PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, en remplacement de M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques et du Plan.

M. Gérard Cornu, vice-président de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il m'appartient tout d'abord de vous prier d'excuser le président de notre commission, M. Jean-Paul Emorine, qui, conduisant actuellement une mission d'information en Lituanie et en Estonie, ne peut intervenir lui-même dans ce débat d'orientation budgétaire. Il m'a demandé de le représenter pour exprimer les principales préoccupations de la commission des affaires économiques et du Plan dans ce débat.

Pour illustrer ces préoccupations, je me propose de vous narrer une anecdote budgétaire qui est vieille de près de vingt-cinq siècles, mais dont l'impact a démontré l'importance d'une orientation budgétaire de fond.

Cette anecdote budgétaire, rapportée par Hérodote, le grand historien grec, se déroule à Athènes, dans la seconde moitié des années 480 avant Jésus-Christ. A cette époque, à la suite de la découverte d'un nouveau gisement dans les mines d'argent du Laurion, le trésor public des Athéniens regorgeait de ce métal précieux. Il avait donc été prévu de distribuer une partie des excédents à chacun des citoyens de la cité, à raison de 10 drachmes par tête, ce qui, en ces temps-là, représentait une somme substantielle.

Mais Thémistocle, l'un des chefs de la cité, au moment de la prise de décision, s'est opposé à cette proposition pourtant alléchante. Il a pris la parole et a convaincu ses concitoyens de renoncer à cette répartition pour construire deux cents vaisseaux de guerre. Pour lui, l'intérêt collectif devait l'emporter sur les intérêts individuels, et la préparation de l'avenir devait primer les satisfactions immédiates.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vive Thémistocle ! (Sourires.)

M. Gérard Cornu, vice-président de la commission des affaires économiques. Ce choix, qui ne dut sans doute pas être facile pour les citoyens d'Athènes, jamais la grande cité de l'Attique ne le regretta, car ce sont ces deux cents vaisseaux de guerre qu'elle put, quelques années plus tard, aligner à Salamine, face à la flotte perse. Ce sont eux qui forcèrent la victoire dans cette bataille qui sauva Athènes de la domination perse, comme, du reste, la Grèce et le monde hellénique dans son ensemble, faisant ainsi basculer l'histoire de l'Antiquité.

M. Aymeri de Montesquiou. Méfiez-vous des Grecs ! (Nouveaux sourires.)

M. Gérard Cornu, vice-président de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, il m'apparaît important de nous rappeler ce précédent à un moment où la situation budgétaire de la France n'est pas du tout celle d'Athènes voilà vingt-cinq siècles. Notre budget est, hélas ! loin d'être en excédent. Le déficit est supérieur à 3 % du PIB pour la troisième année consécutive et, du fait de l'inertie des dépenses, il existe avant même que ne soient payées les charges de la dette. On le sait, ces charges représentent désormais plus que le produit de l'impôt sur le revenu, la dette elle-même étant proche d'atteindre les deux tiers du PIB. Ainsi, la richesse produite au cours des huit premiers mois d'une année d'activité du pays correspond exactement à ce qu'il doit. Quel inquiétant constat !

Surtout, l'observation de la situation budgétaire amène à considérer que nous avons trop tendance à faire des choix opposés au choix porteur d'avenir que Thémistocle avait convaincu ses concitoyens d'effectuer.

En effet, les évolutions budgétaires des dernières années le prouvent, on assiste à une croissance régulière des dépenses de fonctionnement de l'Etat et à une limitation corrélative de ses marges d'investissement.

Depuis 1999, les dépenses de fonctionnement sont passées de 272 milliards à 322 milliards d'euros. Le déficit de la section de fonctionnement s'est accentué, même s'il devrait être maîtrisé autour de 15 milliards d'euros cette année. Cela résulte du choix systématique, sous la précédente législature, de l'acceptation d'un dérapage des charges au détriment de l'investissement. En conséquence, le retournement du cycle économique a pratiquement privé le gouvernement actuel de marges de manoeuvre.

Celles-ci sont en effet considérablement réduites du fait de l'augmentation annuelle des dépenses de personnel et du paiement des intérêts, ces deux types de dépenses, à elles seules, absorbant 80 % de la croissance annuelle en valeur des dépenses de l'Etat.

Or de quoi avons-nous besoin aujourd'hui dans un monde où la mondialisation amène une compétition accrue des économies nationales ? Dans un monde où l'Amérique affirme sa puissance et où la Chine développe la sienne, de quoi avons-nous besoin, si ce n'est d'investissements massifs dans les domaines porteurs d'avenir ?

Ces domaines, nous les connaissons.

Ce sont d'abord la recherche et l'innovation, dont notre majorité fait une de ses priorités fortes. C'était déjà le cas l'an dernier, avec une augmentation de plus de un milliard d'euros des moyens de la recherche. C'est encore le cas cette année, avec le lancement de l'Agence de l'innovation industrielle. Monsieur le Ministre, vous savez que vous pourrez toujours compter sur le soutien de la commission des affaires économiques du Sénat dans cette voie.

Le Gouvernement pourra aussi compter sur notre active coopération pour la loi d'orientation et de programmation sur la recherche et l'innovation. Nous soutenons l'option du Premier ministre : cette loi doit être présentée rapidement, afin que les moyens humains et financiers renforcés soient utilisés avec une efficacité elle aussi renforcée. La modernisation de nos dispositifs de recherche publique et privée n'est-elle pas la contrepartie indispensable des moyens nouveaux consacrés au « laboratoire France » ?

Il est un autre domaine porteur d'avenir : les grandes infrastructures françaises et européennes. Je citerai en premier lieu les transports.

La situation européenne préoccupe notre commission. En effet, alors que la France et ses voisins ont longtemps consacré 1,5 % de leur PIB aux infrastructures de transports, l'effort ne représente plus aujourd'hui que 0,5 % du PIB, soit une division par trois !

Notre commission est convaincue qu'il faut relancer les investissements dans ce domaine, en envisageant même des partenariats public - privé, car les investissements conditionnent directement l'attractivité et la compétitivité de notre économie dans les années à venir.

Autre exemple d'investissements structurants : le développement des réseaux de communications électroniques. Il n'y a pas d'aménagement du territoire sans équipement moderne des territoires, et nous savons bien le rôle considérable que jouent les nouveaux réseaux de communications pour l'activité économique locale et l'attractivité de ces territoires.

Dans ces deux cas, les fruits de l'investissement n'apparaîtront qu'à moyen terme, mais nous ne pouvons pas différer cet effort si nous voulons maintenir notre niveau de compétitivité et donc de développement économique et social.

Investir pour demain, n'est-ce pas également privilégier le logement ? Aujourd'hui, le logement constitue la première préoccupation de nos concitoyens après l'emploi. Notre pays est confronté à une grave crise des marchés immobiliers. Elle se traduit, sur tout le territoire, par une flambée des prix de vente des logements neufs et anciens et par une augmentation des loyers. Les Français s'inquiètent de l'accès au logement, qui devient un véritable parcours du combattant pour les jeunes, les étudiants et les plus démunis de nos concitoyens.

Monsieur le ministre, comme le rappellent dans leur récent rapport deux de nos collègues de la commission des affaires économiques, MM. Dominique Braye et Thierry Repentin, il faut remettre le logement au centre des politiques publiques. A cet effet, ils proposent plusieurs séries de mesures visant à remédier à la crise des marchés fonciers et immobiliers. Il faut également que soient chaque année au rendez-vous les financements définis dans le « volet logement » du plan de cohésion sociale prévu pour la période 2005 - 2009.

Mais assurer un XXIe siècle conquérant pour notre pays, c'est avoir la volonté et le courage de réformer l'Etat.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bravo !

M. Gérard Cornu, vice-président de la commission des affaires économiques. Le président et le rapporteur général de la commission des finances ne manquent jamais une occasion d'y insister et je voudrais cet après-midi, au nom de la commission des affaires économiques, leur apporter mon soutien total. Cette réforme passe tout à la fois par une meilleure allocation des ressources humaines et un recentrage de ces ressources sur les missions publiques essentielles. Cela créerait de nouvelles marges de manoeuvre budgétaires et permettrait d'accroître l'efficacité de l'intervention publique. Il s'agit par conséquent d'un besoin vital, qui doit constituer - c'est essentiel - l'une des priorités du Premier ministre.

Voici, en définitive, ce que devraient être les grandes priorités du budget 2006 pour la commission des affaires économiques : désendettement et réforme de l'Etat, recherche, ...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Gérard Cornu, vice-président de la commission des affaires économiques. ...grandes infrastructures et logement.

Quelles seront celles que vous retiendrez, monsieur le ministre ? Bien entendu, nous souhaiterions le savoir. Etes-vous d'accord avec nous sur la nécessité de desserrer la contrainte que représente la dette et d'économiser sur les dépenses de fonctionnement de l'Etat, afin de dégager des marges d'investissement, ...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Gérard Cornu, vice-président de la commission des affaires économiques. ...qui sont seules à même d'assurer l'avenir de notre pays dans l'environnement économique mondial ?

Votre choix est-il bien de s'engager dans cette voie ? En clair, êtes-vous prêt, en définitive, à être notre Thémistocle ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la situation difficile de nos finances publiques n'est pas nouvelle, mais le diagnostic est désormais posé avec un langage de vérité et de bon sens propre à faire tomber les illusions et à fonder une politique de maîtrise durable et raisonnée de la dépense publique.

C'est dans ce contexte de rigueur nécessaire que nous engageons ce débat d'orientation. Notre nouvelle constitution financière nous permettra d'aborder les prochains enjeux budgétaires avec les yeux ouverts, ouverts sur la pertinence des objectifs suivis, sur la transparence de leur gestion et, surtout, sur les conditions de leur exécution.

C'est en effet à la mise en oeuvre d'une vigilante logique comptable que nous devons procéder. Cette logique devra soutenir et encadrer nos grandes priorités politiques, tout en veillant à ne pas affecter leur substance.

Pour ce qui concerne la commission des affaires étrangères et de la défense, j'aborderai deux politiques importantes qui ont en commun d'avoir une incidence budgétaire substantielle et de répondre à des engagements politiques majeurs de notre pays, définis au plus haut niveau de l'Etat.

Je commencerai par notre politique de défense.

Celle-ci demeure un poste majeur du budget de l'Etat, mais reconnaissons que ce n'est pas elle qui a contribué, ces dernières années, à l'alourdissement de la dépense publique.

En effet, le budget militaire, en monnaie constante, a diminué sur les quinze dernières années, contrairement aux budgets civils. Cette évolution n'est pas anormale. Elle correspond en grande partie aux choix effectués pour adapter nos armées au nouveau contexte international.

Au cours de la précédente législature, la décrue avait été excessive, au risque d'affecter la cohérence même de notre outil militaire menacé d'une dégradation brutale faute d'être suffisamment modernisé et entretenu.

La loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008 permet un rattrapage. L'effort supplémentaire qu'elle prévoit sur six ans n'est que la contrepartie des abattements opérés sous la législature précédente. C'est pourquoi son respect constitue une nécessité absolue. Nous nous félicitons que, sur les trois premières années, les lois de finances initiales aient été strictement conformes à ses dispositions et que, dans l'exécution, l'équipement n'ait pas été sacrifié pour financer les opérations extérieures. Celles-ci ont été couvertes, comme il se doit, par des ouvertures de crédits spécifiques. En outre, pour la première fois, elles ont commencé à être, mais en partie seulement, provisionnées en loi de finances initiale. Nous souhaitons que cette démarche se poursuive, ne serait-ce que par souci de sincérité budgétaire.

Le Gouvernement a indiqué qu'en 2006, pour la quatrième année consécutive, l'annuité de la loi de programmation militaire serait respectée en loi de finances initiale. La continuité de l'effort, si elle se confirme, est d'autant plus méritoire que la situation des finances publiques est difficile.

Mais cet effort est nécessaire. Il s'agit de permettre à la France de conserver un outil militaire suffisant dans un monde marqué par les conflits et d'assurer ses engagements en faveur de la paix et de la sécurité internationale.

Il s'agit aussi, à travers la recherche toujours duale, de préserver notre capacité d'innovation technologique militaire et civile, avec toutes les conséquences de ces investissements sur notre industrie et nos emplois, en particulier dans les secteurs stratégiques de l'aéronautique, de l'espace, de l'électronique.

J'ajouterai que la défense peut être citée en exemple pour la réforme de l'Etat. Elle s'est en effet réformée comme aucune autre administration publique : la professionnalisation, la réduction du format des armées et les restructurations massives sont intervenues, alors que le métier militaire évoluait profondément, faisant de l'engagement permanent sur les théâtres extérieurs le quotidien de notre armée.

On ne peut aussi qu'être frappé par la convergence entre les objectifs de la loi organique relative aux lois de finances et les évolutions intervenues dans la défense ces dernières années.

D'ores et déjà, les lois de programmation représentent un effort de planification, impliquant des arbitrages rationnels par rapport à des objectifs cohérents. Elles donnent lieu à un suivi continu, grâce à un cadre de référence régulièrement actualisé.

La LOLF permettra également d'amplifier les réformes déjà engagées en matière de gestion.

La défense s'est non seulement adaptée au nouveau cadre financier, mais elle a voulu accompagner la réforme par une profonde redéfinition des responsabilités budgétaires au sein du ministère.

Le pouvoir d'arbitrage renforcé confié au chef d'état-major des armées est une avancée très positive. Cela permettra d'aller plus loin dans la rationalisation des choix, en matière tant de personnels que d'équipement.

Félicitons-nous que la défense ne soit plus considérée comme la variable d'ajustement du budget et que l'indispensable continuité de l'effort soit maintenue depuis trois ans. Veillons à ce que le nécessaire souci de la performance comptable n'occulte pas celui de la performance opérationnelle et faisons confiance à la défense, qui a déjà su se réformer profondément, pour optimiser, avec rigueur et cohérence, les moyens importants que la nation lui consacre.

Le second sujet porte sur notre action pour le développement.

La commission s'est félicitée de ce que l'aide au développement, politique dont les objectifs sont une priorité de la communauté internationale - on le voit avec le G8 qui s'ouvre aujourd'hui même - ait été reconnue sur le plan budgétaire comme une des missions de l'État par le regroupement des deux programmes des deux ministères qui y consacrent les dotations les plus importantes, le ministère des affaires étrangères et celui de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il s'agit là d'un pas décisif vers une présentation plus lisible et plus transparente de la réalité de l'effort que notre pays consent en faveur du développement dans une conjoncture budgétaire tendue. Pour parfaire cette transparence, la commission des affaires étrangères attend beaucoup du document de politique transversale consacré à l'aide au développement afin que l'aide publique française ne soit pas l'addition d'actions ministérielles dispersées et constatées a posteriori, mais bien le fruit d'une stratégie interministérielle concertée.

Dans ce domaine, notre pays s'est donné comme objectif de consacrer, à l'horizon de 2012, 0,7 % de son produit intérieur brut au développement des pays les plus pauvres. En 2007, la France devrait atteindre l'objectif intermédiaire de 0,5 % du PIB.

En septembre prochain, la soixantième assemblée générale des Nations unies fera le point sur l'état d'avancement des objectifs du millénaire pour le développement. Ce sera l'occasion d'appeler à la mobilisation des États pour créer un effet de levier suffisant pour enclencher, enfin, un cercle vertueux de développement dans les pays les plus pauvres, en particulier en Afrique. Avec 0,47 % de son PIB consacré au développement, notre pays consent un des taux d'aide les plus élevés : il doit le soutenir et tendre à le rendre encore plus efficace.

L'augmentation du volume de l'aide est certes nécessaire, mais elle n'est pas suffisante. Elle doit s'accompagner d'une organisation encore plus cohérente et plus efficace pour en favoriser le pilotage, au service d'une stratégie de lutte contre la pauvreté recentrée sur les secteurs prioritaires : infrastructures, santé et éducation de base. La commission des affaires étrangères sera attentive à ce que la mise en application de la LOLF favorise la cohérence de notre aide avec les objectifs définis par la communauté internationale, souvent sur l'initiative de la France.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la rigueur raisonnée de la dépense publique n'est pas incompatible avec l'ambition politique d'un pays.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Au contraire !

M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères. Nos nouveaux outils de gestion, de contrôle et d'exécution des crédits peuvent au contraire la conforter dans la durée.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères. Il appartient à chacun de nous de s'engager dans cette démarche avec confiance et détermination, vous avez dit « avec volonté », monsieur le président de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans ce débat d'orientation budgétaire, la tâche du président de la commission des affaires sociales est singulière.

Il intervient en qualité de président d'une des cinq commissions saisies pour avis sur le budget. A ce titre, il peut, ou bien se féliciter du contenu de la nouvelle maquette proposée par le Gouvernement dans le cadre de la LOLF, mais c'est désormais un exercice un peu convenu, ou bien, au contraire, s'inquiéter de la paralysie de l'action des ministères sociaux résultant des rigueurs de la régulation budgétaire.

Toutefois, en sa qualité de président de la commission saisie au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale, il lui est, vous le comprendrez, impossible de ne pas examiner dans leur détail les considérations développées, tant dans le rapport du Gouvernement que dans celui de la commission des finances, sur les perspectives des finances publiques en général et leur incidence sur les comptes sociaux en particulier.

Cette observation me conduit naturellement à consacrer l'essentiel de mon propos à un aspect ponctuel évoqué par les rapports des commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale et dont les conséquences sont fondamentales pour la situation, à moyen et long termes, de nos finances publiques.

Ces derniers jours, il a filtré dans la presse que le financement des 16,7 milliards d'euros d'allégements généraux de cotisations sociales pourrait à nouveau sortir du budget général et être assuré par l'affectation aux régimes sociaux d'une fraction d'un ou plusieurs impôts. La « lettre plafond » adressée par le Premier ministre au ministre de l'emploi semble confirmer cette annonce.

Si tel devait être le cas, cette décision reviendrait à reconstituer, sous une forme à préciser, un fonds que nous avons bien connu : le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC. Vous n'ignorez rien, mes chers collègues, des conditions dans lesquelles la précédente majorité l'avait créé, afin d'assurer le financement de la coûteuse politique des 35 heures.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il était rapidement apparu que ce montage, complexifié à dessein, avait pour seule finalité de contourner la règle de la compensation intégrale des allégements de cotisations posée par la loi du 25 juillet 1994.

M. Alain Vasselle. Exactement !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Au printemps 2003, sous l'impulsion du Gouvernement, un groupe de travail comportant des parlementaires - Jean Arthuis s'en souvient, car il y a participé - avait été constitué pour réfléchir aux moyens de consolider le financement de la politique d'allégements de cotisations et de clarifier, dans la mesure du possible, les flux financiers entre l'Etat et la sécurité sociale.

Par souci de pragmatisme, la commission des affaires sociales avait alors soutenu un scénario de consolidation du FOREC autour de l'affectation d'un ou deux impôts cohérents et dynamiques et d'une dotation d'équilibre du budget, pour mettre fin à un sujet de polémique inépuisable. Le Premier ministre estima opportun d'aller plus avant et de supprimer totalement le FOREC, en confiant à l'Etat la reprise de ses droits et de ses obligations. C'était une solution acceptable.

Soyons clairs, monsieur le ministre, je ne serai pas inquiet si le Gouvernement confirme qu'il s'apprête à revenir sur ce choix. Conformément à notre position initiale, nous continuons de penser que, paradoxalement, le financement sur le budget de l'Etat des allégements généraux soulève plus de difficultés qu'il n'en résout : il gonfle de manière significative les dépenses budgétaires, absorbant en volume une fraction considérable des marges de manoeuvre du ministre chargé de l'emploi, sans pour autant garantir une compensation intégrale effective.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En effet, si la dotation initialement inscrite se révèle insuffisante, l'affectation d'un complément dans le collectif budgétaire n'est pas automatique.

Vous conviendrez toutefois, mes chers collègues, qu'un revirement par rapport aux choix effectués en 2003 ne pourrait être compris par les différents partenaires de la protection sociale qu'au prix d'un certain nombre de garanties : il faudra leur assurer que cette nouvelle débudgétisation ne sera pas dolosive pour les comptes de la sécurité sociale et qu'elle ne nuira pas au travail de clarification des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale, engagé depuis maintenant deux ans.

J'ai donc pris, ces derniers jours, l'initiative d'écrire à M. le Premier ministre pour lui faire part des observations et des réflexions que je vous livre aujourd'hui et pour lui présenter les garanties minimales qui me semblent nécessaires à la parfaite neutralité de cette éventuelle opération.

Je crois d'abord qu'il convient de n'y affecter qu'un tout petit nombre d'impôts : la fraction d'une seule taxe pourrait suffire.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Non !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous verrons ! Gardons-nous en effet, mes chers collègues, de reconstituer, quelle qu'en soit la forme, « l'inventaire à la Prévert » dont fut doté le FOREC.

M. Alain Vasselle. Tout à fait !

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'était une véritable usine à gaz !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il en résulte tout naturellement, monsieur le ministre du budget, qu'il conviendra d'affecter à la sécurité sociale une taxe dont le dynamisme soit proche de celui de la masse salariale. La compensation doit en effet évoluer au même rythme que la perte de ressources. Dans le cas contraire, il faudrait chaque année augmenter les taux ou trouver de nouvelles recettes pour assurer l'intégralité de la compensation.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Eh oui !

M. Thierry Breton, ministre. Absolument !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Or, nous le savons bien, ces opérations favorisent les « frictions indésirables » au moment des arbitrages budgétaires.

A ce stade, parmi les recettes figurant au budget de l'Etat, seule la TVA me semble présenter cette caractéristique. L'affectation de points de TVA à la sécurité sociale aurait en outre l'immense mérite de satisfaire le voeu, maintes fois réitéré par la commission des finances, d'asseoir, au moins en partie, le financement de la protection sociale sur une taxe sur la consommation.

Les deux autres garanties que je considère indispensables à une débudgétisation du financement de la compensation relèvent plutôt de la procédure : il s'agit, en premier lieu, d'instituer une « clause de revoyure » ou une dotation budgétaire d'équilibre effective, qui assurera l'intégralité de la compensation dans l'hypothèse où le produit de l'impôt affecté n'y suffirait pas, monsieur le ministre du budget ; il s'agit, en second lieu, d'identifier la compensation dans une structure de gestion dédiée à cet objet. Ce peut être un fonds autonome ou une ligne de comptabilité indépendante à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, du moment que cette structure permet de faire clairement apparaître l'effectivité de la compensation.

Vous l'avez compris, mes chers collègues, la commission des affaires sociales écarte, aujourd'hui comme hier, toute dissolution des allégements au sein de chaque branche, c'est-à-dire l'affectation d'un impôt pour solde de tout compte à un régime au titre de l'indemnisation des allégements de ses cotisations. Il lui paraît tout aussi inopportun d'instaurer une « barémisation » des cotisations sociales qui, en intégrant l'allégement directement dans le taux de cotisation appliqué, ferait perdre son caractère concret à la politique d'exonération et à la compensation.

Dans son rapport, Gilles Carrez préfère une solution concurrente qui présente, me semble-t-il, beaucoup d'avantages. Elle consiste à créer un nouveau prélèvement sur recettes au profit de la sécurité sociale, qui s'ajouterait aux deux prélèvements existant actuellement en faveur des collectivités locales et de l'Union européenne. Comme le souligne à juste titre le rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale, cette procédure « inscrirait la relation financière entre l'Etat et la sécurité sociale dans une dimension quasi contractuelle », à l'image des relations qu'entretient l'Etat avec ses autres partenaires financiers principaux. Elle présenterait en outre l'indéniable mérite de ne pas remettre en cause le choix opéré en 2003, tout en démontrant la capacité du Gouvernement et du Parlement à trouver des solutions innovantes.

Nous n'avons pas nous-mêmes évoqué cette piste, car il faut pour cela, nous en avons bien conscience, modifier la LOLF et il nous avait semblé qu'une telle modification était considérée comme inopportune. Mais, dès lors que la proposition émane de la commission des finances de l'Assemblée nationale et que le projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale permettrait encore de procéder à cet ajustement, je fais dès à présent part de notre disponibilité pour étudier dans les jours qui viennent, en bonne intelligence avec notre commission des finances, cette perspective intéressante.

M. Alain Vasselle. Très bien !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le temps me manque pour évoquer d'autres points de ce qui constituera notre feuille de route pour les mois à venir. Je tâcherai toutefois de prendre un peu de la hauteur à laquelle invitent certains passages du rapport du Gouvernement sur la modernisation du pilotage des finances publiques.

Que de fois n'avons-nous évoqué les réformes susceptibles de dégager les marges nécessaires au financement de nos politiques publiques prioritaires sans pour autant trouver, dans nos budgets respectifs, en loi de finances ou en loi de financement de la sécurité sociale, la traduction concrète d'un idéal budgétaire !

En exposant les améliorations apportées au pilotage des finances sociales grâce à la réforme de l'assurance maladie, puis par la rénovation de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, le rapport du Gouvernement témoigne des progrès accomplis, et je m'en félicite. J'ai seulement été surpris qu'il ne fasse pas mention du « débat d'orientation budgétaire » désormais instauré entre l'Etat et l'assurance maladie.

Ainsi, le 30 juin dernier, celle-ci a estimé que son redressement ne pourrait être acquis qu'au prix d'efforts supplémentaires et elle a en quelque sorte « fléché » plus d'un demi-milliard d'euros d'économies supplémentaires. Je salue cette prise de responsabilité comme elle le mérite. J'interroge en outre le ministre des finances sur le respect par l'Etat de sa part du contrat. Car, à cette même occasion, l'assurance maladie l'a rappelé à l'ordre en lui demandant de compenser, comme le prévoit la loi, diverses mesures qui pèsent sur les comptes de la CNAM à hauteur de 1,7 milliard d'euros.

En conclusion, mes chers collègues, je me réjouis que le présent débat puisse trouver tout son sens, c'est-à-dire permettre au Parlement d'intervenir en amont, donc plus efficacement, sur les grandes orientations de la politique financière de la France.

Tout au plus regretterai-je encore une fois, comme ce fut le cas voilà deux ans, que le ministre en charge de la sécurité sociale ne siège pas aujourd'hui au banc du Gouvernement. Les finances sociales sont désormais au coeur de nos débats en raison de leur imbrication croissante avec celles de l'Etat.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il eût été nécessaire, profitable, que celui qui gère désormais, sous l'autorité du Premier ministre, une masse financière supérieure à celle des dépenses de l'Etat puisse nous apporter son expertise et nous permettre de réfléchir ensemble aux moyens de conduire des politiques plus cohérentes et plus efficaces, dans l'intérêt des générations présentes et futures. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je serai extrêmement bref, surtout après les masses financières qui ont été évoquées.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Après Thémistocle !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et les « sept piliers de la sagesse » !... (Sourires.)

Au demeurant, la commission des lois veut être concise, comme elle souhaite la concision dans les lois. Et nous n'avons pas toujours donné de très bons exemples, même récemment !

Si j'interviens exceptionnellement dans ce débat qui entre dans le cadre de la préparation de la prochaine loi de finances, c'est pour vous transmettre, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, certaines interrogations formulées par la commission des lois à l'occasion de la désignation, ce matin même, de ses rapporteurs pour avis.

La commission a suivi quelques principes, nécessaires à ses yeux pour parvenir à la simplification souhaitée du débat budgétaire : ne pas augmenter le nombre de ses avis, respecter au plus près la nouvelle nomenclature et conserver autant que possible un seul rapporteur par avis. Elle n'a fait entorse à cette dernière règle que pour permettre la désignation d'un corapporteur issu de l'opposition, mais il y avait à cela une raison particulière sur laquelle je reviendrai.

Confrontée à la nouvelle architecture budgétaire, dont certains éléments n'ont été formalisés que très récemment,...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. On peut le dire ainsi !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. ...je pense à la mission « conseil et contrôle de l'Etat »,...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. ...et tenue par la date limite d'envoi des questionnaires budgétaires, maintenue au 10 juillet en dépit des incertitudes sur la nomenclature, la commission aimerait, messieurs, vous voir éclairer sa lanterne sur certains aspects des missions et programmes relevant de sa compétence.

Tout d'abord, pourriez-vous nous indiquer les motifs qui ont conduit à dissocier le programme « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives » de la mission « justice », pour le faire figurer dans une nouvelle mission « conseil et contrôle de l'Etat » ? Je n'évoque pas, bien entendu, les juridictions financières, puisqu'elles ne relèvent pas de la compétence de la commission.

Le rapport établi pour préparer le présent débat d'orientation budgétaire indique qu'il s'agit de témoigner « du rôle institutionnel particulier du Conseil d'Etat, du Conseil économique et social et de la Cour des comptes, dont l'indépendance est un élément fondamental du bon fonctionnement de la République »... Que faut-il dire de l'institution judiciaire ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Que faut-il dire du Conseil supérieur de la magistrature, conseil du Président de la République ? L'autorité judiciaire est une autorité constitutionnelle, je le rappelle, et l'indépendance de la justice, précisément, est l'une des notions importantes ; pourtant, la Cour de cassation continue de figurer dans la mission « justice ».

En revanche, il est considéré que la Cour des comptes, qui conseille et contrôle, doit être indépendante, de même que le Conseil d'Etat. J'en suis d'accord, car cela se justifie ; mais je ne vois pas au nom de quoi cela devrait être étendu aux juridictions inférieures, que ce soient les tribunaux administratifs ou les chambres régionales des comptes !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est juste !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il faudra que l'on m'explique pourquoi la question a été tranchée en ce sens.

Peut-être ne s'en est-on pas rendu compte sur le moment, mais il me semble que l'on traite différemment l'institution judiciaire, notamment la Cour de cassation, qui a pourtant un rôle régulateur du droit...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances et M. Philippe Marini, rapporteur général. Très juste !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. ...et qui méritait bien autant que la Cour des comptes ou le Conseil d'Etat de figurer dans les missions éminentes de l'Etat.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est incontestable !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L'ENA l'a emporté sur l'ENM ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les conséquences de cette décision seront négatives, car il s'agit des institutions en tant que telles. La République a besoin de principes, dont doivent ensuite découler les missions, dans le cadre de la réforme nécessaire et heureuse de la LOLF.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. J'y insiste, parce que c'est mon devoir de président de la commission des lois du Sénat que de le dire.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et c'est très bien dit !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pour entrer dans le concret, la commission des lois aimerait savoir quel ministre viendra présenter la mission « conseil et contrôle de l'Etat » lors de l'examen du projet de budget en séance publique. Elle a pour sa part décidé de ne pas dissocier l'examen du programme concernant les juridictions administratives de celui du programme concernant les juridictions judiciaires, afin que son rapport pour avis conserve une vision d'ensemble de la situation de la justice, qu'elle soit administrative ou judiciaire. A moins, bien sûr, que l'on ne finisse par considérer qu'il n'y a plus qu'un seul type de juridictions, comme certains le souhaiteraient...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce serait une bonne idée !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il me semble que le président de la commission des finances s'était à une époque prononcé en ce sens.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui, et je n'ai pas changé d'avis !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela pourrait donner des idées : puisque certains veulent une très grande autonomie, que tout le monde ait la même !

Le rapporteur pour avis de la commission des lois interviendra lors de l'examen de la mission « justice » et lors de l'examen de la mission « pouvoirs publics », car il faut aussi mentionner la Haute Cour de justice et la Cour de justice de la République, ainsi que le Conseil constitutionnel, qui jusqu'à présent n'ont pas été évoqués. Son corapporteur interviendra sur la mission « conseil et contrôle de l'Etat ».

En matière de fonction publique, monsieur le président de la commission des finances, vous aviez bien voulu, lors de votre audition par notre commission, évoquer l'idée de l'organisation d'un débat sur les effectifs.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Qu'en est-il ? Ce débat transversal nous paraît indispensable,...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. ...et notre rapporteur pour avis sur la nouvelle mission « direction de l'action du Gouvernement » souhaitera également y participer ès qualités. Là encore, il s'agit d'établir au sein du débat budgétaire des rendez-vous permettant une vision d'ensemble.

Tel est également le motif qui me conduit à évoquer l'utilité du débat sur les recettes des collectivités territoriales au cours de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, auquel le rapporteur pour avis de la commission des lois sur la mission « relations avec les collectivités territoriales » souhaitera également prendre part ès qualités ; M. le président de la commission des finances avait d'ailleurs souscrit à ce souhait lors de son audition par la commission des lois le 21 mars dernier.

Pour en terminer avec ces questions ponctuelles, je voudrais marquer l'espoir que cette nouvelle nomenclature permettra à la discussion budgétaire de s'articuler autour de débats transversaux et de dépasser certains clivages ministériels qui étaient la règle jusqu'ici, l'architecture des missions interministérielles permettant d'envisager des rapprochements prometteurs : je pense par exemple à la mission « sécurité », pour laquelle nous pourrons travailler avec la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées en ce qui concerne la gendarmerie.

Mais le plus important, bien entendu, et M. Copé l'a souligné, c'est que les missions régaliennes de l'Etat ne feront l'objet d'aucune réduction de crédits. Nous avons voté une loi pour la sécurité intérieure et une loi d'orientation et de programmation pour la justice : quand on mesure à quel point il est nécessaire de continuer à lutter contre l'insécurité, quand on connaît l'état dans lequel se trouve notre justice, dont nous avons des témoignages tous les jours, notamment en ce qui concerne l'exécution des peines, on ne peut que se réjouir d'être assuré que seront respectés les engagements qui ont été pris alors. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 75 minutes ;

Groupe socialiste, 49 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 20 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratiqueet social européen, 12 minutes.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, vous avez déclaré que la France vivait au-dessus de ses moyens. Vous avez voulu ainsi signifier que la France dépense plus que ses ressources ne le lui permettent et, par là même, souligner l'évolution très inquiétante de nos finances publiques, en particulier de la dette.

Si le Gouvernement se contente de reconduire les mêmes mesures, qui, finalement, ne s'attaquent toujours pas en profondeur au désendettement, dans vingt ans, la dette atteindra 75 % de notre PIB.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Beaucoup plus tôt !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce sera beaucoup plus rapide !

M. Aymeri de Montesquiou. Il lui faut donc impérativement prendre les décisions nécessaires pour se conformer à ses engagements européens et ramener la dette à 60 % du PIB d'ici à 2008, et, pour cela, ne pas accepter de déficit supérieur à 1 %.

Il est évident qu'une politique durable de désendettement n'est jamais facile à mettre en place. Pourtant, le Canada et la Nouvelle-Zélande, entre autres pays, dans un contexte budgétaire similaire, ont eu le courage et la volonté de se donner les moyens de redresser leurs finances.

Le temps presse. Cette dette à rembourser est une véritable plaie au flanc qui empêche toute politique volontariste et aliène l'avenir des générations suivantes. Qui plus est, avons-nous toujours bien présent à l'esprit que l'argent ainsi emprunté est utilisé pour des dépenses de fonctionnement et non pour de l'investissement ?

L'alternative est simple, messieurs les ministres ; soit vous dites au réalisme économique : « Encore quelques minutes, monsieur le bourreau »,...

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Un quart d'heure !

M. Aymeri de Montesquiou. ...soit, tel Clemenceau, vous martelez : « Je fais la guerre, je fais la guerre, je fais la guerre » au déficit.

La guerre provoque toujours des blessures. L'impopularité accompagnera ces politiques, mais elle sera plus grande encore si vous ne montrez pas davantage de détermination à réduire fortement notre déficit désastreux qui, d'ores et déjà, aura augmenté la dette d'une cinquantaine de milliards d'euros l'année prochaine.

Appuyons-nous, avec modestie mais efficacité, sur le bon sens : réduire cette dette, c'est rembourser plus que l'on n'emprunte. Certains, pour atteindre cet objectif, augmenteront les ressources, c'est-à-dire les impôts, d'autres diminueront les dépenses.

Augmenter les impôts dans le contexte de la mondialisation et alors que le taux des prélèvements obligatoires français se situe parmi les plus élevés au monde, c'est accélérer les délocalisations et le nomadisme de ceux qui peuvent choisir le lieu où ils payent l'impôt.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est certain !

M. Aymeri de Montesquiou. Reste à baisser les dépenses.

On peut tout d'abord mettre en place une mécanique budgétaire simple, et pourquoi serait-elle trop simple ? Le Gouvernement s'est engagé à stabiliser d'une année sur l'autre les dépenses à l'euro constant. Faites-le, messieurs les ministres, mais en euros courants, et vous diminuerez les dépenses du montant de l'inflation.

Tous les ans, le ministre de l'économie fait l'hypothèse d'une croissance positive en assénant un chiffre. Pourtant, monsieur le ministre, vous nous dites avec lucidité que vous ne contrôlez pas le prix du baril, que la croissance de la consommation ou de l'investissement peut être incitée, mais non pas décrétée, que les budgets sociaux sont difficiles à contrôler... Cette croissance est de toute évidence très aléatoire et, son estimation n'étant pas juste, il s'ensuit des réajustements techniquement délicats et politiquement négatifs.

Vous faites l'hypothèse très risquée d'une croissance chiffrée, monsieur le ministre de l'économie.

M. Thierry Breton, ministre. Pas moi ! C'est faux !

M. Aymeri de Montesquiou. Je vous propose une logique à l'opposé de la vôtre.

Les mêmes aléas conjoncturels subsistant chaque année, pourquoi ne pas bâtir un budget sur une croissance nulle, qui n'aurait qu'un caractère comptable et qui, en conséquence, n'aurait aucune incidence sur les prévisions des investisseurs, des industriels ou des consommateurs ? Ce serait source de discipline budgétaire, et le surplus probable serait affecté en grande partie au remboursement de la dette. Ce raisonnement préside à la gestion de toute entreprise ou de tout ménage ; il s'agit ici du budget de l'Etat, bien sûr, mais la bonne gouvernance - c'est devenu un terme à la mode ! - ne peut-elle s'y appliquer ?

Ces propositions seraient aisément comprises par nos concitoyens. Pour entrer en application, elles nécessitent cependant une transformation des esprits au ministère des finances et même une évolution du concept de budget, qui passerait de celui d'une augmentation inéluctable des dépenses à celui de leur contention par leur adaptation aux ressources.

Pour réduire ses pertes, qui sont le pendant du déficit de l'Etat, une entreprise est à la recherche permanente d'une meilleure performance. Pourquoi cette préoccupation serait-elle étrangère à l'Etat ? Dans quels grands secteurs l'Etat peut-il mieux dépenser ?

Les dépenses d'intervention sont quasiment toutes préaffectées. Les investissements de l'Etat dans le domaine civil peuvent être difficilement compressés sous peine de stériliser l'économie. A l'échelon européen, les dépenses militaires pourront être beaucoup mieux utilisées et recèlent un potentiel d'économie qui pourra s'exprimer, notamment, lorsque l'Agence européenne de l'armement sera pleinement opérationnelle.

Reste les dépenses de personnel. C'est un sujet sensible, qu'il est possible d'aborder par le biais d'un constat, que vous avez d'ailleurs fait vous-même, monsieur le ministre. En 1980, le budget était équilibré, la dette représentait 20 % du PIB. Aujourd'hui, le déficit budgétaire est en réalité de 20 % et la dette représente 65 % du PIB. Entre temps, le nombre de postes dans la fonction publique a augmenté de 900 000, c'est-à-dire 10 % des dépenses de l'Etat.

Pourtant, pendant ce temps, l'informatique a connu une progression formidable, ce qui a entraîné, dans des activités comparables comme la banque et les assurances, des suppressions de postes compensées par des réaffectations très importantes d'administratifs vers le secteur commercial, engendrant une productivité génératrice de dynamisme.

Avec 900 000 fonctionnaires en plus, le service public est-il meilleur aujourd'hui qu'en 1980 ? Monsieur le ministre, combien de temps faudra-t-il encore attendre pour dégraisser les « mammouths ministériels » bien connus ?

M. Aymeri de Montesquiou. Il ne serait pas acceptable ni pour nos concitoyens ni pour nous que la recherche de l'efficacité se traduise par une perte d'emplois ; elle peut cependant se traduire par des changements de postes ou des non-remplacements.

Nous sommes entrés dans une période de très nombreux départs à la retraite. Cette année, sur près de 71 000 partants, 5 000 seulement ne seront pas remplacés. Dans les dix ans à venir, près de 800 000 fonctionnaires partiront à la retraite.

Monsieur le ministre, vous qui avez en charge la modernisation de l'Etat, ce chiffre de 5 000 vous satisfait-il ? Il représente 0,12 % du nombre des fonctionnaires. Un non-remplacement des départs générerait près de 24 milliards d'euros d'économies cumulées d'ici à 2015 alors qu'un remplacement de 10 % ne générerait que 2,4 milliards d'euros : la différence est considérable.

La réduction des coûts est évidemment proportionnelle au taux de non-remplacement. Une administration réorganisée, moins nombreuse et mieux payée doit correspondre aux critères d'efficacité et de motivation de toutes les économies performantes de notre époque.

Monsieur le ministre, vous avez osé dire que la France vivait au-dessus de ses moyens.

M. Thierry Breton, ministre. Depuis longtemps !

M. Aymeri de Montesquiou. C'est une réalité inscrite dans la durée, car le prisme du respect du critère de 3 % du PIB fait perdre de vue que chaque année, depuis au moins vingt ans, l'Etat dépense entre 15 % et 20 % de plus qu'il ne gagne. Il convient de répéter que le déficit est une fuite en avant qui dure depuis trop longtemps et qui compromet l'avenir des générations futures.

Messieurs les ministres, la situation budgétaire n'est pas bonne. Je conviens qu'elle s'améliore, mais encore insuffisamment. Les Français ne croient plus aux belles promesses. Ils attendent un langage de vérité. Vous voulez le tenir, je vous en donne acte. Les Français savent que pour atteindre des lendemains auxquels, justement, ils aspirent, le pays tout entier doit être mobilisé dans l'effort. Monsieur le ministre, éprouvez le plaisir du courage ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Marc Massion.

M. Marc Massion. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat que nous avons aujourd'hui sur l'orientation que le Gouvernement veut donner à la politique budgétaire de la France en 2006 a lieu dans le contexte d'une croissance économique qui continue à être faible et d'une situation des finances publiques qui ne cesse de se dégrader depuis maintenant trois ans.

Devant le défi que constitue une telle situation, le Gouvernement a choisi de poursuivre ce qu'il est convenu d'appeler « une politique de rigueur » et que nous appelons plutôt « une politique d'austérité ».

La croissance économique de notre pays continue d'afficher une faiblesse inquiétante. Si la croissance avait été faible en 2003, la consommation avait résisté et avait même, vraisemblablement, empêché une récession. Mais cette résistance de la consommation s'est montrée aussi fragile qu'aléatoire et le ralentissement de la croissance s'est, hélas ! confirmé en 2005.

Or la loi de finances pour 2005 avait été fondée sur un taux prévisionnel de croissance de 2,5 %, lui-même établi avec l'hypothèse d'un prix du baril de pétrole inférieur à 37 dollars. Mais le renchérissement du prix du pétrole aidant, il a fallu revoir cette prévision à la baisse et, si le Gouvernement table actuellement sur une fourchette prévisionnelle de croissance de 1,5 % à 2 % pour 2005, il est à craindre en fin de compte que le taux de croissance ne s'établisse au maximum qu'à 1,5 %, alors qu'il avait encore été de 2,1 % en 2004. L'équilibre du budget de 2005 en est sérieusement compromis.

Si la consommation avait été le moteur de la croissance en 2004, cette consommation s'est ralentie en 2005.

En l'absence de gains de pouvoir d'achat substantiels, avec un marché du travail qui reste marqué par un taux de chômage élevé, un essoufflement de la consommation restait toujours à redouter et l'amélioration du pouvoir d'achat en 2005 par rapport à 2004 semble n'avoir été que la conséquence de la modération de l'inflation.

Par ailleurs, la situation des bas salaires nous fait douter d'une relance de la consommation dans notre pays.

Faudrait-il se résigner alors à espérer que les échanges extérieurs « tirent » notre croissance, puisque la croissance mondiale est plus dynamique que la croissance nationale ?

La situation de notre commerce extérieur est mauvaise, du fait de la hausse des cours du pétrole, bien sûr, mais aussi du fait de la faiblesse de la demande interne des partenaires de la zone euro, notamment de l'Allemagne et de l'Italie. Le solde des échanges extérieurs est dans le rouge depuis près d'un an, amputant la croissance, et le déficit qu'ont connu nos échanges extérieurs en 2004 pourrait être encore plus important en 2005 !

Les exportations progressent, certes, mais elles restent à la traîne du commerce mondial, car elles sont encore trop concentrées sur des marchés dont la croissance n'est pas très dynamique : l'Europe absorbe les trois quarts des ventes françaises. De plus, malgré les mesures de soutien, le nombre d'exportateurs a tendance à se réduire depuis quelques années, passant de 104 000 en 2002 à 89 000 en 2004.

De fait, les difficultés de notre commerce extérieur ne sont, hélas ! pas corrigées par la stimulation que l'on pourrait attendre des instances européennes et, en particulier, de la Banque centrale européenne, laquelle devrait être plus attentive à la croissance au lieu d'être, semble-t-il, obsédée par la seule évolution de l'inflation.

En matière d'emploi, 128 000 créations nettes sont prévues pour l'année 2005, concentrées pour l'essentiel sur le second semestre, contre 36 000 en 2004. Mais il faut souligner que cette progression n'est due qu'au plan d'urgence pour l'emploi, c'est-à-dire aux emplois publics aidés. Il y aura, certes, 99 000 créations de postes, mais après la suppression de 88 000 emplois aidés en 2004 ! De toute façon, cette progression de l'emploi est due à ce que nous avons coutume d'appeler le « traitement social » du chômage. Quel hommage rendez-vous à notre volontarisme aussi bien qu'à notre pragmatisme !

Dans le même ordre d'idées, il est assez intéressant d'entendre des parlementaires de la majorité regretter depuis quelque temps que le gouvernement Raffarin ait mis fin aux emplois-jeunes.

Au demeurant, si 332 000 personnes doivent bénéficier d'un contrat aidé à la fin de 2005, c'est à la condition que les nouveaux dispositifs d'aide à l'emploi soient effectivement mis en oeuvre : nous serons vigilants à ce que l'on n'en reste pas à des effets d'annonce !

Enfin, nous regrettons que la mollesse de la croissance ne permette de créer que peu d'emplois dans le secteur marchand en 2005 : 30 000 en 2003 contre 40 000 en 2004.

On peut mesurer la dégradation de l'activité en comparant ces chiffres avec les prévisions annoncées par le Gouvernement au printemps, déjà révisées à la baisse : à ce moment-là encore, 120 000 créations de postes étaient prévues dans le secteur marchand en 2005.

Par ailleurs, ce n'est que grâce à une croissance très modérée de la population active, plus 46 000 personnes, que le taux de chômage devrait se stabiliser autour de 10 % jusqu'à la fin de 2005. Je rappelle qu'il se situait déjà à 9,8 % en 2004 et qu'il avait augmenté d'un point depuis 2002.

Dans le contexte conjoncturel que je viens d'évoquer, la situation budgétaire française s'est gravement dégradée depuis maintenant trois ans.

Il n'est que de lire le rapport préliminaire présenté par la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances pour 2004 pour comprendre combien étaient justifiées les observations des socialistes ! Et cette situation financière de la France s'est d'autant plus gravement détériorée en 2003, puis en 2004, que l'Etat ne dispose désormais d'aucune marge de manoeuvre !

Le précédent gouvernement - le gouvernement Raffarin - n'a pas profité de l'embellie conjoncturelle de 2004 pour améliorer les finances de l'Etat. Certes, en 2004, le PIB a progressé de 2,4 % alors que le taux prévu dans la loi de finances initiale était de 1,7 %. Les ressources budgétaires ont été supérieures aux prévisions de 9,6 %, soit un surplus de 9,6 milliards d'euros pour les seules recettes fiscales, et les dépenses ont été stabilisées en volume.

Toutefois, ce résultat n'a été dû qu'à de « multiples ajustements conjoncturels », aux dires même de la Cour des comptes. L'exécution budgétaire n'a été conforme à la loi de finances initiale qu'au prix de gels de crédits, d'une augmentation des reports de crédits et d'un blocage des dépenses militaires en capital.

Il convient de rappeler que, si la situation des finances publiques s'est beaucoup dégradée, c'est, bien sûr, en raison du ralentissement de la croissance, mais c'est aussi, en grande partie, à cause des décisions fiscales et budgétaires prises par le Gouvernement depuis le collectif d'été de 2002.

En menant une politique fiscale non financée, le Gouvernement avait privé l'Etat de recettes. Alors qu'il ne disposait pas de surplus de recettes fiscales par rapport aux prévisions budgétaires, il avait continué, au mépris de toute raison, de réduire l'impôt sur le revenu au risque d'aggraver la situation des finances publiques.

Cette dégradation historique et structurelle des finances publiques a provoqué le gonflement de la dette publique. Depuis 2003, la France respecte difficilement les critères du pacte de stabilité. Or ces réductions d'impôt ont été inefficaces, et ce d'autant plus qu'elles n'ont pas profité à ceux qui en auraient eu le plus besoin et qui, par conséquent, auraient eu le plus de raisons d'accroître leur consommation.

Avec un déficit dépassant 3 % du PIB depuis 2002, atteignant 4,1 % en 2003 et 3,6 % en 2004 -  vous l'espérez inférieur à 3 % en 2005, mais on peut en douter - et avec une dette publique supérieure à 65 % depuis 2004, les critères de Maastricht ne sont plus respectés.

La France a dû prendre l'engagement, d'une part, de diminuer le déficit public pour le ramener en dessous de 3 % dès 2005 et, d'autre part, de stabiliser les dépenses de l'Etat en volume chaque année, de 2004 à 2007.

Le déficit de l'Etat est passé de 34 milliards d'euros en 2001 à 62 milliards d'euros en 2003, soit près du quart du budget. Alors que le solde primaire avait été positif entre 1999 et 2001, c'est le déficit, fortement négatif à partir de 2003, qui a provoqué la progression considérable de la dette publique que nous connaissons aujourd'hui.

Si l'orientation que le Gouvernement se propose de donner à sa politique budgétaire constitue, malgré tout, une bonne nouvelle, c'est qu'elle représente, à n'en pas douter, le coup d'arrêt à la politique idéologique, clientéliste et irresponsable que le Président de la République a imposé ces dernières années, non seulement à ses divers gouvernements, ce qui ne serait pas grave en soi, mais surtout à notre pays et à notre peuple, ce qui est beaucoup plus grave. En effet, cette politique de cadeaux fiscaux, économiquement inefficace et socialement injuste, a plongé notre pays dans une situation dont nous allons avoir le plus grand mal à nous remettre.

Cette politique a été sanctionnée par les faits, parce que « les faits sont têtus », comme aurait dit Lénine.

M. Gérard Longuet. Horresco referens !

M. Marc Massion. On aurait préféré se passer d'une telle preuve par les faits. Cette politique a aussi été sanctionnée par les urnes, en 2005 comme en 2004. Enfin, cette politique a été sanctionnée par l'actuel gouvernement, ce qui est cocasse, puisque les propos que tiennent actuellement le Premier ministre ou ses différents ministres ne sont que la critique de ce qui a été réalisé depuis trois ans.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, pour essayer de pallier ses échecs annoncés, le Gouvernement a décidé de recourir, une fois de plus, à une politique de rigueur qui se traduit dans les orientations budgétaires que l'on vient de nous présenter.

Le Gouvernement veut stabiliser les dépenses pour endiguer un déficit public gonflé sous l'effet de rentrées fiscales difficiles. Il prévoit des moins-values de recettes fiscales de 4 milliards d'euros en 2005, peut-être même de 5 milliards d'euros, sur l'impôt sur les sociétés, la TVA et la TIPP, tandis que la commission des finances du Sénat craint que ces moins-values ne s'élèvent à 7 milliards d'euros, voire, dans une vision très pessimiste, s'il n'y avait pas de relance d'ici à la fin de 2005, qu'elles n'atteignent 10 milliards d'euros.

L'Etat se trouve confronté à un endettement public qui s'élève en 2005 à près de 1 100 milliards d'euros, tandis qu'il était de 840 milliards d'euros en 2001 : soit une progression supérieure à 30 % en trois ans.

Il est donc urgent de faire comme les autres pays européens, qui ont réussi à se désendetter ces dernières années, alors qu'ils étaient nettement plus endettés que la France.

Pour la troisième année consécutive, en effet, l'Etat a été en déficit avant même de pouvoir payer les intérêts de la dette publique. Pour la première fois, en 2006, le produit de l'impôt sur le revenu payé par les ménages français, qui s'élève à 53 milliards d'euros, ne servira qu'à rembourser ces mêmes intérêts.

Cette progression de la dette publique est d'autant plus préoccupante que la population vieillit et que, partant, les dépenses de retraite et de santé ne cesseront de croître simultanément. Si l'augmentation de la dette est concevable pour financer des investissements productifs porteurs de croissance, elle ne doit pas servir à financer, outre des dépenses d'équipement, des dépenses courantes, voire des transferts sociaux,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Marc Massion. ... sauf à diminuer la capacité de choix des générations futures, comme le souligne la Cour des comptes, décidemment source inépuisable de critiques acérées à l'encontre de la gestion gouvernementale actuelle.

M. Philippe Marini, rapporteur général. De celle des gouvernements socialistes également !

M. Marc Massion. Il faut dire que la dette publique de la France, dont la progression est l'une des plus rapides de la zone euro, atteint des sommets. En la matière, avec l'Allemagne - nous sommes en bonne compagnie ! -, nous ne sommes dépassés que par la Grèce, l'Italie et la Belgique.

L'endettement de l'Etat entraîne le blocage de ses marges de manoeuvre budgétaires en même temps que la méfiance des citoyens. Pour réduire les déficits, le Gouvernement ne souhaite pas recourir à de nouveaux prélèvements obligatoires. Pourtant, si nous voulons favoriser les implantations industrielles ou éviter les délocalisations, nous savons très bien, en fin de compte, que le niveau de formation des travailleurs, la qualité des écoles, des hôpitaux, des chemins de fer, des routes et des équipements de toutes sortes, ainsi que le niveau de protection sociale sont des paramètres souvent aussi déterminants que d'autres.

Or, tous ces atouts français sont les fruits bienvenus des prélèvements obligatoires.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous nous proposez donc une hausse des prélèvements obligatoires ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il n'y a pas de surprises !

M. Marc Massion. Par conséquent, monsieur le ministre, mes chers collègues, efforçons-nous de ne pas avoir l'obsession du montant des prélèvements obligatoires. Veillons plutôt à leur juste équilibre, en amont, lors de leur collecte, et en aval, lors de leur redistribution.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il suffit de faire payer les riches ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Henri de Raincourt. Il y en a encore ?

M. Marc Massion. Pour maintenir le déficit en deçà de 3 % du PIB en 2005, vous cherchez, monsieur le ministre, à faire des économies en réduisant certains postes de dépenses, tels que les effectifs de la fonction publique : cette réduction programmée était l'an dernier la principale « économie » annoncée pour réduire le déficit et maîtriser l'endettement ; cela devait se traduire par le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

En fait, les effectifs de l'Etat seront réduits en 2006 d'un peu moins de 5 500 agents par rapport à 2005. Après s'être amplifiée très progressivement pendant trois ans, en touchant 1 089 postes en 2003, 4 561 postes en 2004 et 6 850 postes en 2005, la baisse du nombre de fonctionnaires, dont la majorité avait fait un cheval de bataille, subit un sérieux coup de frein. En effet, dans la fonction publique, les départs à la retraite non remplacés concerneront moins d'un poste d'agent sur treize. A ce sujet, la Cour des comptes a déploré, dans son dernier rapport sur l'exécution budgétaire, que les mesures prises soient des plus modestes.

Ainsi, indépendamment de toute appréciation sur la pertinence même de l'objectif annoncé, force est de constater qu'il n'a pas été possible d'accélérer le mouvement, ce qui risque d'enlever tout son crédit au Gouvernement dans sa volonté affichée de modernisation de l'Etat, l'année même où entre en vigueur la réforme du budget.

Cela étant -  et là je souhaite m'écarter quelque peu du discours habituel sur les fonctionnaires -...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ah ! Ecoutons bien !

M. Marc Massion. ...si le non-remplacement de fonctionnaires partant à la retraite, toutes considérations de rationalisation et d'efficacité mises à part, peut être une bonne chose pour les comptes de l'Etat,...

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Bienvenue à l'UMP !

M. Marc Massion. ...cela entraîne, dans le même temps, une réduction de l'offre d'emplois qui ne peut pas être sans conséquences fâcheuses sur le chômage, la consommation et les services rendus par les agents de l'Etat.

Mes chers collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégions, lorsque nous retrouvons notre casquette d'élu local, le plus souvent, nous sommes solidaires des demandes de maintien ou de recrutement supplémentaire d'effectifs dans les services publics.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Absolument !

M. Marc Massion. Je pense en particulier aux hôpitaux.

M. Joël Bourdin. Au Grand-Quevilly ?

M. Marc Massion. Il n'y a pas d'hôpital au Grand-Quevilly, tout du moins pas encore !

Or il serait souhaitable, mes chers collègues - et je m'adresse plus particulièrement à mes collègues de la majorité sénatoriale - que nous tenions le même discours, que nous intervenions en tant que sénateur, maire ou président de conseil général : il faut avoir un minimum de rigueur !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très juste remarque !

M. Jean-Jacques Jégou. Il a raison !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument ! Il faut veiller à la cohérence !

M. Henri de Raincourt. C'est ce que nous faisons !

M. Marc Massion. Sans tomber dans la polémique, je tenais tout de même à faire cette remarque.

Même si le Gouvernement et sa majorité font de la diminution du nombre de fonctionnaires un objectif phare, il n'en reste pas moins que cette baisse d'effectifs, replacée dans le contexte général que j'ai rappelé tout à l'heure, peut se révéler une source d'économies finalement illusoire.

Bref, monsieur le ministre, cette orientation budgétaire, cette politique, que vous appelez politique de rigueur, est une politique injuste, une politique d'austérité, qui ne sera pas en mesure d'accompagner la reprise de la croissance.

Entre 1997 et 2001, sous un gouvernement de gauche, la France se trouvait dans le peloton de tête de la croissance au niveau mondial. Elle accuse désormais un retard.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Me permettez-vous de vous interrompre, mon cher collègue ?

M. Marc Massion. Je vous en prie, monsieur le rapporteur général.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, avec l'autorisation de l'orateur.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Si nous suivons votre raisonnement, il y aurait une sorte de corrélation entre le niveau de l'emploi public et le taux de chômage : plus les effectifs publics seraient importants, moins le chômage serait élevé. Or ce n'est pas ce que montrent les comparaisons internationales.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. L'Union soviétique a montré la voie : 100 % de fonctionnaires !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Mon cher collègue, si je me permets d'apporter cet élément de pondération, j'ai aussi marqué par mes réactions que je partage nombre des préoccupations que vous avez évoquées. D'ailleurs, la majorité de la commission des finances peut souscrire en grande partie au constat que vous venez de dresser.

Je souhaitais tout de même vous interpeller sur les conclusions finales que vous tirez de tous ces raisonnements.

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Massion.

M. Marc Massion. Monsieur le ministre, l'Union soviétique n'est pas ma référence !

Cela dit, monsieur le rapporteur général, j'ai simplement voulu faire un double constat.

D'une part, dans leur discours, le Gouvernement, la majorité de droite en général, mettent à mal les fonctionnaires, qui se sentent mal à l'aise d'être ainsi perçus comme des gens qui ne travaillent pas, ce qui est faux dans 99 % des cas.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Effectivement, dissipons ce malentendu !

M. Marc Massion. C'est pourtant comme cela que c'est perçu !

M. Henri de Raincourt. C'est dommage !

M. Marc Massion. D'autre part, dans les services publics de l'Etat, il y a actuellement des manques, des services qui ne sont pas rendus.

M. Jean-Jacques Jégou. Il y a aussi des excédents. Il faut envisager une évolution des tâches.

M. Marc Massion. Dans ces conditions, le non-remplacement d'agents qui partent à la retraite risque d'aggraver ces manques. Que cela pose un problème, j'en suis bien conscient, monsieur le rapporteur général, mais c'est un fait.

Le projet de budget pour 2006, tel qu'il se dessine actuellement, peut être considéré comme le simple constat d'une situation donnée ou comme un diagnostic, mais non comme un véritable programme qui cherche à apporter des solutions. Je le répète, le tableau d'une France « vivant au-dessus de ses moyens » et ne travaillant pas assez pour financer son modèle social est tout sauf original.

L'objectif affiché, pour la quatrième année consécutive, est une gestion rigoureuse de l'Etat, qui doit se traduire en 2006 par le gel en volume des dépenses de l'Etat, lesquelles ne devront progresser qu'au même rythme que l'inflation.

Cependant, pour sortir de la situation dans laquelle se trouve notre pays, il ne suffit plus de gérer les finances publiques avec rigueur, afin de maintenir l'évolution des dépenses au niveau de la seule hausse des prix ; il faut retrouver un taux de croissance de l'économie égal ou supérieur à 3 %, comme l'a si bien dit M. Breton lui-même. Puisque les économistes estiment que le niveau de croissance potentielle de l'économie française ne dépasse pas 2,25 %, et qu'il pourrait même devenir inférieur à 2 % dans les prochaines années en raison du retournement démographique, le retour à la croissance ne peut reposer que sur une augmentation durable du taux d'activité et de la consommation.

Or, pour que le marché du travail s'ouvre aux jeunes, le Gouvernement s'en remet aux contrats « nouvelles embauches », qui portent gravement atteinte au socle social de notre République et dont l'efficacité n'est pas démontrée. Et, pour que ce marché s'ouvre aux séniors, il compte sur l'hypothétique suppression du dispositif Delalande, qui dépend de la négociation sociale en cours, et sur de nouveaux assouplissements de la possibilité du cumul emploi-retraite, déjà prévue dans la loi Fillon de 2003.

Les chômeurs de longue durée et les salariés victimes d'un plan social seront incités à accepter une mobilité géographique, incitation qui prendra la forme d'une exonération d'impôt sur le revenu pendant un an ou d'un crédit d'impôt pour les non-imposables.

Toutefois, reconnaissez avec moi que la forte baisse des frais de notaire, décidée en 1999 et qui avait le même objectif, n'a pas vraiment permis d'accroître la mobilité de la main-d'oeuvre, malgré l'existence de pénuries importantes, puisque, dit-on, 500 000 offres d'emplois restent non satisfaites.

M. Marc Massion. Le Gouvernement souhaite aussi améliorer le taux d'activité des femmes, en finançant un accroissement du nombre des places en crèche. Cela pose évidemment un problème, du fait du partage nécessaire de leur financement entre l'Etat et les collectivités locales.

Quant au recours à l'immigration choisie en fonction des besoins nationaux pour faire face au choc démographique à venir, outre le fait qu'il n'y a aucune raison pour qu'elle évite l'immigration non choisie, « faire son marché » dans des pays qui n'ont déjà que trop peu de main-d'oeuvre qualifiée serait une démarche, me semble-t-il, quelque peu choquante.

Par ailleurs, il est à noter que, si l'emploi est une priorité proclamée par le Gouvernement, il n'apparaît pas, dans les faits, comme une priorité budgétaire à proprement parler, puisque les 4,5 milliards d'euros supplémentaires promis par ce même gouvernement en matière de politique de l'emploi ne se traduiront pas par des ouvertures de crédits.

En effet, les 2,2 milliards d'euros d'allégements de charges supplémentaires seront « sortis » de la partie dépenses du budget pour être inscrits en négatif dans les recettes : il ne s'agit là que d'un tour de passe-passe qui, combiné à une prévision d'inflation élevée, 1,8 %, permet au gouvernement d'afficher à nouveau une stabilité de la dépense budgétaire en volume. Quant aux nouvelles primes de reprise d'emploi, elles prendront la forme de crédits d'impôts.

Aussi le budget de l'emploi ne sera-t-il pas en hausse en 2006 ; il sera peut-être même en légère baisse. C'est une situation paradoxale pour un gouvernement qui a fait officiellement de la politique de l'emploi sa priorité absolue, mais la conjoncture est si dégradée qu'il n'a pas assez de marges de manoeuvre pour accompagner ses priorités.

Les lettres plafonds portent la marque de ces contraintes. Les priorités sont peu nombreuses et financées avec une générosité mesurée.

Par ailleurs, j'aurais aimé que la volonté du Gouvernement en ce qui concerne la politique de la ville, très importante à nos yeux, soit un peu plus lisible.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est pourtant une belle réussite !

M. Philippe Marini, rapporteur général. On n'a jamais fait autant !

M. Marc Massion. Actuellement, dans nos communes, la diminution ou la suspension des crédits d'Etat remettent en cause les projets en cours ou à venir, qui sont pourtant essentiels pour la paix sociale.

Monsieur le ministre, faites passer le message à votre collègue : dans nos quartiers en difficulté, la solution n'est pas le « nettoyage au Karcher » !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vous caricaturez ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela avait pourtant bien commencé !

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas une caricature ; c'est la citation exacte !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ne réduisez pas à cette formule la politique de la ville, qui est très ambitieuse !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les habitants de ces quartiers vous ont répondu !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Les habitants ont très bien compris ce langage !

M. Marc Massion. Du côté des recettes, de multiples mesures fiscales ont été prises ou promises ; elles risquent, de par leur coût, de compliquer l'équation du budget 2006 et, partant, de le déséquilibrer un peu plus. Il s'agit de crédits d'impôts, de dégrèvements et autres exonérations susceptibles d'affecter les recettes de 2006. D'ores et déjà, d'après les calculs, les mesures connues entraîneront un manque à gagner pour l'Etat de 2 milliards à 3 milliards d'euros.

Cette première estimation englobe les dégrèvements de taxe professionnelle accordés aux investissements nouveaux, qui diminueront à eux seuls les recettes de 1,4 milliard d'euros. S'y ajoutent un certain nombre de mesures prises dans le cadre de la loi de finances pour 2005, dont l'impact se fera sentir en 2006. C'est notamment le cas de la suppression en deux ans de la « surtaxe Juppé » sur l'impôt sur les sociétés, qui a déjà coûté 450 millions d'euros à l'Etat en 2005 et qui doit encore coûter le même montant en 2006. De la même façon, la réduction d'impôt accordée pour l'emploi d'un salarié à domicile devrait amputer de plus de 60 millions d'euros les recettes à venir.

La transformation du prêt à taux zéro en crédit d'impôt commencera à peser dès 2006 sur les caisses de l'Etat. D'ici à cinq ans, ce nouveau dispositif pourrait entraîner une dépense fiscale annuelle supérieure à un milliard d'euros. Auront également un impact les coups de pouce annoncés depuis le début de 2005, qu'il s'agisse des crédits d'impôt accordés pour le développement des services à la personne, des déductions d'impôt sur les sociétés, proposées pour encourager les dépenses de recherche et développement, ou de la prime de mille euros promise aux jeunes qui accepteront un emploi dans un secteur en manque de main-d'oeuvre.

Toutes ces mesures illustrent les critiques formulées, encore une fois, par la Cour des comptes. Dans son rapport préliminaire au débat d'orientation budgétaire, celle-ci a jugé « préoccupante » l'utilisation de dépenses fiscales dérogatoires représentant environ 20 % des recettes nettes de l'Etat et réduisant à néant les efforts fournis pour stabiliser les dépenses.

Il est donc loisible de penser que le programme pluriannuel 2005-2007 sera difficilement respecté. Ce dernier prévoyait une réduction du déficit de l'Etat d'environ 18 milliards d'euros sur trois ans, grâce à une hausse des recettes fiscales et à une stabilisation en volume des dépenses. Toujours selon la Cour des comptes, cette perspective repose sur des hypothèses dont une variation minime suffirait à remettre en cause durablement le résultat final.

Confronté à une dégradation historique des finances publiques, qu'il a largement contribué à aggraver par les décisions idéologiques et clientélistes prises depuis trois ans, le Gouvernement est aujourd'hui contraint, du fait de ses engagements européens, de réduire massivement et brutalement le déficit public. Mais, après les dépenses de l'Etat et de la sécurité sociale, il veut aussi maîtriser celles des collectivités locales. Mon collègue Michel Moreigne vous fera part tout à l'heure de notre opinion sur les perspectives financières qu'ouvre aux collectivités locales l'orientation budgétaire indiquée par le Gouvernement.

Monsieur le ministre, ce débat d'orientation budgétaire aurait dû être un grand rendez-vous du Gouvernement avec le Parlement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il l'est !

M. Marc Massion. Le Président de la République a fixé à ce gouvernement la mission de donner une impulsion nouvelle à l'action publique. Le Premier ministre s'est engagé à faire redémarrer le pays. Vous auriez dû nous présenter aujourd'hui les mesures concrètes qui auraient illustré ces objectifs volontaires. Or cela n'a pas été le cas !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je ne suis pas Premier ministre !

M. Jean-Pierre Fourcade. Cela viendra ! (Sourires.)

M. Marc Massion. Même en considérant avec beaucoup de bienveillance qu'il reste encore au Gouvernement une bonne soixantaine de jours, selon le calendrier fixé par le Premier ministre lui-même, je crains fort que la déception, déjà perceptible dans les milieux économiques et dans la population, ne soit très forte à l'issue de ces cent jours, notamment en ce qui concerne l'emploi !

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour toutes les raisons que je viens d'évoquer devant vous, vous comprendrez que le groupe socialiste porte sur l'orientation de la politique budgétaire du Gouvernement pour 2006 un jugement résolument négatif. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin.

M. Joël Bourdin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « vérité, action, évaluation » sont, selon nous, les trois mots-clés de ce débat d'orientation budgétaire, qui doit en effet être avant tout un débat de pédagogie budgétaire. Nous devons dire la vérité aux Français sur la situation économique et financière de notre pays, sans fard ni tabou.

A cet égard, le groupe UMP félicite M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ainsi que M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat de s'être engagés dans une démarche courageuse.

A cet égard également, je tiens à saluer l'excellent rapport de notre rapporteur général, Philippe Marini, qui y rappelle l'effet anesthésiant de l'euro, déjà évoqué dans le rapport de Michel Camdessus, l'euro qui donne un sentiment de fausse sécurité aux Français, alors qu'il n'est que l'arbre qui cache la forêt des difficultés structurelles de notre pays.

En matière économique et budgétaire, toutes les vérités sont bonnes à dire.

Sur le plan économique, la vérité, c'est que la croissance, en 2005, sera moins bonne que prévu ; elle se situera très probablement, hélas ! sous le plafond de 2 % du PIB dorénavant envisagé par le Gouvernement.

La vérité, c'est que de lourdes incertitudes pèsent sur 2006, en raison de l'augmentation du prix du baril de pétrole et de la dépréciation de l'euro.

La vérité, c'est que la France souffre de blocages structurels qui freinent sa croissance et pénalisent l'emploi.

La vérité, c'est que notre modèle social est contesté, isolé, menacé.

Dans une économie globalisée, nous devons regarder la réalité en face, comme nous y invite le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis, dans son rapport d'information sur les délocalisations.

Sur le plan budgétaire, la vérité, c'est que la dette publique s'élève à 1 067 milliards d'euros, soit 64,7 % du PIB en 2004, contre seulement 20,7 % en 1980. Elle représente déjà 17 000 euros par Français et pèsera lourdement sur nos enfants et nos petits-enfants si nous ne faisons rien pour l'endiguer.

La vérité, c'est que, en 2006, le produit de l'impôt sur le revenu, comme M. le ministre l'a signalé, sera presque totalement consacré au seul paiement des intérêts de la dette publique.

La vérité, c'est que la part des dépenses publiques dans le produit intérieur brut, qui est de l'ordre de 55 %, est l'une des plus élevées de l'Union européenne, alors que notre système est loin d'être le plus performant, notamment en matière de chômage.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Hélas !

M. Joël Bourdin. Dans son rapport, M. le rapporteur général souligne que, sur les 5 milliards d'euros dégagés chaque année en valeur grâce à la stabilisation des dépenses en volume, 3 milliards d'euros sont consacrés à l'augmentation des dépenses de personnel et un milliard d'euros au paiement des intérêts, ce qui réduit les marges de manoeuvre à un milliard d'euros.

Son homologue à l'Assemblée nationale, Gilles Carrez, estime même que les neuf dixièmes des 4,9 milliards d'euros dégagés en 2006 grâce à la règle du « zéro volume » devraient être absorbés par la seule augmentation des charges de la fonction publique.

La faiblesse des marges de manoeuvre disponibles et la priorité donnée à l'emploi justifient la pause dans la baisse de l'impôt sur le revenu annoncée, pour 2006, par le Premier ministre, Dominique de Villepin.

La France paye ainsi très cher la facture de la précédente législature, au cours de laquelle les fruits de la croissance ont été dilapidés et de nouvelles dépenses pérennes multipliées. Elle est aujourd'hui confrontée à une situation de crise budgétaire latente, conséquence de politiques qui ont laissé s'accroître le déficit structurel, alors que la conjoncture était très favorable, comme en l'an 2000 notamment.

Notre débat d'aujourd'hui doit également être un débat d'orientation vers une action à la fois déterminée, cohérente et responsable.

Le groupe UMP soutient la priorité donnée à l'emploi par le Premier ministre. Les 4,5 milliards d'euros qui y seront consacrés permettront notamment de maintenir les allégements de charges sur les bas salaires et de lisser l'effet de seuil pour les baisses de charges.

C'est un engagement fort, au moment où le Sénat s'apprête à examiner le projet de loi tendant à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures d'urgence pour l'emploi.

Un autre engagement important est la poursuite de l'effort de restauration de l'Etat régalien : les trois lois de programmation pour la défense, la sécurité et la justice seront pleinement respectées, ce dont le groupe UMP ne peut que se satisfaire.

L'engagement du Gouvernement en faveur de la recherche et de l'innovation sera également concrétisé par la création de 3 000 emplois nouveaux dans le secteur de la recherche et l'attribution de 2 milliards d'euros de ressources à l'Agence pour l'innovation industrielle d'ici à 2007.

Enfin, de grands chantiers d'infrastructures seront relancés, en particulier dans les domaines du transport routier et ferroviaire. Ils favoriseront ainsi le redémarrage de l'investissement public et de l'activité économique.

Le Gouvernement compte financer ces priorités sans pour autant négliger les bonnes pratiques budgétaires, ce qui est pour nous essentiel.

Il maintient son objectif de ramener le déficit public sous la barre des 3 % du PIB en 2005, malgré les incertitudes sur les recettes fiscales et les risques de dérapage des dépenses sociales.

Il s'engage à stabiliser les dépenses de l'Etat en volume en 2005, pour la troisième année consécutive, et à appliquer de nouveau cette règle en 2006. L'annonce, hier soir, de la mise en oeuvre d'une réserve de précaution supplémentaire d'un milliard d'euros montre la volonté de la France de tenir ses engagements européens.

Les efforts de réduction des effectifs publics sont également poursuivis.

Le Gouvernement annonce enfin l'affectation des produits de cession des sociétés d'autoroutes, à hauteur de 10 milliards d'euros en 2006, à la réduction de l'endettement en 2006, ce qui va dans le bon sens.

La réduction de la dette publique, en vue de la ramener à 40 % du PIB dans vingt ans, est le premier des « sept piliers de la sagesse budgétaire » définis par notre rapporteur général. Nous ne pouvons qu'apprécier l'effort du Gouvernement, même si le chemin à parcourir reste encore long.

Prendre de bonnes mesures est une chose, bien les évaluer en est une autre. La mise en oeuvre en 2006 de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, vise, d'une part, à inscrire l'action publique dans une perspective de performance et, d'autre part, à mieux asseoir le contrôle et l'évaluation des politiques publiques exercés par le Parlement.

Dans le rapport d'information sur l'évaluation des politiques publiques que j'ai présenté en juin 2004, au nom de la délégation du Sénat pour la planification, j'ai insisté sur ce passage d'un vote à l'aveugle des moyens budgétaires attribués aux différents ministères à une logique de financement de politiques publiques clairement identifiées par leurs objectifs, leur coût et leurs résultats.

La LOLF doit devenir un levier essentiel de la réforme de l'Etat et de la modernisation du service public. Elle peut favoriser un renouveau du rôle du Parlement, à condition que celui-ci démontre sa capacité à évaluer les performances de l'action publique et à dépasser la fonction classique de contrôle. Nous devons moins légiférer, mais mieux évaluer, en amont comme en aval.

En matière fiscale, par exemple, il conviendrait de procéder à une évaluation des niches existantes avant de créer de nouveaux régimes dérogatoires.

Il importe par ailleurs de bien étudier l'impact, notamment pour les collectivités territoriales, de certaines réformes fiscales, comme celle de la taxe professionnelle et de la taxe sur le foncier non bâti. En effet, il ne faut jamais oublier que, en matière d'investissement public, une part déterminante de celui-ci provient des collectivités locales et de leurs groupements. A cet égard, l'évolution des investissements locaux est encourageante.

J'ai présenté hier au Comité des finances locales un rapport sur les finances des collectivités locales et de leurs groupements en 2004. J'ai souligné que leurs investissements avaient augmenté d'environ 10 % en 2004, cette tendance se maintenant en 2005. C'est un bon signe, tout comme la constatation que les collectivités locales continuent de dégager des excédents de fonctionnement, c'est-à-dire une épargne qui se situe toujours à un bon niveau.

Certes, elles empruntent un peu pour compléter leur autofinancement, mais c'est plutôt encourageant, car cela signifie, d'une part, qu'elles ont une marge d'autofinancement et une véritable épargne et, d'autre part, qu'elles ont accru leurs efforts d'investissement.

Ainsi, dans un tel contexte, avec un « moteur local » qui fonctionne bien, je souhaite que le système fiscal des collectivités locales ne soit pas exagérément modifié.

De manière générale, le groupe UMP approuve la volonté du Gouvernement de responsabiliser l'ensemble des acteurs, en matière fiscale comme en matière de dépenses, dans le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, l'effort de redressement de nos finances publiques doit se poursuivre. Nous ne pourrons retrouver des marges de manoeuvre pour promouvoir des dépenses actives que dans la mesure où nous serons parvenus à contenir la dépense publique. C'est dans cet esprit que le groupe UMP abordera la prochaine discussion budgétaire. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en intervenant pour la première fois devant le Sénat au cours d'un débat d'orientation budgétaire, je me rappelle qu'en 1996, alors que j'étais député, le ministre de l'économie et des finances de l'époque venait de mettre en place cet exercice pédagogique. C'est en effet Jean Arthuis qui, le premier, a souhaité que le Parlement s'adonne à cet exercice incontournable.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Jean-Jacques Jégou. Il est en effet primordial que notre assemblée réfléchisse aux marges de manoeuvre, même fort réduites, dont dispose le Gouvernement en matière de finances publiques, qu'elle liste les problèmes conjoncturels et structurels auxquels notre pays doit faire face, en termes d'activité économique et de gestion de la dette, et qu'elle réfléchisse aux réponses qui peuvent y être apportées.

Si le rôle du Gouvernement est de présenter la situation financière de la France sans trop noircir le tableau, et M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a réussi avec brio cet exercice il y a quelques minutes, celui du Parlement consiste à analyser avec clairvoyance la véritable situation des finances de notre pays. Et, monsieur le ministre, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle n'est pas glorieuse !

A mon sens, notre différence d'analyse tient à deux défauts majeurs : des prévisions de croissance le plus souvent erronées, car trop optimistes, et un maquillage budgétaire habile, lesquels font fi d'un des principes fondamentaux de nos finances publiques, à savoir la sincérité des comptes de l'Etat.

En effet, le rapport de la Cour des comptes sur l'exercice 2004 en témoigne. Il dénonce le fait que l'objectif d'une stabilité des dépenses en volume fixées par la loi de finances initiale ne soit atteint que par le freinage des paiements en fin d'année entraînant des reports de charges sur l'exercice 2005. La période complémentaire ne peut et ne doit pas systématiquement servir à redresser le solde d'exécution budgétaire !

Par ailleurs, il ne sert à rien d'ignorer les ralentissements de croissance, même dans un souci de donner le moral aux forces vives de notre pays. Les acteurs économiques ne sont pas dupes. Sans sincérité, pas de confiance ! Et à mon avis, en économie, la confiance pèse bien plus que l'espoir.

Plus concrètement, tous les intervenants s'accordent aujourd'hui à le dire et nul n'est besoin d'être spécialiste pour en convenir : la situation de nos finances est catastrophique. C'est une répétition, mais il me semble que, malgré la vertu pédagogique de la répétition, nous ne soyons pas toujours entendus.

La France ne tiendra sans doute pas ses engagements européens cette année encore en termes de déficit. Celui-ci se maintiendra de nouveau aux alentours de 3,5 % et nous nous éloignerons ainsi encore un peu plus de l'autre seuil caractéristique des 60 % d'endettement. Arrêtons de nous focaliser sur ce critère de 3 %, ce n'est qu'un leurre ! La vérité est que le taux de déficit budgétaire qui permet de stabiliser la dette - vous le savez, monsieur le ministre - est de l'ordre de 2 %. En effet, si nous nous satisfaisons d'un déficit de 3 %, nous acceptons que la dette publique augmente chaque année plus vite que la richesse nationale.

La dynamique de la dette est terrible. Je ne vous ferai pas un cours de finances publiques, mais les choses simples sont parfois bonnes à rappeler. Une réduction de la dette ne pourra jamais intervenir avant que nous n'ayons rempli ces conditions. Et quand bien même elles le seraient, la dette continuerait d'augmenter compte tenu de son importance dans notre budget et de sa très forte incidence sur nos marges de manoeuvre. Il me semble particulièrement coupable et irresponsable de ne pas prendre le problème à bras-le-corps aujourd'hui alors que le niveau très bas des taux d'intérêts nous offre un certain répit. Vous avez tenu à rappeler, monsieur le ministre, que si les taux d'intérêts augmentaient de 1 % ou 2 %, cela coûterait au minimum 10 milliards d'euros supplémentaires au pays.

M. Philippe Marini, rapporteur. Absolument !

M. Jean-Jacques Jégou. Pour la France, la gestion de la dette représente un véritable boulet. Son niveau est insoutenable. Avec un ratio d'endettement public passé de 21 % du PIB en 1980 à 65 % en 2004, et un coupable majeur, la dette de l'Etat, tous les principes de bonne gestion budgétaire sont mis à mal : l'Etat s'endette en effet aujourd'hui pour financer son déficit et la charge de sa dette.

Comme les services de votre ministère l'avouent eux-mêmes, page 42 du rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques, « cette progression de la dette n'a pas eu pour contrepartie une accumulation d'actifs à due concurrence ». Selon la comptabilité nationale, « la valeur des actifs de l'Etat est passée de 114,2 milliards d'euros au 31 décembre 1977 à 379,6 milliards d'euros au 31 décembre 2002, alors que le passif financier progressait de 55,2 milliards à 886 milliards d'euros sur la même période. La valeur nette, qui mesure les « fonds propres » de l'Etat, est donc passée sur la même période de 59 milliards à moins 506 milliards d'euros, soit moins 33 % du PIB ». Je continue ma citation : « Cette évolution signifie que l'endettement de l'Etat n'a pas servi à financer des investissements mais des dépenses courantes. »

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Jean-Jacques Jégou. « L'Etat s'endette pour financer le solde budgétaire s'il est déficitaire ainsi que les remboursements des dettes émises les années déficitaires précédentes. Sachant que tous les budgets ont été en déséquilibre sur la période 1978-2005 indépendamment des embellies conjoncturelles, la trajectoire de la dette s'est inscrite dans une dynamique de progression auto-entretenue ». Quel aveu ! Mais c'est la sincérité !

Nous sommes entrés dans un cercle vicieux, monsieur le ministre, et la performance des gouvernements se résume désormais à leur capacité à amortir la dette au lieu de susciter l'innovation et la recherche.

A ces comptes désastreux s'ajoutent un certain nombre de brûlots. Ces bombes, susceptibles d'exploser sous peu, et à propos desquelles je vous interroge, monsieur le ministre, viennent noircir le tableau. Il nous faudra bien un jour ou l'autre les affronter. Je pense ici à Charbonnages de France, à la défaisance de Réseaux ferrés de France, RFF, et du Crédit Lyonnais. Va-t-on solder l'établissement public de financement et de restructuration, l'EPFR ?

Et parlons un peu du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, que nombre de mes collègues ont évoqué et dont je suis membre du comité de surveillance, étant rapporteur spécial du budget de la santé. Vous avez fait sortir les problèmes par la porte, monsieur le ministre, en transformant le Budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, en FFIPSA. Ce dernier va-t-il rentrer par la fenêtre en demandant à l'Etat de prendre en charge les intérêts d'un emprunt qu'il contracterait pour assumer les 3,2 milliards d'euros de dettes ? Nous aimerions que vous nous apportiez quelques informations sur ce sujet.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L'Etat n'y échappera pas !

M. Jean-Jacques Jégou. Face à ces constats accablants, il me semble important de mesurer le poids des trois principaux facteurs nous ayant conduits à cette situation, avant de pouvoir en tirer un certain nombre de conséquences et d'envisager de nouvelles orientations.

Tout d'abord, il nous faut nous interroger sur la situation économique de la France par rapport à ses principaux concurrents, en considérant notamment la capacité de notre pays à agir sur son taux de croissance. Les experts s'accordent à penser que la croissance française sera bien moins favorable l'an prochain, alors qu'elle avait été bonne en 2004 et a nettement décru en 2005. Face à la hausse du prix du pétrole, qui pourrait être contrée par un développement important des bioénergies, et l'atonie des marchés intérieurs de nos meilleurs clients, je suis sceptique sur le fait qu'elle puisse être prise en compte comme variable d'amélioration pour les finances publiques en 2006.

Au-delà de ces variables exogènes, nous devons nous interroger sur les véritables moteurs de la croissance aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne. Qu'est-ce qui explique que ces pays aient un taux de croissance soutenu sans comparaison avec le nôtre ? Et, en plus, l'organisation des jeux Olympiques revient à l'un d'eux !...

Personnellement, je pense que ce taux de croissance est dû au fait que l'investissement y est libéré et peut s'orienter vers la recherche, l'innovation et la création d'emplois. Il est évident que, plus la recherche est active, plus elle porte ses fruits. Il faut donc reconnaître que la France est aujourd'hui incapable de susciter cette dynamique vertueuse et de s'interroger sur les raisons de cet immobilisme.

Notre rôle de parlementaires, dans le cadre des orientations budgétaires, est donc de recenser et d'analyser les handicaps structurels de notre pays. Et ils sont malheureusement multiples !

Nous devons faire face à une situation bloquée par une longue absence de réformes structurelles. Les comptes sociaux pèsent toujours autant sur le déficit : 13,5 milliards d'euros pour le régime général cette année. Nous sommes très loin des prévisions toujours optimistes de M. Douste-Blazy !

Je souhaiterais évoquer la branche famille puisque les quatre branches sont maintenant déficitaires.

Monsieur le ministre, je livre à votre réflexion une anomalie que j'ai constatée au sujet de l'aide personnalisée au logement, l'APL. J'ai écrit à plusieurs reprises, sans recevoir aucune réponse, sur l'augmentation anormale des loyers des logements HLM en 2004 : dans certains cas, la hausse a été de 7 % alors que ces HLM disposent d'une trésorerie florissante. Je pense notamment à l'Ile-de-France, où les constructions ont été ralenties par manque de foncier.

Cette augmentation anormale des loyers, associée à une stagnation des salaires en raison des 35 heures et de la difficulté de trouver un emploi, vous a obligé à dépenser 700 millions d'euros supplémentaires cette année pour l'APL. D'ailleurs, chaque année, nous assistons à un dérapage total et incontrôlé de l'APL. On me dit que les arbitrages interministériels ne vous ont pas été favorables. Mais nous ne pouvons pas continuer comme cela.

De la même façon, je trouve incroyable que nous ne puissions pas profiter davantage des départs à la retraite dans la fonction publique, comme cela a été dit par nombre de mes collègues. Il ne s'agit pas de dénoncer et de montrer du doigt les fonctionnaires. Mais quelle déception quand on sait que 75 000  « fonctionnaires Pompidou » vont partir à la retraite ! Au-delà des chiffres - tout le monde les a dénoncés -, une réflexion plus approfondie devra être menée sur la nature des missions de l'Etat et l'évolution des métiers. Alors que certaines professions ont été modifiées depuis 1945, nous continuons à les classer dans des catégories désormais obsolètes. Et il faudrait avoir le courage de supprimer certaines missions de l'Etat qui ne sont plus régaliennes. Cela allégerait le poids des salaires avant que celui des pensions n'explose.

Le second handicap auquel nous devons nous attaquer est le niveau beaucoup trop élevé de la dépense publique. La limitation, pour l'année 2004, des dépenses exécutées à 283,6 milliards d'euros, soit un montant très légèrement inférieur aux objectifs de la loi de finances initiales, n'est pas satisfaisante. Je m'inquiète que, pour la troisième année consécutive, nous nous contentions de la seule stabilité en volume des dépenses. Notre collègue Montesquiou a dit tout à l'heure que, si nous ne prenions pas en compte l'inflation de 1,8 %, nous pourrions faire un effort supplémentaire que chacun, ici, appelle de ses voeux.

En effet, au-delà de la nécessité de réduire les dépenses de fonctionnement de l'Etat, ne serait-ce que pour satisfaire aux exigences du pacte de stabilité européen, nous ne pouvons continuer à ignorer que ce niveau trop important de dépenses nous prive totalement de marges de manoeuvre en matière d'investissement et nous place dans l'incapacité d'entretenir notre patrimoine ou, comme je l'ai déjà dit, d'investir sur l'avenir, notamment dans la recherche. Il ruine nos ambitions en matière d'emploi, pourtant principale priorité budgétaire de votre gouvernement pour 2006.

Avec un taux de chômage supérieur à 10 %, il est légitime que le Gouvernement rende prioritaire la lutte contre ce fléau : ce n'est pourtant pas avec un plan ou une loi et 1 milliard d'euros supplémentaires que l'on résoudra le problème. Les emplois ne se décrètent pas, monsieur le ministre. Ce n'est pas le Gouvernement qui crée des emplois, ce sont les entreprises.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Jean-Jacques Jégou. Il faut leur donner confiance et leur permettre d'avoir la flexibilité suffisante pour cela.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Excellent !

M. Jean-Jacques Jégou. Enfin, je souhaiterais revenir sur le niveau des recettes de l'Etat pour 2006.

Si les économistes de M. Breton nous présentent la prévision des recettes comme « un exercice entaché d'importantes incertitudes, dont l'incidence s'accroît très fortement dès lors que les aléas se cumulent sur l'ensemble de la période », je suis extrêmement dubitatif, en raison des incertitudes quant au niveau de croissance pour 2006, sur la capacité de notre gouvernement à estimer ces recettes ! Plus clairement, ne soyons pas trop optimistes ! Cela se retournera contre nous.

Enfin, mes chers collègues, ce débat se tenant devant la Haute assemblée, il ne serait pas normal que nous ne fassions pas allusion aux collectivités locales. En temps qu'élu local, je souhaite leur rendre hommage car même si leur ratio d'endettement a considérablement augmenté ces dernières années, il me semble qu'elles n'ont pas de leçons à recevoir de la part des gestionnaires de l'Etat. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

Contrairement à l'Etat, les collectivités locales ont l'obligation de voter des budgets équilibrés. Elles n'en souffrent pas, au contraire. Cette obligation est le gage le plus important de leur crédibilité, et elles représentent aujourd'hui les plus grands investisseurs de notre pays. Si elles ne continuaient pas à investir, que deviendrions-nous, que deviendraient nos entreprises ? N'oublions jamais cette règle de base : ce sont les marges dégagées en fonctionnement qui offrent aux collectivités des moyens à la hauteur des ambitions et des énergies qu'elles donnent à leurs territoires.

Aujourd'hui, plusieurs facteurs pèsent néanmoins sur les finances de nos collectivités : le ralentissement de notre économie, qui grève les bases de l'imposition locale, mais aussi les transferts de compétences. L'Etat s'est engagé à les compenser à l'euro près, mais à quel prix ? C'est l'autonomie financière des collectivités qui est ainsi pénalisée, et cela d'autant plus que les exonérations sur la fiscalité locale sont le plus souvent compensées par des transferts directs de l'Etat.

Le vrai débat est celui que vous nous avez proposé dans votre discours, monsieur le ministre : définir les responsabilités de chacun. L'Etat ne peut plus tout compenser. Il paie déjà 35 % de la taxe professionnelle et compense même les dérapages de certaines collectivités. En effet, celles-ci, de façon particulièrement futée, se font rembourser par l'Etat les taxes d'habitation qu'elles ne prélèvent pas. Il existe des exemples patents de cette pratique. Je ne parlerai pas ici des craintes que suscite la réforme d'une taxe professionnelle qui doit impérativement rester ancrée et liée au territoire. Monsieur le ministre, vous nous avez ouvert des pistes, mais nous aimerions en savoir plus pour préparer nos budgets pour 2006.

L'autonomie des collectivités est donc doublement pénalisée. D'une part, l'Etat est un contributeur direct trop important au budget des collectivités et, d'autre part, il décide à leur place de leurs politiques. Contribution et décision de l'Etat ne laissent plus aucune place à l'autonomie des collectivités, en matière sociale notamment. Il suffit de regarder la gestion du RMI, de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, ou encore des services de la sécurité civile. Bref, autant dire que je suis très favorable à une véritable remise à plat du système.

Certes, il ne faut pas tout noircir. Mais masquer le niveau réel des moins-values fiscales pour 2005 me semble dangereux. Alors qu'officiellement on nous parle d'un manque à gagner de 4 milliards d'euros, selon M. le rapporteur général, il tournerait plutôt autour de 5 milliards à 10 milliards d'euros. Les études réalisées par la commission des finances sont sérieuses, il n'y a aucun doute sur ce point.

M. Philippe Marini, rapporteur général. On peut se tromper !

M. Jean-Jacques Jégou. Face à ces problèmes structurels et conjoncturels, quelles sont les pistes que nous devrions explorer, nous, parlementaires, pour oeuvrer à la modernisation et à l'assainissement de la situation financière de l'Etat ?

J'ai participé, en tant que député, à l'élaboration de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, et je fonde énormément d'espoirs sur cet outil incontournable, désormais à notre disposition.

En tant que député, j'ai participé à la mise en place de la LOLF, cet outil remarquable désormais à notre disposition, et sur lequel je fonde énormément d'espoirs. Je souhaite que tous les parlementaires s'approprient cet outil afin de remplir au mieux leur mission et que le Gouvernement en fera le meilleur usage, en incitant les ministères à reconsidérer leurs procédures et leur organisation.

Il est impératif, en effet, que la gestion de l'Etat évolue d'une logique de moyens vers une logique de résultats.

De la même façon, j'espère vivement que le Gouvernement saura faire preuve de vertu pédagogique auprès des Français et qu'il leur expliquera quelle est la véritable situation de notre pays, afin d'obtenir leur adhésion à un projet national permettant enfin à la France de résoudre ses problèmes structurels.

Monsieur le ministre, je suis parlementaire depuis bientôt vingt ans, et il m'arrive aussi de rêver, la nuit, ou d'espérer, en me rasant le matin, - plus modestement que d'autres, sans doute, car je n'envisage absolument pas d'accéder un jour à la Présidence de la République (Ah bon ? sur les travées du groupe socialiste), mais avec tout autant de détermination - pouvoir enfin parvenir à voter une loi de finances en équilibre. Est-ce là un rêve inaccessible ? Personnellement, je ne le pense pas. A nous tous d'y oeuvrer avec foi et ardeur pour qu'il se réalise ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat d'orientation budgétaire, nul ne l'ignore, doit son existence à la loi organique relative aux lois de finances, dont l'article 48, que je ne puis manquer de citer ici, dispose : « En vue de l'examen et du vote du projet de loi de finances de l'année suivante par le Parlement, le Gouvernement présente, au cours du dernier trimestre de la session ordinaire, un rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques. »

Or le document destiné à la préparation de ce débat ne nous a été transmis que le... 29 juin dernier. Il était temps !

De surcroît, nous discutons des orientations budgétaires pour 2006 alors même que, la semaine dernière, la presse s'est fait l'écho des lettres de cadrage et des principaux paramètres du projet de la loi de finances à venir.

Le discours de politique générale du Premier ministre en a d'ailleurs fixé le cadre en ces termes :

« La France consacrera à l'emploi un effort supplémentaire de 4,5 milliards d'euros en 2006.

« Outre les dépenses du plan d'urgence, cet effort inclut la montée en puissance des allégements de charges sociales et des contrats d'avenir. C'est une somme importante, à la hauteur du défi. Elle amène mon Gouvernement, en plein accord avec le Président de la République, à prendre ses responsabilités. Toutes nos marges de manoeuvre budgétaires iront à l'emploi : ce choix commande de faire une pause dans la baisse de l'impôt sur le revenu. »

Il reste que cette politique se plaît à combiner, d'une part, la réduction de l'emploi public - nous en sommes à nous demander si ce sont 5 000 ou 7 500 emplois publics, voire plus, s'il faut en croire M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances, qui seront supprimés l'an prochain ! - et, d'autre part, l'intense développement de la précarité de l'emploi, à travers tout à la fois l'exploitation du prétendu gisement des « emplois de service à la personne », le développement du « contrat nouvelle embauche » et la mise en place des formes les plus intermittentes du salariat dans les très petites entreprises.

Cela n'empêche évidemment pas le Gouvernement de prévoir, comme nous avons eu l'occasion de le constater cette semaine lors de l'examen du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, de nouveaux cadeaux fiscaux pour les plus hauts patrimoines et pour les entreprises, qu'il s'agisse de l'allégement des droits de succession ou des mesures relatives aux mutations et transmissions d'entreprise.

De même, sont illégitimes les mesures relatives à la taxe professionnelle. A cet égard, faute d'une réforme de plus grande ampleur, on semble s'orienter vers un allégement de l'impôt dû par les entreprises par plafonnement à la valeur ajoutée. Baisser la taxe professionnelle sera bon pour l'emploi, dites-vous, monsieur le ministre. Or l'emploi et les salaires ne font précisément plus partie de l'assiette. Comprenne qui pourra !

Le projet de budget pour 2006 prévoit notamment de procéder à la simple reconduction de l'essentiel de la dépense publique telle qu'elle a été constatée cette année et, par conséquent, de poursuivre l'effort prioritaire de réduction des déficits. Or il s'est passé quelque chose au mois de mai dernier, et plus précisément le dimanche 29 ! Ce jour-là, une nouvelle fois, après les élections régionales et cantonales et après le scrutin européen, les habitants de notre pays ont largement condamné la politique menée depuis trois ans par la majorité et ses gouvernements successifs.

Ils l'ont fait en disant massivement « non » au projet de traité constitutionnel européen, texte dont un des fondements était la mise en oeuvre des politiques budgétaires qui sont en débat depuis plusieurs années.

Et pourtant, tout se passe comme si le message des urnes n'avait pas été entendu !

Les Françaises et les Français ont-ils voté pour une nouvelle cure d'austérité budgétaire, fondée sur la stricte application d'un pacte de stabilité européen, composante essentielle de la partie III du traité, qu'ils ont rejetée avec l'ensemble du texte lui-même ?

Ont-ils voté pour la réduction des emplois publics, réduction qui ne pourrait que les pénaliser au regard de ses effets sur la présence des services de l'Etat de proximité dans des secteurs tels que l'éducation, où l'on annonce plus de 2 000 suppressions de postes sous prétexte de diminution des effectifs scolarisés, l'équipement et les administrations fiscales ?

Ont-ils voté pour que l'argent public soit utilisé de manière sans cesse plus importante en vue de financer des emplois précaires, aux perspectives incertaines, ne permettant pas à ceux qui les occupent d'avoir le moindre projet de vie cohérent et digne de ce nom ?

Ont-ils voté pour une nouvelle baisse de l'impôt de solidarité sur la fortune - elle semble se dessiner, même si, pour l'instant, le Gouvernement dit qu'il convient d'attendre -, affectant en particulier l'habitation principale des 300 000 contribuables assujettis à cet impôt, alors même que trois millions de nos concitoyens sont encore à ce jour mal logés ?

Non, de cela, ils ne veulent pas, monsieur le ministre !

Malheureusement, tels sont les choix que vous avez faits, et ce sont ces mêmes choix que vous viendrez défendre cet automne devant la représentation nationale, sans la moindre hésitation, trouvant à chaque mesure telle ou telle justification plus ou moins valable.

Vous ne nous en voudrez pas de penser que les Français attendent autre chose du budget de la nation.

Parce que votre politique n'est que la réplique de qui a été menée ces dernières années, la croissance ne sera pas au rendez-vous. C'est bien dommage pour les Français, et je pense qu'ils sauront en tirer les conséquences.

S'agissant du chômage, vous avez une réponse toute faite, déclinée depuis plusieurs semaines : si l'on ne peut embaucher et créer des emplois dans ce pays, c'est la faute au code du travail ! Le code du travail serait, selon vous, « rigide », « trop protecteur », que sais-je encore ?

Et la croissance, qu'en faites-vous ?

Vous nous aviez promis, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2005, une croissance de 2,5 %, chiffre que nous avions d'ailleurs à l'époque jugé irréaliste. Tout porte à croire que l'on devra se contenter, cette année, d'un taux de croissance de 1,3 % à 1,5 %.

Dès lors, qui va payer le manque à gagner, sinon, une fois encore, les salariés les plus modestes ?

Cela fait, en effet, plusieurs années que les prévisions de croissance ne sont pas atteintes - nous l'avions constaté, notamment, avec le dérapage de 2003 - et que, en réalité, les comptes publics se dégradent.

D'ailleurs, comment peut-il en être autrement quand vous réduisez drastiquement et aveuglément la dépense publique, quand vous encouragez le maintien et l'extension des bas salaires, bref quand vous agissez au rebours de ce qu'il faudrait faire pour favoriser la croissance par la relance de la consommation populaire ?

Il faut donc clairement changer de cap en cette matière, et la hausse du SMIC du 1er juillet, qui n'est en fait qu'un rattrapage, ne fera pas longtemps illusion !

La réalité, c'est que le pouvoir d'achat des salariés stagne, et c'est, de très loin, la principale motivation de la mobilisation sociale dans les entreprises.

De ce point de vue, l'Etat montre le mauvais exemple en concevant une politique de l'emploi public fondée sur la stagnation de la dépense, qui passerait par la suppression d'emplois et le quasi-gel de la progression du traitement des fonctionnaires.

Il montre encore plus le mauvais exemple en inscrivant strictement son action en matière d'emploi dans la ligne des aspirations et demandes du patronat, comme nous avons pu nous en rendre compte au début de l'année à propos des 35 heures, et encore ces dernières semaines au sujet de la pénibilité du travail ou de l'emploi des personnes âgées de plus de cinquante ans.

Il faut changer de logique, monsieur le ministre !

Nous sommes, pour notre part, partisans d'une utilisation plus rationnelle et plus efficace de l'argent public. J'aurais aimé, pour illustrer mon propos, mentionner certains chiffres, mais le temps nous est malheureusement compté.

Ainsi, on ne peut se satisfaire éternellement de dépenser plus de 20 milliards d'euros afin d'exonérer les entreprises des cotisations sociales normalement dues en raison de la richesse qui s'y crée, grâce au travail des salariés.

Ces sommes sont aujourd'hui largement utilisées pour peser sur les salaires puisque l'exonération accordée est d'autant plus forte que le salaire est faible et proche du SMIC. Aujourd'hui, pour un salarié payé au SMIC net, ce sont plus de 220 euros mensuels, soit plus du quart de la rémunération perçue par le salarié, que l'entreprise reçoit de l'Etat, sous forme de ristourne.

Formidable incitation à maintenir les salaires au niveau le plus bas possible !

Formidable incitation aussi à ne pas reconnaître la réalité des qualifications professionnelles, qui sont méprisées et ne sont donc pas rétribuées à leur juste valeur.

Ce sentiment est largement partagé dans le monde du travail, qu'il s'agisse des salariés du secteur privé ou de ceux du secteur public.

Nous sommes de longue date, vous le savez, partisans d'une autre politique de soutien à l'emploi, s'appuyant notamment sur l'allégement de la contrainte financière qui pèse sur le crédit bancaire aux entreprises, et il nous semble qu'il est temps de cesser de dépenser l'argent public en vue de développer les bas salaires, les emplois de faible qualité, la non-reconnaissance des qualifications, la précarité professionnelle, sans oublier, bien entendu, l'incertitude du lendemain.

Il est également temps de faire le bilan des mesures fiscales prises depuis 2002, notamment dans le domaine de l'emploi.

De ce point de vue, il aurait été bon, monsieur le ministre, puisque ce débat d'orientation budgétaire est l'avant-dernier de la législature, qu'un bilan soit dressé par vos services. M. le rapporteur général, pour sa part, semble préférer la pédagogie.

Les moins-values fiscales, estimées par les uns à 4 milliards d'euros et entre 5 milliards et 10 milliards d'euros par les autres, en particulier par la commission des finances, ne sont rien d'autre que le résultat des décisions prises par le Gouvernement en faveur de la baisse de l'impôt sur le revenu et dont les plus hautes tranches ont tiré profit.

Je tiens à souligner que, pour ce qui nous concerne, nous avons toujours condamné ces baisses d'impôt.

La conjoncture économique montre que, malgré les cadeaux fiscaux multiples et variés dont ont bénéficié les entreprises et les ménages les plus aisés, la croissance est en panne, le chômage représente toujours 10 % de la population active.

En outre, des tensions fortes demeurent dans le domaine du logement. Certains investissements immobiliers ont, certes, été favorisés, mais l'on reste très loin d'une sécurisation du parcours locatif des demandeurs de logement.

Sans doute est-ce une affaire de choix, me direz-vous, monsieur le ministre, mais il reste que rien n'a été résolu ! Bien au contraire, les incitations fiscales accordées aux investisseurs immobiliers sont la preuve, s'il en était besoin, que, cette fois encore, l'argent public a été gaspillé.

Quand la société Gecina, s'engouffrant dans le statut sur mesure nouvellement créé, économise plus de 400 millions d'euros d'impôt sur les sociétés, que fait-elle ? Elle crée, bien évidemment, une tension spéculative sur le marché immobilier de nos grandes villes, et notamment dans la capitale, tension qui frappe sans pitié tant les locataires modestes que bon nombre de personnes issues des classes moyennes et qui se croyaient à l'abri de la férocité du marché.

Voilà comment l'argent public vient au secours du dérèglement du marché et favorise ses travers. !

Nous pourrions faire autrement et autre chose en matière de logement.

Je conclurai en indiquant que, le moment venu, lors de la discussion du projet de la loi de finances pour 2006, nous nous ferons, une nouvelle fois, les porte-parole des aspirations réelles des Françaises et des Français, qui n'ont pas, dans leur très grande majorité, je tiens à le dire, monsieur le ministre, l'impression de « vivre au-dessus de leurs moyens » !

Au mépris affiché pour les légitimes demandes de la population de ce pays, nous opposerons clairement une alternative consistant en une autre utilisation de l'argent public, porteuse de développement économique et social et de croissance, seul moyen, faut-il le rappeler, de réduire durablement les déficits publics, plus sûrement que toutes les politiques de rigueur et d'austérité que le Gouvernement a défendues et qu'il a encore l'intention de mettre en oeuvre.

Ce ne sont là, bien sûr, que quelques éléments, mais qu'il nous paraissait intéressant de rappeler à l'occasion de la discussion de ce débat d'orientation budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le ministre, le débat d'orientation budgétaire est l'occasion de s'interroger sur la pertinence de la politique économique du Gouvernement.

La réponse pourrait être lapidaire.

Avec une confiance des ménages au plus bas, un investissement des entreprises languissant, un tassement de nos performances à l'exportation, tous les indicateurs sont au rouge.

J'y vois d'abord la conséquence d'une approche dogmatique, qui a consisté à tourner le dos aux recettes pragmatiques et efficaces qui nous avaient permis de réduire significativement le chômage, de relancer l'investissement et de résorber nos déficits publics.

J'y vois aussi la conséquence d'une vraie crise de confiance, qui a sapé votre crédibilité. Trois scrutins successifs auraient pu vous inciter à vous remettre en cause. Il n'en est rien.

Vous continuez à exhorter les Français à travailler plus, sans leur offrir la moindre perspective. Vous les alarmez sur la situation financière du pays, que votre majorité ne cesse de dégrader par son incapacité à user franchement des leviers de la politique économique.

Cette politique doit plus que jamais s'inscrire dans un contexte européen, et je voudrais me placer dans cette perspective.

Quelle est la situation économique de la zone euro ?

Premièrement, l'ensemble de la zone souffre d'un déficit de croissance par rapport à son potentiel réel.

Deuxièmement, ce déficit de croissance pèse sur les recettes des Etats et aggrave les déficits publics de la plupart des pays de la zone euro.

Troisièmement, la zone euro souffre de freins structurels à la croissance : déficit d'innovation, de recherche et de formation supérieure, utilisation insuffisante de la ressource humaine.

La France offre, hélas, quant à elle, une illustration criante de ces blocages.

Malheureusement, et c'est le quatrième élément du diagnostic, les réformes qui permettraient de lever ces freins structurels ne se traduiront par une élévation du potentiel de croissance de l'Europe que dans quelques années.

Or nous sommes dans une situation d'urgence : urgence politique, eu égard à l'état des opinions publiques européennes ; urgence économique, car, à poursuivre l'ajustement des comptes publics sans croissance, nous risquons de n'avoir que plus de déficit et plus de chômage.

Cependant, nous savons bien, et vous mieux que quiconque, monsieur le ministre, qu'il est difficile de conduire des réformes structurelles sans croissance.

La question qui nous est posée aujourd'hui, qui est posée à tous les pays de la zone euro, et qui me semble également l'enjeu de ce débat d'orientation budgétaire est donc la suivante : comment stopper la dérive des finances publiques sans casser la croissance ? Il me semble tout à fait illusoire d'espérer atteindre cet objectif tant qu'une impulsion forte ne sera pas intervenue au niveau européen.

Compte tenu du degré d'interdépendance des économies européennes, la régulation conjoncturelle de l'activité est une question d'intérêt commun. Or, la politique monétaire mise à part, les politiques de régulation de la conjoncture - politiques budgétaires ou salariales - sont des politiques nationales.

Cette situation favorise les stratégies individuelles des Etats membres de la zone euro lorsqu'il faudrait au contraire une véritable coordination des politiques économiques.

Je prendrai à cet égard l'exemple de l'Allemagne, engagée dans une stratégie de désinflation compétitive, fondée sur la maîtrise des coûts salariaux et la conquête de parts de marché à l'exportation. Cette stratégie connaît évidemment quelques succès, comme les récents gains de parts de marché de l'Allemagne. Ceux-ci coïncident d'ailleurs de manière troublante avec les pertes de parts de marché enregistrées par la France.

Cela n'a toutefois pas pour autant dopé la croissance allemande, en raison de la faiblesse des revenus salariaux et de la consommation.

J'aurais également pu évoquer le cas de l'Italie à ce sujet.

Que doit faire la France dans ce contexte ? Doit-elle chercher également à maîtriser autant que possible les coûts salariaux, s'engager dans cette course à la compétitivité, au risque d'aggraver la dérive déflationniste de la zone euro ? Je ne le crois pas.

Je crois au contraire que, pour sortir de l'impasse politique et économique actuelle, notre pays doit proposer à ses partenaires une réflexion sur une véritable stratégie coopérative en faveur de la croissance.

Pourquoi, malgré l'assainissement de la situation financière des entreprises et le redressement de la rentabilité, malgré une épargne abondante et une économie globalement compétitive, l'investissement de la zone euro est-il aujourd'hui inférieur en volume à ce qu'il était en 2000, alors que, depuis dix ans, il a doublé aux Etats-Unis ?

Cela tient à une raison finalement assez simple, qu'il faut regarder avec lucidité : la croissance n'offre plus aucune crédibilité dans la zone euro.

Dès lors, une initiative politique et collective de l'Eurogroupe est indispensable pour restaurer la crédibilité de la croissance dans la zone euro.

Premièrement, l'Eurogroupe doit clairement affirmer sa confiance dans l'euro et rappeler que la monnaie européenne permet à l'ensemble des pays de la zone de profiter durablement de taux d'intérêt bas.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Yvon Collin. Deuxièmement, l'Eurogroupe doit enfin, s'exprimer collectivement sur le taux de change euro/dollar, comme l'y invite le traité en vigueur. Le taux de change reste en effet un instrument très important de la politique industrielle.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !

M. Yvon Collin. Troisièmement, l'Eurogroupe doit affirmer que les politiques budgétaires sont aussi au service de la régulation conjoncturelle, dans le respect de la discipline budgétaire.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien. !

M. Yvon Collin. Depuis cinq ans, le débat budgétaire en Europe est indigent et son résultat, affligeant.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Yvon Collin. Le débat est indigent, car les Etats ne respectent pas les engagements qu'ils prennent à l'égard de leurs partenaires, ce qui ne contribue certainement pas à restaurer la confiance dans l'économie européenne.

Ce débat est pourtant inévitable, car tout incite les membres de l'Union européenne à transgresser les règles irréalistes du pacte de stabilité et de croissance.

Le résultat est affligeant : depuis que ce pacte a été signé, la politique budgétaire n'a plus joué aucun rôle significatif dans la gestion de la conjoncture européenne.

Je rappelle qu'aux Etats-Unis le budget a freiné l'activité lorsqu'elle était vive, pour la soutenir massivement après 2000 : entre 2000 et 2004, le gouvernement des Etats-Unis a injecté l'équivalent de plus six points de PIB dans l'économie.

Quatrièmement, enfin, si les taux d'intérêt sont les mêmes dans l'ensemble de la zone euro, les conditions de crédit peuvent considérablement varier d'un pays à l'autre, notamment du fait de systèmes financiers très différents. Les écarts de conjoncture observés ces dernières années tiennent d'ailleurs beaucoup à ces disparités.

L'Eurogroupe doit donc inviter les pays de la zone euro à unifier les pratiques et institutions par lesquelles se transmet la politique monétaire, pour aller vers un système financier plus homogène.

Nous-mêmes, en France, devons rompre avec les règles et pratiques malthusiennes qui, certes, confortent les profits bancaires et rassurent les superviseurs, mais nous coûtent chaque année de la croissance.

Maintenir une croissance économique soutenue ne va pas de soi. Cela exige, monsieur le ministre, du volontarisme et des mécanismes adaptés : le Gouvernement et les pays de la zone euro ont voulu l'ignorer mais la réalité le rappelle aujourd'hui.

Je ne manquerai pas, en tant que membre de la délégation pour la planification, de souscrire pleinement à l'appel de M. Bourdin, président de la délégation : à l'avenir, l'évaluation des politiques publiques doit contribuer à mieux piloter nos politiques économiques et à mieux en partager la conception et l'application avec le Parlement et les Français. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur le banc de la commission.)

M. le président. La parole est à M. Michel Moreigne.

M. Michel Moreigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, globalement assez elliptique et sans grand contenu chiffré, le rapport sur les orientations budgétaires pour 2006 est particulièrement laconique sur le volet des collectivités locales.

Ainsi, à l'exception d'une confirmation de la réforme de la taxe professionnelle dans le projet de loi de finances pour 2006 et la création d'une conférence annuelle des finances publiques, aucune orientation précise concernant les relations entre l'Etat et les collectivités n'est définie dans le rapport.

A contrario, le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances pour 2004 apporte des précisions intéressantes, qui viennent nourrir des interrogations quant au sort réservé aux collectivités locales dans le projet de loi de finances pour 2006.

Mes interrogations portent sur trois grands thèmes : l'évolution des dotations de l'Etat aux collectivités locales ; les modalités concrètes de la compensation financière des transferts massifs de compétences prévus en 2006 ; les tenants et aboutissants de la réforme de la fiscalité locale, notamment en ce qui concerne la taxe professionnelle et le foncier non bâti.

La loi de finances pour 2005 a mis en oeuvre une réforme profonde des critères d'attribution de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, notamment à travers le passage du potentiel fiscal au potentiel financier.

Or l'inclusion des dotations forfaitaires dans le potentiel financier permet, certes, d'avoir une meilleure appréhension des ressources dont disposent les collectivités au-delà de leur seule capacité à lever l'impôt, mais désavantage les collectivités les moins favorisées dans le sens où, malgré leur caractère forfaitaire, ces dotations ont, en partie du moins, une fonction péréquatrice.

Des communes ou départements autrefois considérés comme pauvres en raison de leur faible potentiel fiscal se retrouvent ainsi dans le peloton de tête pour ce qui est de leur potentiel financier.

Au niveau de la DGF des départements, la mise en place d'une dotation de péréquation urbaine et l'élargissement de la dotation de fonctionnement minimale à quarante nouveaux départements ne va pas non plus sans heurts.

Je rappellerai un cas d'école, celui de la dotation « élu locale », la DEL, à l'éligibilité e laquelle 963 communes se sont trouvées exclues, et cela sans aucune contrepartie.

Face au tollé provoqué par ce « dommage collatéral » de la réforme de la DGF, le Gouvernement a annoncé devant le Comité des finances locales, le 17 avril dernier, la mise en place d'un dispositif de lissage en cas de perte d'éligibilité. Quand et comment ce dispositif sera-t-il validé ?

Quid du rapport d'étape sur la réforme de la DGF ?

Pour couper court à toute modification de l'architecture de son projet, le Gouvernement avait admis, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2005, qu'un rapport faisant le point sur la réforme de la DGF serait remis à avant la fin de la présente session. Il s'agit du fameux amendement Fréville.

Le Comité des finances locales devait examiner hier, mardi 5 juillet 2005, la répartition définitive de la DGF, mais cette démarche est habituelle et ne couvre en aucun cas les objectifs d'évaluation en cours d'année prévus à l'article 50 de la loi de finances pour 2005.

A ce jour, aucune communication du Gouvernement n'a été faite, me semble-t-il, et les représentants du Gouvernement ont fait savoir, lors de la réunion d'hier, que le rapport en question serait diffusé dans le courant du mois de juillet.

Le Sénat aurait sans doute apprécié, comme moi-même, qu'une information nous soit donnée aujourd'hui sur ce point.

Nous savons néanmoins que les 163 millions d'euros de la régularisation de la DGF 2004 attendront le mois de septembre prochain avant d'être réaffectés par le Comité des finances locales.

Ce sont les seules informations dont je dispose. Peut-être M. le rapporteur général ou M. le président de la commission des finances en ont-ils d'autres...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Pas dans l'instant !

M. Michel Moreigne. Quelle évolution subiront les concours financiers aux collectivités locales ?

Nous n'avons aucune assurance quant à la reconduction du contrat de croissance et de solidarité et, en son sein, quant à l'évolution de la DGF.

Devant l'impossible équation budgétaire, le Gouvernement pourrait donc être tenté de « tirer » sur les concours aux collectivités.

D'ores et déjà, de nombreuses associations d'élus s'inquiètent des évolutions des dotations de l'Etat aux collectivités depuis trois ans et demandent des engagements de l'Etat sur la reconduction du contrat de croissance et de solidarité.

Or les hypothèses de croissance utilisées dans le projet de loi de finances pour 2005 ont été surévaluées, confirmation nous en est donnée aujourd'hui. Dans ce cadre, même en cas de reconduction du contrat de croissance et de solidarité, l'évolution des dotations marquera le pas. L'année fiscale 2006 risque donc d'être sombre pour les collectivités locales.

J'en arrive au serpent de mer des modalités de la compensation aux collectivités locales des nouveaux transferts de compétences

Il convient de rappeler que le cadre de la compensation des transferts de compétence prévus par la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales est fixé par le quatrième alinéa du nouvel article 72-2 de la Constitution.

Mais la problématique qui demeure est la suivante : quelle sera la réévaluation des compensations pour les transferts déjà effectués et mal compensés et quelles seront les modalités de compensation pour les transferts massifs prévus en 2006 ?

La loi de finances pour 2005 a prévu la compensation, dans le courant de l'année, des premiers transferts de compétences prévus. Elle a ainsi opéré des transferts de produits fiscaux pour financer ces compétences : 126,6 millions d'euros du produit de la taxe sur les contrats d'assurance pour les départements et 397,8 millions d'euros du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, ont été alloués aux régions pour couvrir les compétences transférées, en fonction d'une évaluation prévisionnelle.

La commission consultative d'évaluation des charges, présidée par notre excellent collègue Jean-Pierre Fourcade, s'est réunie à plusieurs reprises depuis le début de l'année pour évaluer le bien-fondé des compensations opérées.

Selon un article paru dans Le Monde daté du 8 juin 2005, les conclusions de cette commission devaient, dans un premier temps, mettre l'accent sur trois points de désaccords concernant le niveau de la compensation.

Le premier portait sur le syndicat des transports parisiens et de la région d'Ile-de-France, le STIF, notamment sur l'exigence des élus franciliens - dont vous êtes, monsieur le ministre - d'obtenir la mise en place d'un fonds de roulement pour faire face à l'obsolescence du parc.

Le deuxième point de désaccord avait trait au transfert aux régions de la compétence en matière de formations sociales et médicosociales. Jean-Pierre Fourcade devait demander à revoir le niveau de compensation prévu dans la loi du 13 août 2004

La question du transfert des TOS, les personnels techniciens, ouvriers et de service, faisait l'objet du troisième point de désaccord, aucune région de gauche n'ayant signé de convention au début du mois de juin.

La commission consultative d'évaluation des charges devait présenter au Gouvernement, à la mi-juin, son rapport final destiné à préciser si elle estimait suffisantes les compensations financières versées par l'Etat des transferts de compétences aux collectivités locales. Mais, en définitive, la commission n'a présenté qu'un pré-rapport qui, bien que pointant encore quelques difficultés, notamment à propos du STIF, semble relativement lissé en ne faisant pas état des fuites dont la presse s'était fait l'écho antérieurement. Peut-être obtiendrons-nous des informations complémentaires sur ce point à l'occasion du présent débat.

Comme l'an dernier, le projet de loi de finances pour 2006 devrait prévoir les modalités concrètes de la compensation aux collectivités locales des compétences transférées en 2006, en application de la loi d'août 2004. Ces transferts concernent principalement les régions.

La question est de savoir quel sera le mode de compensation choisi. Le produit de la TIPP connaissant une évolution particulière, qui ne paraît pas positive, hélas ! il est à espérer que le Gouvernement ne confirme pas ce mode de compensation pour les compétences transférées aux régions. En effet, en 2005, le produit de la TIPP devrait afficher des moins-values nettes.

Face aux tendances structurelles du marché du pétrole, il est à tout le moins inquiétant de faire toujours dépendre les recettes des collectivités locales de ce type de recettes fiscales on ne peut plus aléatoires, difficiles à prévoir, en tout cas dans les conditions actuelles.

Le déficit de la compensation aux conseils généraux s'agissant du RMI-RMA s'est élevé à 453 millions d'euros en 2004. Le Gouvernement s'était engagé à revoir le niveau de la compensation, mais, compte tenu de la montée en charge du dispositif, et d'une croissance qualifiée de « molle », le déficit devrait être encore plus important en 2006, de 500 à 600 millions d'euros. Qu'en sera-t-il de la compensation à cet égard ?

Monsieur le ministre, vous avez annoncé, le 15 juin dernier, la réforme du système des immatriculations de voitures. De fait, l'introduction de la nouvelle plaque d'immatriculation à vie conduira à une déterritorialisation des immatriculations. Or, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2005 les débats laissaient augurer la « départementalisation », en 2006 ou en 2007, d'une part de la taxe sur les conventions d'assurance, afin d'offrir aux départements un droit à modulation sur cette part d'impôt national, dans le respect du principe d'autonomie financière. La compensation définie dans la loi de finances pour 2005 s'appuyait sur le nombre d'immatriculations par département. Qu'en sera-t-il demain ?

La question de la taxe sur les conventions d'assurance renvoie à la problématique plus globale de la capacité évolutive des ressources transférées aux collectivités locales au titre de la compensation des transferts. Aujourd'hui, les collectivités locales ne disposent d'aucun pouvoir de modulation sur ces parts d'impôts nationaux, et ce malgré les bonnes intentions affichées, un temps du moins, par le Gouvernement en la matière. Peut-être les bonnes intentions persisteront-elles. Je serais heureux, monsieur le ministre, de vous entendre me le confirmer.

Cela étant, un constat demeure : les contraintes qui pèsent sur les collectivités locales ne vont pas en diminuant, alors que leurs recettes suscitent beaucoup d'interrogations et ne semblent bien, elles, ne pas devoir progresser.

De plus, le Grand Soir de la réforme de la fiscalité locale ne paraît plus d'actualité. Quid de la réforme de la taxe sur le foncier non bâti ? Je rappelle que, lors d'un déplacement à Murat, dans le Cantal, le 21 octobre 2004, le Président de la République avait annoncé la suppression progressive de cette taxe, estimant que les collectivités publiques, en l'occurrence les collectivités locales, devaient adapter leur fiscalité aux évolutions de l'environnement économique.

Même si la taxe sur le foncier non bâti n'occupe qu'une place limitée - 1,7 % - dans le produit de la fiscalité locale directe, cette taxe représente un enjeu financier majeur pour les communes rurales. Elle représente, en effet, une part non négligeable des ressources des petites communes : en moyenne, elle s'élève à plus du cinquième des recettes fiscales directes pour les 21 000 communes de moins de 500 habitants.

Le groupe de travail mis en place par la commission des finances du Sénat pour étudier les modalités et les conséquences envisageables d'une telle réforme a achevé ses travaux le 22 juin dernier. Après une série d'auditions, il a noté l'opposition, tant des collectivités locales que des agriculteurs, à une telle réforme. Il estimera probablement que la suppression progressive de la taxe sur le foncier non bâti n'est pas une bonne idée, mais il préconisera sans doute une révision des bases de cet impôt, afin de réduire les inégalités à cet égard des contribuables et des communes, notamment au sein des communautés de communes à fiscalité additionnelle.

S'agissant de la réforme de la taxe professionnelle, vous nous avez apporté des précisions tout à l'heure, monsieur le ministre. Je passerai sur le feuilleton de cette réforme, depuis son annonce, en janvier 2004, par le Président Chirac, à l'occasion de ses voeux aux forces vives du pays, jusqu'à l'instauration de la commission Fouquet qui devait à la fois préserver l'autonomie financière des collectivités locales, maintenir le lien avec l'activité économique des territoires, éviter tout transfert de charges des entreprises vers les ménages...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Elle devait trouver la pierre philosophale pour résoudre la quadrature du cercle !

M. Michel Moreigne. ... et aussi, monsieur le rapporteur général, favoriser le développement de l'intercommunalité ! C'était bien la quadrature du cercle !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Exactement ! C'était tout et son contraire !

M. Michel Moreigne. Le rapport Fouquet a subi le sort que l'on connaît. Après des mois d'atermoiements, Bercy a préconisé la solution que vous nous avez apportée tout à l'heure.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est une bonne idée !

M. Michel Moreigne. En effet, vous nous avez indiqué, monsieur le ministre, que vous envisagiez de revenir à un plafonnement à la valeur ajoutée de 3,5 %, de neutraliser pour l'avenir toute possibilité d'augmentation du poids de la taxe pour les entreprises situées à ce plafond et de pérenniser la neutralisation pendant deux ans de l'imposition des investissements nouveaux.

Le seul plafonnement à la valeur ajoutée ne serait pas de nature à poser de graves difficultés. En revanche, la restriction imposée en contrepartie aux collectivités locales, sans en connaître à ce jour les modalités, ni la faisabilité, ni même la recevabilité au regard des articles 72 et 72-2 de la Constitution, serait sans doute un coup porté au principe d'autonomie des collectivités locales.

En outre, si elle était maintenue sans être précisée ni affinée, cette solution priverait les collectivités locales d'un levier important d'augmentation du produit de la fiscalité directe locale.

Par ailleurs, vous m'accorderez qu'elle renforcerait les inégalités de richesse fiscale entre les territoires, dès lors que le plafonnement, fondé sur la valeur ajoutée, frapperait prioritairement les entreprises du secteur industriel et toucherait à un moindre niveau les entreprises de services.

Enfin, cette contrainte sur les recettes de taxe professionnelle pèserait fortement sur les groupements intercommunaux, dont près de la moitié sont aujourd'hui financés par le biais d'une taxe professionnelle unique et couvrent pratiquement la moitié de la population française.

L'annonce de cette réforme pose un problème de fond sur les rapports que le Gouvernement aspire à instaurer entre l'Etat et les collectivités locales. On peut y voir une contradiction dans la mesure où il a naguère prétendu défendre une logique - que l'on peut d'ailleurs admettre - de responsabilisation accrue des collectivités locales, d'affirmation de leur autonomie. Il serait intéressant de connaître les modalités d'application de cette réforme.

On a le sentiment que le Gouvernement souhaite en revenir à une sorte de tutelle a priori sur les collectivités locales. L'annonce d'une réduction des marges de modulation des taux de la taxe professionnelle vient, en effet, s'ajouter à une longue liste de déclarations faites depuis le début de l'année et portant notamment sur la nécessité de limiter les « dépenses des collectivités ».

Tout à l'heure, M. Jégou a nettement précisé sa position, et je ne suis pas loin de partager les observations dont il a fait part au Sénat.

Pour autant, tout cela n'empêche pas le Gouvernement, qui n'en est évidemment pas à une contradiction près, de préciser dans son rapport préparatoire au débat d'orientation budgétaire que « le développement d'outils de pilotage contraignant des dépenses locales n'est évidemment pas d'actualité ».

Cette restriction est d'autant moins opportune que les besoins se feront inéluctablement ressentir devant la logique de la « décentralisation des déficits » qui prévaut depuis trois ans et face à une compensation incomplète, ou à tout le moins inéquitable, des transferts de compétences.

Dans ce cadre, la seule marge de manoeuvre restant aux collectivités locales consistera à augmenter le taux des impôts sur les ménages. Or chacun sait que ceux-ci s'appuient sur des bases obsolètes, et très souvent injustes, avec des marges d'évolution fortement limitées.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est l'Etat qui paie !

M. Michel Moreigne. En contraignant les collectivités locales à accroître leur pression fiscale sur les ménages, la majorité serait dans l'erreur et démontrerait, une fois de plus, qu'elle fait peu de cas des attentes des Français et ne cherche, finalement, qu'à protéger une clientèle électorale.

Le Gouvernement doit présenter devant le Comité des finances locales, le mardi 12 juillet 2005, les axes de la réforme qu'il compte entreprendre dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006.

Monsieur le ministre, sans déflorer complètement le sujet que vous entendez traiter à cette occasion, pourriez-vous informer le Sénat quant aux orientations de la réforme que vous entendez mener ?

En effet, nous avons le sentiment que vous mettez actuellement en oeuvre une stratégie d'encadrement tant des recettes que des dépenses des collectivités, en leur déniant une large part de leur autonomie institutionnelle et financière.

Alimentée par un discours de culpabilisation des élus locaux, cette tendance à la « tutellisation » des collectivités locales vient contredire toutes les déclarations du début de la législature sur le thème de la décentralisation libérale, qui semble n'avoir vécu, comme les roses, que l'espace d'un matin !

La mise en place d'une « conférence annuelle des finances publiques » ne saurait être présentée comme la solution face aux difficultés actuelles. Elle ne saurait créer, à elle seule, contrairement à ce que prétend le Gouvernement dans son rapport, « plus de concertation et de dialogue sur les objectifs des finances locales ». Sinon, on pourrait se demander à quoi servent le Sénat et le Comité des finances locales !

Monsieur le ministre, nous avons le sentiment que vous êtes aujourd'hui en train de casser les relations entre l'Etat et les échelons décentralisés, au détriment de l'action publique locale, qui pallie pourtant très largement, chacun le sait, les faiblesses actuelles de l'Etat grâce aux politiques d'investissement que les collectivités locales assument.

C'est l'une des raisons majeures pour lesquelles nous ne pouvons approuver les orientations que vous préconisez. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dernier orateur inscrit dans ce débat d'orientation budgétaire, je m'efforcerai de m'exprimer brièvement sur un seul sujet, le financement des infrastructures de transport.

Lors de sa déclaration de politique générale, le 8 juin dernier, le Premier ministre, Dominique de Villepin, a affirmé : « J'entends relancer les grands chantiers d'infrastructure, en particulier dans les domaines routier et ferroviaire ». Il a ajouté cette phrase intéressante : « Dans l'état de la conjoncture, notre économie a besoin d'un signal fort de redémarrage de l'investissement public, y compris en recourant à des financements innovants. »

Cette proposition a fait naturellement naître une grande espérance, et vous avez la redoutable responsabilité, monsieur le ministre, d'y répondre dans un contexte difficile.

En effet, vous avez le mérite, par le biais d'un outil qu'avaient créé Jean-Pierre Raffarin et Gilles de Robien, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF, d'apporter, assurément pour l'année 2006 et sans aucun doute pour l'année 2007, une réponse précise et équilibrée. En ce sens, vous donnez une application concrète à l'annonce formulée par le Premier ministre.

Pour autant, en prenant la décision de céder les participations de l'Etat dans les sociétés d'autoroutes et, nonobstant ce choix, de poursuivre sur le long terme un effort en matière d'investissements pour les infrastructures, vous ouvrez, monsieur le ministre, le débat sur le financement des infrastructures routières et ferroviaires. Or il n'est pas inutile de poser, en cet instant, un certain nombre de jalons, qui seront progressivement, j'en suis persuadé, repris tant lors de la préparation du budget que lors du débat budgétaire lui-même.

Je ferai un bref rappel historique.

Le CIADT, comité interministériel de l'aménagement et du développement du territoire, du 18 décembre 2003 a permis, après deux années d'études sur le besoin d'infrastructures dans notre pays, qui ont été notamment conduites par une mission conjointe de l'Inspection générale des finances et du Conseil général des ponts et chaussées, de fixer un programme. Celui-ci a été assez largement ratifié par l'ensemble des grands élus régionaux et départementaux qui ont été associés à cette réflexion.

Deux variables importantes restent cependant en suspens : la liaison ferroviaire Lyon-Turin et, monsieur le rapporteur général, le canal Seine-Nord.

L'AFITF, l'outil proposé par le CIADT, constitue une dérogation au principe de l'universalité budgétaire, dérogation dont la légitimité repose sur deux fonctions particulières : l'intermodalité - 100 % de ses recettes sont routières alors que 75 % de ses dépenses sont ferroviaires, ce qui signifie bien qu'une forme de transport est appelée à aider une autre forme de transport - et le caractère prévisible de ses ressources, à savoir notamment les dividendes des sociétés autoroutières. Les professionnels et même les analystes - puisque toutes ces sociétés sont, me semble-t-il, cotées - indiquent que les dividendes vont aller croissant et que l'AFITF est capable d'anticiper, donc de mobiliser des ressources à partir de rentrées certaines étalées dans le temps.

Voilà pour l'historique. J'en viens à l'actualité immédiate.

Le Gouvernement a pris la décision de supprimer les recettes prévues initialement pour assurer le fonctionnement de l'AFITF, les dividendes des sociétés d'autoroutes, et de les remplacer par des contributions d'ordre fiscal. Monsieur le ministre, vous avez été, sur ce point, extrêmement précis : près de 2 milliards d'euros pourraient être mobilisés dès 2006.

Je n'entrerai pas dans le détail parce que le calcul est quelque peu subtil, mais je veux simplement souligner le fait que certaines recettes sont récurrentes, telles que la TAT, la taxe d'aménagement du territoire, et la redevance d'occupation du domaine public routier. Ces recettes demeureront, même lorsque les sociétés autoroutières auront été privatisées. S'y ajoute une part du produit des amendes liées aux radars, dont on peut espérer qu'elles iront en diminuant car cela signifiera que les Français deviennent sages au volant, ainsi qu'une recette budgétaire inscrite au budget général. En outre, 10 % du produit des cessions des sociétés d'autoroutes pourraient y être affectés.

M. le Premier ministre a indiqué, je le rappelle, que « le produit de ces cessions ira notamment à l'Agence pour le financement des infrastructures de transport de France ». Qu'on me permette d'observer avec quelque malice que, en l'occurrence, l'adverbe « notamment », cet adverbe que le président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, tout particulièrement - j'allais dire notamment ! -, traque avec constance dans les textes de loi, montre toutes ses limites... (Sourires.) En l'espèce, « notamment » représente les 10 % du produit de ces cessions qui seront versés à l'AFITF.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Absolument !

M. Gérard Longuet. Cette sorte de jurisprudence sémantique nous donne une indication sur ce que peut valoir un « notamment » !

Mais ne soyons pas chagrins, car, au total, ce sont plus de 2 milliards d'euros qui seront mobilisés pour 2006.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Voilà !

M. Gérard Longuet. Nous arriverons à ce total dans la mesure où toutes les cessions d'actifs prévues auront bien lieu durant cette période.

Je crois savoir que vous demanderez à l'AFITF, monsieur le ministre, de prendre en charge la part de l'Etat au titre des contrats de plan Etat-région, ce qui représente 470 millions d'euros. Soyons clairs et de bonne foi : les charges que vous faites assumer à l'AFITF pour les années 2006 ou 2007 seront équilibrées par les recettes que vous avez mobilisées pour cette même période.

Mais, en prenant cette décision - et j'en viens à l'essentiel de mon propos -, vous ouvrez utilement un débat général sur le financement des infrastructures de transport.

Je ferai tout d'abord une réflexion d'ordre général sur ce financement et je conclurai sur la problématique très immédiate de l'AFITF. J'espère que vous tiendrez compte de ces préoccupations lorsque vous engagerez votre réflexion pour prendre, dans les mois qui viennent, les décisions qui s'imposent.

S'agissant du financement des infrastructures, quatre questions me viennent à l'esprit.

Premièrement, jusqu'où peut-on mobiliser des recettes à venir ? L'AFITF avait le mérite de bénéficier d'une recette certaine, les dividendes, dont la prévisibilité de croissance était établie et reconnue.

S'agissant du routier - je ne parlerai pas du fluvial ni du maritime, qui sont en marge de ce projet -, on peut assurément mobiliser des recettes d'avenir à travers le routier concédé : c'est la formule actuelle puisque, dégageant des profits, ce sont des équipements qui supportent l'endettement.

Toutefois, s'agissant du ferroviaire, on ne peut pas le faire : il faut doter en capital ou accorder des subventions. En effet, le ferroviaire, tel qu'il est actuellement mis en oeuvre dans notre pays, n'est hélas ! pas rentable et exige donc de substantielles subventions publiques.

L' AFITF avait la fonction d'assurer une intermodalité financière. Il convient de la maintenir et de faire en sorte que les modes de transport qui peuvent s'endetter le fassent, de telle manière que les dotations en capital ou, plus prosaïquement, les subventions pures et dures puissent aller aux autres modes de transport, qui, eux, ne le peuvent pas.

Deuxièmement, lorsqu'on dit que le routier peut s'endetter, cela veut dire qu'il faut le tarifer. Or cette tarification du routier va finir par soulever une véritable question de cohérence dans notre pays, car l'usager risque fort de s'interroger devant la diversité des situations.

S'agissant du routier gratuit, le réseau le plus important est le réseau départemental. Plus de 300 000 kilomètres de routes sont ainsi adossés aux recettes de la fiscalité locale. Or nous savons que celles-ci sont très variables selon les départements et que la prévisibilité de leur croissance est faible.

Quant au réseau gratuit adossé aux recettes de l'Etat, il pose un autre problème : la situation est de plus en plus mal vécue dans les régions où coexistent des réseaux indispensables concédés et payants et des réseaux de qualité comparable qui sont, eux, parfaitement gratuits.

Il existe bien entendu, à côté des réseaux gratuits, un réseau payant, le réseau concédé. A cet égard, avec la privatisation, la question se posera de savoir s'il faut parler de dividendes ou de rente obligataire, s'agissant de sociétés qui bénéficient d'un monopole de fait et d'une prévisibilité de recettes à peu près établie. Certes, vous me rétorquerez que tout cela n'est pas très grave, mais il y a un moment où, selon la loi de Pareto, le rentier rencontre l'actionnaire, et l'on aura des valorisations de type obligataire.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est un minimum !

M. Gérard Longuet. Je ne traiterai pas cette question sur le fond ; je dis simplement que la coexistence de ces trois réseaux posera à terme des problèmes de cohérence dans la tarification et dans la charge du transport routier, qui est indispensable à la vie quotidienne.

Troisièmement, jusqu'où peut-on aller en matière d'intermodalité ?

Le fait de demander à l'AFITF de prendre en charge les CPER, les contrats de plan Etat-région, aboutit d'une certaine façon à diminuer l'intermodalité puisque la part du ferroviaire y est, me semble-t-il, inférieure, au niveau national, à la part du routier. Nous avions une ressource à 100 % routière qui finançait une dépense à 75 % ferroviaire. Désormais, la solidarité intermodale sera sans doute plus faible, mais personne ne s'en plaindra, monsieur le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Me permettez-vous de vous interrompre, mon cher collègue ?

M. Gérard Longuet. Je vous en prie, monsieur le rapporteur général.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, avec l'autorisation de l'orateur.

M. Philippe Marini, rapporteur général. S'agissant des contrats de plan Etat-région, l'Etat est actuellement, me semble-t-il, en retard par rapport aux régions.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut opérer un rattrapage pour aboutir, d'ici à la fin de la période couverte par les contrats de plan, c'est-à-dire le 31 décembre 2006, à un taux d'engagement satisfaisant des opérations.

Si l'on transfère à l'AFITF l'équivalent de ce que l'Etat a financé en 2005, à mon avis, on maintient le retard. Or il faut que l'AFITF soit en mesure d'opérer un rééquilibrage, d'accroître les financements pour la part de l'Etat, si l'on veut viser, par exemple, un taux d'engagement de l'ordre de 85 % au 31 décembre 2006.

Je tenais simplement à mettre l'accent sur ce point, mon cher collègue, car cela peut avoir une influence sur les rapports entre les différentes opérations au sein de l'AFITF.

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Longuet.

M. Gérard Longuet. Monsieur le rapporteur général, vous avez totalement raison. Je parlais d'équilibre entre les recettes prévisibles de l'AFITF, CPER compris, et ses dépenses, en prolongeant le niveau de dépenses de l'Etat en matière de CPER, soit environ 470 millions d'euros par an. Or, à ce niveau, on maintient le retard, on ne le rattrape pas.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut au moins doubler !

M. Gérard Longuet. C'est en contradiction avec la volonté affichée du Gouvernement de donner un signal fort en matière de redémarrage de l'investissement public.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Bien sûr !

M. Gérard Longuet. Si l'on veut faire redémarrer l'investissement public, le plus simple est d'accélérer les chantiers qui sont en cours, pour lesquels des études ont été conduites, des acquisitions réalisées, mais les travaux souvent arrêtés faute de crédits de paiement.

Vous avez donc tout à fait raison, monsieur le rapporteur général, mais mon raisonnement postulait la continuation de ce qui existe. Le débat d'orientation budgétaire a le mérite d'appeler l'attention de M. le ministre délégué au budget sur le besoin de rattrapage.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Rien de tout cela ne m'a échappé !

M. Gérard Longuet. J'en suis absolument convaincu, monsieur le ministre, et c'est tout l'intérêt de ce débat qui pourrait paraître, dans d'autres circonstances, quelque peu irréaliste à cette heure de la journée. Toutefois, tous les élus présents qui ont des responsabilités et une longue pratique de l'échange républicain savent que, pour des projets importants, c'est en mettant les pieds dans les portes qu'on les empêche de se refermer. (Sourires.)

M. Adrien Gouteyron. Très bien !

M. Gérard Longuet. Quatrièmement, il existe des formes nouvelles de financement.

Monsieur le ministre, votre administration, en liaison naturellement avec les autres ministères concernés, doit explorer au plus vite certaines pistes, notamment l'eurovignette et sa déclinaison française. La vignette montagne, en particulier, qui a été envisagée par un groupe de réflexion européen, peut-elle être transposée en France ?

Il existe d'autres formes de financements innovants liés aux partenariats public-privé, mais je n'ouvrirai pas ici le débat, sinon pour dire que l'on peut intelligemment mobiliser non seulement des recettes à venir, mais surtout des recettes issues du passé, ce qui est plus original. Il s'agit de tirer parti des équipements qui existent et dont la solvabilité est insuffisamment utilisée. Toutefois, ce débat mériterait d'être approfondi non pas en séance publique, mais plutôt en commission.

Je voudrais maintenant aborder deux formes nouvelles de financement des infrastructures, à savoir la monétarisation des avantages externes du ferroviaire.

J'ai dit tout à l'heure que le ferroviaire, dans sa conception actuelle, était peu rentable. Alors que s'ouvre le marché européen des certificats de libération d'oxyde de carbone, si l'on « monétarise » l'avantage du ferroviaire en termes de CO2, ce mode de transport peut retrouver des recettes substantielles qui lui permettront d'améliorer son bilan économique.

J'ajoute que l'engagement des collectivités locales en matière de ferroviaire me paraît parfaitement légitime - et j'en parle en connaissance de cause pour ce qui concerne la région Lorraine -, car elles sont les bénéficiaires objectives de la création de lignes de transport ferroviaire en site propre. L'amélioration du foncier et de l'immobilier se traduit en effet naturellement par une remontée de la valeur de l'immobilier et donc par une augmentation des recettes des collectivités locales à travers, par exemple, la taxe d'habitation ou le foncier bâti.

Vous avez ouvert ce débat, monsieur le ministre, et je n'imagine pas que nous puissions le clore, tant les besoins en infrastructures sont considérables.

En conclusion, j'évoquerai deux questions qui sont légèrement plus polémiques.

Premièrement, l'Etat échange son patrimoine : il vend des actions de sociétés d'autoroutes - actions dont la valeur évolue à un rythme largement supérieur à celui de l'inflation et à celui de la croissance - afin de rembourser une dette qui est érodée par l'inflation et coûte moins cher en taux d'intérêt que ne rapportent en dividendes les sociétés d'autoroutes.

Cette gestion a le mérite de la clarté : le désendettement prime sur toute autre considération. Est-elle pour autant économiquement la plus équilibrée pour financer les infrastructures ? Je n'en suis pas totalement convaincu, mais je ne demande qu'à être éclairé sur le sujet.

Deuxièmement, les recettes de l'AFITF sont substantielles, voire suffisantes pour les deux années à venir. Elles présentent toutefois l'inconvénient de priver, par leur caractère précaire, l'AFITF de toute capacité d'endettement, l'empêchant d'accélérer un processus d'investissement d'infrastructures par le financement de travaux immédiats gagés par des recettes à venir certaines.

En revanche, monsieur le ministre, l'AFITF répondra avec beaucoup de bonne volonté à l'appel du Premier ministre sur la recherche de financements innovants. En la matière, en effet, notre pays a encore beaucoup de chemin à parcourir pour assurer un financement plus équilibré de ses infrastructures, pesant de façon plus équitable et sur les usagers et sur les générations futures. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au cours d'un débat long et passionnant, nous avons pu entendre un certain nombre d'observations, de propositions, de questions, de critiques également. Mais c'est la loi du genre ! Je m'efforcerai de vous apporter quelques éléments de réponse, étant entendu que, compte tenu de l'heure tardive, je ne serai peut-être pas aussi exhaustif que d'aucuns auraient pu le souhaiter.

Monsieur le président de la commission des finances, vous avez commencé votre intervention par une formule que tout ministre délégué au budget ne peut que faire sienne : « Un bon budget n'est pas un budget qui augmente. » La démarche qui consiste à respecter la norme « zéro volume » s'inscrit dans cette logique.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. A condition que les dépenses fiscales ne soient pas trop importantes !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Certes, mon rêve inavoué est de voir le montant des crédits passer sous la norme « zéro volume » : ainsi, la démonstration serait faite qu'il est possible d'avoir un même service public moins cher ou un meilleur service public au même prix. C'est vers cela qu'il nous faut nous engager. J'espère que la LOLF, à laquelle vous avez si largement contribué, nous y aidera.

Vous avez fait observer, monsieur Arthuis, que les grandes conférences annuelles étaient souvent sources de dépenses supplémentaires. La conférence annuelle sur les finances publiques que nous proposons - je crois s'ailleurs me souvenir que vous y étiez favorable - doit nous permettre de réfléchir à ce que peut être une norme globale en matière de maîtrise de la dépense publique. Je pense donc que ce serait là un moyen d'imaginer des solutions intéressantes.

Vous avez estimé que notre effort de suppression d'emplois publics était insuffisant. Mais auriez-vous été satisfait si le Gouvernement avait supprimé le même nombre d'emplois, voire légèrement plus que l'année dernière ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Non !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. En vérité, je souhaite que la démarche dans laquelle nous sommes engagés soit saluée par ceux qui pensent - c'est votre cas, comme c'est le mien - que des voies et des moyens existent pour réduire les effectifs de la fonction publique dans notre pays, selon une approche non pas quantitative, mais qualitative.

Or nous constatons que, depuis 2002, les effectifs de la fonction publique ont baissé, sur la base d'une démarche qui consiste à affecter plus de fonctionnaires dans les services où c'est nécessaire et à en affecter moins là où les besoins sont moindres. Bien entendu, au-delà, nous pouvons discuter et nous accorder sur l'endroit où placer le curseur.

En tout état de cause - et c'est un point de divergence avec l'opposition -, le concept de remplacement systématique des départs à la retraite me paraît totalement dépassé, et ce pour deux raisons. D'abord, parce qu'un fonctionnaire n'est pas le remplaçant d'un autre ; les temps ont changé ! Ensuite, parce que qu'il est des domaines dans lesquels, à l'évidence, il faut procéder à des suppressions de postes. Je l'illustrerai par un seul exemple : dans l'enseignement secondaire, le nombre d'élèves a baissé ; le Gouvernement diminue donc le nombre de postes - d'environ 2 500 - dans ce secteur.

La loi d'orientation pour l'avenir de l'école que vous avez adoptée, mesdames, messieurs les sénateurs, génère des besoins nouveaux. Son application - vous vous plaindriez qu'il n'en soit pas ainsi ! - explique que nous ne soyons pas exactement au même niveau que l'année dernière. Bien sûr, on pourrait aller bien plus loin. Mais le faire de manière brutale n'aurait pas de sens : il faudrait une véritable réforme de structure, dans chaque secteur, et que cette réforme de structure soit à la source d'économies, y compris en termes de personnels.

C'est à cela que je veux m'employer, monsieur Arthuis, et je serai heureux de le faire avec votre concours. C'est l'intérêt d'avoir rassemblé réforme de l'Etat et projet de loi de finances.

J'en viens à votre souhait d'une réforme de l'impôt qui taxe moins les facteurs de production, c'est-à-dire au débat sur la TVA sociale. Pour ma part, je suis tout à fait prêt à en discuter ; j'ai d'ailleurs exprimé le point de vue du Gouvernement dans le rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques.

Ce débat est légitime, même si, pour ma part, j'ai le sentiment qu'un certain nombre d'obstacles restent à franchir. Par exemple, je redoute, peut-être à tort, que la TVA sociale n'ait un effet négatif sur les prix. C'est pourquoi il me semble opportun que nous en reparlions en d'autres circonstances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je vous en prie, monsieur le président de la commission des finances.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, avec l'autorisation de M. le ministre délégué.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je voudrais vous libérer d'une inquiétude, monsieur le ministre : si cette réforme que nous appelons de nos voeux aboutit, elle n'aura pas d'effet sur le prix des produits et des services issus du travail en France ; seuls les produits importés subiront cet effet. J'ajoute que les produits manufacturés et les services produits en France pourront être exportés à des prix plus compétitifs.

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je maintiens ma légère réserve : notre économie n'étant malheureusement pas autosuffisante, nous avons besoin des produits importés. Or, dans cette période où nous avons tant de mal à gagner la bataille du pouvoir d'achat - même si nous avons déjà remporté quelques victoires -, je ne voudrais pas que nous nous retrouvions dans une situation où le remède serait pire que le mal.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Dans ce cas, nous en revenons au modèle français : moins cher pour moins d'emplois !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà, il faut l'assumer !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Sans doute aurons-nous l'occasion, à l'avenir, de poursuivre ce débat de manière plus approfondie.

Monsieur le rapporteur général, je veux saluer la qualité de votre rapport d'information sur le débat d'orientation budgétaire.

M. Alain Vasselle. Excellent !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous ne serons jamais trop nombreux pour réduire le poids de la dépense publique dans notre économie. La France - l'Etat devrais-je dire - vit au-dessus de ses moyens. La formule est désormais estampillée, mais elle correspond à une réalité. Dans ce domaine, nous avons, les uns et les autres, un important travail à accomplir. En effet, dans une économie ouverte, des dépenses trop élevées constituent une menace forte pour la compétitivité des entreprises et pour l'emploi.

C'est dans cet esprit que nous menons la politique du « zéro volume » et que, depuis trois ans, nous ne dépassons pas le plafond des crédits voté par le Parlement en veillant à ce qu'il ne soit pas supérieur à l'inflation. C'est également dans cet esprit qu'il nous faut prendre des décisions douloureuses, comme la mise en réserve supplémentaire de un milliard d'euros que je viens d'annoncer.

Il est toujours intéressant de constater que, dans cette assemblée, on peut tenir un discours très rigoureux et attentif à la maîtrise de la dépense et que, dans tel ou tel département, on passe des coups de téléphone pour demander avec angoisse pourquoi l'argent n'arrive pas... C'est toute la difficulté de la charge qui est la nôtre !

S'agissant des évaluations de recettes, je ne partage pas votre pessimisme, monsieur le rapporteur général. Nous verrons ce qu'il en sera dans les faits. En tout cas, je souhaite faire oeuvre de transparence. C'est la raison pour laquelle j'ai livré au Parlement les indications au fur et à mesure que j'en disposais : je fixe les aléas négatifs aux alentours de 4 % milliards d'euros. Vous constaterez que nous veillons à prendre les décisions qui s'imposent dans cette optique.

M. le président de la commission des affaires culturelles a longuement évoqué la maquette budgétaire.

S'agissant du projet de loi de programmation sur la recherche, je lui indique qu'il est en cours d'élaboration au ministère de l'éducation nationale, qu'il sera soumis à la rentrée prochaine au Conseil économique et social et déposé au Parlement avant la fin de cette année.

Pour ma part, je serai attentif à deux points. Premièrement, les moyens annoncés devront s'accompagner d'une modernisation de la recherche publique, afin qu'elle soit plus performante - je pense notamment à une structuration de l'Agence nationale de la recherche ainsi qu'à la création d'une instance d'orientation. Deuxièmement, ce projet de loi de programmation devra agir comme catalyseur de l'innovation dans les entreprises, notamment grâce à une amélioration du crédit recherche et du partenariat public-privé.

Je suis d'accord avec M. Cornu, qui s'est exprimé au nom de la commission des affaires économiques, sur les quatre priorités à assigner au budget : la recherche et l'innovation, les grandes infrastructures, le logement, la réforme de l'Etat. Tout cela se retrouve dans le budget.

Monsieur le président de la commission des affaires étrangères, vous avez eu raison de rappeler que, avec la professionnalisation, le ministère de la défense a su conduire une reforme profonde. La maquette LOLF de la défense s'inscrit dans cette perspective : elle met, par exemple, en cohérence les pouvoirs du chef d'état-major des armées et ses nouvelles attributions de responsable du programme « Préparation et emploi des forces ».

L'aide publique au développement constitue, vous l'avez rappelé, une priorité fixée par le Président de la République. Là encore, la LOLF nous permet de progresser dans la voie de la transparence et du pilotage.

Vous avez ensuite mentionné l'effort en faveur de la défense - qui mobilise beaucoup le ministre délégué au budget que je suis, comme vous le savez - et souligné à juste titre que, cette fois, les engagements ont été tenus à l'euro près. Ne mésestimons toutefois pas l'effort que cela exige sur l'ensemble du budget de l'Etat : chacun doit l'avoir à l'esprit, y compris lorsqu'il s'agit d'effectuer des recalages par rapport aux budgets civils.

M. le président de la commission des affaires sociales s'est inquiété du traitement des allégements de charges en 2006 et a énoncé cinq conditions dans lesquelles j'ai retrouvé très fidèlement les préoccupations exprimées par mes collègues de l'avenue de Ségur. Cela prouve que la communication est très bonne ! (Sourires.)

Les débats interministériels ne sont pas achevés, mais je peux néanmoins vous indiquer que le Gouvernement s'oriente vers l'affectation de recettes fiscales à la sécurité sociale en contrepartie des allégements. Il n'y aura donc pas de chevauchement entre le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce qui est une garantie de clarté.

Selon moi, cela interdit une formule de prélèvement sur recettes ou de partage d'un grand impôt national. Rappelons d'ailleurs que, au moment de l'adoption de la LOLF, le Sénat et l'Assemblée nationale avaient d'un commun accord exclu de créer des prélèvements sur recettes au profit de la sécurité sociale.

Monsieur le président de la commission des lois, je vous remercie d'avoir prévu une répartition des fonctions entre vos rapporteurs pour avis qui se rapproche le plus possible de la nouvelle maquette.

Vous avez posé trois questions précises.

Premièrement, la mission « Conseil et contrôle de l'Etat », notamment le rattachement du programme « Juridictions administratives », résulte d'un arbitrage du Premier ministre. Il faut faire en sorte que le volet performance de ce programme et les résultats obtenus par son responsable soient à la hauteur de ce traitement très privilégié. Je ne sais pas encore qui viendra présenter les crédits de cette mission, mais je ne vois pas d'obstacle à ce que cela soit le garde des sceaux.

Le fait que les juridictions judiciaires soient absentes ne signifie évidemment pas qu'elles soient moins prestigieuses. Il s'agit simplement de préserver la cohérence de la mission « Justice ».

Deuxièmement, s'agissant de la fonction publique, il sera en grande partie question du capital humain au cours du débat budgétaire : total des autorisations d'emplois en première partie, masse salariale au cours de chaque mission, etc. Les interrogations que vous avez soulevées sont évidemment essentielles.

Troisièmement, s'agissant du débat sur les recettes des collectivités territoriales, il me semble naturel que le rapporteur pour avis de la commission des lois y prenne part.

Monsieur de Montesquiou, vous avez eu raison d'évoquer les exemples emblématiques des pays étrangers et je suis toujours très attentif aux observations très pertinentes que vous faites en la matière. Je suis, moi aussi, un ardent partisan de ce que les Anglo-Saxons appellent le benchmarking, qui consiste à s'inspirer de ce que font d'autres pays - je pense au Canada ou à la Suède - pour voir dans quelle mesure nous pouvons l'adapter au nôtre.

Tous ces éléments de comparaison sont encourageants et nous confortent dans l'idée que, en termes de méthode, nous sommes sur le bon chemin avec la LOLF. Comme il est de bon ton en ce moment de ne pointer que les aspects négatifs, je crois que la LOLF démontre assez bien ce qu'il est possible de faire en la matière. En effet, certaines synergies sont extrêmement fructueuses.

Monsieur Massion, vous avez dressé un diagnostic assez sévère de la politique que nous conduisons.

M. Marc Massion. Sévère, mais juste !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ce n'est pas une surprise !

La situation d'endettement et de déficit dans laquelle se trouve notre pays s'explique tout de même pour une large part par la politique qui a été conduite pendant les années antérieures : il y a tout de même nécessairement un décalage dans le temps dans la mesure des effets de la dette et du déficit. Avoir laissé se développer les déficits jusqu'à 2,7 % du PIB en juin 2002, après quatre années de forte croissance, témoigne, reconnaissez-le, d'une erreur assez grave de gestion - c'est le moins que l'on puisse dire ! - dont nous avons dû payer le prix, d'autant que nous n'avons malheureusement pas eu, nous, la croissance que nous aurions souhaitée !

Dois-je également vous rappeler que, après les effets négatifs des 35 heures sur le pouvoir d'achat, c'est le Gouvernement qui a redonné du grain à moudre aux Français, grâce aux décisions qui ont été prises en matière de revalorisation du SMIC et de baisse de l'impôt sur le revenu, qui ont directement profité aux classes moyennes ?

Comme je vous sais, par ailleurs, très modéré dans vos analyses, j'ai été quelque peu choqué par les propos que vous avez tenus sur la politique de la ville, sujet que je suis de près, étant élu d'une ville, Meaux, très largement concernée par cette question.

Vous ne pouvez pas être aussi sévère sur cette politique. Nous avons, depuis trois ans, engagé des crédits considérables et obtenu des résultats remarquables.

Je vous invite à venir visiter Meaux. Vous pourrez constater de visu comment, grâce aux crédits de l'ANRU, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, nous avons restructuré ou démoli les ensembles inhabitables pour reconstruire des habitations à taille humaine, favorisé la mixité sociale, engagé une politique urbaine qui, évidemment, est accompagnée d'une indispensable politique de sécurité, d'une non moins indispensable politique économique, grâce aux zones franches, que la gauche avait supprimées et que nous avons rétablies.

L'ensemble cohérent et efficace ainsi créé redonne de l'espérance dans les quartiers.

Je vous assure qu'en ce domaine il y a lieu d'avoir un jugement plus objectif. Les sujets sur lesquels la gauche est très critique sont légion, mais, sur celui-là, elle gagnerait, je le dis sans ambages, à faire preuve de plus d'indulgence, voire à prononcer des éloges.

A l'inverse, j'ai été très sensible à au témoignage de soutien que nous a apporté M. Bourdin et je l'en remercie.

Nous avons, à travers les actions que nous avons conduites en ce qui concerne tant l'emploi et les fonctions régaliennes de l'Etat que la préparation de l'avenir, essayé d'insuffler un esprit de responsabilité. Nous aurons d'autres occasions d'en faire la démonstration.

Monsieur Jégou, j'ai eu beau vous écouter attentivement, j'ai eu bien du mal à déceler des mots d'encouragement dans vos propos ; peut-être se cachaient-ils entre les lignes !

Je sais qu'il est de bon ton, dans la formation politique qui est la vôtre, de toujours trouver plein de défauts à la politique que nous menons, mais je rappelle que le dernier budget voté en équilibre était celui de 1981 et que, depuis, la gauche et la droite s'étant succédé : on ne saurait donc nous faire porter la responsabilité de tous ces défauts.

Permettez-moi de rappeler notamment que nous avons accompli quelques efforts pour enrayer la croissance de la dette publique.

M. Jean-Jacques Jégou. Et pourtant, elle monte !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je les ai évoqués à la tribune, mais je citerai à nouveau l'affectation de 650 millions d'euros supplémentaires à l'allégement de la charge annuelle de la dette et notre décision de consacrer la totalité des plus-values de recettes fiscales de 2004 au désendettement : autant de mesures qui, après tout, n'étaient pas forcément faciles à prendre dans le contexte actuel.

Vous avez appelé de vos voeux un effort plus ambitieux en matière de réduction du format de la fonction publique et fait une démonstration implacable. J'ai donc fait appel à ma mémoire des chiffres, qui est bonne, ainsi qu'à la compétence des collaborateurs qui m'entourent, pour voir ce qu'il en était dans le passé.

Vous savez que les grandes réserves des effectifs de la fonction publique se trouvent dans l'éducation nationale. Or, quand on y regarde de près, on s'aperçoit que jamais les effectifs de l'éducation nationale n'ont été autant en diminution pour la quatrième année consécutive.

Je me bornerai à une seule comparaison ; vous avez été très cruel pendant longtemps, mais je ne le serai, moi, que très brièvement, sur le sujet précis des effectifs de l'éducation nationale.

De 1993 à 1997,...

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Mauvaise pioche, n'est-ce pas, monsieur le sénateur !

De 1993 à 1997, donc, 30 000 postes ont été créés dans l'éducation nationale.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Tous les ministres ont mené la même politique !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Eh bien non, parce que, entre 2002 et 2006, 4 000 postes ont été supprimés. D'un côté, création de 30 000 postes, de l'autre, suppression de 4 000, nous pouvons au moins constater cela !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il est vrai que c'est en progrès, il faut le reconnaître !

M. Jean-Jacques Jégou. On pourrait aussi parler de la population scolaire, qui n'était pas la même !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je ne suis pas certain qu'en vous aventurant sur ce thème vous seriez forcément gagnant du point de vue de l'arithmétique ! Pour le reste, vous savez l'amitié que j'ai pour vous.

M. Jean-Jacques Jégou. Vous me l'avez témoignée !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. M. Colin s'est demandé comment on pouvait redresser les comptes publics sans casser la croissance.

Pour moi, une chose est claire : il n'y a pas de lien entre le niveau des dépenses publiques et la croissance économique. Si c'était le cas, l'Europe aurait une croissance plus forte que les Etats-Unis et la Chine.

Autant dire que, sur ces sujets, il y a fort à méditer.

En ce qui concerne le nécessaire renforcement de l'Eurogroupe, il y a effectivement beaucoup à faire. L'évolution récente nous donne certes à penser que nous avons quelques raisons d'espérer, mais la route est encore longue, chacun dans cet hémicycle pourra en convenir.

Monsieur Moreigne, le Gouvernement s'était engagé à faire un rapport sur la réforme de la DGF des départements ; ce rapport a été établi et sera communiqué dans les semaines qui viennent.

La compensation des transferts de compétences se fait sur la base des évaluations de la commission d'évaluation des charges, à l'euro près. Nous en avons fait la démonstration encore récemment sur le RMI, en débloquant 450 millions d'euros, ce qui témoigne de notre volonté de « mettre de l'huile dans les rouages ». Cette mesure n'a pas vocation à être pérenne, mais correspond très exactement, à l'euro près, aux dépenses qui sont engagées.

Pour ce qui est de la ventilation des dépenses des collectivités locales, il faut bien distinguer entre régions, départements et communes : cela permet d'appréhender, par exemple, ce qui est fait dans les « régions de gauche », comme vous dites, de savoir qui signera les conventions de transfert des personnels TOS, comment tout cela se mettra en place, et ce qu'il en est des augmentations d'impôts locaux. Un tel examen est toujours très instructif.

Enfin, monsieur Longuet, vous avez fait un exposé tout à fait passionnant de la vision qui est la vôtre de l'AFITF, cette nouvelle agence que vous présidez et dont nous attendons beaucoup, les uns et les autres.

Je tiens, sur ce point, sans pouvoir être exhaustif, à vous apporter quelques éléments de réponse.

Le financement annuel de l'AFITF est assuré, en 2005, par une dotation en capital de 200 millions d'euros, les dividendes des sociétés d'autoroutes et les redevances domaniales, pour un total supérieur à 600 millions d'euros. Les dividendes sont soumis aux aléas des résultats des sociétés d'autoroutes. Vous dites qu'ils ont vocation à croître, mais, en réalité, l'aléa existe.

Le financement des investissements publics d'infrastructures doit d'abord pouvoir s'appuyer sur des ressources pérennes. C'est pourquoi les dividendes des sociétés d'autoroutes, par essence aléatoires, seront remplacés par des ressources nettement supérieures et plus sûres, à savoir le produit de la taxe sur les concessionnaires d'autoroutes et une fraction du produit des « amendes radar », autant d'éléments qui assurent une certaine pérennité.

Je connais votre sentiment sur les radars : comme tout le monde, vous souhaitez voir baisser le nombre des excès de vitesse, et donc le produit des amendes résultant de l'utilisation des radars. Toutefois, rien ne nous empêche de faire jouer le pourcentage du produit affecté à l'AFITF pour faire en sorte qu'il soit maintenu en volume au niveau souhaité.

Enfin, la taxe d'aménagement du territoire, qui permet de récolter 510 millions d'euros, représente donc pour l'AFITF une ressource très supérieure aux dividendes des sociétés d'autoroute, qui atteignent, en 2005, 326 millions d'euros.

Par ailleurs, nous avons proposé d'ajouter à ce nouveau mode de financement une partie des ressources exceptionnelles dégagées grâce à la cession de participations dans les sociétés d'autoroutes.

Au total, les ressources disponibles pour l'AFITF devraient s'élever à près de 2 milliards d'euros pour 2006 et pour 2007. Le produit est lancé.

Nous aurons d'autres débats sur ce sujet. Je veux, en tout cas, vous réaffirmer solennellement que le Gouvernement tiendra son engagement vis-à-vis de cette agence. Il y croit, car il s'agit là d'un outil majeur de développement pour l'Etat.

Vous qui êtes si averti de ces questions, monsieur le sénateur, pouvez mesurer quelle vigilance cet engagement exige de votre part et quelle capacité de réponse s'impose en ce qui nous concerne. Nous serons présents au rendez-vous, ce qui est tout à fait légitime. Vous devez être un président d'agence heureux. C'est à nous de veiller à ce que vous puissiez accomplir vos missions dans les meilleures conditions. Vous savez qu'à titre personnel, je ne veux que votre bonheur : il n'y a donc aucune raison pour que les choses se passent mal. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous voici au terme de notre débat d'orientation budgétaire pour l'année 2006.

Monsieur le ministre délégué, je tiens à vous remercier de la bonne grâce que vous avez manifestée tout au long de cet après-midi et de la qualité des réponses que vous venez d'apporter.

Ce débat a été riche, sans concession ni complaisance : de ce point de vue, nous allons dans la bonne direction.

Si, en effet, nous voulons que les débats parlementaires aient une véritable valeur ajoutée, il faut qu'entre nous les échanges soient fondés sur une exigence de vérité. Ce n'est pas maltraiter le Gouvernement que l'on soutient que de lui prescrire un certain nombre d'orientations. Nous savons bien que tous les propos lénifiants et convenus sont plutôt de nature à inquiéter nos concitoyens.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L'angoisse leur vient lorsqu'ils ont le sentiment que nos discours sont à l'écart de la réalité qu'ils vivent au quotidien.

Je me réjouis de la qualité de ce débat et je salue tous les présidents des commissions permanentes qui, pour la première fois, ont tenu à y prendre part. C'est de bon augure pour la prochaine discussion budgétaire, qui répondra au nouveau format « lolfien ».

Je tiens à apporter une réponse précise à Jean-Jacques Hyest, qui m'a interrogé sur le débat qui précédera le vote de l'article d'équilibre.

Je rappelle que, aux termes de l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances, « dans la première partie, la loi de finances de l'année », outre qu'elle comporte des dispositions diverses, « fixe les plafonds des dépenses du budget général et de chaque budget annexe, les plafonds des charges de chaque catégorie de comptes spéciaux ainsi que les plafonds d'autorisation des emplois rémunérés par l'Etat ».

Voilà qui, à mon avis, justifiera que je propose à la conférence des présidents, dont vous faites partie, mon cher collègue, l'organisation d'un débat préalable au vote de l'article d'équilibre sur les emplois au sein de l'Etat.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. M. Gérard Longuet a longuement évoqué l'AFITF. Je ne cache pas qu'elle est vraiment en lisière de la philosophie et des modalités de la LOLF. Nous aurons sans doute besoin d'y revenir en nous interrogeant sur sa singularité et la nécessité de la pérenniser.

Elle était l'enfant d'un compromis. Il avait même été imaginé que l'AFITF pût devenir l'actionnaire des autoroutes pour mettre en pleine cohérence le conseil d'administration qui s'est constitué et l'action que mène ce dernier, qui pourra décider d'endetter l'AFITF, c'est-à-dire d'endetter l'Etat.

Je souhaite que nous puissions avoir l'occasion de revenir sur le statut de l'AFITF, sur son mode de fonctionnement, en intégrant la donnée nouvelle que constitue la cession des titres des sociétés autoroutières.

Une fois encore, je tiens, mes chers collègues, à vous remercier de la qualité de ce débat, qui, je l'espère, aidera le Gouvernement à préparer allègrement le projet de loi de finances pour 2006, ce qui - nous le savons tous - ne sera pas un exercice commode. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je tiens, en quelques mots, à répondre à M. le président de la commission des finances : sur ces sujets, je suis très ouvert aux critiques, aux suggestions et aux propositions, à condition que l'analyse qui les fonde soit juste.

Nous sommes, les uns et les autres, dans des situations complexes. Le processus de décision politique, au sens noble du terme, exige que chacun prenne la mesure de son rôle et, bien entendu, que les contributions apportées permettent d'arrêter les meilleures décisions à prendre au service des Français.

Je ne demande donc qu'une chose : que toutes ces questions soient vues de manière juste.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et que chacun soit dans son rôle !

M. le président. Je constate que le débat est clos.

Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le n° 462 et distribuée.