difficulté des français établis hors de france, créateurs d'entreprises à l'étranger

M. le président. La parole est à Mme Christiane Kammermann, auteur de la question n° 674, transmise à M. le ministre délégué au commerce extérieur.

Mme Christiane Kammermann. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés que rencontrent les Français établis hors de France et créateurs d'entreprises à l'étranger.

Selon une étude publiée au mois de juin dernier par le Conseil économique et social, près de 250 000 Français ont créé leur propre entreprise à l'étranger. Passant au crible un échantillon significatif, cette étude met fin aux idées reçues selon lesquelles ces entreprises sont des restaurants ou des hôtels. En effet, si 8 % exercent leurs activités dans l'hôtellerie et la restauration, ils sont 14 % à travailler dans l'industrie, 12 % dans le commerce, 5 % dans la construction et 4 % dans les transports et la communication.

Le critère déterminant la création d'entreprises à l'étranger ne tient pas uniquement à des raisons fiscales ou à la législation du travail, mais tient plutôt à l'existence d'opportunités.

Constituant un véritable atout économique pour la France, la création d'entreprises à l'étranger relève très souvent pour ces Français d'un véritable parcours du combattant. Le manque d'informations et l'insuffisance d'appuis publics français en sont les principales raisons.

Aussi, ne serait-il pas envisageable d'inciter les chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger, ainsi que les organisations professionnelles, à créer en leur sein un certain nombre de services ? On peut penser à une section des « créateurs à leur propre compte », à l'instauration d'une « cotisation créateur débutant » ou encore à la mise en place d'un « système de parrainage ».

Dans le même ordre d'idée, ne pourrait-on pas leur consacrer un prix annuel de la création française à l'étranger, comme cela se fait pour les créateurs en France ?

Ces entrepreneurs mériteraient d'être aidés davantage, car ils recourent souvent à la technologie française et concourent à produire des royalties pour les licences et produits français. Cette aide se justifierait d'autant plus qu'ils ont un effet indirect sur l'emploi en embauchant en moyenne 50 % de Français.

Parmi les recommandations du Conseil économique et social figure la reconnaissance de la notion d'« entreprise étrangère à capitaux français ». Il serait appréciable qu'elle bénéficie de tout ou partie des dispositifs offerts aux entreprises françaises et européennes, notamment de ceux de la loi du 1er août 2003 pour l'initiative économique.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, les mesures que le Gouvernement compte prendre afin d'aider davantage les Français établis hors de France qui sont les ambassadeurs de notre technologie, de notre savoir-faire et qui participent à la prospérité économique de notre pays.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Madame la sénatrice, comme vous avez raison ! S'il est bien un sujet qui nous engage, c'est la responsabilité qui est la nôtre dès lors qu'il s'agit de 2 millions de nos compatriotes. Ils ont fait le choix de s'établir hors de France, ils portent haut notre étendard et les valeurs de la République, ils sont les « têtes de pont » de notre économie, de notre influence culturelle, humaine, grâce à la richesse et à la diversité qui sont les leurs. Ils créent des entreprises, ils créent de l'emploi, ils créent du savoir. Tous ces éléments justifient notre engagement à leurs côtés, et je sais, madame la sénatrice, que, dans ce domaine, vous êtes tout particulièrement active.

Nombreux sont en effet les grands groupes ou les PME qui doivent leur développement commercial à l'étranger à la présence et à l'action de ces entreprises, qui sont les plus à même d'assurer la diffusion de biens et services made in France, selon la formule anglaise, qu'il faudrait un jour traduire !

Le Gouvernement a pris la mesure de l'importance de ce réseau et entend poursuivre une action déterminée pour l'aider dans son développement. Dans ce domaine, le ministère des finances est évidemment en première ligne.

C'est ainsi que j'ai défendu, en tant que ministre chargé du budget, une mesure du projet de loi de finances pour 2005 visant à créer un crédit d'impôt export pour faciliter l'internationalisation des PME.

Par ailleurs, le Gouvernement vient de décider l'extension d'une aide destinée à encourager la création et le développement de ces structures quand elles font la promotion de nos produits et services.

Concrètement - mon collègue François Loos suit le dossier de très près -, la COFACE, pour le compte de l'Etat, étendra à ces entrepreneurs établis à l'étranger le bénéfice de l'assurance prospection, qui est une procédure permettant de garantir les frais de prospection commerciale engagés par les entreprises françaises sur les marchés étrangers, notamment les frais qui n'ont pu être amortis par un niveau suffisant de ventes dans la zone garantie. C'est donc à la fois un soutien financier et une assurance contre la perte subie en cas d'échec commercial, dont jouissent 1 200 PME par an.

Les bénéficiaires du nouveau dispositif seront les entreprises établies dans un pays étranger gérées et détenues majoritairement par des Français immatriculés au consulat du pays d'établissement et qui auront un chiffre d'affaires de moins de 150 millions d'euros, plafond actuellement appliqué aux entreprises françaises pour la procédure d'assurance prospection. Toutes les activités seront éligibles à la garantie pourvu qu'elles puissent constituer effectivement un facteur de développement des exportations françaises.

Cette nouvelle procédure sera expérimentée dans les tout prochains mois dans trois pays d'Amérique du Sud : en Argentine, au Brésil et au Chili. Elle sera ensuite généralisée aux pays dans lesquels la procédure d'assurance prospection est agréée pour couvrir les risques d'assurances avec la sécurité juridique d'intervention de la COFACE.

Cette mesure permettra à nos entreprises en France et à l'étranger de mieux travailler ensemble à la conquête des marchés étrangers en créant un maillage commercial remarquable de l'« équipe France ».

Madame la sénatrice, notre détermination est totale, et je sais pouvoir compter sur votre engagement et sur votre vigilance de tous les instants afin que notre action se développe au service de notre économie et de nos compatriotes établis à l'étranger.

M. le président. La parole est à Mme Christiane Kammermann.

Mme Christiane Kammermann. Je vous remercie, monsieur le ministre, et je suis très touchée de vos propos.

Je constate des avancées, et cela me fait grand plaisir pour les Français de l'étranger, qui, je le répète, sont de véritables ambassadeurs de la France.

situation de l'entreprise textile kohtexler

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, auteur de la question n° 678, adressée à M. le ministre délégué à l'industrie.

M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le ministre, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur la situation de l'entreprise textile Kohtexler, implantée notamment à Saint-Germain, dans le bassin de Lure, en Haute-Saône. Cette entreprise fait partie de la société Kohler France Textile, qui a été créée en février dernier et qui regroupe deux sites : l'un en Haute-Saône, l'autre dans les Vosges, à Ferdrupt.

En décembre dernier, douze personnes travaillant sur le site vosgien ont été licenciées et, au mois de février, sept licenciements ont été prononcés en Haute-Saône ; d'autres sont annoncés. De plus, une très grande partie des machines à tisser, modernes, installées sur le site de Saint-Germain - 18 sur 54 - ont été transférées sur celui des Vosges. Bien entendu, ces nouvelles provoquent une vive émotion et une grande inquiétude dans le bassin d'activité de la région de Lure, déjà très touché par toute une série de délocalisations et par la fermeture de services publics et d'entreprises.

En effet, cette implantation, qui employait 59 salariés en Haute-Saône, est importante pour le tissu industriel local. Elle avait été reprise par M. Kohler en 1993, à la suite, il faut bien le dire, de la chute d'une entreprise textile précédente. A cette époque, tout le monde s'était mobilisé : les collectivités locales - commune, département, région - ainsi que l'Etat avaient consenti des efforts importants et avaient créé un syndicat ayant pour vocation de racheter les bâtiments de l'entreprise existante afin de les mettre à la disposition du repreneur. Aujourd'hui, le siège du groupe se trouve dans les Vosges ; les salariés et les élus de Haute-Saône craignent donc la disparition progressive du site de Saint-Germain.

C'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir me fournir les informations dont vous pouvez disposer sur l'avenir de ce groupe textile ainsi que sur sa stratégie industrielle, et de me rassurer, si cela est possible, sur la pérennité de son implantation dans le département de la Haute-Saône.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur l'avenir du groupe textile Kohler, notamment de sa filiale Kohtexler. Je vous apporterai donc quelques éléments de réponse très concrets.

L'objectif du ministère des finances est de jouer un rôle de « facilitateur » dans le développement des entreprises. Evidemment, de ce point de vue, notre détermination à rendre l'industrie textile capable d'affronter les mutations auxquelles elle doit faire face depuis de nombreuses années est totale, et j'y reviendrai dans un instant.

Auparavant, je veux souligner combien le groupe Kohler, sur lequel porte plus précisément votre question, mobilise notre attention. C'est une entreprise dynamique, courageuse, qui investit non seulement dans son outil de production, qui est très moderne, mais aussi dans les ressources humaines, et qui, dans ce domaine, est considérée comme très innovante.

Après des années d'investissement dans l'outil de production, son dirigeant a choisi d'axer sa stratégie sur le renforcement des capacités de l'entreprise à développer des produits nouveaux pour élargir sa clientèle et trouver de nouveaux débouchés, dans une logique qui est pleinement cohérente avec la philosophie politique qui est la nôtre : être en permanence en réactivité et garder l'initiative face aux évolutions de l'économie européenne et mondiale.

De ce point de vue, l'avenir de l'industrie du textile et de l'habillement passe évidemment, pour ce qui concerne notre pays, par l'innovation et la création. Cela explique qu'un certain nombre de mesures aient été prises. Ainsi, 11 millions d'euros sont consacrés chaque année au soutien de l'Institut français du textile et de l'habillement, réseau industriel d'innovation dans le textile et l'habillement qui a été mis en place pour renforcer cette dynamique et qui a permis de soutenir, par exemple, la création de trois plates-formes technologiques en France. Le concours des laboratoires, des universités, des écoles, pourrait largement contribuer, dans le cadre des futurs pôles de compétitivité, à faire de la France un chef de file dans le domaine des textiles dits techniques, où notre pays occupe le quatrième rang mondial et possède un potentiel de croissance fantastique.

Le ministre de l'économie a annoncé en janvier que les entreprises du textile et de l'habillement pourraient bénéficier d'un crédit d'impôt à hauteur de 10 % en volume des dépenses de création et de design, contre 5 % actuellement, afin que l'accent soit également mis sur l'innovation non technologique et sur la création, qui forment une part importante de la valeur ajoutée des produits français. Inutile de souligner que le ministre du budget que je suis sera particulièrement attentif à ce que ce dispositif soit opérationnel et fonctionne dans de bonnes conditions, de façon qu'il soit directement utile aux entreprises françaises dans ce domaine !

Enfin, sur le plan du commerce international, la France défend l'idée d'un commerce ouvert mais équitable qui prenne en compte les intérêts de nos entreprises. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons été parmi les premiers en Europe à demander une surveillance spécifique des importations en provenance de Chine lorsqu'il a été mis fin aux quotas.

Comme vous pouvez le constater, nous portons une attention considérable au secteur du textile et de l'habillement. Nous sommes convaincus que cette industrie peut se construire un avenir en France en se focalisant sur l'innovation, la création et la recherche de valeur ajoutée.

Cette voie, nous l'avons tracée pour l'ensemble des entreprises du secteur. Je ne doute pas un instant qu'elle ne puisse être empruntée par des groupes aussi dynamiques que le groupe Kohler et sa filiale Kohtexler, et je sais en tout état de cause, monsieur le sénateur, que vous êtes dans ce domaine un parlementaire engagé - vous êtes nombreux dans ce cas au sein de cette assemblée -, au service de cette industrie qui dispose aujourd'hui d'un savoir-faire séculaire et d'une main-d'oeuvre d'une qualité exceptionnelle dans le monde.

Il nous revient de poursuivre sur ce chemin ; sachez, monsieur le sénateur, que c'est là un de ces domaines, encore nombreux, dans lesquels les différences politiques s'estompent au profit de l'essentiel : la préservation de l'emploi, de l'activité et de l'excellence française.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel. Je vous remercie, monsieur le ministre, de m'avoir fait part de l'attention que porte le Gouvernement à l'industrie textile et des mesures, dont elle avait grand besoin, qu'il a arrêtées en sa faveur.

J'espère que le président-directeur général de l'entreprise vous entendra et qu'il en tirera profit et maintiendra dans le département de la Haute-Saône le site existant et les emplois. C'est en tout cas ce que je souhaite, et ce que souhaitent les élus et les salariés de la région.

Situation des mineurs étrangers pris en charge par l'aide sociale à l'enfance

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, auteur de la question n° 680, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Yves Détraigne. Je souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur la situation des jeunes mineurs étrangers pris en charge par l'aide sociale à l'enfance.

En effet, lorsqu'un mineur arrive de façon irrégulière en France, il est confié à l'aide sociale à l'enfance du département d'accueil jusqu'à sa majorité. A cette date, le mineur qui est arrivé depuis moins de trois ans et qui ne peut pas espérer de réponse positive à une demande d'asile n'a alors pas d'autre perspective que d'être renvoyé dans son pays d'origine ou de disparaître dans la clandestinité.

Cette situation apparaît d'autant plus inéquitable que l'aide sociale à l'enfance, entre-temps, a contribué à son alphabétisation et à son insertion dans notre pays et que, de ce fait, il a légitimement pu penser que sa situation serait régularisée à sa majorité, surtout s'il vit en France depuis plus d'un an, voire depuis près de trois ans.

S'il est certain que notre pays ne peut pas accueillir définitivement tous les étrangers mineurs arrivés de manière irrégulière en France, il est néanmoins difficile de renvoyer dans son pays d'origine, plusieurs mois, voire plusieurs années après son arrivée en France, un jeune qui ne pose aucun problème, qui fait le maximum pour s'intégrer, qui a la volonté de travailler, qui a appris le français et qui, par ailleurs, n'a plus aucun lien avec son pays natal.

On peut dès lors se demander s'il ne serait pas plus humain, à défaut de pouvoir régulariser les mineurs arrivés en France après l'âge de quinze ans, de renvoyer ceux-ci dans leur pays d'origine dès leur arrivée en France plutôt que de les laisser penser jusqu'à leur majorité que leur situation va être régularisée, ce qui, d'une certaine manière, leur donne de faux espoirs, rend leur départ plus douloureux et leur retour au pays d'origine plus difficile.

Aussi, madame la ministre, je souhaiterais savoir s'il est envisagé de faire évoluer la législation sur l'accueil des mineurs étrangers arrivés irrégulièrement dans notre pays et, le cas échéant, dans quel sens.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, selon les règles en vigueur, seuls les étrangers majeurs non européens doivent être en possession d'un titre de séjour s'ils désirent séjourner dans notre pays au-delà de trois mois. Les mineurs étrangers ne sont donc pas astreints à l'obligation de détenir un titre de séjour.

Une fois qu'il a atteint sa majorité, l'étranger entré mineur en France et qui détient, à titre personnel ou familial, un droit au séjour pourra prétendre à un titre de séjour, et ce de plein droit.

La loi pose en outre le principe selon lequel un mineur étranger ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire national, qu'elle soit administrative ou judiciaire.

Mais l'entrée en France des mineurs est soumise aux mêmes règles que celle des étrangers majeurs : il faut être en possession d'un visa de court ou de long séjour, selon la durée du séjour en France. S'il est dépourvu d'un tel visa, un refus d'entrée peut alors lui être opposé par les services de contrôle aux frontières, et le mineur étranger, effectivement, peut être refoulé vers son pays d'origine.

Malgré ces précautions, nous le savons tous, un certain nombre de mineurs étrangers isolés pénètrent chaque année en France. Aussi, pour éviter les détournements de procédure que l'on a pu connaître, un dispositif a été mis en place qui repose sur une modification des règles d'acquisition de la nationalité française.

La loi du 26 novembre 2003 porte désormais à trois ans la durée préalable de placement auprès des services de l'aide sociale à l'enfance pour l'acquisition de la nationalité française, cette durée étant désormais de cinq ans pour les mineurs recueillis par une personne de nationalité française.

Toutefois, le mineur étranger qui se trouve isolé sur le territoire national est souvent pris en charge durant sa minorité, voire pendant les premières années de sa jeune majorité, par les services de l'aide sociale à l'enfance afin que lui soit assurée une meilleure protection contre les fréquents risques de trafics dont il pourrait être victime.

A sa majorité, s'il n'a pas sollicité l'asile ou si le statut de réfugié lui a été refusé par les autorités compétentes, il doit, en principe, quitter le territoire national, dans la mesure où il ne remplit pas les conditions, prévues par la loi, lui donnant droit à un titre de séjour.

Je partage votre avis, monsieur le sénateur : cette règle générale doit être rappelée et respectée. Si nous décidions que les jeunes ont un droit automatique au séjour à leur majorité, nous contribuerions tout simplement à l'entretien de ces filières d'introduction de mineurs en France, dont on sait à quel point elles sont criminelles : nous savons bien qu'elles sont cause d'une délinquance et des formes d'exploitation les plus abjectes, surtout lorsqu'il s'agit des mineurs.

Toutefois, certaines situations méritent un examen particulier.

C'est pourquoi la loi du 18 janvier 2005 sur la cohésion sociale a introduit, au sein du code du travail, des dispositions facilitant l'intégration socioprofessionnelle des mineurs pris en charge par l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans, en leur permettant d'accéder plus facilement à une formation professionnelle rémunérée dans le cadre d'un contrat d'apprentissage ou d'un contrat de professionnalisation.

A cet égard, monsieur le sénateur, je vous indique que le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales fait actuellement préparer une circulaire qui précisera aux préfets les conditions dans lesquelles ils pourront admettre au séjour ces mineurs ou ces jeunes majeurs, selon qu'ils relèvent ou non du champ d'application de la loi.

Pour ceux qui ne pourraient pas se prévaloir de ces nouvelles dispositions, un examen spécifique sera effectué par les préfectures, sur la base d'un certain nombre de critères parmi lesquels l'âge des intéressés à la date de leur entrée en France, le caractère réel et sérieux de la formation suivie en France, l'absence de lien avec la famille restée au pays d'origine et, bien sûr, l'absence de trouble à l'ordre public. Un justificatif produit par la structure d'accueil relatif au degré d'insertion du jeune majeur dans la société française pourra également être demandé.

Ces éléments permettront ainsi aux préfets d'apprécier au mieux la situation des intéressés pour la délivrance d'un titre de séjour portant, selon le cas, la mention « étudiant » ou « salarié », sous réserve de la poursuite d'études supérieures ou de la production d'un contrat de travail obtenu à l'issue de la formation professionnelle suivie.

Vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, dans cette affaire, comme plus généralement sur l'ensemble des questions concernant l'immigration, le Gouvernement est fidèle aux principes qui inspirent sa politique : fermeté dans l'application de la loi, mais aussi humanité dans la prise en compte de toutes les situations individuelles.

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Madame la ministre, je vous remercie de ces précisions sur la circulaire en préparation.

Certaines situations sont très douloureuses, et il est important, tout en faisant preuve de rigueur et de fermeté vis-à-vis de l'immigration clandestine dans notre pays, de se donner les moyens d'examiner chaque cas avec humanité.

effectifs de police dans le val-d'oise

M. le président. La parole est à M. Robert Hue, auteur de la question n° 672, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Robert Hue. Madame la ministre, j'ai souhaité attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la situation particulièrement difficile que connaît le département du Val- d'Oise en termes d'effectifs policiers.

Au-delà de l'annonce d'une baisse très contrastée de la délinquance dans le Val-d'Oise, il nous faut constater que les moyens humains et matériels dédiés à ce département ne correspondent pas à la réalité des problèmes qu'il rencontre.

Les statistiques font apparaître qu'il demeure l'un des plus criminogènes d'Ile-de-France, et même du territoire national. Ainsi, alors que le ratio reconnu efficace entre le nombre de policiers et le nombre d'habitants est de un pour 500, dans le Val-d'Oise, les policiers effectuent leur travail quotidien sur la base d'un ratio d'un policier pour environ 800 habitants. Les disparités plus fortes constatées dans des zones urbaines sensibles comme Argenteuil, Gonesse, Garges et Sarcelles ne font qu'accentuer cet important déficit d'effectifs.

Le fait que le territoire val-d'oisien soit partagé entre zones de gendarmerie et zones de police ne permet pas d'améliorer cette situation.

Madame la ministre, si j'ai souhaité vous interpeller, c'est aussi pour vous dire mon inquiétude devant les perspectives de recrutement annoncées.

En effet, non seulement ces recrutements ne permettront pas de compenser les sous-effectifs, mais surtout ils ne tiennent pas compte de la difficulté de fidéliser les agents dans ce département.

Il est évident que les conditions de vie quotidienne offertes aux fonctionnaires de police ne favorisent pas une intégration durable, alors que ceux-ci subissent déjà des difficultés matérielles dans l'exercice de leurs missions, telles que le manque chronique de véhicules.

Deux problèmes majeurs sont particulièrement sensibles et nécessiteraient des mesures concrètes.

Le premier concerne la mise à disposition de logements réservés à ces fonctionnaires. En effet, trop souvent, leur nombre, la qualité de l'offre et la localisation ne correspondent absolument pas à la légitime aspiration de ces personnels et de leur famille à disposer d'un cadre de vie serein et adapté.

Le second problème rencontré quotidiennement par les policiers concerne le transport. Vous le savez, cette question est très prégnante dans ce département de grande couronne parisienne. Souvent, les policiers sont confrontés à l'utilisation des transports collectifs à des horaires où l'offre de service est moindre, mais aussi coûteuse.

Sur ces deux questions, pourriez-vous, madame la ministre, m'indiquer les dispositions concrètes que compte prendre le Gouvernement pour permettre aux policiers de la grande couronne de bénéficier des mesures dont profitent leurs collègues de la petite couronne en matière de prime de logement et de carte orange ?

Vous le savez, madame la ministre, les collectivités locales, les maires - dont je suis - sont disponibles pour travailler en ce sens. Ils l'ont d'ailleurs été pour la création de postes de police, souvent financés par les communes mais dont nombre d'entre eux sont sous-utilisés faute d'effectifs suffisants.

Madame la ministre, face à cette situation très difficile, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour que le département du Val-d'Oise puisse répondre à ces situations très contrastées et soit doté des moyens humains et matériels nécessaires ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous appelez l'attention du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur la situation des effectifs de police dans le département du Val-d'Oise, dont vous souhaitez le renforcement, sur la fidélisation sur le lieu de leur première affectation, ainsi que sur leurs conditions de vie et de travail, qui pourraient être améliorées.

Tout d'abord, je tiens à souligner, monsieur le sénateur, la baisse encourageante de la délinquance dans votre département : en zone de gendarmerie, les crimes et les délits ont diminué de 19,8 % et la délinquance de voie publique de 26,1 % entre 2002 et 2004 ; en zone de police, l'année 2004 a connu une baisse de 7,42 % de la délinquance générale et de 9,29 % de la délinquance de voie publique.

Je tiens également à souligner l'importante activité judiciaire déployée par les fonctionnaires de police, puisque le taux d'élucidation est passé, durant la même période, de 28,19 % à 30,48 %. Ces bons résultats traduisent notre volonté de lutter efficacement contre la criminalité.

Pour ce qui concerne la situation des effectifs de police, votre département a enregistré une hausse de près de 3 % entre le 1er janvier 2003 et le 1er février 2005, puisqu'ils sont passés de 2 004 fonctionnaires à 2 061. Ceux-ci sont assistés dans leurs missions par 136 adjoints de sécurité.

L'attention portée au département est soutenue, puisque sa dotation a été encore renforcée le 1er mars par l'affectation de 38 fonctionnaires supplémentaires.

Toutefois, j'insiste sur ce point, monsieur le sénateur, la lutte contre l'insécurité ne se résume pas seulement à une augmentation mécanique des effectifs : elle doit s'appuyer sur une rationalisation de leur déploiement.

C'est pourquoi le ministre de l'intérieur a engagé une réflexion en vue de créer des effectifs départementaux de référence, afin d'assurer la meilleure adéquation possible entre les moyens accordés à chaque service et les sujétions qu'ils rencontrent. C'est dans ce cadre que pourra être envisagé le renforcement du potentiel opérationnel du département du Val-d'Oise que vous appelez de vos voeux.

Je voudrais également vous apporter une précision sur la composition des patrouilles.

Actuellement, les moyens en effectifs dont dispose ce département autorisent, en règle générale, la constitution de patrouilles à trois fonctionnaires.

Toutefois, pour répondre à des impératifs liés à certaines missions, des patrouilles à deux policiers sont mises en place, en s'assurant que les services départementaux garantiront, en cas de besoin, la sécurité des effectifs intervenants.

Par ailleurs, vous vous préoccupez à juste titre de la durée des affectations des fonctionnaires de police dans les secteurs difficiles.

Dans ces secteurs, les personnels bénéficient d'une indemnité de fidélisation dès la deuxième année de service. Ils bénéficient également du soutien du ministère pour la recherche de logements locatifs auprès des bailleurs sociaux et privés, correspondant en fait à une véritable aide au logement.

S'y ajoute une aide à l'accession à la propriété, avec la possibilité d'obtenir un prêt à taux zéro. Cette mesure sera mise en oeuvre d'ici à la fin du premier semestre de cette année.

J'ai également noté votre demande afin que soit instituée une aide dans le domaine des transports, ce qui me semble n'être que justice quand on connaît les horaires de ces fonctionnaires.

D'une manière plus générale, la réforme des corps et carrières de la police, dont le protocole a été signé le 17 juin 2004, a permis d'augmenter la durée de séjour obligatoire dans la première région administrative d'affectation : cinq ans pour tous les gardiens de la paix.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, le ministre de l'intérieur et moi-même veillons à ce que les effectifs de sécurité soient en adéquation avec l'objectif primordial de lutte contre les violences sur tout le territoire national, y compris dans le département du Val-d'Oise.

Les bons résultats de 2004 démontrent que l'action du Gouvernement en faveur de la mobilisation et de la motivation des personnels porte ses fruits. Mais nous sommes disposés à aller plus loin pour assurer leur fidélisation et leurs bonnes conditions de travail et de vie.

M. le président. La parole est à M. Robert Hue.

M. Robert Hue. Madame la ministre, je ne vous étonnerai pas en disant que votre réponse ne me rassure pas. En effet, vous évoquez les statistiques relatives à la baisse de la délinquance dans un département comme le Val-d'Oise - je ne la conteste pas - mais chacun sait que certains délits ne sont pas pris en compte dans ces statistiques. Il est extrêmement grave de constater le décalage qui peut exister entre l'annonce d'une évolution positive et la réalité !

Par ailleurs, j'ai dit tout à l'heure que le département du Val-d'Oise comptait un policier pour 800 habitants, alors que la moyenne nationale est de un pour 500. Vous m'annoncez l'affectation de 57 policiers supplémentaires, mais on est loin du compte ! Il faut, à mon avis, accorder davantage de moyens, ce que vous ne faites pas.

Enfin, madame la ministre, vous considérez qu'une aide en matière de transport serait juste. J'apprécie votre propos, mais que signifie-t-il concrètement ? L'attribution de la carte orange ? Quels engagements prenez-vous ?

Je considère donc que vous n'avez pas répondu aux questions que se posent les policiers et, surtout, la population val-d'oisienne, et je ne manquerai pas de revenir sur ces questions.