compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

DÉPÔT D'UN RAPPORT du gouvernement

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre le rapport annuel pour 2003 du Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, établi en application de l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

3

Art. additionnels avant l'art. 17 (précédemment réservés) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'assurance maladie
Art. additionnel avant l'art. 19

Assurance maladie

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (no 420, 2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à l'assurance maladie. [Rapport n° 424, (2003-2004) et avis n° 425, (2003-2004).]

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen du titre II.

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES À L'ORGANISATION DE L'ASSURANCE MALADIE

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'assurance maladie
Art. 19

Article additionnel avant l'article 19

M. le président. L'amendement n° 472, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer,  Autain,  Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 19, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I - Il est créé un Conseil consultatif de l'assurance maladie qui est chargé :

1° - de participer à la réflexion et d'émettre un avis sur les orientations déterminées par la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, la mutualité sociale agricole et la caisse nationale d'assurance maladie concernant notamment :

- les orientations relatives à la contribution de l'assurance maladie, à la mise en oeuvre de la politique de santé ainsi qu'à l'organisation du système de soins et au bon usage de la prévention et des soins,

- les orientations de la politique de gestion du risque et les objectifs prévus pour sa mise en oeuvre,

- les objectifs poursuivis pour améliorer la qualité de la prise en charge des soins par l'assurance maladie, les taux de remboursement,

2° - de rendre un avis motivé sur toute question soumise par le gouvernement ou les conseils.

3° - d'organiser ou de contribuer à l'organisation de débats publics permettant l'expression des citoyens sur les questions de l'assurance maladie.

II - Le Conseil consultatif de l'assurance maladie est composé, outre de son président nommé en son sein, de représentants des organisations professionnelles, syndicales, familiales et sociales les plus représentatives, des associations d'usagers du système de soins, des professionnels de santé, des complémentaires de santé et des départements ministériels intéressés, ainsi que de personnalités qualifiées.

III - Les administrations de l'Etat, les établissements publics de l'Etat et les organismes chargés de l'assurance maladie sont tenus de communiquer au Conseil tous les éléments d'information et études nécessaires à l'exercice de ses missions. Le Conseil fait connaître ses besoins afin qu'ils soient pris en compte dans les programmes de travaux statistiques et d'études de ces administrations, organismes et établissements.

IV - Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret.

La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avant d'attaquer l'examen des articles du titre II, relatif à l'organisation de l'assurance maladie, nous avons tenu à présenter l'amendement n° 472, traduisant bien la logique qui animera toutes nos interventions sur les options retenues par le projet de loi, s'agissant de ce qu'il est désormais convenu d'appeler la « gouvernance ».

Comme nous aurons l'occasion de le voir à l'occasion, notamment, de l'examen de l'article 23, cette réforme organise une nouvelle délégation de compétences de l'Etat vers l'UNCAM, l'Union des caisses d'assurance maladie, et mêle l'Union des organismes de protection sociale complémentaire à la gestion du risque santé.

Pour autant, la clarification annoncée des responsabilités des différents acteurs n'est que poudre aux yeux.

Quant aux critères présidant à la détermination de ce que la sécurité sociale doit rembourser, ils resteront plus économiques que scientifiques.

S'agissant des ambitions que les initiateurs avaient pour la sécurité sociale - construire une démocratie sociale qui prolonge la démocratie politique - et dont M. Spaeth nous a rappelé l'importance, elles ne trouvent toujours pas de traduction concrète.

Comment, en effet, prétendre responsabiliser les assurés sociaux, accessoirement les acteurs de santé - enfin, certains plus que d'autres ! - et ne pas réfléchir aux moyens d'associer davantage chacun à l'élaboration des politiques, puis à leur mise en oeuvre ?

Je fais bien, ici, la différence, à l'inverse de vous, monsieur le secrétaire d'Etat, entre ce qui relève, d'une part, de partenariats à construire entre les gestionnaires naturels du risque que sont les syndicats de salariés et d'employeurs et les organismes complémentaires, à savoir les associations d'usagers du système de soins, représentatives des professionnels de santé et des scientifiques, et, d'autre part, d'une cogestion dangereuse, car amoindrissant le rôle des régimes de base obligatoires de la sécurité sociale.

J'entends vous faire prendre conscience que ce texte confond ce qui relève de l'ordre de l'expertise avec ce qui relève de l'ordre de l'avis, puis de la décision.

Je ne reviendrai pas sur l'appréciation que nous portons sur la Haute autorité de santé, dont l'indépendance demeure relative, pas plus que je ne m'étendrai sur le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, dont la composition ne permet pas le pluralisme et dont les missions sont différentes de celles que nous assignons à l'instance nouvelle que nous proposons de créer.

L'objet du Conseil consultatif de l'assurance maladie est de permettre aux acteurs de santé et partenaires sociaux d'exprimer leur avis motivé sur l'ensemble des questions se rapportant à la santé, à la qualité des soins, à la diminution des inégalités, à l'élaboration budgétaire, et pas seulement sur le niveau ou le périmètre des soins et des prestations de sécurité sociale.

Nous ne le dirons jamais assez, cette réforme construit une gestion de l'assurance maladie inacceptable, déconnectée de toute représentation sociale ou, plutôt, organisant un faux-semblant de représentation sociale destiné à torpiller le rôle des partenaires sociaux et celui des caisses des différents régimes.

C'est la raison pour laquelle nous soutenons cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Mme Demessine souhaite, avec le groupe communiste citoyen et républicain, la création d'un Conseil consultatif de l'assurance maladie.

La commission des affaires sociales est dans une tout autre logique. Elle considère que la Haute autorité, compte tenu des compétences qui lui seront attribuées, convient tout à fait à l'esprit qui a présidé à la réforme de l'assurance maladie, est source d'efficacité pour le futur et constitue donc la structure la mieux adaptée en la circonstance.

C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie. Je tiens à dire à Mme Demessine que la création de ce Conseil consultatif de l'assurance maladie, qu'elle propose par le biais de cet amendement, ne va pas dans le sens d'une véritable simplification.

Qui plus est, les compétences devant, selon elle, être dévolues à ce Conseil consultatif sont déjà attribuées, pour une part, à l'UNCAM, et, pour une autre part, à la CNAMTS, la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés.

Enfin, il est une institution à laquelle nous sommes particulièrement attachés, c'est le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Or, ce qu'elle propose reviendrait à vider de leur substance une partie de ses attributions.

Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 472.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Section 1

Haute autorité de santé

Art. additionnel avant l'art. 19
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'assurance maladie
Art. 20

Article 19

I. - Après le chapitre Ier du titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale, il est inséré un chapitre Ier bis ainsi rédigé :

« CHAPITRE Ier BIS

« Haute autorité de santé

« Art. L. 161-37. - La Haute autorité de santé, autorité publique indépendante à caractère scientifique dotée de la personnalité morale, est chargée de :

« 1° Procéder à l'évaluation périodique du service attendu des produits, actes ou prestations de santé et du service qu'ils rendent, et contribuer par ses avis à l'élaboration des décisions relatives à l'inscription, au remboursement et à la prise en charge par l'assurance maladie des produits, actes ou prestations de santé ainsi qu'aux conditions particulières de prise en charge des soins dispensés aux personnes atteintes d'affections de longue durée ;

« 2° Veiller à l'élaboration et à la diffusion des guides de bon usage des soins ou de bonne pratique et contribuer à l'information des professionnels de santé et du public dans ces domaines.

« Dans l'exercice de ses missions, la haute autorité tient compte des objectifs pluriannuels de la politique de santé publique mentionnés à l'article L. 1411-2 du code de la santé publique.

« La Haute autorité de santé établit un rapport annuel d'activité adressé au Parlement et au Gouvernement avant le 1er juillet, qui porte notamment sur les travaux des commissions mentionnées à l'article L. 161-39 du présent code ainsi que sur les actions d'information mises en oeuvre en application du 2° du présent article.

« Les décisions et communications prises en vertu des 1° et 2° du présent article sont transmises sans délai à la Conférence nationale de santé prévue à l'article L. 1411-3 du code de la santé publique.

« Art. L. 161-38. - La Haute autorité de santé peut procéder, à tout moment, à l'évaluation du service attendu d'un produit, d'un acte ou d'une prestation de santé ou du service qu'ils rendent. Elle peut également être consultée, notamment par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, sur le bien-fondé et les conditions de remboursement d'un ensemble de soins ou d'une catégorie de produits ou prestations et, le cas échéant, des protocoles de soins les associant. Les entreprises, établissements, organismes et professionnels concernés sont tenus de lui transmettre les informations qu'elle demande à cet effet après les avoir rendues anonymes.

« Sans préjudice des mesures prises par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé dans le cadre de ses missions de sécurité sanitaire et notamment celles prises en application du 2° de l'article L. 5311-2 du code de la santé publique, la Haute autorité de santé fixe les orientations en vue de l'élaboration et de la diffusion des recommandations de bonne pratique de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé et de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé mentionnées respectivement aux articles L. 1414-2 et L. 5311-1 du même code et procède à leur diffusion.

« La haute autorité peut saisir l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé de toute demande d'examen de la publicité pour un produit de santé diffusée auprès des professions de santé.

« Dans le respect des règles relatives à la transmission et au traitement des données à caractère personnel, les caisses d'assurance maladie et l'Institut des données de santé transmettent à la haute autorité les informations nécessaires à sa mission, après les avoir rendues anonymes.

« Art. L. 161-39. - La Haute autorité de santé comprend un collège et des commissions spécialisées présidées par un membre du collège et auxquelles elle peut déléguer certaines de ses attributions.

« Les commissions mentionnées aux articles L. 5123-3 du code de la santé publique et L. 165-1 du présent code constituent des commissions spécialisées de la haute autorité. Leurs attributions peuvent être exercées par le collège. Les autres commissions spécialisées sont créées par la haute autorité, qui en fixe la composition et les règles de fonctionnement.

« Art. L. 161-40. - Le collège est composé de huit membres choisis en raison de leurs qualifications et de leur expérience dans les domaines de compétence de la Haute autorité de santé :

« 1° Deux membres désignés par le Président de la République ;

« 1° bis Deux membres désignés par le Président de l'Assemblée nationale ;

« 2° Deux membres désignés par le Président du Sénat ;

« 3° Supprimé ;

« 4° Deux membres désignés par le président du Conseil économique et social.

« Les membres du collège sont nommés par décret du Président de la République. Le président du collège est nommé dans les mêmes conditions parmi ses membres.

« La durée du mandat des membres du collège est de six ans, renouvelable une fois.

« En cas de vacance d'un siège du collège pour quelque cause que ce soit, il est procédé à son remplacement pour la durée du mandat à courir. Un mandat exercé pendant moins de deux ans n'est pas pris en compte pour l'application de la règle de renouvellement mentionnée ci-dessus.

« Le collège est renouvelé par moitié tous les trois ans.

« Art. L. 161-41. - La Haute autorité de santé dispose de services placés sous l'autorité d'un directeur nommé, après avis du collège, par le président de celui-ci.

« Sur proposition du directeur, le collège fixe le règlement intérieur des services et le cadre général des rémunérations applicables au personnel des services de la haute autorité.

« Le président du collège représente la haute autorité en justice et dans tous les actes de la vie civile. Il peut donner mandat à cet effet au directeur.

« Le personnel de la haute autorité est composé d'agents contractuels de droit public, de salariés de droit privé ainsi que d'agents de droit privé régis soit par les conventions collectives applicables au personnel des organismes de sécurité sociale, soit par un statut fixé par décret. Dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, des agents publics peuvent être placés auprès de la haute autorité dans une position prévue par le statut qui les régit.

« Les dispositions des articles L. 412-1, L. 421-1, L. 431-1 et L. 236-1 du code du travail sont applicables au personnel des services de la haute autorité. Toutefois, ces dispositions peuvent faire l'objet, par décret en Conseil d'Etat, d'adaptations rendues nécessaires par les conditions de travail propres à la haute autorité et les différentes catégories de personnel qu'elle emploie.

« Art. L. 161-42. - Les membres de la Haute autorité de santé, les personnes qui lui apportent leur concours ou qui collaborent occasionnellement à ses travaux ainsi que le personnel de ses services sont soumis, chacun pour ce qui le concerne, aux dispositions de l'article L. 5323-4 du code de la santé publique. Toutefois, ces dispositions peuvent faire l'objet, par décret en Conseil d'Etat, d'adaptations rendues nécessaires par les missions, l'organisation ou le fonctionnement de la haute autorité.

« Art. L. 161-43. - La Haute autorité de santé dispose de l'autonomie financière. Son budget est arrêté par le collège sur proposition du directeur.

« Les ressources de la haute autorité sont constituées notamment par :

« 1° Des subventions de l'Etat ;

« 2° Une dotation globale versée dans des conditions prévues par l'article L. 174-2 ;

« 3° Le produit des redevances pour services rendus, dont les montants sont déterminés sur proposition du directeur par le collège ;

« 4° Une fraction de 10 % du produit de la contribution prévue aux articles L. 245-1 à L. 245-6 ;

« 5° Le montant des taxes mentionnées aux articles L. 5123-5 et L. 5211-5-1 du code de la santé publique ;

« 6° Des produits divers, des dons et legs.

« Art. L. 161-44. - Les modalités d'application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d'Etat, notamment :

« 1° Les conditions dans lesquelles la Haute autorité de santé procède aux évaluations et émet les avis mentionnés à l'article L. 161-37 ;

« 2° Les critères d'évaluation des produits, actes ou prestations de santé. »

II. - Lors de la première constitution de la Haute autorité de santé, sont désignés par tirage au sort, à l'exception du président, quatre membres dont les mandats prendront fin à l'issue d'un délai de trois ans.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, sur l'article.

M. Gilbert Chabroux. Le titre 1er concernait la partie « médicale » de ce projet de loi.

Les articles que nous avons examinés se traduisent tous par des pénalisations, des sanctions. C'est un système contraignant, voire coercitif pour les patients que le Gouvernement veut mettre en place, l'objectif étant de creuser l'écart entre ce qu'ils déboursent et ce qu'on leur remboursera, les assurances complémentaires se voyant, de ce fait, ouvrir un plus large marché.

Il faut maintenant organiser le système pour qu'il fonctionne selon cette logique financière du déremboursement.

Tel est l'objet des articles que nous allons examiner et qui tendent à mettre en place la nouvelle gouvernance.

Le premier d'entre eux, l'article 19, vise à créer une Haute autorité de santé.

Si la mise en place d'une telle instance peut s'avérer intéressante - nous avons besoin d'une approche scientifique, je le reconnais - il est indispensable que son indépendance soit garantie à tous les niveaux de fonctionnement et que ses avis scientifiques ne portent que sur l'évaluation du service médical rendu, des produits, actes ou prestations, et non sur les conditions économiques de leur prise en charge.

Il convient de le préciser ici, bien que cela ait été fait à l'Assemblée nationale.

Il faut donc que cette Haute autorité ait le statut juridique d'autorité publique indépendante à caractère scientifique et soit dotée de la personnalité morale, qui est seule susceptible de lui assurer l'indépendance nécessaire à l'exercice de ses missions, au même titre qu'en sont dotées d'autres autorités incontestables, comme le CSA, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, la CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, ou l'Autorité des marchés financiers.

Il est, en effet, difficile d'envisager que les opérations boursières ou le domaine audiovisuel puissent bénéficier, pour leur régulation, d'une autorité indépendante de tous lobbies et que la santé en soit dispensée.

L'idée n'est donc pas forcément mauvaise, mais il y a des questions à se poser.

Ainsi, l'Autorité de régulation des télécommunications, qui revendique haut et fort son indépendance, si elle est surtout indépendante vis-à-vis du service public, l'est beaucoup moins envers les lois du marché et de la concurrence. Faut-il encore aller plus loin ? Faut-il apporter encore un certain nombre de précisions et de garanties ?

S'agissant des missions, nous refusons qu'une confusion puisse s'opérer entre les impératifs liés à la santé publique et les choix ou considérations économiques.

Cette clarification doit être très nette pour les affections de longue durée. Si la Haute autorité doit élaborer et valider les bonnes pratiques de soins pour ces pathologies, elle ne peut en aucun cas se prononcer sur les conditions particulières de leur prise en charge par l'assurance maladie. C'est bien à l'assurance maladie et à l'Etat de prendre leurs responsabilités sur le degré de prise en charge, l'expertise de la Haute autorité se bornant à dire ce qui est utile et bénéfique, superflu et néfaste, en termes de santé.

En revanche, il est de la compétence de cette autorité d'élaborer les normes médicales susceptibles d'améliorer la qualité des soins, de les valider, et de veiller à leur application. Cette compétence doit lui être propre et ne pas être laissée au champ de la négociation conventionnelle avec les professions de santé et à leur liberté d'y adhérer ou non.

Enfin, les actions relatives à l'éducation sanitaire doivent être soumises à cette autorité qui, du fait de son statut, pourra garantir une information et une pédagogie indépendantes de toutes pressions catégorielles ou économiques.

Il faut noter, pour la déplorer, l'exclusion des usagers des commissions de la Haute autorité, alors qu'ils sont les premiers concernés par les biens et les services évalués.

Nous savons pourtant que, depuis longtemps, les associations d'usagers contribuent à l'amélioration de la qualité du système de soins et de la promotion de son évaluation, notamment au travers des travaux de l'ANAES, l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, y compris en tant que membres du Conseil scientifique de cette agence.

Je poserai maintenant un certain nombre de questions concrètes.

Il faut s'interroger sur le financement de la Haute autorité : ne se prête-t-il pas à une confusion d'intérêts ?

Une telle instance peut-elle recevoir des subventions ?

La Haute autorité de santé a-t-elle des services à rendre à un autre interlocuteur que la collectivité ?

Doit-elle être rémunérée ponctuellement sur la base de services rendus ou, au contraire, de façon forfaitaire, ce qui lui garantirait une réelle indépendance de décision ?

Rien dans le texte n'exclut que les services rendus soient demandés par l'industrie des biens et services de santé !

Nous nous interrogeons donc sur la réalité de l'indépendance de la Haute autorité de santé, dans une telle situation.

Enfin, rien dans le projet de loi ne permet à la Haute autorité de santé de refuser d'exécuter des services qui lui seraient demandés par la même industrie des biens et services de santé !

Nous attendons donc un certain nombre de clarifications ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, sur l'article.

Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'article 19 ouvre, si l'on peut dire, la partie de ce projet de loi relative à la régulation de l'assurance maladie.

Il s'agit bien ici de régulation, à l'instar de ce que nous pouvons déjà voir à l'oeuvre ailleurs : des autorités indépendantes dotées de la personnalité juridique se trouvent dépositaires de l'essentiel du droit dans les domaines couverts par leurs champs de compétence.

Voilà donc une autorité publique de plus, comme il en existe pour les télécommunications, l'audiovisuel ou encore l'énergie.

L'observation que l'on peut formuler a priori c'est que l'existence d'une autorité publique indépendante, si elle permet de suivre avec le plus de précisions possible l'évolution législative et réglementaire du secteur - notamment dans le cadre du droit communautaire -, ne garantit en revanche en rien le respect des principes de service public pourtant inscrits dans notre bloc de constitutionnalité.

Avant toute chose, les autorités indépendantes posent une question de droit. Elles se trouvent en effet dépositaires d'une partie des pouvoirs normalement conférés au pouvoir exécutif et leur rôle de régulation confine bien souvent à imposer des modifications du cadre législatif ou réglementaire.

Comment ne pas interpréter ainsi nombre des initiatives prises, par exemple, par l'Autorité de régulation des télécommunications, dont les décisions portent, depuis maintenant huit ans, des coups réguliers à ce qui constitue encore l'opérateur historique de téléphonie, France Télécom ? Tout cela est fait évidemment au nom de la régulation du marché, en vertu des principes de libre concurrence, loyale et sincère.

Quelle est alors la portée de la mise en place d'une Haute autorité de la santé ?

Comment ne pas revenir ici sur la composition actuellement prévue pour le collège de la Haute autorité de santé : huit membres désignés par le Président de la République, les présidents de nos deux assemblées parlementaires et le président du Conseil économique et social ?

De fait, l'indépendance des décisions de la Haute autorité de santé ne proviendra, dans la réalité, que de la compétence de ses membres, non de leur mode de désignation, hautement politique par principe.

Le mandat des membres de la Haute autorité de santé sera exceptionnellement long, plus long d'ailleurs en général que celui des personnalités jouissant du droit de désignation ; de surcroît, ce mandat sera renouvelable.

En réalité, tout est fait pour que la Haute autorité de santé apporte une forme de caution scientifique aux choix qui seront opérés en matière de protection sociale, singulièrement d'assurance maladie, et qui n'auront d'ailleurs que peu à voir avec la science et beaucoup avec la logique comptable !

C'est en ce sens que nous sommes particulièrement circonspects sur la portée de cet article 19.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, sur l'article.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, lorsque l'on considère les quelques cent pages du projet de loi dans son état actuel, on est frappé par le nombre de décrets, en Conseil d'Etat ou non, qui sont prévus.

A cet égard, il serait bon de savoir si ces projets de décrets existent déjà ou combien de temps il faudra pour qu'ils soient pris.

On est également frappé par le nombre d'organismes qui sont créés et on se demande si cela permettra vraiment de réaliser des économies.

Il existe déjà l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux auprès duquel est créé l'Observatoire des risques médicaux. Il existe encore la Commission des comptes de la sécurité sociale, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, la Conférence nationale de santé et l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé. M. le secrétaire d'Etat vient de rappeler l'existence provisoire du Haut Conseil pour l'avenir de la sécurité sociale. Ce projet de loi ajoute la création du Conseil de l'hospitalisation, du Comité de la démographie médicale, du Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie et, enfin, de la Haute autorité de santé.

Il faudrait tout de même cesser de copier sur la Constitution de 1958 - qui ne me paraît pas une référence ! - pour créer des organismes prétendument indépendants, dont les membres sont désignés par le Président de la République, par le président de l'Assemblée nationale, par le président du Sénat ! Tout le monde sait que cela conduit à une politisation de ces organismes. Il n'est qu'à voir la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui varie suivant sa composition. C'est également valable pour le CSA ou d'autres organismes. Je me dois de dire que, en la matière, les responsabilités sont partagées.

Le Sénat pourrait proposer un autre système, surtout dans le cas présent ! En effet, les personnalités qui composeront cette instance doivent avoir des qualifications et des expériences dans les domaines de compétences de la Haute autorité de santé. Si ce n'est pas le cas, quel recours y a-t-il ? Aucun !

Les membres de l'Union centriste ont déposé sur cet article un amendement qui tend à instaurer un autre mode de nomination. Les membres de cette Haute autorité seraient désignés par les responsables des différentes Académies. Une telle méthode me paraît préférable.

Une autre méthode peut d'ailleurs être retenue : l'Assemblée nationale statuerait à une majorité des quatre cinquièmes,  de manière à prévoir une concertation réelle entre majorité et opposition pour choisir au vu et au su de la nation les personnalités présentant les qualités voulues ici.

Il est déjà suffisamment d'organismes qui permettent de mettre en place les battus du suffrage universel !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ah !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'est qu'à voir toutes les nominations qui sont intervenues pour recaser les membres du Gouvernement Raffarin I et il n'est pas besoin d'en rajouter encore !

Je me permets d'insister tant sur l'intérêt de l'amendement qui nous sera présenté tout à l'heure que sur la possibilité de rechercher, en commission mixte paritaire, une solution qui permette de garantir la compétence et l'indépendance des membres de cette Haute autorité.

Une autre méthode - elle est un peu difficile, j'en conviens - serait de faire désigner à une majorité très qualifiée les membres de la Haute autorité de santé par l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ou par l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce serait aussi une solution.

En tout état de cause, vous avez recopié une méthode, même si vous associez le président du Conseil économique et social aux autres personnalités désignant les membres de la Haute autorité de santé. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'anomalie constituée par le Sénat joue là aussi, puisque la droite est sûre d'être représentée et qu'il faut un certain temps avant que n'aient lieu les alternances.

Vous devez donc avoir conscience - vous nous l'avez dit d'ailleurs pour l'ensemble de ces lois - de la nécessité d'un accord entre la majorité et l'opposition pour qu'un organisme de ce genre soit vraiment indépendant, sans parler de son autonomie financière.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la création de la Haute autorité de santé pose en fin de compte une question de philosophie politique et une question institutionnelle de grande ampleur.

Je rejoins tout à fait ce qu'ont dit mes collègues Gilbert Chabroux et Michel Dreyfus-Schmidt. Faut-il continuer à cloner le Conseil constitutionnel ? Faut-il que, dans nos institutions, au Président de la République, au Gouvernement, au Parlement, au pouvoir judiciaire, dont les compétences sont clairement définies, viennent s'ajouter un grand nombre d'instances parapolitiques, qui, d'une façon ou d'une autre, émanent des précédentes et dont on ne voit pas très bien pourquoi elles seraient désignées de la façon que vous proposez ?

Monsieur le secrétaire d'Etat, deux logiques s'opposent.

Premièrement, on est dans la politique : le Président de la République est un élu, certes un élu tout à fait éminent ; le Sénat a une majorité politique, l'Assemblée nationale aussi. Ce système, s'il est privilégié, risque d'aboutir à des situations où ces organismes seraient, c'est sûr, trop déséquilibrés dans leur mode de représentation.

Deuxièmement, si l'on est toujours dans la politique, il faut adopter l'une des solutions préconisées par Michel Dreyfus-Schmidt, c'est-à-dire veiller au pluralisme dans les nominations. Ce n'est pas le cas avec le dispositif que vous proposez.

Je souhaiterais que vous nous expliquiez votre position, monsieur le secrétaire d'Etat. S'agissant de la Haute autorité de santé, il ne me semble pas justifié d'en faire désigner les membres par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat, le président du Conseil économique et social, parce que cette instance a pour première prérogative d'évaluer périodiquement le « service attendu des produits, actes ou prestations de santé ».

Pour avoir la capacité de juger de l'efficacité d'un médicament ou d'un acte de santé, il n'est pas nécessaire, selon moi, d'être désigné par le Président de la République ou par le président du Sénat. Je ne doute pas de la haute qualité scientifique des personnalités qu'ils nommeront.

Monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi ne pas dire franchement qu'il s'agit d'une instance scientifique, qui procède de l'indépendance de la science ? Beaucoup d'instances scientifiques - académies, universités, organismes de recherche - sont, dans notre pays,  susceptibles de désigner en toute indépendance des personnalités qui ne seront membres de cette instance qu'en vertu de leurs qualités scientifiques.

Je ne comprends pas pourquoi vous refusez cette voie. Je vous serais donc reconnaissant de bien vouloir nous l'expliquer ou nous dire si vous seriez favorable aux amendements qui tendraient à conférer un statut scientifique à la nomination des membres de cette autorité.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, sur l'article.

M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais ajouter ma voix à ce concert sur la Haute autorité de santé et poser à M. le secrétaire d'Etat deux questions.

Je ne conteste pas le procédé de nomination. Au contraire, je considère que, dans un système démocratique, la qualification des personnes est plus importante que leurs appartenances politiques.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !

M. Jean-Pierre Fourcade. Suggérer un subtil dosage entre majorité et opposition, sur un sujet aussi important, c'est faire de la politique politicienne. Cela ne m'intéresse pas !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !

M. Jean-Pierre Fourcade. Première question : la Haute autorité de santé sera-t-elle chargée de mettre un peu d'ordre dans le paysage des agences ? Le Sénat a en effet été le premier à créer la première agence, il y a un certain nombre d'années. En effet, le gouvernement hésitait alors à se lancer dans cette voie. Il a depuis été largement suivi par tous les gouvernements successifs et de nombreuses agences existent maintenant.

La Haute autorité aura-t-elle un droit de contrôle et de proposition pour « reformater » les agences et éviter la dispersion ?

Seconde question : monsieur le secrétaire d'Etat, envisagez-vous à terme que le corps de contrôle médical, que nous évoquerons ultérieurement, dépende directement de la Haute autorité qui élaborerait sa charte d'intervention et superviserait le concours de recrutement de ses contrôleurs ? Si tel était le cas, nous aurions progressé et nous disposerions, en matière d'organisation de l'assurance maladie, d'un mécanisme solide qui permettrait d'envisager de réaliser dans cinq ou dix ans des progrès considérables.

(M. Serge Vinçon remplace M. Adrien Gouteyron au fauteuil de la présidence.)