurs utilisent du Gaucho pour la culture du maïs. Les causes de mortalité doivent donc plutôt être recherchées du côté de maladies virales ou parasitaires. A ce titre, il me semblerait fort dommage de ne pas mener à son terme l'étude multifactorielle diligentée par le Gouvernement, qui comprend notamment l'examen des différentes molécules utilisées par la filière apicole elle-même.

Ce dossier pose en fait la question de l'usage des pesticides en général et de la préservation de l'environnement.

Permettez-moi de rappeler que, si l'on abandonne le principe de l'enrobage des semences, cela revient à accepter pour le seul maïs l'épandage direct de 10 000 tonnes de produits phytosanitaires fabriqués à partir de molécules élaborées voilà vingt-cinq ans et ayant un profil toxicologique pour l'homme et l'environnement beaucoup plus dommageable.

Je crains donc que la suppression du Gaucho en matière de culture de maïs n'ait des conséquences très graves à la fois pour les producteurs français, qui n'auront plus de réponse technique aux problèmes qu'ils rencontrent, ce qui mettra en jeu leur compétitivité, et pour la filière semences elle-même, filière très dynamique, fortement exportatrice, et qui pourrait être contrainte de délocaliser ses activités.

Dès lors, il me semble important de se garder, sur un tel dossier, d'un obscurantisme qui conduirait à rejeter tout recours à des procédés chimiques innovants.

Le Gouvernement se doit de redéfinir le cadre réglementaire précis de l'homologation des produits de traitement de semences et de statuer sur l'avenir de cette technologie, qui se développe partout dans le monde. Ne serait-il pas pertinent d'imaginer, par exemple, la création d'une structure d'évaluation du risque dans le domaine du végétal ?

Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous me faire part de la suite que vous entendez réserver à ces propositions, de manière à concilier protection de l'environnement et compétitivité de nos filières agricoles ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. Hervé Gaymard a décidé de suspendre, jusqu'à la réévaluation de cette substance par la Commission européenne en 2006, l'usage du Gaucho pour le traitement des semences de maïs, et cela, il convient de le rappeler, sur la foi d'avis scientifiques.

La commission d'étude de la toxicité des produits phytosanitaires a été saisie en vue d'une actualisation des avis qu'elle a rendus antérieurement sur l'évaluation des risques du Gaucho en matière de traitement des semences de maïs et de tournesols.

Par ailleurs, cette décision fait suite à la procédure contradictoire engagée dès le 9 mars 2004, et aujourd'hui menée à son terme, auprès du fabricant et des utilisateurs du Gaucho pour recueillir leurs observations.

Dans sa réponse, la commission d'étude de la toxicité a indiqué : « Le risque pour les abeilles reste préoccupant et il n'est sans doute pas possible de dégager des conditions acceptables, au sens des directives européennes, pour l'usage de semences de maïs enrobées par la préparation Gaucho. »

La nature et l'importance de la mortalité des abeilles, que ne méconnaît pas le Gouvernement, demandent à être encore précisées dans la mesure où peu de données consolidées sont actuellement disponibles. Il reste que le pesticide en question possède des caractéristiques qui doivent inciter à la prudence. C'est le sens de la décision du Gouvernement.

Je voudrais par ailleurs insister sur le fait que, à l'inverse du Fipronil, dont l'usage est suspendu pour tous les végétaux, le Gaucho a fait l'objet d'une suspension limitée à la culture du tournesol et du maïs. La mesure prise est donc proportionnée au but visé et doit permettre, à court terme, de poursuivre avec l'ensemble des acteurs l'analyse des problèmes rencontrés par les apiculteurs, dans un climat serein et constructif.

Monsieur le sénateur, vous avez également évoqué le problème général de l'appréciation des procédés chimiques utilisés. Ne conviendrait-il pas, avez-vous demandé, de disposer d'un organisme qui permette d'aborder ces questions de façon plus globale ?

Sur ce point, je vous répondrai d'abord que le Gouvernement souhaite trouver des solutions de remplacement à ces produits dans les meilleurs délais et y travaille actuellement, en liaison avec l'ensemble des professionnels concernées. Nous attendons en particulier les résultats d'études scientifiques effectuées sur de nouvelles substances.

Je vous rappelle, par ailleurs, la volonté d'Hervé Gaymard de mettre en place une agence chargée de la santé des végétaux, qui permettrait de procéder à la fois à l'évaluation des risques et à la définition des méthodes de lutte contre les ennemis des cultures. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

RéFORME DE LA PAC

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le secrétaire d'Etat à l'agriculture, à quelques jours du scrutin européen, je souhaite évoquer l'un des aspects fondamentaux de la construction communautaire : la politique agricole commune.

Avec 45 milliards d'euros, soit un peu moins de la moitié du budget de l'Union européenne, l'agriculture est une préoccupation majeure pour de nombreux pays membres, dont la France.

La réforme décidée le 26 juin 2003 à Luxembourg va modifier radicalement les modalités de financement du secteur agricole. En particulier, la plus grande partie des aides sera désormais versée indépendamment des volumes de production.

S'agissant, tout d'abord, du second pilier, relatif au développement rural, le renforcement du soutien à l'installation des jeunes agriculteurs ainsi que les nouveaux crédits destinés à aider la mise aux normes constituent des avancées.

En revanche, le premier pilier, qui concerne les aides compensatoires, appelle un commentaire. Si l'on peut, naturellement, approuver le principe qui consiste à garantir les revenus des agriculteurs et à leur permettre de déterminer leur production en fonction des besoins du marché et de la demande des consommateurs, on peut toutefois s'interroger sur les modalités de sa mise en oeuvre.

L'instauration des paiements uniques par exploitation, notamment, suscite de vives inquiétudes, exprimées non seulement dans le Tarn-et-Garonne et par mon collègue Jean-Michel Baylet, mais aussi sur d'autres travées de cette assemblée.

Comme vous le savez, le système est complexe. A ce titre, il appelle une nouvelle clarification.

Les droits à paiement unique, qui sont en réalité des droits marchands, ne risquent-ils pas de faire obstacle à l'installation des jeunes agriculteurs dans la mesure où ils pourraient soit renchérir le foncier, soit inciter l'exploitant détenteur du droit à le monnayer lors d'un transfert ?

Ensuite, sachant que les aides sont liées au respect des standards européens en matière d'environnement, de sécurité alimentaire, de bien-être des animaux et d'entretien des terres, qu'en est-il, monsieur le secrétaire d'Etat, des règles de la conditionnalité ? Seront-elles compatibles avec nos pratiques agricoles ?

L'agriculture doit demeurer au coeur du projet européen, d'autant que l'intégration récente de dix nouveaux pays au sein de l'Union a augmenté la superficie agricole de 30%.

C'est pourquoi il serait souhaitable que le Gouvernement définisse des modalités à la fois lisibles et équitables, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur celles du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. Monsieur le sénateur, vous soulevez le problème de la réforme de la PAC, dont la mise en oeuvre est effectivement complexe et délicate.

Notre agriculture est entrée dans sa troisième phase de mutation. Nous devons la réussir.

Je souhaite tout d'abord rappeler que M. Gaymard a obtenu de haute lutte que le budget agricole soit garanti jusqu'en 2013. C'est très important, car cela donne dix ans de lisibilité à nos agriculteurs.

Un second combat, également très important pour les exploitants, a été mené avec succès : sur le découplage et les droits à paiement, la France a obtenu de Bruxelles le maintien d'un couplage partiel des aides à la production. Le Gouvernement a souhaité faire pleinement usage de cette marge de manoeuvre en maintenant le taux de couplage le plus élevé. Ainsi, en ce qui concerne la prime à la vache allaitante, le couplage est total.

S'agissant de la gestion des droits, ses modalités ont été arrêtées le 18 mai dernier lors du conseil supérieur d'orientation, avec l'accord des professionnels. Nous visons à cet égard deux objectifs : tout d'abord, éviter les comportements spéculatifs sur les droits par la taxation à 50 % des transferts de droits sans terre ; ensuite, favoriser l'installation des jeunes, dossier auquel le Premier ministre est très sensible.

Sur ce dernier point, je vous rappelle que les jeunes exploitants, dans les cinq ans de leur installation, seront exonérés de prélèvement sur les transferts de droits avec terre. La réserve de droits nationale constituée par des prélèvements initiaux permettra d'attribuer des droits gratuits à l'installation des jeunes.

La réforme entrant en vigueur le 1er janvier 2006, l'année 2005 sera une année de simulation, exploitation par exploitation, de façon à examiner la situation de chacune et à apporter les adaptations nécessaires.

En ce qui concerne la conditionnalité des aides, elle s'appliquera à partir de 2005. Elle vise à faire en sorte que les aides européennes soient assorties du respect de la législation européenne en matière d'environnement et de bien-être des animaux.

Nous sommes conscients que le monde agricole attend des précisions quant à la mise en oeuvre de cette conditionnalité. Un document explicatif sera élaboré dans les prochains mois et transmis à l'ensemble des agriculteurs, de façon que puissions réussir cette mutation à laquelle je vous sais très attaché. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

réforme des renseignements généraux

M. le président. La parole est à M. Max Marest.

M. Max Marest. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis le 11 septembre 2001, notre pays, ainsi que tous nos partenaires, est entré dans l'ère du terrorisme de masse.

L'attentat de Madrid nous a montré avec force que ce terrorisme pouvait frapper de manière aveugle à nos propres portes et que notre nation pouvait en être également la cible.

Qu'on l'accepte ou non, notre pays et ses habitants sont en situation de danger face à ces menaces majeures.

Au-delà même de la menace terroriste, de nouvelles formes de violence, notamment dans nos grandes agglomérations, ont vu le jour.

Les pouvoirs publics se doivent de réagir à ces mutations et d'appréhender dans leur globalité ces phénomènes nouveaux. Je sais, monsieur le ministre, que vous en êtes conscient.

L'Etat est, en première instance, responsable de la prévention. C'est pourquoi vous avez récemment assigné de nouvelles orientations à la direction des renseignements généraux. Il s'agit d'une direction particulièrement sensible de votre ministère, dont le rôle est essentiel pour la sécurité de notre nation et celle de l'Etat, mais qui mérite néanmoins d'être étroitement encadrée.

Pourriez-vous, par conséquent, nous indiquer quelles sont les priorités que vous avez données à l'action des renseignements généraux et dans quel cadre vous souhaitez qu'ils agissent ?

En ce qui concerne les méthodes de travail de cette direction, la presse s'est fait l'écho de la suppression des notes blanches, c'est-à-dire des notes non personnalisées. Elles étaient pourtant, semble-t-il, l'un des instruments de travail privilégiés des renseignements généraux. Pourriez-vous nous préciser quelle est la situation actuelle ?

M. Henri de Raincourt. Bonne question !

M. Max Marest. En résumé, monsieur le ministre, quelles sont les missions des renseignements généraux et de quels moyens disposent-ils pour répondre aux menaces que je viens d'évoquer ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le sénateur, comme l'ensemble des services de mon ministère, les renseignements généraux n'ont qu'une seule vocation : la sécurité de l'Etat et celle de nos concitoyens.

J'ai réuni le 24 mai dernier l'ensemble des directeurs départementaux. J'ai voulu leur fixer à la fois des priorités et l'esprit dans lequel ils devaient travailler. J'ai marqué clairement mon ambition de procéder à une triple rénovation.

Mon premier objectif est la lutte contre le terrorisme, menace globale, menace opportuniste, menace imprévisible qui justifie que nous soyons en permanence sur le qui-vive.

Cette mobilisation requiert une étroite concertation avec les services de la direction de la surveillance du territoire.

Mon deuxième objectif est le ciblage des milieux et des zones sensibles pour lutter contre la délinquance et contre le crime organisé.

Mon troisième objectif est la mobilisation sur les situations d'urgence et de crise à travers l'ensemble du territoire.

J'ai donné instruction à nos services de se consacrer exclusivement à ces tâches et donc d'écarter toute activité de nature politique comme, par exemple, l'établissement de prévisions électorales.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ils se trompent toujours !

M. Dominique de Villepin, ministre. Je voudrais insister également sur le deuxième aspect de la rénovation : la rénovation de l'esprit.

Le Président de la République et le Premier ministre ont fixé clairement le cap en indiquant que les notes blanches devaient être supprimées. C'est ce qu'a fait mon prédécesseur et j'ai confirmé cette instruction dès mon arrivée. Il n'est pas acceptable en effet dans notre République que des notes puissent faire foi alors qu'elles ne portent pas de mention d'origine et que leur fiabilité ne fait l'objet d'aucune évaluation.

Je veux aller encore plus loin tant le sujet est important et, vous l'avez dit, délicat.

Dans le cadre des nouvelles orientations données aux renseignements généraux, j'ai décidé d'élargir cette mesure à l'ensemble des notes, y compris celles qui sont transmises aux juridictions administratives et judiciaires. J'ai également demandé qu'aucune note n'aborde la vie privée des personnes en dehors des cas qui concernent la sécurité nationale.

Je ne connais qu'un seul cadre d'action : la loi républicaine. Je ne connais qu'une seule méthode : le respect strict des règles de droit.

Le ministère de l'intérieur se doit d'être exemplaire. C'est sa vocation, c'est son devoir, et j'entends m'en porter garant (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

décrets d'application sur l'IVG

M. le président. La parole est à Mme Danièle Pourtaud.

Mme Danièle Pourtaud. Ma question porte sur la manière dont le Gouvernement entend faire respecter le droit à l'avortement, en particulier à l'approche de la période estivale.

Je rappelle que, chaque année, d'après les dernières statistiques disponibles, de 200 000 à 220 000 Françaises connaissent cette douloureuse épreuve.

Monsieur le secrétaire d'Etat à l'assurance maladie, cela fait deux ans que la « dynastie Raffarin » est aux responsabilités : quand déciderez-vous de mener une grande campagne sur la contraception ? La dernière, lancée par Elisabeth Guigou, remonte à janvier 2002 !

Par ailleurs, la période estivale, nous le savons bien, est particulièrement difficile pour l'accueil des femmes souhaitant recourir à l'IVG en raison de la fermeture des services hospitaliers et de la réduction du personnel. La situation n'a jamais été aussi préoccupante en Ile-de-France, pour ne citer que cet exemple.

Il y a trois raisons à cela.

Mme Danièle Pourtaud. Beaucoup d'établissements limitent le nombre d'IVG, car cet acte n'est pas rentable en l'absence de toute revalorisation de sa tarification depuis 1991.

Par ailleurs, de nombreuses cliniques privées ont fermé.

Surtout, alors qu'une coordination pour les « permanences IVG » avait été mise en place en 2003 - avec bien des difficultés, d'ailleurs - par l'Assistance publique, rien de semblable n'est annoncé pour 2004. Dans le même temps, une circulaire ministérielle et une lettre du Conseil de l'ordre viennent de demander aux hôpitaux et aux médecins libéraux de mettre en place une coordination pour une « permanence canicule ».

Monsieur le secrétaire d'Etat, nous ne pouvons imaginer qu'à l'été 2004, une urgence chassant l'autre, faute de moyens, les hôpitaux soient contraints de choisir entre l'accueil des femmes et l'accueil des personnes âgées.

Enfin, parmi les très nombreuses avancées contenues dans la loi Guigou-Kouchner-Péry du 4 juillet 2001, nous avions voté la possibilité, pour les médecins de ville, de prescrire le RU 486, c'est-à-dire l'IVG médicamenteuse. Cette technique, beaucoup moins traumatisante pour les femmes, ne nécessiterait plus d'hospitalisation.

Malheureusement, le décret, pourtant approuvé par le Conseil d'Etat depuis décembre 2003, et l'arrêté de tarification ne sont toujours pas sortis.

Le droit de disposer librement de leur corps est un droit fondamental reconnu au Françaises depuis 1975. Ma question est donc simple : le Gouvernement va-t-il se décider à donner aux Françaises la possibilité d'accéder dans les meilleures conditions à ce droit (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Mme Luc applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Madame la sénatrice, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin est d'autant plus sensible à cette liberté et à cette responsabilité que les femmes appellent de leurs voeux que c'est Mme Veil elle-même qui, en 1975, a porté cette réforme majeure qu'a été la loi sur l'interruption volontaire de grossesse. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Henri Weber. On vous y a aidés !

Mme Nicole Ameline, ministre. Je comprends votre souci et vous vous réjouirez donc avec moi de savoir que l'IVG médicamenteuse, à laquelle vous faites référence, fera l'objet d'un décret dans les tout prochains jours.

Dès que nous sommes revenus aux affaires, Jean-Pierre Raffarin a relancé la concertation à ce sujet et Philippe Douste-Blazy l'a poursuivie avec détermination.

Vous devez le savoir, les médecins n'étaient pas tous favorable à cette décision lorsqu'elle a été prise. Le gouvernement que vous souteniez a lui-même laissé s'écouler un an entre le vote de la loi et la présentation du décret, qui n'est intervenue que le 3 mai 2002. Cela démontre bien que la concertation s'imposait sur un sujet comme celui-ci.

Cette concertation est aujourd'hui arrivée à son terme. Elle a permis de dégager un consensus entre les agents sanitaires et les professionnels de santé, ce qui était absolument nécessaire, et le Conseil d'Etat a effectivement approuvé la nouvelle version du décret en décembre 2003.

L'important, aujourd'hui, est de garantir l'anonymat des femmes qui souhaiteront recourir à ce dispositif. Là encore, il a fallu assurer la coordination de l'ensemble des acteurs institutionnels avec les associations de médecins et de planning familial.

Enfin, il a fallu négocier avec les industriels le prix des médicaments.

Le comité économique des produits de santé vient de rendre un avis favorable. Le décret et l'arrêté vont pouvoir être pris dès les prochaines semaines afin d'améliorer l'accueil des femmes concernées. Ce progrès social ne réduit en rien notre investissement, qui demeure aussi important, dans la contraception.

Il est essentiel que l'esprit de responsabilité s'affirme aussi dans cette campagne. L'information est évidemment essentielle. J'envisage d'ailleurs de la renforcer, car, de mon point de vue, il serait vain de vouloir faciliter le recours à l'IVG en ne promouvant pas simultanément l'information sur la contraception. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Bernard Angels.)