sommaire

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

1. Procès-verbal

2. Communication relative à une commission mixte paritaire

3. Retrait de l'ordre du jour d'une question orale

4. Conseil des prélèvements obligatoires. - Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission (Ordre du jour réservé.)

Discussion générale : MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances, rapporteur ; Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire ; Jean-Jacques Jégou, Mme Marie-France Beaufils, M. Joël Bourdin, Mme Nicole Bricq.

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

MM. André Lardeux, le rapporteur.

Clôture de la discussion générale.

Article unique

Amendement no 1 de M. Marc Massion. - Mme Nicole Bricq, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Marc Massion. - Rejet.

Amendement no 2 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur. - Adoption.

Mmes Marie-France Beaufils, Nicole Bricq.

Adoption de l'article unique modifié de la proposition de loi.

5. Indépendance énergétique de la France. - Discussion d'une question orale avec débat (Ordre du jour réservé.)

MM. Ladislas Poniatowski, auteur de la question ; Yves Détraigne, Mme Michelle Demessine, MM. Daniel Raoul, Henri Revol.

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie.

Clôture du débat.

6. Dépôt d'une proposition de loi

7. Dépôt d'une proposition de résolution

8. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

9. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

COMMUNICATION RELATIVE À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

3

RETRAIT DE L'ORDRE DU JOUR D'UNE QUESTION ORALE

M. le président. J'informe le Sénat que la question n° 638 de M. Bernard Piras est retirée de l'ordre du jour de la séance du mardi 15 février 2005, à la demande de son auteur.

4

 
Dossier législatif : proposition de loi tendant à créer un Conseil des prélèvements obligatoires
Discussion générale (suite)

Conseil des prélèvements obligatoires

Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission

(Ordre du jour réservé)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à créer un Conseil des prélèvements obligatoires
Art. unique (début)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de M. Jean Arthuis, fait au nom de la commission des finances, sur la proposition de loi de MM. Jean Arthuis et Philippe Marini tendant à créer un Conseil des prélèvements obligatoires (nos 168, 143).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui effectue en quelque sorte un retour devant notre assemblée puisque, comme chacun s'en souvient ici, nous avions adopté, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2005, une disposition tendant à créer un conseil des prélèvements obligatoires, le CPO, en remplacement du Conseil des impôts.

Cette création avait été proposée par la commission des finances, sur l'initiative de son président et de son rapporteur général. Le Gouvernement avait fait part de son plein et entier accord sur cette proposition, qui comportait deux innovations principales, à savoir l'élargissement du champ d'analyse et de la composition de ce conseil, huit personnalités qualifiées désignées en fonction de leur expérience étant adjointes aux huit magistrats et hauts fonctionnaires siégeant au Conseil des impôts.

Le texte proposé par le Sénat a été approuvé par la commission mixte paritaire, celle-ci n'ayant apporté que des aménagements de caractère purement formel.

La disposition en cause a été déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel pour des raisons de forme, au motif que le conseil des prélèvements obligatoires ne contribuerait pas de façon exclusive à l'information et au contrôle du Parlement sur les finances publiques.

Votre président et votre rapporteur général ont donc déposé une proposition de loi reprenant intégralement le texte adopté par le Parlement, dans sa rédaction issue de la commission mixte paritaire.

La commission des finances vous propose par conséquent, mes chers collègues, d'adopter à nouveau ce texte dans sa rédaction retenue par la commission mixte paritaire, sous réserve de modifications de caractère purement rédactionnel, comme j'aurai l'occasion de le préciser.

Sur un plan formel, la proposition de loi est constituée d'un article unique créant un nouveau titre, le titre V, dans le livre III du code des juridictions financières, composé des articles L. 351-1 à L. 351-13.

L'objectif est d'avoir une vision complète du niveau des prélèvements obligatoires, c'est-à-dire, d'une part, des impôts et taxes perçus par l'Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale, et, d'autre part, de l'ensemble des cotisations obligatoires collectées au profit des institutions de protection sociale. Le niveau global de l'ensemble de ces prélèvements devrait atteindre 43,7 % du produit intérieur brut en 2005, si l'on en croit vos prévisions, monsieur le ministre.

La proposition de loi aurait donc pour objet de créer une seule institution chargée d'apprécier l'évolution des prélèvements, qu'il s'agisse des impôts nationaux ou des prélèvements obligatoires.

A cet effet, le Conseil des impôts, qui pourra poursuivre ses travaux en cours, serait remplacé, à compter du 1er octobre 2005, par un conseil des prélèvements obligatoires dont la composition serait étoffée et diversifiée au lieu de se limiter à la seule fonction publique. Notez bien, mes chers collègues, qu'une nouvelle institution ne vient pas s'ajouter à une institution existante : le conseil des prélèvements obligatoires se substituera au Conseil des impôts.

Cette nouvelle institution, présidée, comme l'actuel Conseil des impôts, par le Premier président de la Cour des comptes, serait composée de huit magistrats et fonctionnaires et de huit personnalités qualifiées, choisies pour leur expérience professionnelle.

Les magistrats et fonctionnaires seraient un membre du Conseil d'Etat, un magistrat de l'ordre judiciaire, un magistrat de la Cour des comptes, un inspecteur général des finances, un inspecteur général des affaires sociales, un inspecteur général de l'INSEE et deux professeurs d'université.

Les personnalités qualifiées, choisies pour leur expérience professionnelle hors de la sphère publique, seraient nommées à raison de deux par le président de l'Assemblée nationale, après avis, respectivement des commissions des finances et des affaires sociales,  deux par le président du Sénat, après avis respectivement des commissions des finances et des affaires sociales, une par le président du Conseil économique et social, une par le ministre chargé des finances, et une par le ministre chargé des affaires sociales.

En outre, par rapport au texte initial, la commission des finances vous propose d'adjoindre une personnalité qualifiée désignée par le ministre chargé de l'intérieur afin de bien souligner que le conseil des prélèvements obligatoires devra aussi se préoccuper des impôts locaux.

Si ce Conseil devait être créé, mes chers collègues, je serais amené à vous proposer que la commission des finances du Sénat soit consultée sur le choix du représentant désigné par le président du Sénat ; elle se prononcerait alors après avoir entendu la ou les personnalités pressenties pour siéger au Conseil. C'est une façon de marquer le rôle du Parlement et de ses commissions.

Les personnalités qualifiées désignées par le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat ou celui du Conseil économique et social ne pourraient pas appartenir à l'une de ces assemblées.

Le mandat des membres du conseil des prélèvements obligatoires serait fixé à deux ans, renouvelable une fois. Ceux-ci, ainsi que les rapporteurs et les membres du secrétariat seraient soumis au secret professionnel.

Au rapport annuel du conseil des prélèvements obligatoires, rendant compte de l'exécution de ses travaux et remis au Président de la République et au Parlement, pourraient être joints le compte rendu des débats ainsi que les éventuelles contributions de ses membres.

Le conseil des prélèvements obligatoires pourrait être saisi soit par le Premier ministre, soit par les commissions des finances ou des affaires sociales de l'une ou l'autre des deux assemblées, afin de contribuer à leur information.

Le conseil des prélèvements obligatoires pourrait faire appel à toute compétence extérieure de son choix et désigner des rapporteurs pour recueillir les informations nécessaires à l'exercice de ses missions.

Les membres et les rapporteurs du conseil des prélèvements obligatoires disposeraient d'un droit d'accès à l'information comparable à celui qui est reconnu par les textes aux grands corps d'inspection. Ils auraient donc libre accès aux services, établissements, institutions et organismes entrant dans leur champ de compétences.

Ceux-ci seraient tenus de leur prêter leur concours, de leur fournir toutes justifications et tous renseignements utiles à l'accomplissement de leurs missions.

En définitive, le conseil des prélèvements obligatoires contribuerait incontestablement à l'information et au contrôle du Parlement en favorisant une appréhension d'ensemble de l'évolution des prélèvements obligatoires, ce qui est - nous en sommes persuadés - plus que jamais indispensable : si nous voulons nous interroger sur l'attractivité, la compétitivité du territoire, il importe que nous ayons une vision globale de l'ensemble des prélèvements obligatoires.

Sous le bénéfice des observations que je viens de formuler, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, de confirmer les votes du Sénat et de l'Assemblée nationale intervenus dans le cadre du projet de loi de finances initiale pour 2005 et d'adopter sous la forme de conclusions, dans sa rédaction modifiée par la commission, le texte de la proposition de loi tendant à créer un conseil des prélèvements obligatoires.

Mes chers collègues, la décision du Conseil constitutionnel nous a quelque peu étonnés, puisque tout dispositif visant à éclairer le Parlement pour la discussion des projets de loi de finances a bien sa place dans une loi de finances initiale. Cette censure nous donne probablement une bonne occasion de prolonger notre débat et de confirmer notre volonté de lucidité en matière de prélèvements obligatoires ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux que le Sénat nous offre aujourd'hui l'occasion d'évoquer à nouveau la question des prélèvements obligatoires, enjeu majeur pour l'avenir de notre pays. Vous le savez, Hervé Gaymard et moi-même avons présenté ce matin-même quelques-unes des orientations de la politique économique et fiscale que nous entendons conduire avec vous dans les mois qui viennent.

Au cours des débats sur le projet de loi de finances pour 2005, en décembre dernier, j'avais eu l'occasion de vous dire, monsieur le président de la commission, tout l'intérêt que je porte à votre proposition de créer un conseil des prélèvements obligatoires. Nous sommes amenés à débattre de nouveau de cette question, et je voudrais sans tarder saluer votre initiative et celle de la commission que vous présidez. Votre démarche s'inscrit pleinement dans l'esprit dans lequel Hervé Gaymard et moi-même travaillons pour moderniser notre fiscalité, l'adapter aux enjeux actuels de notre pays, la fiscalité devant être comprise au sens le plus large qui soit, c'est-à-dire comme l'ensemble des prélèvements obligatoires.

La situation que nous connaissons aujourd'hui nous impose de développer le débat et l'expertise sur la question des prélèvements obligatoires, question essentielle que les Français se posent régulièrement et à laquelle, en tant que responsables publics, nous avons le devoir d'apporter des réponses. Or ce débat n'a pas eu lieu jusqu'à présent faute de transparence suffisante. Dans ce domaine, le Conseil des impôts, qui, depuis sa création voilà une trentaine d'années, a réussi à s'imposer comme un expert incontournable, a naturellement vocation à voir ses compétences élargies. C'est tout l'objet de la démarche que vous proposez.

Aujourd'hui, le champ d'action du Conseil des impôts connaît une triple limite : il n'est composé que de représentants des administrations ; ses rapports sont exclusivement destinés au Président de la République, même s'il est vrai qu'on peut parfois les lire dans certains journaux (Sourires) ; enfin, sa vocation est de se limiter à la seule question des impôts, à l'exclusion des autres prélèvements.

Votre idée, monsieur le président de la commission, de faire évoluer cette situation va donc tout à fait dans le sens de ce que nous souhaitons et permettra non seulement une transparence accrue, mais aussi une plus grande démocratie : le Parlement souhaite légitimement bénéficier de plus d'expertises et d'informations, et le futur conseil pourrait les lui apporter.

La création de ce conseil des prélèvements obligatoires s'inscrit aussi dans notre méthode de travail.

S'agissant de la stratégie fiscale de l'Etat, en effet, nous travaillions jusqu'à présent dans un calendrier beaucoup trop contraint, ce qui nous privait du recul indispensable pour engager les réformes nécessaires : les arbitrages fiscaux, nous le savons bien, étaient rendus quelques jours à peine avant le bouclage du projet de loi de finances, une fois les estimations de recettes connues, et le débat était de toute façon largement mis à mal par toutes les mesures fiscales déjà prises, tout au long de l'année, dans des supports législatifs autres que la loi de finances.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner, monsieur le président de la commission, notre méthode s'inscrit en totale rupture avec ces pratiques.

Notre politique fiscale a besoin de lisibilité, de clarté et de cohérence. C'est pourquoi Hervé Gaymard et moi-même avons décidé de travailler beaucoup plus en amont. D'ailleurs, vous l'avez constaté - rien de tout cela ne vous a échappé, et j'ai eu l'occasion de l'évoquer devant la commission -, la mise en oeuvre de la LOLF bouleverse totalement le calendrier ! Nous avons proposé au Premier ministre de « tirer » autant que possible ce calendrier de travail vers le début de l'année budgétaire, de façon que nous puissions, en toute sérénité, en toute transparence, traiter l'ensemble des grands sujets relatifs aux dépenses et aux économies structurelles à réaliser.

Ainsi, comme vous le savez, les lettres de cadrage ont été adressées hier aux ministres, ce qui est tout de même une grande première : nous tenons notre calendrier ! De même, dès jeudi, je commencerai mes réunions d'économie structurelle avec mes différents collègues du Gouvernement, et nous ouvrons déjà les premières réflexions sur la fiscalité, qu'il s'agisse de l'impôt sur le revenu ou de la fiscalité des donations.

A ce propos, je le rappelle, j'ai annoncé ce matin même que le dispositif relatif aux donations, dont le terme était fixé au 31 mai, serait prolongé jusqu'au 31 décembre et que le plafond en serait porté de 20 000 à 30 000 euros. Nous prenons donc, dès le début de cette année, diverses mesures destinées à stimuler l'un ou l'autre des trois moteurs de la croissance que sont la consommation, l'investissement ou l'épargne.

Je soulignerai un deuxième point : notre politique fiscale se doit également d'être efficace. Pour cela, il faut qu'elle soit discutée dans le détail, et je souhaite naturellement que le conseil des prélèvements obligatoires vienne éclairer de sa future sagesse les pouvoirs publics et le Parlement.

Notre politique fiscale doit associer pleinement le Parlement : c'est au coeur même des valeurs républicaines. Je souhaite que ce soit encore plus vrai avec l'entrée en vigueur de la LOLF ; de ce point de vue, les réflexions qui pourront être sollicitées auprès du futur conseil des prélèvements obligatoires seront particulièrement utiles.

La proposition de loi correspond donc très exactement à la philosophie qui est la nôtre, et le Gouvernement n'a aucune raison de s'y opposer ; bien au contraire, il a plutôt toutes les raisons de la soutenir. Tel est le message, monsieur le président de la commission, que je suis venu vous adresser à cette tribune : plus de transparence, plus de démocratie, ce sont là quelques clefs majeures qui nous permettront de faire progresser le débat fiscal.

Je crois néanmoins, et ce sera ma conclusion, que nous devons garder présente à l'esprit l'idée que le conseil des prélèvements obligatoires doit être en mesure de travailler dans les meilleures conditions, ce qui suppose de sa part indépendance et efficacité.

Le conseil ne sera crédible que s'il est indépendant : il ne doit être en aucun cas l'instrument d'un groupe de pression ou d'un courant politique. Son rattachement à la Cour des comptes et le fait qu'il sera présidé par le Premier Président de la Cour constituent déjà de très solides garanties. Les membres qui le composeront devront naturellement être choisis pour travailler en toute indépendance d'esprit, et il devra en aller de même des rapporteurs qui seront chargés de rédiger ses travaux.

Le conseil devra également être efficace : il ne s'agit pas de mettre en place le énième comité Théodule, celui auquel notre République n'avait pas pensé. Ses rapports devront s'inscrire dans la tradition de sérieux qu'a établie le Conseil des impôts, leur objet connaissant, naturellement, l'élargissement que je viens d'évoquer. Gardons-nous de cette maladie bien française qui consiste à multiplier les comités ! Je sais que dans ce domaine, mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes le fer de lance de la lutte contre la tendance à oublier de réfléchir à la manière d'utiliser au mieux les structures déjà existantes et, surtout, les hommes et les femmes qui les composent et auxquels la qualité des travaux rendus doit tant.

Les études demandées au futur conseil devront donc être ciblées afin d'être le plus utiles possible et suivies d'effet dans les meilleurs délais. L'organisation des travaux devra donc être suffisamment bien régulée pour éviter une prolifération des rapports risquant non seulement d'engorger la structure, mais aussi de mettre une pression supplémentaire tant sur le Gouvernement que sur le Parlement. De ce point de vue, monsieur le président de la commission, vous conviendrez avec moi qu'il faudra instaurer des règles du jeu telles que nous n'aboutissions pas à un système qui dénaturerait l'esprit même de la nouvelle institution, dont le rôle sera d'éclairer ceux qui débattent, ceux qui décident, dans le cadre le meilleur qui soit : celui de la bonne gestion des finances publiques au service des Français. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi que l'a rappelé à l'instant M. le président de la commission des finances, nous devons garder à l'esprit le dernier débat qu'a mené notre assemblée, cet automne, sur l'évolution des prélèvements obligatoires.

Alors que le sujet est aujourd'hui au coeur des réflexions concernant notre système de gouvernance, en ce qu'il touche tous les secteurs de notre économie, nous avions alors réduit le débat à un échange de points de vues entre experts. Mais, grâce aux mésaventures qu'a connues depuis lors la loi de finances - M. le président de la commission vient de les évoquer -, nous avons aujourd'hui l'occasion d'en parler plus avant.

Lors de cette discussion, c'est mon collègue Christian Gaudin qui était intervenu au nom de notre groupe, rappelant à juste titre le contexte particulier dans lequel elle prenait place : les délocalisations en chaîne et l'expatriation des compétences et des capitaux, liées à des coûts de production et de travail trop élevés s'expliquant principalement par le poids des prélèvements sociaux. Il faut ajouter à cela les déficits abyssaux de notre système de protection sociale ainsi que la forte dégradation des finances publiques.

Nous constatons donc aujourd'hui un double problème, mais, surtout, nous nous heurtons au fait que notre système a atteint ses limites : une réflexion de fond sur la nature des prélèvements obligatoires, qui représentent à eux seuls 43,7 % de la richesse de la France, est devenue nécessaire dans l'économie globalisée et déréglementée qui est la nôtre.

C'est pour ces raisons que la réforme du Conseil des impôts, réforme qui vise à créer un conseil des prélèvements obligatoires, me semble venir à point. Alors que la compétence du Conseil des impôts se limitait à quelque 20 % du PIB, l'élargissement aux prélèvements sociaux du champ d'investigation du nouveau conseil permettra au Parlement de mieux exercer son contrôle sur des sommes dont le montant approche la moitié du PIB.

Le nouveau conseil des prélèvements obligatoires sera, je l'espère, un outil efficace pour la mise en place d'un débat constructif sur une réforme structurelle de grande ampleur, à condition qu'il ne s'enferme pas dans un carcan technocratique ou ne se limite pas à des politiques timorées. De ce point de vue, je souhaite souligner l'ouverture du nouveau conseil à des personnalités qualifiées du monde économique et social qui donneront - et j'espère qu'elles seront entendues - un éclairage nouveau et plus adapté aux attentes des acteurs économiques du pays.

Le rapport annuel du nouveau conseil des prélèvements obligatoires fournira au Parlement la trame du débat qui continuera d'avoir lieu lors des discussions budgétaires et qui deviendra un débat de fond sur l'efficacité des prélèvements.

Comme l'a souligné le président de la commission des finances, nous cesserons ainsi « d'improviser les réponses fiscales et les réponses en termes de prélèvements obligatoires », ce qui ne nous laissait qu'une faible marge de manoeuvre. C'est peut-être aussi grâce à la création de la TVA sociale ou de compétitivité que nous relèverons ce défi.

Espérons que ce nouvel outil nous donnera des moyens supplémentaires pour tenter de renouer avec une économie dynamique et compétitive, de rendre le territoire attractif pour les investisseurs en même temps que favorable à l'innovation et au développement des technologies de pointe, et ainsi de permettre à notre pays de retrouver la voie de la création de richesses.

Le deuxième espoir que je formulerai porte sur la maîtrise des finances de l'Etat. La semaine dernière, on le sait, la Commission européenne a appelé la France à réduire davantage ses déficits publics afin « d'atteindre l'objectif fixé à moyen terme d'une situation budgétaire proche de l'équilibre ». La Commission a ajouté dans ses recommandations que, même si « la France est sur la voie de ramener le déficit sous la valeur de 3 % du PIB en 2005, sa situation budgétaire reste vulnérable ».

Cette année verra pour la première fois la mise en place de la LOLF. La réflexion que nous mènerons sur le système des prélèvements obligatoires devra donc s'inscrire dans la démarche de performance créée par cette loi organique, afin de maîtriser les déficits publics en général et d'équilibrer les comptes sociaux en particulier. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Conseil constitutionnel a rendu un avis défavorable sur l'introduction dans la loi de finances de 2005 d'un article portant création d'un conseil des prélèvements obligatoires, reprenant en les élargissant les compétences du Conseil des impôts.

Aujourd'hui, nous examinons donc la proposition de loi cosignée par le président de la commission des finances et le rapporteur général tendant à revenir sur cette décision de non-conformité.

Les motivations de cette proposition restent fondamentalement les mêmes que celles de l'amendement adopté à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2005.

Comme vous l'aviez dit en décembre, monsieur le président de la commission, vous voulez créer une seule institution chargée d'apprécier l'évolution des prélèvements obligatoires, leur impact économique, social et budgétaire.

Vous considérez que cela doit se faire dans une autre institution que le Conseil des impôts. Vous laissez entendre que c'est pour mieux prendre en compte ce que recouvrent les prélèvements obligatoires qui, pour vous, sont à la fois les impôts et les prélèvements sociaux.

Pour justifier cette création, vous dites également que le fait que le Conseil des impôts ne soit composé que de hauts fonctionnaires l'a conduit à une vision plutôt étatique.

En décembre, vous aviez indiqué que les membres de ce conseil étant ceux qui mettaient en recouvrement l'impôt, vous vouliez que les représentants des contribuables y siègent également. Vous motiviez votre proposition par le fait « que nous devons cesser d'improviser, comme cela arrive parfois, les réponses fiscales, les réponses en termes de prélèvements obligatoires. Il arrive que l'on donne l'impression d'agir ou d'annoncer des décisions le dos au mur. Il nous faut donc désormais anticiper ».

Vous souhaitez que le conseil des prélèvements obligatoires vous permette de mieux mettre en oeuvre ce que vous appelez « la maîtrise de la dépense publique ». Celle-ci, aujourd'hui, résulte malheureusement plus de la suppression de l'intervention publique de l'Etat dans de nombreux domaines que de la maîtrise. Si bien que, même dans des secteurs où l'intervention publique est indispensable au développement économique et à l'aménagement harmonieux du territoire, vous préférez la supprimer ou la réduire : je pourrais ainsi citer l'exemple des transports, qu'ils soient urbains ou ferroviaires.

Vous estimez que la taxe professionnelle fait partie de ces prélèvements obligatoires qui, comme les charges sociales, « constituent des impôts de production, une sorte de droit de douane à l'envers ».

M. Jean Arthuis, rapporteur. Oui, absolument !

Mme Marie-France Beaufils. Vous dites que vous souhaitez cette création pour préparer l'avenir, pour anticiper, pour éclairer le débat et pour permettre au Gouvernement et au Parlement de prendre les décisions appropriées.

En fait, nous le savons tous, cette proposition est venue à la suite du rapport du Conseil des impôts qui exprimait un avis très critique sur la politique d'allégement fiscal. Pourtant, il constatait tout simplement que les choix fiscaux que vous avez opérés n'avaient pas eu l'impact attendu et il ne faisait qu'évaluer les décisions prises. N'est-ce pas là le rôle d'un organisme de ce type ? En tout cas, pour ma part, j'estime que c'est ce que nous devons en attendre.

Néanmoins, vous voulez assigner au conseil des prélèvements obligatoires un rôle de mesure de l'impact des décisions fiscales pour nous permettre, par exemple, d'apprécier comment elles nous donnent les moyens de rendre plus compétitifs nos territoires, selon votre expression.

N'est-ce pas cette analyse du Conseil des impôts que vous récusez, sous prétexte qu'elle est faite par des fonctionnaires, partie prenante de la gestion publique ?

Pourtant, qui sont les membres de ce Conseil des impôts ? Le Premier président de la Cour des comptes, un ancien directeur général des impôts, d'ailleurs en fonction à l'époque où vous étiez ministre des finances, monsieur le président de la commission - et vous proposez de le garder -, un ancien contrôleur général des armées, un inspecteur général de l'INSEE, un conseiller maître à la Cour des comptes, une conseillère à la Cour de Cassation, un professeur agrégé des universités, également directeur de la Revue française de finances publiques, une conseillère d'Etat qui fut directrice adjointe des services de la région d'Ile-de-France, un conseiller maître à la Cour des comptes qui fut président d'une chambre régionale des comptes, un conseiller d'Etat, ancien membre d'un cabinet ministériel entre 1987 et 1988. Enfin, le rapporteur général du conseil est un conseiller référendaire de la Cour des comptes, conseiller technique des derniers ministres des finances.

Ces personnalités ne jouissent donc pas, manifestement, d'un quelconque manque de sérieux ou de compétence,...

M. Jean Arthuis, rapporteur. C'est vrai !

Mme Marie-France Beaufils. ... et encore moins de capacités à percevoir la portée de décisions et de mesures fiscales dont ils ont été parfois à l'origine.

M. Jean Arthuis, rapporteur. C'est incontestable !

Mme Marie-France Beaufils. Pourquoi dès lors mettre en question, ainsi que le fait la proposition de loi, leur avis sur la réalité de notre système fiscal ? En quoi seraient-ils moins indépendants que les candidats que vous nous proposez pour le conseil des prélèvements obligatoires ?

Posons la question : à quelle logique l'élargissement des compétences et du nombre des membres du Conseil des impôts pour le transformer en conseil des prélèvements obligatoires obéit-il ?

Proposer que figurent dans le nouveau conseil des prélèvements obligatoires des personnalités dites « qualifiées » issues de la société civile pose un certain nombre de questions. A qui pensez-vous précisément ? Qui seraient ces personnalités qualifiées nommées par les différentes parties concernées ?

Au vu de la composition que vous proposez, deux de ces personnalités qualifiées seraient précisément des professeurs d'université, et nul doute que les personnalités qualifiées expressément désignées par le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat et le président du Conseil économique et social auraient probablement les mêmes caractéristiques.

Que recherchez-vous ? Des personnalités ayant une compétence en matière de droit et de sciences économiques, et dont l'acceptation des théories libérales serait plus conforme à vos attentes ?

Sous une présentation d'un ensemble de personnalités qualifiées, ce qui nous est proposé n'est ni plus ni moins que l'installation d'un organisme prétendument indépendant et pluraliste - mais d'un pluralisme aussi étroit que les différents représentants qui les choisissent - destiné à cautionner, à valider, dans une sorte de permanence immuable, les mêmes politiques budgétaires, les mêmes choix en matière de dépenses sociales, le même encadrement technocratique des politiques de développement local.

J'observe d'ailleurs que, à vous suivre, le conseil des prélèvements obligatoires ne serait pas amené, a priori, à réfléchir sur la portée de la participation de la France au budget de l'Union européenne, alors même que celle-ci constitue elle aussi, me semble-t-il, un prélèvement obligatoire comme les autres.

Ce que vous nous demandez de valider, monsieur le président de la commission des finances, n'est qu'un organisme de défense et d'illustration de la logique libérale qui imprègne vos choix politiques depuis 2002.

Or, on peut apporter ici quelques éclairages sur certains aspects de cette politique.

S'agissant de la situation de l'emploi, le moins que l'on puisse dire est qu'elle n'a pas cessé de se détériorer, le nombre des chômeurs inscrits frisant les trois millions, tandis que chaque année écoulée a vu se multiplier les plans de suppression d'emplois, notamment dans le secteur industriel.

Comment ne pas relever également l'accroissement des difficultés de la protection sociale, de plus en plus victime de la modération salariale et des suppressions d'emplois, c'est-à-dire de la carence de ses recettes ?

Et comme chacun sait, vous avez voté, tant lors de la session de juillet 2003 que lors de la session de juillet 2004, des lois réformant les retraites et l'assurance maladie allant dans le même sens.

Toujours plus de sacrifices imposés aux assurés sociaux pour toujours moins de prestations en retour ! Toujours plus de sacrifices pour ceux dont le pouvoir d'achat est en perte de vitesse ! Toujours plus de disponibilités financières pour les plus riches, une fracture sociale qui s'accroît, une pauvreté qui touche un nombre croissant de familles : plus de 14 % de la population vit avec moins de 650 euros, seuil considéré comme celui de la pauvreté en Europe !

Et la loi relative aux libertés et responsabilités locales, en organisant le transfert des responsabilités de l'Etat vers les collectivités territoriales, est appelée à peser lourdement sur la situation financière desdites collectivités, donc sur le contribuable local qui sera prochainement encore mis à contribution. Vous le reconnaissez d'ailleurs en proposant qu'une personnalité soit désignée par le ministre chargé de l'intérieur et que le directeur général des collectivités locales assiste aux réunions de ce Conseil.

Quant à votre obsession, la réduction de la dépense publique, vous voulez l'appliquer à tous les domaines, même là où elle présente un caractère d'équité et d'égalité de traitement entre les habitants de ce pays.

La France n'accepte pas cette politique qui considère l'être humain comme second dans les choix. (M. Jacques Baudot s'exclame.) L'exigence toujours accrue des marchés financiers pèse lourdement sur les décisions, détruisant peu à peu notre tissu économique. C'est intenable pour le présent comme pour l'avenir. Vous nous l'avez dit, monsieur le président de la commission des finances, ce que vous attendez de ce conseil des prélèvements obligatoires, c'est qu'il tende à justifier la politique de réduction de la dépense publique dont nos compatriotes goûtent tous les jours les conséquences désastreuses.

Ce que vous reprochez évidemment au Conseil des impôts tel qu'il existe aujourd'hui, c'est d'avoir, dans ses deux derniers rapports, posé la question de la pertinence de bien des politiques menées depuis trois ans, alors même que leurs auteurs sont loin d'être suspects de complaisance envers les idées que l'opposition parlementaire défend par ailleurs sur ces questions.

C'est cela, monsieur le président de la commission des finances, que vous ne supportez pas ! C'est cela que vous habillez ici de prétendus « considérants scientifiques », visant entre autres à permettre à quelques économistes monétaristes ou néolibéraux de faire-valoir les idées que vous partagez avec eux.

Pour autant, vous avez de la suite dans les idées. Le rapport du conseil des prélèvements obligatoires, publié annuellement, serait évidemment un élément du débat ; et comme il est probable qu'il aurait une coloration globale très proche de vos vues, il aurait tendance, assez naturellement, à fixer le débat fiscal et social que nous avons chaque automne sur la droite de l'échiquier politique.

Nous serions ainsi amenés à l'avenir à nous demander « scientifiquement » s'il faut choisir entre privatisation des services publics locaux et hausse des impôts locaux, entre TVA sociale et cotisations sociales, pour ne citer que quelques exemples.

Vous nous l'avez dit, vous voulez travailler sur la mise en oeuvre de ce que M. le rapporteur général a appelé « la TVA sociale » et substituer cette dernière à la fois aux cotisations sociales et à la taxe professionnelle.

Vous voulez faire valider votre proposition qui a été accueillie avec circonspection...

Mme Nicole Bricq. Scepticisme, même !

Mme Marie-France Beaufils. ... dans vos rangs mêmes, alors que, vous le savez bien, elle va peser lourdement sur tous les foyers, y compris les plus modestes. Elle contribuera à un affaiblissement du pouvoir d'achat des familles et à une nouvelle chute de la consommation avec toutes les conséquences que l'on sait sur l'activité économique du pays, donc sur l'emploi.

En fait, ce que vous voulez, c'est alléger la contribution de l'activité économique à la couverture sociale des salariés, à l'aménagement du territoire. Je devrais dire que vous voulez aller plus loin. En effet, d'importants allégements de cotisations sociales normalement dues par les entreprises ou de taxe professionnelle sont déjà pris en charge par le budget général : 17 milliards d'euros d'un côté et plus de 20 milliards de l'autre, ce qui fait qu'une part de la TVA y est dès aujourd'hui consacrée, puisqu'elle représente une contribution non négligeable aux recettes fiscales du budget de l'Etat. Et pour quels résultats ? Quatre cent mille emplois ont été créés sous l'effet des lois Aubry relatives à la réduction du temps de travail, même si nous aurions souhaité plus, mais combien ont été créés depuis les mesures Fillon aménageant l'application de la réduction du temps de travail ?

C'est l'inverse : le chômage n'a cessé d'augmenter, dépassant le seuil de 9 %. Combien devons-nous attendre de l'éventuelle mise en oeuvre de la proposition de loi Morange, commanditée en sous-main par le Gouvernement, tant le dépôt d'un projet de loi aurait stigmatisé le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale et son ministre délégué ?

Il est vrai que, depuis samedi dernier, avec l'ampleur des manifestations, expression du mécontentement, même si vous le niez, les choses deviennent plus complexes.

Nous ne voulons décidément pas d'un organisme dont la seule raison d'être serait de valider quoi qu'il arrive les mêmes logiques budgétaires, les mêmes politiques de régression sociale et de défense des intérêts et des privilèges. Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que nous ne voterons pas les conclusions de la commission des finances sur la présente proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Arthuis, rapporteur. J'écoute toujours avec beaucoup d'attention les interventions de Mme Beaufils ; mais s'il est vrai que certains rappels correspondent bien à mes propos, il en est d'autres qui constituent une exégèse que je récuse totalement.

Le conseil des prélèvements obligatoires est une instance d'expertise sur les prélèvements obligatoires. Qu'il n'y ait pas de confusion : le débat sur le niveau de la dépense publique est un autre débat. Nous sommes plusieurs en cette enceinte à considérer que le débat fiscal est souvent extrêmement sommaire ; nous avons rarement l'occasion de nous interroger sur le modèle des prélèvements obligatoires ; c'est la raison pour laquelle nous avons formulé ces propositions.

Allons-nous continuer à constater sans réagir que le chômage atteint 10 % de la population active et que, depuis dix ans, la croissance en Europe représente pratiquement la moitié de la croissance mondiale ?

Le temps est peut-être venu, mes chers collègues, de nous demander s'il n'y pas d'autre modèle fiscal. Cela ne veut pas dire pour autant que l'on renoncera aux prélèvements obligatoires.

Si ce conseil des prélèvements obligatoires était créé, je poserais volontiers la question suivante à ses membres : quels sont les impôts de production payés par les entreprises, qu'il s'agisse des charges sociales ou de la taxe professionnelle, qui, en définitive, n'incombent pas aux ménages ?

Or le ministre délégué au budget, suivant en cela ses prédécesseurs, présentera sans doute le prochain projet de budget en distinguant les prélèvements qui pèseront sur les entreprises et ceux qui pèseront sur les ménages, à moins qu'il choisisse plutôt de décrire les allégements dont bénéficieront les entreprises et ceux dont bénéficieront les ménages. Comme s'il y avait des impôts sur les entreprises qui n'étaient pas supportés, en définitive, par les ménages !

Madame Beaufils, peut-être avez-vous constaté que, en 2005, certaines entreprises arbitrent très sommairement ce type de contraintes ? Il vient en effet un moment où l'on choisit de délocaliser l'activité.

N'y aurait-il donc pas, dans notre modèle fiscal français, des facteurs qui contribueraient à la délocalisation, et donc à l'effritement de la cohésion sociale ?

Si je n'ai aucune certitude, madame Beaufils, je pense toutefois qu'il est urgent de débattre de ces questions sans a priori et sans tabou.

Au terme d'une expertise, nous déciderons de l'orientation qu'il convient de prendre pour nous donner les plus grandes chances de favoriser la croissance et de créer des emplois. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin.

M. Joël Bourdin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 30 juin 2004, au nom de la délégation du Sénat pour la planification, Pierre André, Jean-Pierre Plancade et moi-même avons déposé un rapport d'information intitulé L'Evaluation des politiques publiques en France.

Dans ce rapport, nous avons souligné l'importance des enjeux qui s'attachent à la promotion de l'évaluation des politiques publiques. En effet, cette dernière a trop souvent été considérée comme un élément parmi d'autres de la réforme de l'Etat, alors qu'elle en constitue un élément essentiel et qu'elle doit être considérée à la fois comme une composante de la réforme et comme l'un de ses instruments.

Le premier apport de cette évaluation doit être, plus encore que de hausser le niveau de connaissance de l'action publique, de renforcer le fonctionnement de la démocratie en conférant aux décisions publiques un caractère plus transparent et plus participatif.

Dans le cadre de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, l'évaluation est devenue une « ardente obligation », que ce soit pour le Gouvernement ou pour le Parlement.

Pour bien légiférer, le Sénat et l'Assemblée nationale doivent disposer d'une bonne évaluation des politiques publiques, que celle-ci s'exerce au travers des nouveaux programmes ou de la fiscalité.

J'insiste aujourd'hui, comme je l'ai fait lors de la présentation de ce rapport, sur la nécessité d'une évaluation indépendante, pluraliste et transparente. Selon moi, ces adjectifs peuvent expliquer les raisons pour lesquelles l'évaluation des politiques publiques est si difficile à acclimater dans un pays marqué par le déséquilibre entre les pouvoirs publics et une administration réputée sans autonomie mais dont les attributions sont en réalité considérables.

Comme nous avons eu l'occasion de le souligner, la France souffre d'un fort déséquilibre s'agissant de la distribution des moyens d'expertise des politiques publiques. Les capacités d'évaluation extérieures au Gouvernement sont soit sous-dimensionnées, soit très difficiles à mobiliser.

Nous devons tourner le dos aux formules qui placent, comme c'est le cas actuellement, l'évaluation et la prospective en marge du processus de la décision publique, dans des instances trop technocratiques et dans des enceintes, certes éminentes, mais trop indirectement en prise avec les lieux d'élaboration des décisions publiques et les acteurs chargés de leur mise en oeuvre.

Il faut que le système d'évaluation des politiques publiques puisse se déployer au plus près des centres de décisions et d'actions publiques et que l'évaluation puisse ainsi s'imposer comme une composante à part entière de la gestion publique.

Ces remarques s'appliquent aussi bien au Conseil national de l'évaluation qu'au Conseil des impôts.

Dans notre rapport d'information, nous avions souhaité citer, pour son intérêt, le constat du Conseil des impôts sur l'évaluation de la norme fiscale.

Selon ce rapport, en effet, « l'évaluation de la norme fiscale est absente de la pratique française ».

« Si l'on excepte le Conseil des impôts (...), les dispositifs d'évaluation de la norme fiscale sont rares dans notre pays.

« L'évaluation des mesures fiscales ressortit en pratique essentiellement à la direction de la prévision, la direction de la législation fiscale étant plutôt chargée de la technique fiscale et du chiffrage budgétaire. L'INSEE n'intervient dans le domaine fiscal que de manière incidente, souvent dans une problématique d'étude large mais ponctuelle, ou dans une problématique économique très transversale. »

J'estime que le quasi-monopole de l'expertise exercé par l'exécutif entraîne des déséquilibres qu'il faut corriger.

Idéalement, ce rééquilibrage devrait se fonder sur le retour à une conception des missions des administrations publiques moins réductrice que celle qui prévaut aujourd'hui, à la suite d'une dérive regrettable.

Je souscris pleinement à l'idée du Conseil des impôts selon laquelle « les évaluations publiques des normes fiscales (...) doivent en réalité être aujourd'hui effectuées par les institutions qui souhaitent en disposer ».

Dans notre rapport, nous avions regretté que le Parlement ne puisse saisir le Conseil des impôts. Je ne peux donc que me réjouir de la proposition de nos collègues Jean Arthuis et Philippe Marini d'élargir la saisine du conseil des prélèvements obligatoires aux commissions des finances ou des affaires sociales du Sénat ou de l'Assemblée nationale. C'est là l'un des principaux apports du texte dont nous discutons aujourd'hui,

Un autre apport essentiel de cette proposition de loi tient à l'élargissement, au-delà de la fonction publique, de la composition du nouveau conseil des prélèvements obligatoires. La nomination de huit personnalités qualifiées choisies en raison de leur expérience professionnelle et de huit fonctionnaires, universitaires et magistrats va dans le sens du pluralisme et de la démocratisation de l'expertise que j'ai appelés de mes voeux.

En mai 2001, j'avais présenté un rapport sur l'information économique et sociale aux Etats-Unis, dans lequel se trouvait décrit l'impressionnant potentiel d'appréciation des politiques publiques développées autour des universités et des think tanks.

D'autres pays, en particulier le Canada, ont connu des développements intéressants de ce point de vue.

Nous n'en sommes pas encore là en France, ce que nous ne devons d'ailleurs pas nécessairement regretter. En effet, les institutions et les pratiques des autres pays, surtout celles qui proviennent des Etats-Unis, ne sont pas toujours transposables telles quelles dans notre pays.

Dans cette proposition de loi, nos collègues Jean Arthuis et Philippe Marini empruntent une autre voie, celle de la diversité des parcours et des points de vue au sein du nouveau conseil des prélèvements obligatoires.

La pluralité des expertises contribuera à améliorer l'information du Parlement sur la globalité des prélèvements obligatoires et lui permettra ainsi de légiférer dans de meilleures conditions.

Le débat y gagnera en transparence et en crédibilité, ce qui bénéficiera aux parlementaires et à l'ensemble de nos concitoyens.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe de l'UMP votera les conclusions de la commission des finances sur la proposition de loi tendant à créer un conseil des prélèvements obligatoires telles qu'elles résulteront des travaux de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui vise à substituer un conseil des prélèvements obligatoires au Conseil des impôts, en élargissant le périmètre d'intervention de ce dernier et en modifiant en profondeur sa composition.

Au demeurant, je remercie le Conseil constitutionnel qui, en déclarant l'article 70 sexies du projet de loi de finances pour 2005 non conforme, nous permet d'avoir aujourd'hui un débat de fond, ce qui n'avait pas été le cas lors de l'examen du long amendement déposé en décembre dernier par M. Arthuis, au nom de la commission des finances.

Cette proposition de loi conduit le groupe socialiste à formuler trois observations portant respectivement sur la pertinence du périmètre d'intervention du conseil des prélèvements obligatoires, sur les motivations auxquelles prétendent répondre les auteurs de cette proposition de loi, et sur la composition dudit conseil.

Tout d'abord, s'agissant de la pertinence du périmètre d'intervention, vous le savez, la notion de prélèvements obligatoires est ambiguë, comme nous avons pu le constater à l'occasion du récent constat d'un surplus de recettes en 2004 lié à la « montée en charge » de la TVA et de l'impôt sur les sociétés. En effet, il est évident que ce surplus de recettes pèsera sur l'objectif du Gouvernement de ramener le taux de prélèvements obligatoires de 43,8 % en 2003 à 43,6 % en 2004. Finalement, le taux devrait être sensiblement égal. Nous verrons ce qu'il en sera à la fin du mois, quand les chiffres définitifs seront connus.

En effet, la variation du taux de prélèvements obligatoires résulte non seulement des changements des législations fiscale et sociale, mais aussi de la conjoncture économique.

Je tiens également à souligner que les comparaisons internationales ont évidemment leurs limites.

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2005, plus précisément du débat sur les prélèvements obligatoires qui s'est déroulé ici même, j'ai relu avec attention le « bleu » du Gouvernement, qui conseillait à juste titre de se garder de comparaisons sommaires, une définition commune aux différents Etats, notamment de l'OCDE, de la notion de prélèvements obligatoires n'existant pas.

La définition de cette notion dépend des conventions comptables, des choix d'organisation et des modes de financement de l'action publique. L'analyse du niveau des prélèvements obligatoires est absolument indissociable de la prise en compte du niveau de la dépense publique et de la place des services publics dans l'économie nationale. Cela me paraît extrêmement important dans le cadre d'une comparaison, et nous en arrivons ainsi à des sujets sur lesquels nous avons une divergence d'appréciation : la dépense publique et la place des services publics dans notre économie.

Ensuite, ma deuxième observation concerne les motivations auxquelles prétendent répondre les auteurs de cette proposition de loi. Nous nous sommes sincèrement demandés pour quelles raisons la majorité sénatoriale et le Gouvernement tenaient autant à cette modification.

Bien sûr, nous ne pouvons que souscrire aux motivations explicites qui ont été fournies. M. Arthuis souhaite, selon ses propres termes, donner au Parlement « un bon instrument de lucidité » et « parvenir à une vision globale du niveau de prélèvements obligatoires ». Dans l'exposé des motifs de cette proposition de loi, il précise que l'objectif poursuivi est d'« avoir une vision complète du niveau préoccupant des prélèvements obligatoires en France ». A ce stade de l'analyse, nous ne pouvons qu'être d'accord avec lui !

Nous le suivons également lorsqu'il affirme vouloir « éclairer le débat » pour pouvoir prendre des « décisions appropriées ».

Cependant, nous commençons à nous interroger quand, au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 2005, il déclare vouloir « impérativement remettre en cause notre système de prélèvements obligatoires ». Mais cela relève du débat démocratique.

Mais nous nous inquiétons carrément en relisant le rapport de M. Philippe Marini intitulé Débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution : pour une fiscalité plus compétitive. Nous abordons alors le coeur du sujet puisque, dans ce rapport, notre collègue rapporteur général pose comme postulat « la réduction de la part prélevée par l'Etat dans le PIB par la diminution des dépenses publiques ». Même s'il admet que cela exigera du temps et un certain nombre de précautions, l'objectif est clairement affiché.

Vous nous permettrez de ne pas partager ce postulat, qui est indissociable du débat que nous avons aujourd'hui car on ne saurait isoler la dépense publique de son contexte économique. Je veux parler des mécanismes de production des richesses - la croissance et les moyens que l'on se donne pour l'encourager d'une manière ou d'une autre - comme de la redistribution de ces dernières.

De même, nous ne partageons pas vos a priori sur la répartition du poids des prélèvements obligatoires.

Enfin, il est curieux que la proposition de réforme du Conseil des impôts soit intervenue après la polémique suscitée par le 22e rapport de cette instance, consacré à la concurrence fiscale et à l'entreprise.

Dès lors, nous nous interrogeons et nous avons l'impression, sans esprit polémique, qu'il s'agit finalement de disposer d'un instrument qui dira ce que l'on a envie qu'il dise.

M. Jean Arthuis, rapporteur. C'est faux !

Mme Nicole Bricq. Nous sommes encore plus circonspects à la suite des propositions annoncées par le ministre des finances, lors d'une conférence de presse tenue aujourd'hui même, au sujet de la défiscalisation partielle - mais importante - des revenus des « impatriés », sous prétexte d'attractivité des intelligences sur notre territoire.

Nous aurons, certes, un débat de fond sur cette mesure puisque le ministre nous a indiqué qu'elle figurerait dans le projet de loi de finances pour 2006, mais, à ma connaissance, ces propositions n'ont fait l'objet d'aucun avis ou d'aucune expertise préalables, émanant en particulier de ceux qui constitueront demain le Conseil des prélèvements obligatoires. (M. le ministre délégué s'exclame.)

Cela m'amène à ma troisième observation, qui concerne la modification de la composition du Conseil. C'est un sujet sur lequel nous n'avons pas obtenu - et nous ne sommes pas les seuls, puisque les membres de votre majorité eux-mêmes n'y sont pas parvenus - les clarifications nécessaires en commission des finances.

Pourquoi modifier la composition du Conseil ?

Vous nous avez dit, comme en témoigne le compte rendu officiel des débats, que cette proposition permettait d'élargir la composition du Conseil à la « société civile ».

Pour autant que l'on accepte un tel concept aussi flou que facile - qui peut en effet prétendre incarner la société civile ? -, qu'il me soit permis de faire remarquer que cette dernière est déjà très largement contenue dans la composition actuelle du Conseil, qui comprend un professeur agrégé de droit et de sciences économiques.

S'agit-il, comme vous l'avez dit tout à l'heure, de renforcer la capacité d'expertise du Conseil ? Dans ce cas, on peut élargir sa composition, par exemple en ajoutant l'expertise d'un représentant du Conseil supérieur des commissaires aux comptes.

S'agit-il, comme vous nous l'avez dit lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2005 - là encore, je me réfère au compte rendu officiel des débats - de représenter les contribuables ? Dans ce cas, qui représente les contribuables mieux que leurs élus ?

M. Jean Arthuis, rapporteur. Je veux bien que nous recommencions le débat !

Mme Nicole Bricq. Par ailleurs, en incluant dans sa composition sept personnalités qualifiées choisies à raison de leur expérience professionnelle, le Conseil passerait de onze membres à seize, ce qui ne va pas franchement dans le sens de l'allégement de l'appareil administratif, dont vous vous faites très souvent le chantre ! (M. le ministre délégué s'exclame. - Protestations sur les travées de l'UMP.)

Restées sans réponse, toutes ces interrogations nous conduiront à proposer un amendement tendant à revenir à l'actuelle composition.

En définitive, ne s'agit-il pas, au travers de cette proposition de loi, de l'expression d'une certaine méfiance à l'égard d'une institution qui, pendant plus de trente ans d'existence, a permis d'éclairer le débat fiscal, de proposer des mesures qui ont été reprises par les gouvernements successifs et de renforcer la transparence grâce à la publication, depuis 1997, de son rapport annuel ?

Monsieur le président de la commission des finances, je vous pose la question : faites-vous vraiment confiance à la nouvelle procédure budgétaire, qui doit nous permettre - aux termes de son article 52 - d'apprécier l'utilité de la dépense publique et de donner au Parlement un pouvoir accru de suivi et de contrôle des questions relatives à l'évolution des finances publiques et, par voie de conséquence, des prélèvements obligatoires ?

A nos yeux, votre proposition est le reflet de la double défiance que vous marquez, tant par rapport à une institution qui n'a pas failli dans son mandat qu'au regard de la nouvelle procédure budgétaire que vous avez approuvée et qui sera mise en oeuvre dans la loi de finances de 2006. Dès lors, nous ne saurions lui apporter notre confiance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La parole est à M. André Lardeux.

M. André Lardeux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de me faire ici porte-parole de M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, retenu par d'impérieuses obligations cet après-midi.

Nous examinons aujourd'hui une proposition de loi destinée à surmonter l'invalidation par le Conseil constitutionnel de l'article 112 de la loi de finances pour 2005.

J'exprimerai volontiers, en guise de propos liminaire, la surprise qui fut la mienne lorsque j'ai découvert, à la lecture du Journal officiel, que la proposition de nos excellents collègues président et rapporteur général de la commission des finances n'avait pas suscité l'unanimité.

En effet, c'est sur la saisine des députés de l'opposition que le Conseil constitutionnel a annulé la création du Conseil des prélèvements obligatoires, considérant qu'elle était étrangère au champ de la loi de finances.

M. Jean Arthuis, rapporteur. C'est étonnant !

M. André Lardeux. Il s'agissait là du premier motif à l'appui de la saisine - et du seul, d'ailleurs -, que le Conseil constitutionnel a finalement retenu pour justifier l'invalidation. Nous sommes donc fondés à surmonter cette censure grâce à cette proposition de loi opportunément déposée.

Paradoxalement, c'est le second argument avancé par nos collègues de l'opposition - mais non retenu par le Conseil constitutionnel - qui m'a le plus intéressé.

M. André Lardeux. Il faisait valoir la redondance entre ce futur Conseil et les dispositions de l'article 52 de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, qui prévoient le dépôt annuel d'un rapport et la tenue éventuelle d'un débat sur ce thème. Cet argument est fort, car il pose la question très pertinente de la portée qui doit être accordée à la notion de prélèvement obligatoire dans le cadre de nos travaux.

Avant d'y venir, permettez-moi de vous livrer les quelques considérations ponctuelles que m'inspire la proposition dont nous débattons.

J'ai le sentiment qu'il s'agit, ni plus ni moins, de suggérer au Parlement un aggiornamento du Conseil des impôts. D'aucuns pourraient objecter qu'un toilettage du décret du 22 février 1971 consacré à cette structure aurait pu remplir cet office et nous épargner une sorte de « bégaiement » de notre procédure législative. Après tout, le Gouvernement avait adhéré à cette mutation en loi de finances, et le Conseil constitutionnel n'y avait pas opposé d'obstacles de fond. Mais, finalement, inscrire dans la loi une structure de nature essentiellement réglementaire permet incontestablement d'affermir son autorité.

Je saisis l'occasion qui nous est offerte de remercier le Conseil des impôts pour la qualité de ses travaux, en quelque sorte « à titre posthume anticipé », puisque nous attendons une ultime livraison pour le mois de septembre prochain.

A certains égards, il m'a toujours semblé que ce Conseil disposait, sans véritablement oser l'avouer, de cette compétence sur les prélèvements sociaux dont nous projetons aujourd'hui solennellement de le doter.

Même si l'on a pu regretter, ici ou là, que la question de la pression fiscale et sociale n'ait pas été étudiée avec toute l'importance qu'un tel sujet méritait, j'ai pour ma part bien noté que le dernier rapport publié, consacré à la concurrence fiscale et à l'entreprise, n'a pas éludé le sujet. Il comportait ainsi certains développements bienvenus relatifs aux effets préoccupants du poids des cotisations sociales sur les salariés disposant de hauts revenus. Alain Vasselle s'en était fait l'écho dès le mois de novembre dernier, de même que - je l'ai lu avec plaisir - Philippe Marini plus récemment.

J'observe toutefois que, lorsqu'on l'interrogeait abruptement sur les prélèvements sociaux, soit le Conseil se retranchait derrière une vision restrictive de sa compétence, soit son président rapportait une analyse que pouvait ne pas forcément partager l'institution.

M. Jean Arthuis, rapporteur. Ah oui !

M. André Lardeux. Ainsi, interrogé sur la question de la TVA sociale, le Premier président, Philippe Séguin, aurait observé que certains la considéraient « comme la dernière invention des pays riches pour opprimer ceux qui ne le sont pas », analyse à laquelle n'auraient peut être pas souscrit l'ensemble des membres du Conseil s'ils avaient été saisis de cette question. Gageons donc que le statut du futur Conseil des prélèvements obligatoires lui permettra de s'exprimer avec clarté et sans inhibition sur les prélèvements sociaux.

La proposition de loi lui donne par ailleurs une composition élargie, et donc bienvenue tant la précédente version semblait « rabougrie » ou, à tout le moins, limitée au cénacle traditionnel de l'inspecteur et du conseiller parmi lesquels l'unique universitaire invité devait se sentir quelque peu orphelin.

Le nouveau conseil disposera donc de dix-sept membres, six de plus qu'actuellement, provenant d'horizons divers mais ayant en commun leur compétence en matière de prélèvements obligatoires.

Espérons que la richesse de ses travaux et débats y gagnera sans perdre les atouts des structures plus légères : implication personnelle des membres, échanges informels, force de proposition, recherche de consensus, bref tout ce qui fait que, parfois, sur des sujets précis, nous préférons nous-mêmes recourir à des groupes de travail ou d'études plutôt qu'à nos commissions permanentes.

M. André Lardeux. Les auteurs de cette proposition de loi ont également souhaité que l'indépendance des membres du Conseil soit solennellement affirmée. Nous le savons, mes chers collègues, l'indépendance est une vertu qui ne se donne ni ne se décrète. Pour rendre effective la disposition que nous allons voter, il faudra non seulement que les pouvoirs publics ne puissent transmettre d'instruction au Conseil, mais également qu'ils s'interdisent de mettre en cause la qualité et l'objectivité de ses travaux, sans quoi ils mineraient son autorité et constitueraient l'atteinte à son indépendance pourtant redoutée.

Cette affirmation d'indépendance soulève la question de la juste place de l'expert, question, mes chers collègues, que nous éludons trop souvent. Nous ne pourrons requérir une nouvelle délibération au motif que ses conclusions ne nous conviennent pas. Nous ne pourrons supprimer ou modifier à nouveau la structure pour un diagnostic qui nous embarrasse. Nous ne pourrons pas davantage neutraliser un rapport en en diligentant un autre, comme autrefois Teulade chassa opportunément Charpin. Bref, nous ne devrons pas chercher chez l'expert la légitimation de notre manque d'audace, ni lui déléguer notre propre capacité d'innovation.

J'ai bien relevé que les membres du Conseil seront soumis au secret professionnel et, en même temps, qu'ils auront le droit d'exprimer leur divergence avec la solution collective du Conseil. Il s'agit là d'un véritable dissent, comme celui dont dispose le juge à la Cour suprême des Etats-Unis. Nous instaurons ainsi une « collégialité en escalier », chacun étant libre de ne pas franchir la dernière marche s'il ne souscrit pas aux conclusions retenues. Ce choix est celui de l'honnêteté intellectuelle, et je le salue comme tel.

Toutefois, que ne dira-t-on pas si le Conseil adopte un rapport à une voix de majorité et si les récalcitrants, en motivant savamment leur divergence, légitiment un « anti-rapport » au coeur même du rapport ?

Quelle attention le politique portera-t-il aux recommandations d'un Conseil en plein schisme, invité en quelque sorte à choisir entre le pape et l'anti-pape ou, tout simplement, à prendre ses distances au regard d'une expertise qu'il a demandée mais dont il constate qu'elle se perd en conjectures ? Vous connaissez le propos de Milton Friedman, prix Nobel d'économie : « Prenez trois économistes et vous aurez quatre propositions pour la politique à suivre ». Nous ne pouvons, hélas, écarter totalement ce risque !

Au total, je conclurai la première partie de mon propos en observant le grand honneur que fait cette proposition de loi aux finances sociales car, convenons-en, mes chers collègues, elle a surtout pour objet de rassembler une nouvelle fois, dans un champ commun à l'ensemble des finances publiques, les comptes sociaux et ceux de l'État.

Mon second thème de réflexion portera sur la portée de la notion de prélèvements obligatoires.

Rétrospectivement, nous pouvons être surpris de l'attrait nouveau que suscitent les comptes sociaux depuis la création de la loi de financement de la sécurité sociale. Ces comptes figuraient autrefois parmi les masses examinées par le Parlement à l'occasion de l'examen du budget, sans constituer véritablement un enjeu de premier plan. Il est vrai qu'à cette époque l'emprise de l'État sur l'économie était plus étendue et l'examen parlementaire s'exerçait, par priorité, sur d'autres pans de l'action publique.

La création de la loi de financement de la sécurité sociale, en 1996, offrit aux parlementaires l'opportunité d'ouvrir les yeux sur un aspect méconnu, et même délaissé, de nos finances publiques.

Nous avons gagné, dans cette dichotomie, un pilotage plus fin des comptes de l'Etat, d'une part, et des comptes sociaux, d'autre part. Nous avons acquis cette rigueur qui exige que, même en matière sociale, où il est pourtant facile de se laisser aller, l'existence des recettes nécessaires à l'engagement de toute dépense soit préalablement constatée.

Cet acquis est perfectible : « Les pots de confiture ne sont pas encore tous rangés », comme l'avait opportunément souligné, en son temps, l'heureuse formule de Francis Mer. Mais le Gouvernement y met bon ordre et la modification de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale - notre LOLFSS -, que nous examinerons le mois prochain, sera l'occasion de parachever cette importante réforme.

Au moment où l'on consacre la spécialisation du pilotage des finances publiques - Etat d'une part, protection sociale d'autre part - comment doit-on prendre le fait que les propositions de création d'instances ou de débats dédiés à un domaine consolidé se multiplient ?

Je l'interprète personnellement comme une approche des prélèvements obligatoires en tant que simple notion économique sujet d'étude ou de réflexion, à laquelle doit être déniée sans ambiguïté toute portée normative. J'y vois, en quelque sorte, un pont entre deux rives pour nous donner les moyens d'éviter une forme d'autisme entre les deux hémisphères de nos finances publiques, bref comme un nouvel outil pour identifier et éclairer les angles morts et les incohérences de nos choix budgétaires et fiscaux.

Comme telle, je l'accueille avec enthousiasme. Nous conviendrons volontiers, mes chers collègues, que la conjugaison de l'article 52 de la loi organique relative aux lois de finances et l'existence d'un Conseil des prélèvements obligatoires suffira désormais amplement à juger de la cohérence économique de notre politique fiscale au sens large.

Je conclurai en rappelant que l'établissement d'un domaine de réflexion partagé ne doit pas constituer pour nous, a contrario, un prétexte pour faire l'économie des réformes nécessaires à la cohérence normative que la dualité de nos textes financiers - loi de finances d'une part, loi de financement d'autre part - met parfois à mal.

J'ai le sentiment - je crois d'ailleurs qu'il est partagé - que nous n'avons su, ou pu, ou osé, par le passé, assurer une articulation satisfaisante entre la loi organique relative aux lois de finances et la loi organique relative aux lois de financement. Une nouvelle occasion se présentera dans quatre semaines, et j'espère que nous serons nombreux à nous en saisir.

Pour l'heure, sous les réserves que je vous ai exposées, je voterai la proposition de loi présentée par nos excellents collègues Jean Arthuis et Philippe Marini. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Arthuis, rapporteur. Je répondrai brièvement aux observations et aux interrogations que les différents orateurs ont formulées au cours de cette discussion générale.

Je voudrais d'abord remercier le Conseil constitutionnel, ainsi que le Gouvernement pour le soutien qu'il apporte à cette proposition de loi. C'est d'ailleurs toujours avec un grand plaisir que nous accueillons dans cet hémicycle Jean-François Copé en sa qualité de porte-parole du Gouvernement et de ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

Je remercie ensuite M. Jean-Jacques Jégou, car il a soutenu ce texte et fait confiance au Conseil des prélèvements obligatoires, dont le champ d'investigation et la composition ont été élargis.

Je remercie également M Joël Bourdin et je salue la qualité des rapports qui ont été établis sous son autorité, en tant que président de la délégation à la planification. Nous devons prendre en compte les excellentes propositions formulées par cette délégation et c'est précisément en écoutant M. Bourdin que Philippe Marini et moi-même avons conçu cette proposition de loi. Je tiens donc à le remercier du soutien qu'il apporte à notre texte.

Mes remerciements vont enfin à M André Lardeux, qui s'est exprimé au nom de la commission des affaires sociales. Je m'associe à l'hommage qu'il a rendu au Conseil des impôts et je voudrais, à cet égard, dissiper tout malentendu et répondre aux exégèses qu'ont faites, chacune avec leur style propre, Mmes Beaufils et Bricq.

Je souhaite ainsi couper court aux propos selon lesquels cette proposition de loi serait une réaction à un Conseil des impôts qui aurait pris des positions surprenantes. Ce n'est, en aucune façon, un règlement de comptes et je veux témoigner ici de la disproportion qui pouvait exister entre les commentaires faits sur le dernier rapport du Conseil des impôts et son contenu, qui était parfaitement neutre et objectif.

M. André Lardeux soutient ce texte avec enthousiasme, et je l'en remercie. Je me réjouis, comme lui, du prochain examen par le Parlement d'un projet de loi organique sur le financement de la protection sociale, qui nous permettra de piloter plus finement les dépenses de solidarité.

M André Lardeux a fait référence aux propos du Premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, sur la TVA sociale, qui serait « une invention des pays riches pour faire payer les pays pauvres ». La formule est un peu lapidaire, mais elle résume clairement le point de vue de son auteur sur les délocalisations.

M. Séguin s'est prononcé plus tard sur le même sujet, à l'occasion d'un déplacement qu'il effectuait à Genève, auprès du Bureau international du travail. Si j'en crois une dépêche de l'Agence France-Presse provenant de Genève, en date du 11 novembre 2004, « le Premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, s'est montré favorable jeudi au projet français de TVA sociale, en soulignant que les hausses de TVA avaient pour effet de soutenir les exportations et de pénaliser les importations ».

« Ce genre d'approche a montré son efficacité par le passé », a déclaré M. Séguin, qui s'exprimait devant la presse à Genève en tant que président du Conseil d'administration de l'Organisation internationale du travail, structure qui chapeaute le Bureau international du travail.

« La TVA a un effet positif sur les rapports extérieurs », a expliqué l'ancien ministre des affaires sociales. « On frappe ce qui entre et pas ce qui sort : c'est tout bénef » a-t-il lancé, utilisant une de ces formules qui lui sont propres.

Au fond, il dit simplement que, dans un système comme le nôtre, certains de nos impôts sont des droits de douane à l'envers : on a ouvert le marché, on ne taxe que ceux qui produisent, et l'on s'étonne que certains, pour offrir aux consommateurs des prix plus attractifs, cèdent à la tentation de délocaliser leur activité, qu'il s'agisse de production de biens ou de services.

Mes chers collègues, je tenais à vous apporter ces précisions sur les propos tenus par le Premier président de la Cour des comptes : en disant cela, je ne pense pas qu'il ait engagé en quoi que ce soit le Conseil des impôts, auquel je souhaite également rendre hommage pour la qualité de ses travaux.

J'ai déjà eu l'occasion de répondre - peut-être trop rapidement - à Mme Beaufils. Je lui dirai simplement que je n'ai pas de conviction en la matière. Mais nous ne pouvons pas, les uns et les autres, nous contenter de conventions qui auraient peut-être pour effet - c'est une hypothèse qu'il faut vérifier - de maintenir le taux de chômage à un niveau excessif et d'empêcher la croissance d'atteindre un rythme suffisant pour lutter efficacement contre le chômage et pour permettre de faire face à toutes les attentes de la société française, y compris celles des jeunes ou des personnes âgées en difficulté.

Mme Nicole Bricq, une fois encore, ...

M. François Marc. ... a tenu des propos très pertinents ! (Sourires.)

M. Jean Arthuis, rapporteur. ... a cru devoir manifester son scepticisme. Je garde néanmoins l'espoir de pouvoir la convaincre.

Elle s'est interrogée, notamment, sur le périmètre d'intervention du Conseil des prélèvements obligatoires et sur le niveau que celui-ci pourrait atteindre. Tout cela, en définitive, n'est pas très important. Nous connaîtrons le niveau effectif au moment de l'exécution budgétaire, lorsque les chiffres de la production intérieure brute seront connus.

Mais le débat ne porte pas sur ces données statistiques puisque, au-delà du Conseil des prélèvements obligatoires, l'INSEE et la direction de la prévision sont tout à fait compétents pour nous apporter des informations. Là n'est pas véritablement la mission du Conseil des prélèvements obligatoires.

Sur les comparaisons internationales, il y a certainement urgence, monsieur le ministre, à mettre de l'ordre et à assurer une plus grande homogénéité dans les méthodes comptables, budgétaires, ainsi que dans les circuits d'information financière. Il est vrai que la lecture des conclusions d'Eurostat nous laisse perplexes et circonspects. On peut d'ailleurs s'étonner que certaines procédures soient agréées. Et, lorsque l'on apprend que le déficit d'un pays était bien supérieur à ce que semblait le reconnaître Eurostat, cela pose un problème !

Il faudra donc s'interroger, au sein de l'Union européenne, sur les méthodes mises en oeuvre pour présenter les comptes publics, afin de permettre la comparaison et de garantir la fiabilité des documents qui nous sont soumis. En effet, il existe certainement des marges de progression concernant les méthodes, les concepts, les principes. Et cela ne nous interdit pas de nous doter de moyens d'expertise pour donner de la consistance aux débats et éclairer le Parlement.

Je me réjouis que vous ayez bien voulu reconnaître que notre préoccupation était de disposer des instruments de lisibilité, de compréhension et d'instruction d'un débat qui, en dépit des efforts du Gouvernement en matière de fiscalité, est tout de même très sommaire.

La loi organique relative aux lois de finances nous permet certes de discuter des prélèvements obligatoires, mais les députés n'ont pas le temps de faire vivre ce débat parce que le Gouvernement arrête ses options fin septembre, lors de la présentation du projet de loi de finances en conseil des ministres. Or, dès le 10 octobre, les députés se saisissent de la première partie du texte, c'est-à-dire des dispositions fiscales.

S'il est vrai que les procédures budgétaires commencent dès maintenant - je veux, à ce propos, rendre hommage au gouvernement de Jean-Pierre Raffarin et au ministre délégué au budget -, les dispositions fiscales ne seront abordées qu'au mois d'août par des indiscrétions dans la presse, et le débat fiscal sera vite « bouclé ». Ce que le Gouvernement a annoncé ce matin est un début de contribution à ce débat fiscal, mais il conviendrait que nous puissions discuter sur l'ensemble des prélèvements obligatoires.

Convenez que, jusqu'à maintenant, tout ce que nous pouvons accomplir est assez sommaire et que, bien souvent, nous prenons connaissance d'une réforme « le dos au mur » parce qu'il est impossible de faire autrement. C'est précisément de cela que nous souhaitons nous libérer.

Il ne s'agit pas d'une remise en cause des prélèvements obligatoires. Nous ne voulons pas non plus nous doter d'un instrument pour remettre en cause le niveau des dépenses publiques - c'est une autre problématique - mais nous voulons y voir clair s'agissant des prélèvements obligatoires.

Cette proposition de loi ne constitue donc en aucune façon, je le répète, un règlement de comptes. Nous faisons confiance au Conseil des impôts : c'est le modèle que nous retenons pour constituer le Conseil des prélèvements obligatoires.

S'agissant de sa composition, madame Bricq, je vous répondrai que nous sommes, nous, parlementaires, les représentants des contribuables ! Nous avons été élus pour consentir à l'impôt, il n'y a aucune ambiguïté sur ce point.

Les personnalités qualifiées, je le rappelle, seront choisies en fonction de leur expérience professionnelle, hors de la sphère publique. Et il est tout à fait possible que des hauts magistrats de la Cour des comptes - ou d'autres juridictions -, des professeurs d'universités ou des membres des prestigieuses inspections générales des finances ou des affaires sociales n'aient pas tout à fait le même point de vue que ceux qui sont amenés à verser l'impôt.

Il ne s'agit pas ici de retenir comme candidats des personnes qui viendraient contester sommairement l'impôt, mais nous pensons que ceux qui, professionnellement, au quotidien, sont impliqués dans les processus de prélèvements obligatoires peuvent avoir une contribution à apporter ; c'est en cela que la publication d'opinions dissonantes dans le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires peut être une contribution aux débats.

Et il n'est pas dit que ce Conseil aura le dernier mot : il n'est là que pour éclairer, le Parlement prendra ses arbitrages en matière de prélèvements obligatoires. Ne donnons pas à ce Conseil plus d'autorité qu'il n'en a ! L'essentiel est qu'il ait prévu des méthodes et des procédures, qu'elles soient transparentes, et que nous puissions nourrir nos propres débats ici même, au Parlement.

Madame Bricq, aucune méfiance n'est manifestée à l'égard d'une institution, en l'occurrence le Conseil des impôts. Au contraire, nous ne faisons que le consacrer. Il avait jusqu'à présent une légitimité réglementaire ; voilà que nous allons lui donner une légitimité législative.

Nous faisons totalement confiance à la loi organique relative aux lois de finances, qui nous donne des instruments de maîtrise de la dépense publique, l'objectif premier étant de vérifier constamment l'efficacité de cette dernière. Convenez que, si la loi organique relative aux lois de finances nous donne de bons instruments pour mieux maîtriser la dépense publique et prendre des arbitrages en pleine connaissance de cause, en revanche, s'agissant des prélèvements obligatoires, elle nous laisse dans l'attente : elle ouvre une fenêtre en prévoyant un rapport du Gouvernement sur l'ensemble des prélèvements obligatoires, et un débat lorsque la chambre concernée en exprime le souhait.

Madame Bricq, j'espère avoir dissipé votre perplexité, voire votre scepticisme et, ainsi, vous avoir convaincue. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à créer un Conseil des prélèvements obligatoires
Art. unique (fin)

Article unique

I.- Le livre III du code des juridictions financières est complété par un titre V ainsi rédigé :

« TITRE V

« LE CONSEIL DES PRELEVEMENTS OBLIGATOIRES

« CHAPITRE UNIQUE

« Art. L. 351-1.- Il est institué un Conseil des prélèvements obligatoires, placé auprès de la Cour des comptes et chargé d'apprécier l'évolution et l'impact économique, social et budgétaire de l'ensemble des prélèvements obligatoires, ainsi que de formuler des recommandations sur toute question relative aux prélèvements obligatoires.

« Art. L. 351-2.- Le Conseil des prélèvements obligatoires remet chaque année au président de la République et au Parlement un rapport rendant compte de l'exécution de ses travaux. Le compte rendu des débats et les contributions personnelles de ses membres peuvent être joints au rapport.

« Art. L. 351-3.- Le Conseil des prélèvements obligatoires peut être chargé, à la demande du Premier ministre ou des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances ou des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des affaires sociales, de réaliser des études relatives à toute question relevant de sa compétence. Les résultats de ces études sont transmis au Premier ministre et aux commissions.

« Art. L. 351-4.- Le Conseil des prélèvements obligatoires est présidé par le Premier président de la Cour des comptes. Celui-ci peut se faire représenter par un président de chambre. En cas de partage égal des voix, il a voix prépondérante.

« Art L. 351-5.- Le Conseil des prélèvements obligatoires est constitué, outre son président, de huit magistrats ou fonctionnaires, choisis pour leurs compétences en matière de prélèvements obligatoires, ainsi que de huit personnalités qualifiées choisies à raison de leur expérience professionnelle :

« - un membre du Conseil d'Etat, désigné par le vice-président du Conseil d'Etat ;

« - un magistrat de l'ordre judiciaire désigné par le Premier président de la Cour de cassation ;

« - un magistrat de la Cour des comptes désigné par le Premier président de la Cour des comptes ;

« - un inspecteur général des finances désigné par le ministre chargé de l'économie et des finances ;

« - un inspecteur général des affaires sociales désigné par le ministre chargé des affaires sociales ;

« - un inspecteur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques désigné par le ministre chargé de l'économie et des finances ;

« - deux professeurs agrégés des facultés de droit et de sciences économiques désignés respectivement par le ministre chargé de l'économie et des finances et par le ministre chargé des affaires sociales ;

« - une personnalité qualifiée désignée par le ministre chargé de l'économie et des finances ;

« - une personnalité qualifiée désignée par le ministre chargé des affaires sociales ;

« - une personnalité qualifiée désignée par le ministre chargé de l'intérieur ;

« - une personnalité qualifiée désignée par le président de l'Assemblée nationale après avis du président et du rapporteur général de la commission de l'Assemblée nationale chargée des finances ;

« - une personnalité qualifiée désignée par le président de l'Assemblée nationale après avis du président de la commission de l'Assemblée nationale chargée des affaires sociales ;

« - une personnalité qualifiée désignée par le président du Sénat après avis du président et du rapporteur général de la commission du Sénat chargée des finances ;

« - une personnalité qualifiée désignée par le président du Sénat après avis du président de la commission du Sénat chargée des affaires sociales ;

« - une personnalité qualifiée désignée par le président du Conseil économique et social.

« Les personnalités désignées par le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat ou le président du Conseil économique et social ne peuvent appartenir à l'une de ces assemblées.

« Art. L. 351-6.- Les membres du Conseil des prélèvements obligatoires autres que son président sont désignés pour deux ans et leur mandat peut être renouvelé une fois. Cependant, à titre exceptionnel, huit des seize membres désignés en 2005, tirés au sort dans les deux mois suivant la nomination de tous les membres, le sont pour une période de quatre ans et leur mandat peut être renouvelé une fois pour une période de deux ans.

« En cas de vacance, pour quelque cause que ce soit, d'un siège autre que celui du président, il est procédé à son remplacement pour la durée restant à courir du mandat. Un mandat exercé pendant moins d'un an n'est pas pris en compte pour l'application de la règle de renouvellement fixée à l'alinéa précédent.

« Art L. 351-7.- Le secrétariat du Conseil des prélèvements obligatoires est assuré par la Cour des comptes. Les agents chargés du secrétariat peuvent assister aux réunions du Conseil.

« Art L. 351-8.- Le Conseil des prélèvements obligatoires peut faire appel à toute compétence extérieure de son choix. En particulier, le Conseil peut désigner des rapporteurs chargés de recueillir les informations nécessaires à l'exercice de ses missions.

« Art L. 351-9.- Afin d'assurer l'information du Conseil des prélèvements obligatoires, le directeur de la sécurité sociale, le directeur du budget, le directeur de la prévision et de l'analyse économique, le directeur de la législation fiscale et le directeur général des collectivités locales assistent, à la demande de son président, à ses réunions, sans voix délibérative, ou s'y font représenter.

« Art. L. 351-10.- Pour l'exercice de leurs missions, les membres du Conseil des prélèvements obligatoires et les rapporteurs désignés en application de l'article L. 351-8 ont libre accès aux services, établissements, institutions et organismes entrant dans leur champ de compétences.

« Ceux-ci sont tenus de leur prêter leur concours, de leur fournir toutes justifications et tous renseignements utiles à l'accomplissement de leurs missions.

« Art. L. 351-11.- Dans l'exercice des missions qu'elles accomplissent pour le Conseil des prélèvements obligatoires, les personnes visées aux articles L. 351-5, L. 351-7 et L. 351-8 ne peuvent solliciter ou recevoir aucune instruction du gouvernement ou de toute autre personne publique ou privée. Elles sont tenues au secret professionnel sous peine des sanctions prévues à l'article 226-13 du code pénal et sous réserve des dispositions de l'article 226-14 du code pénal.

« Art. L. 351-12.- Les personnalités qualifiées visées à l'article L. 351-5 et les rapporteurs visés à l'article L. 351-8 sont rémunérées dans des conditions propres à assurer leur indépendance.

« Art. L. 351-13.- Les conditions de fonctionnement du Conseil des prélèvements obligatoires et les modalités de suppression du Conseil des impôts, auquel le Conseil des prélèvements obligatoires se substitue, sont précisées par décret en Conseil d'Etat. »

II- Les dispositions du I entreront en vigueur à compter du 1er octobre 2005.

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par MM. Massion, Masseret, Angels et Auban, Mme Bricq, MM. Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Marc, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 351-5 du code des juridictions financières :

« Art L. 351-5.- Le Conseil des prélèvements obligatoires est constitué, outre son président, de :

« - deux membres du Conseil d'Etat désignés par le vice-président du Conseil d'Etat ;

« - deux magistrats de l'ordre judiciaire désignés par le premier président de la Cour de cassation ;

« - deux magistrats de la Cour des comptes désignés par le premier président de la Cour des comptes ;

« - deux inspecteurs généraux des finances désignés par le ministre chargé des finances ;

« - un inspecteur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques désigné par le ministre chargé des finances ;

« - un professeur agrégé des facultés de droit et de sciences économiques désigné par le ministre chargé des finances sur proposition du ministre chargé des universités.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. J'ai défendu par avance cet amendement : il s'agit pour nous de ne pas multiplier le nombre des experts au sein du Conseil. C'est pourquoi, avec M. Massion et mes collègues socialistes de la commission des finances, nous proposons d'en rester à la composition de l'actuel Conseil des impôts.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Arthuis, rapporteur. Je suis un peu déçu, car je caressais l'espoir d'avoir pu convaincre Mme Bricq et ses collègues signataires de cet amendement.

J'ai eu l'occasion de motiver la composition que nous proposons au Sénat. Par conséquent, la commission des finances est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Marc Massion, pour explication de vote.

M. Marc Massion. Pourquoi sommes-nous opposés à l'élargissement du Conseil sous la forme présentée par M. le rapporteur ?

Nous remettons en cause non pas l'expertise de ces personnalités qualifiées, mais le fait qu'elles soient désignées par le président du Sénat, par deux ministres, par le président de l'Assemblée nationale et par le président du Conseil économique et social. Cela signifie, au moins en termes d'affichage, que l'indépendance reconnue au Conseil des impôts ne le sera pas au Conseil des prélèvements obligatoires.

C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement.

M. François Marc. Très bien !

M. le président. Il y a d'autres exemples !

M. Marc Massion. Raison de plus !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Arthuis, rapporteur. La commission des finances se veut garante de la transparence. Je prends donc l'engagement, puisque le dispositif prévoit qu'une personnalité qualifiée sera désignée par le président du Sénat après avis de la commission des finances, que cette dernière procédera, si elle y a convenance, à l'audition de la ou des personnalités pressenties.

Cette innovation permettrait d'éviter tout procès d'intention quant à l'indépendance de ces personnes. La personne pressentie répondrait à vos interrogations et, ensuite, nous pourrions exprimer un avis.

M. Marc Massion. Mon argumentation valait quelle que soit la majorité !

M. Michel Moreigne. Cela va de soi !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par cet article pour l'article L.351-9 du code des juridictions financières, remplacer les mots :

le directeur de la prévision et de l'analyse économique

par les mots :

le directeur général du Trésor et de la politique économique

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je considère que la composition du Conseil des prélèvements obligatoires est en cohérence avec l'ensemble des objectifs qui ont été présentés par M. le rapporteur. Ce mode de désignation est d'ailleurs assez classique et je vous signale au passage qu'il est utilisé pour d'autres organismes de même nature, comme l'Autorité des marchés financiers, l'AMM, ou l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, l'ACNUSA.

Mme Nicole Bricq. Justement !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Quant à l'amendement que je vous propose, il est d'ordre rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Arthuis, rapporteur. Le Parlement doit savoir faire preuve d'humilité et, même lorsqu'il élabore des propositions de loi, reconnaître qu'il a besoin du Gouvernement !

Le ministère de l'économie et des finances ayant été récemment réorganisé, nous devons en tirer les conséquences. Il est donc tout à fait judicieux de substituer au directeur de la prévision et de l'analyse économique le directeur général du Trésor et de la politique économique, puisque ce dernier préside un directoire comportant, notamment, la direction de la prévision et de l'analyse économique.

Par conséquent, la commission des finances est favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'article unique, modifié, je donne la parole à Mme Marie-France Beaufils pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai bien entendu les réflexions formulées par M. le rapporteur à la suite de mon intervention dans la discussion générale. Toutefois, je ne peux oublier les échanges que nous avons eus lors de nos différents débats sur les prélèvements obligatoires, notamment en commission.

Contrairement à ce que vous nous avez dit, monsieur le rapporteur, ces discussions ont confirmé que la mise en place d'un Conseil des prélèvements obligatoires avait bien pour objet la réduction de la dépense publique. Cet aspect des choses a été très prégnant dans tous les débats qui nous ont réunis !

C'est pourquoi, avant même d'engager un débat sur la création d'un Conseil des prélèvements obligatoires, il faudrait, à mon sens, définir le rôle de la dépense publique et la façon dont elle doit être traitée dans le budget de la nation.

A cet égard, la création d'un Conseil des prélèvements obligatoires est bien moins nécessaire que l'ouverture d'un vrai débat sur le type de société que l'on veut construire. Et, sur ce point, nous sommes en profond désaccord !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Je voudrais d'abord remercier M. le rapporteur d'avoir répondu point par point à l'argumentation que j'ai développée. Toutefois - et je regrette de le décevoir - il ne nous a pas convaincus de la pertinence de cette proposition de loi et il n'a pas non plus modifié notre avis.

Cela étant, monsieur le rapporteur, je n'ai pas fait l'exégèse de vos paroles : j'ai relu attentivement les débats que nous avons eus ainsi que les rapports qui ont été publiés sur ce sujet et j'ai pris soin de replacer chaque citation dans son contexte. Je ne fais donc de procès d'intention à personne, je dis simplement qu'il y a des faits, des propos et des écrits qui, reliés les uns aux autres, suscitent notre inquiétude et justifient notre scepticisme.

Je ne remets évidemment pas en cause la nécessité d'une clarification, mais il nous semble que la LOLF doit nous permettre d'obtenir la transparence souhaitée.

Nous avons des moyens pour alimenter le débat public, ne serait-ce qu'avec la discussion que nous avons aujourd'hui. On peut, certes, renforcer la capacité d'expertise de nos assemblées parlementaires, mais je pense néanmoins que nous avons cette ressource en nous et que nous disposons des outils nécessaires.

Parce que je ne veux pas donner à ce débat un aspect polémique, parce que, comme vous, je pense à l'avenir, je préfère conserver le système actuel. Cela ne nous empêche pas d'engager une vraie réflexion, sans esprit partisan, sur notre système de prélèvements obligatoires - il peut évidemment être réformé -, mais, cela, je le confierai au débat public qui précédera l'échéance de 2007.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique, modifié.

(La proposition de loi est adoptée.)

Art. unique (début)
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indépendance énergétique de la France

Discussion d'une question orale avec débat

(Ordre du jour réservé)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat (n° 11) de M. Ladislas Poniatowski à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur l'indépendance énergétique de la France.

M. Ladislas Poniatowski demande à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie quelles sont, dans le contexte actuel du marché pétrolier, les orientations retenues par le Gouvernement pour garantir l'indépendance énergétique de notre pays.

Il souhaite en particulier savoir quelle est la stratégie arrêtée pour assurer la sécurité d'approvisionnement électrique, dans le cadre du développement tant des infrastructures de production ayant recours au nucléaire ou aux énergies renouvelables que des infrastructures de transport.

Il s'interroge, en outre, sur les initiatives communautaires visant à développer les interconnexions entre les différents pays membres de l'Union européenne et à garantir la sécurité d'approvisionnement au niveau européen ; il souhaiterait connaître les positions du Gouvernement sur ce sujet.

En ce qui concerne l'approvisionnement en gaz, il désire obtenir des précisions sur la mise en place de contrats à long terme et sur les partenariats noués avec les pays producteurs de gaz.

Enfin, dans le contexte de la hausse des prix du baril de pétrole, il aimerait connaître les initiatives que compte prendre le Gouvernement pour préserver l'économie nationale de ses effets les plus néfastes et pour atténuer la dépendance de notre économie envers cette source d'énergie.

La parole est à M. Ladislas Poniatowski, auteur de la question.

M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques et du Plan, ainsi que M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie, qui ont permis l'organisation de cette discussion.

Mes chers collègues, la raison principale qui m'a conduit à poser cette question est liée à l'évolution des prix du pétrole, qui constitue une menace pour le dynamisme de nos économies et qui ne manque pas de continuer à nourrir certaines interrogations, voire certaines inquiétudes, chez nos concitoyens.

Je profiterai également de cette occasion pour aborder les enjeux liés aux secteurs gazier et électrique.

Je ne ferai que réaffirmer un fait désormais largement débattu en rappelant que nous assistons, depuis la fin de l'été dernier, à une véritable envolée des prix du baril de pétrole.

Sans évoquer le spectre d'un troisième choc pétrolier, il est inquiétant de constater que les cours du brut ont dépassé le seuil psychologique des 50 dollars le 26 octobre dernier, enregistrant ainsi leur niveau le plus élevé depuis dix ans. Malgré une relative accalmie au cours du mois de décembre, les prix sont remontés au début de cette année, en raison de la vague de froid qui a touché le nord-est des Etats-Unis et de la persistance de risques géopolitiques au Moyen-Orient, notamment en Irak. Il s'agit d'un véritable yoyo...

Les conséquences de cette hausse sont connues et redoutées de nos concitoyens. Certes, la dépendance au pétrole des économies occidentales, et singulièrement celle de l'économie française, grâce au recours à l'énergie nucléaire, a considérablement diminué depuis les années soixante-dix. Dans le cas d'une hausse durable des prix du brut, cela exclut que notre économie soit aussi profondément touchée qu'elle ne l'avait été à l'époque. Il n'en reste pas moins que l'envolée des cours fragilise directement la conjoncture européenne - et française - de par ses répercussions sur le pouvoir d'achat des ménages.

D'une part, nos concitoyens le ressentent pleinement avec la hausse des prix de l'essence à la pompe, dont les fluctuations sont, au surplus, retardées par rapport aux évolutions des cotations sur les marchés mondiaux, ce qui ne manque pas d'entretenir une certaine confusion dans l'esprit du consommateur. D'autre part, ils sont également touchés par le renchérissement du fioul domestique, qui est encore utilisé dans plus d'un tiers des foyers français pour le chauffage.

La conjoncture pétrolière pose également directement la question de notre dépendance à l'égard de nos fournisseurs.

La dépendance de l'Europe - qui, dans le domaine pétrolier, est très importante, pour ne pas dire quasi totale - est d'ailleurs appelée à croître avec l'épuisement progressif des gisements de la mer du Nord. Ainsi, selon l'Agence internationale de l'énergie, l'AIE, à l'horizon 2030, l'Europe dépendra à 94 % des importations pour son approvisionnement pétrolier.

Cette évolution a, bien entendu, des conséquences géopolitiques importantes. En premier lieu, elle ne peut que nous inciter à renforcer notre coopération politique et économique non seulement avec la Russie, dont le poids dans les exportations de pétrole va croître fortement avec la mise en exploitation des réserves de Sibérie orientale, mais aussi avec les pays du Moyen Orient, comme l'Iran. En second lieu, elle nécessite de continuer à accompagner les entreprises pétrolières européennes dans leur recherche de partenariats avec les pays producteurs de pétrole afin de diversifier nos approvisionnements.

Pour autant, nous le savons tous, les réserves pétrolières mondiales ne sont pas extensibles. Deux paramètres ont une influence pour leur évaluation. Le premier a trait à la nature des réserves considérées, qu'il s'agisse des réserves prouvées, qui ont une probabilité supérieure à 90 % d'être extraites du sol, ou des réserves probables, pour lesquelles cette probabilité s'établit à 50 %. Le second tient au rythme de consommation, qui a lui aussi une influence directe. Or la stabilité de ce rythme est loin d'être assurée compte tenu de la hausse des besoins pétroliers de certaines zones en forte croissance, comme la Chine ; vous le savez tous, mes chers collègues.

Au total, on peut estimer que la planète dispose encore de quarante à quatre-vingts années de réserves pétrolières devant elle. En outre, certains gisements devenant rentables avec un prix du pétrole durablement élevé, il est plus que probable que nous pourrons bénéficier de vingt années de consommation supplémentaires.

Il nous reste donc moins d'un siècle de réserves pétrolières. Pouvons-nous pour autant rester inertes face à cette disparition inéluctable de l'or noir ? Bien évidemment non ! Il nous appartient de jeter dès aujourd'hui les bases de l'économie de l' « après-pétrole », en favorisant le recours à des énergies alternatives comme les biocarburants ou la pile à combustible. A ce sujet, monsieur le ministre, je ne peux que me réjouir de la décision qui a été prise par le Gouvernement de doubler nos capacités de production de biocarburants à l'horizon 2007. Je souhaiterais néanmoins savoir, monsieur le ministre, quelles actions le Gouvernement entend mettre en oeuvre en la matière à plus long terme.

Les logiques et les évolutions que je viens d'évoquer pour le pétrole sont, peu ou prou, les mêmes s'agissant du secteur gazier. Les prix du gaz ont également augmenté au cours des derniers mois, en raison de leur indexation sur ceux du pétrole. En outre, l'Europe sera confrontée, pour ses approvisionnements, à une dépendance accrue vis-à-vis de la Russie, qui possède plus du quart des réserves mondiales gazières et qui fournit déjà près de 40 % du gaz consommé en Europe, essentiellement via l'entreprise Gazprom.

Monsieur le ministre, pourriez-vous faire le point sur nos différentes sources d'approvisionnement gazier et nous indiquer les perspectives de diversification possibles ?

Pourriez-vous également nous préciser les types de contrats qui nous lient avec nos fournisseurs et nous donner des précisions sur l'ampleur du recours aux contrats de long terme et sur les velléités, très malvenues selon moi, de la Commission européenne de mettre fin à ce type de relations contractuelles ?

M. Daniel Raoul. Très bien !

M. Ladislas Poniatowski. Par ailleurs, dans le cadre de l'ouverture à la concurrence des marchés électriques et gaziers, il est indispensable que nos compagnies nationales prennent des parts de marché à l'étranger et nouent des alliances stratégiques avec de nouveaux partenaires.

M. Daniel Raoul. C'est moins bien !

M. Ladislas Poniatowski. Gaz de France a d'ailleurs parfaitement su anticiper cette nouvelle donne en prévoyant d'investir plus de 6 milliards d'euros dans les années à venir, pour prendre notamment des participations dans des gisements gaziers afin de se doter de ressources propres. Pourriez-vous nous détailler cette stratégie, monsieur le ministre ?

Au-delà de cette stratégie, nos entreprises doivent se donner les moyens d'acheminer le gaz en toute sécurité, afin de diversifier nos modes d'approvisionnement. Ainsi, je ne peux que me réjouir - et je ne suis d'ailleurs pas le seul, si je me réfère au dernier débat que nous avons eu sur ce sujet - de la mise en service prochaine du terminal méthanier de Fos II, prévue en 2007, qui donnera à nos deux opérateurs principaux, GDF et Total, de nouvelles chaînes d'approvisionnement en gaz naturel liquéfié. Toutefois, monsieur le ministre, je m'interroge sur un point : la construction d'un seul nouveau terminal sera-t-elle suffisante compte tenu des enjeux liés à la diversification et de l'insuffisance de la ressource gazière dans certaines zones de notre territoire ?

Il est tout aussi indispensable de développer nos interconnexions avec les pays producteurs par le biais des gazoducs. Il s'agit bien évidemment d'un enjeu stratégique, car la construction programmée d'un nouveau gazoduc dans le sud de la France permettra de nous approvisionner plus massivement en Algérie.

La mise en service de cette infrastructure répond également à la nécessité de permettre une réelle concurrence sur notre marché gazier national. En effet, dans le bilan de l'ouverture à la concurrence du marché du gaz qu'elle a rendu public en novembre dernier, la Commission de régulation de l'énergie mettait en évidence le fait que la concurrence était moins vive dans le sud et l'ouest de notre pays, en raison essentiellement de la faiblesse de la ressource disponible dans cette région.

Aussi, monsieur le ministre, je souhaite saisir cette occasion pour vous demander de nous éclairer sur le développement prévu des infrastructures de transport de gaz.

J'en viens, pour terminer, au troisième et dernier pilier de notre approvisionnement énergétique, bien évidemment l'un des plus importants puisque qu'il s'agit de l'électricité.

Je ne souhaite pas davantage m'étendre sur la contribution majeure de l'énergie nucléaire à notre indépendance énergétique. Il s'agit là d'une réalité désormais largement admise qui, certes, n'est pas sans poser d'autres types de problèmes ; je pense, bien sûr, à la question des déchets nucléaires.

Néanmoins, je souhaiterais simplement exprimer publiquement, rappelant ainsi la position traditionnelle de la commission des affaires économiques, toute ma satisfaction quant à la décision qui a été prise par le conseil d'administration d'Electricité de France, à la fin de l'année dernière, de lancer les démarches devant aboutir à la construction d'un réacteur de troisième génération EPR, european pressurised reactor.

Cette décision était attendue et nécessaire, tant pour apporter une réponse au problème du vieillissement de notre parc électronucléaire que pour conserver l'avance technologique et économique dont notre pays dispose dans ce secteur.

Toutefois, d'un point de vue plus général, le nouveau cadre concurrentiel doit nous inciter à une certaine vigilance. Je pense notamment à la nécessité de garantir un niveau d'investissement suffisant pour assurer le développement de nos capacités de production.

Je crois savoir qu'est actuellement en négociation au niveau communautaire une proposition de directive visant à garantir la sécurité de l'approvisionnement en électricité et les investissements dans les infrastructures. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez à quel stade se situent aujourd'hui les négociations relatives à ce projet et que vous nous précisiez la position de la France.

Enfin, je souhaiterais plus particulièrement évoquer la question des énergies renouvelables.

Conformément à nos engagements européens, nous devrions atteindre, d'ici à 2010, une proportion de 21 % pour la consommation d'électricité brute provenant des énergies renouvelables. Même si les conditions climatiques de l'année peuvent influencer à la marge la production d'énergies renouvelables, cette proportion est légèrement inférieure à 15 % dans notre pays. Reprenant par là même des positions que j'ai défendues à de nombreuses reprises, je tiens ici à réaffirmer qu'il n'est pas souhaitable que notre pays reste sous-développé en matière d'énergies renouvelables.

Que l'on se réfère au solaire ou à l'éolien, notre pays souffre en effet difficilement la comparaison avec l'Espagne, l'Allemagne, et surtout avec le Danemark. Ainsi, entre 1985 et 2001, la consommation totale d'énergies renouvelables doublait en Allemagne quand elle ne progressait que de 15 % en France.

Dans ces domaines, c'est un euphémisme de dire que nous ne sommes pas en avance, puisque la production annuelle en matière de solaire photovoltaïque, par exemple, n'atteignait que 19 gigawattheures en 2003, et 28 000 tonnes d'équivalent pétrole pour le solaire.

Autre statistique parlante, l'Allemagne dispose aujourd'hui d'un parc de panneaux solaires de 5,4 millions de mètres carrés, loin devant la France, dont le parc compte seulement un peu plus de 700 000 mètres carrés. Le Gouvernement espagnol souhaite, quant à lui, multiplier par dix la superficie du parc de panneaux solaires d'ici à 2010, et envisage même de rendre obligatoire la pose de panneaux solaires pour les nouvelles constructions.

En matière d'hydroélectricité, première source d'énergies renouvelables dans notre pays, je suis persuadé qu'il y a encore des perspectives importantes d'expansion, notamment pour le petit hydraulique. Même s'il est fondamental de poursuivre le travail de protection des cours d'eau et des milieux aquatiques entrepris depuis de nombreuses années, il n'est pas souhaitable, monsieur le ministre, que le futur projet de loi sur l'eau fixe, pour l'énergie hydraulique, des contraintes de nature a entraver, voire empêcher son développement.

Enfin, plus frappant encore, la puissance installée en France en matière d'éoliennes n'atteignait que 0,3 térawattheures en 2003, contre 11 térawattheures en Allemagne. Pourtant, les éoliennes que nos entreprises spécialisées ont su mettre au point dans cette technologie sont performantes et notre territoire est riche en sites exposés au vent. Nous disposons là d'un vaste potentiel, qui est malheureusement largement sous-utilisé.

Certes, le recours plus massif à l'énergie éolienne reste une question controversée dans notre pays. Si je suis moi-même un partisan de l'éolien, je ne suis pas un partisan des éoliennes partout et n'importe où. Selon moi, il est nécessaire de définir des schémas de développement éoliens intelligents, alliant efficacité énergétique et protection des sites naturels.

Il est tout aussi indispensable de faire preuve de pédagogie avec nos concitoyens, qui considèrent encore l'éolien comme une source de nuisances directe et qui ne perçoivent pas nécessairement les enjeux en termes de développement durable attachés à cette énergie. Je n'en comprends pas moins les inquiétudes de nos concitoyens. En effet, à ce stade de la discussion, je ne peux pas m'empêcher de penser aux habitants de Normandie - vous ne m'en voudrez pas ! -, région à habitat dispersé qui compte déjà trois centrales nucléaires, lesquelles subissent déjà de fortes contraintes environnementales.

Néanmoins, nous devons sensibiliser nos concitoyens à ces enjeux environnementaux et, en favorisant une implantation harmonieuse des éoliennes, les convaincre de la nécessité de promouvoir ces dernières.

A ce sujet, le Gouvernement ayant décidé de lancer plusieurs appels d'offres sur l'éolien terrestre et offshore à la fin de l'année dernière, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous dresser le bilan de ces appels d'offres et nous donner les perspectives de développement de l'énergie éolienne dans les prochaines années ?

Enfin, monsieur le ministre, je souhaiterais vous interroger sur les perspectives à très long terme de la filière électrique et vous demander de faire le point sur la question du réacteur expérimental de fusion thermonucléaire ITER. Où en sont les négociations avec nos partenaires sur ce sujet ? S'achemine-t-on vers la construction de ce réacteur expérimental sans le concours des Américains et des Japonais ?

Voilà, monsieur le ministre, brièvement évoqués, les différents points que je souhaitais aborder au cours de ce débat.

Je reste profondément optimiste quant à l'avenir énergétique de notre pays et à notre indépendance. Nous avons su, avec la constitution progressive de deux champions nationaux, créer les conditions de cette indépendance. Le nouveau contexte créé par les directives de libéralisation nous oblige à nous adapter et à réagir ; c'est ce que vous avez su faire avec Nicolas Sarkozy en présentant le projet de loi transformant le statut d'EDF et de GDF.

Certes, ce processus d'ouverture à la concurrence n'est pas exempt de critiques.

M. Daniel Raoul. Très bien !

M. Ladislas Poniatowski. L'Union des industries chimiques est venue nous rappeler tout récemment que les coûts de l'électricité, qui représentent jusqu'à 40 % des prix de revient, avaient augmenté de 55 % entre 2001 et 2005.

M. Daniel Raoul. C'est exact !

Mme Michelle Demessine. Nous l'avions dit !

M. Ladislas Poniatowski. De même, l'Union des industries utilisatrices d'énergie, l'UNIDEN, souligne l'impossibilité pour les gros consommateurs d'électricité de négocier les prix de cette énergie et de conclure des contrats à long terme. Je pense qu'il y a là un véritable problème, qui ne manque pas de nous interpeller du fait de ses répercussions sur la compétitivité de bon nombre d'industries et que nous devrons certainement saisir à bras-le-corps.

Au total, la disparition programmée des ressources pétrolières et la nécessité de trouver les voies d'un développement durable nous incitent à définir un nouveau « mix » énergétique, plus économe en énergies fossiles, plus riche en énergies renouvelables. Je reste persuadé que nous saurons, avec le sens de l'innovation qui caractérise nos énergéticiens et notre appareil de recherche, trouver les voies d'un nouvel équilibre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

- Groupe Union pour un mouvement populaire, 75 minutes ;

- Groupe socialiste, 49 minutes ;

- Groupe Union centriste - UDF, 20 minutes ;

- Groupe Communiste républicain et citoyen, 16 minutes.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsqu'il est intervenu à cette tribune au nom du groupe de l'Union centriste, dans le cadre du débat sur le projet de loi d'orientation sur l'énergie, notre collègue M. Marcel Deneux avait déploré la précipitation dans laquelle le Sénat avait dû travailler, le Gouvernement ayant déclaré l'urgence sur ce projet et l'ayant inscrit à l'ordre du jour de la Haute Assemblée huit jours seulement après que l'Assemblée nationale en eut discuté.

Aujourd'hui, huit mois après cet examen en première lecture, je constate que ce projet de loi est resté bloqué et que l'on est toujours en attente de sa deuxième lecture à l'Assemblée nationale. La question de notre collègue M. Ladislas Poniatowski vient donc à point nommé.

Si l'on en croit les propos du président du Syndicat des énergies renouvelables, la part des énergies renouvelables dans la production totale d'électricité, qui était de 18 % en 1990, ne serait plus aujourd'hui que de 13,5 %, notre collègue Ladislas Poniatowski ayant, quant à lui, cité le chiffre de 15 % il y a un instant. Or, une directive européenne du 27 septembre 2001 a fixé l'objectif à atteindre à 21 % d'ici à 2010.

Il est donc urgent de prendre des mesures concrètes non seulement pour atteindre cet objectif, mais aussi et surtout pour tenir nos engagements internationaux pris dans le cadre du protocole de Kyoto et renouvelés à Johannesburg par le Président de la République lui-même.

Certes, le Gouvernement n'est pas resté les bras croisés.

Il a notamment sélectionné, en début d'année, quinze projets de production d'énergie renouvelable, dont quatorze à partir de la biomasse et un à partir du biogaz, pour une puissance cumulée de 232 mégawatts, et il a d'ores et déjà indiqué qu'un deuxième appel d'offres serait prochainement lancé.

Par ailleurs, un crédit d'impôt de 40 % sur les dépenses d'équipements de production d'énergie renouvelable s'applique depuis le 1er janvier de cette année et devrait accélérer les investissements effectués par les particuliers dans ce domaine, tels que l'installation de panneaux solaires pour le chauffage photovoltaïque.

De même, EDF a décidé, en octobre dernier, et ce avant même que la loi d'orientation sur l'énergie n'ait été votée, d'engager la procédure d'implantation d'un réacteur nucléaire de type EPR, European pressurized reactor, à Flamanville.

Ces décisions vont dans la bonne direction et confortent notre indépendance énergétique, même si beaucoup reste à faire et si se pose encore un certain nombre de questions.

Le Premier ministre a également annoncé, en septembre dernier, dans l'Oise, un plan de développement des biocarburants, sur lequel des précisions ont été apportées la semaine dernière ; il y a déjà été fait allusion.

Par ailleurs, le Plan national d'affectation des quotas d'émission de gaz à effet de serre est aujourd'hui approuvé par la Commission européenne et va permettre à notre pays de participer au marché européen des quotas d'émission. C'est une mesure phare du plan « climat 2004 » qui est ainsi mise en oeuvre.

Ces deux dernières décisions présentent l'avantage non seulement de conforter l'indépendance énergétique de notre pays, du moins pour la première relative aux biocarburants, mais aussi - et je dirai même surtout - de préserver l'environnement et de nous permettre de faire un premier pas vers le respect des objectifs du protocole de Kyoto.

Cependant, si les nouveaux agréments accordés par le Gouvernement pour une production supplémentaire de 800 000 tonnes de biocarburants à l'horizon 2007 vont permettre à ce secteur, et notamment à la filière éthanol, de prendre son essor, il n'en reste pas moins vrai que ceux-ci ne permettront pas d'atteindre l'objectif européen de 5,75 % de biocarburants dans les essences en 2010 et qu'il faut donc dès maintenant décider des investissements dans les unités nouvelles qui seront encore nécessaires après 2007.

Ce plan n'est donc qu'une première étape et nous ne devons pas remettre à demain les décisions que nous devrions prendre aujourd'hui pour atteindre les objectifs européens.

Je rappelle en effet que le secteur des transports représente 30 % des émissions de gaz à effet de serre et que le développement des biocarburants est aujourd'hui - et pour longtemps encore - le seul moyen opérationnel de réduire de manière significative ces émissions. Ne nous faisons pas d'illusion sur la pile à combustible : le moteur à hydrogène n'est pas pour demain, il faudra encore longtemps avant qu'il puisse être développé en grande série.

De même, en ce qui concerne le développement des énergies renouvelables pour la production d'électricité, l'énergie éolienne et le photovoltaïque, qui présentent l'avantage d'éviter le difficile problème des déchets radioactifs - qui n'est d'ailleurs pas encore résolu aujourd'hui -, n'auront qu'un impact extrêmement limité sur la préservation de l'environnement. En effet, le secteur électrique français est structurellement peu émetteur de gaz carbonique du fait du recours massif à l'énergie nucléaire et hydraulique pour la production d'électricité. Ainsi, à titre de comparaison, la France rejette huit fois moins de tonnes de gaz carbonique par habitant que l'Allemagne et dix-huit fois moins que les Etats-Unis.

De plus, si le nucléaire pose de vrais problèmes, il a en revanche l'avantage d'avoir assuré à la France son indépendance en matière de production d'électricité, à un prix très abordable et sans production de gaz à effet de serre. Cette filière a aussi permis à notre pays d'être excédentaire en électricité et de développer un savoir-faire dont on devrait tirer d'importants bénéfices au moment où décolle l'économie de pays aussi importants que la Chine ou l'Inde, qui vont avoir des besoins croissants en termes de production d'énergie électrique.

Nous ne devons donc pas réduire la question de l'indépendance énergétique de notre pays et celle du respect des engagements pris dans le cadre du protocole de Kyoto au développement des énergies renouvelables dans le domaine de la production d'électricité. Notre collègue M. Ladislas Poniatowski a cité d'autres pistes ; il a tout à fait raison.

C'est en substituant les énergies renouvelables aux énergies fossiles consommées dans le domaine des transports et de l'industrie que nous réduirons significativement notre dépendance à l'égard des énergies fossiles et que nous aurons un impact réel sur le plan environnemental.

Il serait donc intéressant, monsieur le ministre, au-delà de la question précédemment posée sur la sécurité d'approvisionnement énergétique de notre pays, que vous nous précisiez ce que vous comptez faire pour améliorer la substitution d'énergies renouvelables aux énergies fossiles, permettant ainsi de réduire significativement nos émissions de gaz à effet de serre. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on ne peut qu'être surpris de l'inscription à l'ordre du jour de cette question orale avec débat sur l'indépendance énergétique de la France.

Non qu'une telle question serait sans intérêt ou manquerait de pertinence, bien au contraire ! Notre indépendance énergétique, résultat du volontarisme politique de l'après-Seconde Guerre mondiale, n'avait en effet jusqu'à présent jamais été autant remise en cause, voire contestée.

A maints égards, cette question sur notre indépendance énergétique est donc opportune, mais elle apparaît quelque peu provocatrice alors que nous avons entamé l'été dernier, dans la plus grande précipitation et la confusion, la discussion d'un projet de loi d'orientation qui concerne précisément ce sujet, le projet de loi d'orientation sur l'énergie.

Dans la plus grande précipitation en effet, puisque quelques jours à peine après son adoption à l'Assemblée nationale, le 1er juin 2004, le projet de loi d'orientation était inscrit à l'ordre du jour du Sénat. Alors que nous ne disposions encore que de « la petite loi », il nous a fallu, en un temps record, en moins d'une semaine, tout d'abord tenter d'apprécier les véritables intentions du Gouvernement sur un projet loi qui devait engager l'avenir énergétique de la France sur le long terme, ensuite analyser les modifications introduites par l'Assemblée nationale et, enfin, tenter de comprendre les raisons des sérieux désaccords entre les commissions des deux chambres, relatifs à l'intégration ou non dans le corps du texte des vingt et une pages annexées au projet de loi d'orientation.

Pour ajouter à la confusion, l'on s'interrogeait encore récemment pour savoir si, finalement, ce projet de loi d'orientation ferait l'objet d'une deuxième lecture ou s'il resterait déclaré d'urgence.

On parle aujourd'hui du mois de mai ou du mois de juin pour la deuxième lecture au Sénat, soit pratiquement un an après l'inscription du texte à l'ordre du jour de la Haute Assemblée. Pourquoi, après tant de précipitation, un si long délai ? Pouvez-vous d'ailleurs nous confirmer, monsieur le ministre, qu'il y aura bien une deuxième lecture sur ce projet de loi d'orientation ?

Cette question orale avec débat est la bienvenue si elle permet au Gouvernement de revoir sa copie afin de ne pas en rester à des déclarations d'intention. En l'état, nous continuons de penser que ce projet de loi d'orientation manque de souffle et de réel volontarisme politique.

Si nous apprécions la décision de relancer le programme civil nucléaire, force est de constater que les efforts effectués dans les autres directions, en matière d'énergie renouvelable, de maîtrise des dépenses d'énergie et de réduction de notre dépendance à l'égard du pétrole, font défaut.

Nous sommes très réservés quant aux certificats d'économies d'énergie, car nous doutons de leur réelle efficacité.

En matière d'énergie verte, les récentes statistiques produites par le Syndicat des énergies renouvelables sont particulièrement alarmantes. La France est en effet loin de pouvoir respecter l'engagement européen de porter à 21 % en 2010 la part d'énergie renouvelable dans sa production d'électricité. Alors qu'elle représentait 18 % en 1990, cette part n'a cessé de se réduire, pour atteindre seulement 13,5 % en 2003.

L'effort en matière de recherche et développement est indispensable pour renforcer les énergies propres, comme le photovoltaïque. Cela suppose, vous le savez, des moyens financiers et la programmation d'investissements.

Une autre question se pose : quel sort sera-t-il réservé à l'hydraulique dans le projet de loi sur l'eau ?

Le projet de loi d'orientation sur l'énergie ne prévoit pas un réel programme de développement à long terme de notre secteur énergétique et de nos services publics de l'électricité et du gaz, au contraire !

Et pourtant, nous avons besoin d'un projet fondé sur le développement de notre outil industriel à travers une programmation des investissements visant la diversification des sources énergétiques et leur complémentarité à long terme.

Au lieu de sécuriser à long terme nos approvisionnements énergétiques, l'actuel projet de loi ne vise, hélas ! qu'à prendre des dispositions pour s'adapter et gérer les pénuries futures, voire les dysfonctionnements liés à la régulation par le marché. N'oublions pas la crise californienne et la faillite d'Enron.

Enfin, posée par vous, cette question est une provocation à l'égard des électriciens et des gaziers qui manifestaient récemment dans les rues pour défendre leur outil industriel et leur conception du service public alors que l'ouverture du capital d'EDF et de GDF est déjà avancée !

Qui nierait que le caractère public de ces entreprises est l'une des conditions, sinon la condition, de la préservation de notre indépendance énergétique ?

Certes, cette condition n'est peut-être pas suffisante, car elle suppose que la contrainte soit exercée par le volontarisme politique pour orienter le comportement des entreprises publiques ; j'y reviendrai dans un instant. Or, on est au regret de constater - et cela a pu aussi être observé dans d'autres services publics, tels que les services postaux - un retrait inquiétant du volontarisme politique au profit d'une régulation purement marchande.

L'abandon de la maîtrise publique de nos tarifs de l'électricité ou du gaz ne serait-il pas le signe le plus patent de la remise en cause de l'indépendance énergétique que nous avions conquise ?

Nous en savons quelque chose d'ailleurs en ce qui concerne le pétrole. Après le premier choc pétrolier, notre facture pétrolière s'était considérablement accrue, subissant plus la politique du dollar fort que la décision des pays de l'OPEP tentant finalement de se réapproprier la gestion de leurs ressources fossiles.

Allons-nous être condamnés à revivre cette situation, alors que rien n'est réellement fait pour réduire notre dépendance pétrolière extérieure ?

Comment pouvez-vous, par exemple, afficher la volonté de renforcer le rail alors que vous appelez de vos voeux sa libéralisation ? Le secteur des transports, outre qu'il constitue l'une des principales sources de pollution, représente une part très importante de nos importations de pétrole. Réduire notre dépendance pétrolière extérieure suppose une véritable politique en faveur du rail, avec, avant tout, les investissements financiers à la clé.

Le débat sur le fret ferroviaire que nous avons eu dans cette enceinte, le 26 janvier dernier, a montré combien était défaillante la volonté politique de rééquilibrer le rail face à la domination du tout-routier !

L'analyse présentée par mon collègue et ami Michel Billout à l'occasion de ce débat est probante : une réorientation fondamentale de la politique des transports favorisant la complémentarité intermodale plutôt que la mise en concurrence des modes de transport est nécessaire si l'on veut réduire notre dépendance à l'égard des hydrocarbures. Or, telle n'est manifestement pas l'option qu'a choisie le Gouvernement.

Enfin, nous subirions moins les effets de la volatilité du dollar si l'euro pouvait, lui aussi, jouer un rôle de monnaie de transaction internationale au sein de la zone euro. La France devrait, me semble-t-il, pouvoir porter une telle ambition en demandant la tenue d'une conférence internationale sur ce sujet.

Pour en revenir aux prix de l'électricité, notre pays, grâce au nucléaire et à l'hydraulique, disposait jusqu'à maintenant des tarifs les plus bas et les plus compétitifs. Or, comme l'ont souligné certains de nos collègues, depuis l'ouverture de notre marché énergétique, les prix de l'électricité ont connu une forte envolée qui a augmenté les factures des usagers domestiques, mais aussi celles de nos services publics comme la SNCF et les hôpitaux, de nos grandes industries et de nos PME.

Cette perte de la maîtrise tarifaire, par un alignement de nos prix intérieurs sur les prix plus volatils fixés par la bourse européenne de l'électricité, est doublement pénalisante.

D'abord, parce qu'elle nous prive d'un instrument de politique industrielle : comment éviter la délocalisation de nos entreprises électro-intensives si nous sommes privés de notre politique en matière de prix ? C'est aussi à ce niveau, par la marge de manoeuvre dont nous disposons en matière de politique industrielle, que se mesure le degré de notre indépendance énergétique.

Avouez que les mesures incitatives d'exonérations fiscales des pôles de compétitivité que vous proposez ne pèseront pas lourd par rapport à cette variable. A la fin des années quatre-vingt, le groupe Pechiney n'aurait certainement pas installé une nouvelle usine d'électrolyse sans la garantie de tarifs préférentiels. A la clé, il y avait la création de 550 emplois directs.

La perte de la maîtrise tarifaire nous pénalise également parce qu'elle nous prive d'une politique sociale permettant d'agir sur la facture d'électricité des usagers dans un sens visant l'équité sociale et l'accès de tous, à un prix le plus bas possible, à ce bien de première nécessité qu'est l'électricité.

Avec la privatisation d'EDF et de GDF, vous nous privez des outils industriels nous permettant de consolider nos acquis en matière d'indépendance énergétique. C'est aussi à ce niveau que réside le caractère un peu provocateur de ce débat.

En tout état de cause, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas recourir à l'alibi européen pour justifier l'abandon du statut public d'EDF et de GDF. Comme l'a souligné cet été Mario Monti, alors commissaire européen chargé de la concurrence, les traités européens n'obligent aucunement les Etats à privatiser leurs services publics de l'énergie !

Pourquoi, monsieur le ministre, les intérêts de l'actionnariat privé, qui, dans le contexte actuel de mondialisation, est de plus en plus nomade ou apatride,...

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. « Apatride », le vilain mot !

Mme Michelle Demessine. ... et finalement, lui aussi, volatile, coïncideraient-ils avec l'intérêt national ou avec l'intérêt général de nos populations ? Malheureusement, nous sommes bien obligés de le constater.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je vous croyais internationalistes !

Mme Michelle Demessine. Contrairement aux mouvements de capitaux, nous sommes, nous, pour un internationalisme solidaire !

Il est presque absurde de discuter de l'indépendance énergétique de la France au moment où le Gouvernement, en ouvrant le capital de nos deux entreprises publiques énergétiques, prive le pays des instruments et des moyens permettant de mettre en oeuvre une politique visant à assurer la sécurité de nos approvisionnements. Car le statut public des EPIC comme EDF et GDF a précisément permis à la France non seulement de se donner les moyens de devenir indépendant sur le plan de l'électricité, mais aussi d'accroître son taux global d'indépendance énergétique de 26 % à 50 %, en une trentaine d'années !

Je continue de penser qu'aujourd'hui il est nécessaire de créer, autour d'EDF et de GDF, un pôle public de l'énergie, pour faire émerger toutes les synergies possibles et les économies d'échelle afin de contribuer à la sécurité de nos approvisionnements.

En effet, qu'est-ce qui nous garantit que la desserte des usagers et des clients éligibles sur notre territoire national demeurera en toutes circonstances la priorité d'une entreprise comme EDF avec un actionnariat privé ?

Que ce soit pour EDF ou pour GDF, nous nous sommes prononcés contre la séparation des activités de transport et leur filialisation. Aujourd'hui, on veut aller plus loin encore, vers une indépendance totale de la gestion des réseaux, autrement dit vers une séparation patrimoniale par le biais de la cession d'actifs.

Déjà, la filialisation des activités de transport et l'ouverture du capital de RTE, Réseau de transport d'électricité, risquent de contribuer à des ruptures de continuité entre production et distribution d'électricité, à des dysfonctionnements remettant en cause notre sécurité d'approvisionnement.

Dans cette conception libérale, les réserves de capacités de production d'électricité, qui, comme l'a montré le débat de cet été, permettent de réguler les flux et de faire face aux pointes de demandes, seront-elles préservées ?

En ce qui concerne le gaz, nous avions eu l'occasion de souligner que l'activité de transport contribue de manière fondamentale à la sécurité de nos approvisionnements. Elle regroupe, dans un ensemble cohérent, les activités de réseaux de transport, de stockage et les terminaux méthaniers. La filialisation de ces activités, avec, à terme, le risque d'une séparation patrimoniale, compromet leur intégration au sein de l'entreprise et porte préjudice à la sécurité de nos approvisionnements et à la continuité de la fourniture.

Quant à nos capacités de stockage, tant enviées par certains de nos partenaires européens, nous savons combien elles participent à la régulation de nos flux et sont essentielles à la sécurité de nos approvisionnements et à l'équilibre de nos réseaux de transports. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'en juillet dernier nous nous étions opposés à la décision de la commission des affaires économiques visant à permettre l'accès des tiers aux stockages de gaz, qui plus est dans des termes qui ouvraient la voie à leur dissociation, par le biais de leur filialisation, et, à terme, à leur possible autonomisation. Nous savons qu'en 2003 des tentatives de marchandage des capacités de stockages de gaz du futur terminal de Fos 2 avaient eu lieu entre GDF et Eon-Ruhrgas. Voilà, avec la privatisation, ce qui nous attend, alors que nous ne possédons pas de gaz et que les capacités de stockage sont un élément important de la sécurité de nos approvisionnements !

Enfin, si nous nous réjouissons que la Commission européenne ait finalement renoncé à remettre en cause les contrats de gaz à long terme, nous demeurons inquiets devant le recours croissant au marché spot pour assurer notre approvisionnement.

De fait, le recours plus important à ce type de marché ces derniers mois - de l'ordre de 11 % - ne signifie-t-il pas que notre sécurité d'approvisionnement en gaz risque d'être entamée ?

Jusqu'à présent l'approvisionnement sur ce marché à court terme représentait seulement entre 1% et 2% de nos besoins. Il faut savoir que les prix sur ce marché sont actuellement deux à trois fois plus élevés que ceux des contrats à long terme.

Il semble que nous devions cette situation - et c'est là où le bât blesse, monsieur le ministre - à l'accident du terminal méthanier Skikda, qui a privé l'Algérie d'un tiers de sa capacité d'exportation, soit près de 8% de l'approvisionnement de la France. Cette situation est particulièrement inquiétante. En cas de défaillance d'une source d'approvisionnement, la solution pour la France est-elle de s'approvisionner sur le marché spot ? Quelle est réellement la capacité d'absorption des chocs par le marché spot ? C'est in fine notre sécurité d'approvisionnement en gaz qui est remise en cause.

Dans le contexte géostratégique actuel, où aucune hypothèse ne peut a priori être exclue, que se passera-t-il, par exemple, si la source d'approvisionnement défaillante était la Russie, qui représente actuellement 25 % du gaz que nous consommons ? Dois-je rappeler que l'article 4 du décret du 19 mars 2004 précise que Gaz de France « doit être en mesure d'assurer la continuité de fourniture », notamment en cas « de disparition pendant six mois au maximum de la principale source d'approvisionnement », cette situation représentant environ 25 % à 30 % du marché ?

Une telle défaillance se traduirait par une saturation du marché spot et par une envolée des prix fortement préjudiciable à notre économie. Comment exclure une telle éventualité, qui montre la fragilité de notre sécurité d'approvisionnement en gaz, surtout dans le contexte actuel de libéralisation ?

En conclusion, monsieur le ministre, notre politique énergétique doit être consolidée et rénovée pour faire face aux nouveaux défis posés par le développement durable. Sans une politique volontariste en la matière, nous risquons de remettre en cause notre indépendance énergétique et la sécurité de nos approvisionnements en électricité et en gaz. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Ladislas Poniatowski s'interroge aujourd'hui, au vu du contexte actuel du marché pétrolier, sur les orientations que le Gouvernement entend arrêter pour garantir l'indépendance énergétique de la France.

M. Charles Revet. C'est important !

M. Daniel Raoul. Permettez-moi d'emblée d'en être un peu surpris. En effet, le projet de loi d'orientation sur l'énergie attend une deuxième lecture à l'Assemblée nationale, alors que, dans un premier temps, il avait été déclaré d'urgence. Je me souviens également des conditions dans lesquelles...

M. Daniel Raoul. ...le Gouvernement nous avait obligés à travailler au mois de juin 2004 : première lecture par l'Assemblée nationale le 1er juin ; fin de la première lecture par le Sénat le 10 juin, notre collègue Henri Revol ayant déposé son rapport le 2 juin.

M. Charles Revet. Très bon rapport !

M. Daniel Raoul. Je soupçonne notre collègue de souffrir d'insomnie pour avoir réussi à rédiger son rapport dans la nuit.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. M. Revol a une grande capacité de travail.

M. Daniel Raoul. Certes, et je ne la mésestime pas !

Que devons-nous déduire de cette démarche ? Ou bien, il y a une crainte de voir ce texte noyé dans les méandres du calendrier parlementaire, mais quid, alors, de l'intérêt de l'urgence de juin 2004 ? Ou bien, au vu des événements récents survenus au Moyen-Orient et de leur conséquence sur le prix du pétrole, M. Poniatowski manifeste, par le dépôt de cette question, une défiance envers l'efficacité des propositions du Gouvernement lors de la première lecture devant notre assemblée.

Plutôt qu'une question orale avec débat, nous aurions préféré poursuivre et achever la discussion du projet de loi d'orientation sur l'énergie, commencée à l'Assemblée nationale voilà près de neuf mois.

L'examen de ce texte s'enlise. Au regard du contexte actuel, des difficultés que nous rencontrons avec la Commission européenne et des problèmes géopolitiques du Moyen-Orient, ce n'est pas admissible. Non que sur le fond nous soyons d'accord avec les propositions qui ont été faites - je ne referai le débat, mais nous avions alors considéré qu'il y avait trop de déclarations incantatoires, trop de droit gazeux non normatif, absence de programmation financière et budgétaire, et aucune disposition sur les transports -,...

M. Daniel Raoul. ...mais parce que nous estimons que, compte tenu des enjeux sociétaux, économiques et environnementaux, le législateur doit fixer lui-même les orientations de la politique énergétique.

L'examen du projet de loi ira-t-il jusqu'à son terme, monsieur le ministre, ou sera-t-il abandonné, nous confirmant dans l'idée qu'il s'agit d'un simple texte d'affichage, instrumentalisé par le Gouvernement pour répondre à certaines revendications syndicales - le vote d'une loi sur l'énergie et le lancement de l'EPR - et espérer ainsi rendre acceptable l'ouverture du capital d'EDF et de Gaz de France ?

M. Jean-Marc Pastor. Bonne question !

M. Daniel Raoul. Certaines dispositions du projet de loi d'orientation sur l'énergie, en particulier celles qui sont relatives au diagnostic de performance énergétique des bâtiments, ont certes été adoptées dans la loi de simplification du droit de décembre dernier, mais cela ne laisse rien présager de bon et atténue la portée de la loi d'orientation.

L'indépendance énergétique et la sécurité d'approvisionnement sont en effet menacées. Sur ce point, je vous renvoie, mes chers collègues, à votre presse favorite, car tous les organes de presse, en particulier la presse économique, se font l'écho des problèmes qui se posent.

Mais, tout aussi grave, notre indépendance énergétique était déjà faible. En effet, selon un document de décembre 2004 émanant de votre ministère, monsieur le ministre, elle s'établissait en 2002 à 50,6 % et était plus faible que celle de l'Union à vingt-cinq, qui s'élève à 53,4 %, ou celle des Etats-Unis - ils ont certes du pétrole -, qui se monte à 72,8 %. Le débat bat son plein sur la fin de l'abondance pétrolière et le pétrole cher pose un défi à l'économie mondiale. La cherté du pétrole pourrait d'ailleurs contribuer à la désindustrialisation de la France - M. Poniatowski a évoqué le problème du prix de l'électricité pour les industries chimiques - et accélérer les délocalisations, en particulier s'agissant des industries électro-intensives. Or, le prix de l'énergie, et en particulier la facture pour la France, a augmenté de 7,3 % au cours des sept premiers mois de l'année. Pis, le prix des produits énergétiques s'est envolé, avec une augmentation de 10,2 % entre décembre 2003 et décembre 2004, le prix des produits pétroliers ayant, quant à lui, crû de 14,6 %, malgré la diversification de nos approvisionnements, car la part des hydrocarbures reste importante.

Par ailleurs, on constate la fin de la surcapacité de production électrique d'origine nucléaire en raison du choix politique un peu hypocrite de l'Allemagne et du vieillissement des centrales.

Assurer l'indépendance énergétique et la sécurité d'approvisionnement sont des objectifs qui doivent être partagés par tous. Mais encore faut-il nous dire comment on s'y prend et quels moyens on met en oeuvre !

Dans ce domaine, l'Union européenne a failli : l'ouverture à la concurrence des marchés ne peut être l'alpha et l'oméga de sa politique de l'énergie. L'ouverture des marchés de l'électricité a nuit à la compétitivité des entreprises : la déréglementation du marché européen s'est soldée par une progression des prix de plus de 25 %, et même de 40 % pour la chimie, comme l'a précisé M. Poniatowski.

M. Roland Courteau. Et ça continue !

M. Daniel Raoul. Les objectifs fixés par la législation européenne n'ont, pour l'instant, pas été atteints : il n'y a pas de marché de l'électricité intégré à l'échelon européen. La sécurité d'approvisionnement est mise à mal, faute d'interconnections suffisantes, et la Commission, elle-même, le reconnaît. Mais avant de parler de développement des interconnexions, certes nécessaires pour créer un marché intérieur, ne faudrait-il pas encourager les Etats membres à accroître leurs propres capacités de production et à ne pas compter sur leurs voisins ?

M. Daniel Raoul. L'Allemagne a ainsi décidé de ne plus produire d'électricité nucléaire et a fait le choix de s'approvisionner en France ! En revanche, et je salue leur courage politique, nos voisins britanniques ont récemment décidé de construire un réacteur.

La politique de privatisation et d'ouverture du capital des grandes entreprises industrielles et énergétiques - AREVA, EDF et Gaz de France - menée par ce Gouvernement fragilise l'indépendance énergétique de la France.

L'indépendance énergétique suppose le contrôle du capital par l'Etat des entreprises qui exercent, en ces domaines, un rôle essentiel, et qui maîtrisent donc les outils de production. C'est d'autant plus vrai pour le nucléaire car la sécurité et la sûreté sont en jeu. A ce propos, monsieur le ministre, faut-il faire entrer des entreprises électro-intensives dans le tour de table pour financer l'EPR ?

L'indépendance énergétique suppose de diversifier les sources d'énergie : le renouvelable ne décolle pas, pire il diminue en pourcentage, comme l'atteste le rapport de notre collègue Courteau. Et pour diversifier, il faut une vraie politique de recherche et développement. Selon l'Agence internationale de l'énergie, moins de 8 % des crédits publics de recherche et développement dédiés à l'énergie ont été consacrés au renouvelable entre 1987 et 2002, période à laquelle vous aimez bien vous référer, monsieur le ministre !

L'effort doit être porté sur le stockage de l'électricité, le transport et le stockage de la chaleur et du froid, la production et le stockage de l'hydrogène, la pile à combustible, le solaire voltaïque, les réseaux électriques intelligents et la biomasse. A ce sujet, monsieur Détraigne, il existe déjà des bus qui roulent aux USA avec des piles à combustible, grâce à l'appui de grands constructeurs comme Mercedes. La pile à combustible sera opérationnelle dès demain dans les transports en commun, et non dans des décennies !

M. Daniel Raoul. Le Président de la République a annoncé la création d'une agence de l'innovation industrielle, à la suite du rapport Beffa. Il est prévu de la financer grâce aux recettes des privatisations. Voilà donc à quoi servira l'ouverture du capital d'EDF, de Gaz de France et d'AREVA ! C'est une façon de tourner en rond, monsieur le ministre. Il aurait sans doute été préférable de laisser ces capitaux à EDF, Gaz de France et AREVA afin de développer notre indépendance énergétique. Mais c'est un autre débat, et nous y reviendrons dans le cadre de l'examen du projet de loi d'orientation.

L'indépendance énergétique suppose aussi le maintien de la filière nucléaire. Il faut, bien sûr, soutenir le projet ITER. L'Union européenne a, sur ce point, réaffirmé sa volonté de lancer la construction d'ITER à Cadarache sans le Japon, si aucun accord n'est trouvé. Où en est-on, monsieur le ministre ?

Le maintien de la filière nucléaire suppose de traiter l'aval du cycle et de tenir les engagements de la loi Bataille. Sur ce point, en tant que scientifique j'ai été quelque peu déçu à propos de l'espoir que l'on nous avait fait entrevoir sur la transmutation des déchets. Il s'agit en effet d'une technologie très énergétivore et qui n'aboutira sans doute pas. Si les déchets ne peuvent être transmutés, reste le problème de leur stockage.

Le maintien de cette filière suppose également que le Parlement adopte rapidement la loi sur la transparence nucléaire. Le gouvernement Jospin avait déposé un projet de loi, que le gouvernement Raffarin a d'ailleurs repris. Quand en débattrons-nous ?

L'indépendance énergétique suppose, enfin, de maîtriser la demande d'énergie, ce qui passe par une action volontariste dans le secteur tertiaire et dans les transports. Nous savons tous pertinemment que le plus grand gisement - qui favoriserait d'ailleurs notre indépendance énergétique - réside dans les économies d'énergie. Depuis le dernier choc pétrolier, nous avons tous levé le pied et nous sommes coupables de consommer de l'énergie importée.

Or, s'agissant des transports, le Gouvernement va à contresens : il a supprimé l'aide aux collectivités locales pour les transports en commun en sites propres ; il ne respecte pas ses engagements sur les financements de contrats de plan. Des gels importants - 45 % en 2003 et peut-être plus de 50 % en 2004 - ont bloqué la montée en puissance des investissements ferroviaires. Nous avons eu récemment, au Sénat, un débat sur une question de M. Reiner concernant le fret ferroviaire - je n'y reviendrai pas. Pour autant, ce blocage et l'impossibilité dans laquelle se trouve la SNCF - peut-être par manque de volonté - de développer le fret ferroviaire posent un vrai problème : non seulement sur le plan énergétique, bien sûr, mais aussi au niveau de la concurrence. Cela a en particulier pour effet de favoriser la route par rapport au rail. Sur le plan environnemental, la file - voire les deux files - de camions sur l'autoroute A1 pose un problème réel de maîtrise d'émission de CO2.

Si le gel de 2004 pour les contrats de plan est confirmé, le taux d'avancement ne sera que de 33,4 %, soit moins que les trois septièmes de l'engagement initial de l'Etat. Si l'exécution de ces contrats se poursuit au même rythme, seulement 50 % du volet ferroviaire du contrat de plan 2000-2006 sera réalisé, soit un retard de sept ans. Les dotations en faveur du combiné ont en effet été réduites de moitié et le plan fret, sur lequel je reviens encore, aboutit à fermer certaines lignes.

Nous espérons pouvoir débattre de tout cela, monsieur le ministre, lors de la deuxième lecture du projet de loi d'orientation.

En revanche, si un sujet mérite une réponse et une action rapide à l'échelon européen, c'est bien celui des contrats à long terme de gaz, les fameux CLT. Vous connaissez les dangers d'une lecture de la Commission ; ils pourraient priver Gaz de France d'une sécurité d'approvisionnement.

En effet, la poursuite de l'ouverture des marchés doit préalablement faire l'objet d'un rapport d'évaluation d'ici à la fin de l'année 2005, aux termes de l'article 31-3 de la directive.

C'est au regard de ce document que la Commission appréciera au cas par cas les conditions d'accès et si des sociétés intégrées, comme de Gaz de France, pourront être exemptées, à la demande des Etats membres - dont la France, je l'espère, monsieur le ministre -, de l'obligation de séparation juridique du gestionnaire de réseau de la distribution.

Dans l'immédiat, le rapport annuel de 2004 de benchmark a fait l'objet d'une communication solennelle devant le Parlement et devant le Conseil.

Ce rapport, dont la grille d'analyse peut être discutée, pourrait conduire la Commission à avoir une mauvaise opinion de l'ouverture des marchés. Nous aussi, monsieur le ministre, nous avons une très mauvaise opinion à cet égard, mais pour des raisons diamétralement opposées, notamment au vu de l'évolution des prix constatée pour les gros consommateurs. On pourrait en effet connaître la même évolution pour l'ensemble des consommateurs lors de l'ouverture totale du marché.

En effet, la déréglementation a abouti non pas à une baisse des prix, comme cela avait été annoncé, mais, au contraire, à une progression significative, pouvant atteindre 40 % dans certains cas.

Nous le savons, pour le gaz, le contenant, c'est-à-dire le réseau de distribution, et le contenu, c'est-à-dire le gaz, sont intimement liés, ne serait-ce que pour l'investissement dans la distribution finale. Il est donc important que Gaz de France soit une entreprise intégrée.

Nous souhaitons donc, monsieur le ministre, sur les questions très urgentes que sont les contrats à long terme et l'entreprise intégrée ainsi que sur ITER connaître la position du Gouvernement, et en particulier les actions qu'il compte entreprendre auprès de la Commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Henri Revol.

M. Henri Revol. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie Ladislas Poniatowski de son initiative, qui nous permet de débattre aujourd'hui de cette importante question de l'indépendance énergétique de notre pays, en complément de nos discussions sur la loi d'orientation. Monsieur Raoul, j'espère que lors de la deuxième lecture du projet de loi d'orientation nous disposerons en effet d'un peu plus de temps qu'en première lecture.

Mes chers collègues, je centrerai mon propos sur le cas de l'électricité, en particulier sur sa production à partir du nucléaire, qui, tous les orateurs l'ont dit, joue un rôle déterminant pour assurer notre indépendance. En effet, le parc électronucléaire français représente près de 80 % de la production brute d'électricité dans notre pays.

Le choix courageux et ambitieux qui a été fait, à la suite du premier choc pétrolier, de se lancer dans cette voie a, selon moi, porté tous ces fruits puisqu'il a permis de bénéficier tout au long de ces années d'une électricité à un prix tout à fait raisonnable pour les particuliers et a favorisé le développement de nombreuses industries en assurant le maintien de leur compétitivité.

Comme je le soulignais dans mon rapport relatif au projet de loi d'orientation sur l'énergie, hormis l'opposition de quelques petites fractions de nos concitoyens, certes farouches et irréconciliables, cette stratégie a reçu l'assentiment d'une très large majorité de nos concitoyens.

Pour autant, je ne souhaite pas dresser un tableau par trop idyllique du panorama énergétique français.

Deux points plus particuliers méritent, selon moi, d'être améliorés.

Il s'agit, en premier lieu, de la question des déchets nucléaires.

Nous le savons tous, l'énergie nucléaire a le mérite de nous fournir une électricité bon marché et encore abondante compte tenu des réserves mondiales d'uranium, qui correspondent, au bas mot, à plus de trois siècles de consommation, et bien au-delà grâce aux réacteurs surgénérateurs, soit une durée largement supérieure à celle qui est prévue pour les réserves pétrolières.

Cela étant, le choix du nucléaire ne manque pas de nous confronter à de véritables enjeux environnementaux. En effet, la réaction de fission nucléaire donne naissance à des éléments radioactifs qui, pour certains, peuvent être recyclés et réutilisés après retraitement dans les combustibles et qui, pour d'autres, nous posent plus de problèmes. Sans chauvinisme effréné, je souhaiterais avant toute chose rappeler l'excellence de l'industrie française du retraitement en la matière, notamment la technicité de l'entreprise COGEMA, qui retraite plus de mille tonnes de combustible irradié chaque année dans ses unités de l'usine de La Hague et qui fait partie des leaders mondiaux du secteur.

Toutefois, en dépit d'un taux de récupération plus qu'honorable et de la production du combustible MOX, qui permet l'utilisation du plutonium, la réaction nucléaire donne également naissance à des éléments hautement radioactifs à vie longue, les actinides mineurs, que l'on ne sait pas encore réutiliser dans le cycle de production électrique, et à des corps dits « produits de fission », radioactifs, dont la durée de vie est assez longue.

Le législateur a, en 1991, et j'avais eu l'honneur d'être le rapporteur de ce texte, voté une loi qui prévoyait d'organiser notre recherche dans le domaine des déchets nucléaires autour de trois axes pour essayer de trouver une solution à ce problème, et qui disposait qu'un bilan de ces travaux sera présenté devant le Parlement en 2006. Ces trois axes sont: la séparation-transmutation des éléments radioactifs, le stockage de ces éléments en couche géologique profonde et l'entreposage de ces déchets. La commission nationale d'évaluation présente, comme l'a fixé la loi, chaque année au Gouvernement et au Parlement un rapport sur l'état de ces recherches.

L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, que j'ai l'honneur de présider, vient juste d'achever, la semaine dernière, trois grandes journées d'auditions publiques consacrées à ces trois axes de recherche. Vous avez d'ailleurs bien voulu, monsieur le ministre, nous faire l'honneur de clore l'une de ces journées. Ces auditions ont été organisées sur l'initiative de nos collègues députés MM. Birraux et Bataille, qui travaillent à l'élaboration d'un rapport de l'Office destiné à préparer cette échéance de 2006. Les débats que nous avons eus dans ce cadre furent d'excellente qualité et permettront de préparer au mieux les discussions que nous aurons l'année prochaine sur cette thématique.

Mes chers collègues, ne nous trompons pas. Je sais que le fait d'aborder le sujet des déchets nucléaires peut déchaîner les passions et faire entrer le débat dans la sphère de l'irrationnel. Toutefois, j'aimerais dire ici solennellement qu'il s'agit d'une question dont il convient a contrario de ne pas exagérer l'importance. En effet, peu de personnes savent que la totalité des déchets nucléaires à vie longue produits par le parc électronucléaire français depuis sa création tiennent dans un volume équivalant à celui d'une piscine olympique, dans l'attente des décisions qui seront prises par le législateur l'an prochain. En outre, selon moi, le terme « déchet » est utilisé à tort puisqu'il s'agit de produits intégrés dans des conteneurs, objets de haute technologie, qui, nous l'espérons tous, pourront un jour permettre la valorisation de ces déchets.

Je rappelle également un fait important : alors que la planète est confrontée plus que jamais à l'enjeu du réchauffement climatique, l'énergie nucléaire est la source qui émet le moins de gaz carbonique.

M. Henri Revol. Ainsi, au sein de l'Union européenne, la France est l'un des pays qui émet le moins de dioxyde de carbone.

M. Daniel Raoul. Effectivement !

M. Henri Revol. Surtout, les émissions de CO2 par habitant dues à la production électrique sont largement inférieures à celles des autres pays de l'Union : 0,44 tonne par habitant pour la France, contre 3,67 tonnes par habitant pour l'Allemagne ; notre collègue Yves Détraigne l'a souligné à juste titre tout à l'heure. Il y a donc bien un modèle français de l'énergie, qui est respectueux des enjeux liés au développement durable et à la lutte contre l'effet de serre.

Tant que l'on n'aura pas trouvé une meilleure solution pour garantir l'indépendance électrique française, nous devons raison garder en la matière et continuer de soutenir notre appareil de recherche pour que des solutions puissent être trouvées au problème de ces déchets, car même si des résultats très intéressants ont déjà été obtenus, il y aura lieu de poursuivre les recherches après 2006.

Pour l'un des axes de la loi de 1991, la transmutation, évoquée tout à l'heure par notre collègue Raoul, des résultats très intéressants ont été obtenus, mais il faut poursuivre les recherches et lorsque nous n'aurons plus à notre disposition le réacteur Phénix de Marcoule, qui doit être arrêté prochainement en raison de son âge, nous serons obligés de demander à la Russie et au Japon de bien vouloir mettre à notre disposition leur réacteur surgénérateur pour que nous puissions mener ces recherches. Et cela parce que, il y a un certain nombre d'années, le gouvernement Jospin a pris la désastreuse décision d'arrêter Superphénix. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Au total, je ne peux conclure mon propos sur ce sujet sans évoquer, à mon tour, toute ma satisfaction quant au lancement de l'EPR, qui était devenu nécessaire pour apporter une solution au futur renouvellement de nos centrales nucléaires. Cette décision ambitieuse, à laquelle, avec Nicolas Sarkozy, vous avez beaucoup contribué, monsieur le ministre, va permettre de redonner un nouvel élan à notre filière nucléaire et elle est synonyme du maintien de notre indépendance énergétique à long terme.

En second lieu, je souhaiterais évoquer les conséquences du processus d'ouverture à la concurrence des marchés énergétiques, notamment sur les prix et sur le développement des infrastructures.

Les directives européennes ont imposé, à compter du 1er juillet dernier, une libéralisation plus large, qui touche désormais non seulement l'ensemble des gros consommateurs mais aussi les PME-PMI, les très petites entreprises - par exemple, les boulangers de village - ainsi que les collectivités territoriales ; tous peuvent maintenant faire appel à la concurrence. Aussi, nous devons nous préparer à la prochaine étape de ce mouvement, à savoir l'ouverture totale à la concurrence pour tous types de consommateurs, c'est-à-dire pour tous les abonnés, entreprises ou particuliers.

Dans le cadre du groupe d'études de l'énergie, que j'ai l'honneur de présider, j'ai réalisé au cours de l'année 2003, à la demande de la commission des affaires économiques, une série d'auditions portant sur la question de la hausse des prix de l'électricité.

Je rappellerai simplement une évidence désormais largement connue et qui a été soulignée par les orateurs précédents : les prix de l'électricité ont, en particulier depuis l'ouverture à la concurrence des marchés énergétiques, grimpé fortement, puisque le prix par mégawattheure d'une fourniture annuelle de courant a presque doublé depuis six ans.

Cette évolution est très nettement problématique et fragilise la compétitivité de larges pans de notre industrie, notamment ceux que l'on appelle « les électro-intensifs », à savoir le secteur de la chimie, de la sidérurgie ou du papier carton.

M. Daniel Reiner. C'est le libéralisme !

M. Henri Revol. De nombreuses entreprises françaises envisagent d'ailleurs de s'installer à l'étranger si ce mouvement haussier doit se poursuivre.

Alors que, comme je l'ai souligné au début de mon intervention, l'un des principaux mérites de l'énergie nucléaire a été de fournir aux entreprises et aux ménages français une électricité bon marché, il est curieux de constater que seul un changement de contexte dans l'organisation des marchés puisse provoquer la hausse des prix.

Il est aussi inquiétant de constater que certains énergéticiens souhaitent attendre la fin de cette montée des prix pour réinvestir dans les installations de production. En d'autres termes, l'intérêt commercial des entreprises ne serait-il pas d'organiser une sorte de pénurie électrique pour que l'offre, inférieure à la demande, puisse exercer des pressions à la hausse sur les prix ?

M. Daniel Raoul. Bien vu !

M. Henri Revol. Ce mouvement doit impérativement être analysé en détail. En effet, demain, l'ensemble des Français sera concerné par l'ouverture à la concurrence. Je n'ose imaginer les conséquences qu'aurait sur le pouvoir d'achat des ménages une flambée des prix de l'électricité après l'ouverture totale de 2007.

D'où l'importance d'une stratégie ambitieuse de développement des infrastructures et du projet de directive visant à garantir les investissements, sur lequel je souhaiterais connaître votre sentiment, monsieur le ministre.

Enfin, j'examinerai avec attention les termes de l'offre commerciale à long terme qu'EDF souhaite lancer à destination de ses clients industriels. Elle devrait permettre d'assurer une certaine visibilité en matière de prix et d'associer ces industriels à la construction de l'EPR.

En conclusion, je soulignerai que, à l'image de celui de nombreuses économies industrielles occidentales, le bilan énergétique français fait ressortir une très forte dépendance à l'égard des hydrocarbures, massivement importés, quoique cette dépendance soit tempérée par le recours au nucléaire. Il n'en reste pas moins que cette situation ne peut que nous inciter à poursuivre dans les choix que nous avons faits, quitte à les infléchir en recourant davantage aux énergies renouvelables, ce qui nécessite un effort de recherche accru en la matière.

Toutefois, deux aspects doivent être précisés et améliorés : l'information du public à l'égard de la sécurité nucléaire - ce sujet sera abordé dans le texte sur la transparence et la sécurité nucléaire que nous devrions discuter prochainement ici même - et la question des déchets, dont nous parlerons abondamment l'année prochaine. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

(M. Guy Fischer remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'évoquerai d'abord la politique énergétique de la France.

Dès les années soixante-dix, notre pays, qui ne dispose pas de ressources énergétiques fossiles importantes, a eu le souci de bâtir une politique énergétique garantissant son indépendance énergétique. En particulier, il a engagé un programme électronucléaire ambitieux, qui l'a en très grande partie mis à l'abri des chocs pétroliers. Les résultats sont bien connus : le taux de couverture de nos besoins énergétiques est aujourd'hui de plus de 50 %, contre 24 % en 1973 ; plus de 78 % de notre production électrique est d'origine électronucléaire.

Les récentes évolutions des cours du pétrole ont naturellement montré toute l'actualité de cette politique. Ainsi, les tensions sur les marchés pétroliers font peser un risque sur la reprise économique mondiale, mais, de ce point de vue, notre pays est mieux préparé que d'autres. Les hausses sont essentiellement dues au maintien de divers risques géopolitiques dans les pays producteurs - en Iraq, au Nigeria, au Venezuela - et, concomitamment, à la quasi-disparition des surcapacités de production pétrolière, en raison d'une exceptionnelle croissance mondiale de la demande - 3,3 % en 2004 -, en particulier en provenance de la Chine, avec en prime des problèmes de fret. Ces hausses résultent aussi de l'insuffisance des investissements dans la production pétrolière, rendant de ce fait très faible l'élasticité entre l'offre et la demande, ainsi que de certains goulets d'étranglement dans le raffinage. Tous ces facteurs se cumulent.

Des investissements importants ont été réalisés à la suite de cette crise, mais avec un certain retard. A terme, je ne doute pas qu'ils produiront des effets.

Le Gouvernement s'est préoccupé de cette situation de crise sur les prix dès 2003 en lançant un vaste débat sur la politique de l'énergie. Trois décisions importantes ont été prises.

Première décision : un projet de loi d'orientation sur l'énergie a été élaboré, afin d'intégrer non seulement les préoccupations concernant la maîtrise des consommations d'énergie, mais aussi le développement d'une offre diversifiée s'appuyant en priorité sur les filières de production d'énergie sans émission de gaz à effet de serre. Il s'agit d'abord de l'énergie nucléaire, mais aussi, en complément, des énergies renouvelables, qui peuvent constituer un appoint important.

Pour ce qui est de ce projet de loi d'orientation sur l'énergie, madame Demessine, messieurs Détraigne et Raoul, je vous précise qu'il sera examiné en deuxième lecture à la fin du mois de mars. Je réponds ainsi, d'une certaine manière, à MM. Poniatowski et Revol qui, s'ils ne se sont pas exprimés avec autant de vivacité que vous, ont tout de même abordé le sujet de manière induite.

Comme vous l'avez rappelé, monsieur Raoul, le Gouvernement ayant renoncé à déclarer l'urgence sur ce texte, nous aurons l'occasion d'en débattre de nouveau.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. La deuxième décision importante qui a été prise par le Gouvernement est la modification du statut d'EDF et de Gaz de France, dans la continuité de la transposition des directives communautaires sur l'ouverture du marché de l'électricité, afin de donner les moyens à nos opérateurs historiques de devenir des « énergéticiens » sur le plan européen.

Madame Demessine, vous référant aux déclarations de Mario Monti, homme pour lequel vous et vos collègues de l'opposition devez avoir beaucoup d'admiration puisque vous le citez souvent, vous avez indiqué que la Commission européenne ne demandait pas le changement de statut de ces opérateurs.

M. Daniel Raoul. Il l'a dit ici même !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Effectivement ! Mais ce qu'a dit M. Monti, c'est que la Commission européenne demandait non pas le changement de statut, mais la disparition des avantages que conférait le statut.

Or conserver ce statut sans les avantages qu'il confère n'a aucun sens. Par conséquent, on ne peut pas se prononcer pour la disparition de ce qui constitue l'essence du statut tout en souhaitant le maintien dudit statut.

Mme Michelle Demessine. C'est un Normand !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur Raoul, vous êtes trop subtil pour avoir pu considérer que EDF et GDF pouvaient rester des EPIC en leur retirant toutes les caractéristiques que le droit public confère en principe à ces établissements.

Nécessairement, la Commission européenne, sans le dire, mais de fait, nous a obligés à changer le statut de ces deux opérateurs.

M. Daniel Raoul. Bravo l'artiste !

M. Roland Courteau. C'est très subtil !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le simple raisonnement juridique permet de comprendre qu'il est impossible de modifier les qualités essentielles d'un corps sans en changer la nature.

M. Roland Courteau. Relisez les déclarations de Mario Monti !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Même les physiciens le savent ! Etant vous-même un scientifique, monsieur Raoul, je ne doute pas que cette approche puisse vous convaincre !

M. Daniel Raoul. Un jour ou l'autre, peut-être !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Madame Demessine, le changement de statut, pour des raisons tenant notamment au respect de la directive, présente aussi quelques avantages.

Tout d'abord, cela donne la possibilité de recourir au marché des capitaux pour procéder aux investissements nécessaires, afin d'augmenter les capacités, donc de bénéficier d'une sécurité d'approvisionnement. Ensuite, cela permet de garantir la réciprocité sur le marché européen. Si nous voulons investir sur les marchés européens, comme c'est le cas actuellement pour EDF sur le marché italien, d'autres entreprises européennes doivent pouvoir se tourner vers le marché français. L'ouverture du capital d'EDF est donc une opportunité à ne pas manquer. Enfin, il s'agit d'une condition pour pouvoir investir dans les autres pays, au regard même du droit européen.

La troisième décision a été le lancement effectif de l'EPR, réacteur nucléaire de troisième génération, qui a été trop longtemps différé..

M. Daniel Raoul. Ça y est ! C'est reparti !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... et que certains, ici,...

M. Roland Courteau. « Certains », c'est exact !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... pas tous, n'ont même pas voulu voter : ils ont fait de grandes déclarations sur la nécessité de garantir la sécurité d'approvisionnement, tout en voulant nous priver des moyens de l'obtenir.

M. Daniel Raoul. Il n'y avait pas le feu !

M. Henri Revol. Mais si !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Tout à l'heure, j'ai entendu M. Revol nous dire que nous étions menacés, à moyen terme, d'une réelle pénurie.

Ces décisions ouvrent la voie à une nouvelle politique énergétique, soucieuse d'assurer tout autant notre indépendance énergétique qu'un développement durable, en limitant les rejets de CO2 et en faisant la promotion des énergies renouvelables.

La hausse des prix du pétrole rend ces énergies de remplacement plus compétitives et incite à faire des investissements destinés à réaliser des économies d'énergie.

Certes, nous sommes encore loin du niveau constaté lors du second choc pétrolier, au cours duquel le baril de pétrole avait atteint 80 dollars en dollars constants.

M. Daniel Raoul. C'est vrai !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. En outre, la force de l'euro a partiellement compensé la croissance des prix depuis 2002. Cela étant, les prix des carburants en France atteignent aujourd'hui des montants proches de ceux qui ont été constatés en 2000, en euros constants.

La hausse des prix du pétrole est appelée à perdurer en tendance lourde, eu égard à l'augmentation inéluctable de la demande mondiale, due notamment à la croissance des grands pays consommateurs d'Asie - la Chine et l'Inde -, à mesure que la production va s'infléchir.

Il est donc essentiel d'agir sur la demande et de faire en sorte que cette croissance inévitable des consommations soit maîtrisée.

D'ailleurs, l'évaluation, à terme, du prix du baril de pétrole donne une indication sur la tendance lourde : à un an, ce prix est estimé à environ 35 dollars ; il y a quelque temps, le prix naturel était plutôt évalué entre 25 dollars et 26 dollars, soit une différence de 10 dollars par baril.

J'en viens au projet de loi d'orientation sur l'énergie, qui a été le premier élément de notre politique. Construit autour des axes majeurs de la politique énergétique, ce projet retient des objectifs ambitieux.

Premièrement, la réduction de 2 % par an, d'ici à 2015, de l'intensité énergétique finale, c'est-à-dire le rapport entre la consommation d'énergie et la croissance économique.

Deuxièmement, la réduction de 3 % par an des émissions de gaz à effet de serre, afin de diviser par quatre ces émissions d'ici à 2050.

Troisièmement, une production intérieure d'électricité d'origine renouvelable à hauteur de 21 % de la consommation en 2010, contre 14 % actuellement, soit une amélioration de 50 %.

M. Roland Courteau. Il y a beaucoup à faire !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. J'y reviendrai !

Quatrièmement, le développement des énergies renouvelables thermiques, pour permettre, d'ici à 2010, une hausse de 50 % de la production de chaleur d'origine renouvelable.

Cinquièmement, l'incorporation de biocarburants et autres carburants renouvelables à hauteur de 2 % d'ici au 31 décembre 2005, et à hauteur de 5,75 % d'ici au 31 décembre 2010.

M. Roland Courteau. Ce n'est pas beaucoup !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité renforcer le dispositif existant, pour atteindre les objectifs précédemment fixés par la directive.

Avec le plan biocarburant annoncé en 2004 par le Premier ministre, il a été décidé de tripler la capacité de biocarburants agréés d'ici à 2007, soit 320 000 tonnes pour la filière éthanol et 480 000 tonnes pour la filière esther, d'où un taux d'incorporation de 3 % à l'horizon 2007.

Le lancement des appels d'offres correspondants sur la période 2005-2007 permettra aux professionnels du secteur de planifier leurs investissements dans les capacités de production.

Si, à ce jour, l'augmentation des capacités n'est pas programmée pour la période 2007-2010, nous sommes tout de même en bonne voie de tenir l'objectif de 5,75 % en 2010.

M. Roland Courteau. C'est un premier pas !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il importe également d'encourager le développement des énergies renouvelables thermiques, c'est-à-dire le bois-énergie, le biogaz, la géothermie, le solaire thermique, afin de les substituer aux énergies fossiles.

A force de nous flageller, nous oublions que notre pays est le premier producteur européen d'énergies renouvelables, avec 17 millions de tonnes équivalent pétrole, pour une consommation totale de 260 millions de tonnes équivalent pétrole.

M. Roland Courteau. Grâce à l'hydraulique !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Effectivement !

Le projet de loi d'orientation sur l'énergie contient également une série de propositions, dont la mise en service d'un réacteur nucléaire de conception plus récente, l'EPR. M. Revol a eu raison de le souligner : cela ne compensera pas le handicap en termes de compétitivité nucléaire internationale et en termes d'approvisionnement que notre pays a subi avec l'arrêt de Superphénix.

Par ailleurs, la France attribue une grande importance à sa sécurité d'approvisionnement en électricité. Le changement de statut d'EDF a facilité cette sécurité. Vous qui le regrettiez, monsieur Raoul, je vous précise que l'ouverture du marché de l'électricité résulte d'une directive de 1998, qui a été transposée par la loi du 10 février 2000.

M. Jean-Pierre Bel. Vous n'allez pas recommencer !

M. Daniel Raoul. Vous oubliez Barcelone !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il est donc inutile de déplorer les conséquences de ses actes ! Il faut vivre avec !

M. Roland Courteau. Nous avons rectifié de nombreuses fois !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Oui, mais vous l'avez répété aujourd'hui !

M. Jean-Pierre Bel. Vous n'écoutez pas !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Vous déplorez toujours les conséquences des décisions que vous avez prises !

M. Jean-Pierre Bel. C'est trop facile !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est d'ailleurs généralement votre habitude : vous devenez plus réalistes quand vous revenez au pouvoir, même si ce n'est pas une raison suffisante pour souhaiter ce retour ! Par conséquent, quand vous êtes dans l'opposition, vous devriez songer au jour où - peut-être, par hasard, en tout cas le plus tard possible ! -, vous reviendrez au pouvoir.

M. Roland Courteau. Cela pourrait arriver bientôt !

M. Daniel Raoul. Je constate que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. En tout cas, vous devriez essayer d'anticiper ce retour en adoptant des positions cohérentes.

En matière de production, et parallèlement à l'exercice de bilan prévisionnel mené tous les deux ans par le gestionnaire du réseau de transport, la programmation pluriannuelle des investissements, la PPI, prévue par la loi du 10 février 2000, permet d'identifier les besoins de production à court et moyen terme en ce qui concerne tant la production à partir d'énergie nucléaire que la production à partir d'énergies renouvelables.

L'article 8 de la loi du 10 février 2000 permet au Gouvernement de lancer des appels d'offre pour la création de capacités si des menaces pèsent sur l'équilibre entre l'offre et la demande ou si les investissements spontanés ne répondent pas aux objectifs de la programmation pluriannuelle.

Ainsi, à la suite de la PPI réalisée en 2002, un appel d'offres a été lancé en décembre 2003 pour la réalisation, avant le 1er janvier 2007, de centrales de production d'électricité à partir de biomasse ou de biogaz pour une capacité totale de 250 mégawatts. J'ai finalement retenu quatorze projets biomasse, pour une puissance de 216 mégawatts, et un projet biogaz, pour une puissance de 16 mégawatts.

Cet appel d'offres permettra de réaliser des projets ambitieux, avec de forts impacts locaux : plusieurs centaines d'emplois seront créées dans les centrales elles-mêmes et dans les filières d'approvisionnement.

D'autres appels d'offres concernant l'énergie éolienne terrestre, pour 500 mégawatts, et l'énergie éolienne offshore, pour 500 mégawatts également, ont été lancés en 2004 et sont en cours de dépouillement. Leurs résultats seront notifiés dans le courant de cette année.

L'énergie éolienne et la biomasse font en effet partie des filières à privilégier pour atteindre les objectifs que la France s'est fixés, c'est-à-dire une consommation d'électricité renouvelable à hauteur de 21 % de la consommation intérieure d'électricité en 2010.

M. Roland Courteau. Elle n'y arrivera pas !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Parmi toutes les énergies renouvelables, l'énergie éolienne apparaît comme l'une des plus compétitives économiquement. En effet, dans son étude menée sur les coûts de référence, la Direction générale de l'énergie et des matières premières estime que le coût de production à partir des éoliennes devrait atteindre, en 2015, un niveau comparable à celui d'un cycle combiné à gaz, voire inférieur si le coût du gaz restait durablement élevé.

Le programme actuel de développement des énergies renouvelables fixe une puissance à atteindre avec des parcs éoliens de 2 000 à 6 000 mégawatts d'ici à 2007, dont 500 à 1 500 mégawatts en mer. C'est dans cet esprit que les appels d'offres que j'ai cités ont été lancés.

S'agissant de l'acceptation de l'énergie éolienne par la population, le Gouvernement a le souci de concilier le développement de cette énergie avec l'intérêt des riverains et le respect des paysages. Cet objectif a d'ailleurs donné lieu à la circulaire aux préfets du 10 septembre 2003, qui établit clairement le cadre dans lequel l'énergie éolienne doit se développer, à savoir dans le respect de l'environnement local et en pratiquant une concertation approfondie avec les collectivités locales et la population. L'enquête publique obligatoire pour les projets de puissance supérieure à 2,5 mégawatts doit en être le support. A cet égard, la France s'est dotée depuis 2002 d'une réglementation parmi les plus complètes en Europe.

Quant à la production d'électricité solaire d'origine photovoltaïque, les conditions économiques envisageables au cours des dix prochaines années ne peuvent permettre à cette technologie de prendre une place réellement significative au sein du bouquet énergétique national.

C'est cependant la filière « énergies renouvelables » qui bénéficie du plus fort potentiel de progrès en termes d'efficacité énergétique, de capacité d'intégration aux bâtiments et de coût. Le Gouvernement s'attache donc à lui donner les moyens de réaliser ce potentiel. Il s'agit d'un enjeu industriel et énergétique de long terme.

La France possède un tissu industriel de grande qualité sur ce segment, qui résulte de sa politique passée dans ce domaine, tout particulièrement sur les applications non connectées au réseau.

Enfin, les travaux d'élaboration d'une nouvelle PPI à l'horizon de 2015 ont débuté. Ils permettront non seulement de fixer de nouveaux objectifs à atteindre en termes d'énergies renouvelables, mais également de traiter la question du renouvellement du parc thermique et d'inclure la mise en service du démonstrateur EPR pour 2012.

M. Raoul a suggéré que les « électro-intensifs » participent au financement de l'EPR. Pourquoi pas ? Mais pas seulement : il est tout à fait envisageable de les faire contribuer au financement d'autres capacités de production.

En ce qui concerne les réseaux de transport et de distribution d'électricité, le développement des infrastructures sur le long terme est encadré par le schéma de développement, qui recense les contraintes susceptibles d'apparaître à un horizon de quinze ans sur le réseau public de transport français.

La question de la sécurité d'approvisionnement se pose toutefois en des termes européens au niveau des réseaux interconnectés.

Ainsi, en décembre 2003, la Commission européenne a proposé un projet de directive relative à la sécurité d'approvisionnement. Ce projet contient plusieurs dispositions : définition du rôle et des responsabilités des gestionnaires de réseau de transport et des fournisseurs ; établissement et respect de normes de performance pour les gestionnaires de réseau de transport et de distribution ; maintien de l'équilibre entre l'offre et la demande ; développement des interconnexions et meilleure coordination des prévisions d'investissement.

Les travaux du Conseil, notamment sous l'impulsion française, ont permis des évolutions significatives de ce projet, qui prévoit en particulier la réalisation d'un bilan prévisionnel de l'équilibre entre l'offre et la demande au niveau européen, le renforcement du rôle des gestionnaires de réseau en période de crise, ou encore la mise en place de mécanismes de marchés visant à assurer en permanence un niveau suffisant de capacités de production.

Enfin, la France a proposé la création d'un groupe de travail sur ces différents mécanismes, afin de promouvoir la réalisation de nouveaux investissements en production. J'ai écrit en ce sens à mon homologue néerlandais, M. Laurens Jan Brinkhorst, alors président du Conseil.

Selon la position française, une meilleure sécurité d'approvisionnement en électricité passe, certes, par une meilleure coordination des réseaux et par un renforcement des interconnexions, mais aussi, et surtout, par une augmentation des capacités de production d'électricité, pour laquelle le simple jeu du marché ne suffit pas. Des mécanismes d'incitation sous la responsabilité des pouvoirs publics doivent donc pouvoir être utilisés. (M. Daniel Raoul s'exclame.)

En ce qui concerne les perspectives à très long terme de la filière électrique, le projet ITER vise à démontrer la faisabilité scientifique de l'énergie de fusion par confinement magnétique pour la production d'électricité. Outre le fait que le combustible est abondant sur la terre, la production de déchets est réputée faible. Les partenaires de ce projet international sont actuellement la Chine, la Russie, le Japon, les Etats-Unis, la Corée du Sud et l'Union européenne.

Les négociations sur ITER, conduites par la Commission européenne, n'ont pas encore permis d'aboutir à un consensus complet s'agissant du site d'accueil du projet.

Lors du Conseil « compétitivité » du 26 novembre 2004, les Etats membres ont approuvé une modification du mandat dont dispose la Commission pour négocier avec les partenaires internationaux, prévoyant la construction d'ITER à Cadarache et privilégiant l'option à six partenaires, mais ouvrant la possibilité d'une option à trois partenaires - la Chine, la Russie et l'Union européenne - s'il apparaissait qu'aucune issue rapide n'est possible.

L'objectif est une signature de l'accord international pour la mi-2005. Il s'agit donc, pour le commissaire européen Janez Potocnik, de tenter de rallier le Japon, les Etats-Unis et la Corée au principe d'une mise en oeuvre du projet en France.

L'Etat français appuie fortement la Commission dans ses démarches. La construction d'ITER à Cadarache est un objectif majeur pour le Gouvernement ; elle a été décidée lors de la réunion des ministres du 30 janvier 2003 et confirmée par le Premier ministre le 29 octobre 2003 devant l'Assemblée nationale. Le Commissariat à l'énergie atomique, dont j'assure la tutelle conjointement avec mes collègues de la défense et de la recherche, est très impliqué dans ce projet.

Nous privilégions un partenariat le plus large possible. Les Etats-Unis comme le Japon sont de grands pays, notamment pour ce qui concerne l'énergie et les technologies. Leur concours à cette aventure sera donc très précieux. Mais on ne peut différer les travaux des scientifiques.

En outre, la discussion au sein de l'Union sur le septième programme cadre de recherche et développement aura lieu cette année. Les décisions à prendre seront très structurantes pour les prochaines années. Les atouts reconnus de Cadarache, en particulier en matière de réglementation nucléaire, de sismicité, d'encadrement scientifique et de qualité de vie, désignent naturellement ce site comme lieu d'implantation. II convient donc d'enclencher le processus.

Plusieurs d'entre vous, notamment M. Poniatowski, ont évoqué la question de l'approvisionnement en gaz. Celui-ci repose majoritairement sur des contrats d'approvisionnement de la société Gaz de France. Ce sont, pour l'essentiel, des contrats dits de long terme d'une durée supérieure à dix, voire à quinze ans, qui assurent à notre pays des approvisionnements sûrs et diversifiés.

Il s'agit de gaz provenant, dans des proportions quasi égales, des pays fournisseurs traditionnels que sont l'Algérie, la Norvège et la Russie, mais aussi des Pays-Bas et du Royaume-Uni. Les nouvelles sources d'approvisionnement envisageables se situent dans les pays situés au sud de l'Europe, tels l'Egypte, le Qatar, l'Iran, la Libye et le Nigeria, avec lesquels Gaz de France tente de nouer des partenariats.

Cette démarche est essentielle pour éviter que la France ne soit dépendante de la Russie pour son approvisionnement en gaz. Selon les prévisions de l'Agence internationale de l'énergie, la dépendance de l'Europe à l'horizon de 2030 est évaluée à hauteur de 70 %. M. Revol a d'ailleurs souligné les risques d'une telle situation.

Les contrats d'approvisionnement de long terme en matière gazière ont effectivement fait l'objet de longues discussions avec la Commission européenne, qui souhaitait les supprimer. Elle a finalement reconnu leur importance, tant pour garantir les projets de développement concernant le gaz, qui sont très coûteux, que pour assurer la sécurité de l'approvisionnement des pays consommateurs. Nous nous en réjouissons !

Par ailleurs, comme vous l'avez souligné, la mise en service du terminal de Fos 2 dès 2007 sera un élément de nature à renforcer considérablement la sécurité d'approvisionnement de notre pays. En effet, ce terminal recevra notamment du gaz en provenance d'Egypte. Le contrat porte sur une quantité de gaz de 3,6 millions de tonnes par an pendant vingt ans, à partir de 2005.

Ce nouveau terminal sera suffisant pour satisfaire les besoins de la France. Cependant, sur le plan européen, la construction de nouveaux terminaux méthaniers devrait être envisagée. La France pourrait dès lors accueillir ces nouveaux investissements.

Enfin, la politique de développement des ressources propres conduite par Gaz de France, que je soutiens pleinement, vise à détenir, à la fin de l'année 2006, des réserves de gaz permettant de produire 15 % des ventes de gaz constatées. L'entreprise atteint à ce jour un ratio de couverture d'environ 10 % et continue à prendre des participations en amont dans des champs gaziers.

Je tiens enfin à souligner que, dans un contexte d'ouverture du marché gazier à la concurrence, la France a, en application des directives européennes de libéralisation du secteur, mis un terme, par la loi du 3 janvier 2003, au monopole d'importation de Gaz de France. Elle a également instauré, de manière concomitante, un nouveau système d'autorisation ministérielle de fourniture de gaz, qui permet toutefois à l'Etat de continuer de veiller à la sécurité d'approvisionnement du pays.

Ainsi, la délivrance d'une autorisation de fourniture de gaz est conditionnée à la satisfaction de conditions économiques, techniques et financières précises de la part du demandeur.

S'agissant du développement des infrastructures de transport de gaz, il est nécessaire de désengorger le sud de la France. Deux projets sont actuellement à l'étude, impliquant Gaz de France et Total, les deux opérateurs de transport de gaz sur le territoire français.

La future PPI en matière gazière, prévue par l'article 18 de la loi du 3 janvier 2003, devrait permettre de finaliser le projet et de planifier précisément l'investissement correspondant.

La France est également soucieuse d'améliorer les interconnexions gazières avec ses voisins. Dans cette perspective, les gouvernements français et espagnols ont mis en place en 2003 un groupe de travail bilatéral chargé de travailler sur ce dossier spécifique. Un nouveau gazoduc via le pays basque et dont les travaux viennent de démarrer permettra, dès 2006, de relier le réseau de transport français appartenant au groupe Total, la société TIGF, au terminal méthanier de Bilbao. Ce projet a reçu le soutien de l'Union européenne.

En conclusion, je répondrai aux interrogations portant sur les infrastructures gazières.

La sécurité de l'approvisionnement en gaz ne passe pas par la propriété des installations, qu'il s'agisse des terminaux GNL, des méthaniers ou des canalisations de transport. En effet, ces équipements constituent des facilités essentielles qui doivent, par définition, être accessibles aux tiers. La multiplicité des opérateurs et des investissements est une garantie supplémentaire de la sécurité des approvisionnements. Il faut donc s'en réjouir et non le déplorer.

M. Daniel Raoul. L'un n'empêche pas l'autre !

M. le président. En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

6

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. Philippe Marini une proposition de loi instituant la fiducie.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 178, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

7

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE résolution

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Pierre Bel et des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, une proposition de résolution, présentée en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (n° E-2520).

La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 177, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

8

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Projet de décision 2005/.../PESC du Conseil mettant en oeuvre la position commune 2004/694/PESC concernant de nouvelles mesures à l'appui d'une mise en oeuvre effective du mandat du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2824 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Projet de position commune 2005/.../PESC du Conseil du ... modifiant la position commune 2004/423/PESC renouvelant les mesures restrictives à l'encontre de la Birmanie/du Myanmar.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2825 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur les « Objectifs stratégiques 2005-2009 - Europe 2010 : un partenariat pour le renouveau européen - Prospérité, solidarité et sécurité ».

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2826 et distribué.

9

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 9 février 2005, à quinze heures et le soir :

Discussion de la proposition de loi (n° 127, 2004-2005), adoptée par l'Assemblée nationale, relative au traitement de la récidive des infractions pénales.

Rapport (n° 171, 2004-2005) fait par M. François Zocchetto, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements

Projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant le titre XV de la Constitution (n° 167, 2004-2005).

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 14 février 2005, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 14 février 2005, à seize heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD