compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Serge Vinçon

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Art. 2 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi organique pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales
Art. additionnel après l'art. 2

autonomie financière des Collectivités territoriales

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi organique

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi organique (n° 314, 2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale, pris en application de l'article 72-2 de la Constitution, relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales. [Rapport n° 324 (2003-2004) et avis n° 325 (2003-2004).]

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen d'un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 2.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi organique pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales
Art. 3

Article additionnel après l'article 2

M. le président. L'amendement n° 26, présenté par MM. Foucaud et Loridant, Mmes Beaudeau et Borvo, M. Bret, Mme Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le produit d'impôts nationaux dont il serait transféré tout ou partie aux collectivités territoriales ne peut être assimilé au produit des impositions de toutes natures visées au premier alinéa de l'article 2 de la présente loi organique.

En tout état de cause, le produit d'impôts nationaux dont il serait transféré tout ou partie aux collectivités territoriales sans que ces dernières ne puissent en déterminer le taux ne saurait être tenu pour des ressources desdites collectivités.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement portant sur une question que nous avons déjà traitée à l'occasion de la discussion de l'article 2, je considère qu'il a été défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Hoeffel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Comme vient de le dire M. Foucaud, la question soulevée dans cet amendement a été tranchée à l'article 2. La commission souhaite donc le retrait de cet amendement. Sinon, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur. Il partage l'avis de la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnel après l'art. 2
Dossier législatif : projet de loi organique pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales
Art. additionnels après l'art. 3

Article 3

Pour chaque catégorie de collectivités, la part des ressources propres est calculée en rapportant le montant de ces dernières à celui de la totalité de leurs ressources, à l'exclusion des emprunts, des ressources correspondant au financement par l'Etat des compétences transférées à titre expérimental ou mises en oeuvre par délégation de l'Etat et des transferts financiers entre collectivités d'une même catégorie.

Pour la catégorie des communes, la totalité des ressources mentionnées à l'alinéa précédent est augmentée du montant de la totalité des ressources dont bénéficient les établissements publics de coopération intercommunale, à l'exclusion des emprunts, des ressources correspondant au financement par l'Etat des compétences transférées à titre expérimental ou mises en oeuvre par délégation de l'Etat. Cet ensemble est minoré du montant des transferts financiers entre communes et établissements publics de coopération intercommunale.

Pour chaque catégorie, la part des ressources propres est déterminante, au sens de l'article 72-2 de la Constitution, lorsqu'elle garantit la libre administration des collectivités territoriales relevant de cette catégorie, compte tenu des compétences qui leur sont confiées. Elle ne peut être inférieure au niveau constaté au titre de l'année 2003.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, sur l'article.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article 3 du présent projet de loi organique porte sur la question de l'évaluation effective de la notion de ressources propres des collectivités territoriales.

Le périmètre de ces ressources, tel qu'il ressort de l'article 2, est donc en quelque sorte corrigé par les termes du présent article 3 en ce sens que tout ce qui procède de l'expérimentation liée à la mise en oeuvre éventuelle des dispositions de la loi relative aux responsabilités locales est placé hors champ desdites ressources propres.

Mais le fait est que cela n'est pas sans poser d'autres questions, comme nous avons pu le voir avec le problème, toujours aussi récurrent, des compensations d'allégements fiscaux, qui, on le sait d'expérience, ne sont progressivement plus parfaitement adaptés aux matières fiscales concernées.

Devons-nous, par exemple, oublier que la dotation de compensation de la taxe professionnelle, mise en place à l'issue de la loi de finances pour 1987, qui avait inscrit dans notre droit l'allégement transitoire des bases de 16 % s'est progressivement déconnectée de la réalité des pertes fiscales des collectivités territoriales, devenant même, au fil du temps, une variable d'ajustement des concours budgétaires encadrés que l'Etat attribuait aux collectivités ?

La même observation vaut d'ailleurs pour l'ensemble des dispositions de ce type, et force est de constater que le fait d'intégrer la compensation de la suppression de la part taxable des salaires au titre de la TP dans la DGF a, entre autres conséquences, celle de créer les conditions d'une moins-value de ressources fiscales propres pour les collectivités.

Fixer d'ailleurs un principe de seuil plancher en dessous duquel les collectivités locales pourraient ne plus être considérées comme en situation d'autonomie financière soulève un certain nombre de questions.

D'une part, cela ne préjuge en rien de la capacité d'intervention budgétaire originale desdites collectivités, notamment du poids que certaines de leurs dépenses peuvent avoir sur la situation des comptes de ces collectivités.

D'autre part, cela ouvre la porte à une poursuite du processus de substitution des collectivités territoriales à l'Etat pour accomplir un certain nombre de missions de service public.

Ainsi, lorsque l'on examine la situation des communes, même et surtout avec les groupements, et des départements, on se dit que rien n'empêche de prolonger un peu plus le mouvement de délestage que l'Etat, en tout cas le Gouvernement, entend mener avec la loi relative aux responsabilités locales, puisque la marge demeure importante.

Il suffira d'ailleurs de décider, au détour d'une loi de financement de la sécurité sociale, d'une loi de finances ou de tout autre texte législatif, que telle ou telle mission de service public est dorénavant confiée aux collectivités locales pour que la question soit résolue sans heurts dans l'esprit d'un texte constitutionnel ou organique.

On peut aussi fort bien envisager demain, dans un premier temps, que les derniers produits de l'enregistrement que perçoit l'Etat soient finalement dévolus aux collectivités locales, afin de permettre une prise en charge plus ou moins efficiente des compétences transférées.

Le produit de l'enregistrement dégage, en effet, encore un peu plus de 16 milliards d'euros, dont il semble tout à fait concevable qu'ils soient pour partie dévolus à l'avenir aux collectivités locales.

Figure notamment sous ce chapitre la taxe spéciale sur les conventions d'assurance, dont le produit est proche de 5,4 milliards d'euros au niveau national, ou encore quelques droits de mutation à titre gratuit dont l'affectation aux collectivités locales pourrait fort bien gager la généralisation d'éventuelles expérimentations réalisées dans le cadre de la décentralisation.

Car, en définitive, derrière la prétendue affirmation d'un droit consolidé pour les collectivités locales, ce qui se profile derrière le projet de loi que nous examinons n'est rien d'autre qu'un cadre suffisamment souple et, en même temps, suffisamment étroit pour mener à bien une politique de délocalisation des services publics et de réforme de l'Etat fondée sur la dissolution progressive de ce service public.

Outre le fait que l'on peut se demander quel caractère prioritaire ou déterminant on peut trouver à un plancher de 33 %, c'est bien ce qui demeure en ligne de compte.

Elément nécessaire de la démarche décentralisatrice de ce gouvernement, le présent projet de loi organique en est aussi, sur nombre d'aspects, l'anticipation.

Nous ne pouvions manquer de souligner ces points à l'occasion de la discussion de cet article 3.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet article 3 constitue encore un « col » dans notre discussion, comme le disait le président Etienne Dailly.

En effet, il faut sans cesse rappeler que la loi organique doit fixer les conditions dans lesquelles est mise en oeuvre la règle suivante : « Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. » A l'évidence, cela signifie que les catégories - celles qui sont définies à l'article 72 de la Constitution, car il n'en est pas d'autres - doivent avoir une part déterminante de ressources propres. Mais, bien entendu, c'est vrai pour chaque collectivité.

Le législateur constitutionnel savait bien qu'il y a une différence à faire entre les communes, les départements et les régions, mais chacune des collectivités doit se voir garantir la libre administration, compte tenu des compétences qui lui sont confiées. Ce sont les termes mêmes du dernier alinéa de l'article 3 de ce projet de loi. Toutefois, ces mesures sont appliquées à l'ensemble de la catégorie. Et c'est cela qui n'est absolument pas acceptable.

Hier, vous avez refusé d'établir une distinction entre les petites, les moyennes et les grandes communes. Il est donc évident qu'à une petite commune sans ressources propres on affirmera que la loi est respectée dès lors que la moyenne de la catégorie a une part de ressources propres suffisante.

Le rapporteur nous a expliqué hier qu'il abandonnait sa proposition de taux unique de 33 %, mais il ne nous a pas dit s'il la remplaçait par une autre. Dans la négative, il reste inscrit dans cet article 3 que cette part ne peut être inférieure au niveau constaté au titre de l'année 2003, ce qui est le contraire de la péréquation, puisque les inégalités, que nous avons connues en 2003 et que nous connaissons encore, seraient pérennisées.

Cela ne nous paraît absolument pas acceptable. Je répète que chaque collectivité, en particulier chaque commune, mais également chaque département et chaque région, doit se voir garantir la libre administration de sa collectivité.

Voilà les explications que nous voulions donner en préalable à l'examen de cet article 3, qu'en l'état nous ne pouvons évidemment pas accepter.

M. le président. Je suis saisi de quinze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 27, présenté par MM. Foucaud et Loridant, Mmes Beaudeau et Borvo, M. Bret, Mme Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement a été défendu lors de mon intervention sur l'article 3. J'ai en effet rappelé que le débat sur la part déterminante des collectivités locales était clairement ouvert, que la solution préconisée par le présent article 3 n'était pas recevable et que le voter en l'état ne résoudrait pas la question posée.

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Hoeffel, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

I - Au début de cet article, ajouter un alinéa ainsi rédigé :

Dans le chapitre IV du titre unique du livre Ier de la première partie du même code, il est inséré un article L.O. 1114-3 ainsi rédigé :

II - En conséquence, faire précéder le premier alinéa de cet article de la référence :

« Art. L.O. 1114-3. -

La parole est à M. le rapporteur.

M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. le président. L'amendement n° 60, présenté par MM. Sueur,  Peyronnet,  Frimat,  Marc,  Mauroy,  Moreigne,  Miquel,  Dreyfus-Schmidt,  Raoul,  Lagauche,  Godefroy,  Teston,  Dauge,  Courrière,  Bel et  Lise, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :

Avant le premier alinéa de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

La libre administration des collectivités territoriales est garantie par la perception de ressources fiscales dont elles votent les taux dans les conditions prévues par la loi.

Les ressources fiscales représentent la part prépondérante des ressources des collectivités territoriales.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Avec votre permission, monsieur le président, et dans le souci de gagner du temps qui nous est commun, je défendrai en même temps l'amendement n° 62.

Par cet amendement, nous rendons un nouvel hommage à l'excellente proposition de loi constitutionnelle présentée par MM. Christian Poncelet, Jean-Paul Delevoye, Jean-Pierre Fourcade, Jean Puech et Jean-Pierre Raffarin en l'an 2000. Je les cite : « La libre administration des collectivités territoriales est garantie par la perception de ressources fiscales dont elles votent les taux dans les conditions prévues par la loi. »

Si nous avions adopté cette disposition, nous nous serions épargné un certain nombre de débats, au demeurant fort intéressants, qui ont eu lieu hier.

Dans un deuxième alinéa, MM. Poncelet, Raffarin et leurs collègues ajoutaient : « Les ressources fiscales représentent la part prépondérante des ressources des collectivités territoriales. »

Nous ne voyons pas pourquoi ce qui était bon hier serait inadapté aujourd'hui. Je n'en dis pas plus, car cela me paraît suffisamment clair !

Si le Sénat ne souhaitait pas approuver ces deux phrases des auteurs précités et rejetait l'amendement n °60, il pourrait toutefois, en adoptant l'amendement n° 62, n'en retenir qu'une, qui est tout à fait déterminante.

M. le président. L'amendement n° 62, présenté par MM. Sueur,  Peyronnet,  Frimat,  Marc,  Mauroy,  Moreigne,  Miquel,  Dreyfus-Schmidt,  Raoul,  Lagauche,  Godefroy,  Teston,  Dauge,  Courrière,  Bel et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Compléter le deuxième alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Les ressources fiscales représentent la part prépondérante des ressources des collectivités territoriales.

Cet amendement a déjà été défendu.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 9 est présenté par M. Hoeffel, au nom de la commission des lois.

L'amendement n° 17 est présenté par M. Mercier, au nom de la commission des finances.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier comme suit le premier alinéa et la première phrase du deuxième alinéa de cet article :

1° Remplacer (deux fois) les mots :

par l'Etat des

par le mot :

de

2° Supprimer (deux fois) les mots :

de l'Etat

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 9.

M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'exclure les flux financiers entre collectivités, communes ou EPCI au titre d'un transfert expérimental ou d'une délégation de compétence du dénominateur du ratio d'autonomie financière des différentes catégories de collectivités.

Ces ressources revêtent un caractère provisoire pour la collectivité qui en bénéficie, à l'instar des emprunts et des financements de l'Etat au titre d'un transfert expérimental ou d'une délégation de compétence. Il n'y a donc pas lieu de les traiter différemment. Elles s'apparentent à une dépense de la collectivité qui les verse et sont donc sans incidence sur son taux d'autonomie financière.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 17.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Cet amendement est identique à l'amendement n° 9, que M. le rapporteur a très bien présenté.

M. le président. L'amendement n° 61, présenté par MM. Marc,  Sueur,  Peyronnet,  Frimat,  Mauroy,  Moreigne,  Miquel,  Dreyfus-Schmidt,  Raoul,  Lagauche,  Godefroy,  Teston,  Dauge,  Courrière,  Bel,  Collomb et  Lise, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :

Après le mot :

Etat

rédiger comme suit la fin du premier alinéa de cet article :

des transferts financiers entre collectivités d'une même catégorie et des transferts financiers réalisés au titre de la péréquation entre collectivités ou entre l'État et les collectivités territoriales.

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Le thème de la péréquation a été longuement débattu hier et il a été clairement établi que le mot « péréquation » ne devait pas figurer dans la loi organique. Pour autant, nous avons le sentiment que tout doit être fait pour que la péréquation soit rendue possible dans les meilleures conditions au travers de cette disposition législative.

Cet amendement tend donc à modifier les composantes du dénominateur du ratio d'autonomie afin de ne pas paralyser à terme les politiques de péréquation.

En effet, en l'état, le texte proposé par le Gouvernement ne permettrait pas la mise en oeuvre d'une politique ambitieuse de péréquation de type « vertical » prenant sa source dans un effort budgétaire de l'Etat ou relevant de la péréquation entre différents niveaux de collectivités, par exemple, des départements vers les communes, et non pas uniquement dans une redistribution entre collectivités appartenant à une même catégorie, sauf à peser sur le dénominateur du ratio et donc sur le niveau d'autonomie financière tel qu'il est défini dans le présent texte.

Le projet de loi organique entretient ainsi une confusion néfaste entre la remise en cause des marges de manoeuvre fiscales et financières des collectivités, qu'il s'agit ici de prévenir, et l'indispensable politique de péréquation entre les territoires, qui doit parallèlement être amplifiée, comme le souligne d'ailleurs les deux rapports déposés au Sénat sur ce texte.

Il est donc suggéré de sortir de la logique purement comptable guidant cet article 3 pour proposer un dispositif favorable au développement de la péréquation.

Il s'agit donc d'exclure du dénominateur du ratio, outre les ressources non pérennes - emprunts, financement des compétences exercées à titre expérimental -, les transferts financiers entre collectivités de même catégorie. Par conséquent, il faut également prendre en considération les transferts financiers entre collectivités et ceux de l'Etat vers les collectivités réalisés au titre de la péréquation.

Il est clair que, si cette disposition n'était pas adoptée et si la loi organique ne prenait pas en considération cette exigence comptable pour une mise en oeuvre ambitieuse de la péréquation, toute augmentation du dénominateur qui serait nécessairement opérée par l'augmentation d'une dotation d'Etat se traduirait inévitablement, pour maintenir le ratio, par une augmentation de la fiscalité locale. En effet, si l'on augmente la péréquation, on augmente le dénominateur et, ce faisant, on réduit la valeur du coefficient. Et pour maintenir le coefficient, il faudra nécessairement augmenter la fiscalité locale.

Si cette disposition n'était pas adoptée, il y aurait donc un appel d'air considérable pour augmenter la fiscalité locale et, en tout état de cause, cela constituerait un frein manifeste à la mise en oeuvre d'une péréquation verticale efficace.

C'est la raison pour laquelle cet amendement nous paraît fondamental.

M. le président. L'amendement n° 28, présenté par MM. Foucaud et  Loridant, Mmes Beaudeau et  Borvo, M. Bret, Mme Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Cette part est minorée du montant des charges présentant le caractère d'une dépense obligatoire, en vertu de dispositions législatives ou réglementaires.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. L'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales dispose, en son premier alinéa : « Ne sont obligatoires pour les collectivités territoriales que les dépenses nécessaires à l'acquittement des dettes exigibles et les dépenses pour lesquelles la loi l'a expressément décidé. »

On pourrait donc, à l'examen, considérer que les dépenses des collectivités locales ne présentent de caractère obligatoire que pour une part secondaire du montant total des engagements des collectivités.

Mais le problème est qu'il ne passe quasiment pas de texte de loi intéressant de près ou de loin l'intervention des collectivités locales sans que ne s'inscrivent au chapitre des dépenses obligatoires un certain nombre de dépenses.

Devons-nous, par exemple, souligner les effets de la loi sur les services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, les dispositions relatives au transfert du revenu minimum d'insertion et celles concernant l'autonomie des personnes âgées qui ont induit, à chaque fois, un accroissement significatif de la part des ressources des collectivités consacrée de manière intangible à ces dépenses transférées ? Je pourrais multiplier les exemples.

Comment ne pas évoquer encore le problème posé par la réalisation du recensement de la population ou par l'organisation des opérations électorales, dont le transfert aux collectivités s'est, à chaque fois, traduit par une augmentation des dépenses de fonctionnement des collectivités ?

Et je me permettrais, une fois de plus, de parler d'une question essentielle : la cotisation de surcompensation de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales qui, comme vous le savez, constitue un prélèvement pour le moins significatif sur les ressources, atteignant plus de 3 milliards d'euros, c'est-à-dire plus que les budgets de fonctionnement des SDIS, par exemple, ou plus ou moins 6 % du produit des quatre taxes locales.

D'ailleurs, dans son intervention liminaire, le président de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire, M. François-Poncet, a également souligné la question fondamentale posée par la réalité des charges supportées par les collectivités territoriales, que l'on ne peut exclure du champ de la réflexion.

Comment d'ailleurs ne pas trouver pour le moins étonnant, et nous y reviendrons, que la question de la péréquation, pourtant posée constitutionnellement dans le dernier alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, ne trouve aucune illustration dans le présent projet de loi organique ?

Voter l'impôt, c'est bien beau, mais lorsqu'une part déterminante des ressources dégagées est consommée d'office par des dépenses de caractère obligatoire, où est l'autonomie ?

Les collectivités seraient comme ces familles modestes dont le salaire est, avant même d'être perçu, d'ores et déjà consommé par le loyer de l'appartement ou les crédits souscrits pour l'équipement de la maison, ainsi que par les prélèvements fiscaux portant sur le revenu ou l'habitation.

Il est donc évident que l'on ne peut appréhender réellement le degré d'autonomie des collectivités sans tenir compte de la réalité des charges qu'elles sont amenées à assumer de manière obligatoire et incontournable.

Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 29, présenté par MM. Foucaud et  Loridant, Mmes Beaudeau et  Borvo, M. Bret, Mme Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le deuxième alinéa de cet article.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement procède, pour une bonne part, des mêmes attendus que ceux que nous avons apportés à l'appui de l'amendement qui a été déposé, sous les mêmes motifs, sur l'article 2.

Cet article 3 prévoit, en effet, d'utiliser l'intercommunalité en quelque sorte comme un outil de correction des inégalités de ressources entre collectivités locales, dont l'analyse serait susceptible de fournir à l'Etat les moyens de considérer que l'autonomie financière desdites collectivités serait atteinte.

Après l'intercommunalité de projet, l'intercommunalité d'aubaine et l'intercommunalité plus ou moins contrainte, nous aurions donc une intercommunalité permettant à l'Etat de se dédouaner à bon compte de l'obligation constitutionnelle d'assurer le respect des principes de l'article 72-2 de la Constitution.

Comment, en effet, se situer dans un contexte où le montant de la dotation de solidarité communautaire deviendrait un outil de définition de ladite autonomie financière ?

Dans les communes rurales associées dans le cadre des communautés de communes et parfois dans celui, plus signifiant, de grandes communautés d'agglomération ou de communautés urbaines, une telle analyse revient en fait à les doter d'une autonomie qu'elles n'ont ni en droit ni en fait.

En clair, comme la dotation de compensation de la taxe professionnelle a pu être la variable d'ajustement des enveloppes normées des dotations budgétaires de l'Etat aux collectivités locales, les dotations et les transferts intercommunaux deviendraient la variable d'ajustement de l'autonomie financière. Et l'on se retrouverait effectivement avec une intercommunalité gommant la réalité des décalages de ressources, instrumentalisée pour rendre quasiment inopérant dans les faits tout dispositif de garantie, quel qu'il soit.

Pour ces raisons évidentes, nous vous invitons à adopter cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 63, présenté par MM. Sueur,  Peyronnet,  Frimat,  Marc,  Mauroy,  Moreigne,  Miquel,  Dreyfus-Schmidt,  Raoul,  Lagauche,  Godefroy,  Teston,  Dauge,  Courrière,  Bel et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

I. Supprimer la dernière phrase du dernier alinéa de cet article.

II. Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

Au 1er janvier 2007, la part déterminante ne pourra être inférieure au niveau constaté pour chaque catégorie de collectivités en 2003 majoré de 5 %.

A compter du 1er janvier 2008, elle ne peut être inférieure au niveau constaté pour chaque catégorie de collectivités au titre de 2007.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous attachons une certaine importance à cet amendement dans la mesure où nous avions critiqué le seuil de 33 % proposé dans un premier temps par MM. Hoeffel et Mercier, et qui a été abandonné hier. Nous considérons que le statu quo, c'est-à-dire la référence au niveau constaté au titre de l'année 2003, n'est pas suffisant.

Ou bien nous considérons que le fait d'accroître l'autonomie fiscale des collectivités locales constitue un véritable enjeu, ou bien nous considérons qu'il s'agit d'un texte de façade. Si nous estimons qu'il y a là un véritable enjeu, il faut se fixer des objectifs. C'est le sens d'une série d'amendements que nous aurons l'honneur de défendre ultérieurement.

La rédaction proposée par cet amendement n °63 serait de nature, monsieur le rapporteur, à apporter une réponse précise aux élus, qui sont soucieux de voir le taux d'autonomie des collectivités locales augmenter effectivement.

Je rappelle que nous proposons de compléter l'article par deux alinéas ainsi rédigés : « Au 1er janvier 2007, la part déterminante ne pourra être inférieure au niveau constaté pour chaque catégorie de collectivités en 2003 majoré de 5 %.

« A compter du 1er janvier 2008, elle ne peut être inférieure au niveau constaté pour chaque catégorie de collectivités au titre de 2007. »

En se fixant une échéance sur quatre ans, on obligera le législateur et le Gouvernement à faire en sorte que la part de dotations diminue et que la part de fiscalité, dont le taux et l'assiette pourront être maîtrisés par les collectivités locales, augmente.

Mais si l'on ne fixe pas de calendrier, tout cela reste de l'ordre de l'incantation.

Nous sommes tout à fait prêts à discuter. Nous avons proposé 2007 comme échéance, mais cela pourrait être 2008 ou 2009. Pour nous, l'essentiel est de fixer des étapes. Dire que l'autonomie fiscale des collectivités va être accrue sans fixer aucun calendrier, aucun objectif chiffré et concret, relève de l'incantation. Nous pensons que les lois incantatoires ne sont pas de bonnes lois.

M. le président. L'amendement n° 40, présenté par MM. Fréville et Girod, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la seconde phrase du dernier alinéa de cet article :

Elle ne peut être inférieure aux quatre cinquièmes de la part constatée au titre de l'année 2003.

La parole est à M. Yves Fréville, pour présenter l'amendement n°40.

M. Yves Fréville. Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai en même temps l'amendement n°39. Cet amendement peut paraître technique ; je le qualifierai d'amendement de précaution. Il est lourd sur le plan financier puisqu'il pèse 10 milliards d'euros.

Je voudrais surtout qu'en adoptant la part minimale déterminante nous ne bloquions pas les réformes possibles et attendues de la taxe professionnelle et de la taxe d'habitation. Or si nous adoptons le texte tel qu'il nous est proposé, nous bloquons totalement les possibilités d'engager une réforme de la taxe professionnelle et de la taxe d'habitation.

D'ailleurs, j'ai relu le compte rendu des débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale sur ce texte, et M. René Dauzière en qui nous reconnaissons un bon spécialiste des finances locales - ce qui n'empêche pas que je ne sois pas d'accord avec lui sur le plan politique - ne dit pas autre chose.

Prenons l'exemple de la taxe professionnelle ! À l'heure actuelle, le produit voté par les collectivités locales, qui constitue les ressources propres, s'élève à 23 milliards d'euros. Sur cette somme, 17 milliards d'euros sont payés par les entreprises, et 6 milliards d'euros représentent des dégrèvements législatifs. Nous inscrivons donc, dans le texte actuel, 23 milliards d'euros en ressources propres, alors que 17 milliards d'euros seulement sont payés par les entreprises.

Nous engageons une réforme de la taxe professionnelle en en changeant l'assiette ; le Premier ministre lui-même a dit qu'il fallait trouver un impôt d'un montant égal, soit 17 milliards d'euros. Comment trouver les autres 6 milliards d'euros qui sont des dégrèvements législatifs ? Nous n'allons pas augmenter les impôts représentant la taxe professionnelle. Or nous aurons besoin de ces 6 milliards d'euros pour opérer tous les ajustements possibles et imaginables d'une manière non fiscale.

Pour engager la réforme de la taxe professionnelle et celle, tout aussi nécessaire, de la taxe d'habitation, nous devons conserver la liberté d'utilisation du montant des dégrèvements dont le total s'élève, taxe professionnelle et taxe d'habitation comprises, à 10 milliards d'euros.

Il nous faut éviter que ces dégrèvements législatifs au jour le jour, en 2005, en 2006, échappent à la notion de ressources propres puisqu'il s'agit bien de ressources propres. Toutefois, lorsque le législateur établit la part déterminante de l'année 2003, rien ne nous interdit de faire en sorte que ces dégrèvements de l'année 2003 soient déduits du montant des ressources propres.

L'amendement n°39 énonce clairement que, pour le calcul de la part déterminante minimale - et d'elle seule, je tiens à le préciser - s'agissant des autres années, nous continuons à tenir compte des dégrèvements législatifs, mais par référence à la part déterminante minimale, nous ne tenons pas compte des dégrèvements de l'année 2003.

Si le calcul direct est impossible, je propose avec mon collègue Paul Girod, par l'amendement n°40, un calcul indirect qui, apparemment, ne pose pas le problème des dégrèvements législatifs, mais qui revient au même. Grosso modo, les dégrèvements législatifs représentent 16 à 17% de la fiscalité. J'aurais donc tendance à dire que la part de 2003 doit être réduite de 16 à 17% et, pour éviter toute erreur, j'arrondis à 20%.

Ces amendements n°s 39 et 40 sont importants, car ils conditionnent l'avenir des réformes de la fiscalité locale.

M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Mercier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

A la fin du dernier alinéa de cet article, remplacer les mots :

au niveau constaté au titre de l'année 2003

par les mots :

à 33 %

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Cet amendement prévoit que la part déterminante marquant l'autonomie des collectivités locales est fixée à 33 %. Comme M. Hoeffel, j'ai bien compris que cette idée ne plaisait à personne : afficher 33 % n'est pas une bonne photo ! Pourtant, c'est non seulement extrêmement cohérent avec notre position, mais c'est aussi très utile, parce que ces 33 % présentent l'immense avantage de résoudre tous les problèmes que M. Fréville vient d'évoquer, d'une façon très technique et très complexe. Cela permettrait en effet de disposer d'une marge de manoeuvre suffisante pour réformer la fiscalité locale et pour réaliser la péréquation. S'agissant de la péréquation, plus on en parle, moins on la fait ; à titre personnel, cette position me convient.

Je suis donc prêt à retirer l'amendement n° 18. Toutefois, compte tenu du vote que nous avons émis la nuit dernière, en ne votant pas ces mesures, nous dégradons immédiatement la notion de part déterminante. En effet, pour 2004, très naturellement, n'ayant encore localisé ni l'assiette, ni le taux, ni le tarif de la TIPP départementale, cette dernière ne pourra pas figurer au nombre des ressources propres. (M. Fréville sourit) Bien sûr, monsieur Fréville ! Raisonnablement, on ne peut pas appliquer au 1er janvier un amendement adopté aujourd'hui. En matière de finances, on dispose pour l'avenir et non pour le passé.

Il est parfois difficile de tout faire le même jour, mais pour plaire à l'ensemble du Sénat, je retire l'amendement n° 18.

M. le président. L'amendement n° 18 est retiré.

L'amendement n°39, présenté par M. Fréville, est ainsi libellé :

Compléter le dernier alinéa de cet article par les mots :

après déduction des recettes fiscales de 2003, du montant des dégrèvements législatifs pris en charge la même année par l'Etat.

Cet amendement a déjà été soutenu.

L'amendement n° 65, présenté par MM. Frimat, Peyronnet, Sueur, Marc, Mauroy, Moreigne, Miquel, Dreyfus-Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel et Lise, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :

Compléter la dernière phrase du dernier alinéa de cet article par les mots :

et constitue la référence pour chaque collectivité territoriale au sein de sa catégorie.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Comme l'a montré Michel Mercier dans son intervention, nous commençons à découvrir le champ de simplicité et de lisibilité ouvert hier soir.

La finalité de l'amendement qui vous est maintenant proposé est de construire le ratio, de préciser le numérateur et, in fine, de tenter de définir cette part déterminante, dont nous savons maintenant qu'elle ne déterminera rien.

Monsieur le ministre, dans votre ratio, comment traitez-vous les subventions européennes ? Pour l'instant, dans votre texte, elles n'apparaissent ni au numérateur ni au dénominateur. Or il s'agit de ressources et il faudra demander à notre collègue Yves Fréville d'inventer un amendement qui permette de régler ce problème.

J'en reviens à mon amendement. Si nous estimons que la loi organique que nous sommes en train de voter doit servir à quelque chose, ce qui, je vous l'accorde, est bien audacieux par rapport à celles qui l'ont précédée et dont l'utilité semble des plus modestes, il faut qu'elle sorte de la virtualité. Or, pour l'instant, nous n'avons qu'une perspective virtuelle. Nous allons en effet construire un ratio dont nous savons pertinemment qu'il n'aura aucune signification au regard de la réalité des ressources propres. Dont acte ! Mais cela n'empêche pas d'avoir un ratio ! Toutefois, quelle en est l'utilité ? Finalement, nous allons inventer trois pourcentages qui seront censés incarner le rêve de notre Président : l'autonomie financière magnifiée. Mais pour quoi faire ? Tout simplement pour être plantés dans le décor comme une espèce d'hologramme de l'autonomie financière, dans toute sa virtualité ! Cela voudra dire non pas qu'une collectivité est autonome, mais simplement qu'elle appartient à une catégorie, mal définie, dont on peut dire, par rapport à un ratio qui ne signifie rien, qu'elle est autonome.

Quelle satisfaction pour un maire dont les finances sont complètement contraintes, qui ne dispose d'aucune marge de liberté, d'autonomie, de savoir qu'il appartient à une catégorie où l'autonomie est respectée ! C'est le bonheur de la collectivité par procuration puisqu'il ne peut en bénéficier lui-même.

Nous avons la volonté de vous aider, mais essayons de faire en sorte que ce ratio ait une utilité. A cet effet, il doit constituer une référence pour chaque collectivité. »

Votre définition de la part déterminante est, en effet, circulaire puisque la loi organique renvoie à la Constitution, qui renvoie elle-même à la loi organique. Les cercles sont sympathiques : ils permettent de durer longtemps en poursuivant une idée, à défaut de trouver une solution ! Toutefois, si nous voulons que ce ratio tellement extraordinaire serve à quelque chose, il nous faut en faire une référence ; c'est peut-être la seule façon de respecter le principe de libre administration auquel le Conseil constitutionnel est attaché : cet élément a toujours été déterminant - et le terme a un sens - dans son raisonnement.

Cependant, le principe de libre administration n'est pas collectif : la libre administration ne s'applique pas aux départements, aux communes, aux régions considérés, respectivement, dans leur globalité ; c'est la libre administration de chaque collectivité. Par conséquent, s'il faut respecter le principe de libre administration, il faut que ce ratio serve de référence. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. L'amendement n° 64, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Marc, Mauroy, Moreigne, Miquel, Dreyfus-Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

La loi définit les conditions d'accroissement des ressources propres des collectivités territoriales. Elle définit corrélativement les conditions d'accroissement de la part des dotations d'Etat donnant lieu à péréquation.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Finalement, ce texte ne prend en compte qu'un aspect du problème - c'est ce que nous expliquons depuis avant-hier - alors qu'il y en a trois, qui doivent fonctionner ensemble.

Le premier aspect est la définition des ressources fiscales propres des collectivités locales. Hier soir, nous ne sommes pas parvenus à l'adoption pure et simple de l'amendement n° 7 de M. Hoeffel, qui avait pourtant le grand mérite de définir de manière claire et précise les ressources fiscales propres des collectivités locales.

Le deuxième aspect est la réduction du montant des dotations de l'Etat dans l'ensemble des ressources des collectivités locales. Il est clair que si l'on veut augmenter les ressources à caractère autonome, cela a pour conséquence la réduction du montant des dotations de l'Etat.

Le troisième aspect est indissociable des deux autres : il s'agit de l'augmentation de la part de la péréquation à l'intérieur du montant des dotations de l'Etat aux collectivités locales.

Ces trois éléments doivent être pris en compte ensemble et tel est l'objet du présent amendement.

Quand nous proposons d'écrire « La loi définit les conditions d'accroissement des ressources propres des collectivités territoriales », nous reprenons l'idée - que j'ai présentée avec un amendement précédent - d'une programmation des objectifs et des échéances.

Nous suggérons par ailleurs les dispositions suivantes : « Elle définit corrélativement les conditions d'accroissement de la part des dotations de l'Etat donnant lieu à péréquation. »

En effet, ce dont les collectivités territoriales ont besoin, c'est certes de davantage d'autonomie financière, mais c'est surtout de ressources mieux en rapport avec leurs charges. Or il existe aujourd'hui de fortes disparités entre les ressources des collectivités territoriales et leurs charges : certaines communes supportent de lourdes charges et disposent de peu de moyens ; d'autres, à l'inverse, ont des moyens importants et des charges plus modérées.

Quel est l'objet de la péréquation ? C'est de mieux adapter les moyens aux charges. Il ne peut donc y avoir, pour les communes, une autonomie financière plus large, et donc une plus grande capacité d'action, que si, à mesure que l'on accroît l'autonomie financière, on renforce la part de la péréquation, c'est-à-dire l'adéquation entre les ressources et les charges.

Tous ces éléments sont liés, et ne considérer qu'un aspect du problème - a fortiori, depuis le débat d'hier soir, selon une conception étriquée - n'est pas répondre à la question qui nous est posée.

C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Hoeffel, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement de suppression n° 27, défendu par M. Foucaud, je ferai le même commentaire que pour les amendements de suppression relatifs aux articles 1er et 2. Le projet de loi organique peut être modifié, mais il doit être adopté : cela découle naturellement de la loi constitutionnelle de 2003.

En ce qui concerne l'amendement n° 60, présenté par M. Sueur, la question soulevée a été tranchée lors de l'examen de la loi constitutionnelle précitée. Chacun d'entre nous doit en prendre acte, quoi qu'il en pense.

Le projet de loi organique définit précisément la part minimale que doivent représenter les ressources propres dans l'ensemble des ressources des collectivités territoriales. Cette part sera celle qui a été constatée en 2003, ce qui représente tout de même déjà, je le crois, une sérieuse garantie. Sur ce plan au moins, ce texte est d'une grande clarté, reconnaissons-le.

Je rappelle que le seuil de 33 % que la commission avait proposé de retenir pour la part minimale des ressources propres dans l'ensemble des ressources des différentes catégories de collectivités territoriales correspondait à la définition des ressources propres dans un contexte financier difficile et compte tenu de l'objectif de péréquation que nous devons atteindre et qui pouvait l'être plus sûrement avec un seuil plancher bas qu'avec un seuil élevé. Cependant, étant donné la définition des ressources propres que nous avons retenue hier, il n'y a pas d'obstacle à la fixation d'un seuil plus élevé, en se référant, en l'occurrence, à l'année 2003.

L'article 72-2 de la Constitution nous fait obligation de définir un seuil plancher pour chaque catégorie de collectivités territoriales, en laissant à la loi organique le soin de déterminer si ce seuil doit être identique pour tous les échelons ou s'il doit au contraire varier. Les deux options sont possibles d'après la loi constitutionnelle. J'observe d'ailleurs que le groupe socialiste de l'Assemblée nationale avait déposé plusieurs amendements tendant à fixer un seuil plancher identique pour chaque catégorie de collectivités territoriales, ce qui montre bien que ce point fait débat ; nous nous inscrivons dans le cadre de cette discussion.

M. Jean-Pierre Sueur. Nul n'est parfait !

M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Il n'est pas facile de trancher d'emblée avec la certitude absolue d'être dans le vrai.

M. Jean-Pierre Sueur. L'Assemblée nationale proposait des seuils, nous proposons des objectifs : le Sénat est en avance !

M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Il l'a toujours été ! J'ai mentionné la position adoptée par le groupe socialiste à l'Assemblée nationale non pas pour critiquer ou mettre en exergue une opposition, mais simplement pour souligner que, en toute objectivité, la discussion est ouverte et que l'on peut légitimement se référer à l'une ou l'autre option. Nous en avons pris une et renoncé au seuil de 33 % que j'évoquais : nous nous en tenons à cette ligne de conduite et, en conséquence, je ne puis émettre qu'un avis défavorable sur l'amendement n° 60.

Quant à l'amendement n° 62, il n'est pas conforme à la Constitution. Sur le point en question, le débat a été tranché par la loi constitutionnelle de 2003.

En ce qui concerne l'amendement n° 61 défendu par M. Marc, la définition des ressources propres retenue par le Sénat, combinée au seuil plancher prévu par le projet de loi organique, permet de laisser toute sa place à la péréquation.

Un sénateur du groupe socialiste. Non !

M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Nous en revenons là au débat que nous avons eu hier sur la péréquation. A cet instant, j'indiquerai par parenthèse que figurent déjà actuellement, dans notre législation, des dispositions prévoyant un processus de péréquation. Je fais référence ici à la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, qui comporte une définition très claire de la notion de péréquation, prenant en compte à la fois les ressources et les charges de toutes les collectivités territoriales. Formellement, ce dispositif de péréquation est toujours en vigueur, n'ayant jamais été abrogé. Essayons donc d'abord, sur le plan de la péréquation comme sur d'autres plans, d'appliquer des dispositions qui existent mais sont en sommeil avant de songer à en instaurer d'autres.

Les dotations de l'Etat et les dotations reçues des collectivités appartenant à d'autres catégories constituent des ressources pérennes pour leurs bénéficiaires. Il n'y a donc pas lieu de les exclure du calcul du taux d'autonomie financière, sinon ce taux serait évidemment dépourvu de portée. C'est la raison pour laquelle je suis conduit à donner un avis défavorable sur l'amendement n° 61.

En ce qui concerne l'amendement n° 28, présenté par M. Foucaud, la question des charges imposées aux collectivités territoriales est traitée au premier alinéa de l'article 72-2 de la Constitution : « Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi ». Le problème soulevé est donc sans rapport avec celui de la nature des ressources, qui relève du présent projet de loi organique.

A propos de l'amendement n° 29 de coordination avec l'amendement n° 25 portant sur l'article 2, j'indiquerai que l'agrégation des ressources des EPCI à celles des communes est légitime. Les premiers constituent l'émanation des secondes, ils exercent les compétences que leurs membres leur transfèrent et ils disposent à cette fin de ressources qui leur sont normalement dévolues.

Cette agrégation est nécessaire, car les EPCI ne constituent pas encore - on peut le regretter, mais il faut bien le constater - des collectivités territoriales de plein exercice - nous le savons, l'élection au suffrage universel direct est un élément qui déterminera, le moment venu, cette qualité - et ne peuvent donc, pour l'heure, bénéficier de la garantie offerte par l'article 72-2 de la Constitution.

A ce stade, je suis par conséquent amené à émettre un avis défavorable sur l'amendement n° 29.

Quant à l'amendement n° 63, il ne manque pas d'intérêt, c'est incontestable. Cependant, il faut reconnaître que le Gouvernement a eu la volonté d'entreprendre étape par étape la réforme des finances locales, et nous savons, les uns et les autres, combien ce processus est difficile à mettre en oeuvre et combien il importe d'avancer de manière progressive.

A cet égard, je rappellerai que la loi de finances de 2003 a assoupli les règles relatives aux liens entre les impôts locaux et a assujetti France Télécom aux règles de droit commun en matière de taxe professionnelle. C'est là, incontestablement, un élément positif.

Je rappellerai également que la loi de finances de 2004 a rénové l'architecture des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales, en vue de dégager des marges de manoeuvre supplémentaires au profit de la péréquation. Tous ceux qui, à des époques différentes, se sont attaqués à cette rénovation des dotations, en particulier de la DGF, savent combien ce processus est délicat, ce qui ne veut pas dire qu'il faut renoncer devant l'obstacle. En l'occurrence, une étape a déjà été franchie.

Dans cette perspective, il me paraît opportun et réaliste de poursuivre cette réforme avant de penser à relever le taux plancher d'autonomie financière des collectivités territoriales. Sur ce plan, mes chers collègues, les chiffres relatifs à l'autonomie financière pour 2003-2004 ont amené la commission à retirer sa proposition de fixer le seuil plancher à 33 %. Il était sage, à ce stade du débat, de procéder de la sorte.

En ce qui concerne les amendements n°s 40 et 39, j'ai bien entendu l'argumentation de M. Fréville, et je m'incline devant la technicité dont fait preuve notre collègue à chacune de ses interventions. Cependant, la complexité des problèmes m'incite à le prier de bien vouloir retirer ses deux amendements.

En effet, s'agissant de l'amendement n° 40, il ne me semble pas nécessaire, compte tenu de la définition des ressources propres des collectivités territoriales retenue par le Sénat, d'abaisser la part minimale qu'elles doivent représenter pour chaque catégorie de collectivités dans l'ensemble de leurs ressources.

De surcroît, la disposition présentée serait source, si elle devait être adoptée, d'un certain nombre de complications. Soit, comme le proposaient les deux commissions du Sénat, on fixe dans la loi organique un seuil plancher clair ; soit on s'en tient au seuil constaté en 2003. C'est cette seconde option qui a été retenue, et je suis sûr, monsieur Fréville, que vous ne voulez pas amoindrir la clarté du texte sur ce point.

L'amendement n° 39 ne manque pas de finesse, mais il n'est pas acceptable pour deux raisons. D'une part, il n'existe pas de définition juridique des dégrèvements. En pratique, certains d'entre eux sont totalement neutres pour les finances des collectivités tandis que d'autres sont plafonnés. D'autre part, le taux d'autonomie financière des catégories de collectivités ne serait pas calculé de la même manière en 2003, année de référence, et les années suivantes. Cet argument me paraît suffisamment fort pour que vous surmontiez les derniers doutes qui pourraient vous effleurer avant de prendre une décision de sagesse qui, d'un commun accord, nous permettrait d'avancer.

L'amendement n° 65, présenté par M. Frimat n'est pas conforme au troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution. Le choix du constituant de protéger l'autonomie financière catégorie par catégorie plutôt que collectivité par collectivité a été guidé, nous le croyons, par le réalisme. Dans sa rédaction initiale, le projet de loi constitutionnelle tendait à accorder une telle garantie à chaque collectivité prise isolément. Plus forte en apparence, elle eût été vaine en réalité, le nombre de collectivités territoriales françaises et les grandes disparités qui les caractérisent, relevées hier encore au cours du débat, rendraient pratiquement impossible d'en assurer le respect. Voilà pourquoi, sur l'initiative du Sénat, le constituant avait retenu une exigence plus réaliste.

L'amendement n° 64 présente une disposition qui ne relève pas de la loi organique.

M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Par surcroît, il n'a pas de portée normative.

Tels sont les commentaires dont je tenais à assortir le point de vue de la commission des lois sur les amendements déposés à l'article 3, mes chers collègues, tout en regrettant de devoir donner autant d'avis non favorables.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je tiens tout d'abord à souligner tout l'intérêt de ce débat dans lequel nous construisons, avec des avis légitimement partagés selon que l'on appartient à la majorité ou à l'opposition, un édifice qui me semble refléter notre souci de clarté, de cohérence et d'efficacité.

M. Foucaud, fidèle à la position adoptée par son groupe depuis le début de ce débat, a naturellement proposé la suppression de l'article 3, comme il avait proposé celle des deux articles précédents. Vous comprendrez, monsieur le sénateur, que je ne puisse émettre un avis favorable puisque nous sommes dans une logique d'application de la Constitution.

Je suis naturellement favorable à l'amendement n° 8 de codification présenté par M. Hoeffel.

L'amendement n° 60, défendu par M. Sueur, est assez largement tiré de la proposition de loi constitutionnelle présentée par le président Christian Poncelet au mois de juin 2000. Le débat a eu lieu et le sujet a été tranché par la rédaction actuelle de la Constitution. C'est la raison pour laquelle je ne peux accepter cet amendement.

M. Jean-Pierre Sueur. C'est dommage pour M. Raffarin !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. San doute ! En tout cas, nous sommes tous convenus que la rédaction constitutionnelle retenue est conforme à l'esprit des débats d'alors. Aussi, je vous propose de retirer cet amendement, monsieur le sénateur. Dans le cas contraire, j'en proposerai le rejet.

L'amendement n° 62, qui est de la même la veine, appelle la même remarque.

Le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements identiques n°s 9 et 17, présentés par vos deux commissions, puisqu'il ont pour objet d'exclure les flux financiers entre collectivités ainsi que les financements de transferts expérimentaux et les délégations de compétences.

Je voudrais toutefois apporter une précision : la correction relative aux ressources versées en contrepartie de transferts expérimentaux ou dans le cadre de délégations n'a de sens qu'entre collectivités relevant de catégories différentes.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Absolument !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il me semble important de le préciser, puisque nous avons déjà réglé le problème des liens entre les communes et les EPCI ; cela pourrait donc concerner, par exemple, un département et un EPCI, ou bien l'Etat lorsqu'il procède à des transferts expérimentaux ou délègue certaines compétences aux collectivités territoriales. Sous réserve de cette précision, ces amendements me paraissent de nature à améliorer le texte de manière significative.

J'en viens à l'amendement n° 61, présenté par M. Marc, qui vise à exclure de l'ensemble des ressources les dotations de péréquation. J'y suis plutôt défavorable. En effet, à regarder les choses de près, l'exclusion des dotations de péréquation des ressources prises en compte conduirait à majorer artificiellement le taux d'autonomie financière des collectivités. Or tel n'est pas le but recherché. Une majoration, si elle doit se produire, doit être non pas artificielle, mais authentique. A l'évidence, le taux d'autonomie financière doit être cohérent ; il faut « du vrai », « du solide », comme M. Mercier l'a souvent rappelé, ou bien, comme disait autrefois M. Barre, « du solide, du vrai » (Sourires).

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Je vois que vous progressez, monsieur le ministre, encore un petit effort !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Par conséquent, je n'imagine pas que l'on puisse ainsi le dénaturer.

Pour le reste, vous avez, par cet amendement, entendu opérer une sorte de distinction entre deux catégories de dotations pour apprécier le taux d'autonomie financière. Pour ma part, je suis plutôt enclin à l'instauration d'un système unitaire en matière de dotations.

Quant à l'amendement n° 28, présenté par M. Foucaud, visant à déduire du ratio d'autonomie financière la part des ressources budgétaires utilisées pour couvrir des dépenses rendues obligatoires par la loi et le règlement, il conduit à la confusion de deux notions distinctes : la définition des ressources propres et les conditions d'emploi de ces ressources. J'y suis, pour cette raison, défavorable.

En effet, l'objet du projet de loi organique, comme la Constitution l'y invite, est de définir les ressources propres, de fixer les conditions dans lesquelles elles représentent une part déterminante ; il n'est pas de préciser l'utilisation qui en est faite. De surcroît, sur le plan technique, la disposition que vous proposez, monsieur le sénateur, obligerait à des retraitements comptables assez lourds, autant d'éléments qui m'invitent à vous proposer de retirer votre amendement. Si vous le mainteniez, je serais conduit à émettre un avis défavorable.

L'amendement n° 29, également présenté par M. Foucaud, tend à supprimer le deuxième alinéa de l'article 3, qui intègre les EPCI à la catégorie de communes. Nous avons beaucoup débattu de ces questions et, pour les raisons que j'ai eu l'occasion d'évoquer hier, j'émets sur ce point un avis défavorable.

L'amendement n° 63, défendu par M. Sueur, est très intéressant dans la mesure où il évoque la densité de notre réflexion sur ce taux plancher et sur son avenir. Nous sommes tous responsables et nous savons que nous ne sommes pas éternels. Nous avons donc vocation à veiller à ce que l'avenir, au travers des décisions que nous prenons, ne soit pas bloqué par telle ou telle décision que nous prendrions pour une raison circonstanciée. Il faut toujours être vigilants dans ce domaine, ce qui m'amène à émettre un avis défavorable sur cet amendement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Cet amendement est néanmoins intéressant, car il pose une vraie question, mais il soulève aussi un problème. Après tout, le choix de l'année 2003 constitue déjà une avancée considérable ; on peut certes s'y opposer, préférer un pourcentage ou un autre type de référence, mais il a le mérite d'exister. Nous avons désormais une année définissant un niveau plancher, lequel n'existait pas auparavant. C'est donc un progrès ! Pour cette simple raison, monsieur Sueur, je trouverais formidable que, dans un mouvement d'enthousiasme, vous votiez finalement cet article !

A ce stade de notre discussion, le choix de l'année 2003 a une cohérence. La perfection n'est pas de ce monde ! L'année 2003 coïncide en effet avec la fin de la réforme de la taxe professionnelle.

M. Jean-Pierre Sueur. La part « salaires » de la taxe professionnelle !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vous avez raison de le préciser, monsieur Sueur. Il s'agit uniquement de la réforme de la part « salaires », que M. Jospin avait conduite avec beaucoup de diligence, ce qui n'a pas été le cas pour toutes les réformes ! On a ainsi vu exploser la part des dotations qui se substituaient aux ressources propres. Mais n'y revenons pas, « le lait est désormais renversé ».

Néanmoins, la progression que vous proposez en vue de renforcer l'autonomie financière constitue un handicap puisqu'elle risque de bloquer les futures réformes, notamment en matière de fiscalité locale. Cet « amendement d'objectif », pour reprendre votre formule, ne peut figurer dans une loi organique, qui doit comporter des données bien « carrées » nous permettant de tous parler de la même chose. Il me paraît donc plus raisonnable d'émettre un avis défavorable sur cet amendement, car nous ne pouvons pas remettre en cause aujourd'hui un plancher qui a l'avantage d'être clairement fixé, d'exister si cette loi est adoptée, faisant ainsi considérablement progresser le concept de l'autonomie financière.

S'agissant des amendements n°s 40 et 39, M. Fréville pose l'intéressante question de la finalité des dégrèvements. Je rejoins volontiers l'analyse de M. Hoeffel. Si la question posée est pertinente, on peut cependant s'interroger sur les conséquences d'un retrait des dégrèvements pour la seule année 2003. Je crains que cela ne soit pas conforme à la Constitution. C'est la raison pour laquelle je souhaite, monsieur Fréville, que vous retiriez vos deux amendements.

Monsieur Mercier, vous avez retiré l'amendement n° 18. Je ne serais pas long, car nous avons longuement débattu de ce sujet, mais je ne voudrais pas vous donner le sentiment que je n'ai pas entendu le problème que vous avez évoqué dans votre excellent exposé. J'écoute toujours ce que vous dites avec beaucoup d'attention,...

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Vous avez raison !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... même s'il m'arrive parfois de ne pas tout comprendre. En l'occurrence, j'ai compris. Je souhaite donc faire un bref commentaire sur votre observation, tout en notant son caractère quelque peu espiègle. Je me permets de vous faire observer que le problème que vous avez soulevé n'existerait pas si la proposition initiale du Gouvernement avait été retenue.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. C'est pourquoi nous ne l'avons pas retenue !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. En tout état de cause, une fois la loi organique votée, nous nous appliquerons à étudier la situation pour 2005. Ainsi, en localisant de nouveau certains taux d'impôts que nous avons vocation à transférer, les choses rentreront dans l'ordre. Comme le Gouvernement, dans sa sagesse, a prévu un délai pour organiser les choses à l'article suivant, tout sera dans tout et ainsi tout le monde sera content !

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Je vois que vous êtes d'accord avec moi et j'en suis heureux !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je le suis tout autant, car, il faut bien le dire, un tel accord me manquait un peu depuis le début de ce débat.

L'amendement n° 65 a pour objet de préciser que le niveau de ressources propres constaté en 2003 constitue la référence pour chaque collectivité territoriale au sein de sa catégorie. Je n'entrerai pas dans le détail, mais vous avez bien compris, depuis le début de ce débat, que l'idée du Gouvernement est non pas de concevoir les choses par collectivité prise individuellement, mais par catégorie. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable sur cet amendement.

Quant à l'amendement n° 64, je le répète, les conditions d'accroissement des ressources propres des collectivités territoriales sont d'ores et déjà déterminées par le législateur.

De même, c'est également la loi qui organise les conditions d'accroissement des masses financières destinées à la péréquation et qui encadre strictement les pouvoirs du comité des finances locales en ce qui concerne la part respective de la dotation forfaitaire et des dotations de péréquation.

Il s'agit donc surtout de savoir comment renforcer l'efficacité de la péréquation. A cet égard, une loi de réforme des dotations, dont l'élaboration s'appuiera en particulier sur les travaux du Comité des finances locales - j'ai eu l'occasion de l'évoquer à plusieurs reprises depuis le début de notre discussion - sera sans doute de nature à répondre à un certain nombre de vos interrogations, monsieur Sueur. C'est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. A défaut, j'émettrai un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 62.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9 et 17.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote sur l'amendement n° 61.

M. François Marc. Compte tenu de l'adoption des amendements identiques nos 9 et 17, monsieur le président, je souhaite rectifier cet amendement : il convient d'insérer les dispositions proposées non pas après le mot : « Etat », puisqu'il vient d'être supprimé, mais après le mot : « délégation ». C'est donc une modification de pure forme.

Dans cette discussion, deux questions fondamentales étaient soulevées. La première concernait le degré d'autonomie financière que l'on souhaitait donner aux collectivités. Une réponse nous a été apportée hier soir et, malheureusement, l'autonomie n'atteint pas, loin s'en faut, le stade que nous souhaitions les uns et les autres.

La seconde question, véritablement politique, était de savoir si une péréquation financière intéressante et significative pour les collectivités allait être mise en place. L'avis du Gouvernement sur cet amendement, étayé par celui de la commission des lois, nous apporte la preuve que l'ambition gouvernementale est des plus limitée sur ce point.

Bien entendu, le coefficient d'autonomie mis en place sera nécessairement déséquilibré, au niveau du dénominateur, si l'on n'apporte aucune modification à la rédaction actuelle du projet de loi organique. L'Etat nous objectera que, pour ce motif, la péréquation ne pourra pas être mise en oeuvre.

Il y a là une pointe de machiavélisme qui apparaît très clairement : à ce moment-là, la seule façon de rééquilibrer le ratio, c'est que le Gouvernement dise : je veux bien mettre en place la péréquation, donc augmenter le dénominateur, si le numérateur augmente d'autant ; dès lors, les collectivités doivent augmenter leur fiscalité. Ce faisant, on voit bien que la méthode du Gouvernement consiste, au fond, à reporter la responsabilité d'une non mise en place de la péréquation sur les collectivités si celles-ci ne veulent pas augmenter leur fiscalité.

Le Gouvernement n'a donc pas de véritable volonté politique en matière de péréquation, et le refus de cet amendement le prouve amplement.

M. le président. je suis donc saisi d'un amendement n° 61 rectifié, présenté par MM. Marc,  Sueur,  Peyronnet,  Frimat,  Mauroy,  Moreigne,  Miquel,  Dreyfus-Schmidt,  Raoul,  Lagauche,  Godefroy,  Teston,  Dauge,  Courrière,  Bel,  Collomb et  Lise, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, et qui est ainsi libellé :

Après le mot :

délégation

rédiger comme suit la fin du premier alinéa de cet article :

des transferts financiers entre collectivités d'une même catégorie et des transferts financiers réalisés au titre de la péréquation entre collectivités ou entre l'État et les collectivités territoriales.

Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 63.

M. Jean-Pierre Sueur. M. le ministre trouve cet amendement trop précis, parce qu'il fixe des objectifs chiffrés et une échéance déterminée En revanche, il estime que l'amendement n° 64 est imprécis. Il s'agit effectivement d'un amendement de repli, dont les conséquences sont beaucoup plus vagues.

Les explications de M. le ministre, que j'ai écouté avec la plus grande attention, ne m'ont pas convaincu. En effet, on peut lire ceci, à la page 6 de l'exposé des motifs du projet de loi organique : « La référence au niveau atteint en 2003 n'est donc d'un plancher qu'il sera souhaitable de dépasser au cours des prochaines années, conformément à la volonté du Gouvernement de renforcer l'autonomie financière des collectivités locales. » Le Gouvernement estime donc souhaitable de dépasser le niveau atteint en 2003, mais, aux termes de la rédaction actuelle du texte, rien n'indique que l'on dépassera ce niveau. Y figure seulement la référence à un seuil, ce qui revient, in fine, à dresser un constat objectif de la réalité d'aujourd'hui.

Par conséquent, si l'on veut vraiment accroître la part d'autonomie fiscale et financière des collectivités locales, il faut fixer des échéances et un calendrier. Sinon, il ne s'agit que d'un voeu pieux.

A cet égard, le projet de loi organique constitue, en quelque sorte, une photographie de la situation actuelle. Une augmentation est prévue par la suite, mais ce n'est qu'une incantation. Or nous ne sommes favorables - nous l'avons dit à plusieurs reprises - à des lois à caractère incantatoire !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 63.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Fréville, les amendements nos 40 et 39 sont-ils maintenus ?

M. Yves Fréville. Non, je les retire, monsieur le président.

Néanmoins, je souhaite apporter quelques précisions au sujet de l'amendement n° 39, qui concernait le retrait des dégrèvements législatifs du ratio minimal de 2003. Il posait plus de problèmes que l'amendement n° 40.

S'agissant du caractère imprécis de sa rédaction, je souligne que les dégrèvements législatifs sont constitués de chiffres « carrés », pour reprendre l'expression de M. le ministre : ils sont définis, au centime d'euro près, par les paragraphes 16, 17 et 18 - je les cite de mémoire - du chapitre 15-01 des charges communes.

Le deuxième problème qui a été soulevé, à savoir l'inconstitutionnalité des mesures proposées, est beaucoup plus important. J'utilise effectivement une définition différente du ratio annuel et du ratio minimal. C'est du reste ce qui motive ma décision de retirer l'amendement.

Pour autant, il faudra absolument régler ce problème, monsieur le ministre, car nous ne faisons que resserrer un peu le noeud gordien de la réforme de la taxe professionnelle. La solution que je suggérais n'était peut-être pas fondée sur le plan juridique, mais elle l'était totalement sur le plan financier.

Je retire donc ces amendements en souhaitant néanmoins très vivement que, d'ici à la seconde lecture, une solution soit trouvée à ce problème.

M. le président. Les amendements nos 40 et 39 sont retirés.

La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 65.

M. Bernard Frimat. Monsieur le ministre, vous nous avez indiqué que, aux termes de l'article 72-2, alinéa 3, de la Constitution, la part déterminante est calculée pour chaque catégorie. Qui dit le contraire ! C'est effectivement ce qui a été inscrit dans la Constitution. Au demeurant, cela demeure une référence abstraite. Le problème n'est pas là !

Le principe de libre administration, sur lequel veille le Conseil constitutionnel, n'est pas garanti par catégorie de collectivités territoriales. Du reste, la rédaction du dernier alinéa de l'article 3 est claire à cet égard : « lorsqu'elle garantit la libre administration des collectivités territoriales relevant de cette catégorie ». Le principe de libre administration n'est pas un principe collectif ; c'est un principe qui s'applique à chaque collectivité territoriale.

Dès lors, il faut bien que la part déterminante, que vous venez de calculer, acquière un statut et serve à quelque chose. Telle est mon ambition en présentant cet amendement qui tend à compléter la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 3 par les mots : « et constitue la référence pour chaque collectivité territoriale au sein de sa catégorie. »

Or vous êtes prononcé contre cet amendement, ce qui signifie, implicitement, que la part déterminante que l'on vient de calculer ne constitue pas une référence pour chaque catégorie de collectivités territoriales au sein des catégories. Un débat très complexe s'est instauré afin de définir une notion -tout à fait obscure - de part déterminante et, finalement, vous nous dites que cette part déterminante ne trouve aucune utilité dans la vie de chaque collectivité et qu'elle ne constitue surtout pas une référence. Quelle magnifique démonstration de la vanité de vos propositions, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus Schmidt. Je souhaite non pas convaincre des collègues -on y parvient souvent, mais on ne modifie pas leur vote pour autant - mais attirer l'attention du Conseil constitutionnel.

En effet, aux termes de l'article 72-2, alinéa 3, de la Constitution, les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources.

Se référer au niveau constaté au titre de l'année 2003 ne revient pas à fixer une norme pour chaque catégorie, et encore moins pour chaque collectivité, monsieur le ministre. Si vous nous aviez proposé à la place du taux unique de 33 %, 33 %, 45 % ou 55 %, par exemple, la lettre de la Constitution aurait été respectée.

Proposer non plus un taux unique, mais chacun le sien, celui de 2003, ce n'est sûrement pas faire ce que la Constitution prévoit.

Par ailleurs, ce qui va sans dire va encore mieux en le disant, par notre amendement n° 65, nous précisons que chaque collectivité doit disposer de ressources propres lui permettant de s'administrer.

J'ai été assez étonné d'entendre M. le rapporteur, qui est également président de l'Association des maires de France, nous affirmer que ce serait compliqué. Nous avions cru comprendre que c'était le désir de l'ensemble des maires de France, en particulier de ceux qui connaissent de grandes difficultés.

J'attire votre attention sur ce point : le dernier alinéa de l'article 3 précise que c'est chaque collectivité qui doit être considérée, autrement ce dernier alinéa ne veut rien dire : « Pour chaque catégorie, la part des ressources propres est déterminante au sens de l'article 72-2, lorsqu'elle garantit la libre administration des collectivités territoriales relevant de cette catégorie. » Cela signifie que s'il y a, dans les catégories telles que vous les concevez, des communes qui ne peuvent pas, avec leurs fonds propres, assurer leur libre administration, la loi organique ne sera pas respectée. Par conséquent, c'est déjà dit.

Nous vous demandons de le préciser, et même si vous ne le faites pas, le dernier alinéa de l'article 3 affirme le contraire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 65.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Art. 3
Dossier législatif : projet de loi organique pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales
Art. 4

Articles additionnels après l'article 3

M. le président. L'amendement n° 30, présenté par MM. Foucaud et Loridant, Mmes Beaudeau et Borvo, M. Bret, Mme Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au sens de l'article 72-2 de la Constitution, la compensation des transferts ou d'extensions de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales tient compte de l'évolution spontanée, dans la durée, des dépenses afférentes à ce transfert.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Il s'agit, par cet amendement, d'assurer que les compensations financières des transferts de compétences que l'Etat décide, prennent en compte le caractère dynamique, dans le temps, des postes de dépenses transférés.

Car si l'Etat compense de façon généralement équitable ces transferts de compétences l'année de ces transferts, l'indexation des compensations ne tient jamais compte de la croissance naturelle, et souvent forte, des dépenses transférées.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Hoeffel, rapporteur. La compensation des transferts, créations et extensions de compétences relève non pas de la loi organique, mais de la loi ordinaire. La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 31, présenté par MM. Foucaud et Loridant, Mmes Beaudeau et Borvo, M. Bret, Mme Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'évaluation des valeurs locatives, constitutives des bases imposables des impôts locaux, est révisée tous les dix ans.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. La question de l'autonomie financière se pose également, ainsi que la discussion l'a abondamment montré. Pour autant, cette autonomie est finalement relativement limitée, puisque les règles de fixation de l'assiette des impôts sont, pour l'essentiel, déterminées sur le plan national.

Je ne veux pas trop insister, mais je rappelle que la marge de manoeuvre des élus locaux est relativement réduite, d'autant plus que cela fait de longues années que, en ce qui concerne les quatre grandes taxes, nous n'avons pas adapté les bases d'imposition des valeurs locatives aux évolutions réelles de la situation.

Il nous semble donc indispensable de fixer un principe incontournable de révision décennale de ces valeurs locatives, permettant de mieux appréhender la réalité des potentiels fiscaux des collectivités locales et, en même temps, la capacité des contribuables à participer au financement des missions de service public dévolues aux administrations publiques locales.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Hoeffel, rapporteur. La révision des bases des impôts locaux est un problème essentiel, mais il ne relève pas de la loi organique. La commission émet donc un avis défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur. Il est essentiel depuis trente ans !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous avons là un problème récurrent depuis des décennies. Il y a un blocage, dont chacun connaît les raisons, lié à la lourdeur des transferts de charges d'une collectivité à l'autre.

M. Jean-Pierre Sueur. D'un contribuable à l'autre !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vous avez raison, monsieur Sueur !

Nous savons que c'est un élément de blocage et qu'il faudra bien un jour trouver une solution. J'ajouterai à cela que cette disposition n'a pas sa place dans ce projet de loi organique. On peut le regretter, mais telle est la situation. Dans ces conditions, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 34, présenté par MM. Foucaud et Loridant, Mmes Beaudeau et Borvo, M. Bret, Mme Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au sens de l'article 72-2 de la Constitution, la compensation des exonérations d'impôts locaux décidées par l'Etat est indexée sur l'évolution spontanée, dans la durée, des bases de ces impôts.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. La question de la substitution de dotations budgétaires aux recettes fiscales des collectivités locales a été maintes fois posée dans la pratique au cours des dernières décennies.

Il s'agit, par notre amendement, de s'assurer que les exonérations d'impôts décidées par l'Etat soient justement compensées par l'Etat, notamment dans la durée, sinon nous constaterions, une fois de plus, une dérive entre compensation et perte de recettes fiscales, ce qui aurait comme conséquence logique ce que nous avons déjà pu observer et dénoncer, c'est-à-dire l'accroissement des autres impôts locaux.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Hoeffel, rapporteur. La compensation des exonérations d'impôts locaux représente, elle aussi, un problème important, mais elle ne relève pas non plus de la loi organique. La commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 66, présenté par MM. Frimat, Peyronnet, Sueur, Marc, Mauroy, Moreigne, Miquel, Dreyfus-Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel et Lise, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les ressources équivalentes à la part déterminante par catégorie de collectivités, au sens de l'article 722, alinéa 3 de la Constitution, sont assurées à chaque collectivité par la mise en oeuvre des dispositifs de péréquation prévus à l'alinéa 5 du même article.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Nous avons déjà exprimé plusieurs fois notre souci de lier la péréquation et l'autonomie financière, puisque, pour une collectivité qui ne dispose que de très peu de ressources propres, l'autonomie est une autonomie virtuelle.

Vous nous avez dit que la part déterminante est faite par catégorie en vertu de l'article 72-2, alinéa 3, de la Constitution. Dont acte. Mais il y a aussi un article 72-2, alinéa 5, qui assure la présence de la péréquation dans la Constitution, vous vous en êtes glorifié plusieurs fois.

Ce que nous vous demandons, c'est de lier les deux phénomènes dans le projet de loi organique. Nous ne parlons plus de ressources propres, nous proposons que les ressources équivalentes à cette part déterminante par catégorie de collectivités soient assurées par la mise en oeuvre des dispositifs de péréquation prévus à l'article 5 du même article. Nous ne rentrons pas dans le détail de ce dispositif, nous ne sommes donc pas dans le champ de la loi ordinaire, nous sommes dans le champ de la loi organique et nous faisons simplement la jonction entre ces deux alinéas, parce qu'il nous semblait qu'au moment où nous avons discuté de l'article 72, cette jonction existait.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises le problème de la péréquation. Il est souhaitable que la loi qui doit concrétiser la péréquation annoncée dans la loi constitutionnelle puisse venir le plus rapidement possible devant le Parlement. En attendant, je ne puis qu'émettre un avis défavorable quant à l'insertion d'une telle disposition dans la loi organique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il s'agit d'un sujet important.

Monsieur Frimat, vous avez, d'un côté, l'autonomie financière, concept essentiel qui connaît au travers de ce projet de loi un progrès majeur. Vous avez, de l'autre, l'obligation d'améliorer la péréquation. D'ailleurs, la Constitution demande aux gouvernements successifs d'y veiller désormais. Je souhaite simplement que ces deux points, qui sont des éléments essentiels de l'avenir des finances locales et plus généralement d'une meilleure solidarité entre les territoires, soient identifiés et, le cas échéant - c'est ce que je propose ici - soient séparés.

La loi organique a pour vocation de traiter de l'autonomie financière. La loi ordinaire traitera des dotations et de la péréquation. Il est important de séparer les deux.

C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'est vraiment pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.

Nous ne vous demandons pas ici de définir la péréquation. Le jour où nous en parlerons, nous verrons arriver les dotations globales et, à ce moment-là, vous en direz peut-être moins de mal.

Il s'agit seulement de prévoir que chaque collectivité doit avoir les moyens de s'administrer. Souvenez-vous hier de la colère de notre ami Michel Charasse, rien n'interdit de prononcer dans la loi organique le mot « péréquation ». On peut même penser que les maires des communes qui ne disposent pas actuellement de ressources propres leur permettant de faire face aux compétences qui sont les leurs, seraient heureux de vous voir affirmer que la péréquation leur permettra de le faire.

C'est exactement ce qui vous est proposé dans l'amendement n° 66 et, si vous refusez de le prendre en considération, cela veut dire que vous n'avez nulle intention d'établir une péréquation, étant entendu que la Constitution vous demande de la favoriser et non pas de l'établir.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 66.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 67, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Marc, Mauroy, Moreigne, Miquel, Dreyfus-Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel et Lise, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel rédigé comme suit :

Une loi de programmation fixe pour une durée de cinq ans l'accroissement, pour chaque catégorie de collectivités, de la proportion de la part des dotations de l'Etat aux collectivités donnant lieu à péréquation.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, je présenterai également les amendements nos 67, 70, 68 et 69.

Nous ne savons plus quels arguments employer, car nous nous heurtons, de toute façon, à un certain mutisme.

Je vais essayer encore une fois. Si vous dites à une personne qu'elle est pauvre, mais qu'elle va être autonome, cet attribut supplémentaire de l'autonomie que vous lui décernez ne va pas engendrer chez elle une satisfaction considérable.

Il y a des communes en banlieue ou dans certaines zones rurales qui ont de grandes difficultés pour faire face à leurs charges.

La péréquation, en dépit des efforts d'un certain nombre de gouvernements - mais on ne va pas refaire l'histoire -, doit être améliorée. Tout le monde le dit !

Il est vraiment absurde de se crisper au point de ne même pas vouloir que ce mot figure dans la loi. Il faut que l'on puisse articuler l'autonomie avec les ressources. Car l'autonomie sans ressources, cela ne rime à rien et on ne règle pas les problèmes. Tout le monde le comprend !

Pour sortir de cette crispation, nous vous donnons quatre nouvelles chances, monsieur le ministre.

Avec l'amendement n° 67, nous vous proposons qu'une loi de programmation fixe, pour une durée de cinq ans, l'accroissement de la proportion de la part des dotations de l'Etat aux collectivités locales donnant lieu à péréquation. Une telle disposition réjouirait les maires de France dont vous êtes si proche, monsieur Hoeffel !

Au cas où cet amendement ne vous conviendrait pas, nous réduirions nos ambitions avec l'amendement n° 70, par lequel une loi de programmation fixerait, toujours pour cinq ans, l'accroissement de la part de la DGF donnant lieu à péréquation. Je sais qu'on en reparlera, mais rien ne nous interdit de prendre aujourd'hui un tel engagement.

Si l'amendement n° 70 ne vous convient toujours pas, je vous propose l'amendement n° 68. Cet amendement prévoit simplement que la loi de finances fixe pour chaque année l'accroissement, pour chaque catégorie de collectivité, de la proportion de la part des dotations de l'Etat aux collectivités donnant lieu à péréquation.

J'ai procédé à des vérifications et aucune décision explicite n'a jamais été prise sur ce point dans la loi de finances. Ce serait un ajout utile.

Enfin, nous vous proposons l'amendement n° 69. A votre place, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, j'émettrais un avis favorable, ce qui permettrait au moins d'adopter un amendement de l'opposition dans ce débat.

Cet amendement prévoit les dispositions suivantes : « Un rapport est publié chaque année à la même date que le projet de loi de finances.

« Il inclut l'ensemble des données chiffrées permettant de mesurer les effets du projet de loi de finances sur l'accroissement, pour chaque catégorie de collectivité, de la proportion de la part des dotations de l'Etat aux collectivités donnant lieu à péréquation. »

A votre place, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, j'accepterais volontiers cet amendement. Nous n'en dirons pas plus. Vous savez que nous n'appartenons pas à un ordre mendiant. (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Hoeffel, rapporteur. J'ai évidemment écouté avec beaucoup d'attention le plaidoyer de notre collègue Jean-Pierre Sueur au sujet de la péréquation.

Je le lui rappelle que la notion de péréquation existe déjà dans le dispositif législatif actuel.

La loi du 4 février 1995 préconise en effet que, à l'issue d'un délai de quinze ans, les charges et les ressources de l'ensemble des collectivités d'une même région ne doivent pas être inférieures à 80 % ni supérieures à 120 % de la moyenne nationale.

Cette disposition n'a jamais été abrogée, mais elle n'a jamais non plus été mise en oeuvre. Je le regrette. Nous en portons collectivement la responsabilité, ayant, les uns et les autres, alternativement occupé des responsabilités gouvernementales.

Faut-il, dès lors, ajouter des voeux à des voeux ? Ne serait-il pas préférable d'appliquer d'abord le texte en vigueur, qui, à l'époque, avait fait l'objet d'un très large consensus - j'en sais quelque chose - tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat ?

Monsieur Sueur, votre voeu sera-t-il exaucé ? Je n'en sais rien. En attendant, une loi organique est une loi organique et une loi ordinaire est une loi ordinaire. Je suis donc au regret de vous dire que, quel que soit le caractère convaincant de votre plaidoyer, en l'état actuel des choses, nous ne pouvons pas inclure les mesures que vous proposez dans ce projet de loi organique, bien que le souci que vous avez exprimé soit largement partagé sur l'ensemble des travées.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. A l'instar de la commission, j'émettrai un avis défavorable sur ces quatre amendements. Je sais que, sur ce point, je vais un peu décevoir M. Sueur.

L'explication tout à fait remarquable de M. Hoeffel se suffit à elle-même. Elle était très convaincante. Je n'ajouterai donc qu'une remarque.

Vous avez commencé votre intervention par une image en disant que, lorsque l'on croise un pauvre, on ne va pas lui dire en plus qu'il est autonome. J'apporterai une petite nuance à votre propos : en tout cas, on ne va pas lui dire qu'on lui enlève en plus son autonomie. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Ce sont donc deux sujets distincts.

D'un côté, il y a la nécessaire autonomie des collectivités locales. A l'évidence, celle-ci est confortée par le projet de loi organique qui sera, je l'espère, adopté.

De l'autre, il y a l'aspect lié à la solidarité. Je le répète à nouveau, celle-ci relève de l'Etat et de lui seul. Car c'est bien au travers d'une loi, qui confortera et modernisera notre système de dotation et de péréquation, que nous parviendrons, j'en suis convaincu, à améliorer le dispositif au service de l'équité entre l'ensemble des territoires qui composent notre nation.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 67.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 70, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Marc, Mauroy, Moreigne, Miquel, Dreyfus-Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel et Lise et Mme Blandin, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel rédigé comme suit :

Une loi de programmation fixe, pour chaque période de cinq ans, l'accroissement de la part de la dotation globale de fonctionnement donnant lieu à péréquation.

Cet amendement a été défendu.

La commission et le Gouvernement se sont exprimés.

Je mets aux voix l'amendement n° 70.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 68, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Marc, Mauroy, Moreigne, Miquel, Dreyfus-Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel et Lise, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel rédigé comme suit :

La loi de finances fixe pour chaque année l'accroissement, pour chaque catégorie de collectivité, de la proportion de la part des dotations de l'Etat aux collectivités donnant lieu à péréquation.

Cet amendement a été défendu.

La commission et le Gouvernement se sont exprimés.

Je mets aux voix l'amendement n° 68.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 69, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Marc, Mauroy, Moreigne, Miquel, Dreyfus-Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel et Lise, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel rédigé comme suit :

Un rapport est publié chaque année à la même date que le projet de loi de finances.

Il inclut l'ensemble des données chiffrées permettant de mesurer les effets du projet de loi de finances sur l'accroissement, pour chaque catégorie de collectivité, de la proportion de la part des dotations de l'Etat aux collectivités donnant lieu à péréquation.

Cet amendement a été défendu.

La commission et le Gouvernement se sont exprimés.

Je mets aux voix l'amendement n° 69.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnels après l'art. 3
Dossier législatif : projet de loi organique pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales
Art. additionnels après l'art. 4

Article 4

Le Gouvernement transmet au Parlement, pour une année donnée, au plus tard le 1er septembre de la deuxième année qui suit, un rapport faisant apparaître, pour chaque catégorie de collectivités, la part des ressources propres.

Si, pour une catégorie de collectivités territoriales, la part des ressources propres ne répond pas aux règles fixées à l'article 3, les dispositions nécessaires sont arrêtées, au plus tard, par la loi de finances pour la deuxième année suivant celle où ce constat a été fait.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, sur l'article.

M. Thierry Foucaud. Cet article 4 nous conduit à évoquer la dimension historique des relations que l'Etat entretient avec les collectivités locales.

Ledit article fixe, en fait, les conditions ultérieures du débat entre l'Etat et les collectivités locales - ou la représentation nationale, y compris celle qui est issue directement des collectivités -, dès lors qu'il s'agira de remédier, autant que faire se peut, aux manquements constatés au respect de l'autonomie financière des collectivités territoriales.

Nous l'avons remarqué, ce débat sur l'autonomie ne peut et ne doit être centré de manière exclusive sur le seul critère de la faculté de percevoir des ressources propres : il doit également intégrer la dimension des charges auxquelles sont confrontées les collectivités.

Quand le département de la Creuse est marqué par le vieillissement de sa population, il est naturellement et directement sollicité pour le financement de l'action sociale en faveur des personnes âgées.

Lorsqu'une ville industrielle, accueillant certains établissements classés à hauts risques technologiques et environnementaux, voit son développement contrarié par la définition d'un périmètre Seveso, elle est également soumise à des contraintes spécifiques de financement. Elle ne peut les couvrir complètement au seul titre des ressources fiscales qu'elle serait amenée à percevoir auprès des contribuables résidents.

Et nous pourrions multiplier les exemples en évoquant les communes provençales confrontées au coût des services départementaux d'incendie et de secours ou les communes dont tout ou partie du territoire est situé en zone protégée.

Ce que prévoit l'article 4 est plus que discutable. Celui-ci nous invite, en effet, à prendre rendez-vous pour stabiliser autant que faire se peut les relations entre l'Etat et les collectivités territoriales et à placer par avance toute controverse future sur ces relations dans un cadre pour le moins plus étroit qu'il n'y paraît.

Même s'il semble donner une garantie aux collectivités territoriales sur la quotité de leurs ressources propres, le texte offre surtout des marges de manoeuvre loin d'être négligeables, dans un proche, voire très proche avenir, pour poursuivre dans la voie du délestage de l'Etat vers les collectivités locales, permettant ainsi d'observer avec plus d'aisance les contraintes budgétaires imposées par certains de nos engagements internationaux.

La marge est significative ; ce sont en effet plus de 30 milliards d'euros de dépenses assumés aujourd'hui par le budget général qui pourraient ainsi être transférés sans nuire au respect du principe fixé par la loi organique, donc sans solliciter l'application des dispositions de l'article 4.

La même remarque vaut pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale.

Dans ce cadre, ce seraient quelque 60 milliards d'euros de dépenses qui pourraient ainsi, sans douleur, être transférés sans que l'esprit de l'article 4 ne soit profondément mis en question.

Dans les faits, ce sont donc deux marges de manoeuvre significatives dont l'Etat pourra disposer pour mener à bien, par exemple, la politique de décentralisation engagée par la loi constitutionnelle et prolongée par la loi relative aux responsabilités locales.

Mes chers collègues, le renforcement de l'autonomie financière réside aussi dans la prise en compte des charges liées à la diversité des situations économiques et sociales des collectivités, aux profondes inégalités de ressources et de développement et aux problématiques spécifiques auxquelles elles peuvent être confrontées.

Nier l'impact de ces réalités semble inscrit, hélas ! dans la lettre de l'article 4.

M. le président. Je suis saisi de dix amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 35, présenté par MM. Foucaud et Loridant, Mmes Beaudeau et Borvo, M. Bret, Mme Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Je serai bref, car il s'agit d'un amendement de principe ; je connais la réponse de M. le ministre, car cet amendement est identique à ceux qui ont été déposés aux articles 1er, 2 et 3.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est l'application du principe de cohérence !

M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Hoeffel, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

I - Au début de cet article, ajouter un alinéa ainsi rédigé :

Dans le chapitre IV du titre unique du livre Ier de la première partie du même code, il est inséré un article L.O. 1114-4 ainsi rédigé :

II - En conséquence, faire précéder le premier alinéa de cet article de la référence :

« Art. L.O. 1114-4. -

La parole est à M. le rapporteur.

M. Daniel Hoeffel, rapporteur. C'est un amendement de coordination.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 12 est présenté par M. Hoeffel, au nom de la commission des lois.

L'amendement n° 19 est présenté par M. Mercier, au nom de la commission des finances.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le premier alinéa de cet article, remplacer la date :

1er septembre

par la date :

1er juin

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 12.

M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'avancer, du 1er septembre au 1er juin de la deuxième année suivant l'année de référence, le délai de remise du rapport du Gouvernement au Parlement sur l.'autonomie financière des collectivités territoriales.

Les comptes administratifs des collectivités territoriales d'une année donnée sont votés au plus tard le 30 juin de l'année suivante. Le Gouvernement disposera donc d'un délai raisonnable pour collecter les informations et établir son rapport.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 19.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Cet amendement est identique à celui que vient de présenter M. le rapporteur.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 13 est présenté par M. Hoeffel, au nom de la commission des lois.

L'amendement n° 20 est présenté par M. Mercier, au nom de la commission des finances.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après les mots :

collectivités

rédiger comme suit la fin du premier alinéa de cet article :

territoriales, la part des ressources propres dans l'ensemble des ressources ainsi que ses modalités de calcul et son évolution.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 13.

M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir que le rapport du Gouvernement au Parlement devra présenter non seulement le part des ressources propres dans l'ensemble des ressources des différentes catégories de collectivités territoriales, mais également ses modalités de calcul et son évolution.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 20.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Cet amendement étant identique à celui de la commission des lois, je me rallie à l'explication de M. le rapporteur.

M. le président. L'amendement n° 36, présenté par MM. Foucaud et Loridant, Mmes Beaudeau et Borvo, M. Bret, Mme Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa de cet article par deux phrases ainsi rédigées :

La transmission de ce rapport est suivie d'un débat dans chaque assemblée. Ce débat doit nécessairement avoir lieu avant l'échéance de la session ordinaire au cours de laquelle a été transmis le rapport.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Il s'agit clairement d'un amendement de repli par rapport à notre position de fond : il vise à faire de l'autonomie financière un point essentiel du débat au sein de nos assemblées.

M. le président. L'amendement n° 21, présenté par M. Mercier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Au second alinéa de cet article, remplacer les mots :

par la loi de finances

par les mots :

par une loi de finances

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. L'amendement n° 71, présenté par MM. Peyronnet, Frimat, Sueur, Marc, Mauroy, Moreigne, Miquel, Dreyfus-Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel, Collomb et Lise, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :

Au deuxième alinéa de cet article, remplacer les mots :

la deuxième année

par les mots :

l'année

L'amendement n° 72, présenté par MM. Peyronnet,  Frimat,  Sueur,  Marc,  Mauroy,  Moreigne,  Miquel,  Dreyfus-Schmidt,  Raoul,  Lagauche,  Godefroy,  Teston,  Dauge,  Courrière,  Bel et  Lise, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le contenu du rapport et les conditions d'indépendance de l'autorité chargée de son élaboration sont définis par la loi. Celle-ci précise également les modalités d'application du deuxième alinéa du présent article.

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Nous sommes de moins en moins convaincus de l'intérêt de cette loi, surtout après le débat qui a eu lieu hier soir.

Initialement, nous avions souhaité, comme nous y croyions, que les mesures de correction prévues par la loi soient appliquées le plus vite possible. Nous n'y croyons plus beaucoup, mais nous estimons que, lorsqu'une potion est amère, il faut l'avaler le plus vite possible. C'est la raison pour laquelle nous avons maintenu cet amendement.

Vous comprenez qu'il y a de notre part, de la mienne en tout cas, un certain désenchantement par rapport aux espoirs qu'avait soulevés cette loi. Lorsque ses résultats seront connus, ils reflèteront surtout le désenchantement d'une majorité très importante d'élus.

L'amendement n° 71 vise donc à réduire la longueur des délais d'un an.

L'amendement n° 72 tend à proposer explicitement que la loi ordinaire définisse le contenu du rapport et les conditions d'indépendance de l'autorité chargée de son élaboration, car, en la matière, les choses ne sont pas parfaitement claires.

Par ailleurs, afin de ne pas en rester à ce discours d'intention, cet amendement vise à préciser les conditions dans lesquelles les mécanismes de garantie proposés par la loi organique seront déclinés. Plutôt que d'utiliser un taux moyen, mieux vaudrait, à notre sens, utiliser un taux médian qui permettrait une prise en compte de l'existence des écarts et une mise au point plus précise des mesures de correction.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Hoeffel, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 35, monsieur Foucaud, comme je vous l'ai dit au sujet de tous les amendements précédents de suppression, il faut que la loi organique soit votée. La commission ne peut donc être que défavorable à cet amendement.

Je suis naturellement favorable à l'amendement n° 19 de M. Mercier, qui est identique au nôtre.

Il en va de même pour l'amendement n° 20, qui également identique à l'amendement n° 13 de la commission des lois.

S'agissant de l'amendement n° 36, je considère qu'il tend à créer une disposition inutile. En effet, comme nous l'avons dit hier, les règlements de l'Assemblée nationale et du Sénat offrent la possibilité d'ouvrir des débats à la suite d'une déclaration du Gouvernement ou d'une question parlementaire.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est une obligation !

M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Nous sommes favorables à l'amendement n° 21, qui est rédactionnel.

J'en viens aux amendements n°s 71 et 72 de M. Peyronnet. Le délai prévu par l'Assemblée nationale a pour objet de laisser au Gouvernement et au Parlement le temps d'étudier, mais également, le cas échéant, de négocier avec l'Union européenne les solutions les plus judicieuses. Les discussions actuellement en cours sur les possibilités pour les régions de disposer d'une part modulable du produit de la TIPP en sont un témoignage.

En outre, le texte de l'article 4, que tend à modifier l'amendement n° 72, est clair. Il serait à la fois inutile et contraire à la Constitution de renvoyer à une loi ordinaire le soin de préciser ses modalités d'application.

La commission est donc défavorable à ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 35 de M. Foucaud pour toutes les raisons qu'a excellemment rappelées M. le rapporteur.

Il est très favorable à l'amendement n° 11 de codification, qui lui paraît excellent.

Il est également favorable à l'amendement n° 12, présenté par M. Hoeffel, ainsi qu'à l'amendement n° 19 de M. Mercier, amendements qui sont remarquables.

Il est tout à fait favorable à l'amendement n° 13 de M. Hoeffel, comme à l'amendement n° 20 de M. Mercier, qui sont vraiment excellents.

Bien qu'intéressant, l'amendement n° 36, présenté par M. Foucaud, se heurte à une inconstitutionnalité dans la mesure où il s'apparente à une obligation faite au Parlement. Or seule la Constitution peut fixer ce type d'obligation. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

Il est favorable à l'amendement n° 21 de M. Mercier, qui constitue une excellente initiative.

J'en arrive à l'amendement n° 71 de M. Peyronnet. Le Gouvernement, qui, à l'Assemblée nationale, s'était prononcé favorablement à la réduction du délai d'une année proposée par un amendement de M. Geoffroy, est défavorable à cette nouvelle réduction ; point trop n'en faut !

Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 72. Nous l'avons dit, la Constitution reconnaît en effet la garantie de l'autonomie financière non par catégorie, mais pour chaque catégorie. Dans ces conditions, la référence à un taux médian nous semble présenter assez peu d'intérêt.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 et 19.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 et 20.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 71.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 72.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Art. 4
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Articles additionnels après 4

M. le président. L'amendement n° 42, présenté par Mme Blandin, est ainsi libellé :

Après l'article 4, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

A compter de 2005, les communes, les départements, les régions, et les établissements publics de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre peuvent perçoivent une taxe spéciale sur les surfaces imperméabilisées par des locaux commerciaux ou industriels, quand celles-ci génèrent pour ces collectivités ou organismes des dépenses publiques de construction ou de maintenance d'émissaires d'évacuation des flux induits. Cette taxe sera définie par la loi de finances.

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Mes chers collègues, si on faisait de la provocation et si on parlait de choses concrètes !

Les élus locaux ont besoin de preuves tangibles de cette fameuse autonomie dont on leur parle sans leur donner de gage. Tout au plus entendent-ils le ministre de l'économie évoquer la suppression de la taxe professionnelle sans formuler de propositions alternatives.

Je vous en soumets une parmi tant d'autres, que justifierait une remise à plat de toute la fiscalité locale. Qui plus est, elle relève du développement durable : il s'agit d'une proposition de taxe sur l'imperméabilisation qu'il serait, bien sûr, nécessaire de confirmer dans la loi de finances.

Savez-vous que l'imperméabilisation des zones urbaines couvre une surface moyenne équivalente à un département français chaque année ?

Ce sont les collectivités qui, afin de prévenir les inondations urbaines, financent l'évacuation souterraine des eaux de ruissellement engendrées.

Je vous citerai un exemple tout simple pour illustrer l'ampleur du phénomène : un orage violent, c'est cinq centimètres de hauteur d'eau par mètre carré, c'est cinq cents mètres cubes par hectare, c'est un coût de transport et de stockage de 600 euros par mètre carré couvert, soit 300 000 euros. Il n'est pas rare qu'une zone commerciale ait une emprise de plusieurs hectares. Cinq hectares, c'est un investissement pour la collectivité de 1,5 million d'euros.

Mon amendement a donc pour objet d'obtenir la juste participation des aménageurs privés à ces dépenses croissantes.

M. Sarkozy vient d'ailleurs de donner une actualité brûlante à mon amendement. Se penchant sur les prix pratiqués par la grande distribution et le scandale des marges arrière, il propose comme monnaie d'échange le possible agrandissement des surfaces commerciales!

Tel est l'état actuel de la législation. A l'avenir, pour prévenir les inondations, il dépend donc de vous soit de faire supporter des coûts supplémentaires par les collectivités, soit de les faire financer par de justes ressources propres.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Je trouve cette proposition innovante, incontestablement originale. Pour autant, a-t-elle sa place dans le présent projet de loi organique ? Je ne le crois pas, et j'ai donc le regret de donner un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Madame Blandin, j'ai un point commun avec vous : j'aime faire de la politique ! (Sourires.) Je trouve cela formidable et passionnant. C'est l'un des éléments majeurs du métier qui est le nôtre. La seule réserve que je formulerai est qu'ici notre vocation première est d'élaborer la loi, donc de faire du droit. Bien sûr, cela n'interdit pas de faire de la politique, mais encore faut-il être cohérent avec le droit.

Or la présente loi organique ne prévoit à aucun moment de nous laisser la liberté sinon d'évoquer cette question, du moins d'adopter de telles mesures. C'est la raison pour laquelle je me range bien volontiers à l'avis de M. le rapporteur. Faute de voir comment insérer ces dispositions dans une loi organique, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le ministre, je ne vous étonnerai pas en vous avouant que votre réponse ne m'a pas surprise. Nous sommes effectivement enfermés, mais, ce qui est grave, c'est que certains ont l'air heureux de l'être.

Il est vrai que ma proposition est partielle. Trop précise pour une loi organique, elle ne répond pas à l'objet que le Gouvernement semble avoir assigné à ce texte : démontrer aux collectivités que les ressources propres sont introuvables.

Permettez-moi toutefois de citer M. Hoeffel, qui disait hier que « le débat n'est pas simplement juridique, il est financier, il est politique ». Je rejoins donc le souhait de Bernard Frimat de sortir de la virtualité.

Monsieur le ministre, vous nous avez dit hier avec enthousiasme et fermeté : « je suis le Gouvernement ». Rien ne vous empêche donc d'engager le Gouvernement, sinon par un avis favorable à cet amendement, du moins par une promesse pour la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 73, présenté par MM. Miquel, Sueur, Peyronnet, Frimat, Marc, Mauroy, Moreigne, Dreyfus-Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

A compter de 2005, les communes, les départements, les régions, et les organismes de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre peuvent fixer librement leur taux de taxe professionnelle par rapport à l'année précédente et par rapport aux taux et tarifs des autres impositions perçues au profit des collectivités.

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. J'imagine déjà la réponse qui va m'être faite : ce n'est pas le sujet. Mais je crois, moi, que nous sommes dans le sujet puisqu'il est question de la liberté des collectivités et de leur autonomie de gestion. Il s'agit de la taxe professionnelle, en particulier, et de la « déliaison » des taux, en général.

Depuis que la loi de finances de 2003 a assoupli cette disposition, on peut faire varier le taux de taxe professionnelle une fois et demie plus que les taux des impôts pesant sur les ménages. J'y vois là une marque de confiance à l'égard des collectivités, lesquelles, d'ailleurs, n'ont pas abusé de cette situation. Le rapport de M. Hoeffel en témoigne, puisque 16 % des départements, 13 % des communes et 16 % des établissements publics de coopération intercommunale ont utilisé cette possibilité. Il n'y a donc pas eu d'abus.

Cette mesure était le signe d'une grande méfiance à l'égard des collectivités dans les années quatre-vingt et qui a perduré par la suite.

Le temps me paraît venu de donner dans ce domaine une pleine liberté d'action aux élus qui s'emploieraient, en revanche, dans certains cas, à rétablir des situations marquées par de grandes disparités entre les taux, par des inégalités et par des injustices. Les communes et autres collectivités y gagneraient en liberté et en autonomie. Je considère que nous sommes tout à fait dans le sujet en réclamant l'aboutissement de ce mouvement de « déliaison » des taux de la fiscalité locale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Connaissez-vous un élu local qui n'aspire pas à la libre fixation du taux de la taxe professionnelle, sans d'ailleurs jamais vouloir en abuser ? Il faut en effet rendre hommage au sens des responsabilités de l'immense majorité des élus locaux face à la liberté qui, sur tel ou tel point, leur est - ou pourrait- leur être offerte.

Toutefois, en l'occurrence, c'est une disposition qui relève non pas de la loi organique, mais de la loi de finances. Je pense, monsieur Peyronnet, que vous n'êtes pas totalement surpris par cette réponse, mais il était bon et peut-être opportun qu'en cette fin de débat ce problème soit lui aussi soulevé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 73.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 74, présenté par Mme Blandin, MM. Peyronnet,  Frimat,  Sueur,  Marc,  Mauroy,  Moreigne,  Miquel,  Raoul,  Lagauche,  Godefroy,  Teston,  Dauge,  Courrière,  Bel,  Lise et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :

Après l'article 4, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'Etat met en oeuvre la solidarité en faveur des collectivités dont le territoire est gravement affecté par des pollutions dangereuses pour la santé, résultant d'activités passées dont le contrôle était sous sa responsabilité.

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. L'autonomie des collectivités territoriales repose, comme nous l'avons dit, sur leur libre administration, sur une part - je ne sais plus quel adjectif employer - prépondérante, significative, déterminante, de recettes propres et sur la solidarité de l'Etat.

Qui pourrait en effet être autonome en restant isolé et piégé par des situations locales de grandes difficultés ? Ce n'est pas parce qu'une région est pauvre que ses lycées sont meilleur marché. Ce n'est pas parce qu'une commune est pauvre que la culture doit s'y faire au rabais.

L'Union européenne, par certains fonds structurels, ne manque d'ailleurs pas d'épauler ces territoires, mais ici nous sommes toujours impatients de connaître les mécanismes de péréquation qui garantiront la justice et l'égalité pour les habitants.

Cet amendement pointe le handicap dont souffrent certains territoires ; s'il n'était pas levé, il serait illusoire de parler d'autonomie des collectivités. Ce handicap, c'est l'état catastrophique et pénalisant de certains sols, sous-sols et eaux contaminés, pollués, dangereux pour la santé.

Comment voulez-vous qu'une collectivité s'en sorte quand elle est soumise à des coûts de réparation qui dépassent son budget, quand les implantations ne se font pas par crainte d'assumer une responsabilité historique ou, pire encore, quand les responsables ont mis la clé sous la porte après avoir licencié ?

Que ce soit à Salsignes avec le mercure, à Noyelles- Godault avec les sels de métaux lourds de Metaleurop, ou à Canari en Corse avec l'amiante, l'autonomie n'aura de sens qu'avec la solidarité de l'Etat.

Afin de ne pas créer un dispositif inflationniste, cette proposition se limite aux dégâts affectant la santé et aux pollutions historiques pour lesquelles l'Etat devait exercer son contrôle.

Avant même de détailler les critères de péréquation et surtout l'évolution de son volume, il serait juste, pour un gouvernement qui se targue de développement durable, d'épauler les territoires victimes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Je ne sous-estime ni l'importance ni l'actualité du problème soulevé par le présent amendement mais, une fois de plus, je ne puis faire autrement que de dire que cette disposition ne relève pas de la présente loi organique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Messieurs, vous avez donné un avis défavorable sur cet amendement qui prévoyait de faire preuve de solidarité à l'égard de territoires dont l'altération est telle que les collectivités ne parviennent plus ni à y susciter le développement, ni à boucler un budget grevé par la réparation des dégâts.

Comme le disait Michel Mercier : «  La péréquation : en parler toujours, et ne la faire jamais. » Pourtant, le constat de Jean François-Poncet : « Une décentralisation qui a renvoyé les riches à leur richesse et les pauvres à leur pauvreté » appelait à un sursaut.

Vos réponses kafkaïennes, faisant tourner en rond le Parlement entre la Constitution et sa paraphrase organique, sont inaudibles pour les maires, pour les élus locaux mobilisés, pour les démunis. Elles le sont encore plus pour les citoyens en difficulté. Ne nous étonnons pas qu'ils rejettent un gouvernement qui repousse toujours à plus tard la solidarité, mais qui engorge le Parlement par l'accumulation de textes de renoncement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Vote sur l'ensemble

Art. additionnels après l'art. 4
Dossier législatif : projet de loi organique pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi organique, je donne la parole à M. Aymeri de Montesquiou, pour explication de vote.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous partageons tous ici le même souci : garantir à nos communes, à nos départements et à nos régions les moyens financiers d'exercer pleinement leurs compétences par l'existence de ressources propres, d'une part, complétées par des transferts, d'autre part.

Quel est l'enjeu de ce texte ? Il s'agie de mettre en oeuvre la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, étape essentielle dans l'histoire de la décentralisation. L'inscription de l'autonomie financière des collectivités territoriales dans la Constitution est passée, de manière surprenante, quasiment inaperçue. Nous n'avons sans doute ni suffisamment souligné son importance auprès des élus locaux et de la population, ni donné toute sa force au mot « autonomie » tel que l'avait voulu le Sénat.

Concrètement, une fois ce principe affirmé, les élus locaux demeurent inquiets pour les finances de leur collectivité territoriale. Comme président de l'Association des maires du Gers, il ne se passe pas une semaine sans que je sois interpellé sur ces questions, pour au moins trois raisons.

En premier lieu, à partir de 1999, une partie de la fiscalité locale a été supprimée et, parallèlement, le transfert de compétence ne s'est pas toujours traduit par des transferts budgétaires équivalents. Le risque est grand de faire naître dans l'esprit des élus, donc de la population, une corrélation entre décentralisation et injustice financière, alors même qu'une décentralisation équitable et lisible permettrait une plus grande efficacité de l'action publique et de justes décisions issues de la meilleure connaissance des problèmes locaux par les élus de terrain.

Pour l'avenir, nous pouvons éviter deux écueils majeurs. Il est évident que certaines routes nationales ne devront pas être transférées aux départements, à moins d'une compensation intégrale après une mise aux normes de ce type de voirie. Par ailleurs, la décentralisation devra définir les transferts fiscaux sur lesquels les collectivités concernées auront la capacité d'agir. Ainsi, la taxe intérieure sur les produits pétroliers me semble trop peu maîtrisable par la région.

En deuxième lieu, la réforme de la taxe professionnelle annoncée vient bouleverser les repères, mais aussi les bases sur lesquelles se sont développés, avec succès, les groupements de communes. Je rappelle que la taxe professionnelle récompense aussi le dynamisme des élus qui attirent des entreprises sur leur territoire grâce à leur détermination. Mais les résultats sont là et récompensent les efforts des élus volontaristes et imaginatifs.

En troisième lieu, dans un cadre budgétaire national tendu, les dotations de l'Etat ne peuvent être toujours abondées et, en conséquence, en dépit de toute l'attention portée par le corps préfectoral, certaines petites communes ne peuvent être en conséquence satisfaites. Nous savons tous que la non-attribution d'une dotation globale d'équipement a toujours un effet dévastateur sur les projets municipaux.

Ces inquiétudes à l'échelon national sont renforcées par des incertitudes à l'échelon communautaire, puisqu'à l'existence de reports de décisions d'attribution de fonds structurels, voire de baisse du pourcentage de participation, viennent s'ajouter des inconnues sur les dotations dont bénéficiera la France après 2006.

Nous savons que cette loi organique ne pourra résoudre toutes les difficultés budgétaires des communes. Si l'autonomie financière est au coeur de ce débat, il faut trouver un équilibre entre les notions antinomiques d'autonomie et de péréquation.

Nous devons veiller à ce que le développement de l'autonomie financière locale ne creuse pas les inégalités entre collectivités, les bases des impôts locaux étant, par définition, inégalement réparties sur le territoire national.

En effet, on ne peut affirmer un principe d'autonomie, voire le quantifier par une année de référence ou un pourcentage, si, par ailleurs, aucun dispositif n'est mis en place pour aider les collectivités à faibles potentialités financières. Il faudra qu'une loi ordinaire mette prochainement en place les mécanismes attendus.

Nous souhaitions que cette loi organique protège les collectivités territoriales selon des principes clairs et intelligibles par tous.

A cet égard, il est logique que seules constituent des ressources propres les recettes fiscales dont les collectivités territoriales sont autorisées par la loi à fixer l'assiette, le taux ou le tarif. Cette définition stricte, simple, met en valeur la responsabilité directe des élus face à leurs administrés.

Dans ce débat tendu, car la survie de certaines communes peut en dépendre, nous avons le devoir de parvenir à une solution juste qui conduise à l'apaisement et à une collaboration confiante entre l'Etat et les collectivités territoriales.

Le Sénat, non seulement dans sa grande sagesse, mais aussi dans sa grande compétence, a modifié avec justesse le texte initial. La majorité des membres du Rassemblement démocratique et social européen souhaitait une plus grande clarification d'un projet de loi qu'elle a soutenu dans son esprit, mais dont la rédaction n'a pas gommé toutes les ambiguïtés, malgré le travail accompli.

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.

M. Michel Mercier. Au terme de ce débat, qui a été relativement long, sur le projet de loi organique relatif à l'autonomie des collectivités locales, je voudrais d'abord remercier et féliciter M. le président et M. le rapporteur de la commission des lois, car ils nous ont aidés à naviguer dans des eaux qui, pour être calmes, n'en n'étaient pas moins extrêmement dangereuses. (Sourires.)

M. Michel Mercier. Troubles, simplement quand ceux qui avaient complètement détérioré l'autonomie fiscale des collectivités locales voulaient la restaurer ! Mis à part cela, monsieur Dreyfus-Schmidt, il n'y avait rien de trouble dans cette affaire !

Si nous avons eu des difficultés à définir ce qu'est l'autonomie financière des collectivités locales, c'est parce que nous faisons reposer la règle constitutionnelle de libre administration des collectivités locales uniquement sur le principe de l'autonomie fiscale, qui restera toujours hypothétique, puisque l'article 34 de la Constitution confie le pouvoir fiscal uniquement et en totalité au Parlement. C'est un vrai problème de la décentralisation.

Il faut rappeler, même si le texte que nous votons est important, que la libre administration des collectivités locales repose d'abord et avant tout sur une vraie autonomie de gestion.

M. Michel Mercier. C'est dans ce domaine-là qu'il nous reste tous les progrès à faire.

Néanmoins, il faut voter la loi organique. M. le rapporteur de la commission des lois l'a rappelé à de nombreuses reprises, il faut la voter parce que la Constitution l'a prévue, et il faut la voter parce que le Conseil constitutionnel a indiqué qu'il ne pouvait plus contrôler l'application de l'article 72-2 de la Constitution si une loi organique ne mettait pas en oeuvre les modalités de contrôle de l'autonomie financière des collectivités territoriales.

Qu'en est-il du texte sur lequel nous devons nous prononcer ? Peut-il satisfaire les sénateurs du groupe de l'Union centriste ?

Il convient d'abord de noter - c'est évident mais important - que le texte sur lequel nous allons nous prononcer est très différent de celui qui est issu des travaux de l'Assemblée nationale, ce qui est plutôt une bonne chose !

En effet, le texte sur lequel nous étions appelés à délibérer revenait à considérer que toute ressource des collectivités locales d'origine fiscale constituait une ressource propre. L'amendement défendu au nom de la commission des lois par Daniel Hoeffel, avec le soutien de la commission des finances, venue en quelque sorte à la rescousse, et prévoyant simplement que constituent des ressources propres les ressources fiscales dont le taux, ou l'assiette, est voté par le conseil des collectivités locales est un amendement de bon sens.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il a été sous-amendé !

M. Michel Mercier. Nous y viendrons, monsieur Dreyfus-Schmidt !

Il détermine une position de principe essentielle : il nous fallait dire clairement aux élus locaux qu'en effet

les ressources dont ils sont responsables constituent des ressources propres et que cette autonomie et cette responsabilité sont au coeur de la décentralisation telle que nous la concevons.

En votant l'amendement de M. Hoeffel, nous avons également voulu voter en faveur d'une décentralisation où les élus locaux seront vraiment responsables dans leur gestion et dans le vote de l'impôt.

J'en viens au sous-amendement n° 37 rectifié bis déposé par M. Fréville et qui a été adopté par le Sénat. Pour ma part, je ne serai pas sévère à son encontre. Il est, certes, un peu compliqué...

Mme Nicole Borvo. Très compliqué !

M. Michel Mercier. ... mais, dans une société complexe, il n'est pas facile de faire simple.

Ce sous-amendement a le mérite d'établir clairement, dans les impôts partagés entre l'Etat et les collectivités locales, une distinction entre ceux dont la loi peut déterminer le taux ou l'assiette et qui, à ce titre, constituent des ressources propres, et ceux dont la loi ne détermine pas le taux ou l'assiette et qui ne rentrent pas dans les ressources propres des collectivités locales.

C'est cette distinction, qui ne figurait pas dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale et qui a été introduite par le sous-amendement n°37 rectifié bis, qui change complètement les choses : le dispositif s'applique collectivité par collectivité. C'est la raison pour laquelle, dans notre grande majorité, nous voterons ce projet de loi organique.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au fond une seule question nous importait - dans ce « nous » je me permets d'inclure la population et les élus, notamment ceux des collectivités territoriales : les craintes, les critiques, le rejet partiel, suscités par la décentralisation, réforme phare du gouvernement Raffarin II, permettront-ils de reprendre la réflexion sur les compétences respectives des collectivités et de l'Etat, sur les rapports entre les collectivités et l'Etat, sur l'indispensable solidarité nationale ?

La sanction de nos concitoyens, en avril dernier, pouvait laisser penser que le Gouvernement allait se remettre au travail, comme le Premier ministre l'avait laissé entendre.

Bien évidemment, la question des moyens des collectivités tout à la fois pour faire face aux transferts de compétences annoncés et pour exercer une véritable autonomie de politique locale est une question centrale. Elle concerne en effet les impôts locaux, les impôts transférés, dont l'Etat fixe le taux - s'agissant de l'assiette, c'est à voir ! - ainsi que les rapports financiers entre l'Etat et les collectivités.

Rien de tout cela n'est traité ; c'est toujours renvoyé à plus tard !

Vous vous abritez derrière des obligations constitutionnelles. C'est dérisoire ! Les parlementaires sont en droit de savoir où ils vont chaque fois qu'ils sont amenés à se prononcer sur un texte et d'être informés autrement que par voie de presse sur les réformes annoncées : je pense, par exemple, à la taxe professionnelle.

Vous avez, aussi bien le Gouvernement que la majorité, occupé le temps parlementaire en vous livrant à des querelles picrocholines sur les moyens d'assurer plus ou moins d'autonomie, qui n'a d'autonomie que le nom. Je note d'ailleurs que ce débat qui a passionné nos collègues de l'UMP, hier très nombreux, mais beaucoup moins nombreux aujourd'hui, ne les intéresse plus du tout.

Décidément, le Gouvernement et la majorité ont du mal à entendre. Comment expliquerez-vous que vous ne voulez rien changer à un projet de déstructuration des services publics et de la solidarité nationale, y compris sur le plan financier ?

Pour notre part, nous voterons donc contre le texte qui nous est soumis et nous continuerons de combattre votre loi de « pseudo-décentralisation ».

M. Paul Blanc. Quelle surprise !

Mme Nicole Borvo. Ce n'est peut-être pas une surprise, mais il vaut mieux le dire.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre position ne surprendra pas davantage.

Auparavant, je tiens à me féliciter, avec mes amis, de la qualité du débat, comme de la qualité de l'écoute : nous n'avons pas été entendus, mais nous avons été écoutés courtoisement. Sans être une totale nouveauté, c'est en tout cas un point fort positif et qui a non seulement apporté une grande sérénité dans nos discussions, mais peut-être aussi permis de poser un certain nombre de jalons pour l'avenir.

Je suis d'accord avec M. Mercier pour dire que la grande difficulté que comportait l'application de la Constitution par la loi organique tenait à la définition des ressources propres. En effet, limiter l'autonomie des collectivités à leur autonomie fiscale constitue une aberration et une grave insuffisance, que nous avons dénoncées. Nous maintenons - et c'est l'une des raisons majeures de notre opposition à ce texte - qu'il était nécessaire d'inclure la péréquation dans les ressources propres. C'était indispensable !

Encore une fois, vous avez fait semblant de ne pas comprendre ce que nous disions : nous ne parlions pas du tout des modalités, mais simplement du principe, que nous avons tenté, de différentes façons, de décliner, avec obstination, je l'admets, mais c'était nécessaire. Ce refus de nous entendre est grave dans la mesure où, il aboutit à « amputer » une part significative de la réalité communale, départementale et régionale.

Par ailleurs, s'agissant des ressources propres, qui étaient l'objet de l'article 2, l'amendement présenté par notre rapporteur, qui rejoignait l'un de nos amendements puisque tout le monde sait que ce type d'amendements avait été débattu au sein du bureau de l'Association des maires de France, et qui permettait aux collectivités de voter l'assiette et le taux, nous donnait satisfaction. Nous aurions pu nous réjouir de son adoption s'il n'avait pas été complètement dénaturé par le sous-amendement n° 37 rectifié bis. En réalité, ce sous-amendement qui instaure une recentralisation, une sorte de tutelle, est contraire au titre même de la loi organique dont nous débattons.

Dans ces conditions, outre la difficulté d'application de cette espèce d'usine à gaz qui est en route, c'est une deuxième raison majeure pour ne pas voter cette loi organique.

Je serais d'ailleurs fort étonné que le texte reste en l'état à la fin de la discussion parlementaire : je vois mal comment l'ensemble du Parlement, dans sa sagesse, pourrait voter ce processus inapplicable.

J'ajouterai que la définition du plancher et le retrait de l'amendement qui l'établissait uniformément à 33 % nous satisfont. La référence globale à la situation présente pour les différentes collectivités nous semble beaucoup plus satisfaisante, mais nous regrettons qu'aucun caractère évolutif ne soit prévu. Mon ami Michel. Dreyfus-Schmidt a indiqué que cela figurait pourtant dans l'exposé des motifs.

Le gel de la situation en la matière constitue pour nous une troisième raison de ne pas voter ce texte.

A mon sens, ce projet de loi difficile à appliquer. S'il devait rester en l'état, il risquerait fort de rejoindre au cimetière des lois organiques mort-nées, issues de la révision constitutionnelle, les textes sur l'expérimentation et sur le référendum décisionnel. Il s'agit non pas un souhait, mais quasiment d'un pronostic ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à dire, à l'issue de ce débat, qu'il a été très riche et qu'il a permis d'approfondir considérablement notre réflexion sur l'avenir des finances locales.

En fait, la discussion sur les ressources propres, les impositions de toutes natures et sur la façon dont les collectivités doivent fixer les taux et l'assiette, montre clairement les limites du raisonnement.

Comme l'a dit très justement M. Mercier, une collision se produit, dans l'esprit de certains, entre deux notions : la libre administration des collectivités locales et l'autonomie fiscale. De ce point de vue, nos collègues socialistes nous ont donné l'exemple d'une contradiction fondamentale : ils ont prôné à la fois la liberté totale et la justice entre les collectivités. Ces deux notions sont largement inconciliables.

A cet égard, je vous ferai observer que, déjà, dans notre système, en ce qui concerne la taxe professionnelle, par exemple, il existe des mécanismes, non pas de péréquation, mais de répartition, avec des écrêtements pour les collectivités les plus riches au profit des plus pauvres, lesquelles bénéficient ainsi de fonds parfois extrêmement importants leur permettant d'équilibrer leur budget.

Il fallait trouver une solution et M. Hoeffel - nous savons la passion et la constance dont il fait preuve dans la défense des collectivités locales - a voulu insister, avec raison, sur le fait que, pour être autonomes, les collectivités locales doivent pouvoir maîtriser leurs finances dans une certaine proportion. Il faut cependant savoir que ces dernières ont été soumises, surtout entre 1998 et 2002, à des réductions drastiques, dont certaines obéissaient d'ailleurs à de bonnes raisons : je ne nie pas que la suppression de la part « salaires » de la taxe professionnelle ait été une mesure intéressante sur le plan économique, mais la difficulté tient au fait qu'elle n'ait pas été remplacée par une imposition dont l'assiette et le taux bénéficient aux collectivités.

Dans ces conditions, et dès lors qu'il fallait respecter la Constitution - je parle non pas du texte que nous avons adopté en l'an 2000, mais de l'article 72-2 de la Constitution - les observateurs et les juristes savaient pertinemment qu'un problème surgirait à un moment ou à un autre.

La bonne lecture de la Constitution devait permettre de compléter l'amendement n° 7 de la commission des lois, soutenu par la commission des finances, par le sous-amendement n° 37 rectifié bis d'Yves Fréville, sachant que, demain, les transferts d'impositions de toutes natures et les impôts d'Etat partagés seront nécessaires pour assurer l'autonomie financière des collectivités locales.

Par conséquent, pour ma part, je me réjouis que notre débat, parfois très vif, ait été extrêmement riche sur toutes les travées.

La vraie question qui a été posée, et sur laquelle nous sommes toujours revenus, est celle de la péréquation. Le degré d'autonomie financière doit se conjuguer avec une certaine solidarité. On l'a bien vu lors de notre discussion pendant trois semaine sur le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux : quelle est l'autonomie financière dès lors que l'on a très peu de ressources ?

Je crois que nous avons trouvé un bon équilibre et le groupe de l'UMP votera, bien entendu, le texte tel qu'il résulte de nos travaux.

Nous insistons sur le fait qu'il ne doit pas être dénaturé lors la deuxième lecture. Il est en effet très important pour nous que soient maintenues les dispositions que nous avons votées.

Enfin, je tiens à remercier les rapporteurs qui ont accompli un travail énorme. J'adresse également mes remerciements à Jean-François Copé, qui, une fois de plus, a prouvé sa connaissance des dossiers, son esprit d'ouverture et sa volonté permanente d'explication à nos collègues. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Monsieur Hyest, pour les socialistes, il n'y a pas contradiction entre la liberté et la solidarité : ce sont deux notions essentielles. Si vous les vivez comme contradictoires, vous pouvez faire la même remarque à propos de nombreux textes qui ne concernent pas du tout les finances locales !

Je me réjouis, tout comme vous, du ton, de l'échange, de l'écoute qui ont prévalu tout au long de ce débat. Mais je n'ai pas le même sentiment que vous sur l'esprit d'ouverture du ministre : si l'on fait le bilan - d'un air désolé pour le rapporteur, d'un ton assuré, quelquefois peiné, pour le ministre  - M. Jean-François Copé s'est opposé à toutes nos propositions.

C'est donc une ouverture que vous me permettrez de considérer comme limitée, puisqu'elle a été systématiquement négative, mais la courtoisie avec laquelle le ministre s'est exprimé rend son attitude non pas supportable, mais moins désagréable.

Si contradiction il y a, elle réside dans le compromis que vous avez élaboré hier, mes chers collègues. D'une certaine façon, vous avez été fidèles à vous-mêmes. Vous étant piégés avec votre réforme constitutionnelle, avec plus ou moins de conscience - certains d'entre vous, de bonne foi, pensaient véritablement qu'ils avaient trouvé une solution - le piège s'est refermé.

Vous avez donc établi un autre compromis. Il aura au moins comme première conséquence de créer une sous-direction à la Direction générale des collectivités locales, la DGCL (Sourires.). C'est donc une contribution à la lutte contre le chômage ! (Nouveaux sourires.) A ce titre, il ne peut pas être tout à fait mauvais. Mais était-ce véritablement la finalité du débat ?

Nous avons permis à l'amendement n° 7 de vivre jusqu'à la fin du débat. C'était, en quelque sorte, le contrat obligé. Et puis, une rectification, d'abord mal entendue, puis finalement comprise, est venue contredire l'amendement n°  7. Nous avons ainsi abouti à une solution tout à fait séduisante pour les futures recherches universitaires, mais totalement inefficace.

Je conclurai en disant que le président Poncelet, chantre de l'autonomie financière locale, assis sur ce compromis dont nous avons vu les limites dans l'article 72-2 de la Constitution, nous répète qu'il faut que les trois S  - sain, sûr, serein -. soient respectés. Aujourd'hui, nous avons progressé vers la fin de l'alphabet. Aux trois S, nous avons substitué trois V : vain, vide de sens, virtuel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce n'est pas un « scoop » de vous dire qu'un grand nombre de sénateurs du groupe de l'Union centriste émettaient de sérieuses réserves sur le texte tel qu'il nous arrivait de l'Assemblée nationale.

Le débat a eu lieu ; nous sommes un certain nombre à avoir été présents presque tout le temps. Nous pouvons nous féliciter de la qualité de la discussion sur l'ensemble des travées. Parfois, en tant qu'élus locaux, quelles que soient nos étiquettes, nous nous sommes retrouvés sur un certain nombre de points, comme cela avait été le cas, d'ailleurs, en commission des lois et en commission des finances, sur les amendements identiques n° 7 de M. Hoeffel et n° 16 de M. Mercier.

La véritable pierre d'achoppement de ce texte concernait l'expression « ressources propres » S'il faut se féliciter de l'adoption de ces dispositions, je dois dire que, à l'instar d'un certain nombre de mes collègues, je ne suis pas sûre que le sous-amendement n° 37 rectifié bis de M. Fréville en clarifie véritablement la mise en oeuvre.

M. Jean-Pierre Sueur. C'est le moins que l'on puisse dire !

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur Fréville, vous nous avez rappelé que vous êtes non pas un juriste, mais un économiste. Pour ma part, je ne suis ni l'un ni l'autre et j'ai eu parfois du mal à comprendre comment ce sous-amendement allait s'appliquer, d'autant que nous ne connaissons pas les ressources dont nous allons disposer.

Tout cela est un peu virtuel, et il faudra mettre à profit la deuxième lecture de ce texte pour expertiser, dans le temps qui nous reste, la faisabilité des décisions que nous allons prendre.

Nous allons donc voter ce texte, compte tenu à la fois des avancées et de la confiance que nous plaçons naturellement dans le président de notre groupe, mais aussi dans le président de l'Association des maires de France ; je m'exprime également au nom de mon collègue Yves Détraigne, car nous sommes tous deux présidents d'association des maires dans nos départements.

L'amélioration est réelle, mais nous resterons vigilants, lors de la deuxième lecture, quant aux dispositions que nous allons voter aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de la discussion de ce projet de loi organique, quelles conclusions pouvons-nous tirer de nos débats ?

Pour ce qui est de notre groupe, il est en phase avec les élus locaux : ceux-ci veulent plus de pouvoir, plus de moyens, plus de respect, plus de solidarité, donc plus de justice, et tout cela pour le bien des citoyens qui sont, je dois le dire, les grands oubliés de nos débats.

Les élus locaux, et singulièrement les maires, sont, depuis de longues années, préoccupés par l'évolution de la situation. Les finances des collectivités locales sont, en effet, de plus en plus sollicitées pour répondre, assez souvent en lieu et place de l'Etat, tant aux urgences sociales qu'aux besoins collectifs portés par les populations.

Placés au premier rang de la lutte contre les exclusions de toutes sortes, les élus locaux demandent, à juste titre, de disposer de moyens susceptibles de leur permettre de jouer pleinement leur rôle en direction des habitants de notre pays.

Que nous propose-t-on avec ce texte ?

On pourrait, si l'on attachait aux mots les apparences des intentions, conclure que des garanties nouvelles viennent d'être accordées en ce qui concerne l'autonomie financière des collectivités territoriales.

La notion de ressources propres ayant été précisée, l'Association des maires de France n'aurait plus, aujourd'hui, qu'à mettre en évidence l'acquis de ce débat parlementaire.

La vérité est qu'il n'en est rien.

Selon nous, l'autonomie financière, telle qu'elle nous est présentée, est un leurre.

Au cours de nos débats, quelqu'un a dit que la spécificité de nos collectivités locales était précisément de jouir d'une autonomie financière en lieu et place de l'autonomie de gestion. Telle est bien la question !

Laissant croire aux élus locaux que des droits nouveaux leur ont été accordés, le Gouvernement, avec ce projet de loi organique, ne fait que compléter le dispositif en vigueur depuis l'adoption de la réforme constitutionnelle de mars 2003 et qui devrait s'achever, si tout est normal, avec l'adoption du projet de loi relatif aux responsabilités locales.

Ce qui est en germe derrière cette loi organique, ce n'est que le cadre dans lequel on pourra agir, à l'avenir, pour délester l'Etat de ses charges en les mettant sur le dos des collectivités locales, en courant le risque, du reste parfaitement calculé, du démantèlement du service public, de l'inégalité de développement des territoires et de la mise en cause du principe d'égalité des citoyens devant l'impôt ou l'accès aux services publics.

Au fil du débat, les parlementaires de notre groupe ont fait valoir des positions à la fois de principe et de fond.

Nous sommes opposés, depuis l'automne 2002, au processus de décentralisation tel qu'il est conçu par ce gouvernement, parce qu'il ne répond en aucune manière ni aux exigences de la situation sociale ni aux attentes populaires. Nous sommes donc naturellement opposés au contenu de cette loi organique.

De la même manière, nous continuerons d'être clairement opposés au projet de loi relatif aux responsabilités locales, dont chacun mesure les effets pernicieux qu'il porte quant à la qualité de l'action publique dans notre pays et en quoi il met en question la cohésion sociale, comme l'égalité des citoyens.

Nous ne voterons donc pas cette loi organique, d'autant qu'elle n'a été améliorée, si l'on peut dire, par voie d'amendements, qu'au travers de dispositions de pur affichage électoral de court terme. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte aura fait couler beaucoup de salive, à défaut d'avoir fait couler beaucoup d'encre dans les médias. Et ce n'est qu'un début, car, après nous être exprimés les uns et les autres, nous aurons l'occasion dans nos départements, dans nos communes, dans nos conseils municipaux, d'en parler et encore longtemps.

Rendez-vous nous est donné à tous, l'année prochaine, lorsque nous ferons le constat de la véritable autonomie financière de nos budgets communaux.

M. Jean-Pierre Sueur. Ce sera l'heure de vérité !

M. Alain Vasselle. Nous attendons des éclaircissements, le moment venu, de la commission des finances et de la commission des lois, notamment des rapporteurs.

Je tiens à remercier tout particulièrement Daniel Hoeffel et Michel Mercier, ainsi que le président de la commission des lois, de même que nos collègues Jean-Jacques Hyest, Yves Fréville, et bien d'autres, des explications qu'ils nous ont apportées sur le sujet.

J'ai dit, hier, que je m'en remettais à l'avis des experts. Je tiens à le rappeler au moment où chacun exprime ses positions sur ce texte.

J'espère que je n'adopte pas une position aveugle et que, demain, je pourrai me réjouir d'avoir suivi les propos de M. le ministre, qui a su convaincre les deux rapporteurs que la bonne voie était non pas celle dans laquelle ils s'étaient engagés, mais celle qui résultait de nos débats d'hier.

Par conséquent, désormais, les maires, notamment ceux des communes rurales, pourront bénéficier d'une véritable autonomie financière.

Ainsi, en tant que maire, je pourrai lancer mes investissements sans avoir à faire appel aux subventions du conseil général de mon département, ni à celles du conseil régional. Et je pourrai peut-être me passer du concours de la dotation de développement rural ou de la dotation globale d'équipement.

M. Jean-Pierre Sueur. On peut rêver !

M. Alain Vasselle. C'est une véritable avancée qui signifie que, avec mes ressources fiscales, avec mes ressources propres, je pourrai dorénavant me passer de la tutelle financière de telle ou telle collectivité. Car, vous le savez bien, mes chers collègues, dans nos communes rurales, surtout celles de moins de 2 000 habitants, sans le concours financier du département ou de la région, nous sommes paralysés. Et cela demande du temps d'accumuler les quelques sous qui, mis de côté peu à peu, permettront, ici, de réaliser un bout de route, là, de refaire la toiture de l'école, là-bas, de construire une école supplémentaire. Grâce aux départements et aux régions ainsi qu'à l'Etat, nous pouvons faire beaucoup plus vite et apporter à nos concitoyens les services et les équipements qu'ils attendent de nous.

Je terminerai par un constat sur lequel j'avoue en être encore au stade de la réflexion : avec la naissance de l'intercommunalité à fiscalité propre, j'ai le sentiment que la véritable autonomie financière est en train de se déplacer de nos communes vers l'intercommunalité.

C'est cette intercommunalité qui pourra faire valoir une réelle autonomie financière, dans la mesure où elle comptera en son sein une commune suffisamment riche pour l'alimenter. Car, en milieu rural, ce n'est jamais en réunissant un ensemble de communes pauvres que l'on crée pour autant une nouvelle richesse et une autonomie dont chacune d'entre elles ne disposait pas avec ses propres moyens.

C'est là où sans doute la péréquation pourra jouer son rôle, lorsque des communes qui sont en deçà du seuil constaté à la fin de l'exercice 2003 recevront, grâce au vote du Parlement et de la part de l'Etat, un complément de moyens qui leur permettra de s'élever au niveau des autres collectivités et d'atteindre, grâce à leurs ressources, grâce aussi à la maîtrise des produits dont elles auront décidé elles-mêmes, une certaine autonomie financière.

Donc, je fais confiance et j'espère ne pas être déçu. Je voterai ce projet de loi organique, en escomptant que nous n'aurons pas à y revenir. Il est vrai que, si le constituant, à l'époque, avait rédigé le texte dans le sens souhaité par MM. Daniel Hoeffel et Michel Mercier, nous aurions pu gagner des heures et des heures de débat...

M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C'est vrai !

M. Alain Vasselle. ... et nous aurions déjà adopté hier ce projet de loi organique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Ainsi donc le ministre Nicolas Sarkozy peut-il, sans passer devant le Parlement, mettre en oeuvre la défiscalisation des dons entre parents riches et enfants, mais le Parlement ne peut-il pas, dans une loi organique, initier la solidarité, garantir le contenu des ressources propres ou permettre à l'Association des maires de France d'être entendue sans que ses propositions soient travesties !

Je ne parle même pas de la possibilité d'avoir des idées, comme la révision des bases, suggérée par notre collègue M. Thierry Foucaud, ou la déliaison des taux, proposée par M. Gérard Miquel, ou encore une ressource proportionnelle aux grandes surfaces commerciales imperméabilisées...

Vous avez réussi le tour de force, avec votre procédure législative,...

M. Yves Fréville. Ce n'est pas la nôtre !

Mme Marie-Christine Blandin. ... partant de la Constitution, de rendre hors sujet et non recevable tout ce qui intéresse les gens.

Aux élus locaux, auxquels vont être transférées des compétences non voulues - je pense ici aux personnels TOS - et qui vont nous questionner sur vos réponses en matière d'autonomie financière, nous ne pourrons que résumer ce débat en ces termes : ce n'est pas possible ; ce sera pour plus tard ; on prend 2003 comme base et après, on verra !

Aux maires des zones sinistrées qui ne savent plus comment équilibrer leur budget, j'ai quand même une réponse à donner de votre part, monsieur le ministre : le Gouvernement garantit une part déterminante de ressources propres et il la calcule sur une moyenne. Si Le Touquet, La Baule ou Cannes s'en sortent bien, la moyenne va monter. Courage !

Ce n'est pas le deuxième souffle de la décentralisation, c'est son dernier soupir ! Je voterai contre ses funérailles ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Je reviens d'un mot sur le sousamendement de M. Fréville, car il a été au coeur du débat qui nous a occupés une bonne partie de la journée d'hier et de la nuit.

Nous considérons que ce sous-amendement est contradictoire (M. Yves Fréville fait un signe de dénégation.) avec les amendements identiques de M. Daniel Hoeffel et de M. Michel Mercier, amendements que nous avons toujours soutenus.

M. Alain Vasselle. Il n'est pas contradictoire, il est complémentaire.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ils sont complémentaires.

M. Jean-Pierre Sueur. Pour nous, il est contradictoire.

Une comédie célèbre a pour sous-titre : La précaution inutile. De même ici, en voulant à tout prix arriver à ce compromis, vous allez finalement accumuler les inconvénients.

C'est qu'en effet il y avait, au sein de cette assemblée, deux lectures de la constitutionnalité du texte. Je ne suis pas certain que la lecture qui a été celle de M. le ministre, de M. Gélard et des autres collègues qui, vous vous en souvenez, sont intervenus dans le même sens, trouve un quelconque prolongement avec le sous-amendement de M. Fréville.

Dans l'article 72-2 de la Constitution comme dans l'amendement originel présenté par la commission des lois, il est bien fait état des « impositions de toutes natures ». De sorte que les impositions qui seraient localisables et qui, si le dispositif était adopté définitivement en ces termes, seraient localisées par la loi, de toute façon, ne constituent qu'une partie des impositions visées par la Constitution.

Donc, si l'on retient cette lecture, même avec le sous-amendement de M. Fréville, le dispositif reste inconstitutionnel.

En revanche, nous avons toujours considéré pour notre part qu'il fallait s'appuyer sur la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 722 de la Constitution, laquelle prévoit que la loi peut autoriser les collectivités locales à fixer l'assiette et le taux des impositions de toutes natures.

M. Jean-Jacques Hyest. La loi « peut » !

M. Jean-Pierre Sueur. C'est dans ce cadre-là qu'avait été élaborée la proposition de M. Daniel Hoeffel et de M. Michel Mercier. C'était, d'ailleurs, la position du bureau de l'Association des maires de France, comme on l'a rappelé à l'instant. Nous avions là vraiment une définition claire, simple et limpide de l'autonomie fiscale.

Cette définition avait fait l'unanimité de la commission des lois et de la commission des finances, je le rappelle, mais le Sénat n'en a pas voulu. Quel sera le prix à payer ? Nous aurons une loi absolument pas claire et, à bien des égards, vide de sens et de portée.

Je me souviens de la première lecture du projet de loi sur les responsabilités locales : il a fallu examiner ce texte, sans désemparer, jusqu'à à cinq heures et demie du matin - nous y étions - de manière que le congrès des maires de France, qui allait suivre, soit tout entier plongé dans l'exaltation.

Malheureusement pour vous, monsieur le ministre, l'effet attendu ne s'est pas produit.

On a dit alors aux élus d'attendre la loi organique, qui était, assurait-on, imminente. Cette loi organique nous est enfin arrivée, mais le déterminant reste toujours indéterminé, il y a non pas précision mais, au contraire, ambiguïté sur la nature des ressources propres des collectivités locales ; et aucun engagement n'est pris concernant l'accroissement, dans les années qui viennent, de cette part d'autonomie. Quant à la péréquation, si nécessaire, il n'en est pas dit un mot !

En d'autres termes, nous pouvons dire aujourd'hui aux élus locaux qu'ils s'en retournent bredouilles.

Bien sûr, comme toujours, il y aura la prochaine loi : la prochaine loi sur les responsabilités locales, la prochaine loi sur la péréquation, la prochaine loi de finances. Mais, pour le moment, nous n'avons rien à offrir aux élus locaux, nous n'avons rien gagné dans ce débat et l'autonomie des collectivités locales n'en sort pas grandie. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 164 :

Nombre de votants318
Nombre de suffrages exprimés318
Majorité absolue des suffrages exprimés160
Pour l'adoption204
Contre 114

Le Sénat a adopté.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne voudrais pas que ce débat s'achève sans vous dire mes remerciements.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pendant deux jours et demi, notre débat a été dense. Sans doute a-t-il été, à certains égards, quelque peu technique pour nombre de nos concitoyens, mais, dans ces domaines, on le sait, il n'est pas toujours facile d'être clair et simple pour ceux qui ne sont pas familiers des finances locales.

Néanmoins, ce débat était important parce que, au-delà des divergences qui ont pu s'exprimer, chacun d'entre vous a eu la possibilité de donner sa part de vérité.

A ce stade du processus de décentralisation, ce débat était, à nos yeux, une étape nécessaire, car ce projet de loi organique, dont le Conseil constitutionnel a rappelé qu'il était indispensable, vise à apporter à notre droit un élément majeur, en introduisant le concept d'autonomie financière.

Comme vous l'avez rappelé, mesdames, messieurs les sénateurs, nous devrons poursuivre cette oeuvre de rétablissement de la confiance qui doit exister entre l'Etat et les collectivités locales, et ce au-delà des gouvernements successifs. Ce travail est de longue haleine et il exigera encore de chacun d'entre nous non seulement une grande pédagogie, mais aussi une grande détermination, en respectant un esprit de dialogue et de respect mutuel. C'est à ce à quoi je me suis efforcé de parvenir tout au long de ce débat, car s'il est bien un domaine dans lequel personne n'a la vérité révélée, c'est celui-là.

A cet égard, je veux remercier les deux rapporteurs, MM. Hoeffel et Mercier, qui ont beaucoup oeuvré en ce sens, ainsi que chacune et chacun d'entre vous pour sa contribution.

D'autres rendez-vous sont à venir en matière de décentralisation.

Je pense notamment à la deuxième lecture du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales. C'est un texte majeur puisqu'il s'agira pour nous, après la phase de dialogue qui se poursuit encore en ce moment même avec les associations d'élus, de le finaliser. Après deux ans d'élaboration, il doit aboutir pour pouvoir entrer en application, comme M. Vasselle le disait tout à l'heure.

Je pense également aux textes sur les dotations et la péréquation, qui ne relèvent pas du projet de loi organique.

Néanmoins, il s'agit d'un sujet important, et je vous le confirme, nous aurons ces débats ici même, comme à l'Assemblée nationale, car ils sont essentiels pour poursuivre le travail de modernisation de nos institutions.

Nous parlerons aussi de la réforme de la fiscalité locale. J'ai bien entendu les messages que m'a adressés M. Fréville, qui a, par ailleurs, apporté une contribution majeure à ce débat, et je tiens ici à l'en remercier publiquement.

Nous aurons l'occasion de discuter de la réforme de fiscalité locale et, en premier lieu, nous traiterons de la taxe professionnelle. Nous allons très vite nous atteler à cette tâche.

La décentralisation est, vous le savez, l'un des cinq grands chantiers du Gouvernement évoqués par M. le Premier ministre. Il faudra d'ailleurs l'adosser à la réforme de l'Etat, car ce serait un non-sens de faire l'un sans l'autre. Nous travaillons ensemble sur ces deux sujets et, comme nous parlons de décentralisation, nous parlons aussi de déconcentration.

Cette réforme vise, comme les autres chantiers, à moderniser notre pays. Je pense à la réforme des retraites, à celle de l'assurance maladie, à la modernisation de notre système éducatif ou encore à l'amélioration des conditions d'accès à l'emploi, autant de sujets essentiels sur lesquels, vous le savez, nous travaillons d'arrache-pied parce que c'est ce que les Français nous demandent.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons, me semble-t-il, fait progresser de manière significative ce débat relatif à la décentralisation. Rien de ce qui a été dit ces jours-ci ne doit être oublié, car c'est évidemment pour nous tous une mission signalée que de moderniser nos institutions au service non seulement de la lisibilité et de la clarté, mais aussi de la loyauté et de l'efficacité publique.

En matière d'efficacité publique, combien de fois avons-nous entendu, sur le terrain, dans l'exercice de nos fonctions respectives, les Français dire qu'ils veulent en avoir pour leurs impôts ? Combien de fois les avons-nous entendus dire qu'ils veulent comprendre ce que nous faisons pour l'intérêt général ? Ils veulent que les objectifs que nous affichons soient clairement évalués, que nous nous assignions tous une obligation de résultat. C'est vrai pour l'Etat, comme pour les collectivités locales.

Le travail que nous faisons ensemble, mesdames, messieurs les sénateurs, doit aussi contribuer à améliorer l'efficacité publique. C'est, à nos yeux, une mission essentielle, que nous partageons tous, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, et elle n'a qu'un objectif : servir toujours mieux l'intérêt général. Or, sachez que, dans ce domaine, le Gouvernement, Dominique de Villepin comme moi-même, sera toujours à vos côtés, mesdames, messieurs les sénateurs. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)