PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'évoquerai d'abord la politique énergétique de la France.

Dès les années soixante-dix, notre pays, qui ne dispose pas de ressources énergétiques fossiles importantes, a eu le souci de bâtir une politique énergétique garantissant son indépendance énergétique. En particulier, il a engagé un programme électronucléaire ambitieux, qui l'a en très grande partie mis à l'abri des chocs pétroliers. Les résultats sont bien connus : le taux de couverture de nos besoins énergétiques est aujourd'hui de plus de 50 %, contre 24 % en 1973 ; plus de 78 % de notre production électrique est d'origine électronucléaire.

Les récentes évolutions des cours du pétrole ont naturellement montré toute l'actualité de cette politique. Ainsi, les tensions sur les marchés pétroliers font peser un risque sur la reprise économique mondiale, mais, de ce point de vue, notre pays est mieux préparé que d'autres. Les hausses sont essentiellement dues au maintien de divers risques géopolitiques dans les pays producteurs - en Iraq, au Nigeria, au Venezuela - et, concomitamment, à la quasi-disparition des surcapacités de production pétrolière, en raison d'une exceptionnelle croissance mondiale de la demande - 3,3 % en 2004 -, en particulier en provenance de la Chine, avec en prime des problèmes de fret. Ces hausses résultent aussi de l'insuffisance des investissements dans la production pétrolière, rendant de ce fait très faible l'élasticité entre l'offre et la demande, ainsi que de certains goulets d'étranglement dans le raffinage. Tous ces facteurs se cumulent.

Des investissements importants ont été réalisés à la suite de cette crise, mais avec un certain retard. A terme, je ne doute pas qu'ils produiront des effets.

Le Gouvernement s'est préoccupé de cette situation de crise sur les prix dès 2003 en lançant un vaste débat sur la politique de l'énergie. Trois décisions importantes ont été prises.

Première décision : un projet de loi d'orientation sur l'énergie a été élaboré, afin d'intégrer non seulement les préoccupations concernant la maîtrise des consommations d'énergie, mais aussi le développement d'une offre diversifiée s'appuyant en priorité sur les filières de production d'énergie sans émission de gaz à effet de serre. Il s'agit d'abord de l'énergie nucléaire, mais aussi, en complément, des énergies renouvelables, qui peuvent constituer un appoint important.

Pour ce qui est de ce projet de loi d'orientation sur l'énergie, madame Demessine, messieurs Détraigne et Raoul, je vous précise qu'il sera examiné en deuxième lecture à la fin du mois de mars. Je réponds ainsi, d'une certaine manière, à MM. Poniatowski et Revol qui, s'ils ne se sont pas exprimés avec autant de vivacité que vous, ont tout de même abordé le sujet de manière induite.

Comme vous l'avez rappelé, monsieur Raoul, le Gouvernement ayant renoncé à déclarer l'urgence sur ce texte, nous aurons l'occasion d'en débattre de nouveau.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. La deuxième décision importante qui a été prise par le Gouvernement est la modification du statut d'EDF et de Gaz de France, dans la continuité de la transposition des directives communautaires sur l'ouverture du marché de l'électricité, afin de donner les moyens à nos opérateurs historiques de devenir des « énergéticiens » sur le plan européen.

Madame Demessine, vous référant aux déclarations de Mario Monti, homme pour lequel vous et vos collègues de l'opposition devez avoir beaucoup d'admiration puisque vous le citez souvent, vous avez indiqué que la Commission européenne ne demandait pas le changement de statut de ces opérateurs.

M. Daniel Raoul. Il l'a dit ici même !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Effectivement ! Mais ce qu'a dit M. Monti, c'est que la Commission européenne demandait non pas le changement de statut, mais la disparition des avantages que conférait le statut.

Or conserver ce statut sans les avantages qu'il confère n'a aucun sens. Par conséquent, on ne peut pas se prononcer pour la disparition de ce qui constitue l'essence du statut tout en souhaitant le maintien dudit statut.

Mme Michelle Demessine. C'est un Normand !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur Raoul, vous êtes trop subtil pour avoir pu considérer que EDF et GDF pouvaient rester des EPIC en leur retirant toutes les caractéristiques que le droit public confère en principe à ces établissements.

Nécessairement, la Commission européenne, sans le dire, mais de fait, nous a obligés à changer le statut de ces deux opérateurs.

M. Daniel Raoul. Bravo l'artiste !

M. Roland Courteau. C'est très subtil !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le simple raisonnement juridique permet de comprendre qu'il est impossible de modifier les qualités essentielles d'un corps sans en changer la nature.

M. Roland Courteau. Relisez les déclarations de Mario Monti !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Même les physiciens le savent ! Etant vous-même un scientifique, monsieur Raoul, je ne doute pas que cette approche puisse vous convaincre !

M. Daniel Raoul. Un jour ou l'autre, peut-être !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Madame Demessine, le changement de statut, pour des raisons tenant notamment au respect de la directive, présente aussi quelques avantages.

Tout d'abord, cela donne la possibilité de recourir au marché des capitaux pour procéder aux investissements nécessaires, afin d'augmenter les capacités, donc de bénéficier d'une sécurité d'approvisionnement. Ensuite, cela permet de garantir la réciprocité sur le marché européen. Si nous voulons investir sur les marchés européens, comme c'est le cas actuellement pour EDF sur le marché italien, d'autres entreprises européennes doivent pouvoir se tourner vers le marché français. L'ouverture du capital d'EDF est donc une opportunité à ne pas manquer. Enfin, il s'agit d'une condition pour pouvoir investir dans les autres pays, au regard même du droit européen.

La troisième décision a été le lancement effectif de l'EPR, réacteur nucléaire de troisième génération, qui a été trop longtemps différé..

M. Daniel Raoul. Ça y est ! C'est reparti !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... et que certains, ici,...

M. Roland Courteau. « Certains », c'est exact !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... pas tous, n'ont même pas voulu voter : ils ont fait de grandes déclarations sur la nécessité de garantir la sécurité d'approvisionnement, tout en voulant nous priver des moyens de l'obtenir.

M. Daniel Raoul. Il n'y avait pas le feu !

M. Henri Revol. Mais si !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Tout à l'heure, j'ai entendu M. Revol nous dire que nous étions menacés, à moyen terme, d'une réelle pénurie.

Ces décisions ouvrent la voie à une nouvelle politique énergétique, soucieuse d'assurer tout autant notre indépendance énergétique qu'un développement durable, en limitant les rejets de CO2 et en faisant la promotion des énergies renouvelables.

La hausse des prix du pétrole rend ces énergies de remplacement plus compétitives et incite à faire des investissements destinés à réaliser des économies d'énergie.

Certes, nous sommes encore loin du niveau constaté lors du second choc pétrolier, au cours duquel le baril de pétrole avait atteint 80 dollars en dollars constants.

M. Daniel Raoul. C'est vrai !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. En outre, la force de l'euro a partiellement compensé la croissance des prix depuis 2002. Cela étant, les prix des carburants en France atteignent aujourd'hui des montants proches de ceux qui ont été constatés en 2000, en euros constants.

La hausse des prix du pétrole est appelée à perdurer en tendance lourde, eu égard à l'augmentation inéluctable de la demande mondiale, due notamment à la croissance des grands pays consommateurs d'Asie - la Chine et l'Inde -, à mesure que la production va s'infléchir.

Il est donc essentiel d'agir sur la demande et de faire en sorte que cette croissance inévitable des consommations soit maîtrisée.

D'ailleurs, l'évaluation, à terme, du prix du baril de pétrole donne une indication sur la tendance lourde : à un an, ce prix est estimé à environ 35 dollars ; il y a quelque temps, le prix naturel était plutôt évalué entre 25 dollars et 26 dollars, soit une différence de 10 dollars par baril.

J'en viens au projet de loi d'orientation sur l'énergie, qui a été le premier élément de notre politique. Construit autour des axes majeurs de la politique énergétique, ce projet retient des objectifs ambitieux.

Premièrement, la réduction de 2 % par an, d'ici à 2015, de l'intensité énergétique finale, c'est-à-dire le rapport entre la consommation d'énergie et la croissance économique.

Deuxièmement, la réduction de 3 % par an des émissions de gaz à effet de serre, afin de diviser par quatre ces émissions d'ici à 2050.

Troisièmement, une production intérieure d'électricité d'origine renouvelable à hauteur de 21 % de la consommation en 2010, contre 14 % actuellement, soit une amélioration de 50 %.

M. Roland Courteau. Il y a beaucoup à faire !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. J'y reviendrai !

Quatrièmement, le développement des énergies renouvelables thermiques, pour permettre, d'ici à 2010, une hausse de 50 % de la production de chaleur d'origine renouvelable.

Cinquièmement, l'incorporation de biocarburants et autres carburants renouvelables à hauteur de 2 % d'ici au 31 décembre 2005, et à hauteur de 5,75 % d'ici au 31 décembre 2010.

M. Roland Courteau. Ce n'est pas beaucoup !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité renforcer le dispositif existant, pour atteindre les objectifs précédemment fixés par la directive.

Avec le plan biocarburant annoncé en 2004 par le Premier ministre, il a été décidé de tripler la capacité de biocarburants agréés d'ici à 2007, soit 320 000 tonnes pour la filière éthanol et 480 000 tonnes pour la filière esther, d'où un taux d'incorporation de 3 % à l'horizon 2007.

Le lancement des appels d'offres correspondants sur la période 2005-2007 permettra aux professionnels du secteur de planifier leurs investissements dans les capacités de production.

Si, à ce jour, l'augmentation des capacités n'est pas programmée pour la période 2007-2010, nous sommes tout de même en bonne voie de tenir l'objectif de 5,75 % en 2010.

M. Roland Courteau. C'est un premier pas !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il importe également d'encourager le développement des énergies renouvelables thermiques, c'est-à-dire le bois-énergie, le biogaz, la géothermie, le solaire thermique, afin de les substituer aux énergies fossiles.

A force de nous flageller, nous oublions que notre pays est le premier producteur européen d'énergies renouvelables, avec 17 millions de tonnes équivalent pétrole, pour une consommation totale de 260 millions de tonnes équivalent pétrole.

M. Roland Courteau. Grâce à l'hydraulique !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Effectivement !

Le projet de loi d'orientation sur l'énergie contient également une série de propositions, dont la mise en service d'un réacteur nucléaire de conception plus récente, l'EPR. M. Revol a eu raison de le souligner : cela ne compensera pas le handicap en termes de compétitivité nucléaire internationale et en termes d'approvisionnement que notre pays a subi avec l'arrêt de Superphénix.

Par ailleurs, la France attribue une grande importance à sa sécurité d'approvisionnement en électricité. Le changement de statut d'EDF a facilité cette sécurité. Vous qui le regrettiez, monsieur Raoul, je vous précise que l'ouverture du marché de l'électricité résulte d'une directive de 1998, qui a été transposée par la loi du 10 février 2000.

M. Jean-Pierre Bel. Vous n'allez pas recommencer !

M. Daniel Raoul. Vous oubliez Barcelone !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il est donc inutile de déplorer les conséquences de ses actes ! Il faut vivre avec !

M. Roland Courteau. Nous avons rectifié de nombreuses fois !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Oui, mais vous l'avez répété aujourd'hui !

M. Jean-Pierre Bel. Vous n'écoutez pas !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Vous déplorez toujours les conséquences des décisions que vous avez prises !

M. Jean-Pierre Bel. C'est trop facile !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est d'ailleurs généralement votre habitude : vous devenez plus réalistes quand vous revenez au pouvoir, même si ce n'est pas une raison suffisante pour souhaiter ce retour ! Par conséquent, quand vous êtes dans l'opposition, vous devriez songer au jour où - peut-être, par hasard, en tout cas le plus tard possible ! -, vous reviendrez au pouvoir.

M. Roland Courteau. Cela pourrait arriver bientôt !

M. Daniel Raoul. Je constate que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. En tout cas, vous devriez essayer d'anticiper ce retour en adoptant des positions cohérentes.

En matière de production, et parallèlement à l'exercice de bilan prévisionnel mené tous les deux ans par le gestionnaire du réseau de transport, la programmation pluriannuelle des investissements, la PPI, prévue par la loi du 10 février 2000, permet d'identifier les besoins de production à court et moyen terme en ce qui concerne tant la production à partir d'énergie nucléaire que la production à partir d'énergies renouvelables.

L'article 8 de la loi du 10 février 2000 permet au Gouvernement de lancer des appels d'offre pour la création de capacités si des menaces pèsent sur l'équilibre entre l'offre et la demande ou si les investissements spontanés ne répondent pas aux objectifs de la programmation pluriannuelle.

Ainsi, à la suite de la PPI réalisée en 2002, un appel d'offres a été lancé en décembre 2003 pour la réalisation, avant le 1er janvier 2007, de centrales de production d'électricité à partir de biomasse ou de biogaz pour une capacité totale de 250 mégawatts. J'ai finalement retenu quatorze projets biomasse, pour une puissance de 216 mégawatts, et un projet biogaz, pour une puissance de 16 mégawatts.

Cet appel d'offres permettra de réaliser des projets ambitieux, avec de forts impacts locaux : plusieurs centaines d'emplois seront créées dans les centrales elles-mêmes et dans les filières d'approvisionnement.

D'autres appels d'offres concernant l'énergie éolienne terrestre, pour 500 mégawatts, et l'énergie éolienne offshore, pour 500 mégawatts également, ont été lancés en 2004 et sont en cours de dépouillement. Leurs résultats seront notifiés dans le courant de cette année.

L'énergie éolienne et la biomasse font en effet partie des filières à privilégier pour atteindre les objectifs que la France s'est fixés, c'est-à-dire une consommation d'électricité renouvelable à hauteur de 21 % de la consommation intérieure d'électricité en 2010.

M. Roland Courteau. Elle n'y arrivera pas !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Parmi toutes les énergies renouvelables, l'énergie éolienne apparaît comme l'une des plus compétitives économiquement. En effet, dans son étude menée sur les coûts de référence, la Direction générale de l'énergie et des matières premières estime que le coût de production à partir des éoliennes devrait atteindre, en 2015, un niveau comparable à celui d'un cycle combiné à gaz, voire inférieur si le coût du gaz restait durablement élevé.

Le programme actuel de développement des énergies renouvelables fixe une puissance à atteindre avec des parcs éoliens de 2 000 à 6 000 mégawatts d'ici à 2007, dont 500 à 1 500 mégawatts en mer. C'est dans cet esprit que les appels d'offres que j'ai cités ont été lancés.

S'agissant de l'acceptation de l'énergie éolienne par la population, le Gouvernement a le souci de concilier le développement de cette énergie avec l'intérêt des riverains et le respect des paysages. Cet objectif a d'ailleurs donné lieu à la circulaire aux préfets du 10 septembre 2003, qui établit clairement le cadre dans lequel l'énergie éolienne doit se développer, à savoir dans le respect de l'environnement local et en pratiquant une concertation approfondie avec les collectivités locales et la population. L'enquête publique obligatoire pour les projets de puissance supérieure à 2,5 mégawatts doit en être le support. A cet égard, la France s'est dotée depuis 2002 d'une réglementation parmi les plus complètes en Europe.

Quant à la production d'électricité solaire d'origine photovoltaïque, les conditions économiques envisageables au cours des dix prochaines années ne peuvent permettre à cette technologie de prendre une place réellement significative au sein du bouquet énergétique national.

C'est cependant la filière « énergies renouvelables » qui bénéficie du plus fort potentiel de progrès en termes d'efficacité énergétique, de capacité d'intégration aux bâtiments et de coût. Le Gouvernement s'attache donc à lui donner les moyens de réaliser ce potentiel. Il s'agit d'un enjeu industriel et énergétique de long terme.

La France possède un tissu industriel de grande qualité sur ce segment, qui résulte de sa politique passée dans ce domaine, tout particulièrement sur les applications non connectées au réseau.

Enfin, les travaux d'élaboration d'une nouvelle PPI à l'horizon de 2015 ont débuté. Ils permettront non seulement de fixer de nouveaux objectifs à atteindre en termes d'énergies renouvelables, mais également de traiter la question du renouvellement du parc thermique et d'inclure la mise en service du démonstrateur EPR pour 2012.

M. Raoul a suggéré que les « électro-intensifs » participent au financement de l'EPR. Pourquoi pas ? Mais pas seulement : il est tout à fait envisageable de les faire contribuer au financement d'autres capacités de production.

En ce qui concerne les réseaux de transport et de distribution d'électricité, le développement des infrastructures sur le long terme est encadré par le schéma de développement, qui recense les contraintes susceptibles d'apparaître à un horizon de quinze ans sur le réseau public de transport français.

La question de la sécurité d'approvisionnement se pose toutefois en des termes européens au niveau des réseaux interconnectés.

Ainsi, en décembre 2003, la Commission européenne a proposé un projet de directive relative à la sécurité d'approvisionnement. Ce projet contient plusieurs dispositions : définition du rôle et des responsabilités des gestionnaires de réseau de transport et des fournisseurs ; établissement et respect de normes de performance pour les gestionnaires de réseau de transport et de distribution ; maintien de l'équilibre entre l'offre et la demande ; développement des interconnexions et meilleure coordination des prévisions d'investissement.

Les travaux du Conseil, notamment sous l'impulsion française, ont permis des évolutions significatives de ce projet, qui prévoit en particulier la réalisation d'un bilan prévisionnel de l'équilibre entre l'offre et la demande au niveau européen, le renforcement du rôle des gestionnaires de réseau en période de crise, ou encore la mise en place de mécanismes de marchés visant à assurer en permanence un niveau suffisant de capacités de production.

Enfin, la France a proposé la création d'un groupe de travail sur ces différents mécanismes, afin de promouvoir la réalisation de nouveaux investissements en production. J'ai écrit en ce sens à mon homologue néerlandais, M. Laurens Jan Brinkhorst, alors président du Conseil.

Selon la position française, une meilleure sécurité d'approvisionnement en électricité passe, certes, par une meilleure coordination des réseaux et par un renforcement des interconnexions, mais aussi, et surtout, par une augmentation des capacités de production d'électricité, pour laquelle le simple jeu du marché ne suffit pas. Des mécanismes d'incitation sous la responsabilité des pouvoirs publics doivent donc pouvoir être utilisés. (M. Daniel Raoul s'exclame.)

En ce qui concerne les perspectives à très long terme de la filière électrique, le projet ITER vise à démontrer la faisabilité scientifique de l'énergie de fusion par confinement magnétique pour la production d'électricité. Outre le fait que le combustible est abondant sur la terre, la production de déchets est réputée faible. Les partenaires de ce projet international sont actuellement la Chine, la Russie, le Japon, les Etats-Unis, la Corée du Sud et l'Union européenne.

Les négociations sur ITER, conduites par la Commission européenne, n'ont pas encore permis d'aboutir à un consensus complet s'agissant du site d'accueil du projet.

Lors du Conseil « compétitivité » du 26 novembre 2004, les Etats membres ont approuvé une modification du mandat dont dispose la Commission pour négocier avec les partenaires internationaux, prévoyant la construction d'ITER à Cadarache et privilégiant l'option à six partenaires, mais ouvrant la possibilité d'une option à trois partenaires - la Chine, la Russie et l'Union européenne - s'il apparaissait qu'aucune issue rapide n'est possible.

L'objectif est une signature de l'accord international pour la mi-2005. Il s'agit donc, pour le commissaire européen Janez Potocnik, de tenter de rallier le Japon, les Etats-Unis et la Corée au principe d'une mise en oeuvre du projet en France.

L'Etat français appuie fortement la Commission dans ses démarches. La construction d'ITER à Cadarache est un objectif majeur pour le Gouvernement ; elle a été décidée lors de la réunion des ministres du 30 janvier 2003 et confirmée par le Premier ministre le 29 octobre 2003 devant l'Assemblée nationale. Le Commissariat à l'énergie atomique, dont j'assure la tutelle conjointement avec mes collègues de la défense et de la recherche, est très impliqué dans ce projet.

Nous privilégions un partenariat le plus large possible. Les Etats-Unis comme le Japon sont de grands pays, notamment pour ce qui concerne l'énergie et les technologies. Leur concours à cette aventure sera donc très précieux. Mais on ne peut différer les travaux des scientifiques.

En outre, la discussion au sein de l'Union sur le septième programme cadre de recherche et développement aura lieu cette année. Les décisions à prendre seront très structurantes pour les prochaines années. Les atouts reconnus de Cadarache, en particulier en matière de réglementation nucléaire, de sismicité, d'encadrement scientifique et de qualité de vie, désignent naturellement ce site comme lieu d'implantation. II convient donc d'enclencher le processus.

Plusieurs d'entre vous, notamment M. Poniatowski, ont évoqué la question de l'approvisionnement en gaz. Celui-ci repose majoritairement sur des contrats d'approvisionnement de la société Gaz de France. Ce sont, pour l'essentiel, des contrats dits de long terme d'une durée supérieure à dix, voire à quinze ans, qui assurent à notre pays des approvisionnements sûrs et diversifiés.

Il s'agit de gaz provenant, dans des proportions quasi égales, des pays fournisseurs traditionnels que sont l'Algérie, la Norvège et la Russie, mais aussi des Pays-Bas et du Royaume-Uni. Les nouvelles sources d'approvisionnement envisageables se situent dans les pays situés au sud de l'Europe, tels l'Egypte, le Qatar, l'Iran, la Libye et le Nigeria, avec lesquels Gaz de France tente de nouer des partenariats.

Cette démarche est essentielle pour éviter que la France ne soit dépendante de la Russie pour son approvisionnement en gaz. Selon les prévisions de l'Agence internationale de l'énergie, la dépendance de l'Europe à l'horizon de 2030 est évaluée à hauteur de 70 %. M. Revol a d'ailleurs souligné les risques d'une telle situation.

Les contrats d'approvisionnement de long terme en matière gazière ont effectivement fait l'objet de longues discussions avec la Commission européenne, qui souhaitait les supprimer. Elle a finalement reconnu leur importance, tant pour garantir les projets de développement concernant le gaz, qui sont très coûteux, que pour assurer la sécurité de l'approvisionnement des pays consommateurs. Nous nous en réjouissons !

Par ailleurs, comme vous l'avez souligné, la mise en service du terminal de Fos 2 dès 2007 sera un élément de nature à renforcer considérablement la sécurité d'approvisionnement de notre pays. En effet, ce terminal recevra notamment du gaz en provenance d'Egypte. Le contrat porte sur une quantité de gaz de 3,6 millions de tonnes par an pendant vingt ans, à partir de 2005.

Ce nouveau terminal sera suffisant pour satisfaire les besoins de la France. Cependant, sur le plan européen, la construction de nouveaux terminaux méthaniers devrait être envisagée. La France pourrait dès lors accueillir ces nouveaux investissements.

Enfin, la politique de développement des ressources propres conduite par Gaz de France, que je soutiens pleinement, vise à détenir, à la fin de l'année 2006, des réserves de gaz permettant de produire 15 % des ventes de gaz constatées. L'entreprise atteint à ce jour un ratio de couverture d'environ 10 % et continue à prendre des participations en amont dans des champs gaziers.

Je tiens enfin à souligner que, dans un contexte d'ouverture du marché gazier à la concurrence, la France a, en application des directives européennes de libéralisation du secteur, mis un terme, par la loi du 3 janvier 2003, au monopole d'importation de Gaz de France. Elle a également instauré, de manière concomitante, un nouveau système d'autorisation ministérielle de fourniture de gaz, qui permet toutefois à l'Etat de continuer de veiller à la sécurité d'approvisionnement du pays.

Ainsi, la délivrance d'une autorisation de fourniture de gaz est conditionnée à la satisfaction de conditions économiques, techniques et financières précises de la part du demandeur.

S'agissant du développement des infrastructures de transport de gaz, il est nécessaire de désengorger le sud de la France. Deux projets sont actuellement à l'étude, impliquant Gaz de France et Total, les deux opérateurs de transport de gaz sur le territoire français.

La future PPI en matière gazière, prévue par l'article 18 de la loi du 3 janvier 2003, devrait permettre de finaliser le projet et de planifier précisément l'investissement correspondant.

La France est également soucieuse d'améliorer les interconnexions gazières avec ses voisins. Dans cette perspective, les gouvernements français et espagnols ont mis en place en 2003 un groupe de travail bilatéral chargé de travailler sur ce dossier spécifique. Un nouveau gazoduc via le pays basque et dont les travaux viennent de démarrer permettra, dès 2006, de relier le réseau de transport français appartenant au groupe Total, la société TIGF, au terminal méthanier de Bilbao. Ce projet a reçu le soutien de l'Union européenne.

En conclusion, je répondrai aux interrogations portant sur les infrastructures gazières.

La sécurité de l'approvisionnement en gaz ne passe pas par la propriété des installations, qu'il s'agisse des terminaux GNL, des méthaniers ou des canalisations de transport. En effet, ces équipements constituent des facilités essentielles qui doivent, par définition, être accessibles aux tiers. La multiplicité des opérateurs et des investissements est une garantie supplémentaire de la sécurité des approvisionnements. Il faut donc s'en réjouir et non le déplorer.

M. Daniel Raoul. L'un n'empêche pas l'autre !

M. le président. En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

6

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. Philippe Marini une proposition de loi instituant la fiducie.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 178, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.