PRÉSIDENCE DE M. Serge Vinçon

vice-président

M. le président. La parole est à M. Fernand Demilly.

M. Fernand Demilly. Monsieur le ministre, je dispose de quelques minutes pour exprimer un regret, vous dire notre satisfaction quant au contenu du projet de loi de modernisation de la sécurité civile et vous faire part de notre souhait de garanties financières pour les collectivités locales.

J'éprouve un regret. Nous vivons dans un monde plus dangereux qu'auparavant ; le risque constitue désormais plus qu'une menace et la notion de « risque zéro » apparaît de plus en plus comme une utopie des sociétés post-industrielles. Le sociologue allemand Ulrich Beck a diagnostiqué comme un véritable changement de société le passage à ce qu'il nomme La société du risque, titre même de son ouvrage paru peu de temps après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl et publié en français au lendemain de l'explosion de l'usine chimique AZF à Toulouse.

Aussi, la prévention des risques et la répartition des responsabilités est-elle devenue un enjeu politique premier de cette « société du risque », ou plutôt de la société « des » risques, tant les missions qu'assument, en France notamment, les hommes et les femmes de la sécurité civile sont nombreuses et diversifiées.

La multiplication des aléas climatiques, des tempêtes, des canicules, des inondations comme celle qu'a pu connaître mon département de la Somme en 2001, des incendies de forêts, ou encore la prise de conscience des risques industriels depuis l'explosion de l'usine AZF, sans oublier la recrudescence des menaces terroristes, montrent que nous restons vulnérables face aux sinistres de grande ampleur et à la prolifération des risques de toute nature !

Issue de la nécessité pour les populations et les collectivités locales d'affronter les risques collectifs de la vie quotidienne, la sécurité civile est dans notre pays tout à la fois un concept, une mission, un service public et une institution à laquelle chaque Français demeure profondément lié et reconnaissant, quand il n'en est pas partie prenante, qu'il soit bénévole ou professionnel.

La sécurité civile remplit donc une mission d'Etat en ce sens qu'elle est au service de l'intérêt général, tout en reposant sur une organisation de proximité à travers un maillage territorial.

Ainsi en est-il du service public d'incendie et de secours, qui est rattaché, dans notre tradition administrative, au devoir reconnu à la puissance publique d'assurer la prise en charge des problèmes de sécurité.

Ces caractères d'intérêt général et d'intérêt public local des mesures de secours et de lutte contre les sinistres sont difficilement contestables. Et s'il est indéniable, pour des raisons évidentes de réactivité et d'efficacité, que ce service public s'organise au niveau le plus proche du citoyen en danger, je ne peux que regretter que les services d'incendie et de secours ne soient de la responsabilité d'un Etat déconcentré.

J'estime, en effet, que ce service public fait partie des fonctions régaliennes de sécurité et que, par conséquent, au même titre que la défense ou la police, il devrait revenir à la charge de l'Etat, qui est le seul à disposer de l'autorité nécessaire à la coordination des moyens collectifs et de l'autorité la plus adaptée à la complexité des crises.

D'ailleurs, parce qu'il est le garant ultime de la sécurité, l'Etat intervient de plus en plus dans le fonctionnement des services d'incendie et de secours, voire dans leur financement, lorsque le département n'est plus en mesure de faire face, illustrant ainsi les insuffisances structurelles de la loi de 1996 sur la départementalisation. Et le préfet, représentant de l'Etat, est, avec les maires, le responsable opérationnel des services d'incendie.'

Alors que, dans la plupart des secteurs de la vie économique et sociale, le mouvement va de la concentration étatique vers la décentralisation, pour les services d'incendie et de secours, c'est l'inverse qui se produit, pour des raisons logiques d'efficacité.

Et l'on voit bien l'insatisfaction du système actuel qui repose sur ce paradoxe, qu'avait déjà souligné en 2002 notre collègue Michel Mercier, dans son rapport pour avis fait au nom de la commission des finances, sur le texte relatif à la démocratie de proximité : « Le paradoxe veut cependant, alors qu'il fixe des normes ayant une incidence financière, que l'Etat n'en assume pas le coût financier (...). En matière de sécurité civile, les collectivités locales payent mais ne commandent pas ».

C'est pourquoi je vous fais part, monsieur le ministre, de mon regret de voir votre projet de loi prolonger les lois de 1996 et de 2002, en confortant le rôle des départements dans la gestion des services d'incendie et de secours.

Cela étant, je souscris à la plupart des objectifs visés par votre projet de loi pour moderniser la sécurité civile : amélioration de la prévention et de la gestion des crises, développement d'une culture de la sécurité civile et, surtout, réaffirmation de la reconnaissance de la nation envers les sapeurs-pompiers.

Cette loi était attendue des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires. Le Gouvernement tient ses engagements. II fallait réparer les oublis de la loi de 2002 relative à la démocratie de proximité.

J'ai rencontré à plusieurs reprises différents acteurs, dans le cadre du conseil d'administration du SDIS de la Somme, dont je suis membre, aussi bien qu'au sein du groupe du RDSE où nous avons reçu récemment le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers. De l'avis de tous, il est urgent d'agir pour moderniser la sécurité civile.

Nous ne pouvons donc que nous réjouir que ce projet de loi, complété par le protocole d'accord signé le 18 mai avec les organisations professionnelles, renforce, d'une part, l'attractivité de la carrière de sapeur-pompier professionnel, à travers la création d'un projet personnalisé de fin de carrière, avec reclassement après avis d'une commission médicale, et la reconnaissance, tant attendue et tellement méritée, du caractère dangereux du métier de sapeur-pompier et, d'autre part, la valorisation de l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires à l'aide d'un avantage retraite qui devrait les fidéliser.

Des amendements déposés avec mes collègues du RDSE vous proposeront d'aller encore plus loin dans la valorisation des volontaires, indispensable clé de voûte de notre dispositif de sécurité civile, volontaires pour lesquels la nation doit marquer son intérêt et sa reconnaissance.

Enfin, monsieur le ministre, je souhaite évoquer les aspects financiers de cette réforme de la sécurité civile et vous exprimer certaines inquiétudes des élus locaux à ce sujet.

Vous avez confirmé la poursuite du remboursement par les sociétés d'autoroutes, ainsi que la prise en charge par l'assurance maladie des transports effectués par les pompiers, ou encore la prise en charge par l'Etat - acteur incontournable, je le répète -, des interventions concernant les catastrophes de très grande ampleur et pour lesquelles les collectivités sont insuffisamment armées.

Vous avez également annoncé que l'Etat prendrait en charge 30 millions d'euros pour financer l'avantage retraite des sapeurs-pompiers volontaires.

Mais, monsieur le ministre, en matière de sécurité civile, ne vaudrait-il pas mieux recourir à la notion de ressource propre dont nous débattions récemment ici même ? Cette dernière serait plus efficace que les dotations de l'Etat.

Cependant, en affectant aux collectivités locales les 900 millions d'euros de la taxe sur les conventions d'assurance des véhicules terrestres à moteur, comme vous l'avez indiqué devant la commission et confirmé dans votre intervention tout à l'heure, vous répondez de façon concrète et efficace à la mise en oeuvre de ce principe d'autonomie financière des collectivités locales, sur le modèle de la compensation financière des charges, adoptée par la voie d'un amendement de notre assemblée, lors de l'extension des compétences en matière d'assistance maternelle et familiale.

En tout état de cause, monsieur le ministre, il est urgent d'adopter ce projet de loi, enrichi par les amendements de notre rapporteur et de certains de nos collègues. En effet, les enjeux, en matière de sécurité civile, sont aujourd'hui nombreux et de taille.

Il nous faut être capables de concilier diversité et cohérence entre les différents échelons d'intervention, efficacité opérationnelle et contraintes budgétaires, particularismes locaux et renforts nationaux, bonne volonté et professionnalisme.

Avec mes collègues du RDSE, nous sommes convaincus qu'en adoptant ce texte la sécurité civile française poursuivra sa nécessaire modernisation et continuera ainsi de progresser. Il faut, dans notre société, anticiper sans cesse les évènements et les risques. Ce n'est pas parce qu'un niveau de grande efficience a été atteint que les pouvoirs publics, aux premiers rangs desquels l'Etat et les collectivités locales avec lesquelles il est en partenariat, doivent renoncer à financer les améliorations quantitatives et qualitatives nécessaires, même si elles sont de plus en plus coûteuses.

En matière de sécurité civile, ce qui est absolument certain, c'est qu'un seul principe doit primer : une vie n'a pas de prix ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec ce projet de loi nous abordons un sujet auquel nos concitoyens sont extrêmement sensibles : la sécurité civile.

Celle-ci mobilise de nombreux intervenants, au premier rang desquels, bien sûr, les pompiers. Toutefois, il faut y ajouter d'autres intervenants, notamment la gendarmerie, la police, les services de santé, les fonctionnaires des collectivités territoriales, ceux des préfectures, de l'équipement, de la justice, ainsi, d'une manière générale, que les élus.

Je voudrais tout d'abord saluer le courage et le dévouement de nos sapeurs-pompiers, qu'ils soient professionnels ou volontaires. Ils sont toujours présents, de jour comme de nuit, pour venir en aide dans les moments difficiles, souvent délicats et périlleux. L'été dernier, ils ont été fortement sollicités lors de la canicule et ils ont payé un lourd tribut en luttant contre les feux de forêt dans le sud de la France.

C'est l'occasion pour moi de rappeler ici la situation particulière des départements dont les finances ne permettent pas de disposer des moyens humains et matériels nécessaires. C'est particulièrement le cas pendant les périodes sensibles, du fait des flux de population touristique. Ainsi, dans le département des Alpes de Haute- Provence, que je représente ici, l'activité des pompiers se démultiplie pendant l'été et l'hiver, pour les sports d'eaux, l'escalade, l'exploration des gorges et les secours en montagne. Cela nécessite un personnel spécialisé, formé en permanence, et du matériel, des véhicules et des tenues adaptés à ce genre d'interventions.

Tout cela se traduit par des coûts démesurés par rapport au budget des collectivités. Aussi, les élus locaux sollicitent-ils une plus juste péréquation des crédits de fonctionnement et un fonds d'aide à l'investissement plus important. Le maigre budget de mon département explique d'ailleurs le fait que nous comptions moins d'une quarantaine de sapeurs-pompiers professionnels.

Dans les départements peu peuplés, le recrutement des volontaires n'est pas une mince tâche dans les secteurs où la population jeune est en diminution et où il n'y a plus ni commerçants ni artisans, qui constituent l'un des viviers de volontaires les plus disponibles et le plus mobilisables rapidement. La couverture du territoire en matière de secours s'en trouve altérée et le temps avant l'intervention s'allonge. Heureusement que, depuis quelques années, contrairement à ce qui a été dit par certains, l'engagement des cadets a été largement facilité. J'en profite pour remercier ces jeunes qui se familiarisent très tôt à cette attitude citoyenne.

Revenons aux questions concernant plus particulièrement le statut des pompiers et notamment à la question de la fin de carrière. Nous n'avons cessé de vous reprocher la précipitation avec laquelle vous avez voulu traiter la réforme des retraites l'an dernier. Oui, le gouvernement de Lionel Jospin avait raison de se donner le temps nécessaire pour les retraites ! Oui, nous avions raison de vous dire que vous alliez trop vite !

M. Paul Blanc. Le gouvernement de M. Jospin nous avait fait assez perdre de temps comme cela !

M. Claude Domeizel. A une revendication portant sur l'age de départ en retraite, vous répondez par une mesure d'emploi. Vous êtes en contradiction avec ce que défendait l'an dernier M. Fillon. Avouez que cela fait désordre ! Les Français ont d'ailleurs su sanctionner, par deux fois, votre politique, souvent incompréhensible et en tout cas menée sans écoute.

M. Eric Doligé. Vous vous écartez du sujet !

M. Claude Domeizel. Le dossier des retraites ne pouvait pas être abordé sous son seul aspect financier. Derrière tous les ratios, tous les graphiques, toutes les courbes et toutes les simulations, il y a des hommes et des femmes, des travailleurs, sur la capacité de travail desquels l'âge et la fatigue ont une réelle influence. Un pompier de 60 ans, par exemple, n'a pas l'agilité d'un jeune pour grimper sur la grande échelle ou pour traîner les tuyaux dans les collines avec une lance à incendie sur l'épaule. Bref, nous mesurons les méfaits de la loi défendue l'an dernier par M. Fillon, le cas des pompiers n'étant d'ailleurs qu'un exemple parmi bien d'autres.

Vous avez voulu aller vite en besogne et faire fi de la pénibilité et de la dangerosité des métiers. Vous voilà donc contraints de répondre en catastrophe à des demandes pressantes. Pour illustrer mon propos, permettez-moi de reprendre le langage des pompiers : « Vous ne maîtrisez pas la situation » ! Les Français vous l'ont d'ailleurs une nouvelle fois rappelé dimanche dernier, lors des élections européennes.

Aujourd'hui, dans ce projet de loi, vous bricolez des mesures en instituant une nouvelle forme de congé de fin d'activité, mesure que vous avez supprimé pour d'autres l'an dernier. De surcroît, ce qui plus osé de votre part, vous opérez ce bricolage aux dépens des collectivités locales.

En toute logique, il aurait été plus rationnel d'aborder cet aspect de la pénibilité des métiers dans un ensemble plus cohérent au moment du débat sur la réforme des retraites. Nous sommes très sommes attachés à la reconnaissance de la pénibilité et de la dangerosité de tel ou tel métier, nous l'avons dit et répété lors du débat sur la réforme des retraites l'an dernier. Mais cela implique que la question de la pénibilité soit plus globalement abordée. En vous contentant d'une lecture catégorielle, vous occultez ce qui se passe dans les autres métiers.

Je voudrais à ce moment formuler une remarque en tant que président de la CNRACL sur le régime de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers dont fait partie la grande majorité des sapeurs- pompiers professionnels. Il faut savoir que le nombre de pensions d'invalidité annuellement liquidées, c'est-à-dire les pensions qui permettent de partir en retraite avant l'âge légal, représente de 4 à 16 % de l'ensemble des liquidations. Je veux dire par là qu'il faudrait tenir compte, dans notre réflexion sur la pénibilité, par exemple, des agents hospitaliers, qui sont ceux qui connaissent le taux le plus élevé.

Mon observation ne vise pas à mettre en cause en cause les revendications des sapeurs-pompiers, mais avouez que, vue sous l'angle des retraites, votre méthode fait désordre et relève d'une politique de gribouille !

Même si la méthode est mauvaise, nous ne nous opposerons pas sur le fond, parce que nous ne souhaitons ni freiner le processus ni décevoir l'attentes des intéressés. Considérant qu'il s'agit d'un métier à risques, nous proposerons, dans un amendement, de faire bénéficier les pompiers volontaires du fonds de prévention des risques créé par la loi de juillet 2001. En effet, ce fonds n'est pour l'instant ouvert qu'aux pompiers professionnels, ce qui peut créer des injustices ou des incompréhensions à l'intérieur d'un même corps.

S'agissant de la retraite des pompiers volontaires, c'est un dispositif très attendu qui établira justice et reconnaissance pour les volontaires qui interviennent comme leurs collègues professionnels sur tous les sinistres.

Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui traite également de la formation. L'un des articles prévoit la mutualisation du coût des actions spécifiques et de la rémunération des élèves officiers. Nous y souscrivons car il n'est pas normal de faire supporter aux seuls services départementaux qui emploient ces élèves les charges salariales. En effet, ces élèves sont appelés à être recrutés par d'autres SDIS, ou à y être mutés dans le cadre de leur mobilité.

Cependant, nous considérons que, s'agissant de fonctionnaires territoriaux, la mutualisation doit être étendue à l'ensemble de la fonction publique, à l'instar des élèves administrateurs pour lesquels il n'y a pas de surcotisation.

Le projet de loi prévoit de décharger les SDIS en transférant une partie de ces charges au Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT. Cela est louable mais si les mêmes SDIS doivent verser une surcotisation de 2 %, cela devient injuste ! Si le CNFPT devient l'organisme d'accueil de ces élèves, ce qui nous paraît naturel, la cotisation doit être partagée par l'ensemble des collectivités. C'est une mesure d'équité entre les collectivités de la fonction publique territoriale.

Le Conseil supérieur de la fonction publique a d'ailleurs émis un avis très largement défavorable, tout particulièrement l'ensemble des élus, de la majorité comme de l'opposition, siégeant dans cette instance consultative. Pour ajouter un peu plus de complexité dans le dispositif prévu par le présent projet de loi, le CNFPT devrait ouvrir un budget annexe pour que cette surcotisation soit utilisée en toute transparence.

Aussi, nous proposons de créer une cotisation unique, pour toutes les collectivités, de 1,05 % de la masse salariale -j'expliquerai au cours de la discussion des articles pourquoi nous avons retenu ce taux. Je rappelle que, aujourd'hui, toutes les collectivités s'acquittent déjà d'une cotisation de 1 % et que les offices publics d'habitation à loyer modéré, les OPHLM, paient une surcotisation de 0,05 % ; il faudrait y ajouter les nouveaux 2 % des SDIS. Cette partie est prématurée, car le Gouvernement a annoncé un projet de loi sur la fonction publique territoriale.

Voilà, mesdames et messieurs, les quelques généralités dont je souhaitais vous faire part, au nom du groupe socialiste avant la discussion des articles au cours de laquelle nous défendrons des amendements pour améliorer la rédaction de ce projet de loi de modernisation de la sécurité civile. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, en tout premier lieu, de remercier le Gouvernement d'avoir bien voulu inscrire à l'ordre du jour de nos travaux ce projet de loi dont je partage pleinement l'esprit, puisqu'il part de l'idée que la sécurité civile procède d'une démarche globale de protection des populations, de la prévention des risques à l'organisation des secours jusqu'au retour à la vie normale après la catastrophe.

Dans cet esprit, la reconnaissance du cadre communal comme premier niveau pertinent pour l'information et la protection des populations recueille mon agrément, de même que la création de plans communaux de sauvegarde, en sachant que ces dispositifs seront certainement plus aisés à mettre en oeuvre dans des communes moyennes ou importantes que dans les petites communes rurales souvent dépourvues de personnel. Les maires seront, en effet, souvent bien seuls pour diffuser immédiatement auprès de la population toutes les consignes utiles en cas d'urgence, pour mettre en oeuvre les actions immédiates de nature à protéger les personnes et les biens et, en appui aux secours, pour organiser au mieux l'assistance à la population sinistrée. C'est parfois beaucoup pour un seul homme !

S'agissant des services d'incendie et de secours, j'ai bien compris que le Gouvernement souhaitait conforter la départementalisation des SDIS engagée en 1996 et pérennisée en 2002, la responsabilité de chef de file en matière de gestion du conseil général étant confortée.

Nul n'ignore ici que cette départementalisation s'est souvent déroulée dans des conditions difficiles et a suscité certaines incompréhensions, les maires s'inquiétant notamment pour le devenir des corps de première intervention, les CPI, et se plaignant du coût jugé excessif du passage à la départementalisation des secours. Les conseils généraux, pour leur part, ne comprenaient pas toujours pourquoi on maintenait une sorte de dualité de responsabilité au niveau des SDIS alors qu'ils en étaient les principaux financeurs.

J'observe que ce texte a pour objet de clarifier et d'améliorer les relations financières entre les départements, les communes et le SDIS, mais je ne suis pas tout à fait certain qu'il y concoure vraiment.

S'agissant des sapeurs-pompiers volontaires et professionnels, je voudrais leur rendre un vibrant hommage.

En effet, il s'agit, selon moi, de l'une des plus nobles et des plus belles professions, et les sapeurs-pompiers, bien qu'étant parfaitement informés des immenses risques encourus, n'hésitent pas à se porter au secours de leurs semblables. Nos compatriotes leur en sont d'ailleurs bien souvent reconnaissants et leur vouent une admiration toute particulière.

Il est inutile de vous dire combien ce projet de loi est attendu par les intéressés, mais il faut bien reconnaître que, dans un premier temps, ils ont été quelque peu déçus de ne pas trouver de réponses pertinentes à un certain nombre de leurs interrogations.

Depuis le dépôt du projet de loi sur le bureau du Sénat, vous avez, monsieur le ministre, engagé une concertation approfondie et fructueuse avec les représentants des sapeurs-pompiers, et j'observe avec plaisir que celle-ci a débouché sur un certain nombre d'avancées significatives. Toutefois, sur d'autres sujets, des blocages subsistent.

La création d'un projet personnalisé de fin de carrière privilégiant la reconnaissance de la valeur du travail des sapeurs-pompiers professionnels et facilitant leur reclassement mérite d'être saluée, de même que la reconnaissance de la dangerosité du métier de sapeur-pompier, qui est très attendue par les intéressés.

Demeure un blocage qui alimente encore aujourd'hui un relatif mécontentement chez les sapeurs-pompiers professionnels, à savoir le problème de la retraite anticipée. Vous vous être engagé, monsieur le ministre, à défendre l'abaissement de la durée des services exigés, pour bénéficier des cinq ans de bonification, de trente ans à vingt-cinq ans pour tous les sapeurs-pompiers. Sachez que, dans ce combat, nous sommes à vos côtés, et nous espérons que ce problème trouvera, très rapidement, une solution satisfaisante pour les intéressés.

J'en viens, à présent, au volontariat.

Comme vous le savez, les maires sont très attachés au volontariat des sapeurs-pompiers, et Dieu sait si les corps locaux rendent d'immenses services à la population, une population de laquelle ils se sont malheureusement quelque peu éloignés depuis la départementalisation.

Les très nombreux titres de noblesse de nos sapeurs-pompiers ont été conquis au feu comme dans l'action journalière au service de leur prochain dans la difficulté et non dans une présentation un peu trop militarisée. C'est bien la raison pour laquelle ils ont toujours été très proches des élus. Aussi me semble-t-il nécessaire de maintenir cette collaboration et ce rapprochement. Mais, il faut bien le reconnaître, le recrutement des sapeurs-pompiers volontaires est de plus en plus difficile, leur fidélisation l'étant plus encore.

Plusieurs raisons peuvent expliquer cette situation.

Il y eut, tout d'abord, le malencontreux relèvement à dix-huit ans de l'âge d'accès aux corps de sapeurs-pompiers, limite d'âge fort heureusement revue depuis lors. Mais se pose également un problème de localisation professionnelle et de disponibilité.

Les sapeurs-pompiers volontaires exercent souvent leur activité professionnelle en dehors de leur commune de résidence. S'ils ont la chance de travailler sur place, leur employeur hésite quelquefois à les libérer pour participer aux opérations de secours.

Par ailleurs, les actions de formation interviennent le plus souvent en dehors du temps de travail et pèsent sur la vie familiale des intéressés, ce qui accroît d'autant leur mérite.

Enfin, ils ont le sentiment que les efforts qu'ils déploient durant de longues années ne sont pas reconnus à leur juste valeur.

Dans ces conditions, il conviendrait de concevoir des dispositifs en faveur des employeurs privés et publics permettant d'améliorer la disponibilité des sapeurs-pompiers volontaires. Les communes pourraient, par exemple, dans le cadre de la procédure d'embauche, privilégier les sapeurs-pompiers. Toutefois, s'agissant des employeurs privés, peut-être conviendrait-il de prévoir un système de remboursement des heures consacrées par les sapeurs-pompiers volontaires aux opérations de secours.

Le projet de loi vise à créer un avantage de retraite en faveur des sapeurs-pompiers volontaires, qui pourra atteindre 150 euros par mois après trente-cinq ans de service. Il s'agit là d'un véritable progrès que nous ne pouvons qu'approuver.

En règle générale, il faut, coûte que coûte, maintenir un service public de proximité, en sauvegardant les liens entre les communes, les maires, les populations et les sapeurs-pompiers volontaires.

Je rappelle, en effet, que les communes ont jusqu'à maintenant beaucoup investi pour maintenir en activité les corps locaux de sapeurs-pompiers et, il faut bien le dire, seul le volontariat est en mesure d'assurer les secours de proximité dans des conditions financières supportables par la collectivité. Je n'ose imaginer quel serait le coût induit par la disparition des corps locaux de sapeurs-pompiers !

Telles sont les raisons pour lesquelles l'Etat, les départements et les communes, voire les communautés de communes, doivent impérativement unir leurs efforts, afin non seulement de maintenir et de développer l'indispensable maillage des corps locaux de sapeurs-pompiers, mais également et surtout de rendre le volontariat plus attractif.

Les vocations de sapeurs-pompiers ne manquent pas, et nous constatons avec plaisir qu'il y a encore, dans notre pays, des jeunes gens et des jeunes filles courageux et dévoués. Il faut non seulement les accueillir et les former, mais également les fidéliser, car la sécurité de nos concitoyens est à ce prix et en dépend. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Eric Doligé.

M. Eric Doligé. Monsieur le ministre, j'ai écouté avec beaucoup d'attention vos propos que je ne peux qu'approuver, car, a priori, rien ne m'a choqué, d'autant que, sur les quatre villes que vous avez citées, trois sont situées dans mon département ; je veux parler d'Orléans, Montargis et de Pithiviers. Je ne puis donc qu'être satisfait ! (Sourires.) Néanmoins, je formulerai quelques remarques.

Comme un certain nombre de mes collègues, j'examine cette question depuis très longtemps. En effet, dès le départ, en tant que maires, puis, dans le cadre d'autres fonctions, nous avons suivi ce dossier et, depuis vingt ou trente ans, nous en avons connu toutes les évolutions.

A cet égard, je salue, moi aussi, tous les sapeurs-pompiers et les secouristes. Nous savons ce que nous leur devons au quotidien.

Comme vous l'avez proposé, monsieur le ministre, la représentation nationale va vous aider à définir les grandes orientations de la modernisation de la sécurité civile.

Vous avez rappelé la loi Pasqua, puis la loi Debré du 3 mai 1996, qui a permis un certain nombre d'avancées, mais qui a fait naître une certaine confusion entre le conseil général et la départementalisation. Bien souvent, on a eu le sentiment que la départementalisation correspondait à la prise en compte de la responsabilité totale des SDIS, ce qui n'était pas la réalité. Ce projet de loi tend d'ailleurs à formuler un certain nombre de propositions en la matière.

J'évoquerai également la commission Fleury, dite « paritaire », qui comprenait vingt membres : cinq élus et quinze membres représentant des syndicats ou des fonctionnaires. J'ai participé à ses travaux et nous avons examiné, à cette occasion, le financement et la formation des sapeurs-pompiers.

S'agissant du financement, la question de la fiscalisation a été abordée. C'est un sujet quelque peu délicat et difficile, mais bon nombre de participants, y compris dans le corps des sapeurs-pompiers, n'y étaient pas totalement opposés, loin de là ! Finalement, nous nous sommes demandés si l'on ne pouvait pas faire payer les départements. Cela se passait dans les années 1997 et 1998. A présent, la messe est dite, puisque l'on revient à peu de choses de près à cette proposition. Sur vingt membres, un seul représentait un département ; pourtant, nous avions trouvé celui qui allait payer. Aujourd'hui, on est toujours dans cette logique.

Quant à la loi de 2002, qui a été évoquée tout à l'heure par plusieurs de mes collègues, elle a offert la possibilité d'incorporation des SDIS - sur ce point, on n'en est plus tout à fait au stade de la réflexion - et a prévu que la participation des communes serait supprimée en 2006. Je pense que l'on devra de nouveau en débattre au cours de l'examen de ce projet de loi.

Cette loi nous laissait la possibilité de prendre plusieurs options. Depuis un an, nous avons beaucoup travaillé avec votre prédécesseur, monsieur le ministre, ainsi qu'avec les services de votre ministère.

A cet égard, des dispositions ont été prises s'agissant des volontaires ; nous les avons globalement approuvées parce qu'elles nous semblaient satisfaisantes.

Par ailleurs, en matière de retraite, des progrès ont été réalisés. Se pose toujours bien évidemment le problème du coût et du financement, mais nous avons discuté de la mesure prévue et avons trouvé un compromis satisfaisant.

Nous avons également fait des avancées quant à la conférence nationale des services d'incendie et de secours et à sa composition. Le ministère a suivi en la matière les souhaits des élus.

S'agissant des réserves de sécurité civile, nous nous demandons si nous devons prévoir des réserves communales, départementales ou une réserve nationale. Vous avez entendu les différentes interventions de mes collègues, monsieur le ministre.

A titre personnel, je préférerais que la réserve soit nationale. En effet, le service militaire permettait de faire un certain nombre de choses. Sa disparition a tendance à transférer progressivement sur les collectivités locales certaines responsabilités qui, auparavant, pouvaient être dévolues aux militaires.

Ont été mis en place les futurs conseils d'administration des SDIS, et ce dans de bonnes conditions. Nous vous proposons d'organiser la place du président de conseil général au niveau départemental, voire au niveau régional. Des amendements ont été déposés par la commission des finances concernant le niveau départemental, et nous y sommes favorables.

S'agissant de la formation des élèves officiers, nous y reviendrons au cours du débat, mais vous avez indiqué, monsieur le ministre, que son coût ne représente que 2 %. Toutefois, même si des compensations sont prévues, la somme en jeu, additionnée à un certain nombre d'autres, est importante et mérite que vous nous apportiez des précisions.

D'autres points ont été abordés, mais deux grands sujets méritent discussion et ont été tranchés un peu trop rapidement, à mes yeux ; ils pourront être repris lors de l'examen des amendements.

Notre collègue François Fortassin a dit : « qui paie commande. » On le dit souvent au sein de nos collectivités. C'est, il est vrai, la réaction naturelle d'un président de collectivité ou d'un maire. En réalité, la question est un peu plus complexe.

En effet, il s'agit en l'occurrence de commander des personnes qui ont une action sur le terrain, alors qu'elles sont sous la responsabilité naturelle de l'Etat. C'est donc difficile. En réalité, la question est : « qui gère et qui paie » ? C'est non plus « qui commande ? », mais « qui gère ? ».

Il n'y a pas, selon moi, de sujet tabou ; il faut donc en parler et clarifier le problème.

Qui pourrait gérer ? L'Etat ? Il nous semblait, à la limite, naturel que l'Etat puisse gérer et commander. C'était l'étatisation... un peu sur le modèle parisien. Or, pour des raisons que M. le ministre a déjà exposées, mais qu'il pourra peut-être reprendre, l'Etat a répondu par la négative. La proximité du terrain est, il est vrai, une bonne chose, et il est peut-être possible de mieux gérer sur le terrain ces problèmes de sécurité civile ; cependant, je n'en suis pas encore tout à fait convaincu....

Le conseil général ? La loi de 2002 offre, je le rappelle, la possibilité d'intégrer les SDIS dans les services du conseil général. Nous en avons discuté longtemps entre présidents de conseils généraux et nous aurions souhaité que ceux qui participent à hauteur de 95 % ou de 99 % aient encore la possibilité de réaliser cette intégration. Cette question mérite toutefois d'être examinée plus longuement pour savoir jusqu'où l'on peut aller.

Finalement, vous avez opté, monsieur le ministre, pour des établissements publics. C'est là votre choix ; tel n'était pas le mien, mais je l'accepte tout en émettant un certain nombre de réserves.

Quelques-unes ont été levées, s'agissant notamment de l'organisation du conseil d'administration, élément important. D'autres concernant, par exemple, la présidence des CASDIS, les conseils d'administration du service départemental et de secours, ne le sont pas encore. Nous verrons comment cette question évoluera et, si elle évolue positivement, je me rangerai bien sûr à votre proposition.

Qui paie ? Comme toujours, un de mes collègues l'a d'ailleurs souligné tout à l'heure, aucune simulation ne nous est présentée. Aucun calcul n'a été fait, aucune projection n'a été réalisée.

Lors de la commission Fleury, alors que M. Chevènement était ministre de l'intérieur, la première chose que j'ai demandée, c'était des estimations. J'ai souhaité que l'on nous présentât des tableaux retraçant le coût des mesures envisagées et les recettes correspondantes. Jamais la moindre simulation ne nous a été fournie.

Vous annoncez quelques chiffres, monsieur le ministre, mais j'aimerais que vous nous donniez des précisions. Au cours du débat, il me semble important que vous apportiez des éléments financiers supplémentaires en la matière.

Qui paie ou qui finance ? Comme toujours, c'est le citoyen, mais il importe de déterminer le mode de financement.

Un certain nombre d'entre nous avaient pensé que le plus simple était que l'Etat prenne le coût à sa charge. Ce n'était pas compliqué : il commande, donc il paie.

Au final, l'Etat a refusé, mais a précisé qu'il participerait par le biais de la taxe sur les conventions d'assurance, nous donnant ainsi une dynamique.

Nous devrons définir cette dynamique. En effet, il faudra qu'elle soit durable - peut-être pourrait-on ajouter cette notion ? -, car une dynamique peut avoir des pentes. Je souhaiterais que l'on prenne des précautions. En effet, je n'aimerais pas que la dynamique sur les conventions d'assurance soit inférieure à la dynamique des dépenses qui concernera les collectivités.

C'est important. Il nous faut faire attention, parce que cette loi de modernisation de la sécurité civile ne s'appliquera pas que durant un ou deux ans ; il convient donc d'avoir des perspectives. C'est pour cette raison que je souhaitais, tout à l'heure, disposer de chiffres un peu plus précis.

Ne nous faisons pas d'illusions : en fin de compte, ce sont probablement les départements qui vont financer la totalité des évolutions, notamment en matière vestimentaire, qu'il s'agisse des ceinturons - que notre collègue M. Jean-Jacques Hyest a évoqués tout à l'heure - des vestes ou des pantalons.

Président du conseil général du Loiret, je me permettrai de citer en exemple ce département, où sont situées les villes d'Orléans, Pithiviers et Montargis. Il recevra 1 600 000 euros afin d'équiper ses personnels, alors que la dynamique en question lui rapporterait 460 000 euros, selon un calcul ramené au plan du département : nous voyons bien qu'en réalité cela ne couvrirait pas la totalité des augmentations de charges que ce département risque de subir.

En ce qui concerne la fiscalisation, un certain nombre de collègues et moi-même avons déposé des amendements.

Evoquer ce sujet m'a paru naturel, quelle que soit l'appartenance politique des uns et des autres : la discussion de certaines questions ne doit pas connaître de frontières ! Il s'agit, selon nous, d'un moyen de clarifier les choses : peut-être, au cours de l'examen de ce texte, trouverons-nous une méthode afin d'informer nos concitoyens sur le coût réel, pour eux, de la sécurité civile.

Comme nous tous, ils aiment notre sécurité civile. « Quand on aime, on ne compte pas », mais, dans le cas présent, cette maxime ne saurait s'appliquer sans réserves ! Nos concitoyens doivent savoir exactement ce que leur coûte la sécurité civile ; la fiscalisation, par exemple, permettrait d'évaluer un peu mieux les financements.

Au sujet des tiers, nous avons un peu avancé. Il est tout à fait normal que les sociétés d'autoroutes, qui font acquitter des péages, prennent en charge les interventions de la sécurité civile ainsi que l'assurance maladie, compte tenu du nombre de personnes transportées.

Monsieur le ministre, j'ai déposé quelques amendements d'appel sur ces deux grands sujets du financement et de la gestion, de manière à bien vous indiquer quelle est notre sensibilité, quelle est la direction dans laquelle nous allons.

Je tiens également à dire quelques mots sur les inondations, dont a parlé tout à l'heure l'un de mes collègues en évoquant le département de la Somme.

Je regrette très sincèrement que l'accent ne soit pas davantage mis sur la protection : une protection accrue éviterait peut-être nombre de problèmes et d'interventions. Or, moi qui suis ce dossier depuis des années, je note que, depuis vingt ans, rien, ou pratiquement rien, n'a été fait en ce domaine. Alors que certaines collectivités, qui manquent de moyens financiers, tentent de se prémunir contre les inondations et de faire financer ces actions par d'autres collectivités, d'autres, en revanche, plus fortunées, n'utilisent pas la totalité des sommes dont elles disposent. Je déplore infiniment cet état de fait.

Monsieur le ministre, les propositions formulées par mes collègues, qui se recoupent, me paraissent, dans l'ensemble, même si un tri s'impose, frappées au coin du bon sens. Je regrette simplement que M. Domeizel se soit un peu égaré, puisqu'il nous a entraînés vers les régions et l'Europe. Je déplore, d'ailleurs, au passage, que ni les régions ni l'Europe ne participent au financement des SDIS !

Pour en revenir à nos départements, nous avons encore, monsieur le ministre, au cours des deux prochains jours, un important travail à faire pour améliorer votre texte, afin que ceux d'entre nous qui connaissent parfaitement ces problèmes puissent y apporter leur patte et veiller, non seulement à ce que les SDIS fonctionnent mieux, mais aussi à ce que le coût induit soit mieux partagé.

Je pourrais, certes, regretter que nous soyons obligés de parler d'argent entre nous, mais nous n'avons malheureusement pas le choix ! C'est indispensable dans ce domaine. De toutes les bonnes propositions qui ont été avancées, aucune ne fait abstraction des financements. C'est peut-être là, monsieur le ministre, que, amicalement, nous vous attendons.

Mon vote favorable vous est pratiquement acquis, sous réserve, toutefois, de l'adoption d'un certain nombre d'amendements que j'ai déposés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Marcel Vidal.

M. Marcel Vidal. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 1983, à la demande de Pierre Mauroy, alors Premier ministre, j'ai effectué une mission sur les conditions d'exercice des missions des sapeurs-pompiers, étendant la réflexion à la protection de la forêt méditerranéenne.

Ces travaux m'ont permis d'appréhender les différents outils de prévention dont les collectivités disposent et l'utilisation qui en est faite.

Il semble que le constat actuel confirme mes observations formulées il y a vingt ans.

Les dramatiques incendies de l'été dernier ont soulevé de nombreuses interrogations et nous rappellent l'urgente nécessité, non seulement de prendre des mesures efficientes en matière de lutte contre l'incendie, mais, surtout, en amont, de mener une réelle politique de prévention.

En ce sens, la réflexion qui s'amorce doit envisager la modernisation de la sécurité civile dans sa globalité, sans, toutefois, négliger les spécificités inhérentes aux territoires.

En effet, la protection des personnes, des biens et de l'environnement contre les risques de toutes natures répond à une attente sociale.

Ainsi, pour repenser l'organisation de la sécurité civile, une gestion interministérielle doit être privilégiée, ce dans un souci de meilleure définition des secours afin de les globaliser et de les simplifier en vue d'en renforcer l'efficacité.

Il nous appartient aujourd'hui de nous interroger sur les moyens opérationnels mis à disposition pour, d'une part, prévenir le danger, et d'autre part, en cas de crise grave, lutter efficacement contre les incendies.

Pour ce faire, une clarification des compétences de chacun s'impose.

En premier lieu, des mesures doivent être prises en matière d'information et de prévention avec, comme objet, une meilleure sensibilisation des citoyens aux comportements qu'ils doivent adopter, car l'information du public est un rouage essentiel de la politique de prévention.

Les politiques de prévention conduites depuis plusieurs années ont, de toute évidence, montré leurs limites. En effet, s'il est indispensable d'éduquer, de former, de sensibiliser les usagers de la forêt, l'entretien des massifs forestiers reste primordial.

Dans mon rapport de 1983, je faisais déjà apparaître que la prévention par l'entretien des forêts était défaillante : « envisager le débroussaillement, c'est retrouver en vérité toute la problématique de la protection de la forêt méditerranéenne », car « la protection, la gestion et l'intéressement concourent vers un but unique, celui d'assurer à la forêt méditerranéenne ses meilleures chances de survie ».

Or, le manque d'entretien des massifs et le développement de l'urbanisation sont deux facteurs aggravants.

Sur la façade méditerranéenne, le mitage de la forêt par des habitations multiplie les points potentiels de départs d'incendies accidentels, et, comme la forêt gagne chaque année du terrain, du fait de l'abandon des terres agricoles, les zones tampons entre l'habitat et la forêt se réduisent.

Ces constations sur l'évolution des superficies forestières - 0,5 % par an selon le CEMAGREF - ne font que rappeler à quel point, au-delà de la surveillance, la prévention est un facteur déterminant dans la lutte contre les incendies.

Les incendies de l'été dernier ont suscité l'intervention de moyens humains et matériels particulièrement importants en intensité et en durée. Or - nous le savons bien - la réussite, dans la lutte contre l'incendie, dépend pour une grande part de la rapidité de l'intervention et des moyens mis à disposition.

Si nous ne pouvons que nous réjouir de la coopération européenne à laquelle nous avons pu assister durant l'été 2003, il reste que la plus efficace des préventions contre l'incendie, dans les massifs forestiers, est l'entretien.

Telle était, d'ailleurs, la thèse que soutenait M. Haroun Tazieff dans les années quatre-vingt, alors qu'il était secrétaire d'Etat à la prévention des risques majeurs.

Ainsi, en août 1986, le célèbre géologue-vulcanologue, après les incendies de forêt qui ravagèrent plus de 10 000 hectares dans les Alpes- maritimes, le Var, les Bouches-du-Rhône et la Corse, déclara : « Le débroussaillage préventif, que je préconise depuis des années, n'a jamais été effectué, car les crédits nécessaires n'ont jamais été attribués. La seule solution reste le débroussaillage mécanique et l'entretien des sous-bois, avec la réintroduction des bergers avec leurs troupeaux de moutons et de chèvres. » C'était le bon sens, tout simplement !

Pour comprendre la nécessité d'une telle loi, il est crucial de rappeler le contexte et les moyens existants.

En ce qui concerne le domaine public, la mission première des sapeurs forestiers reposait principalement sur la prévention des incendies, avec un véritable travail d'entretien des forêts.

Or, le constat indiquait déjà, en 1983, que ces personnels étaient absorbés par des tâches de surveillance et de participation immédiate à la lutte contre les incendies. Il conviendrait de clarifier de toute urgence leurs missions.

Il est donc légitime de se demander si l'activité des sapeurs forestiers ne doit pas être recentrée sur leur mission première, qui est l'entretien et la nécessité d'initier une meilleure coopération entre les différents acteurs concernés dans cette lutte, l'Office national des forêts, notamment, ou bien encore les comités communaux de feux de forêt, les CCFF.

En effet, le problème des feux de forêt est traité, en France, contrairement à ce qui se passe dans beaucoup d'autres pays, par des entités diverses et variées : des ministères différents gèrent les pompiers, les forestiers, les gendarmes, les météorologues, et les différentes collectivités territoriales interviennent à leur tour.

Il est important de ne pas négliger cette analyse sectorielle, car la diversité des statuts des agents reste une question centrale dans l'organisation de la prévention et de la lutte, l'objectif étant de fédérer et d'harmoniser les moyens en donnant un éclairage sur les compétences de chacun.

Devant la volonté affichée par les différents acteurs territoriaux et les ministères compétents, il apparaît indispensable qu'une réelle harmonisation des structures existantes puisse se mettre en place dans l'optique d'une meilleure anticipation des risques d'incendies et, donc, d'une meilleure protection de la forêt méditerranéenne.

Depuis 1984, des structures communales, à savoir les comités communaux de feux de forêt, fondées sur la volonté, le bénévolat et l'intérêt général, sont reconnues pour leurs actions et, progressivement, ont été officiellement associées aux secours professionnels de coopération.

Animés par un grand sens de la citoyenneté et du dévouement à la communauté, les membres des CCFF patrouillent, durant l'été, dans les zones boisées pour les protéger.

De plus, leur parfaite connaissance du territoire leur permet de mener des actions de prévention, mais également de guider les secours avec un maximum de rapidité et d'efficacité. Ils exercent aussi un rôle pédagogique crucial et reconnu, et les maires leur confient des actions de sensibilisation et d'information auprès des publics jeunes ou adultes.

Ainsi, dans l'Hérault, l'association départementale des comités communaux de feux de forêt compte et fédère aujourd'hui plus de vingt-cinq comités adhérents et coordonne l'action de plus de 400 bénévoles actifs sur l'ensemble du département.

Toutefois, malgré les évolutions pratiques, ces CCFF sont limités dans leurs actions par l'absence de reconnaissance législative leur permettant d'assumer en toute légitimité les missions que les maires leur confient.

L'objectif, aujourd'hui, consiste à sensibiliser les maires et les conseillers généraux sur leur rôle fondamental dans la mise en place et le fonctionnement d'une politique de prévention efficace dans leur commune.

Aujourd'hui, la démarche intercommunale semble la mieux adaptée pour coordonner avec efficacité et cohérence les secours sur le territoire, notamment dans les communes rurales, qui témoignent souvent d'un déficit de moyens alors même que le risque y est plus menaçant.

En vue de pérenniser cette création et de permettre à ces structures de s'intégrer dans l'organisation générale des services concourant aux actions de la sécurité civile, il serait souhaitable qu'elle soit expressément prévue et définie par la loi.

Pour ce faire, il convient de donner une existence légale et des moyens financiers à des fédérations régionales ou de zone, dans le Sud, en particulier, qui, intégrées dans une logique intercommunale, faciliteraient l'uniformisation des fonctionnements et des équipements communaux et départementaux.

Les collectivités publiques ont tout leur rôle à jouer dans la mise en place d'une politique dynamique, et il appartient désormais aux élus de mener une politique volontariste afin de permettre la mise en réseaux des différents acteurs compétents à l'accomplissement des missions de sécurité civile.

Si j'insiste sur ce point, c'est que l'absence de comités communaux de feux de forêt dans certains départements ou leur faible équipement découlent des craintes infondées de quelques élus qui méconnaissent les résultats obtenus dans d'autres départements ou dans d'autres communes. Aussi, à titre d'exemple, pouvons-nous citer le travail accompli par les comités communaux de feux de forêt dans les Bouches-du-Rhône et le Var : ils obtiennent chaque année un soutien sans faille des élus du secteur, ce qui leur permet d'être opérationnels au-delà même des feux de forêt, car leur capacité d'intervention s'est étendue aux risques d'inondation.

Les comités communaux de feux de forêt sont des structures opérationnelles qui attendent un statut définissant et encadrant leurs missions. Il s'agit évidemment non pas de « mettre en concurrence » ces bénévoles avec les sapeurs forestiers ou d'autres, mais plutôt d'envisager la sécurité civile sous l'angle de la complémentarité, afin que l'intérêt public soit au centre des préoccupations et des actions à conduire.

Telles sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les remarques et les propositions que je souhaitais formuler à partir d'expériences vécues sur le terrain. De nombreux entretiens et plusieurs séances de travail avec les élus et les responsables locaux me permettent aujourd'hui de témoigner de certaines insuffisances, de quelques dysfonctionnements, et de vous faire part d'observations qui, je l'espère, permettront à ce projet de loi de faire évoluer le dispositif actuel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Peyrat.

M. Jacques Peyrat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on ne peut qu'approuver le projet de loi de modernisation de la sécurité civile dans notre pays qui, en dehors des problèmes liés au terrorisme, se trouve parfois durement confronté à des phénomènes, le plus souvent naturels ? secousses sismiques, effets dévastateurs du vent ainsi que, de manière récurrente désormais, inondations et incendies.

J'étais intervenu en décembre dernier dans cet hémicycle, à la suite du lourd bilan qu'avaient engendré les incendies de forêt qui avaient touché le sud de la France et la Corse, en faisant une dizaine de victimes.

Il s'agissait là d'une catastrophe non seulement humaine et écologique, mais également économique, à l'égard de notre environnement et de notre écosystème. J'avais fait observer que nos forêts, qui sont très étendues - la France est au troisième rang des pays les plus boisés d'Europe -, étaient fragiles.

Monsieur le ministre, je sollicitais une série de mesures qui avaient été parfaitement interprétées par M. Patrick Devedjian, alors ministre délégué aux libertés locales, qui représentait ce jour-là votre prédécesseur.

Il s'agissait de l'amélioration des dispositions relatives au débroussaillement, notamment à proximité des habitations, des plans de prévention des risques d'incendie, de la sensibilisation des populations, du renforcement de l'autodéfense des habitations et, enfin, de la mobilisation des moyens opérationnels les plus appropriés dans la lutte contre les incendies, surtout lorsqu'ils sont de grande ampleur.

Je dois à la vérité de dire que le projet de loi qui nous est soumis répond à la quasi- totalité des observations que j'avais formulées. En effet, les trois chapitres consacrés au recensement et à la prévention des risques, à la refonte de la notion de protection des populations, à la mobilisation des moyens, sont de nature à me rassurer sur la modernisation de la sécurité civile, qui consistera non plus seulement à organiser la défense contre les attaques des éléments naturels ou humains au moment où elles se produisent, mais à s'y préparer et à tenter de les prévenir.

En revanche, vous ne m'en voudrez pas de vous dire, avec toute ma sympathie respectueuse, que je reste sur ma faim sur le problème que je considérais comme essentiel, qui avait motivé mon intervention et qui concernait les moyens opérationnels mis à la disposition de nos forces luttant contre le feu, parfois jusqu'aux plus extrêmes limites de la résistance humaine.

Ayant participé avec les différents corps de sapeurs-pompiers qui avaient, durant plusieurs semaines, combattu dans les Alpes-maritimes, j'avais vu la nécessité impérative de disposer d'hélicoptères bombardiers lourds d'eau, de type Super Puma, qui existent d'ailleurs.

En effet, dans les reliefs accidentés des Alpes françaises ou des autres zones montagneuses du continent et de la Corse, les avions tels que les Canadair CL 415 ou les Fokker, quelle que soit leur utilité par ailleurs, sont relativement inopérants. Dans ce cas, les hélicoptères légers bombardiers d'eau ont une souplesse d'utilisation qui peut compenser leur capacité d'emport d'eau plus limitée. Mais, lorsque les forces qui luttent contre le feu sont débordées par son ampleur, la nécessité impérative d'hélicoptères lourds bombardiers d'eau m'est apparue encore plus évidente.

M. Devedjian m'avait alors répondu : « le retour d'expérience de la campagne 2003 a conduit M. Nicolas Sarkozy, lors de sa réunion avec les acteurs de la lutte contre les feux de forêts à Marignane le 1er septembre dernier, à ne pas exclure une diversification dans les moyens qui répondent à certaines nécessités opérationnelles. En ce qui concerne les hélicoptères bombardiers d'eau lourds, les HBE, il a été demandé aux services spécialisés du ministère de l'intérieur de conduire, dès à présent, une étude afin de pouvoir envisager, dans l'avenir, une éventuelle acquisition de ces matériels, sous une forme ou sous une autre, car ils nous paraissent avoir leur utilité dans la panoplie de défense. »

Cette phrase, avec toute la prudence sémantique qu'elle comportait, m'avait un peu alerté...

Cela m'amène, monsieur le ministre, à vous poser une nouvelle fois ma question, six mois plus tard, après avoir un peu laissé du temps au temps, alors que la sécheresse est aux portes des forêts du Midi et que les pyromanes ne sont ni guéris ni tous découverts : quel est l'état réel de nos forces de défense dans ce domaine particulier de la protection contre les gros incendies de forêt qui peuvent éclater au même moment dans différentes portions du territoire ?

Enfin, les dernières pages de votre projet de loi ont également attiré mon attention sur les contributions de l'Etat, des départements et des communes dans les secours.

Actuellement, le service de protection des incendies dans le département des Alpes-maritimes est un SDIS dont le maire de Nice est le premier vice-président. Cela lui donne le droit de contribuer par les finances municipales à plus d'un tiers du montant total du budget, en fonction, comme vous le savez, de la moyenne des trois derniers comptes administratifs de la ville.

Or je lis, à la page 85 du projet de loi, que « les communes ne seront plus directement en charge du financement des secours sur leur territoire : la solidarité départementale à travers le budget du SDIS sera la règle pour les opérations de secours au sens strict. Les communes assumeront les dépenses de soutien aux populations et de restauration immédiate de la vie normale. »

Cela veut-il dire, monsieur le ministre, que le conseil général prendra en charge la totalité du budget du SDIS ou bien que l'Etat y contribuera en lieu et place des municipalités, sans aucune contrepartie ?

Combien de temps, monsieur le ministre, me laisserez-vous rêver ? (Sourires. - Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Paul Blanc. Il n'est pas interdit de rêver !

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Dossier législatif : projet de loi de modernisation de la sécurité civile
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