compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Art. 5 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales
Art. 5 ter

Traitement de la récidive des infractions pénales

Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative au traitement de la récidive des infractions pénales (nos 23,30).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 5 ter.

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales
Art. 5 quater

Article 5 ter

L'article 729 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° La dernière phrase du deuxième alinéa est complétée par les mots : « ou, si le condamné est en état de récidive légale, vingt années » ;

2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Pour les condamnés à la réclusion à perpétuité, le temps d'épreuve est de dix-huit années ; il est de vingt-deux années si le condamné est en état de récidive légale. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 56 est présenté par MM. Badinter,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Peyronnet et  Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 97 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat,  Mathon,  Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 56.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'article 5 ter tend à modifier l'article 729 du code de procédure pénale relatif à la libération conditionnelle, en allongeant le délai maximal d'épreuve pendant lequel il ne peut être accordé de mesures d'aménagement de la peine. Ce délai serait porté de quinze à vingt ans pour les récidivistes condamnés à une peine à temps, de quinze à dix-huit ans pour les condamnés à perpétuité non récidivistes, et de quinze à vingt-deux ans pour les récidivistes.

Comment peut-on vouloir privilégier l'accompagnement du détenu en vue de sa réinsertion et durcir les conditions d'obtention d'une libération conditionnelle, dont l'utilité sociale a été soulignée par la mission d'information sur la récidive ? Soit nous nous donnons les moyens d'améliorer l'accompagnement des détenus en préparant leur sortie de prison, soit nous nous enfonçons dans le tout-carcéral, avec le risque de désocialiser irrémédiablement ces détenus.

Pour notre part, nous choisissons la première solution. En aucun cas, l'allongement de la durée d'emprisonnement nécessaire pour obtenir une libération conditionnelle ne peut avoir un effet dissuasif sur un individu comme Michel Fourniret. En revanche, pour beaucoup d'autres, l'adoption de cette mesure aurait des conséquences catastrophiques.

En conséquence, nous vous demandons instamment, mes chers collègues, de supprimer cet article.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 97.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements nos 97 et 98.

Je vais aller dans le même sens que mon collègue Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avons eu hier la démonstration de l'incompréhension qui règne entre le Gouvernement et nous, mais, malgré tout, je vais continuer à défendre certains principes.

Les récidivistes sont condamnés à des peines évidemment plus lourdes que les primo-délinquants, avec un temps d'épreuve pouvant aller jusqu'à quinze ans. Il faut quand même se rendre compte de ce que cela signifie ! Rendre quasiment impossible les libérations conditionnelles n'a aucun effet dissuasif, alors qu'elles sont un réel moyen de réinsertion. Il ne faudrait donc pas trop exagérer, comme c'est le cas des articles 5 ter et 5 quater.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements. En effet, le régime actuel du temps d'épreuve, ou, en d'autres termes, de la durée d'incarcération exigée pour demander à bénéficier de la libération conditionnelle, ne nous paraît vraiment pas satisfaisant.

Le plafond du temps d'épreuve actuellement fixé à quinze ans affaiblit la condition selon laquelle un condamné récidiviste doit avoir accompli les deux tiers de la peine pour bénéficier d'une libération conditionnelle.

En l'état actuel du droit, le régime spécifique applicable aux récidivistes ne concerne que les peines inférieures à vingt-trois ans et demi de réclusion et non les peines supérieures, ce qui ne paraît pas conforme au principe de l'échelle des sanctions.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. M. Dreyfus-Schmidt a omis de se souvenir du fait que, voilà quelques années, nous avons augmenté la durée des peines et créé une peine de trente ans, tout en gardant le même temps d'épreuve.

Aujourd'hui, la situation est la suivante : que vous soyez condamné à vingt ans ou trente ans de prison ou à la réclusion à perpétuité, le temps d'épreuve, c'est-à-dire le temps minimal passé en prison, reste de quinze ans. Pour autant, en cas de réclusion à perpétuité, la peine de sûreté n'est pas de quinze ans, mais de dix-huit ans.

Cet article de coordination permet donc, dans le cas de la réclusion à perpétuité, d'aligner le temps d'épreuve sur la durée de la peine de sûreté, soit dix-huit ans. Il s'agit réellement d'une mesure de coordination, et non d'une aggravation de peine.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. On nous parle d'une simple coordination ou harmonisation. Mais le problème se situe bien au delà.

Tout d'abord, il faut prendre en considération la nécessité, après une période de sûreté suffisante, de préparer la sortie de prison. Nous oublions toujours que ces condamnés, en tout cas on peut l'espérer, ne mourront pas en prison. Dans ces conditions, la phase consécutive à la période de sûreté est essentielle pour prévenir la récidive. Accroître cette période de sûreté, au nom d'une coordination dont j'avoue mal comprendre la finalité, me paraît contraire à l'objectif que nous poursuivons, à savoir une réinsertion qui prévienne la récidive. Je comprends donc parfaitement l'inspiration des deux amendements tendant à la suppression de l'article 5 ter.

Par ailleurs, sauf erreur de ma part, nous nous trouvons dans un domaine dans lequel le Conseil constitutionnel a été amené à statuer : toute extension de la période de sûreté apparaîtrait comme une modification de la pénalité. Par conséquent, le principe de non-rétroactivité s'applique dans ce cas : la mesure envisagée ne pourrait prendre effet que pour les condamnations à venir, mais ne pourrait pas modifier le régime des condamnations actuelles.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 56 et 97.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5 ter.

(L'article 5 ter est adopté.)

Art. 5 ter
Dossier législatif : proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales
Art. 6 bis

Article 5 quater

Le dernier alinéa de l'article 729-3 du code de procédure pénale est complété par les mots : « ou pour une infraction commise en état de récidive légale ».

M. le président. L'amendement n° 98, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat,  Mathon,  Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la disposition excluant le récidiviste du bénéfice des dispositions de l'article 729-3 du code de procédure pénale, cet article tendant à permettre la libération conditionnelle à l'issue d'un délai de quatre ans des condamnés exerçant l'autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans.

La commission ne partage pas votre point de vue, madame Borvo, et émet donc un avis défavorable sur cet amendement. En effet, la disposition proposée dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale nous semble bonne.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'article 729-3 du code de procédure pénale issu de la loi du 15 juin 2000 votée à l'unanimité par le Sénat dispose : « La libération conditionnelle peut être accordée pour tout condamné à une peine privative de liberté inférieure ou égale à quatre ans, ou pour laquelle la durée de la peine restant à subir est inférieure ou égale à quatre ans, lorsque ce condamné exerce l'autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans ayant chez ce parent sa résidence habituelle.

« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux personnes condamnées pour un crime ou pour un délit commis sur un mineur. »

Pourquoi faudrait-il exclure du bénéfice de ces dispositions les personnes condamnées pour une infraction commise en état de récidive légale ?

Dans les cas prévus par cet article, il ne s'agit pas de grande criminalité ! Si l'enfant n'a que dix ans, il y a tout lieu de penser que la personne qui exerce l'autorité parentale n'a pas pu être condamnée à une peine privative de liberté de trente ans ! Quelle raison y aurait-il donc à l'exclure de cette disposition ?

Je ne doute pas que tous les membres de la majorité ici présents soient des spécialistes du droit pénal ! Ayant, bien entendu, les textes de loi sous les yeux, ils suivent nos débats avec assiduité ! Si, par hasard, ils n'avaient pas compris de quoi nous parlons, ils se garderaient certainement de participer au vote ! C'est, en tout cas, la moindre des choses qu'on puisse exiger d'eux ! Je leur demande donc, comme à tous nos collègues, de bien vouloir adopter l'amendement n° 98. Le groupe socialiste s'apprêtait, pour sa part, à voter contre l'article 5 quater -  ce qui revenait au même - car il n'existe, je le répète, aucune raison de modifier cet article du code pénal !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, je tiens à protester contre les propos de M. Dreyfus-Schmidt. En effet, il est indécent de dire à des parlementaires qu'ils ne sont pas compétents. !

M. Alain Gournac. C'est incroyable !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tous, ici, quelle que soit la travée sur laquelle ils siègent, ont parfaite compétence pour suivre les débats et participer aux votes. Il n'est pas nécessaire pour cela d'être un spécialiste !

Votre remarque, monsieur Dreyfus-Schmidt, était de trop !

M. Alain Gournac. Exactement !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La façon dont les parlementaires ont été traités hier l'explique peut-être !

M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir rester calmes !

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. En parlant très calmement, monsieur le président, il n'est pas interdit de dire des choses évidentes.

Si M. Hyest connaît, bien sûr, le texte dont nous discutons, en revanche, tel ou tel de nos collègues pénétrant dans l'hémicycle sans avoir sous les yeux les amendements et les textes en vigueur, ne sera pas « dans le coup ». J'ai parfaitement le droit de le dire et de le redire, en faisant appel à leur conscience.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est trop facile, monsieur Hyest, de dramatiser et de faire de la démagogie !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est vous qui en faites ! Cela suffit !

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, ne proférez pas d'injures personnelles !

Je mets aux voix l'amendement n° 98.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5 quater.

(L'article 5 quater est adopté.)

Art. 5 quater
Dossier législatif : proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales
Art. additionnel avant l'art. 6 ter

Article 6 bis

Le dernier alinéa de l'article 132-19 du code pénal est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Toutefois, il n'y a pas lieu à motivation spéciale lorsque la personne est en état de récidive légale. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 57 est présenté par MM. Badinter,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Peyronnet et  Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 99 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat,  Mathon,  Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Robert Badinter, pour présenter l'amendement n° 57.

M. Robert Badinter. Pour ma part, j'estime que tous les parlementaires sont compétents, même si leur degré de compétence peut varier selon les domaines.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ces messieurs savent tout !

M. Robert Badinter. Je confesse ma compétence très relative s'agissant du code de l'urbanisme ! En disant cela, je me trouve même un peu complaisant envers moi-même ! (Sourires.)

MM. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et Pascal Clément, garde des sceaux. On ne vous croit pas !

M. Robert Badinter. J'en reviens au code pénal et à l'amendement n° 57, qui vise en fait à rétablir une disposition qui est à mes yeux d'une grande importance.

Pourquoi le Parlement a-t-il souhaité imposer une « motivation spéciale » dès l'instant où une peine d'emprisonnement ferme est prononcée ? Je me souviens fort bien du souci qui l'animait pour avoir présidé pendant plusieurs années la commission qui avait pour mission de préparer le projet de nouveau code pénal. Il ne s'agissait pas simplement de répondre à l'exigence selon laquelle toute décision prononçant une peine doit être motivée, bien que cette exigence constitue un principe judiciaire constant ayant fait l'objet de décisions de la Cour européenne des droits de l'homme.

Pourquoi donc l'article 132-19 du code pénal dispose-t-il : « En matière correctionnelle, la juridiction ne peut prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine » ? C'est parce que les courtes peines d'emprisonnement ferme se déroulent dans les maisons d'arrêt, ce qui est le plus souvent à l'origine de la récidive.

En effet, dans ces maisons d'arrêt, une personne condamnée à une peine d'un an d'emprisonnement, pour une infraction qui n'est pas nécessairement grave, se trouvera immédiatement mêlée à la population des prévenus, à ceux qui sont en détention provisoire pour des crimes graves, voire aux « vieux chevaux sur le retour » de passage au Centre national d'observation à Fresnes. Or c'est là que se forge la récidive du lendemain pour les plus jeunes ou les délinquants primaires !

Au moment de la préparation du nouveau code pénal, nous avions donc tenu à ce que le juge, avant d'envoyer un prévenu en prison, motive sa décision, non seulement pour témoigner de sa réflexion, mais aussi pour expliquer au condamné les raisons de sa condamnation et de sa peine d'emprisonnement.

S'agissant des récidivistes, il n'y a donc pas lieu de supprimer une telle disposition, qui est extrêmement importante. Il faut même impérativement la conserver.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 99.

Mme Josiane Mathon. L'article 6 bis tend à supprimer la motivation spéciale lorsque le juge prononce une peine d'emprisonnement pour une infraction commise en état de récidive légale.

Selon l'article 485 du code de procédure pénale, « tout jugement doit contenir des motifs et un dispositif.

« Les motifs constituent la base de la décision.

« Le dispositif énonce les infractions dont les personnes citées sont déclarées coupables ou responsables ainsi que la peine, les textes de loi appliqués, et les condamnations civiles. »

Selon l'article 593 du même code, « les arrêts de la chambre de l'instruction, ainsi que les arrêts et jugements en dernier ressort sont déclarés nuls s'ils ne contiennent pas des motifs ou si leurs motifs sont insuffisants et ne permettent pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle et de reconnaître si la loi a été respectée dans le dispositif. »

La décision de la juridiction de jugement ne peut pas non plus se borner à la reproduction des termes du texte d'incrimination, sans aucune précision sur les faits matériels constatés qui en justifient l'application, comme cela a été reconnu à de multiples reprises par la chambre criminelle de la Cour de cassation.

Pour garantir les droits de la défense, les motifs de la décision sont essentiels, car ils serviront de fondement à un éventuel recours.

Par ailleurs, la multiplication des procédures de jugement accélérées favorise une érosion progressive des garanties procédurales. Pourtant, elle ne devrait pas avoir pour effet de restreindre encore davantage les droits fondamentaux des justiciables.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. De façon qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, je précise qu'il est prévu de supprimer non pas la motivation du jugement, mais la motivation de la peine d'emprisonnement.

Selon la commission, et contrairement à ce qu'affirment les auteurs de ces deux amendements, rien ne justifie que la juridiction soit obligée d'expliciter les raisons qui l'ont conduite à prononcer une peine d'emprisonnement contre un prévenu qui a déjà été condamné pour des faits similaires et qui, malgré cet avertissement, a récidivé.

La commission a donc émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 57 et 99.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Afin d'appuyer les propos de M. le rapporteur, j'apporterai un nouvel argument en faveur de l'article 6 bis.

Il ne s'agit que de consacrer la jurisprudence de la Cour de cassation. (M. Dreyfus-Schmidt proteste.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Voilà un argument supplémentaire !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. En effet, selon la Cour de cassation, la constatation que le prévenu est en état de récidive constitue une motivation suffisante au cas où une peine d'emprisonnement ferme est prononcée.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le garde des sceaux, je souhaite vous rappeler le premier alinéa de l'article 132-19 du code pénal, dont vous ne nous proposez pas la suppression : « Lorsqu'une infraction est punie d'une peine d'emprisonnement, la juridiction peut prononcer une peine d'emprisonnement pour une durée inférieure à celle qui est encourue. »

Tout d'abord, cet alinéa est en contradiction complète avec ce que vous proposez pour les récidivistes, pour lesquels la durée de la peine ne pourrait pas être modifiée.

Ensuite, en matière correctionnelle, une erreur peut être commise s'agissant de la récidive ! La juridiction peut en effet estimer qu'il y a récidive, alors que, en fait ou en droit, pour telle ou telle raison, il n'y aurait pas récidive ! C'est donc une raison supplémentaire d'imposer à la juridiction de motiver sa décision.

Enfin, l'intéressé, qui était en première instance, peut faire appel. Il est alors intéressant que lui-même et la cour d'appel sachent pourquoi une peine de prison ferme a été prononcée.

Par ailleurs, vous vous référez, monsieur le garde des sceaux, à la jurisprudence de la Cour de cassation. Mais à quoi faites-vous référence ? A un rapport ? A un arrêt ? Vos explications ne nous suffisent pas ! En effet, je n'imagine pas que la Cour de cassation affirme le contraire de ce qui est écrit dans le code pénal !

Je vous demande donc très fermement, mes chers collègues, d'adopter ces amendements identiques.

Cela dit, je souhaite revenir sur les propos que nous avons échangés tout à l'heure.

Un parlementaire est compétent sur tout, à condition qu'il connaisse le dossier et qu'il ait sous les yeux les textes en discussion et les textes en vigueur.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous travaillons aussi en amont de la séance publique, monsieur Dreyfus-Schmidt !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oui, il faut que le parlementaire travaille avant la séance ! Or il arrive qu'un certain nombre de nos collègues, vous le savez parfaitement, monsieur Hyest, viennent dans l'hémicycle uniquement parce qu'ils sont de service (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.) sans avoir consulté le dossier ! En l'occurrence, ils ont d'autant plus d'excuses que le rapport a été distribué la veille du week-end et que les amendements n'ont été connus qu'hier matin.

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Il patauge !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il s'enferre !

M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, ne provoquez pas notre assemblée ! Je crois que chaque parlementaire travaille en conscience.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mes chers collègues - je m'adresse plus particulièrement à ceux d'entre vous qui n'ont pas participé aux débats d'hier -, cette proposition de loi a pour objet de lutter contre la récidive, comme le garde des sceaux, le rapporteur et le président de la commission nous l'ont dit et répété.

Pouvez-vous donc m'expliquer en quoi la suppression des dispositions qui prévoient que la juridiction ne puisse prononcer une peine d'emprisonnement qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine va prévenir la récidive ? Votre réponse m'intéresse fort.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 57 et 99.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6 bis.

(L'article 6 bis est adopté.)

Art. 6 bis
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Art. 6 ter

Article additionnel avant l'article 6 ter

M. le président. L'amendement n° 83, présenté par M. Détraigne, est ainsi libellé :

Avant l'article 6 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

A la fin du premier alinéa de l'article 132-23 du code pénal, les mots: « la semi-liberté et la libération conditionnelle » sont remplacés par les mots : « la semi-liberté, la libération conditionnelle et le décret de grâce ».

La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Cet amendement vise à prévoir que la durée des périodes de sûreté ne pourra pas être réduite par un décret de grâce présidentielle pour les personnes condamnées à une peine privative de liberté non assortie de sursis et dont la durée est égale ou supérieure à dix ans.

Je suis bien conscient que cet amendement pose un problème de constitutionnalité puisque le Président de la République tient directement le droit de grâce de la Constitution - de son article 17 plus précisément, si je me souviens bien de ce que j'ai appris - et qu'il paraît donc impossible d'aménager ce droit.

Cela dit, mes chers collègues, je souhaitais attirer votre attention sur cette question. Au demeurant, le problème ne se pose pas quand le Président de la République gracie une personne en particulier, puisqu'il y a eu un examen au fond du dossier individuel de la personne concernée. Néanmoins, aussi surprenant que cela puisse nous paraître, il existe encore des décrets de grâce collective, qui « frappent », si je puis dire, aveuglément ! Ces derniers pourraient avoir un effet contraire à la volonté politique qui s'exprime dans la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui.

En tout cas un problème existe ; c'est pourquoi j'ai déposé cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Nous pouvons comprendre la préoccupation qui sous-tend cet amendement. Néanmoins, je suis obligé de rappeler que les grâces présidentielles relèvent des prérogatives constitutionnelles du Chef de l'Etat. En tant que législateurs, nous n'avons aucune compétence pour les limiter.

Je suggère donc à M. Détraigne de bien vouloir retirer son amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je sais que M. Détraigne n'imagine pas un seul instant qu'une simple loi puisse modifier la Constitution. Il a lancé le débat ; c'est son droit. Il peut maintenant retirer son amendement ; c'est aussi son droit ! (Sourires.)

M. le président. Monsieur Détraigne, l'amendement n° 83 est-il maintenu ?

M. Yves Détraigne. Je viens de le dire : je suis conscient du caractère excessif de cet amendement. L'adopter reviendrait à nous octroyer un pouvoir dont nous ne disposons pas.

Je le retire donc. Toutefois, il ne m'a pas semblé inutile qu'à l'occasion de ce débat sur la récidive la représentation nationale manifeste son inquiétude quant à l'utilisation peut-être un peu trop hâtive du droit de grâce.

M. le président. L'amendement n° 83 est retiré.

Art. additionnel avant l'art. 6 ter
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Art. 6 quater

Article 6 ter

Dans la dernière phrase des deuxième et troisième alinéas de l'article 132-23 du code pénal, les mots : « vingt-deux ans » sont remplacés par les mots : « vingt-cinq ans ».

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 13 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.

L'amendement n° 58 est présenté par MM. Badinter,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Peyronnet et  Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 100 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat,  Mathon,  Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 13.

M. François Zocchetto, rapporteur. Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, est relatif à la période de sûreté.

L'expiration de la période de sûreté a, je le rappelle, pour seul effet de permettre au condamné de demander à bénéficier de certaines mesures d'aménagement de la peine. Il ne s'agit que d'une faculté : le condamné ne peut revendiquer quoi que ce soit. Les juridictions n'ont pas à statuer automatiquement et elles peuvent - cela arrive même très souvent - maintenir l'intéressé en détention.

Par ailleurs, la période de sûreté peut correspondre à la durée totale de la condamnation, si la cour d'assises prononce la réclusion criminelle à perpétuité pour le meurtre ou l'assassinat d'un mineur de quinze ans, précédé ou accompagné de viol ou de tortures et d'actes de barbarie.

Compte tenu de ces observations, la commission des lois vous propose, mes chers collègues, d'en rester à la législation actuelle et de maintenir la durée de la période de sûreté à vingt-deux ans.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l'amendement n° 58.

M. Pierre-Yves Collombat. Comme vient de l'expliquer M. le rapporteur, la faculté de demander n'est pas l'assurance d'obtenir gain de cause. En outre, le code pénal prévoit déjà des mesures extrêmement restrictives pour les crimes les plus graves.

C'est pourquoi le groupe socialiste souhaite également en rester à la législation en vigueur.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 100.

Mme Josiane Mathon. Cet article trahit une fois encore l'obsession du Gouvernement en matière de durcissement de la législation pénale. Il ne peut s'empêcher de focaliser la lutte contre la récidive sur l'emprisonnement.

L'allongement de la période de sûreté est absolument inutile, sauf à considérer que les prisons ne sont pas surpeuplées !

Je rappelle que, pour le délégué national de l'Observatoire international des prisons, M. Patrick Marest, la dégradation de la situation dans les prisons est le fruit de choix politiques. Cet article illustre de façon éclatante un choix politique en faveur de l'emprisonnement à tout prix.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Je précise, à l'attention de mes collègues, que cette disposition a été introduite dans le texte sur l'initiative non pas du Gouvernement, mais de M. le député Georges Fenech.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il a aussi ses contradictions !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Il est vrai que l'Assemblée nationale a décidé de porter de vingt-deux ans à vingt-cinq ans la durée de la période de sûreté pour les récidivistes, sur avis favorable du Gouvernement. Je continue à être favorable à cette disposition.

En effet, j'observe, tout d'abord, que cette durée ne constituera qu'un maximum et pourra être décidée en cas de condamnation à la peine de trente ans de réclusion. Cela permettra d'éviter que la cour d'assises, désireuse de prononcer une période de sûreté de plus de vingt-deux ans, ne soit conduite pour ce faire à prononcer la réclusion criminelle à perpétuité.

Ensuite, le condamné pourra toujours, en application de l'article 724-4 du code de procédure pénale, demander au tribunal de l'application des peines de réduire la période de sûreté de vingt-cinq ans ou d'y mettre fin. La période de sûreté ne signifie donc nullement la disparition de tout espoir de réinsertion. Elle marque simplement la ferme volonté de l'institution de protéger la société.

Enfin, la période de sûreté de vingt-cinq ans ne pourra s'appliquer que pour des crimes commis après la promulgation de cette loi.

Pour toutes ces raisons, je ne suis pas favorable à ces amendements identiques de suppression.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. le rapporteur nous a rappelé que le Gouvernement n'était pas à l'initiative de l'article 6 ter. Or cet article ne figurait pas non plus dans le texte d'origine dont M. Pascal Clément - il n'était pas garde des sceaux à l'époque, mais député - était l'un des auteurs.

Aujourd'hui, M. le garde des sceaux précise, à juste titre, que cette mesure ne s'adressera pas aux condamnés qui ont déjà perpétré leur crime. Elle concernera uniquement ceux qui commettront un crime après la promulgation de cette loi et à l'expiration de leur peine, c'est-à-dire dans dix-sept ans ou dix-huit ans.

Dans ces conditions, une telle disposition est-elle nécessaire ? Monsieur le garde des sceaux, vous défiez-vous du texte que vous êtes en train de faire voter au point de penser que, dans dix-huit ans, la situation de la récidive sera identique à celle que nous connaissons aujourd'hui ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le moins que l'on puisse dire, c'est que, sur le plan des principes comme sur celui de la réalité, voter une telle disposition ne serait pas bien légiférer.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. M. le rapporteur nous apprend que c'est notre collègue député Georges Fenech qui est à l'origine de l'article 6 ter. Cela n'est qu'une contradiction de plus entre l'auteur du rapport et le député qui a voté le texte !

Qu'il s'agisse de la qualification du placement sous surveillance électronique mobile - il refuse que ce soit une mesure de sûreté -, du consentement - obligatoire dans le rapport, mais qui ne l'est plus dans la loi -, du type de personnalité qui est le mieux concerné par le placement sous surveillance électronique mobile ou encore de la durée de la période de sûreté, M. Georges Fenech a voté des dispositions qui sont en contradiction avec les conclusions de son rapport. Il n'est plus à une près !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13, 58 et 100.

(Les amendements sont adoptés à l'unanimité.)

M. le président. L'article 6 ter est supprimé.

Art. 6 ter
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Art. 7

Article 6 quater

I. - Dans le troisième alinéa de l'article 398 du code de procédure pénale, les mots : « sauf si la peine encourue, compte tenu de l'état de récidive légale du prévenu, est supérieure à cinq ans d'emprisonnement » sont supprimés.

II. - L'article 398-2 du même code est ainsi modifié :

1° Dans la première phrase du dernier alinéa, les mots : « si la complexité des faits le justifie » sont remplacés par les mots : « si ce renvoi lui paraît justifié en raison de la complexité des faits ou, au regard notamment des dispositions du dernier alinéa, en raison de l'importance de la peine susceptible d'être prononcée » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le tribunal correctionnel siégeant dans sa composition prévue par le troisième alinéa de l'article 398 ne peut prononcer une peine d'emprisonnement ferme d'une durée supérieure à cinq ans. »

M. le président. L'amendement n° 59, présenté par MM. Badinter,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Peyronnet et  Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les délits relevant de la compétence du juge unique en matière correctionnelle sont punis soit d'une peine d'amende, soit d'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans. Or, nous le savons depuis longtemps, il y a plus dans trois têtes que dans une seule, et une bonne justice exige en général la collégialité.

Le juge unique n'est pas une nouveauté : c'était hier le juge de paix, c'est encore aujourd'hui le juge d'instance. En revanche, pour le tribunal correctionnel, comme pour le tribunal civil, jadis, la collégialité était la règle.

Comme il faut aller très vite et que les moyens manquent, on s'en est remis de plus en plus au juge unique tout en limitant les condamnations qu'il peut prononcer à des peines inférieures à cinq ans d'emprisonnement. Un homme seul ne peut prononcer de condamnations trop importantes : cinq ans, ce n'est déjà pas si mal !

En 1999, cette compétence a été modifiée : le juge unique n'est plus compétent pour les délits commis en état de récidive légale, puisque, du fait de la récidive, ils sont passibles d'une double peine et donc d'un emprisonnement supérieur à cinq ans.

Aujourd'hui, l'article 6 quater prévoit, pour des raisons de facilité, qu'un individu qui mériterait une peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans sera renvoyé devant le juge unique alors qu'il devrait être jugé par la formation collégiale du tribunal correctionnel. En d'autres termes, le juge pourra être amené à statuer sur le sort d'un individu qui risque jusqu'à dix ans d'emprisonnement... sans pouvoir lui infliger une peine supérieure à cinq ans !

Nous nous opposons donc à ces dérogations au droit commun, selon lesquelles un individu ayant commis un délit passible d'une peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans ne pourrait se voir infliger qu'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans par le juge unique, c'est-à-dire, en l'occurrence, le juge inique !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. La situation actuelle n'est pas satisfaisante. En effet, il est aujourd'hui impossible pour un juge unique de se prononcer sur des délits qui, commis en état de récidive, sont passibles d'une peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans. Cela conduit parfois le parquet à ne pas relever l'état de récidive - vous conviendrez que ce n'est pas normal - uniquement pour maintenir la compétence du juge unique et ne pas encombrer les audiences du tribunal correctionnel.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne vous crois pas !

M. François Zocchetto, rapporteur. C'est pourtant ainsi que cela se passe !

Vous me rétorquerez que ce n'est pas parce que le système fonctionne mal qu'il faut adapter le texte. En fait, l'adaptation que prévoit l'article 6 quater n'est pas du tout dangereuse puisque, comme vous l'avez vous-même noté, monsieur Dreyfus-Schmidt, le magistrat ne pourra pas prononcer de peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans, quand bien même les délits auront été commis en état de récidive.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Même si leurs auteurs méritent plus ?

M. François Zocchetto, rapporteur. L'article 6 quater me semble de nature à clarifier la situation des tribunaux correctionnels.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Les explications de M. le rapporteur sont très claires. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. A plusieurs reprises, M. le rapporteur a soutenu que les parquets détournaient quelquefois la loi.

C'est tout de même incroyable ! J'aimerais avoir des exemples concrets. Les procureurs sont aujourd'hui aux ordres du Gouvernement. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.) Bien entendu, leur parole est libre, mais - c'est la conjonction de plusieurs facteurs - la plume est serve ! Si le ministère de la justice donne aux parquets l'instruction de ne pas utiliser les procédés qu'a indiqués M. le rapporteur, il est bien évident qu'ils ne le feront pas !

En l'instant, nous nous trouvons devant une situation pour le moins curieuse : monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous vous tendons une perche à propos des récidivistes, ceux-là même que l'on entend, par cette proposition de loi, condamner automatiquement très gravement, avec des peines de sûreté extrêmes, et c'est vous qui défendez un texte aux termes duquel ces mêmes récidivistes, renvoyés devant un juge unique, ne pourraient se voir infliger une peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans ? Monsieur le garde des sceaux, estimez-vous cela cohérent avec la philosophie qui inspire le texte que nous examinons ? Sûrement pas !

Je persiste donc à demander au Sénat d'adopter notre amendement de suppression.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6 quater.

(L'article 6 quater est adopté.)

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES AU PLACEMENTSOUS SURVEILLANCE ÉLECTRONIQUE MOBILE

Art. 6 quater
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Rappel au règlement

Article 7

Après l'article 131-36-8 du code pénal, il est inséré une sous-section 7 ainsi rédigée :

« Sous-section 7

« Du placement sous surveillance électronique mobile à titre de mesure de sûreté

« Art. 131-36-9. - La juridiction qui prononce un suivi socio-judiciaire peut également ordonner, à titre de mesure de sûreté, le placement du condamné sous surveillance électronique mobile, conformément aux dispositions de la présente sous-section.

« Art. 131-36-10. - Le placement sous surveillance électronique mobile ne peut être ordonné qu'à l'encontre d'une personne condamnée à une peine d'au moins cinq ans d'emprisonnement et dont une expertise médicale a constaté la dangerosité, lorsque cette mesure apparaît indispensable pour prévenir la récidive à compter du jour où la privation de liberté prend fin.

« Art. 131-36-11. - Lorsqu'il est ordonné par le tribunal correctionnel ou le tribunal pour enfants, le placement sous surveillance électronique mobile doit faire l'objet d'une décision spécialement motivée.

« Lorsqu'il est ordonné par la cour d'assises, il doit être décidé dans les conditions de majorité prévue par l'article 362 du code de procédure pénale pour le prononcé du maximum de la peine.

« Art. 131-36-12. - Le placement sous surveillance électronique mobile emporte pour le condamné l'obligation de porter un émetteur permettant à tout moment de déterminer à distance sa localisation sur l'ensemble du territoire national.

« Cette obligation est assimilée à une des obligations du suivi socio-judiciaire et son inobservation entraîne les conséquences prévues par le troisième alinéa de l'article 131-36-1.

« Art. 131-36-13. - Les modalités d'exécution du placement sous surveillance électronique mobile sont fixées par le titre VII ter du livre V du code de procédure pénale. »

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je souhaite intervenir sur le placement sous surveillance électronique mobile, car il me semble qu'avec cette mesure le Gouvernement ne propose pas grand-chose. En fait, il induit en erreur les victimes de viol et d'agression, les Français et tout le système judiciaire !

Il faut le savoir, le PSEM n'est pas une mesure de sûreté, mais c'est bien une peine, voire une peine complémentaire, comme l'a écrit M. Fenech dans son rapport et comme le reconnaît la majeure partie du monde judiciaire !

Le placement sous surveillance électronique mobile présente toutes les caractéristiques constitutives d'une peine : il est privatif de liberté, notamment à travers les zones d'exclusion ; décidé au moment du prononcé de la peine, il implique une série de contraintes et obligations. La fiction juridique consistant à l'intégrer dans le régime juridique du suivi socio-judiciaire, notamment comme mesure d'application de celui-ci, ne pourra suffire à en faire une simple mesure de sûreté.

A la grande différence de ce que M. le ministre ne cesse de nous répéter, cette mesure ne nous permettra pas de lutter efficacement contre la récidive. Pis, elle risque même d'aggraver la situation de la justice.

Si j'affirme que la mise en oeuvre du PSEM aggravera la situation pénale et pénitentiaire en général, et de la récidive en particulier, c'est parce que des personnes, qui se situent de chaque côté de l'échiquier politique et à chaque extrémité de la chaîne pénale, ont eu l'honnêteté de poser les vraies questions et ne craignent pas d'entendre les vraies réponses.

Je le rappelle, à ce jour, aucun bilan n'a été réalisé concernant le premier système de surveillance électronique fixe. Ainsi, on ne sait rien de ses résultats et de ses effets sur la récidive, sur la pratique des tribunaux et sur l'évolution de la nature, du nombre et du comportement de la population carcérale !

Aucun bilan n'a non plus été établi de I'application du suivi socio-judiciaire instauré par la loi du 17 juin 1998, qui tentait de remettre au coeur du processus judiciaire les moyens de suivre et de réinsérer le condamné.

Rien n'a également été dit de l'insuffisance des moyens humains, matériels et financiers des prisons et de la justice en général. Il en va de même pour les agents de probation, dont il manque au moins 800 en France.

Or cette mesure reviendra à 153 millions d'euros par an, soit 2,5 % du budget de la justice.

Enfin, il n'y a rien sur la réinsertion : la préparation de la sortie de prison demeure marginale, les soins psychiatriques sont sinistrés, les réponses pénales non carcérales sont méprisées et les juges sont souvent dissuadés de prononcer des libérations conditionnelles ou des peines alternatives faute de budget.

Non, monsieur le ministre, ce n'est pas ainsi que l'on peut lutter efficacement contre la récidive !

M. le président. Je suis saisi de dix-sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 60 est présenté par MM. Badinter,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Peyronnet et  Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 101 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat,  Mathon,  Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 60.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous allons encore citer le rapport de M. Fenech, dont il n'est d'ailleurs pas le seul auteur, où il est écrit en toutes lettres que le PSEM est une peine. Il y est en outre expliqué que cette mesure est une atteinte évidente à la liberté d'aller et venir et qu'elle présente de multiples inconvénients pour celui qui serait amené à s'y soumettre.

Or l'article 7 débute par une sous-section intitulée : « Du placement sous surveillance électronique mobile à titre de mesure de sûreté. » Ces termes figurent également dans l'article 131-36-9.

Certes, je sais que la commission des lois nous proposera dans un instant un amendement tendant à supprimer les mots « à titre de mesure de sûreté ». Quoi qu'il en soit, le Conseil constitutionnel sera saisi sur ce point et il pourra motiver sa décision en s'appuyant sur la motion tendant à opposer l'exception irrecevabilité qui a été défendue par Mme Mathon, ainsi d'ailleurs que sur l'intervention très éloquente de notre collègue Portelli.

L'article 7 vise donc à instaurer le placement sous surveillance électronique mobile. Pourtant, c'est un système sur lequel on ne sait rien ! D'ailleurs, si l'on décidait d'y recourir, il faudrait, nous dit-on, au moins deux ans pour le mettre en place. Et combien tout cela coûtera-t-il ? Je parle non seulement du système lui-même, mais également du personnel nécessaire à son fonctionnement. Là encore, on n'en sait rien !

Malgré tout, M. le ministre voudrait que l'on décide d'ores et déjà des modalités. Comme chacun le sait, M. le ministre a considéré, ce que tout le monde lui a reproché, à commencer par le président du Conseil constitutionnel, que la rétroactivité était peut-être inconstitutionnelle, mais qu'il suffisait que personne ne saisisse le Conseil constitutionnel ... Il est vrai que, malheureusement, nous n'avons pas encore prévu la possibilité que le Conseil constitutionnel puisse examiner la constitutionnalité des textes de loi dont nous ne l'aurions pas saisi. Il faudra bien y arriver un jour !

En attendant, M. le ministre décide de baptiser carpe le lapin et de faire en sorte que l'on aboutisse au résultat qu'il voulait, c'est-à-dire que l'on puisse rétroactivement appliquer la mesure en question à ceux qui ont déjà été condamnés ou à ceux qui ont purgé leur peine.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression pure et simple de l'article 7.

M. le président. La parole est à Mme Eliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 101.

Mme Eliane Assassi. Avec cet amendement, nous voulons réaffirmer combien nous sommes toujours aussi peu convaincus qu'en première lecture de l'efficacité du bracelet électronique sur la récidive. C'est pourquoi nous proposons la suppression du placement sous surveillance électronique dans le cadre du suivi socio-judiciaire.

Le suivi socio-judiciaire existe en matière de lutte contre la récidive des délinquants sexuels. Nous pensons donc que le Gouvernement doit tout mettre en oeuvre, notamment les moyens nécessaires, afin qu'il puisse enfin être effectivement appliqué.

Par ailleurs, le placement sous surveillance électronique au regard de la contrainte physique et psychologique qu'il implique est une peine en lui-même. Surtout, le fait de ne pas distinguer dans le texte les majeurs des mineurs n'est pas admissible. Je reviendrai plus tard sur ce point à propos de l'amendement n° 102.

Enfin, prévoir son application immédiate comme le Gouvernement et la majorité l'envisagent est contraire au principe constitutionnel de non-rétroactivité de la loi pénale répressive.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 14 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.

L'amendement n° 61 est présenté par MM. Badinter,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Peyronnet et  Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

A la fin du texte proposé par cet article pour l'intitulé de la sous-section 7 de la section 1 du chapitre Ier du Titre III du livre Ier du code pénal, supprimer les mots :

à titre de mesure de sûreté

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 14.

M. François Zocchetto, rapporteur. Je profite de la présentation de cet amendement pour donner l'avis de la commission sur les deux amendements de suppression qui viennent d'être défendus.

La commission émet, bien entendu, un avis défavorable. Hier, dans la discussion générale, j'ai eu l'occasion de rappeler longuement que la majorité de la commission pensait que le bracelet électronique mobile pouvait constituer une avancée importante dans la lutte contre la récidive. Je ne reviens donc pas maintenant sur les raisons que j'ai pu développer.

J'en viens à l'amendement n° 14. Le recours au placement sous surveillance électronique mobile dans le cadre du suivi socio-judiciaire a été qualifié par les députés de « mesure de sûreté ». En la circonstance, selon votre commission, le port du bracelet électronique mobile semble plutôt s'apparenter à une peine. En effet, il doit, en principe, être décidé par la juridiction de jugement.

La qualification qui a été retenue dans l'intitulé de la nouvelle sous-section du code pénal ne nous semble pas très pertinente. Nous proposons donc de supprimer la référence à la mesure de sûreté. Cette suppression ne changera rien au dispositif lui-même, mais elle facilitera peut-être sa compréhension.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 61.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement est identique à celui de la commission.

M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 131-36-9 du code pénal :

« Art. 131-36-9 - Le suivi socio-judiciaire peut également comprendre le placement sous surveillance électronique mobile, conformément aux dispositions de la présente sous-section.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. C'est un amendement rédactionnel.

M. le président. L'amendement n° 62, présenté par MM. Badinter,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Peyronnet et  Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par cet article pour l'article 131-36-9 du code pénal, supprimer les mots :

, à titre de mesure de sûreté,

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. le président. L'amendement n° 63, présenté par MM. Badinter,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Peyronnet et  Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par cet article pour l'article 131-36-10 du code pénal, après les mots :

d'une personne

insérer les mots :

, majeure  et avec son consentement,

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Dans la mesure où nous sommes partisans de la suppression de l'article 7, vous comprendrez qu'il s'agit là d'un amendement de repli.

Je voudrais tout de même rappeler que la Constitution permet de faire des expériences. Dès lors - et, en la circonstance, je reviens sur un débat que nous avons eu hier soir avec M. le ministre, lequel a eu comme d'habitude le dernier mot en répondant aux orateurs - il serait tout à fait possible de tenter une expérience limitée avant de légiférer sur un dispositif que l'on connaît mal, comme d'ailleurs est mal connue, selon les termes de M. le ministre, et pour une fois nous sommes d'accord avec lui, la récidive.

Toujours est-il que le texte prévoit non seulement l'application du dispositif aux mineurs, mais également qu'il puisse s'appliquer sans le consentement de l'intéressé, ce qui est, bien évidemment, difficilement imaginable. D'ailleurs, sur ce point encore, ce dispositif est contraire aux préconisations du rapport Fenech.

M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par cet article pour l'article 131-36-10 du code pénal, après les mots :

qu'à l'encontre d'une personne

insérer le mot :

majeure

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement pourrait être de nature à rassurer M. Dreyfus-Schmidt dans la mesure où il tend à réserver le placement sous surveillance électronique mobile aux majeurs. Il y a plusieurs raisons à cela.

La première est que les contraintes du dispositif que j'ai exposées hier impliquent que l'intéressé collabore à sa mise en oeuvre. Cela suppose donc une certaine maturité mentale.

La deuxième raison est qu'il ne me semble pas envisageable qu'un mineur puisse être condamné à une peine d'emprisonnement suffisamment longue pour être contraint pendant sa minorité à porter le bracelet électronique mobile.

Enfin, je rassure ceux qui souhaiteraient que les jeunes majeurs puissent porter un bracelet électronique mobile. Il est vrai que le mineur condamné pourra, à l'âge de la majorité, se voir appliquer le bracelet électronique mobile.

Art. 7
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Art. 7

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour la clarté du débat, je rappelle que nous examinons des amendements qui font l'objet d'une discussion commune. D'abord, chaque auteur expose son amendement.

M. le président. Tout à fait !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ensuite, tout le monde doit pouvoir s'exprimer sur chacun de ces amendements. Il n'y a donc pas lieu pour le moment de donner un avis sur les amendements déjà présentés ou sur ceux qui viendront en discussion

Rappel au règlement
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Art. 8

M. le président. Mon cher collègue, acte vous est donné de votre rappel au règlement.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 17 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.

L'amendement n° 64 rectifié est présenté par MM. Badinter,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Peyronnet et  Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le texte proposé par cet article pour l'article 131-36-10 du code pénal, remplacer les mots :

d'au moins cinq ans d'emprisonnement

par les mots :

privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à dix ans

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 17.

M. François Zocchetto, rapporteur. L'Assemblée nationale a prévu de permettre le recours au bracelet électronique dans le cadre du suivi socio-judiciaire pour les personnes condamnées à une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à cinq ans. La durée de peine exigée apparaît donc inférieure à celle retenue pour le recours au bracelet électronique mobile dans le dispositif de la surveillance judiciaire.

Je le rappelle, il y a maintenant trois applications du bracelet électronique mobile : le suivi socio-judiciaire, la libération conditionnelle et la surveillance judiciaire. Il semble donc souhaitable d'unifier le régime applicable au PSEM sur ce point et de retenir l'exigence d'une peine prononcée de dix ans pour réserver ce dispositif aux auteurs des infractions les plus graves.

Je vous propose donc d'en rester à ce stade pour le moment. Nous ne sommes pas parvenus au terme de nos travaux et, à la lumière des expériences que l'on pourra faire, peut-être sera-t-il possible de revenir sur ces seuils.

Pour le moment, l'amendement de la commission des lois a, me semble-t-il, le mérite de clarifier la situation.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, sur l'amendement n° 64 rectifié.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous faisons nôtres les explications de M. le rapporteur, tout en y mettant plus de fermeté.

M. le président. Tout est dans la nuance. (Sourires.)

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 18 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.

L'amendement n° 65 est présenté par MM. Badinter,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Peyronnet et  Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 102 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat,  Mathon,  Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 131-36-11 du code pénal, supprimer les mots :

ou le tribunal pour enfants

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. L'amendement n° 18 a le même objet et, par conséquent, se justifie de la même façon que l'amendement n° 16.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, sur l'amendement n° 65.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Contrairement à ce que vous indiquiez, monsieur le président, tout n'est pas seulement dans la nuance.

M. le rapporteur a rappelé que nous étions en deuxième lecture de cette proposition de loi et a évoqué la possibilité de procéder à des expériences. Si, par ces termes, il envisageait la possibilité dans un premier temps d'expérimenter le bracelet électronique, avant de réfléchir de nouveau ultérieurement au bien-fondé de cet instrument, nous pouvons être d'accord.

En revanche, si ses propos signifient qu'il pourrait y avoir une monnaie d'échange en commission mixte paritaire, nous disons non tout de suite. Les choses sont très claires pour nous.

A part cela, nous sommes naturellement d'accord sur la rédaction de l'amendement.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'amendement est défendu.

M. le président. L'amendement n° 19, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 131-36-12 du code pénal, après les mots :

l'obligation de porter

insérer les mots :

pour une durée de deux ans renouvelable une fois

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Nous avons longuement débattu de la durée du placement sous surveillance électronique, et le rapport de M. Georges Fenech a été abondamment évoqué.

Pourtant, une interrogation demeure quant à la durée maximale que pourrait supporter le porteur du bracelet. Certains imaginaient, peut-être un peu simplement, que le bracelet puisse être porté pendant dix, vingt ou trente ans.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et pourquoi pas à vie, pendant qu'on y est ?

M. François Zocchetto, rapporteur. La réalité n'est pas si simple. Des facteurs psychologiques entrent en compte.

En effet, de l'expérience que nous avons du bracelet électronique fixe, de l'avis des nombreux experts que nous avons sollicité, mais aussi de celui des utilisateurs du bracelet mobile, qui, rappelons-le, n'est employé qu'en Floride et, au Royaume-Uni, dans la région de Manchester, il ressort qu'il est difficile de dépasser le seuil de deux ans.

Par conséquent, la commission des lois propose que le port du bracelet électronique puisse être ordonné pour une durée de deux ans renouvelable une fois.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela fera donc quatre ans !

M. François Zocchetto, rapporteur. Cela ferait effectivement quatre ans.

Cette disposition, je le sais, sera contestée par un certain nombre de nos collègues, mais je la maintiens.

M. le président. L'amendement n° 66, présenté par MM. Badinter,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Peyronnet et  Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 131-36-12 du code pénal, après les mots :

obligation de porter

insérer les mots :

pour une durée de deux ans

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Je ne voudrais pas donner l'impression que nous nous livrons à une opération de marchandage. L'enjeu n'est pas d'avoir un peu plus ou un peu moins, il s'agit de fixer une durée qui se justifie par des motifs sérieux.

Or que constate-t-on ? Les expériences étrangères montrent qu'il n'y a pas de cas de placement sous surveillance électronique mobile excédant deux ans. D'ailleurs, dans la plupart des cas, il s'agit de placement pour quelques mois seulement, avec des interruptions.

Par conséquent, si nous voulons être raisonnables, inspirons-nous de ce qui existe et fixons une durée maximale de deux ans.

Quant à l'argument selon lequel porter un dispositif qui ressemble à une montre swatch n'est finalement pas si gênant, il ne tient pas. Le problème n'est pas dans la difficulté de porter ce dispositif, mais dans l'impression de surveillance constante qu'il donnera. Il sera extrêmement difficile à supporter par les assujettis, qui y perdront leur intimité, ainsi que la seule chose qui leur restait, à savoir la liberté intérieure. Voilà pourquoi beaucoup refusent ce type de peine.

M. le président. L'amendement n° 20, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 131-36-12 du code pénal :

« Le président de la juridiction avertit le condamné que le placement sous surveillance électronique mobile ne pourra être mis en oeuvre sans son consentement, mais que, s'il refuse ou s'il manque à ses obligations, l'emprisonnement prononcé en application du troisième alinéa de l'article 131-36-1 pourra être mis à exécution.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement aborde une autre question importante concernant la mise en application du bracelet électronique, celle du consentement de la personne concernée.

La commission s'est intéressée à l'avis des experts interrogés par l'Assemblée nationale, la Chancellerie ou le Sénat. Selon eux, imposer le port d'un bracelet électronique mobile à un individu récalcitrant conduirait à un échec rapide et certain. La collaboration de la personne concernée est donc nécessaire ; elle doit même être plus grande encore que pour le bracelet électronique fixe.

En effet, le port de ce bracelet impose de respecter des horaires d'assignation et des contrôles téléphoniques, ainsi que de transporter le récepteur avec soi dès que l'on quitte son domicile. Il faut également être prêt à répondre à tout moment aux messages ou aux appels du personnel de surveillance et recharger la batterie au moins une fois par jour. Cela suppose par hypothèse une implication personnelle et permanente de l'individu.

Pour autant, la commission des lois a souhaité prendre en compte les préoccupations de l'Assemblée nationale. Il n'est pas question d'un bracelet électronique mobile à la carte. La commission des lois propose donc un dispositif directement inspiré de l'injonction de soins susceptible d'être proposée dans le cadre du suivi socio-judiciaire. En effet, cette injonction de soins, expérimentée avec succès depuis plusieurs années, suppose l'accord de l'intéressé. Mais il est certain que, si celui-ci refuse, il peut être réincarcéré ; il en est d'ailleurs clairement averti.

M. le président. L'amendement n° 67, présenté par MM. Badinter,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Peyronnet et  Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Ce dispositif entrera en vigueur après que le Parlement aura voté les crédits nécessaires à sa mise en oeuvre.

 

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement concerne le PSEM. Nous aurions certes pu le proposer pour l'ensemble de la proposition de loi, mais nous nous sommes limités au PSEM.

Nous savons, monsieur le garde des sceaux, que votre dispositif ne pourra pas être appliqué dans l'immédiat : il faudrait pour cela beaucoup de personnel - cela a déjà été dit - et deux ans seront sans doute nécessaires pour en recruter suffisamment.

En outre, nous ne savons pas si le PSEM s'appliquera pendant deux ans au maximum, deux ans renouvelables, six ans ou même trente ans, comme cela avait été proposé au départ.

Par conséquent, il serait raisonnable de préciser que le dispositif ne sera pas applicable avant que les crédits ne soient réunis. Or, qui pourra le constater, sinon le Parlement ?

Chacun sait que les crédits du projet de loi de finances pour 2006 ne sont pas très élevés et nul ne sait à combien s'élèveront ceux de 2007. Par conséquent, nous ne savons ni de combien de crédits nous aurons besoin ni dans combien de temps nous les aurons.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Comme je l'ai déjà dit, la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 60 et 101.

Les amendements nos 61, 62, 63, 64 rectifié, 65 et 102 sont respectivement satisfaits par les amendements nos 14, 15, 16, 17 et 18 de la commission.

M. le président. Que de satisfaction ! (Sourires.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et si c'était la commission des lois qui retirait ses amendements ?

M. François Zocchetto, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 66, je rappelle que nous avons prévu une durée de deux ans renouvelable une fois.

Par conséquent, si M. Dreyfus-Schmidt ne veut pas retirer son amendement,...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Absolument pas !

M. François Zocchetto, rapporteur. ...la commission émettra un avis défavorable.

Enfin, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 67.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je dois dire que je suis encore peu familiarisé avec la technique du Sénat, consistant à examiner successivement dix-sept amendements pour y apporter ensuite une réponse globale. (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il faut être malin. (Nouveaux sourires.)

M. Pascal Clément, garde des sceaux. En effet, il faut être malin, et j'ai moins l'habitude que vous de cette procédure.

M. Gérard Longuet. Cela viendra !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je l'espère.

L'article 7, relatif au placement sous surveillance électronique mobile, est important. D'ailleurs, à en juger par le nombre d'amendements qui s'y rapporte, chacun perçoit bien qu'il s'agit d'une des dispositions les plus importantes de cette proposition de loi.

Le Gouvernement est évidemment opposé aux amendements du groupe socialiste et du groupe CRC nos 60 et 101, tendant à supprimer l'article pour des motifs soit de fond, soit de moyens, ces motifs étant tout aussi infondés les uns que les autres.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En voilà une explication claire ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Pour la même raison, je suis opposé à l'amendement du groupe socialiste n° 67, qui tend à subordonner l'entrée en vigueur de la réforme au vote par le Parlement des crédits nécessaires à sa mise en oeuvre. Je vous signale que, grâce à la loi organique relative aux lois de finances, qui permet la fongibilité des crédits, la question ne se pose plus aujourd'hui comme jadis.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Où allez-vous prendre les crédits ? Chez les éducateurs ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. En outre, je ne me souviens pas qu'une disposition de cette nature ait figuré dans la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs, laquelle a créé le suivi socio-judiciaire et l'injonction de soins, ni qu'une telle disposition ait alors été proposée par le groupe socialiste du Sénat.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oh non !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. A cette époque, vous pensiez qu'il y avait l'argent nécessaire. En fait, vous auriez mieux fait de déposer un tel amendement car les fonds n'ont pas suivi et c'est la raison pour laquelle cela n'a pas marché.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. En fait, vous êtes jaloux, parce que vous n'avez pas eu l'idée de cet amendement à l'époque ! (Sourires.)

M. Pascal Clément, garde des sceaux. C'est vrai. Ce type d'amendement ne nous vient effectivement pas à l'esprit : nous pensons que, lorsqu'un gouvernement fait une proposition, il a les moyens de la mettre en oeuvre. (Rires sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.) C'est vrai à droite, ce l'est moins à gauche.

En tout état de cause, il est évident que, pour des raisons que j'ai longuement exposées lors de la discussion générale, en réponse aux orateurs ou aux motions de procédure, le PSEM constitue une mesure utile et nécessaire pour prévenir la récidive, soit en dissuadant la personne de passer à l'acte, soit en permettant de la confondre et de l'arrêter si elle a récidivé, empêchant ainsi une nouvelle récidive. Il me semble inutile d'y revenir.

Enfin, j'ajoute qu'une expérimentation sera menée dans plusieurs établissements pénitentiaires, dans quelques semaines ou dans quelques mois.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 60, 101 et 67.

Sur les amendements nos 14, 61 et 15 tendant à supprimer la référence à la notion de mesure de sûreté, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

Je rappelle en effet que le placement sous surveillance électronique mobile constituera à la fois une peine, s'il est prononcé dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire par la juridiction de jugement, et une modalité d'application d'une peine déjà prononcée, s'il est ordonné par une juridiction d'application des peines dans le cadre d'une surveillance judiciaire, d'une libération conditionnelle ou d'un suivi socio-judiciaire déjà prononcé. C'est la summa divisio qui rend ce que nous proposons conforme à la Constitution.

Il est vrai toutefois que le PSEM n'a pas une finalité répressive - pas plus que le suivi socio-judiciaire dans son ensemble -, mais qu'il vise à prévenir la récidive.

Il est donc juridiquement possible, même si ce n'est pas indispensable, de conserver l'expression de mesure de sûreté - que le Sénat avait d'ailleurs retenue en première lecture en rendant obligatoire le PSEM en cas de libération conditionnelle, celle-ci étant pourtant une modalité d'aménagement d'une peine.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est vrai !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. L'amendement n° 62 du groupe socialiste, qui a le même objet, me paraît satisfait ; il devrait donc être retiré. A défaut, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.

Le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements nos 16 et 18 de la commission des lois, ainsi que sur les amendements nos 63, 65 et 102 du groupe socialiste et du groupe CRC, qui tendent à exclure les mineurs du champ d'application du placement sous surveillance électronique mobile.

En effet, le Gouvernement n'envisage pas qu'un mineur puisse être tenu de porter un bracelet électronique permettant sa localisation à distance.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il sera majeur !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Certes, un mineur sera fatalement majeur lorsqu'il aura accompli sa peine. Ces amendements sont donc strictement cosmétiques, mais ils plaisent, comme j'ai pu le lire ce matin dans la presse.

J'observe en effet que le PSEM prononcé par la juridiction de jugement doit accompagner une peine d'emprisonnement d'au moins cinq ans - pour l'Assemblée nationale - ou dix ans - pour la commission des lois du Sénat. En tout état de cause, si un PSEM était prononcé contre une personne mineure au moment des faits, celle-ci serait majeure à sa libération, au moment où elle devrait porter un tel bracelet.

Par ailleurs, en cas de surveillance judiciaire ou de libération conditionnelle, rien n'interdira de décider et de mettre en oeuvre la surveillance électronique mobile si le condamné a atteint la majorité...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la de la commission des lois. Tout à fait !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. ... et dans les cas, qui seront toutefois très peu fréquents, où sa personnalité le justifierait.

Je suis en revanche opposé à l'amendement n° 63 du groupe socialiste, qui tend, d'une part, à restreindre l'application du PSEM aux personnes majeures et, d'autre part, à rendre obligatoire le consentement du condamné, question également soulevée dans d'autres amendements.

Les amendements n° 17 de la commission des lois et n° 64 rectifié du groupe socialiste visent à limiter le PSEM aux cas dans lesquels la peine prononcée est d'une durée d'au moins dix ans d'emprisonnement. Ces amendements ne me paraissent pas justifiés et je n'y suis donc pas favorable.

Ces dispositions interdiraient, par exemple, qu'une personne condamnée pour viol à huit ans d'emprisonnement avec suivi socio-judiciaire soit également condamnée au placement sous surveillance électronique mobile, alors qu'une telle décision pourrait être opportune. Le risque est par ailleurs que les cours d'assises prononcent des peines plus élevées, uniquement pour pouvoir ordonner un tel placement.

Les amendements nos 19 et 66 tendent à limiter la durée du placement sous surveillance électronique mobile.

Je suis défavorable à l'amendement n° 19. En effet, dans quelques années, les bracelets électroniques mobiles seront d'une taille bien plus réduite et leur autonomie en énergie sera plus importante, ce qui permettra qu'ils soient portés pendant une plus longue période.

Les durées de deux fois trois ans pour les délits et de deux fois cinq ans pour les crimes prévues par l'Assemblée nationale me paraissent donc préférables. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.) Je rappelle qu'il s'agira de durées maximales et que le juge pourra mettre fin à tout moment au placement sous surveillance électronique mobile.

Pour ces raisons, je suis encore plus opposé à l'amendement n° 66 tendant à limiter à deux ans non renouvelables la durée du PSEM.

J'en viens à l'amendement n° 20 relatif au consentement du condamné. Il s'agit d'une question importante.

Je ne suis pas persuadé que cet amendement n° 20, de même que les amendements similaires déposés sur cette question par la commission des lois sur les autres articles de la proposition de loi, soit véritablement indispensable d'un point de vue juridique.

En pratique, en effet, personne n'a jamais considéré que le bracelet GPS, qui permettra le contrôle à distance de la localisation du condamné, pourrait être installé sur l'intéressé de force et contre sa volonté. M. le rapporteur a d'ailleurs fait sur ce sujet une démonstration des plus parlantes.

L'adhésion du condamné sera nécessaire à la mise en oeuvre du dispositif, à la fois pour des raisons d'efficacité - cela ne pourrait pas fonctionner dans le cas contraire - et pour des raisons juridiques liées au respect de la dignité de la personne.

Cependant, en cas de refus de sa part, le condamné s'exposera soit à la mise à exécution de la peine d'emprisonnement fixée par la juridiction, soit au retrait des réductions de peine, soit à la révocation de la libération conditionnelle, selon le cadre juridique concerné.

Faut-il expressément le dire dans la loi et prévoir au surplus que la personne doit être informée que son consentement est nécessaire ? Je n'en suis pas totalement persuadé. La situation me semble en effet différente en cas d'injonction de soins, hypothèse dans laquelle cette information est déjà prévue par la loi, car sont alors en jeu des principes d'éthique médicale.

En tout état de cause, il doit être bien clair que l'amendement de la commission des lois ne signifie pas que la décision de condamnation à un suivi socio-judiciaire avec placement sous surveillance électronique mobile suppose le consentement préalable du condamné.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En effet !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Il ne doit pas y avoir de confusion à cet égard.

Le juge prendra librement sa décision. Le condamné sera ensuite libre de la respecter ou non. C'est en cela que l'on peut parler de consentement.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Si le condamné refuse de respecter la décision du juge, il pourra de nouveau être incarcéré.

Sous le bénéfice de ces observations, je m'en remets à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 20.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur les amendements nos 60 et 101.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, il me semble toujours nécessaire, lorsque plusieurs amendements font l'objet d'une discussion commune, que soit rappelé leur objet au moment du vote. Je rappelle donc que les amendements identiques nos 60 et 101 tendent à supprimer l'article 7.

M. le président. La parole est à M. Charles Gautier, pour explication de vote.

M. Charles Gautier. Nous sommes là au coeur du dispositif de la proposition de loi, qui constitue une innovation. Monsieur le garde des sceaux, nous vous avons dit ce que nous en pensions au cours de la discussion générale. Or je suis frappé de constater, après de nombreuses heures de débat, avec quelle ténacité vous exigez la mise en oeuvre d'une mesure dont vous refusez au préalable l'expérimentation. Des essais sont en cours à l'étranger, mais ils n'ont pas encore produit tous leurs effets. La période d'observation étant insuffisante, il est trop tôt pour les analyser. La question de la durée du PSEM - deux ans, quatre ans ou cinq ans - ajoute à la confusion.

Vous refusez donc, monsieur le garde des sceaux, de fixer une période d'évaluation au terme de laquelle nous pourrions légiférer de nouveau sur le PSEM, à partir des analyses auxquelles nous aurions alors procédé. Une telle attitude est navrante !

Par ailleurs, j'ai été frappé par les propos de M. le rapporteur, qui, sur tous les sujets qui viennent d'être abordés, a tenté de mettre fin au débat en réclamant qu'on lui laisse une marge de manoeuvre afin qu'il puisse discuter en commission mixte paritaire. En quelque sorte, ce que vous nous demandez, monsieur le rapporteur, c'est de vous donner un blanc-seing !

Finalement, notre débat s'enlise ; nous n'avançons pas. Nous sommes loin de l'esprit qui a prévalu au cours de la discussion générale.  !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. La question de fond est de savoir si le placement sous surveillance électronique mobile est plus efficace que les moyens de lutte classique contre la récidive.

En conclusion de son rapport, Georges Fenech s'est montré pour le moins prudent à cet égard : « les expériences étrangères ont démontré que le PSEM pouvait avoir un effet dissuasif et participer à la lutte contre la récidive ».

La conclusion d'un rapport canadien, un peu antérieur, sur le placement sous surveillance électronique statique, mais que l'on peut appliquer au PSEM, est la suivante : « La surveillance électronique n'est pas plus efficace, pour prévenir la récidive et protéger la population, que les mesures traditionnelles basées sur la supervision humaine ».

J'ai donc retenu de mes lectures qu'un suivi humain, notamment s'il est renforcé, est plus efficace que le placement sous surveillance électronique mobile pour lutter contre la récidive.

Contrairement à ce qui a été dit, un suivi humain ne renforce pas l'efficacité du placement sous surveillance électronique. C'est le contraire : c'est le placement sous surveillance électronique qui, éventuellement, renforce le suivi humain, à condition que celui-ci existe.

On nous demande pourquoi nous faisons tant d'histoires au sujet du PSEM et pour quelles raisons il faudrait se priver d'un instrument de plus dans la lutte contre la récidive.

Si des moyens, à la fois financiers et en personnels, sont affectés au PSEM, alors, en effet, pourquoi se passer d'un tel instrument ? Mais ce n'est apparemment pas ce qui nous est proposé... En revanche, si la mise en oeuvre du PSEM conduit à amputer les crédits et les moyens affectés à d'autres modes de lutte contre la récidive, en particulier l'accompagnement humain, ce nouvel outil sera alors contre-productif.

Les propos de M. le garde des sceaux sur la fongibilité des crédits dans le cadre de la LOLF ne sont, de ce point de vue, pas du tout rassurants !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je partage le point de vue de mes collègues.

La réponse de M. le garde des sceaux sur la durée d'utilisation du bracelet électronique mobile est tout à fait significative. Elle montre à quel point nous avons du mal à nous comprendre dans ce débat. Ou peut-être nous comprenons-nous trop bien...

Vous nous avez dit, monsieur le garde des sceaux, que d'ici peu, le bracelet électronique sera bien plus petit, qu'il ne posera plus de problème et qu'on pourra donc l'utiliser indéfiniment.

Je rappelle tout d'abord que nous n'en sommes pour l'instant qu'aux essais et que nous ne disposons pas, si l'on se réfère aux expériences des pays étrangers, des statistiques et du recul suffisants pour juger de l'efficacité du bracelet électronique en matière de lutte contre la récidive.

J'insiste ensuite sur le fait que le bracelet électronique est un objet visible et donc stigmatisant, qui implique la surveillance permanente d'un individu. Les problèmes qu'il pose sont donc liés non pas à sa taille, mais aux contraintes qu'il impose. Nous nageons en pleine confusion ! De plus, sa taille n'aura aucune incidence quant à son efficacité !

Concernant les moyens, votre commentaire est également intéressant, monsieur le garde des sceaux. Alors que nos collègues ont déclaré qu'ils se prononceraient en faveur du PSEM si les moyens correspondants étaient inscrits au budget, vous nous répondez que, avec la fongibilité des crédits, il n'y aura pas de problème !

Je pense effectivement que vous affecterez à ce dispositif technique des crédits destinés aux moyens humains du suivi socio-judiciaire.

Mais pourquoi finalement, mes chers collègues, ne pas décider de placer une puce électronique sous la peau de chaque citoyen dès sa naissance ?... Nous en aurions fini avec toutes ces questions. Nous n'aurions plus de soucis à nous faire : tous les problèmes seraient réglés.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le président, je souhaite faire un bref rappel historique. En effet, j'entends tenir sur le placement sous surveillance électronique mobile exactement les mêmes propos que ceux qui avaient été tenus sur le bracelet électronique fixe.

M. Robert Badinter. Pas par moi !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, pas par vous, monsieur Badinter, mais vous n'étiez pas parlementaire à l'époque !

M. Robert Badinter. Au début de la discussion, non, mais à la fin, si !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Même le Gouvernement nous disait alors qu'il ne voulait pas de ce dispositif. Nos collègues disaient qu'il ne fonctionnerait jamais.

Je vous rends donc attentifs, mes chers collègues, au fait que nous suivons, s'agissant du PSEM, le même processus que pour le bracelet électronique fixe. Nous l'avons décidé pour pouvoir le mettre en oeuvre.

Bien entendu, ce dispositif ne va pas se développer d'une manière considérable au début. Un certain nombre de problèmes techniques doivent être résolus, et, si des expériences sont menées à l'étranger, je crois que le dispositif pourra être amélioré. Il ne s'appliquera d'ailleurs dans un premier temps qu'à certains cas.

Puis, comme nous l'avons toujours fait, puisque c'est le rôle du Parlement, nous évaluerons le dispositif, c'est-à-dire la manière dont il fonctionne. Vous avez d'ailleurs noté, monsieur le garde des sceaux, que nous avions été prudents sur les durées : ce point aussi peut évoluer.

Par ailleurs, il me paraît judicieux de prévoir un rendez-vous au bout de deux ans. Je dis bien un « rendez-vous » parce que la durée ne peut pas être fixée a priori. C'est le juge de l'application des peines qui déterminera les modalités d'application. Mais, bien entendu, j'en suis d'accord, c'est la juridiction de jugement qui décidera du recours au PSEM dans le suivi socio-judiciaire.

L'essentiel, c'est de créer cet outil nouveau, qui ne vise pas à en remplacer d'autres, mais qui offre à la justice une possibilité supplémentaire d'assurer le traitement de la récidive. En ce qui concerne la durée, les modalités d'application de la mesure et les cas où elle peut s'appliquer, on verra.

M. Charles Gautier. Avec quels moyens surtout !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Une jurisprudence sera même rapidement définie.

Je vous rappelle d'ailleurs, mes chers collègues, que s'agissant du bracelet électronique fixe, nous avions été prudents, réservant d'abord son application à l'aménagement des fins de peine. Monsieur le garde des sceaux, vous aurez noté, à cet égard, que le Sénat fait preuve d'une certaine cohérence. Par la suite, il a été question de l'utiliser pour les courtes peines.

Nous suivons donc le même processus. Il n'est pas question, comme certains voudraient le faire accroire, de permettre que des personnes condamnées soient désormais placées pendant très longtemps sous surveillance électronique sans un minimum d'adhésion de leur part. C'est un nouvel outil extrêmement intéressant, qui pourrait avoir un effet dissuasif, beaucoup le disent. Il faut donc décider de sa création et, ensuite, le mettre en oeuvre.

Monsieur le garde des sceaux, je n'aime pas beaucoup que l'on modifie les lois sans cesse, mais, en l'occurrence, quand le dispositif aura monté en puissance, il faudra y revenir assez vite pour en vérifier la fiabilité et, éventuellement, en prévoir l'évolution.

M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote.

M. Laurent Béteille. Je voudrais tout de même rappeler que nous avons considéré ce dispositif comme extrêmement utile. Je suis donc surpris d'entendre certains aujourd'hui, au sein de cet hémicycle, affirmer péremptoirement, alors que nous manquons de recul, que ce dispositif ne servira à rien, qu'il faut se contenter de suivi humain et surtout ne pas expérimenter ce nouvel outil.

Nous sommes tous d'accord ici, comme sans doute le sont les membres de l'Assemblée nationale, pour reconnaître que le suivi humain est indispensable pour aider les personnes condamnées à sortir des situations difficiles dans lesquelles elles se trouvent. Pour autant, le suivi humain ne remplacera jamais un dispositif tel que le bracelet électronique.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est l'inverse !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est l'inverse ! Le bracelet électronique n'empêchera pas de commettre des actes indélicats !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !

M. Laurent Béteille. Je dis bien : le dispositif électronique permet un suivi permanent, ce que ne pourra jamais faire le suivi humain. Par conséquent, il apporte quelque chose de nouveau et d'extrêmement utile.

Mes chers collègues, j'attire aussi votre attention sur le fait que nous souhaitons utiliser ce dispositif sans stigmatiser l'individu. A la différence de ce qui se passe aux Etats-Unis par exemple, où l'on souhaite que le dispositif soit apparent de façon que tout le monde voie bien que la personne subit une peine, nous souhaitons que le dispositif soit discret, qu'il permette une surveillance, qu'il soit un moyen de prévenir la récidive et non de stigmatiser l'individu.

Sur la durée, effectivement, nous nous posons un certain nombre de questions. Sur ce point, nous n'avons pas de certitude absolue.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En effet !

M. Laurent Béteille. Il faut probablement être prudent. Nous n'avons, c'est vrai, aucun recul. C'est pourquoi prévoir une durée de deux ans renouvelable me paraît une bonne idée.

On peut d'ailleurs imaginer qu'au bout de deux ans les obligations imposées à l'individu seront modifiées. S'il se conduit bien, on pourra, tout en maintenant le dispositif, alléger ces obligations. Cela rendra peut-être la situation plus supportable et permettra de prolonger la période de deux ans, période qui a été présentée, dans le rapport dont nous avons tous le nom à l'esprit, comme un maximum qui ne pourrait être dépassé. Pour ma part, je pense que la durée doit pouvoir être renouvelée, mais il ne faut pas le faire n'importe comment et, à cet égard, des possibilités restent à explorer.

Un problème se pose également concernant les peines auxquelles ce dispositif s'appliquera. Là aussi, une expérimentation me paraît nécessaire. Aussi, je partage totalement l'avis que vient d'exprimer M. le président de la commission des lois : il faudra, dans un proche avenir, revenir sur ces dispositions de façon à les améliorer.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. M. Béteille vient de dire que nous nous exprimions péremptoirement. Si vous le permettez, mes chers collègues, je vais faire une intervention qui ne sera, en aucun cas, péremptoire.

De notre débat, tant en commission qu'en séance publique, j'ai tiré la conclusion que, sur trois points, il existait des doutes, des incertitudes et des ambiguïtés.

Or, lorsque nous élaborons la loi de la République, il nous faut, au préalable, lever, autant que faire se peut, les doutes, les incertitudes et les ambiguïtés.

Le premier des trois points sur lesquels portent ces interrogations concerne la durée pendant laquelle peut être posé ce dispositif.

On a entendu tout et son contraire au cours de ce débat. Dans le rapport de M. Fenech, je lis à la page 57 : « Compte tenu de tous ces éléments recueillis tant en France qu'à l'étranger, la mission estime que la durée maximum du placement sous surveillance électronique mobile ne saurait excéder deux années. »

Le deuxième point concerne les moyens.

Pour mettre en oeuvre ce dispositif et pour suivre les personnes à qui sera imposé le port d'un bracelet électronique, il faut des moyens, notamment des moyens humains. A cet égard, je dois dire que nous n'avons obtenu aucune réponse concrète et crédible.

Or, afin de prévenir la récidive, ce qui est l'objet de notre débat, la première des choses à faire est d'éviter, comme le disait Robert Badinter, hier, à cette tribune, qu'à leur sortie de prison les détenus libérés se retrouvent sur le trottoir sans aucun suivi.

On a cité les chiffres relatifs aux juges de l'application des peines et ceux qui concernent les services du ministère de la justice chargés de suivre les personnes libérées. Des questions ont alors été posées auxquelles aucune réponse concrète n'a été apportée. Nous sommes donc dans l'incertitude la plus grande !

J'en viens au troisième point d'incertitude.

Tout serait clair, si on admettait que le port du bracelet électronique est une forme de peine, qu'il n'est imposé que pour l'exécution d'une peine, que c'est donc l'une des modalités de l'exécution d'une peine décidée par des magistrats. C'est en tout cas ce que M. Fenech a dit lors de son audition en commission.

Au lieu de cela, nous sommes dans l'ambiguïté, comme le prouvent certaines rédactions et déclarations complexes, voire contournées. Finalement, plane sur ce débat l'idée de la peine après la peine, selon diverses modalités.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non !

M. Jean-Pierre Sueur. J'ai ce sentiment et je fais part de mes impressions.

Puisque, sur trois points principaux, des incertitudes demeurent, soit pour des raisons de fait, soit parce que le Gouvernement a décidé, pour ce qui le concerne, de ne pas les lever, nous pensons que la sagesse est de ne pas s'engager dans la mise en oeuvre d'un tel dispositif. Celui-ci peut, par ailleurs, présenter de l'intérêt, mais il faut que soient bien définies les conditions dans lesquelles il est mis en oeuvre et que soient levées les incertitudes que je viens de rappeler.

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.

M. Jacques Blanc. Le point de vue que je vais exprimer va peut-être vous étonner, mes chers collègues.

En tant qu'ancien médecin neuropsychiatre, il m'est arrivé de me trouver face à un détenu et de devoir prendre une décision ou apporter un avis au juge. Je puis vous assurer que l'on n'est pas péremptoire dans ces situations-là, que l'on n'a aucun élément définitif, que l'approche n'est pas scientifique. On est interpellé dans sa propre conscience : on ne veut faire courir aucun risque à la société mais on a aussi la volonté de donner toutes ses chances à l'individu sur lequel on doit émettre un avis.

C'est pourquoi, bien que n'étant pas un éminent juriste, je veux apporter ma modeste pierre, en soulignant que cette possibilité de suivi électronique peut inciter le médecin, l'expert, à donner une chance nouvelle à l'individu qu'il a en face de lui. En effet, soyons honnêtes, nous savons que, quels que soient les moyens financiers dont on dispose pour assurer le suivi, celui-ci est toujours extrêmement aléatoire.

La personne humaine est imprévisible dans ses réactions. Grâce au PSEM, l'expert pourra se dire qu'en donnant une chance supplémentaire à celui qu'il examine, il lui permettra peut-être de réussir dans sa vie, quelles que soient les épreuves qu'il a traversées ou les fautes qu'il a commises.

Je veux rendre attentive notre assemblée à cet aspect des choses. Ne présentons pas le PSEM comme un handicap. Il peut être, au contraire, un moyen au service de notre société dans sa volonté de réinsérer le maximum d'individus.

Veuillez excuser la tonalité un peu personnelle de mon témoignage. Mais je connais peu de situations où l'on est aussi démuni, où l'on se pose autant de questions.

En tant que médecin généraliste, vous pouvez, en pleine nuit, être appelé pour un patient qui fait un oedème aigu du poumon. Vous êtes loin et il vous faut choisir entre deux traitements, l'un qui peut sauver, l'autre qui peut tuer. C'est un choix redoutable, mais vous devez agir. Lorsque vous êtes expert neuropsychiatre, c'est encore pire parce que vous ne disposez pas des éléments permettant d'apprécier la réalité des sentiments et des situations.

En adoptant cette nouvelle possibilité de suivi, on allégera le poids qui pèse sur ces experts tout en donnant une chance supplémentaire à ceux qui ont peut-être été victimes de circonstances difficiles et auxquels notre rôle est, sans mettre en danger la société, d'assurer un avenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Pierre-Yves Collombat. Je demande la parole.

M. le président. Vous êtes déjà intervenu pour explication de vote, mon cher collègue. Je ne peux donc vous redonner la parole sur les amendements identiques n°60 et 101, ce serait contraire au règlement.

La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Ce que vient de dire notre collègue Jacques Blanc est tout à fait intéressant et important. J'espère avoir l'occasion de l'entendre à nouveau quand nous aborderons la question de la mise sous surveillance judiciaire, pour laquelle, en vérité, le décideur sera le médecin psychiatre expert, car le juge suivra son avis.

M. Jacques Blanc. J'ai voté votre projet de loi visant à la suppression de la peine de mort.

M. Robert Badinter. Pour ma part, je tiens à souligner que nous sommes ici à un moment important non seulement du débat, mais aussi, je le pense, de la nécessaire prise en considération des principes du droit dans cette affaire.

J'indiquerai tout d'abord que je suis un partisan résolu de toutes mesures pouvant permettre, grâce au progrès scientifique, d'améliorer la prévention de la récidive, ainsi d'ailleurs que de limiter l'inflation de la population carcérale, ces deux aspects étant, nous le savons, liés.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire lors du débat sur la surveillance électronique, il apparaît clairement que mieux vaut être placé sous surveillance électronique fixe chez soi, hors de la prison, pendant un certain temps, que se trouver livré à la promiscuité que l'on constate dans certains établissements pénitentiaires, notamment dans les maisons d'arrêt.

Par conséquent, la surveillance électronique fixe ne présente pas de difficultés quand elle est limitée à quelques heures, ses avantages étant au contraire évidents. Nous savons d'ailleurs que ce dispositif a prospéré.

Toutefois, nous nous trouvons ici en présence d'un quasi-changement de nature. Ce n'est pas parce qu'il s'agit de surveillance électronique qu'il ne faut pas en mesurer les conséquences pour la personne qui y sera soumise de manière constante par le port du bracelet. C'est en effet de façon permanente, y compris la nuit, et non plus pour quelques heures passées au domicile, que celui qui aura été amené à accepter - utilisons cette litote - le port du bracelet électronique se trouvera placé sous surveillance.

Je demande à chacun d'entre vous, mes chers collègues, d'essayer d'imaginer ce que cela peut représenter sur le plan psychologique : la personne concernée portera en permanence le bracelet électronique, elle ne pourra le retirer pour dormir, elle perdra toute intimité, elle portera à tout moment, plus ou moins ostensiblement, la preuve qu'elle est un condamné pour crime sexuel que l'on tient sous haute surveillance.

Nous rencontrons donc là des problèmes qui sont, à ma connaissance, sans précédent dans notre droit, puisque l'on n'a jamais eu recours, jusqu'à présent, à de tels procédés. Il existe des impératifs, correspondant à des valeurs de nos sociétés, qui s'appellent le respect de la dignité de la personne humaine, le droit à l'intimité, fût-ce pour un criminel condamné, que l'on essaie d'ailleurs aujourd'hui de garantir dans les prisons centrales.

Or le risque est évident, comme l'ont souligné des psychiatres lors de leur audition par la commission des lois, que, très rapidement, une telle surveillance constante, car c'est bien de cela qu'il s'agit, n'emporte pour ceux qui y seront soumis certaines conséquences, que l'on n'est pas à même de véritablement prévoir et qui pourraient d'ailleurs, contrairement à ce que nous espérons, se révéler sources de dangerosité et de récidive. L'être humain est plus complexe que ne semblent souvent le croire les juristes !

Dans cette situation, considérons les expériences étrangères. Je suis frappé d'une chose : si la haute technologie de surveillance prospère non seulement dans tous les Etats occidentaux développés, mais aussi, croyez-le bien, au Japon et dans certains autres pays d'Extrême-Orient, on relève nettement, dans ces Etats qui connaissent tous des problèmes en matière de récidive, une forme de retrait, sauf aux Etats-Unis - encore ces techniques n'y sont-elles pas partout utilisées -, et plus particulièrement en Floride, laquelle ne m'est jamais apparue comme un modèle judiciaire à suivre à aucun égard, étant donné sa grande pratique de la peine de mort, ainsi que son taux d'incarcération, qui est quatorze fois supérieur au nôtre.

Tournant mon regard vers le continent européen, je voudrais donner en exemple l'approche britannique.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Badinter.

M. Robert Badinter. Je conclus, monsieur le président.

Les Britanniques mènent actuellement une expérience, pour un coût de 3 millions de livres, qui concerne soixante-douze personnes et dont les résultats seront connus au mois de décembre prochain. Reconnaissons que nous aurions pu nous rapprocher d'eux pour suivre cette expérimentation, dans laquelle les durées de surveillance pratiquées sont sans rapport, j'insiste sur ce point, avec ce que l'on nous propose d'inscrire dans la loi, si grand paraît le risque que j'évoquais à l'instant. J'aurai l'occasion d'y revenir tout à l'heure, mais là est la voie : ne perdons pas de vue que l'on ne peut explorer ces nouvelles pistes qu'avec la plus extraordinaire prudence.

C'est la raison pour laquelle mes amis demandent, au nom de cette prudence, que nous mettions en place une expérimentation, comme la Constitution nous en ouvre la possibilité, plutôt que de légiférer en vue de donner une grande ampleur à l'application d'un procédé dont nul ne connaît aujourd'hui les avantages, rapportés aux risques.

M. le président. Mes chers collègues, je voudrais tout d'abord souligner, en tant que modeste rapporteur spécial de la commission des finances pour les crédits de la justice, que j'ai beaucoup appris en vous écoutant. Ce débat est très enrichissant.

Toutefois, vous permettrez au président de séance de clore maintenant la discussion des deux amendements identiques qui nous occupent, car nous avons devant nous un programme particulièrement chargé.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 60 et 101.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 14 et 61.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 62 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 63.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote sur l'amendement n° 16.

M. Jean-René Lecerf. Je souscris totalement aux propos qui ont été tenus tout à l'heure tant par M. le rapporteur que par M. le ministre sur le fait que, de toute façon, dans la rédaction du texte qui nous est présentée, l'éventualité de l'application du dispositif aux mineurs ne devrait même pas être mentionnée.

Cela étant, je voudrais que l'on prenne une précaution complémentaire, car il est des arguments que je ne peux faire miens concernant l'inapplicabilité par principe de la technique considérée aux mineurs.

En effet, je pense que certains mineurs de dix-sept ans sont plus structurés que certaines personnes de quarante-cinq ans. Par conséquent, je ne voudrais pas que l'on donne à croire que, en d'autres occasions, il sera impossible de placer des mineurs sous surveillance électronique mobile, notamment pour éviter de recourir à l'incarcération. (M. le rapporteur de la commission des lois approuve.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 17 et 64 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 18, 65 et 102.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 19.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit ici de la durée du placement sous surveillance électronique mobile. Ce sujet a déjà été abordé, mais je voudrais tout de même rappeler à l'ensemble de nos collègues que les députés auteurs de la proposition de loi avaient initialement prévu de fixer cette durée à vingt ans dans le cas d'un délit et à trente ans dans celui d'un crime.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. N'en jetez plus !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Lors de la deuxième lecture, l'Assemblée nationale a ramené ces durées à six ans et à dix ans respectivement. La commission des lois du Sénat nous propose maintenant de retenir une durée unique de quatre ans.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non : deux ans renouvelables une fois !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Dans le cas d'un renouvellement, deux et deux, cela fait bien quatre ! (Protestations sur les travées de l'UMP.) Il serait donc possible que le placement sous surveillance électronique mobile se prolonge pendant quatre ans, ce qui n'est à l'évidence pas imaginable. On a évoqué les expériences étrangères à cet égard.

J'ai d'ailleurs, pour ma part, la conviction que, si les intéressés se tiennent tranquilles pendant deux mois, trois mois, quatre mois, six mois au maximum, on sera en droit de penser que l'on « tient le bon bout ».

Dans ces conditions, il convient à notre sens de s'en tenir dans la loi à une durée de deux ans non renouvelable. Je le répète, M. Fenech estime qu'il s'agit là d'un maximum, et nous sommes pleinement d'accord avec lui sur ce point. D'ailleurs, lors de son audition, chacun des membres de la commission des lois avait semblé parfaitement convaincu de la pertinence de cette disposition.

Voilà pourquoi nous ne voterons pas l'amendement de la commission des lois tendant à fixer la durée maximale de placement sous surveillance électronique à quatre ans, et non pas à deux ans, puisqu'il est prévu que cette durée soit renouvelable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 66 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement n° 67.

M. Pierre-Yves Collombat. Le problème qui se pose ici est de savoir si l'on peut légiférer sans se soucier des conditions d'application des dispositions prises.

Ainsi, peut-on se contenter d'accroître le recours à l'emprisonnement sans se préoccuper de l'état des prisons ? Dans le cas présent, peut-on introduire un dispositif nouveau, si intéressant soit-il, sans se soucier des conditions de son application, et surtout sans se demander si les moyens de le faire fonctionner seront ou non imputés sur les maigres ressources actuellement dévolues à l'application des peines ?

Ce n'est pas péremptoire de s'interroger sur ce point, monsieur Béteille.

M. Laurent Béteille. C'est humoristique !

M. Pierre-Yves Collombat. Les personnes chargées de l'application des peines voient dans la mise en place de ce processus un risque de diminution des crédits qui leur sont alloués.

Lorsque, à la lecture du rapport Fenech, on constate que les coûts sont incertains, que la procédure est complexe à mettre en oeuvre puisqu'il est proposé de nommer quelqu'un pour s'en occuper, il ne me semble pas « péremptoire » de poser toutes ces questions !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y aura encore moins de psychiatres !

M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote.

M. Laurent Béteille. Je rappelle à mon tour, après M. le garde des sceaux, que certains textes ont été votés dans le passé sans que les moyens aient été mis en place,...

M. Laurent Béteille. ...et ce du temps de la précédente législature. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est inutile de persévérer !

M. Laurent Béteille. Pour ma part, je fais tout à fait confiance au Gouvernement pour que ce dispositif puisse être mis en oeuvre sans concurrencer d'autres dispositifs qui ont leur utilité.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 67.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Art. 7
Dossier législatif : proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales
Art. 8 bis AA

Article 8

Après l'article 763-9 du code de procédure pénale, il est inséré un titre VII ter ainsi rédigé :

« TITRE VII TER

« DU PLACEMENTSOUS SURVEILLANCE ÉLECTRONIQUE MOBILEÀ TITRE DE MESURE DE SÛRETÉ

« Art. 763-10. - Un an au moins avant la date prévue de sa libération, la personne condamnée au placement sous surveillance électronique mobile en application des articles 131-36-9 à 131-36-12 du code pénal fait l'objet d'un examen destiné à évaluer sa dangerosité et à mesurer le risque de commission d'une nouvelle infraction.

« Cet examen est mis en oeuvre par le juge de l'application des peines, après avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté composée selon des modalités déterminées par le décret prévu à l'article 763-14. Les dispositions de l'article 712-16 sont applicables.

« Au vu de cet examen, le juge de l'application des peines détermine, selon les modalités prévues par l'article 712-6, la durée pendant laquelle le condamné sera effectivement placé sous surveillance électronique mobile. Cette durée ne peut excéder trois ans en matière délictuelle et cinq ans en matière criminelle, renouvelable une fois.

« Six mois avant l'expiration du délai fixé, le juge de l'application des peines statue, selon les mêmes modalités, sur la prolongation du placement sous surveillance électronique mobile dans la limite prévue à l'alinéa précédent.

« A défaut de prolongation, il est mis fin au placement sous surveillance électronique mobile.

« Art. 763-11. - Pendant la durée du placement sous surveillance électronique mobile, le juge de l'application des peines peut d'office, sur réquisitions du procureur de la République ou à la demande du condamné présentée, le cas échéant, par l'intermédiaire de son avocat, modifier, compléter ou supprimer les obligations résultant dudit placement.

« Art. 763-12. - Le condamné placé sous surveillance électronique mobile est astreint au port, pendant toute la durée du placement, d'un dispositif intégrant un émetteur permettant à tout moment de déterminer à distance sa localisation sur l'ensemble du territoire national.

« Ce dispositif est installé sur le condamné au plus tard une semaine avant sa libération.

« Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre de la justice. Sa mise en oeuvre doit garantir le respect de la dignité, de l'intégrité et de la vie privée de la personne et favoriser sa réinsertion sociale.

« Art. 763-13. - Le contrôle à distance de la localisation du condamné fait l'objet d'un traitement automatisé de données à caractère personnel, mis en oeuvre conformément aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

« Dans le cadre des recherches relatives à une procédure concernant un crime ou un délit, les officiers de police judiciaire spécialement habilités à cette fin sont autorisés à consulter les données figurant dans ce traitement.

« Art. 763-14. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent titre. Ce décret précise notamment les conditions dans lesquelles l'évaluation prévue par l'article 763-10 est mise en oeuvre.

« Les dispositions de ce décret relatives au traitement automatisé prévu à l'article 763-13, qui précisent, notamment, la durée de conservation des données enregistrées, sont prises après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »

M. le président. Je suis saisi de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 68 est présenté par MM. Badinter,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Peyronnet et  Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 103 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat,  Mathon,  Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M Pierre-Yves Collombat, pour présenter l'amendement n° 68.

M. Pierre-Yves Collombat. Cet article comprend un certain nombre de dispositions qui nous paraissent contestables ou du moins discutables.

Premièrement, tout à l'heure notre collègue Jacques Blanc évoquait la difficulté d'évaluer la dangerosité d'un individu, de prévoir ses comportements. Or tout le projet repose justement sur l'idée que l'on peut évaluer de façon suffisamment fiable et objective la dangerosité de quelqu'un. A ma connaissance, ceux qui s'y sont risqués avec le plus de constance, à savoir les Canadiens, ont obtenu des résultats qui, s'ils sont intéressants, ne sont pas merveilleux. Par conséquent, le fait de fonder tout un système sur la possibilité de déterminer de façon objective la dangerosité d'un individu est pour le moins contestable.

Deuxièmement, mais nous en avons déjà longuement débattu, cet article pose de nouveau le problème de la durée.

Enfin, troisièmement, je citerai une phrase de cet article qui, si elle n'est pas humoristique, laisse tout de même un peu rêveur : « Sa mise en oeuvre - celle du dispositif de placement sous surveillance électronique mobile - doit garantir le respect de la dignité, de l'intégrité et de la vie privée de la personne et favoriser sa réinsertion sociale. » Comme le disait Elias Canetti, « le papier supporte tout », mais tel n'est pas l'objectif premier de ce dispositif, qui est en fait de faciliter les enquêtes !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 103.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 21 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.

L'amendement n° 69 est présenté par MM. Badinter,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Peyronnet et  Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le texte proposé par cet article pour l'intitulé du titre VII ter du livre V du code de procédure pénale, supprimer les mots :

à titre de mesure de sûreté

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 21.

M. François Zocchetto, rapporteur. L'amendement n° 21 a le même objet que l'amendement n° 14, je ne reprendrai donc pas mon argumentation.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 69.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'amendement n° 69 est défendu.

M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la seconde phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 763-10 du code de procédure pénale :

Cette durée ne peut excéder deux ans renouvelable une fois.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. le président. L'amendement n° 70, présenté par MM. Badinter,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Peyronnet et  Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après les mots :

Cette durée ne peut excéder

Rédiger comme suit la fin de la seconde phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 763-10 du code de procédure pénale :

deux ans

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit d'un amendement de repli et de coordination.

M. le président. L'amendement n° 23, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 763-10 du code de procédure pénale, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le juge de l'application des peines rappelle au condamné que le placement sous surveillance électronique mobile ne pourra être mis en oeuvre sans son consentement, mais que, s'il le refuse ou s'il manque à ses obligations, l'emprisonnement  prononcé en application de l'article 131-36-1 du code pénal pourra être mis à exécution.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Amendement de coordination.

M. le président. L'amendement n° 71, présenté par MM. Badinter,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Peyronnet et  Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 763-10 du code de procédure pénale, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le juge de l'application des peines rappelle au condamné que le placement sous surveillance électronique mobile ne pourra être mis en oeuvre sans son consentement.

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Amendement de repli et de coordination.

M. le président. L'amendement n° 72, présenté par MM. Badinter,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Peyronnet et  Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer les deux derniers alinéas du texte proposé par cet article pour l'article 763-10 du code de procédure pénale.

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Amendement de repli et de coordination.

M. le président. L'amendement n° 38 rectifié, présenté par M. Courtois et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 763-14 du code de procédure pénale par une phrase ainsi rédigée :

Il précise également les conditions d'habilitation des personnes de droit privé auxquelles peuvent être confiées les prestations techniques détachables des fonctions de souveraineté concernant la mise en oeuvre du placement sous surveillance électronique mobile et relatives notamment à la conception et à la maintenance du dispositif prévu à l'article 763-12 et du traitement automatisé prévu à l'article 763-13.

La parole est à M. Jean-Patrick Courtois

M. Jean-Patrick Courtois. Le rapport de M. Fenech relatif au placement sous surveillance électronique mobile prévoit le choix d'un prestataire de service privé.

Il indique notamment : « A l'instar du placement sous surveillance électronique statique, l'administration n'est pas à même de fournir le matériel de surveillance. En conséquence, le recours à un prestataire de service privé sous contrat chargé de mettre à la disposition des autorités françaises le matériel de surveillance électronique - un logiciel de surveillance, des équipements de surveillance -, d'en assurer la maintenance et de former les agents utilisateurs est donc nécessaire. »

Dans ces conditions, comme le Sénat l'a prévu pour le placement sous surveillance électronique fixe dans la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, il convient de prévoir expressément que des personnes de droit privé habilitées dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat pourront intervenir dans la mise en oeuvre du placement sous surveillance électronique.

Afin de respecter totalement les exigences constitutionnelles, il convient de préciser que seules « des prestations techniques détachables des fonctions de souveraineté » pourront être confiées à ces personnes habilitées.

Les conditions d'habilitation de ces personnes et de leurs agents seront similaires à celles prévues par les articles R. 57-23 à R. 57-30 du code de procédure pénale concernant le placement sous surveillance électronique fixe, résultant du décret du 17 mars 2004 pris à la suite de la loi du 9 septembre 2002.

Le rôle des personnes habilitées et de leurs agents sera précisé par le décret d'application des nouvelles dispositions qui est prévu par l'article 763-14. Il convient de rappeler que les dispositions de ce décret qui concerneront le rôle de ces personnes habilitées dans la conception et la maintenance du traitement automatisé nécessaire au fonctionnement du placement seront prises après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, comme le prévoit le deuxième alinéa de l'article 763-14.

M. le président. L'amendement n° 73, présenté par MM. Badinter,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Peyronnet et  Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 763-14 du code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :

« Ce dispositif entrera en vigueur après que Parlement aura voté les crédits nécessaires à sa mise en oeuvre. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements identiques nos 68 et 103.

Elle est également défavorable à l'amendement n° 70, qui est un amendement de coordination avec l'amendement n° 66.

L'amendement n° 71 est en partie satisfait par l'amendement n° 23 de la commission ; celle-ci émet donc un avis défavorable.

Elle émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 72.

L'amendement n° 38 rectifié, présenté par M. Courtois, est très intéressant. Il peut en effet être utile de prévoir le recours au secteur privé pour les aspects techniques de la surveillance électronique mobile ; c'est d'ailleurs une possibilité qui est déjà utilisée pour le bracelet électronique fixe.

La rédaction proposée offre toutes les garanties nécessaires puisqu'elle reprend les termes de la décision du 29 août 2002 du Conseil constitutionnel en ce qu'elle réserve aux personnes de droit privé les seules prestations techniques détachables des fonctions de souveraineté. Il nous semble en conséquence assez clair que la pose du matériel, la surveillance et, le cas échéant, les interventions nécessaires incombent à des agents publics. La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

Enfin, la commission est défavorable à l'amendement n° 73.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 68 et 103.

Il s'en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements identiques nos 21 et 69.

Il est défavorable aux amendements nos 22 et 70.

Il s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 23 ; il est en conséquence défavorable à l'amendement n° 71.

Il est également défavorable à l'amendement n° 72.

Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 38 rectifié, dans le respect des décisions du Conseil constitutionnel et, évidemment, pour ce qui ne relève pas du domaine régalien.

Enfin, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 73.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 68 et 103.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il ferait beau voir que le Sénat vote différemment sur l'article 8 et sur l'article 7. Ce psittacisme, qui consiste à répéter quasiment la même chose d'abord dans le code pénal, à l'article 7, puis dans le code de procédure pénale, à l'article 8, est extrêmement dangereux. Quel en est l'intérêt ? Cela simplifie-t-il le travail des praticiens ? Ces deux codes ne doivent-ils pas être différents l'un de l'autre ?

Notre premier amendement présente l'avantage de supprimer des dispositions qui, s'il est adopté, ne figureront que dans le seul code pénal.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 68 et 103.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 et 69.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 22.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Supposez que l'on n'adopte pas cette formulation alors qu'elle figure à l'article 7. De deux choses l'une : ou bien nous supprimons l'article 8 ou bien les articles 7 et 8 étant homothétiques, il faudra prévoir une harmonisation afin que les dispositions ne diffèrent pas 

J'aurais aimé que la commission ou le Gouvernement nous réponde sur ce point.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Je ne comprends pas les interventions de M. Dreyfus-Schmidt : il a parfaitement compris que l'article 8 est un article de coordination avec l'article 7 qui le précède. Cela n'a donc pas de sens d'essayer de faire voter le Sénat différemment d'un article à l'autre. En tout cas, on ne peut pas reprocher au Sénat d'émettre des votes cohérents !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pourquoi faire figurer la même chose dans les deux codes ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Si vous voulez, nous pouvons voter tous les articles en même temps, cela ira plus vite ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 70 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 71 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 72.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous ne prenons plus part au vote sur ces articles répétitifs.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement n° 38 rectifié.

M. Pierre-Yves Collombat. Avant d'arrêter ma position, je souhaite poser une question à M. le garde de sceaux.

S'agissant des prestations qui pourraient être assurées par un opérateur privé, la surveillance est-elle ou non considérée comme une prestation technique ?

Assurer la maintenance d'un matériel est une chose, le faire fonctionner en est une autre tout à fait différente !

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, garde des sceaux. J'ai déjà répondu à cette question, monsieur Collombat : dans le respect de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, tout ce qui est régalien sera accompli par des agents publics - comme la pose du bracelet - et tout ce qui est de l'ordre de l'entretien pourra être effectué par une entreprise privée !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et la surveillance ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 73.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié.

(L'article 8 est adopté.)

Art. 8
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Art. 8 bis A

Article 8 bis AA

L'article 763-3 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le juge de l'application des peines peut également, après avoir procédé à l'examen prévu à l'article 763-10, ordonner le placement sous surveillance électronique mobile du condamné. Le juge de l'application des peines informe le condamné que, s'il ne respecte pas l'obligation de porter l'émetteur prévu à l'article 763-12, l'emprisonnement prononcé en application du troisième alinéa de l'article 131-36-1 du code pénal pourra être mis à exécution. Les dispositions du deuxième alinéa du présent article sont applicables. »

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 104, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat,  Mathon,  Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. Aux termes de l'article nouveau 8 bis AA, même si la juridiction de jugement n'a pas prononcé le placement sous surveillance électronique mobile dans le cadre du suivi socio-judiciaire, le juge de l'application des peines pourrait néanmoins l'ordonner au cours de ce suivi après l'examen d'évaluation de la dangerosité.

Par cohérence avec notre position sur l'article 7, nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. L'amendement n° 24, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le début du texte proposé par cet article pour compléter l'article 763-3 du code de procédure pénale :

« Le tribunal de l'application des peines...

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Aux termes de l'article 8 bis AA, le placement sous surveillance électronique pourrait être décidé par le juge de l'application des peines, dans l'hypothèse où ce placement n'aurait pas été décidé par la juridiction de jugement.

La commission propose de réserver cette compétence au tribunal de l'application des peines, qui présente les garanties d'une juridiction collégiale.

M. le président. L'amendement n° 124, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour compléter l'article 763-3 du code de procédure pénale, remplacer le mot :

ordonner

par le mot :

proposer

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. A la suite des éclaircissements apportés tout à l'heure par M. le garde des sceaux et des explications données par les uns et les autres, je retire cet amendement

Dans le texte proposé pour cet article, le terme « ordonner » est donc conservé : le tribunal d'application des peines ordonnera, et ce ne sera pas à la carte !

M. le président. L'amendement n° 124 est retiré.

L'amendement n° 125 rectifié, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi les deux dernières phrases du texte proposé par cet article pour compléter l'article 763-3 du code de procédure pénale :

Le tribunal de l'application des peines avertit le condamné que le placement sous surveillance électronique mobile ne pourra être mis en oeuvre sans son consentement, mais que, s'il le refuse ou s'il manque à ses obligations, l'emprisonnement prononcé en application de l'article 131-36-1 du code pénal pourra être mis à exécution. Les dispositions des articles 712-7, 712-11 (2°) et 712-14 sont applicables.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec les dispositions qui ont été votées à l'article 7.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 104 ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 104.

En revanche, il est favorable à l'amendement n° 24 de la commission, qui confie au tribunal de l'application des peines, et non au juge de l'application des peines, le soin de décider qu'une personne déjà condamnée à un suivi socio-judiciaire pourrait être placée sous surveillance électronique mobile. Il est vrai qu'une telle disposition renforce les garanties judiciaires.

Sur l'amendement n° 125 rectifié, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 104.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 125 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 8 bis AA, modifié.

(L'article 8 bis AA est adopté.)

Art. 8 bis AA
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Art. 5 bis (précédemment réservé)

Article 8 bis A

Après l'article 731 du code de procédure pénale, il est inséré un article 731-1 ainsi rédigé :

« Art. 731-1. - La personne faisant l'objet d'une libération conditionnelle peut être soumise aux obligations qui sont celles du suivi socio-judiciaire, y compris l'injonction de soins, si elle a été condamnée pour un crime ou un délit pour lequel cette mesure était encourue.

« Cette personne peut alors être également placée sous surveillance électronique mobile dans les conditions et selon les modalités prévues par les articles 763-10 à 763-14. »

M. le président. L'amendement n° 105, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat,  Mathon,  Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. Il s'agit d'un amendement de coordination avec les positions que nous avons défendues précédemment.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. La commission maintient la position qui fut la sienne lors de l'examen de ce texte en première lecture : elle est très favorable à l'utilisation du bracelet électronique dans le cadre de la libération conditionnelle.

Elle émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Mme Mathon et ses collègues savent-ils que la libération conditionnelle s'accompagne obligatoirement d'un suivi socio-judiciaire ?

Ce suivi socio-judiciaire peut prendre la forme d'une injonction de soins, d'une interdiction d'aller à tel endroit ou d'un bracelet électronique mobile.

En tout état de cause, l'adoption de cet amendement supprimerait la libération conditionnelle. Je ne pense pas, madame Mathon, que telle soit votre intention !

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les membres du groupe socialiste votent, non pas systématiquement, mais contre tous les articles qui mettent d'ores et déjà en place un système qui, de l'avis de tous, n'est pas applicable !

Par ailleurs, je crois me rappeler que le suivi socio-judiciaire avait été voté à l'unanimité. Mais qu'ont fait les différents gouvernements depuis 2002 pour fournir les moyens de sa mise en application !

Il est trop facile de critiquer ceux qui n'ont pas eu le temps d'agir, mais qui ont fourni des efforts importants, quoi qu'en ait dit monsieur le garde des sceaux !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 105.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 8 bis A.

(L'article 8 bis A est adopté.)

M. le président. Nous en revenons à l'article 5 bis, qui avait été précédemment réservé.

Art. 8 bis A
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Art. 13 AA

Article 5 bis (précédemment réservé)

Après l'article 723-28 du code de procédure pénale, il est inséré une section 9 ainsi rédigée :

« Section 9

« Dispositions relatives à la surveillance judiciairedes auteurs de crimes ou de délits sexuels

« Art. 723-29. - Lorsqu'une personne a été condamnée à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à dix ans pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru, le juge de l'application des peines peut, sur réquisitions du procureur de la République, ordonner à titre de mesure de sûreté et aux seules fins de prévenir une récidive dont le risque paraît avéré, qu'elle sera placée sous surveillance judiciaire dès sa libération et pendant une durée qui ne peut excéder celle correspondant au crédit de réduction de peine ou aux réductions de peines supplémentaires dont elle a bénéficié et qui n'ont pas fait l'objet d'une décision de retrait.

« Art. 723-30. - La surveillance judiciaire peut comporter les obligations suivantes :

« 1° Obligations prévues par l'article 132-44 et par les 2°, 3°, 8°, 9°, 11°, 12°, 13° et 14° de l'article 132-45 du code pénal ;

« 2° Obligations prévues par les articles 131-36-2 (1°, 2° et 3°) et 131-36-4 du même code ;

« 3° Obligation prévue par l'article 131-36-12 du même code.

« Art. 723-31. - Le risque de récidive mentionné à l'article 723-29 doit être constaté par une expertise médicale ordonnée par le juge de l'application des peines conformément aux dispositions de l'article 712-16, et dont la conclusion fait apparaître la dangerosité du condamné. Cette expertise peut être également ordonnée par le procureur de la République.

« Art. 723-32. - La décision prévue à l'article 723-29 est prise, avant la date prévue pour la libération du condamné, par un jugement rendu conformément aux dispositions de l'article 712-6, après avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté. Lors du débat contradictoire prévu par l'article 712-6, le condamné est obligatoirement assisté par un avocat choisi par lui, ou, à sa demande, désigné par le bâtonnier.

« Le jugement précise les obligations auxquelles le condamné est tenu, ainsi que la durée de celles-ci.

« Art. 723-33. - Le condamné placé sous surveillance judiciaire fait également l'objet de mesures d'assistance et de contrôle destinées à faciliter et à vérifier son reclassement.

« Ces mesures et les obligations auxquelles le condamné est astreint sont mises en oeuvre par le juge de l'application des peines assisté du service pénitentiaire d'insertion et de probation, et, le cas échéant, avec le concours des organismes habilités à cet effet.

« Art. 723-34. - Le juge de l'application des peines peut modifier les obligations auxquelles le condamné est astreint, par ordonnance rendue selon les modalités prévues par l'article 712-8.

« Si le reclassement du condamné paraît acquis il peut, par jugement rendu selon les modalités prévues par l'article 712-6, mettre fin à ces obligations.

« Si le comportement ou la personnalité du condamné le justifie, il peut, par jugement rendu selon les modalités prévues par l'article 712-6, décider de prolonger la durée de ces obligations, sans que la durée totale de celles-ci ne dépasse celle prévue à l'article 723-29.

« Art. 723-35. - En cas d'inobservation par le condamné des obligations et interdictions qui lui ont été imposées, le juge de l'application des peines peut, selon les modalités prévues par l'article 712-6, retirer tout ou partie de la durée des réductions de peine dont il a bénéficié et ordonner sa réincarcération. Les dispositions de l'article 712-17 sont applicables.

« Art. 723-36. - Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables si la personne a été condamnée à un suivi socio-judiciaire ou si elle fait l'objet d'une libération conditionnelle.

« Art. 723-37. - Un décret détermine en tant que de besoin les modalités et les conditions d'application des dispositions de la présente section. »

M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 55 est présenté par MM. Badinter,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Peyronnet et  Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 96 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat,  Mathon,  Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 55.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. La section que vise à insérer dans le code de procédure pénale l'article 5 bis de la proposition de loi traite des « dispositions relatives à la surveillance judiciaire des auteurs de crimes de délits sexuels ».

En page 50 du rapport, il est écrit : « L'article 723-36 du code de procédure pénale prévoit que la surveillance ne serait pas applicable aux personnes condamnées à un suivi socio-judiciaire ou bénéficiant d'une libération conditionnelle. En effet, ces deux autres mesures relèvent de régimes juridiques différents. Dès lors, la surveillance judiciaire constituerait une troisième modalité du recours au placement sous surveillance électronique mobile, le champ des infractions considérées restant cependant dans les trois cas similaires. »

On applique donc trois procédures différentes aux mêmes infractions. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?

C'est la raison pour laquelle nous nous opposons à cet article.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 96.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cette nouvelle forme de surveillance est surprenante. Elle vise les délinquants et criminels sexuels. Or le suivi socio-judiciaire est déjà une mesure de surveillance des personnes qui ont été condamnées pour une infraction de nature sexuelle.

Par ailleurs, cet article introduit l'obligation, pour le condamné, de se soumettre, sous le contrôle du juge de l'application des peines et pendant une durée déterminée par la juridiction du jugement, à des mesures de surveillance et d'assistance destinées à prévenir la récidive.

La durée du suivi socio-judiciaire ne peut excéder dix ans en cas de condamnation pour délit ou vingt ans en cas de condamnation pour crime.

Les contraintes qui en découlent sont donc très lourdes. La durée du suivi est extrêmement longue et, en sus de l'injonction de soin qui peut être ordonnée, de nombreuses interdictions existent pour la personne qui y est soumise.

Pourquoi créer, dans ces conditions, un nouveau moyen de surveillance des délinquants sexuels alors que, d'une part, des mesures de suivi existent et que, d'autre part, elles sont pour la plupart inappliquées ?

En réalité, c'est un moyen de faire adopter le placement sous surveillance électronique comme une mesure de sûreté et non comme une modalité de la surveillance judicaire !

En tout état de cause, dans la logique de ce que nous avons dit précédemment, nous sommes défavorables à cet article.

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'intitulé de la section 9 du chapitre II du titre II du livre V du code de procédure pénale :

« Dispositions relatives à la surveillance judiciaire des personnes dangereuses condamnées pour crime ou délit.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

A la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 723-33 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

son reclassement

par les mots :

sa réinsertion

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. L'amendement n° 9 tend à remplacer le mot « reclassement », qui ne nous paraît pas très heureux, par le mot « réinsertion ».

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le début du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 723-34 du code de procédure pénale :

Si la réinsertion du condamné paraît acquise, il peut, ....

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. L'amendement n° 10 a le même objet que l'amendement n° 9.

M. le président. L'amendement n° 11 rectifié, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 723-34 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

l'article 712-6

par les mots :

la seconde phrase du premier alinéa de l'article 723-32

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. L'amendement n° 11 rectifié est important. Il tend à prévoir l'assistance obligatoire de l'avocat, non seulement, comme le précise déjà l'article 723-32 du code de procédure pénale, lors de la décision initiale du juge de l'application des peines, mais aussi lorsque ce dernier décide de prolonger la durée de la surveillance. De la sorte, le principe du débat contradictoire sera respecté.

M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 723-35 du code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :

« Le juge de l'application des peines avertit le condamné que les mesures prévues aux articles 131-36-4 et 131-36-12 du code pénal ne pourront être mises en oeuvre sans son consentement, mais que, s'il les refuse, tout ou partie de la durée des réductions de peine dont il a bénéficié pourra, en application du premier alinéa, lui être retiré.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. L'amendement n° 12 vise, par cohérence avec les conditions posées par la commission des lois au recours au placement sous surveillance électronique mobile dans le cadre du suivi socio-judiciaire, à instaurer l'obligation pour le juge de l'application des peines d'avertir l'intéressé que le placement sous surveillance électronique mobile ne peut être mis sans son consentement, mais que, s'il le refuse, le juge de l'application des peines peut décider de retirer tout ou partie de la durée des réductions de peines dont il aurait pu bénéficier.

Il s'agit d'un amendement de cohérence avec les dispositions que nous venons de voter.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 55 et 96 ?

M. François Zocchetto, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements nos 55 et 96, qui visent à supprimer l'article 5 bis.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Sur les amendements identiques n°55 et 96, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Je ne reviens pas sur la suppression du placement sous surveillance judiciaire ; nous en avons déjà parlé pendant de nombreuses heures puisque nous sommes en deuxième lecture.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est pourquoi l'article 5 bis a été réservé !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, ce n'est pas pour cela !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Nous avons déjà longuement discuté du sujet à l'article 7 !

Pour ce qui est de l'amendement n° 8 de la commission, le Gouvernement émet un avis favorable.

En effet, comme l'a fait très justement observer le rapporteur, ces dispositions s'appliqueront non seulement aux crimes ou délits sexuels, mais également aux autres infractions, comme les incendies volontaires. L'intitulé de la section 9 est donc heureusement amendé.

En ce qui concerne l'amendement n° 9, il s'agit, là encore, d'une amélioration rédactionnelle, et le Gouvernement remercie le rapporteur.

Le texte proposé par le Gouvernement et adopté par l'Assemblée nationale mentionnait le terme « reclassement », car ce dernier figure à l'article 731 du code de procédure pénale sur la libération conditionnelle. Mais, je l'avoue, le terme « réinsertion » est de loin préférable.

Ces observations valent également pour l'amendement n° 10.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 11 rectifié, car les garanties supplémentaires proposées paraissent justifiées.

S'agissant de l'amendement n° 12, pour les raisons déjà évoquées, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 55 et 96.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pourquoi ajouter la surveillance judiciaire au suivi socio-judiciaire, alors que ces dispositions s'appliqueraient exactement aux mêmes cas ? Pour une raison très simple et c'est d'ailleurs pourquoi la réserve de l'article 5 bis avait été demandée : il s'agit d'une trouvaille de M. le garde des Sceaux pour essayer de tourner la règle selon laquelle il n'y a pas d'application immédiate d'un texte qui prévoit une peine. C'est un tour de passe-passe !

C'est la raison pour laquelle nous sommes opposés à cet article, dont nous demandons la suppression.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 55 et 96.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement n° 8.

M. Pierre-Yves Collombat. Je souhaite poser une question qui a été évoquée tout à l'heure par M. le garde des sceaux et qui a été abordée dans diverses interventions : dispose-t-on de statistiques sur la récidive des incendiaires volontaires ? Si, en général, ces individus allument une série d'incendies avant d'être pris, sauf erreur de ma part, une fois qu'ils sont arrêtés, ils ne figurent pas parmi les récidivistes les plus notoires.

Cet ajout procède-t-il d'une véritable réflexion ? Par ailleurs, existe-t-il des éléments d'appréciation pour ce genre de criminalité ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Je ne peux pas vous donner de chiffres, monsieur Collombat ; je ne sais même pas s'ils existent. Mais quand bien même y aurait-il un seul criminel ayant allumé des incendies volontaires et en état de récidive, lui voir appliquer les présentes dispositions ne me gênerait pas. (M. le président de la commission fait un signe d'approbation.)

De plus, chacun sait que les incendiaires volontaires ont un comportement qui témoigne de troubles psychiques. Ils ont donc parfaitement leur place dans le dispositif que nous votons aujourd'hui.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5 bis, modifié.

(L'article 5 bis est adopté.)

TITRE III

DISPOSITIONS RELATIVES AU SUIVI SOCIO-JUDICIAIRE

Art. 5 bis (précédemment réservé)
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Art. 13 A

Article 13 AA

I. - L'article 221-9-1 du code pénal est ainsi rédigé :

« Art. 221-9-1. - Les personnes physiques coupables des crimes prévus par la section 1 du présent chapitre encourent également le suivi socio-judiciaire selon les modalités prévues par les articles 131-36-1 à 131-36-13. »

II. - Après l'article 224-9 du même code, il est inséré un article 224-10 ainsi rédigé :

« Art. 224-10. - Les personnes physiques coupables des crimes prévus par la section 1 du présent chapitre encourent également le suivi socio-judiciaire selon les modalités prévues par les articles 131-36-1 à 131-36-13. » (Adopté.)

Art. 13 AA
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Art. 13 B

Article 13 A

I. - Le début de l'article 222-48-1 du code pénal est ainsi rédigé :

« Les personnes physiques coupables de tortures ou d'actes de barbarie ou des infractions... (le reste sans changement). »

II. - A la fin du même article 222-48-1, la référence : « 131-36-8 » est remplacée par la référence : « 131-36-13 ». 

III. - A la fin de l'article 227-31 du même code, la référence : « 131-36-8 » est remplacée par la référence : « 131-36-13 ». (Adopté.)

Art. 13 A
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Art. 13

Article 13 B

I. - Après l'article 322-17 du code pénal, il est inséré un article 322-18 ainsi rédigé :

« Art 322-18. - Les personnes physiques coupables des infractions définies aux articles 322-6 à 322-11 peuvent également être condamnées à un suivi socio-judiciaire selon les modalités prévues par les articles 131-36-1 à 131-36-13. »

II. - Dans l'avant-dernier alinéa de l'article 322-5 du même code, les mots : « pendant huit jours au plus » sont remplacés par les mots : « pendant au moins huit jours ». (Adopté.)

Art. 13 B
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Art. 13 bis

Article 13

Après l'article L. 3711-4 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 3711-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3711-4-1. - Si la personnalité du condamné le justifie, le médecin coordonnateur peut inviter celui-ci à choisir, soit en plus du médecin traitant, soit à la place de ce dernier, un psychologue traitant dont les conditions de diplôme et les missions sont précisées par le décret prévu à l'article L. 3711-5.

« Les dispositions des articles L. 3711-1 à L. 3711-3 applicables au médecin traitant sont applicables à ce psychologue à l'exception de celles prévues au dernier alinéa de l'article L. 3711-3. » (Adopté.)

Art. 13
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Art. 14

Article 13 bis

L'article L. 3711-3 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'il a été agréé à cette fin, le médecin traitant est habilité à prescrire au condamné, avec le consentement écrit et renouvelé, au moins une fois par an, de ce dernier, un traitement utilisant des médicaments dont la liste est fixée par arrêté du ministre de la santé et qui entraînent une diminution de la libido, même si l'autorisation de mise sur le marché les concernant n'a pas été délivrée pour cette indication. » (Adopté.)

Art. 13 bis
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Art. additionnels avant l'art. 15 bis A ou après l'art. 15 bis C

Article 14

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L'article 706-47 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ces dispositions sont également applicables aux procédures concernant les crimes de meurtre ou assassinat commis avec tortures ou actes de barbarie, les crimes de tortures ou d'actes de barbarie, et les meurtres ou assassinats commis en état de récidive légale. » ;

2° Dans l'avant-dernier alinéa de l'article 706-53-5, après les mots : « à cette fin », sont insérés les mots : « soit auprès du commissariat ou de l'unité de gendarmerie de son domicile, soit » ;

3° Le quatrième alinéa (3°) de l'article 706-53-7 est complété par les mots : « ainsi que pour le contrôle de l'exercice de ces activités ou professions » ;

4° Le même article 706-53-7 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les officiers de police judiciaire peuvent également, sur instruction du procureur de la République ou du juge d'instruction ou avec l'autorisation de ce magistrat, consulter le fichier à partir de l'identité d'une personne gardée à vue dans le cadre d'une enquête de flagrance ou d'une enquête préliminaire ou en exécution d'une commission rogatoire, même si cette procédure ne concerne pas une des infractions mentionnées au 2° du présent article. » ;

5° Le II de l'article 216 de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Dans le cadre de ces recherches, les dispositions du premier alinéa de l'article 78 du code de procédure pénale sont applicables. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 74, présenté par MM. Badinter,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Peyronnet et  Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit de nouveau des fichiers ; nous notons d'ailleurs que ceux-ci sont de plus en plus nombreux. Nous avons beaucoup de mal à retenir le nom de chacun, à savoir comment ils se coordonnent entre eux, qui a le droit de les interroger, etc.

Au départ, nous nous étions opposés à la création du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles, tel qu'il existe. Or, aujourd'hui, on nous propose de l'étendre encore.

Nous y sommes toujours hostiles, pour toutes les raisons que nous avions exposées à l'époque et dont je vous ferai grâce, compte tenu de l'heure.

Nous demandons donc, par cet amendement, la suppression de l'article 14.

M. le président. L'amendement n° 25 rectifié, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Avant le quatrième alinéa (2°) de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Avant l'article 706-53-1, l'intitulé du chapitre II du titre XIX du livre IV est ainsi rédigé : « Du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes »

...° Le début de l'article 706-53-1 est ainsi rédigé : « Le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes constitue... (le reste sans changement) »

L'amendement n° 26, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

6° Les dispositions de l'article 216 de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité sont applicables aux auteurs des infractions mentionnées au dernier alinéa de l'article 706-47 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant du 1° du présent article.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre ces deux amendements et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 74.

M. François Zocchetto, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 25 rectifié, dès lors que l'article 14 prévoit l'extension du champ d'application du fichier des auteurs d'infractions sexuelles à d'autres auteurs de crimes, nous proposons une nouvelle dénomination pour ce fichier, à savoir « fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes ».

L'amendement n° 26 tend à apporter une précision nécessaire si l'on veut que les personnes déjà condamnées pour les nouvelles infractions que nous voulons faire verser au fichier donnent lieu à inscription dans ce fichier.

Par ailleurs, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement de suppression n° 74.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 74 puisqu'il tend à supprimer l'article.

Je rappelle que le FIJAIS a été adopté par le Parlement. Il est normal d'améliorer son efficacité en y ajoutant les auteurs de crimes particulièrement graves.

S'agissant de l'amendement n° 25 rectifié, il s'agit de faire en sorte que ces mesures concernent non seulement les infractions sexuelles, mais aussi les crimes de tortures ou d'actes de barbarie, les meurtres, assassinats ou empoisonnements commis en état de récidive. Faut-il pour cela modifier l'intitulé du fichier ? Je n'en suis pas convaincu.

Sur le fond, il n'y a pas de problème : c'est vous qui avez raison, monsieur le rapporteur. Sur la forme, je me demande si l'on gagnerait à changer l'appellation FIJAIS, qui commence déjà à être connue des spécialistes.

Par conséquent, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

En ce qui concerne l'amendement n° 26, le Gouvernement émet un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote sur l'amendement n° 74.

M. Robert Badinter. Michel Dreyfus-Schmidt s'est largement exprimé à propos de l'extension du fichier. Tout cela était prévisible dès le départ ! Toutefois, s'agissant de la dénomination de ce fichier, trouvez-vous que l'adjectif « violentes » soit adapté lorsqu'il s'agit de crimes atroces tels les meurtres avec réitération ou les meurtres commis avec actes de barbarie ou tortures ? Je ne vais pas me livrer à une énumération, mais ce sont les pires crimes qui soient. Alors, ne banalisez pas !

Il est clair que l'on finira par étendre ces dispositions à toutes les infractions possibles. Utilisez un autre adjectif que « violentes » ou bien ne précisez pas, comme l'a fait remarquer le garde des sceaux. Ou bien encore, proposez l'appellation suivante : « Du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions ». Ainsi, vous ouvrez la voie à l'avenir que vous nous laissez entrevoir.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 14, modifié.

(L'article 14 est adopté.)

Art. 14
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Art. 15 bis A

Articles additionnels avant l'article 15 bis A ou après l'article 15 bis C

M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 81, présenté par MM. Badinter,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Peyronnet et  Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 15 bis A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la section 2 du chapitre premier du titre III du livre premier du code pénal, il est inséré une sous-section 4 intitulée : « Dispositions relatives au contrôleur général des prisons » comprenant les articles 131-49-1 à 131-49-6 ainsi rédigés :

« Art. 131-49-1. - Il est institué un contrôleur général des prisons, chargé de contrôler l'état, l'organisation et le fonctionnement des établissements pénitentiaires, ainsi que les conditions de la vie carcérale et les conditions de travail des personnels pénitentiaires.

« Art. 131-49-2. - Le contrôleur général des prisons est nommé en Conseil des ministres pour une durée de six ans non renouvelable. Il est assisté de contrôleurs des prisons, dont le statut et les conditions de nomination sont définis par décret en Conseil d'Etat.

Le contrôleur général des prisons et les contrôleurs des prisons peuvent visiter à tout moment les établissements pénitentiaires. Ils ont accès à l'ensemble des locaux composant un établissement pénitentiaire. Ils peuvent s'entretenir avec toute personne, le cas échéant à sa demande, au sein des établissements pénitentiaires dans des conditions respectant la confidentialité.

« Les autorités publiques doivent prendre toutes mesures pour faciliter la tâche du contrôleur général. Les agents publics, en particulier les dirigeants des établissements pénitentiaires, communiquent au contrôleur général toutes informations et pièces utiles à l'exercice de sa mission.

« Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut lui être opposé, sauf en matière de secret médical.

« Art. 131-49-3. - Lorsque le contrôleur général a connaissance de faits laissant présumer l'existence d'une infraction pénale, il les porte sans délai la connaissance du procureur de la République, conformément aux dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale.

« Le contrôleur général porte sans délai à la connaissance des autorités ou des personnes investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires.

Il porte à la connaissance du garde des sceaux les dysfonctionnements constatés à l'occasion des visites effectuées dans les établissements pénitentiaires.

Le contrôleur général des prisons est informé par le procureur de la République des poursuites engagées sur le fondement d'infractions commises au sein d'un établissement pénitentiaire. A sa demande, le contrôleur général est entendu par la juridiction de jugement. Il peut également, sur décision du juge d'instruction, être entendu au cours de l'information.

« Art. 131-49-4. - Le contrôleur général des prisons peut proposer au Gouvernement toute modification de la législation ou de la réglementation dans les domaines de sa compétence

« Art. 131-49-5. - Le contrôleur général des prisons établit chaque année un rapport sur les résultats de son activité. Ce rapport est remis au Président de la République et au Parlement avec les réponses du garde des sceaux. Il est rendu public.

« Art. 131-49-6. - Les conditions d'application des articles 131-49-1 et 131-49-5 sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le texte que nous proposons par cet amendement est bien connu du Sénat puisque celui-ci l'avait voté à l'unanimité.

A la suite d'une mission sur les prisons dont le souvenir n'a pas disparu des mémoires et qui était intitulée Prisons : une humiliation pour la République, le Sénat avait proposé d'instituer un contrôleur général des prisons, chargé de contrôler l'état, l'organisation et le fonctionnement des établissements pénitentiaires, ainsi que les conditions de la vie carcérale et les conditions de travail des personnels pénitentiaires.

Je me permets de lire l'essentiel de ce texte, que M. le garde des sceaux a complètement oublié - nous en avons parlé lors de la discussion générale - puisque, dans sa réponse, il nous a dit qu'il faudrait lui apporter des explications.

« Le contrôleur général des prisons est nommé en conseil des ministres pour une durée de six ans non renouvelable. Il est assisté de contrôleurs des prisons, dont le statut et les conditions de nomination sont définis par décret en Conseil d'Etat.

« Le contrôleur général des prisons et les contrôleurs des prisons peuvent visiter à tout moment les établissements pénitentiaires. Ils ont accès à l'ensemble des locaux composant un établissement pénitentiaire. Ils peuvent s'entretenir avec toute personne, le cas échéant à sa demande, au sein des établissements pénitentiaires dans des conditions respectant la confidentialité.

« Les autorités publiques doivent prendre toutes mesures pour faciliter la tâche du contrôleur général. Les agents publics, en particulier les dirigeants des établissements pénitentiaires, communiquent au contrôleur général toutes informations et pièces utiles à l'exercice de sa mission.

« Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut lui être opposé, sauf en matière de secret médical.

« Lorsque le contrôleur général a connaissance de faits laissant présumer l'existence d'une infraction pénale, il les porte sans délai à la connaissance du procureur de la République, conformément aux dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale.

« Le contrôleur général porte sans délai à la connaissance des autorités ou des personnes investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires.

« Il porte à la connaissance du garde des sceaux les dysfonctionnements constatés à l'occasion des visites effectuées dans les établissements pénitentiaires. »

Tel est, monsieur le garde des sceaux, le texte que le Sénat avait voté à l'unanimité. Il a ensuite été soumis à l'Assemblée nationale qui, elle, n'a pas souhaité le retenir.

Par conséquent, il nous paraît nécessaire d'en discuter à nouveau. Or, où le faire plus opportunément que dans la proposition de loi que nous sommes en train d'examiner, de manière que l'Assemblée nationale puisse, une nouvelle fois, réfléchir à cette suggestion, j'y insiste, unanime et répétée du Sénat ?

M. le président. L'amendement n° 109, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat,  Mathon,  Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 15 bis C, insérer une division additionnelle ainsi rédigée :

TITRE ... .

Du contrôle général des prisons.

L'amendement n° 110, présenté par Mmes Borvo  Cohen-Seat,  Mathon,  Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 15 bis C, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Il est institué un contrôleur général des prisons, chargé de contrôler l'état, l'organisation et le fonctionnement des établissements pénitentiaires, ainsi que les conditions de la vie carcérale et les conditions de travail des personnels pénitentiaires.

L'amendement n° 111, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat,  Mathon,  Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 15 bis C, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le contrôleur général des prisons est nommé en Conseil des ministres pour une durée de six ans non renouvelable. Il est assisté de contrôleurs des prisons, dont le statut et les conditions de nomination sont définis par décret en Conseil d'Etat.

L'amendement n° 112, présenté par Mmes Borvo  Cohen-Seat,  Mathon,  Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 15 bis C, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le contrôleur général des prisons et les contrôleurs des prisons peuvent visiter à tout moment les établissements pénitentiaires. Ils ont accès à l'ensemble des locaux composant un établissement pénitentiaire. Ils peuvent s'entretenir avec toute personne, le cas échéant à sa demande, au sein des établissements pénitentiaires dans des conditions respectant la confidentialité.

Les autorités publiques doivent prendre toutes mesures pour faciliter la tâche du contrôleur général. Les agents publics, en particulier les dirigeants des établissements pénitentiaires, communiquent au contrôleur général toutes informations et pièces utiles à l'exercice de sa mission.

Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut lui être opposé, sauf en matière de secret médical.

L'amendement n° 113, présenté par Mmes Borvo  Cohen-Seat,  Mathon,  Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 15 bis C, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Lorsque le contrôleur général a pris connaissance de faits laissant présumer l'existence d'une infraction pénale, il les porte sans délai à la connaissance du Procureur de la République, conformément aux dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale.

Le contrôleur général porte sans délai à la connaissance des autorités ou des personnes investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires.

Il porte à la connaissance du Garde des Sceaux les dysfonctionnements constatés à l'occasion des visites effectuées dans les établissements pénitentiaires.

Le contrôleur général des prisons est informé par le Procureur de la République des poursuites engagées sur le fondement d'infractions commises au sein d'un établissement pénitentiaire. A sa demande, le contrôleur général est entendu par la juridiction de jugement. Il peut également, sur décision du juge d'instruction, être entendu au cours de l'information.

L'amendement n° 114, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat,  Mathon,  Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 15 bis C, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le contrôleur général des prisons peut proposer au gouvernement toute modification de la législation ou de la réglementation dans les domaines de sa compétence.

L'amendement n° 115, présenté par Mmes Borvo  Cohen-Seat,  Mathon,  Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 15 bis C, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le contrôleur général des prisons établit chaque année un rapport sur les résultats de son activité. Ce rapport est remis au Président de la République et au Parlement avec les réponses du Garde des Sceaux. Il est rendu public.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je défendrai en même temps les amendements n°s 109 à 115, puisqu'ils procèdent du même esprit.

Je tiens à préciser que nous avions déjà déposé des amendements identiques lors de la première lecture. En réalité, nous profitons de chaque texte ayant trait au droit pénal et à la procédure pénale pour évoquer ce problème, et ce tout simplement parce que, chaque fois, le Gouvernement n'entend pas - ou refuse d'entendre ! - nos propositions. Par conséquent, nous les réitérerons dès que l'occasion se présentera.

Je rappelle qu'elles ne sont en rien révolutionnaires. Elles sont issues d'une proposition de loi émanant de notre actuel président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, qu'il avait cosignée avec M. Guy Cabanel.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Parfaitement !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Par conséquent, cela ne date pas d'hier !

Pour en revenir au fond du débat, en première lecture, au mois de février dernier, notre rapporteur ici présent nous avait fait savoir que la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 prévoyait le dépôt d'un projet de loi pénitentiaire avant la fin de la législature. Nous aimerions vraiment vous prendre au mot, monsieur le rapporteur, mais il faudrait se dépêcher !

En outre, compte tenu du fait qu'interviennent sans cesse des modifications de notre droit pénal, il serait souhaitable que nous puissions avoir connaissance du contenu de ce projet de loi pénitentiaire.

Qu'il me soit permis de souligner que le dépôt de nos amendements relatifs au contrôleur général des prisons est parfaitement approprié et que leur adoption revêt même un caractère d'urgence. En effet, nous venons encore récemment d'être montrés du doigt pour l'état de nos prisons. Chaque jour nous apporte ainsi son lot de violences, de problèmes liés à la surpopulation, etc.

A cet égard, le rapport annuel de l'Observatoire international des prisons fait état d'une ambiance de plus en plus délétère, de violences non seulement entre détenus, mais aussi envers le personnel, ou encore d'automutilations, voire de suicides. Cette tension se traduit évidemment par une augmentation des incidents, donc des procédures disciplinaires.

Par conséquent, il est particulièrement regrettable de constater le décalage constant qui existe entre, d'une part, les grandes déclarations du Gouvernement - s'agissant des peines alternatives, par exemple - et, d'autre part, l'action sécuritaire que ce même Gouvernement s'emploie à mener depuis trois ans. Il suffit de prendre l'exemple du texte qui nous est soumis aujourd'hui pour constater que c'est toujours l'emprisonnement qui est privilégié, et l'on ne voit vraiment pas se profiler quoi que ce soit de positif dans le domaine pénitentiaire.

Il serait donc tout à fait souhaitable, selon moi, de suivre aujourd'hui les propositions du président de la commission des lois qui, à l'époque, avait suggéré à juste titre l'instauration d'un contrôleur général des prisons indépendant.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Chacun connaît le rôle du contrôleur général des prisons, puisque c'est au moins la sixième fois en l'espace de quelques mois que cette question est abordée !

La proposition qui nous est faite correspond, à peu de choses près, à un texte voté par le Sénat en 2001. J'aimerais donc savoir quelles sont, dans les mois ou les années qui viennent, les intentions du Gouvernement dans ce domaine.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Tout d'abord, je tiens à remercier M. Dreyfus-Schmidt de son intervention. En effet, je n'avais pas connaissance du contenu de son amendement, puisque, à l'époque où il l'avait déposé, je n'étais pas présent. C'est ainsi que j'ignorais votre volonté réitérée, monsieur le sénateur, de créer un poste de contrôleur général des prisons. Toute idée est évidemment respectable et celle-ci l'est sans doute plus que tout autre.

Je ferai simplement quelques observations, tant le problème des prisons est un sujet qui me passionne et sur lequel je travaille personnellement beaucoup.

J'ai déjà dit hier quels étaient les efforts accomplis par le Gouvernement concernant le nombre de places. En outre, je tiens à rappeler la très grande qualité tout à la fois des personnels, des directeurs d'établissements, des directeurs régionaux. Il en résulte que nous disposons à l'heure actuelle d'une multiplicité d'instances de contrôle.

J'évoquerai, tout d'abord, celles qui sont prévues par la loi sur le plan national.

En premier lieu, la loi fait obligation aux magistrats du parquet, aux juges de l'application des peines, aux juges d'instruction, aux juges des enfants ainsi qu'aux présidents de chambre d'instruction de visiter les établissements pénitentiaires ; cela représente tout de même un certain nombre de magistrats !

Par ailleurs - peut-être ne le savez-vous pas - il existe dans chaque établissement une commission de surveillance,...

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. ... présidée par le préfet du département, et dont la mission consiste à contrôler le fonctionnement de tel ou tel établissement. Cette commission a, bien sûr, tout loisir de communiquer ses observations au ministère de la justice.

Enfin, vous savez qu'est présente à la Chancellerie l'inspection générale des services judiciaires, qui comprend depuis quelques années une inspection des services pénitentiaires, dont le chef est assisté de plusieurs adjoints. Ces inspecteurs se rendent en permanence dans les établissements pénitentiaires afin de vérifier tous les problèmes qui se posent : cela va de la violence à l'état d'esprit du personnel, à la sécurité, ainsi, bien sûr, qu'à la discipline.

Nous disposons donc d'ores et déjà des moyens de faire remonter l'information sur l'ensemble des incidents. Je précise que cela est récent, puisque cette procédure date de seulement trois ans, du temps du prédécesseur de l'actuel directeur de l'administration pénitentiaire Si, naguère, nous n'avions pas connaissance de tels incidents, aujourd'hui, il en va tout différemment et l'on sait même que leur nombre est un peu moins élevé qu'il ne l'était auparavant.

Cette remarque vaut également pour le nombre de suicides qui, certes, est encore trop important, même si nous pouvons noter une certaine diminution.

Tel est l'état des lieux.

Dès lors, faut-il un contrôleur général qui, je suppose, se situerait au-dessus du chef de l'inspection des services pénitentiaires ? Pour l'heure, le Gouvernement n'en voit pas l'intérêt, même si j'admets volontiers que la réflexion mérite d'être poursuivie sur ce sujet.

J'émets donc un avis défavorable sur l'ensemble des amendements.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote sur l'amendement n° 81.

M. Nicolas Alfonsi. Monsieur le garde des sceaux, je ne saurais partager votre point de vue.

Hier, répondant en cela à M. Badinter, vous vous êtes vanté des résultats que vous aviez obtenus grâce à la création d'un certain nombre d'établissements pénitentiaires. Or je suis toujours profondément surpris par les difficultés que l'on peut rencontrer au cours de cette longue gestation en vue de concrétiser une idée simple - elle figure d'ailleurs, depuis plusieurs années déjà, dans différents rapports - je veux parler de l'existence d'une autorité indépendante.

Sans être un fanatique de la création d'autorités indépendantes -  des problèmes de démantèlement peuvent effectivement se poser eu égard à l'unité de l'Etat - il s'agit, en l'espèce, de mettre en place une institution qui, compte tenu du climat actuel et des rapports qui ont été rédigés dans le passé, peut se révéler intéressante. Par conséquent, je considère, pour ma part, qu'il serait bon d'aller un peu plus loin dans ce sens.

La création de cette autorité indépendante pourrait se faire à travers un simple texte de loi. C'est pourquoi, je le répète, je ne comprends pas votre obstination, monsieur le garde des sceaux, même s'il convient, il est vrai, de tenir compte des rapports de hiérarchie et des contrôles que vous avez évoqués dans le cadre du ministère de la justice.

Ce qui m'intéresse, c'est la présence d'une autorité indépendante qui, bien entendu, grâce à un rapport annuel, pourrait nous instruire grandement sur la réalité carcérale.

C'est la raison pour laquelle je voterai cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 81.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 109.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 110.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 111.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 112.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 113.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 114.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 115.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnels avant l'art. 15 bis A ou après l'art. 15 bis C
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Art. 15 bis B

Article 15 bis A

I. - L'article 712-7 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« S'il en fait la demande, l'avocat de la partie civile peut assister au débat contradictoire devant le tribunal de l'application des peines pour y faire valoir ses observations, avant les réquisitions du ministère public. »

II. - L'article 712-13 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« S'il en fait la demande, l'avocat de la partie civile peut assister au débat contradictoire devant la chambre de l'application des peines de la cour d'appel statuant en appel d'un jugement du tribunal de l'application des peines pour y faire valoir ses observations, avant les réquisitions du ministère public. »

M. le président. La parole est Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Mon intervention portera sur les problèmes relatifs à la partie civile.

La disposition contenue dans l'article 15 bis A illustre parfaitement le basculement de la logique que tente d'initier le Gouvernement quant à sa conception de la justice.

Nous devons tous le reconnaître : la victime doit être au coeur de notre système pénal. Il convient de mieux l'écouter, de mieux l'assister, tout en lui permettant de participer réellement au procès pénal.

Cette dernière mesure a un double effet. Le premier est bénéfique à la victime, qui pourra ainsi voir facilité le processus de reconstruction psychologique et morale qu'elle a entrepris. Le second profite au condamné qui, confronté à la présence de sa victime, pourra mieux appréhender les causes et les conséquences de ses actes et ainsi entamer une démarche de remise en cause de lui-même.

Cependant, parallèlement à la prise en compte légitime de la victime avant, pendant et après le procès pénal, l'on ne peut accepter de laisser notre justice se dévoyer pour basculer d'une institution fondée sur les principes de défense et de réparation sociales vers une justice de « vengeance sociale » où se succéderaient les surenchères populistes.

Cette disposition est d'autant plus aberrante que cela ne correspond en aucune façon au choix des victimes elles-mêmes. En effet, au cours des auditions auxquelles nous avons procédé en commission des lois, nous avons pu entendre le président de l'association d'aide aux parents d'enfants victimes qui, tout en réaffirmant son opposition à l'allongement des peines et son approbation à la libération conditionnelle, a affirmé à plusieurs reprises que les victimes ne pouvaient être à la fois juge et partie.

Dans notre système judiciaire, la mission de défense de l'intérêt général, et donc des intérêts croisés de la victime, de la société et du condamné, est confiée au parquet. Qu'il en soit fait autrement, et c'est toute une partie des droits et des libertés garantis dans notre pays qui risque d'en pâtir !

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 75 est présenté par MM. Badinter,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Peyronnet et  Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 106 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat,  Mathon,  Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 75.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'article 15 bis A comporte deux dispositions dont la première consiste à ajouter à l'article 712-7 du code de procédure pénale un alinéa ainsi rédigé :

« S'il en fait la demande, l'avocat de la partie civile peut assister au débat contradictoire devant le tribunal de l'application des peines pour y faire valoir ses observations, avant les réquisitions du ministère public. »

La seconde disposition tend à compléter l'article 712-13 du même code par un alinéa ainsi rédigé :

« S'il en fait la demande, l'avocat de la partie civile peut assister au débat contradictoire devant la chambre de l'application des peines de la cour d'appel statuant en appel, etc. »

En réalité, il s'agit là de deux dispositions homothétiques, la seconde concernant spécifiquement la cour d'appel.

Bien entendu, cela ne fait aucun doute, les victimes doivent faire l'objet de soins. A cet égard, je rappellerai que c'est sur l'initiative de mon collègue Robert Badinter, ici présent, qu'a été décidée la réparation des préjudices, ce qui, pour les victimes, représente, bien souvent, un élément essentiel.

Cela dit, les parties civiles, qui n'existent d'ailleurs quasiment que dans notre pays, ont la possibilité de se faire entendre à l'audience.

Leur rôle, nous le savons, n'est pas de se prononcer sur la peine infligée ni d'essayer d'obtenir la condamnation la plus lourde possible, comme le font nombre d'avocats, alors que cette tâche revient au ministère public.

En principe, la partie civile peut réclamer seulement l'indemnisation de son préjudice. Certes, dans la pratique, les parties civiles ont souvent pris l'habitude de surenchérir sur les conclusions du procureur de la République. Mais la règle, qui a toujours été respectée jusqu'à présent, veut qu'une fois le jugement rendu, la partie civile ne peut exercer sa vindicte lors de l'application de la peine.

Il est évident que, dans la plupart des cas, l'avocat de la partie civile servira de porte-parole à son ou à ses clients pour s'opposer à toute mesure de réinsertion, et à plus forte raison aux mesures de mise en liberté, fût-ce en liberté conditionnelle ou avec un suivi socio-judiciare.

Cet article est donc véritablement démagogique. Nous devons respecter nos principes : la peine est infligée par la société, son aménagement relève du juge, du tribunal de l'application des peines ou de la chambre d'appel, et ni la victime ni son avocat n'ont leur place dans ce processus. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 106.

Mme Josiane Mathon. Je partage tout à fait le raisonnement de M. Dreyfus-Schmidt. De fait, avec cet article, nous franchissons une étape : aujourd'hui, le droit des victimes devient l'exercice d'une vengeance, ce qui le rend dangereux.

M. le président. L'amendement n° 40, présenté par MM. Courtois,  Lecerf et  Goujon, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par le I de cet article pour compléter l'article 712-7 du code de procédure générale et dans le texte proposé par le II de cet article pour compléter l'article 712-13 du même code, après les mots :

l'avocat de la partie civile

insérer les mots :

ou un représentant d'association d'aide aux victimes ou de victimes mandaté par la partie civile et choisi sur une liste nationale arrêtée par le président de la chambre criminelle de la Cour de Cassation

 

La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.

M. Jean-Patrick Courtois. Le ministère d'avocat n'est pas obligatoire pour les victimes, que ce soit devant la juridiction de jugement, devant la juridiction d'instruction ou au cours de l'enquête préliminaire

Bien plus, les articles L. 53-1 et L. 75 du code de procédure pénale prévoient expressément que les officiers de police judiciaire et les agents de police judiciaire doivent indiquer aux victimes qu'elles peuvent se faire assister d'un avocat ou « être aidées par un service relevant d'une ou de plusieurs collectivités publiques ou par une association conventionnée d'aide aux victimes ».

Dès lors, cet amendement s'inscrit dans la logique de notre procédure pénale en donnant le choix aux victimes d'infractions de se faire représenter, soit par un avocat, soit par une association d'aide aux victimes, soit par une association de victimes. En effet, de nombreuses victimes ou proches de victimes préfèrent recourir à une association dont certains des membres ont subi souvent un traumatisme comparable et connaissent les problématiques complexes qu'elles doivent affronter.

De même, l'amendement a pour objet d'introduire une garantie supplémentaire en donnant au président de la chambre criminelle la mission de déterminer la liste des associations susceptibles d'être choisies par la victime afin de porter sa parole.

En conséquence, cet amendement ne fera qu'harmoniser le futur texte du code avec la procédure existante. Il donnera à la victime la possibilité de choisir, en fonction de sa situation, la personne qu'elle jugera la mieux à même de la représenter à l'occasion des décisions de mise en liberté conditionnelle, sans pour autant aller jusqu'à se rendre elle-même devant le juge.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Au cours du procès pénal, la victime doit recevoir une grande, une immense considération, mais son rôle doit être cantonné.

Certes, nous avons accepté depuis quelques décennies que le rôle de la victime dans le procès pénal s'accroisse. Toutefois, il n'est pas du tout choquant que, en vertu d'une règle constante de notre droit pénal - le principe du contradictoire - l'avocat de la partie civile puisse, s'il le souhaite, faire valoir ses arguments, tant en première instance, devant le tribunal de l'application des peines, qu'en appel, devant la chambre de l'application des peines. La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques nos 75 et 106.

En revanche, il me paraît difficile d'aller plus loin en autorisant les associations d'aide aux victimes à représenter celles-ci devant le juge de l'application des peines ou la chambre d'appel.

En effet, deux difficultés principales ne manqueraient pas de se présenter.

En premier lieu, il ne semble pas opportun de substituer des associations de défense à un avocat qui joue là son rôle et respecte une déontologie. Il est important, à mon avis, que ce soit l'avocat qui continue à intervenir dans le procès pénal, au bénéfice du détenu ou des parties civiles.

En second lieu, il ne faut pas sous-estimer les énormes difficultés que poserait l'établissement d'une liste nationale des associations d'aide aux victimes. Le choix des critères de sélection présenterait, me semble-t-il, des difficultés insolubles. L'opinion ne comprendrait pas que l'on refuse d'inscrire sur la liste une association purement locale, voire familiale, mais créée immédiatement après un événement dramatique. Quid de la légitimité de cette association trois, quatre ou cinq ans après l'événement ? Comment pourrions-nous lui expliquer qu'elle a cessé d'être légitime ?

Je crois que nous ne devons pas nous engager sur cette voie, car nous aurions des difficultés à faire appliquer un tel dispositif. Je suggère donc à M. Courtois de bien vouloir retirer son amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. M. le rapporteur me facilite grandement la tâche et me permet d'être fort concis.

Je trouve dommage, et même un peu surprenant, que la gauche, de façon générale, soit défavorable à la présence de l'avocat de la partie civile, alors que celui-ci garantit une liberté, et apporte un point de vue supplémentaire.

Certes, le tribunal de l'application des peines ne serait pas obligé de suivre l'avocat de la partie civile, mais interdire à ce dernier d'être présent au moment où la juridiction prend des décisions aussi importantes qu'une libération conditionnelle ne me paraît pas aller dans le sens du progrès. C'est même réactionnaire, au sens étymologique du terme, sauf à nourrir l'arrière-pensée qu'ainsi les libérations conditionnelles ou les réductions de peine seraient moins nombreuses.

M. Pascal Clément, garde des sceaux. D'ailleurs, je ne pense pas qu'il en irait ainsi, car, et je vous rétorque votre argument de tout à l'heure, il faut faire confiance aux magistrats ! Ceux-ci écouteront les parties civiles mais resteront, bien sûr, tout à fait indépendants et défendront l'intérêt général.

En effet, monsieur Courtois, si l'on admet la présence de l'avocat, on refuse par voie de conséquence celle de l'association. Or, le premier, par définition, ne véhicule pas la même émotion que la seconde.

Bien sûr, il faut rendre justice à cette émotion, qui peut s'exprimer, mais uniquement par le truchement d'un tiers. La personne concernée, celle qui a elle-même vécu un drame ne s'exprime pas : quelqu'un parle en son nom.

Si nous admettons la présence des associations, une pression beaucoup plus forte s'exercera sur les magistrats, auxquels il sera très difficile de ne pas faire droit aux victimes, sans quoi ils seraient très vite taxés d'insensibilité. Comme l'a souligné justement M. le rapporteur, si l'association est trop récente, elle agit sous le coup de l'émotion, elle ne dispose pas du recul suffisant. Si elle est trop ancienne, est-elle encore représentative ? Comment réactiver sa légitimité ?

Lorsque l'on rencontre les associations de victimes, on se rend compte qu'elles ne souhaitent pas être entendues à l'audience. J'en connais bon nombre dans ce cas. La question est donc loin d'être claire. Je pense qu'une bonne synthèse consiste à permettre à l'avocat de la partie civile d'être entendu et de laisser le tribunal de l'application des peines prendre ensuite sa décision, en toute indépendance.

M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 75 et 106.

M. Laurent Béteille. Il se trouve que, pendant une trentaine d'années, j'ai exercé le métier d'avocat devant un tribunal de la banlieue parisienne. Or, j'ai reçu très souvent dans mon cabinet des victimes qui venaient me dire que l'auteur de l'infraction qu'elles avaient subie avait été libéré, et qu'elles avaient été confrontées à lui de façon extrêmement pénible.

Je crois que nous ne pouvons pas parler de démagogie, ni de vengeance, à propos de ce texte. Cette disposition de la proposition de loi me paraît extrêmement utile parce qu'elle permettra d'entendre à l'audience un avocat, c'est-à-dire quelqu'un qui n'est pas n'importe qui, mais qui respecte des règles déontologiques et qui pourra expliquer au juge les modalités à prévoir en cas de libération conditionnelle. Ainsi, l'auteur de l'infraction devra éviter certains lieux où la victime pourrait se trouver, soit qu'elle y habite, soit qu'elle y travaille. Car le magistrat ne peut pas deviner cela : quelqu'un doit l'informer.

A l'inverse de ce qui a été soutenu tout à l'heure, je crois que la présence de l'avocat est extrêmement utile. Il me semble que, dans cette profession, nous avons tous une certaine conscience professionnelle. Nous savons qu'il ne nous appartient pas d'être les relais d'une vengeance.

Lorsque un avocat intervient en qualité de partie civile, son travail est de défendre les intérêts de son client, et non ceux de la société ; d'ailleurs, s'il outrepasse son rôle, il n'est pas écouté par le magistrat. Je crois donc que cette disposition est utile et qu'il faut la conserver.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 75 et 106.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Monsieur Courtois, maintenez-vous votre amendement n° 40 ?

M. Jean-Patrick Courtois. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 40 est retiré.

Je mets aux voix l'article 15 bis A.

(L'article 15 bis A est adopté.)

Art. 15 bis A
Dossier législatif : proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales
Art. additionnel après l'art. 15 bis B

Article 15 bis B

L'article 11 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« A titre exceptionnel, lorsque les investigations du juge d'instruction doivent être poursuivies et que la mise en liberté de la personne mise en examen causerait pour la sécurité des personnes un risque d'une exceptionnelle gravité, la chambre de l'instruction peut ordonner le placement du mineur en centre éducatif fermé pour une durée maximale de quatre mois. La chambre de l'instruction, devant laquelle la comparution personnelle du mis en examen est de droit, est saisie par ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention selon les modalités prévues par le dernier alinéa de l'article 137-1 du code de procédure pénale, et elle statue conformément aux dispositions des articles 144, 144-1, 145-3, 194, 197, 198, 199, 200, 206 et 207 du même code. Cette décision peut être renouvelée une fois sous les mêmes conditions et selon les mêmes modalités.

« Les dispositions du présent article sont applicables jusqu'à l'ordonnance de règlement. »

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L'amendement n° 27 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.

L'amendement n° 76 est présenté par MM. Badinter,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Peyronnet et  Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 107 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat,  Mathon,  Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 27.

M. François Zocchetto, rapporteur. L'article 15 bis B, dont la commission propose la suppression, a été adopté en deuxième lecture par l'Assemblée nationale avec l'avis de sagesse du Gouvernement, à la suite d'un amendement du député Thierry Mariani. Il permet à la chambre de l'instruction, à titre exceptionnel, lorsque les investigations d'un juge d'instruction doivent être poursuivies, d'ordonner le placement d'un mineur en centre éducatif fermé. Cette éventualité se présente lorsque le terme de la période de deux ans d'instruction a été atteint.

La commission des lois ne souhaite pas que cet amendement de l'Assemblée nationale soit maintenu, car il ne lui paraît pas bon, s'agissant de mineurs, que des instructions puissent être poursuivies éternellement. Deux années doivent suffire pour mener une instruction. Quant aux quelques situations, qui à mon avis sont exceptionnelles, pour lesquelles ce délai serait, hélas ! dépassé, des moyens existent déjà qui permettent de retenir les mineurs, en coordination avec les directions départementales de la protection judiciaire de la jeunesse.

La commission propose donc de supprimer l'article 15 bis B.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 76.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il nous paraît évident que si le législateur a prévu qu'un mineur de 16 ans puisse être placé en détention provisoire, dans des cas exceptionnels et pour un délai maximum de deux ans, c'est pour que les juges instruisent ces dossiers très rapidement !

Nous disposons de si peu d'éléments d'audit ! On nous explique qu'il existe peut-être de tels cas, mais sans nous en apporter la preuve, sans que cela soit certain.

A l'évidence, s'il était possible, comme y tend l'article introduit par l'Assemblée nationale à la demande de M. Mariani, de maintenir les mineurs enfermés dans un centre de détention pendant deux fois quatre mois, l'on soutiendrait rapidement que cela ne suffit pas encore !

Huit mois de plus ! Le texte initial prévoyait deux ans, on suggère d'ajouter huit mois de plus, c'est-à-dire presque un tiers de la durée de départ ! Et ensuite, on viendra nous dire que cela ne suffit pas, comme on l'a fait au cours de ce débat pour les périodes de sûreté, car il y a aucune raison d'arrêter cette escalade.

C'est pourquoi nous partageons pleinement l'avis de la commission et demandons la suppression de l'article 15 bis B.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 107.

Mme Josiane Mathon. Je ne reviendrai pas sur notre opposition de principe aux centres éducatifs fermés. Vous connaissez d'ailleurs notre avis sur ces établissements pour mineurs, qui sont de véritables prisons même s'ils n'en portent pas le nom.

En matière de délinquance des mineurs, nous regrettons encore une fois que les mesures éducatives appropriées ne soient pas mises en oeuvre, comme c'est d'ailleurs prescrit dans l'ordonnance de 1945. Dans ce domaine, le Gouvernement va toujours de plus en plus loin, en n'excluant pas que le texte s'applique aux mineurs délinquants. La durée de la détention provisoire, qui peut atteindre deux ans, pourrait être ainsi rallongée. Or, mes chers collègues, en toute franchise, ne croyez-vous pas que la durée actuellement prévue est déjà bien suffisante ?

Par conséquent, comme la commission et le groupe socialiste, nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. L'amendement n° 41, présenté par MM. Courtois,  Lecerf et  Goujon, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour compléter l'article 11 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, après les mots :

placement du mineur

insérer les mots

ou de la personne devenue majeure pendant la durée de la détention provisoire

La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.

M. Jean-Patrick Courtois. Il s'agit d'un amendement de coordination visant à rendre opérant l'article 15 bis B, introduit en deuxième lecture par l'Assemblée nationale. En effet, celui-ci prévoit que, à titre exceptionnel, pour les crimes les plus graves et lorsque la remise en liberté causerait pour la sécurité des personnes un risque d'une exceptionnelle gravité, le juge des libertés et de la détention peut ordonner le placement d'un mineur âgé de plus de seize ans en centre éducatif fermé.

Or, il peut arriver que le mineur en question soit devenu majeur pendant la durée de la détention provisoire. C'est la raison pour laquelle il convient de prévoir qu'une telle disposition peut également s'appliquer aux jeunes majeurs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 41 ?

M. François Zocchetto, rapporteur. La commission considère que les centres éducatifs fermés, auxquels elle est très attachée, ne sont pas faits pour accueillir des personnes devenues majeures au cours de la détention provisoire.

A fortiori, comme le président de la commission des lois l'a déjà souligné, dans la mesure où il s'agit de détention provisoire, l'adoption d'une telle disposition aboutirait à un mélange des genres qui n'est pas souhaitable, puisque les centres éducatifs fermés sont destinés à accueillir des jeunes qui ont été condamnés.

La commission suggère donc à M. Courtois de retirer son amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. J'ai la joie d'émettre un avis totalement favorable sur les amendements identiques nos 27, 76 et 107.

Sans surprise, je suis beaucoup moins favorable à l'amendement n° 41. A ce sujet, permettez-moi, madame Mathon, monsieur Courtois, de présenter une nouvelle fois la philosophie des centres éducatifs fermés, les CEF.

Ces centres sont destinés à accueillir des enfants, j'oserai dire des gamins, « multi-multirécidivistes », qui désespèrent l'ensemble de la société : tout a été tenté, mais en vain, et personne ne sait plus quoi faire. La seule certitude que nous ayons, c'est que les mettre en prison ne règlera pas le problème.

M. Robert Bret. Bien sûr !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Nous avons donc inventé une structure très particulière, à savoir un centre, éducatif - j'insiste vraiment sur le terme -, fermé, mais qui n'est pas une prison. Chaque jeune est pris en charge par deux ou trois éducateurs.

J'ai visité plusieurs centres de ce type : ils sont d'une qualité exceptionnelle. Les jeunes qui arrivent après avoir fait moult bêtises sont complètement déstructurés. Au bout de six mois, les animateurs ou les éducateurs qui les entourent sont capables, grâce à un travail formidable, de leur redonner une ambition de vie. Ils essaient de construire, ensemble, un projet de vie, notamment de formation professionnelle.

A cet égard, j'ai une merveilleuse nouvelle à vous annoncer ; elle devrait d'ailleurs faire réfléchir ceux qui s'opposent aux centres éducatifs fermés : un enfant sur deux ne revoit pas le juge. C'est dire le succès d'une telle structure.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite tous à vous rendre dans l'un des CEF, en abandonnant tout a priori idéologique, pour vous faire votre opinion. Si certains centres peuvent fonctionner plus ou moins bien, en général, je le répète, ces structures pour mineurs sont d'une remarquable qualité.

En ce qui concerne l'accueil des jeunes majeurs délinquants, j'ai eu l'occasion d'aborder le sujet hier soir avec M. Badinter. L'idée est de créer des établissements spécifiques pour les courtes peines, afin d'éviter la prison « pourrissoir ». Nous sommes aussi en train d'agir en ce sens.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je souhaite enfin évoquer une autre catégorie : les établissements pour mineurs.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Nous avons décidé de créer sept structures de ce type, avec quarante places chacune. La première pierre sera posée avant la fin du mois de décembre, pour une inauguration prévue d'ici à environ deux ans, à la fin de 2007 ou au début de 2008.

Chaque établissement pourra recevoir une soixantaine de jeunes. Il y aura donc en gros un « surveillant-éducateur » par enfant. Là encore, la philosophie des CEF s'appliquera, mais avec un soutien pédagogique un peu moins fort.

En effet, je l'ai déjà dit, l'encadrement dans les CEF est extraordinaire, de l'ordre de trois personnes par jeune, jour et nuit, samedi et dimanche compris. C'est vous dire le coût que cela représente pour la société : nous l'acceptons, car nous souhaitons sauver ces jeunes auxquels plus personne ne croyait.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j'insiste vraiment sur ce point, n'hésitez pas à vous rendre dans ces CEF. Si vous le souhaitez, je vous indiquerai les meilleurs !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 27, 76 et 107.

(Les amendements sont adoptés à l'unanimité.)

M. le président. En conséquence, l'article 15 bis B est supprimé et l'amendement n° 41 n'a plus d'objet.

Art. 15 bis B
Dossier législatif : proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales
Art. 15 bis C

Article additionnel après l'article 15 bis B

M. le président. L'amendement n° 42, présenté par MM. Courtois,  Lecerf et  Goujon, est ainsi libellé :

Après l'article 15 bis B, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 33 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est ainsi modifié :

I. - Au dernier alinéa, après les mots : « le juge des enfants », sont insérés les mots : « ou la juridiction de jugement »

II. Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation aux alinéas précédents et dans des cas explicitement prévus par la loi, les centres éducatifs fermés peuvent accueillir des jeunes majeurs. »

La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.

M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le président, puisque cet amendement vise à rendre opérant l'article 15 bis B, que le Sénat vient de supprimer, il n'a, me semble-t-il, plus de raison d'être.

M. le président. En effet, mon cher collègue, l'amendement n° 41 n'a plus d'objet.

Art. additionnel après l'art. 15 bis B
Dossier législatif : proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales
Art. 15 bis D

Article 15 bis C

Après l'article 21 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, il est inséré un article 21-1 ainsi rédigé :

« Art. 21-1. - I. - Les services et unités de la police et de la gendarmerie nationales chargés d'une mission de police judiciaire peuvent mettre en oeuvre, sous le contrôle des autorités judiciaires, des traitements automatisés de données à caractère personnel collectées au cours des enquêtes préliminaires ou de flagrance ou des investigations exécutées sur commission rogatoire et concernant tout crime ou délit portant atteinte aux personnes punis de plus de cinq ans d'emprisonnement ou portant atteinte aux biens et punis de plus de sept ans d'emprisonnement, ou collectées au cours des procédures de recherche de cause de la mort et des causes de disparitions inquiétantes, afin de faciliter la constatation des crimes et délits présentant un caractère sériel, d'en rassembler les preuves et d'en identifier les auteurs, grâce à l'établissement de liens entre les individus, les événements ou les infractions pouvant en mettre en évidence ce caractère sériel.

« Ces traitements peuvent enregistrer des données à caractère personnel de la nature de celles mentionnées au I de l'article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dans la stricte mesure nécessaire aux finalités de recherche criminelle assignées auxdits traitements.

« II. - Ces traitements peuvent contenir des données sur les personnes, sans limitation d'âge :

« 1° A l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteurs ou complices, à la commission d'une infraction mentionnée au premier alinéa du I ; l'enregistrement des données concernant ces personnes peut intervenir, le cas échéant, après leur condamnation ;

« 2° A l'encontre desquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction mentionnée au premier alinéa du I ;

« 3° A l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction mentionnée au premier alinéa du I mais qui sont susceptibles d'apporter des éléments utiles à l'enquête et dont le nom est cité en procédure ;

« 4° Victimes d'une infraction mentionnée au premier alinéa du I ;

« 5° Faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction pour recherche des causes de la mort, prévue par l'article 74 du code de procédure pénale, ou d'une enquête ou d'une instruction pour recherche des causes d'une disparition inquiétante ou suspecte, prévue par les articles 74-1 et 80-4 du même code.

« III. - La durée de conservation des données à caractère personnel enregistrées dans ces traitements est de quarante ans.

« Les dispositions du III de l'article 21 sont applicables aux données à caractère personnel concernant les personnes mentionnées au 1° du II du présent article.

« Les personnes mentionnées au 2°, 3° et 4° du II peuvent demander l'effacement des données enregistrées dans le traitement dès lors que l'auteur des faits a été définitivement condamné, sauf si le procureur de la République compétent en prescrit le maintien pour des raisons liées à la finalité du traitement, auquel cas elles font l'objet d'une mention.

« IV. - Sont destinataires des données à caractère personnel mentionnées au présent article :

« - les personnels spécialement habilités et individuellement désignés de la police et de la gendarmerie nationales ;

« - les magistrats du parquet et les magistrats instructeurs, pour les recherches relatives aux infractions dont ils sont saisis.

« V. - Les dispositions de l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité ne sont pas applicables aux traitements prévus par le présent article.

« VI. - En application de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, fixe les modalités d'application du présent article. Il précise notamment les modalités d'habilitation des personnes mentionnées au deuxième alinéa du IV, ainsi que, le cas échéant, les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d'accès de manière indirecte, conformément aux dispositions de l'article 41 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée. »

M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 108, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. Nous nous interrogeons sur le présent article, qui prévoit l'extension du champ d'application des fichiers de police judiciaire et qui élargit donc un peu plus encore les possibilités d'inscription dans ces fichiers de données nominatives et d'informations à caractère personnel.

En l'espèce, il est inquiétant d'autoriser, par le biais d'une dérogation à la loi du 6 janvier 1978, l'inscription de données à caractère personnel faisant apparaître les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses, l'appartenance syndicale, ou de données qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle des personnes ainsi fichées.

De surcroît, aux termes mêmes de l'article 15 bis C, ces informations pourraient être collectées à propos de personnes à l'encontre desquelles « il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction [...] mais qui sont susceptibles d'apporter des éléments utiles à l'enquête et dont le nom est cité en procédure ». Autrement dit, il s'agirait de simples témoins.

Ces dispositions constituent une grave atteinte au principe du respect de la vie privée, atteinte d'autant plus grave qu'elle toucherait des personnes qui ne sont même pas suspectées d'avoir commis une infraction.

Il est tout aussi inquiétant, d'ailleurs, que ces informations puissent être conservées durant quarante ans.

M. le président. L'amendement n° 84 rectifié, présenté par MM. Türk et  Nogrix, est ainsi libellé :

Supprimer le troisième alinéa (2°) du II du texte proposé par cet article pour l'article 21-1 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003.

La parole est à M. Philippe Nogrix.

M. Philippe Nogrix. L'article 15 bis C vise à insérer dans la loi du 18 mars 2003 un article 21-1 qui prévoit l'enregistrement dans les fichiers SALVAC et ANACRIM de données relatives notamment à des personnes à l'encontre desquelles « il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre » une des infractions visées dans ce même article.

Certes, une telle formulation est utilisée dans le code de procédure pénale afin, notamment, d'étendre les pouvoirs de surveillance, de contrôle d'identité, de placement en garde à vue et de perquisition des officiers de police judiciaire. En revanche, elle n'a jamais permis de définir une catégorie de personnes appelées à figurer dans un fichier de police judiciaire.

Dans certains cas, en effet, il peut être procédé, non pas à une conservation, mais à un rapprochement avec les données du fichier national automatisé des empreintes génétiques, le FNAEG, de l'empreinte ADN de la personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis un crime ou un délit. A l'issue de ce rapprochement, les données relatives à cette personne ne doivent pas être conservées.

De la même façon, si la vérification d'identité peut concerner toute personne à l'égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a, notamment, commis ou tenté de commettre une infraction, cette vérification ne peut donner lieu à la mise en mémoire sur fichiers si elle n'est suivie d'aucune procédure d'enquête ou d'exécution adressée à l'autorité judiciaire.

L'insertion de cette formulation dans le nouvel article 21-1 constituerait donc un précédent. Compte tenu de la grande subjectivité du critère qu'elle définit, le risque de voir des personnes faire l'objet à tort d'un enregistrement dans des fichiers de police judiciaire, sur la base d'éléments insuffisants, ne pourrait être écarté.

M. le président. Les deux amendements suivants sont présentés par M. Zocchetto, au nom de la commission.

L'amendement n° 28 est ainsi libellé :

I.- Supprimer le quatrième alinéa (3°) du II du texte proposé par cet article pour l'article 21-1 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité  intérieure.

II.- En conséquence, dans le dernier alinéa du III du texte proposé par cet article pour le même article, supprimer la référence :

L'amendement n° 126 est ainsi libellé :

Supprimer le premier alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article 21-1de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. La commission a auditionné assez longuement certains membres de la CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, et notamment son président. En effet, malgré les garanties proposées, la rédaction du texte soulève plusieurs incertitudes.

Il en est ainsi concernant les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis des infractions, mais qui sont susceptibles d'apporter des éléments utiles à l'enquête : il ne nous paraît pas très judicieux que les noms de ces personnes puissent être conservés dans le fichier, a fortiori pendant quarante ans.

Cette disposition pourrait avoir pour conséquence que l'on retrouve dans le fichier non seulement des témoins, mais aussi des experts ou des avocats. Un tel élargissement n'est donc pas souhaitable. S'agissant uniquement de ces personnes, contrairement à ce qu'a prévu l'Assemblée nationale, la commission des lois propose qu'elles ne puissent pas figurer dans le fichier. Tel est l'objet de l'amendement n° 28.

L'amendement n° 126 concerne la durée de conservation des informations pour les personnes mises en cause. Le texte prévoit une durée uniforme de quarante ans. Après avoir entendu l'avis d'un certain nombre d'experts, il nous paraît beaucoup plus judicieux de prévoir que la durée de conservation sera fixée par le décret en Conseil d'Etat pris après avis de la CNIL, tel que c'est prévu pour l'application du nouvel article 21-1.

M. le président. Les deux amendements suivants sont présentés par MM. Türk et  Nogrix.

L'amendement n° 85 rectifié est ainsi libellé :

Après les mots :

Sont applicables

rédiger ainsi la fin du deuxième alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article 21-1 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 :

à ces traitements.

L'amendement n° 86 rectifié est ainsi libellé :

Compléter le IV du texte proposé par cet article pour l'article 21-1 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 par un alinéa ainsi rédigé :

« L'habilitation précise la nature des données auxquelles elle autorise l'accès.

La parole est à M. Philippe Nogrix.

M. Philippe Nogrix. Le deuxième alinéa du III du nouvel article 21-1 renvoie aux dispositions protectrices du III de l'article 21 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, qui sont relatives au contrôle exercé par le procureur de la République sur les fichiers.

En visant expressément les seules données relatives aux personnes à l'encontre desquelles existent des indices graves ou concordants, cet alinéa a donc pour conséquence, dans sa rédaction actuelle, de limiter le rôle protecteur du procureur de la République concernant les données relatives aux autres catégories de personnes identifiées dans les fichiers, qu'il s'agisse de victimes, de témoins, d'experts, d'avocats ou d'autres personnes soupçonnées pour des raisons plausibles.

Le principe du contrôle du procureur sur l'ensemble des données et la faculté d'intervenir d'office pour faire effacer, compléter ou rectifier ces données devraient, à notre sens, être garantis par la loi. Tel est l'objet de l'amendement n° 85 rectifié.

S'agissant de l'amendement n° 86 rectifié, le nouvel article 21-1 désigne les destinataires des données enregistrées dans les fichiers relatifs aux crimes et délits présentant un caractère sériel.

A la différence de l'article 21 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, les dispositions nouvelles ne prévoient pas que l'habilitation définisse la nature des données accessibles au bénéfice des personnels de police et de gendarmerie. Ceux-ci pourraient donc, en l'état, avoir accès à l'ensemble des données enregistrées dans les fichiers SALVAC et ANACRIM, sans examen préalable de la nécessité d'un tel accès.

M. le président. L'amendement n° 127, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le début de la seconde phrase du VI du texte proposé par cet article pour l'article 21-1 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 :

Il précise la durée de conservation des données enregistrées, les modalités...  

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements autres que les siens.

M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement n° 126 que je viens de présenter.

Par ailleurs, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 108.

Monsieur Nogrix, la commission vous demande de bien vouloir retirer l'amendement n° 84 rectifié. En effet, il lui semble judicieux que le fichier puisse inclure des informations concernant des personnes à l'encontre desquelles existent une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction. C'est l'objet même de ce fichier.

Quant à l'amendement n° 85 rectifié, il apparaît souhaitable à la commission que le procureur de la République conserve la possibilité d'effacer, de rectifier ou de compléter les données concernant l'ensemble des personnes visées dans ces fichiers. Elle émet donc un avis favorable.

En revanche, elle s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 86 rectifié dans la mesure où les dispositions de la proposition de loi semblent présenter les garanties nécessaires. Toutefois, si la majorité du Sénat pensait que ces dernières sont insuffisantes, elle accepterait de suivre l'argumentaire développé par M. Nogrix.

M. le président. Monsieur Nogrix, l'amendement n° 84 rectifié est-il maintenu ?

M. Philippe Nogrix. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 84 rectifié est retiré.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je le reprends, monsieur le président.

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 84 rectifié bis.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Les auteurs de l'amendement n° 108 n'ont peut-être pas correctement appréhendé le contenu de l'article 15 bis C.

En effet, il s'agit non pas de créer un fichier d'antécédents, comme ceux qui sont visés à l'article 21 de la loi de 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, tels que le STIC ou JUDEX, mais de consacrer l'existence d'un fichier d'analyse criminelle qui procède à des comparaisons entre des procédures afin d'identifier des auteurs de crimes ou de délits en série. Ce type de fichier est utilisé par toutes les polices des démocraties modernes.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Il est également défavorable à l'amendement n° 84 rectifié bis.

Pour ce qui concerne l'amendement n° 28, il est indispensable que les fichiers d'analyse criminelle, comme SALVAC, qui sont nécessaires à l'identification des auteurs de crimes en série, comportent, à la différence des fichiers relevant de l'article 21 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, des informations relatives aux témoins. Le débat actuel porte bien sur le point de savoir si doivent figurer des témoins dans les fichiers. C'est d'ailleurs pour cette raison que ces fichiers doivent être prévus par la loi.

La nécessité de l'inscription de personnes qui ont été témoins dans certaines procédures résulte de la finalité même de ces fichiers. En effet, le recoupement des affaires qui pourra être réalisé grâce à ces fichiers est susceptible de faire apparaître qu'une même personne se trouve régulièrement comme témoin sur les lieux de certains crimes, sans avoir jamais été suspectée dans chacune des ces procédures, alors que sa présence répétée justifie d'orienter les recherches dans sa direction. Ce cas de figure est assez fréquent lorsque se produisent des incendies criminels.

Par ailleurs, l'inscription de l'identité d'un témoin dans ces fichiers ne peut causer aucun préjudice à l'intéressé -  sauf, évidemment, dans l'hypothèse du rapprochement évoqué précédemment - puisque ces fichiers ne pourront pas être utilisés pour connaître les antécédents d'une personne, notamment à des fins de police administrative, cette interdiction étant expressément édictée par la loi.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 28.

Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 126, qui tend à supprimer du texte proposé la précision selon laquelle les données enregistrées seront conservées pendant quarante ans. Ce même délai de conservation est déjà applicable aux informations contenues dans le FNAEG, le fichier national automatisé des empreintes génétiques.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n'est pas pareil !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. C'est par symétrie qu'il est prévu de conserver les données pendant quarante ans.

Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 86 rectifié. Les décrets seront soumis à la CNIL.

Il émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 127, par coordination.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote sur l'amendement n° 108.

M. Robert Badinter. Nous partageons tout à fait le point de vue des auteurs des amendements nos 84 rectifié, 85 rectifié et 86 rectifié. Comment peut-on concevoir, en effet, d'instaurer un fichier pour les criminels, pour les personnes suspectées à l'encontre desquelles ont été recueillis des indices graves et concordants... et pour celles envers lesquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ?

On me rétorquera que ces informations sont confidentielles et qu'elles seront utilisées avec prudence. Que nenni ! On sait bien que, à partir du moment où une personne est fichée, elle le demeure.

Alors que, a priori, aucune raison ne justifie l'inscription d'une personne dans un fichier, il n'est pas logique de prétendre conserver les données la concernant au nom de la commodité. Il existe d'autres moyens.

Ce n'est certainement pas dans le fichier comportant des données visant des criminels qu'il faut faire figurer des témoins sur lesquels aucun soupçon ne pèse. Il faut faire preuve d'un peu de prudence dans le recours au fichier.

Je remercie MM. Nogrix et Türk d'avoir déposé les amendements susvisés, que nous voterons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 108.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 84 rectifié bis.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai été étonné que M. Nogrix retire cet amendement cosigné par M. Türk, qui est d'ailleurs intervenu à la commission des lois. Pour notre part, nous nous sommes vivement félicité qu'il soit membre de ladite commission parce qu'il connaît bien la question. En effet, il est président de la CNIL, dont l'avis doit être demandé en matière de fichiers. Dès lors, nous connaissons l'avis du président de la CNIL avant même que le texte soit voté, ce qui doit évidemment nous guider !

M. Türk explique parfaitement, dans l'objet de l'amendement n° 84 rectifié, que s'il n'y a pas d'inconvénient à ce que la vérification d'identité concerne « toute personne à l'égard de laquelle  existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre  une infraction, elle ne peut donner lieu à la mise en mémoire sur fichiers si elle n'est suivie d'aucune procédure d'enquête ou d'exécution adressée à l'autorité judiciaire. » Tel était le cas jusqu'à présent, et M. Türk demande qu'il en soit de même dorénavant dans l'extension qui serait faite de ces fichiers multiples dont on a du mal à connaître le nombre, à savoir à qui ils servent et pourquoi ils sont si nombreux.

Le Sénat, qui connaît bien M. Türk, sa maîtrise du sujet dont nous traitons et sa haute conscience, devrait le suivre en votant les amendements qu'il a rédigés.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84 rectifié bis.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 126.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 85 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 86 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 127.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 15 bis C, modifié.

(L'article 15 bis C est adopté.)

TITRE III BIS

DISPOSITIONS DIVERSES

Art. 15 bis C
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Art. 15 bis E

Article 15 bis D

Après le premier alinéa de l'article 378 du code civil, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque le crime visé à l'alinéa précédent correspond à l'une des infractions prévues aux articles 222-23 à 222-26 du code pénal, le président de la cour d'assises constate le retrait partiel de l'autorité parentale des condamnés limité au seul mineur victime. Toutefois, la cour, à titre exceptionnel, au regard des circonstances de la cause, des intérêts du mineur et de ceux de la société, peut maintenir l'autorité parentale des coupables sur le mineur victime.

« Si la cour l'estime nécessaire compte tenu des intérêts de la fratrie, elle peut étendre le retrait de l'autorité parentale à tout ou partie des frères et soeurs mineurs de la victime.

« Les décisions de la cour sont spécialement motivées en fait et en droit et sont précédées d'un débat contradictoire au cours duquel la victime ou son représentant légal ou, le cas échéant son avocat, le ministère public et l'avocat des condamnés, ceux-ci ayant la parole en dernier, font connaître leurs observations. »

M. le président. L'amendement n° 29, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

I. Après l'article 222-31 du code pénal, il est inséré un article 222-31-1 ainsi rédigé :

« Art. 222-31-1.- Lorsque le viol ou l'agression sexuelle est commis contre un mineur par une personne titulaire sur celui-ci de l'autorité parentale, la juridiction de jugement doit se prononcer sur le retrait total ou partiel de cette autorité en application des dispositions des articles 378 et 379-1 du code civil.

« Elle peut alors statuer sur le retrait de cette autorité en ce qu'elle concerne les frères et soeurs mineurs de la victime.

« Si les poursuites ont lieu devant la cour d'assises, celle-ci statue sur cette question sans l'assistance des jurés. »

II. Après l'article 227-28-1 du code pénal, il est inséré un article 227-28-2 ainsi rédigé :

« Art. 227-28-2.- Lorsque l'atteinte sexuelle est commise sur la victime par une personne titulaire de l'autorité parentale, la juridiction de jugement doit se prononcer sur le retrait total ou partiel de cette autorité en application des dispositions des articles 378 et 379-1 du code civil.

« Elle peut alors statuer sur le retrait de cette autorité en ce qu'elle concerne les frères et soeurs mineurs de la victime.

« Si les poursuites ont lieu devant la cour d'assises, celle-ci statue sur cette question sans l'assistance des jurés. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. La commission est favorable à l'introduction, dans la proposition de loi, de l'obligation pour la juridiction pénale de statuer sur la déchéance de l'autorité parentale des parents coupables d'inceste sur leur enfant.

Elle souhaite cependant faire remarquer que cette disposition doit figurer non dans le code civil mais dans le code pénal. Tel est l'objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. En la matière, le code civil, que les magistrats connaissent, comporte déjà des dispositions. Il dispose notamment que la cour d'appel peut décider le retrait total ou partiel de l'autorité parentale lorsque le viol ou l'agression sexuelle est commis contre un mineur par une personne titulaire. Il précise aussi que ladite cour peut statuer sur le retrait de cette autorité en ce qu'elle concerne les frères et soeurs mineurs de la victime.

Dès lors, je ne vois pas quelles raisons justifieraient, comme le prévoit l'amendement n° 29, lorsque les poursuites ont lieu devant la cour d'assises, que cette dernière statue seule, sans l'assistance des jurés. Selon moi, la cour d'assises comprend les jurés ; j'aimerais donc obtenir quelques explications sur ce point.

En outre, l'amendement n° 29 fait référence aux dispositions des articles 378 et 379-1 du code civil. Il précise également que la juridiction de jugement « peut alors statuer sur le retrait de cette autorité en ce qu'elle concerne les frères et soeurs mineurs de la victime. »

Les mesures visées par l'amendement précité existent déjà et sont mises en oeuvre. Je ne vois pas pourquoi il faudrait en instaurer de nouvelles. De surcroît, je le répète, pourquoi, lorsque la cour d'assises est saisie, autoriser la seule cour à statuer alors que la cour tout entière, y compris les jurés, a parfaitement compétence non seulement pour prononcer une peine mais aussi pour apprécier s'il y a lieu ou non de retirer l'autorité parentale à l'égard d'un ou de plusieurs enfants ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 15 bis D est ainsi rédigé.

Art. 15 bis D
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Art. 15 quater A

Article 15 bis E

L'article 222-24 du code pénal est complété par un 10° ainsi rédigé :

« 10° Lorsqu'il est commis en concours avec un ou plusieurs autres viols commis sur d'autres victimes. »

M. le président. L'amendement n° 117, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat,  Mathon,  Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. L'article 15 bis E tend à faire du viol commis en concours avec d'autres viols une circonstance aggravante. Cette mesure s'inscrit en fait dans le processus actuel de durcissement et d'accroissement des peines, sans que soient prévues des mesures d'accompagnement.

Nous souhaitons donc la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Madame Mathon, je suis défavorable à votre amendement, dans la mesure où l'auteur d'un viol a souvent tendance à agir de manière répétée, et ce dans un court délai. Or, actuellement, il est puni comme s'il avait commis une infraction unique. Cette situation n'est pas normale.

A l'inverse, il paraît tout à fait justifié de considérer le viol commis en concours comme une circonstance aggravante, et de le punir de vingt ans d'emprisonnement au lieu de quinze ans.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 117.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 15 bis E.

(L'article 15 bis E est adopté.)

Art. 15 bis E
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Art. additionnels avant l'art. 15 quater

Article 15 quater A

I. - Après le 5° de l'article 41-1 du code de procédure pénale, il est inséré un 6° ainsi rédigé :

« 6° En cas d'infraction commise soit contre son conjoint ou son concubin, soit contre ses enfants ou les enfants de ce dernier, demander à l'auteur des faits de résider hors du domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, de s'abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire, de faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique. »

II. -  Après le 13° de l'article 41-2 du même code, il est inséré un 14° ainsi rédigé :

« 14° En cas d'infraction commise soit contre son conjoint ou son concubin, soit contre ses enfants ou les enfants de ce dernier, résider hors du domicile ou de la résidence du couple, et, le cas échéant, s'abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire, faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique. »

III. -  Après le 16° de l'article 138 du même code, il est inséré un 17° ainsi rédigé :

« 17° En cas d'infraction commise soit contre son conjoint ou son concubin, soit contre ses enfants ou les enfants de ce dernier, résider hors du domicile ou de la résidence du couple, et, le cas échéant, s'abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire, faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique. »

IV. - L'article 132-45 du code pénal est complété par un 19° ainsi rédigé :

« 19° En cas d'infraction commise soit contre son conjoint ou son concubin, soit contre ses enfants ou les enfants de ce dernier, résider hors du domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, s'abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire, faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 30 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.

L'amendement n° 118 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat,  Mathon,  Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 30.

M. François Zocchetto, rapporteur. J'espère que nous allons enfin trouver un accord avec nos collègues du groupe CRC !

Le Sénat s'est déjà saisi de la question soulevée à l'article 15 quater A, qui traite de la lutte contre les violences exercées au sein du couple.

La Haute Assemblée a en effet voté, le 29 mars dernier, une proposition de loi, qui a ensuite été transmise à l'Assemblée nationale. Les dispositions qu'elle prévoit ont été reprises en partie dans la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui, relative au traitement de la récidive des infractions pénales, mais il y manque évidemment une mesure importante, qui n'a pas sa place dans un texte sur la récidive, celle qui concerne l'élévation de quinze à dix-huit ans de l'âge minimum requis pour le mariage des jeunes femmes. Le Sénat est très attaché à cette disposition, pour des raisons qui ont été longuement développées et débattues ici.

Nous sommes naturellement favorables aux dispositions de l'article 15 quater A. Cependant, il nous paraît nécessaire de les supprimer de ce texte sur la récidive, car nous souhaitons que l'Assemblée nationale étudie le plus rapidement possible la proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple, que nous lui avons transmise.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 118.

Mme Josiane Mathon. Monsieur le garde des sceaux, nous demandons instamment l'inscription, le plus rapidement possible, de la proposition de loi relative aux violences conjugales, votée au Sénat, à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale, comme Mme Ameline s'y était engagée à l'époque.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La commission est un peu gênée, monsieur le garde des sceaux, dans la mesure où des dispositions identiques à celles qui sont contenues dans l'article 15 quater A ont déjà été adoptées par le Sénat, à l'unanimité, au mois de mars dernier, lors de l'examen de la proposition de loi relative aux violences conjugales. Ce texte était en grande partie motivé par la nécessité de lutter contre les mariages forcés.

Monsieur le garde des sceaux, vous nous avez dit que vous soutiendriez les propositions du Sénat si celles-ci étaient bonnes. Pourriez-vous nous soutenir également auprès du Gouvernement afin que notre proposition de loi soit inscrite à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale ? Le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale s'était d'ailleurs montré très attentif aux travaux du Sénat sur ce sujet.

Il manque une mesure essentielle dans le texte sur la récidive que nous examinons, celle qui concerne l'élévation de l'âge du mariage. Nous souhaitons donc que l'Assemblée nationale examine l'ensemble de ce dispositif et c'est la raison pour laquelle, à notre grand regret, nous sommes obligés de repousser l'article15 quater A, bien que, je le répète, ses dispositions, identiques à celles que nous avions votées précédemment, nous conviennent parfaitement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je m'en remets à la sagesse du Sénat. Si cela était en mon pouvoir, croyez bien que l'inscription de la proposition de loi du Sénat à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée serait rapide. Je crains malheureusement de ne pas disposer d'une grande influence en ce domaine !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais si !

M. le président. Soyez notre avocat, monsieur le garde des sceaux ! (Sourires.)

Je mets aux voix les amendements identiques nos 30 et 118.

(Les amendements sont adoptés à l'unanimité.)

M. le président. En conséquence, l'article 15 quater A est supprimé.

Art. 15 quater A
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Art. 15 quater

Articles additionnels avant l'article 15 quater

M. le président. L'amendement n° 31, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Avant l'article 15 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. L'article 434-7-2 du code pénal est ainsi modifié :

1° Les mots : « de révéler, directement ou indirectement, ces informations à des personnes susceptibles d'être impliquées » sont remplacés par les mots : « de révéler sciemment ces informations à des personnes qu'elle sait susceptibles d'être impliquées ».

2° Les mots : « est de nature à entraver » sont remplacés par les mots : « est réalisée dans le dessein d'entraver ».

3° Les mots : « cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende » sont remplacés par les mots : « deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende ».

4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l'enquête ou l'instruction concerne un crime ou un délit puni de dix ans d'emprisonnement relevant des dispositions de l'article 706-73 du code de procédure pénale, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende. »

II. Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article 43 du code de procédure pénale, les mots : « une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public », sont remplacés par les mots : « un magistrat, un avocat, un officier public ou ministériel, un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale, des douanes ou de l'administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Les amendements nos 31, 32 et 33 concernent tous trois l'exercice de la profession d'avocat et modifient les dispositions de la loi du 9 mars 2004, dite loi Perben II.

Le Sénat, comme d'autres, n'a pas manqué de saluer l'initiative de M. le garde des sceaux qui, dès son installation place Vendôme, a engagé des concertations avec la profession d'avocat, qui s'était émue des dispositions que nous avions adoptées voilà plus d'un an.

Aujourd'hui, le moment est venu de vous présenter trois amendements tendant à corriger les imperfections de ce texte.

Le premier, l'amendement n° 31, concerne le délit de révélation d'une information issue d'une procédure pénale : pour être poursuivi, l'auteur de la révélation, en l'occurrence l'avocat - mais cette profession n'est pas la seule concernée -, devra avoir agi sciemment et dans le dessein d'entraver la procédure.

La peine sera ramenée à deux ans d'emprisonnement, ce qui interdit le recours à des mesures de détention provisoire. Toutefois, elle sera maintenue à cinq ans d'emprisonnement en cas d'infraction relative à la criminalité organisée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je remercie M. le rapporteur d'avoir bien voulu présenter ces amendements, qui constituent un véhicule législatif propre à satisfaire la profession d'avocat.

La loi Perben II est une loi fort importante, composée de près de 250 articles, modifiant 500 articles au moins du code de procédure pénale et du code pénal. Qu'il soit nécessaire de préciser les termes de l'une de ses dispositions, comme vient de le proposer M. le rapporteur sur ma suggestion, n'a rien d'extraordinaire.

L'article 434-7-2 du code pénal, qui a fait couler beaucoup de salive, devrait donc être désormais bien encadré, sauf dans les cas de grande criminalité et de terrorisme.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 15 quater.

L'amendement n° 32, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Avant l'article 15 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 56-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les perquisitions dans le cabinet d'un avocat ou à son domicile ne peuvent être effectuées que par un magistrat et en présence du bâtonnier ou de son délégué, à la suite d'une décision écrite et motivée prise par ce magistrat, qui indique la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l'objet de celle-ci. Le contenu de cette décision est porté dès le début de la perquisition à la connaissance du bâtonnier ou de son délégué par le magistrat. Celui-ci et le bâtonnier ou son délégué ont seuls le droit de consulter ou de prendre connaissance des documents se trouvant sur les lieux préalablement à leur éventuelle saisie. Aucune saisie ne peut concerner des documents relatifs à d'autres infractions que celles mentionnées dans la décision précitée. Les dispositions du présent alinéa sont édictées à peine de nullité.

« Le magistrat qui effectue la perquisition veille à ce que les investigations conduites ne portent pas atteinte au libre exercice de la profession d'avocat. »

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du présent article sont également applicables aux perquisitions effectuées dans les locaux de l'ordre des avocats ou des caisses de règlement pécuniaire des avocats. Dans ce cas, les attributions confiées au juge des libertés et de la détention sont exercées par le président du tribunal de grande instance qui doit être préalablement avisé de la perquisition. Il en est de même en cas de perquisition au cabinet ou au domicile du bâtonnier. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. S'agissant des perquisitions effectuées dans le cabinet d'un avocat, cet amendement vise tout d'abord à rendre obligatoire une décision écrite et motivée d'un magistrat, dont le contenu sera porté à la connaissance du bâtonnier.

Cet amendement tend également à interdire la consultation des documents se trouvant sur place par des personnes autres que le magistrat ou le bâtonnier.

Il institue, ensuite, le principe de spécialité de la perquisition en interdisant la saisie de documents qui ne seraient pas en rapport avec l'infraction.

La nécessité du respect de l'exercice de la profession d'avocat est également rappelée, notamment au travers de l'interdiction de placer sous scellés des locaux abritant plusieurs cabinets d'avocats ou plusieurs associés.

Enfin, ces dispositions sont étendues aux perquisitions effectuées dans les locaux de l'ordre et dans ceux des caisses autonomes des règlements pécuniaires des avocats, les CARPA.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous nous félicitons qu'un accord ait été recherché et obtenu avec le barreau sur une question qui, en effet, a fait couler beaucoup d'encre.

Je soulèverai cependant un point de détail.

La rédaction suivante a-t-elle vraiment fait l'objet d'un accord avec la profession : « Le contenu de cette décision est porté dès le début de la perquisition à la connaissance du bâtonnier ou de son délégué par le magistrat. Celui-ci et le bâtonnier ou son délégué ont seuls le droit de consulter ou de prendre connaissance des documents se trouvant sur les lieux préalablement à leur éventuelle saisie » ?

Qui peut me dire quelle est la différence entre la consultation d'un document et le fait d'en prendre connaissance ? Je ne demande qu'à l'apprendre ! Si personne ne peut me le dire et s'il n'y a pas de différence, nous ferions honneur au Sénat en supprimant l'un ou l'autre de ces deux termes.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Vous avez tout à fait raison, monsieur Dreyfus-Schmidt, mais, comme vous le savez, j'ai créé un groupe de travail pérenne avec des avocats et cette rédaction émane de vos confrères ou ex-confrères !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et des vôtres !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Cette rédaction est effectivement redondante, mais si elle leur fait plaisir ... (Sourires.)

M. le président. Je vois que des sourires parcourent l'hémicycle !

Mes chers collègues, il vous est proposé de ne pas modifier la rédaction de cet amendement dans la mesure où il existe un accord entre le barreau et le Gouvernement.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est donc dans l'intérêt du barreau !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Je tiens à préciser que les représentants du barreau tiennent à cette formule redondante, car celle-ci vise, à travers la prise de connaissance de documents, des informations contenues sur des supports informatiques.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 15 quater.

L'amendement n° 33, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Avant l'article 15 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 100-5 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« A peine de nullité, ne peuvent être transcrites les correspondances avec un avocat relevant de l'exercice des droits de la défense. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement pose le principe, à peine de nullité, de l'interdiction de transcription des écoutes téléphoniques concernant des avocats lorsqu'elles relèvent des droits de la défense, qu'il s'agisse d'écoutes directes ou indirectes.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 33 mentionne des « correspondances ». Or, dans votre intervention, vous avez parlé de conversations téléphoniques ...

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Le mot « correspondances » est un terme générique qui désigne en l'occurrence les écoutes téléphoniques : ce sont des correspondances téléphoniques, si vous voulez.

Encore une fois, ce texte ne vient pas d'être rédigé. Il a fait l'objet de nombreuses discussions entre tous les professionnels concernés. Nous vous le soumettons « en l'état », dans la mesure où il n'est pas susceptible d'être discuté par les personnes intéressées.

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Je vous remercie pour ces précisions, monsieur le rapporteur. Il est vrai que l'usage courant du mot « correspondances » renvoie plutôt à des écrits. Pour ma part, il ne me fait pas penser immédiatement à un ensemble incluant les communications téléphoniques.

Il serait donc utile que soit mentionné, dans le compte rendu de nos débats, que le mot « correspondances » désigne toute forme de communications, y compris téléphoniques.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, garde des sceaux. M. Sueur a raison de s'intéresser au débat ! (Sourires.)

Je l'informe que l'article 100-5 du code de procédure pénale fait partie d'une sous-section 2 intitulée : « des interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications ». Aucune ambiguïté n'est donc possible quant au sens du mot « correspondances ».

M. Jean-Pierre Sueur. Merci, monsieur le garde des sceaux.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 15 quater.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Art. additionnels avant l'art. 15 quater
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Art. 15 quinquies

Article 15 quater

I. - L'article 76 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Dans la première phrase du dernier alinéa, après les mots : « de l'enquête relative », sont insérés les mots : « à un crime ou » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l'application des dispositions de l'alinéa précédent, est compétent le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dont le procureur de la République dirige l'enquête, quelle que soit la juridiction dans le ressort de laquelle la perquisition doit avoir lieu. Le juge des libertés et de la détention peut alors se déplacer sur les lieux quelle que soit leur localisation sur le territoire national. Le procureur de la République peut également saisir le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel la perquisition doit avoir lieu, par l'intermédiaire du procureur de la République de cette juridiction. »

II à VI. - Non modifiés

VI bis. - L'article 706-92 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l'application des dispositions des articles 706-89 et 706-90, est compétent le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dont le procureur de la République dirige l'enquête, quelle que soit la juridiction dans le ressort de laquelle la perquisition doit avoir lieu. Le juge des libertés et de la détention peut alors se déplacer sur les lieux quelle que soit leur localisation sur l'ensemble du territoire national. Le procureur de la République peut également saisir le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel la perquisition doit avoir lieu, par l'intermédiaire du procureur de la République de cette juridiction. »

VII. - Non modifié

VIII. - A la fin du dernier alinéa de l'article 716-4 du même code, après les mots : « de l'article 712-17 », sont insérés les mots : «, de l'article 712-19 ».

IX. - Dans le dernier alinéa de l'article 721-3 du même code, la référence : « 712-6 » est remplacée par la référence : « 712-7 ».

X. - Dans la première phrase de l'article 723-2 du même code, après les mots : « de la semi-liberté », sont insérés les mots : « ou du placement à l'extérieur ».

XI. - Dans le premier alinéa de l'article 742 du même code, les mots : « ordonnance motivée » sont remplacés par les mots : « jugement motivé ».

XII. - 1° L'article 762 du même code devient l'article 761-1 ;

2° Il est rétabli un article 762 ainsi rédigé :

« Art. 762. - Lorsque le juge de l'application des peines statue en application des dispositions de l'article 754 pour mettre à exécution l'emprisonnement encouru pour défaut de paiement d'un jour-amende, les dispositions de l'article 750 ne sont pas applicables.

« Les dispositions des articles 752 et 753 sont applicables. Pour l'application de l'article 754, une mise en demeure de payer, adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, a les mêmes effets qu'un commandement de payer. »

XIII. - Dans le dernier alinéa de l'article 762-4 du même code, la référence : « 712-5 » est remplacée par la référence : « 712-8 ».

M. le président. L'amendement n° 34, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après le X  de cet article, insérer un paragraphe X bis ainsi rédigé :

 X bis.- 1°.- A la fin de la première phrase du premier alinéa de l'article 733-2 du code de procédure pénale, les mots : « en application du premier alinéa de l'article 131-22 du code pénal », sont remplacés par les mots : « en application des dispositions des deuxièmes alinéas des articles 131-9 et 131-11 du code pénal ».

2°.- Le 2° de l'article 174 de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité est abrogé.  

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement ne vise qu'à corriger une erreur de référence.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 15 quater, modifié.

(L'article 15 quater est adopté.)

Art. 15 quater
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Art. additionnel après l'art. 15 quinquies

Article 15 quinquies

L'article 712-2 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé:

« Pour le fonctionnement de son cabinet, le juge de l'application des peines est assisté d'un greffier et doté d'un secrétariat-greffe. » - (Adopté.)

Art. 15 quinquies
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Art. 16 A

Article additionnel après l'article 15 quinquies

M. le président. L'amendement n° 80, présenté par MM. Badinter,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Peyronnet et  Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 15 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la deuxième phrase de l'article 149 du code de procédure pénale, après les mots : « a pour seul fondement », sont supprimés les mots : « la reconnaissance de son irresponsabilité au sens de l'article 122-1 du code pénal, ».

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tout le monde, j'en suis sûr, reconnaîtra que nous avons fait en sorte de terminer l'examen de ce texte ce soir. Je le dis parce que j'ai la faiblesse de tenir personnellement à cet amendement, qui a été évoqué très rapidement en commission. Je n'ai pas réussi alors à convaincre mes collègues et j'aimerais y parvenir maintenant.

Nous avons, il y a un certain temps, adopté, avec l'accord de tous, le principe de la réparation intégrale du préjudice causé par une détention provisoire subie à tort. Toutefois, sur ma proposition - et je vous prie de m'excuser d'employer la première personne du singulier -, pour éviter que certains ne prétendent abusivement à réparation, nous avions prévu quelques exceptions : lorsque la personne a bénéficié d'« une amnistie postérieure à la mise en détention provisoire, ou lorsque la personne a fait l'objet d'une détention provisoire pour s'être librement accusée ou laissée accuser à tort en vue de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites ».

Ces trois exceptions étaient justifiées, mais nous avions prévu un autre cas, celui de la personne reconnue irresponsable. A l'époque, il m'avait semblé que le juge d'instruction pouvait ne pas savoir au début de l'instruction que l'intéressé serait ensuite déclaré irresponsable, et c'est pourquoi j'avais aussi proposé cette exception.

Or il m'a été fait remarquer depuis, et c'est parfaitement exact, que le fondement de la réparation était non pas que le juge se soit ou non trompé, mais que l'intéressé ait fait à tort l'objet d'une détention provisoire.

C'est à l'évidence le cas de celui qui a été reconnu irresponsable, même s'il a manifestement commis les faits dont il était accusé : il aurait dû être placé en centre psychiatrique, pas en prison ! Et, à supposer qu'il ait été irresponsable au moment des faits et que, ensuite il ait recouvré la raison, il a aussi subi un préjudice.

C'est pourquoi nous vous proposons cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Monsieur Dreyfus-Schmidt, nous avons étudié avec beaucoup d'attention vos arguments, car vous auriez pu, en effet, révéler une situation tout à fait anormale.

Cependant, après une étude approfondie, il semble difficile à la commission de justifier qu'une personne qui a pu commettre les faits mais qui, en application de l'article 122-1 du code pénal, ne peut être condamnée en raison de l'abolition de son discernement puisse bénéficier d'une réparation à raison de la détention provisoire. C'est pourquoi elle a, vous le savez, émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je partage l'avis de M. le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Que l'intéressé ait ou non avoué, en tout état de cause, puisqu'il a été reconnu irresponsable, il n'avait pas à être mis en prison. Pour fonder le droit à réparation, nous avions été unanimes à retenir le critère de la détention provisoire intervenue à tort, et je me permets donc d'insister auprès de nos collègues.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 80.

(L'amendement n'est pas adopté.)

TITRE IV

DISPOSITIONS TRANSITOIRESET RELATIVES À L'OUTRE-MER

Art. additionnel après l'art. 15 quinquies
Dossier législatif : proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales
Art. 16

Article 16 A

Les dispositions de la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 721 du code de procédure pénale, dans leur rédaction résultant de l'article 5 de la présente loi, sont applicables aux condamnations mises à exécution après la date d'entrée en vigueur de la présente loi, quelle que soit la date de commission des faits ayant donné lieu à la condamnation.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 35 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.

L'amendement n° 78 est présenté par MM. Badinter,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Peyronnet et  Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 119 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat,  Mathon,  Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 35.

M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec la position adoptée par le Sénat à l'article 5.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 78.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 119.

Mme Josiane Mathon. Cet amendement est également défendu.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 35, 78 et 119.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'article 16 A est supprimé.

Art. 16 A
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 16

Les dispositions de l'article 723-29, des 1°, 2° et 3° de l'article 723-30, et des articles 723-31 à 723-37 du code de procédure pénale relatives à la surveillance judiciaire sont immédiatement applicables aux condamnés dont le risque de récidive est constaté après la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

« Toutefois, s'il s'agit de personnes condamnées pour des faits commis avant cette date, les compétences confiées au juge de l'application des peines par les articles 723-29 et 723-31 sont exercées par le tribunal de l'application des peines. Si le condamné demande que l'expertise prévue par l'article 723-31 fasse l'objet d'une contre-expertise, celle-ci est de droit.

« Pour l'application des dispositions de l'article 723-29 aux personnes dont la condamnation a été mise à exécution avant le 1er janvier 2005, il est tenu compte des réductions de peine dont le condamné a bénéficié conformément aux dispositions de l'article 721 du code de procédure pénale dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

« Pour l'application des dispositions de l'article 723-29 aux personnes condamnées avant le 1er mars 1994, il est tenu compte de la nature des faits pour lesquels elles ont été condamnées sous l'empire des dispositions du code pénal applicables avant cette date, au regard des qualifications prévues par les dispositions du code pénal applicables à compter de cette date.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 79 est présenté par MM. Badinter,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Peyronnet et  Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 120 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat,  Mathon,  Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 79.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'article 16 a été rétabli en deuxième lecture par l'Assemblée nationale. Il prévoit l'application immédiate du placement sous surveillance électronique mobile aux personnes déjà condamnées à la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

Nous nous opposons à cette rétroactivité parce que nous considérons que le placement sous surveillance électronique mobile est non pas une modalité d'application de la peine déjà prononcée, non plus qu'une mesure de sûreté ou de police, mais - et je vous renvoie, mes chers collègues, au rapport de M. Fenech - une peine qui, à ce titre, ne peut être rétroactive, d'où notre amendement de suppression de l'article 16. On sait d'ailleurs ce qu'il faut penser des articles 16... (Sourires.)

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Mitterrand ne l'avait pas supprimé !

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 120.

Mme Josiane Mathon. Nous avons suffisamment développé nos arguments tendant à démontrer que le placement sous surveillance électronique mobile est une peine à part entière et qu'il ne peut, de ce fait, être appliqué à l'encontre de personnes qui n'encouraient pas une telle peine au moment de leur condamnation.

Nous réaffirmons donc que cet article est contraire au principe de non-rétroactivité de la loi pénale répressive.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Je me suis longuement exprimé hier dans la discussion générale sur le thème de la rétroactivité. Nous avons mené une analyse très approfondie, me semble-t-il, de la question au sein de la commission. C'est ce qui me conduit à émettre un avis défavorable sur les deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je pense m'être moi-même longuement exprimé. Je rappelle que l'article 16 ne prévoit nullement l'application rétroactive d'une peine, mais envisage l'application immédiate d'une modalité d'application d'une peine déjà prononcée par une juridiction de jugement. Il est donc constitutionnel.

Je sais que les groupes de l'opposition du Sénat continuent à débattre ce point, mais que l'on m'explique dès lors pourquoi M. Caresche, député socialiste, propose, dans le même cadre constitutionnel, non pas le bracelet mais l'injonction de soins. Entre l'Assemblée nationale et le Sénat, la vision constitutionnelle de l'opposition n'est pas la même !

M. Pierre-Yves Collombat. C'est possible : nous sommes une anomalie ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous ne pouvons pas admettre l'argument de M. le ministre. Que tel ou tel de nos collègues, appartenant à tel ou tel groupe, y compris celui qui porte le même nom que le nôtre à l'Assemblée nationale, défende une position...

M. Pascal Clément, garde des sceaux. C'est tout de même le porte-parole du groupe socialiste !

M. Jean-Pierre Sueur. ...ne nous empêche pas d'en défendre une autre ici. Sinon, on ne voit pas pourquoi il y aurait deux chambres. Et pour ma part, je dois vous le dire, monsieur le ministre, j'ai peu apprécié qu'aujourd'hui, à une heure vingt du matin, vous lanciez un appel vibrant à la communion des votes dans l'unanimité des forces de l'UMP.

C'est, certes, une conception de l'action politique que d'inviter toute l'UMP à se dresser contre la position de la commission des lois du Sénat. Eh bien, nous, nous acceptons une diversité ; nous pensons même qu'elle est utile, et nous réfutons donc cet argument.

En outre, nous ne pouvons pas, alors que nous arrivons à la fin de l'examen du texte, ne pas revenir sur une grave question, déjà largement évoquée : bien des difficultés auxquelles vous êtes confronté viennent de votre refus de dire clairement que ce bracelet électronique, c'est une peine. A vous entendre, tantôt c'est une peine, tantôt ce n'en est pas une. Attendons ce que dira le Conseil constitutionnel.

En l'état actuel des choses, c'est selon : si cela vous arrange, c'est une peine, mais, si cela ne vous arrange pas, cela n'en est pas une. J'ai rapidement pris en note ce que vous venez de dire, monsieur le garde des sceaux, et qui mérite d'être cité : il s'agit, selon vous, de « l'application immédiate d'une modalité d'application d'une peine »...

Je vois ce qu'est une peine, je vois ce qu'est une mesure qui, après la peine, favorise la réinsertion et le suivi de la personne ; en revanche, je ne comprends pas bien cette déclaration en vertu de laquelle il n'y aurait pas rétroactivité parce que ce serait non pas une peine, mais l'application immédiate d'une modalité d'application d'une peine.

C'est vraiment incompréhensible ; en tout cas, moi, je ne comprends pas, je me permets de le dire en toute simplicité. Je pense que le Conseil constitutionnel aura matière à statuer sur cette question...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !

M. Jean-Pierre Sueur. ... et qu'il sera très intéressé par cette définition de M. le garde des sceaux.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 79 et 120.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 16.

(L'article 16 est adopté.)

M. le président. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.

Vote sur l'ensemble

Art. 16
Dossier législatif : proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de ce débat, je voudrais tout d'abord dire combien nous apprécions qu'aient été adoptés les trois amendements traitant de la situation dans laquelle se sont trouvés un certain nombre d'avocats ; je veux parler de la détention, de la possibilité de perquisitionner dans leurs cabinets et de verser au dossier les écoutes téléphoniques des conversations entre eux et leurs clients. Cela a suscité dans tous les barreaux de France une vive émotion, et il est très bon que nous ayons pu légiférer, d'ailleurs de manière unanime, sur ce sujet.

Nos motifs de satisfaction vont toutefois s'arrêter là.

Sur l'ensemble de la proposition de loi, on peut, certes, considérer que le Sénat a joué son rôle : le texte, tel qu'il ressort de nos travaux, présente moins de dangers, d'inconvénients, de défauts que celui qui était issu des travaux de l'Assemblée nationale. Cela me paraît clair.

Toutefois, pour nous, ce texte reste marqué par un certain nombre de caractères tout à fait préjudiciables.

C'est ainsi qu'il témoigne, dans son ensemble, d'une certaine suspicion à l'égard des magistrats, lesquels jugent en leur âme et conscience et au nom du peuple français. Ils connaissent les situations de récidive, au vu desquelles ils ont la faculté de prendre les décisions qui s'imposent.

De plus, nous considérons que toutes les dispositions qui accroissent mécaniquement les peines ne vont pas dans le bon sens.

Par ailleurs, l'ensemble des mesures relatives à la réitération contenues dans le texte qui va être adopté sont source de confusion et de difficultés, tant d'interprétation que de mise en application.

Enfin, nous avons clairement dit notre opposition au mandat de dépôt à l'audience, qui risque malheureusement d'être adopté.

Sur trois autres points que je vais évoquer, le Sénat a opté pour des infléchissements bénéfiques.

D'abord, la durée du placement sous surveillance électronique est fixée à deux ans renouvelables, période qui, pour être inférieure à celle qui avait été prévue par l'Assemblée nationale, n'en pose pas moins problème. Nous l'avons dit et j'y reviendrai en conclusion.

Ensuite, deux dispositions ont été adoptées par notre assemblée contre lesquelles le Gouvernement, en votre personne, monsieur le ministre, s'est vivement élevé. Je pense principalement à  la limitation du crédit de peine en cas de récidive.

Sur le sujet, la commission des lois était unanime. Je rappelle que, pendant la nuit, ...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il ne faut jamais reparler de ce qui s'est passé pendant la nuit !

M. Jean-Pierre Sueur. ... le Gouvernement nous a expliqué que cette disposition, qui excluait la limitation du crédit de peine en cas de récidive, était contraire à la philosophie du texte. 

En dépit de cette injonction formulée à l'égard des sénateurs de la majorité, en dépit de vos efforts, monsieur le ministre, nous avons quand même eu la satisfaction de constater que le Sénat a finalement suivi, à une voix de majorité - une voix, certes, mais une voix salutaire et que je tiens à saluer - la commission des lois, son président et son rapporteur, au moment du vote.

Pour ce qui est des fichiers, je salue à nouveau la voix salutaire qui, au Sénat, a permis d'éviter des mesures attentatoires aux libertés et aux droits des personnes. A cet égard, j'espère que, dans la suite du débat, prévaudra le souci de préserver cet acquis sénatorial.

J'en arrive à ma conclusion.

M. le président. Heureusement, car vous avez dépassé votre temps de parole !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes en désaccord sur la philosophie du texte quant au placement sous surveillance électronique mobile, ce pour plusieurs raisons que nous avons amplement exposées et que je me bornerai à rappeler.

Premièrement, la durée : les incertitudes sont nombreuses. Nous le savons, nous l'avons vu, nous avons lu les rapports, y compris celui de M. Fenech.

Deuxièmement, les moyens, sur lesquels nous n'avons  pas eu de réponse.

Troisièmement, la question fondamentale de savoir s'il s'agit ou non une peine. Nous, nous acceptons, dans certaines conditions, que cela puisse être une modalité d'exécution d'une peine, mais nous n'acceptons pas ce discours incompréhensible selon lequel tantôt c'est une peine, tantôt c'est autre chose.

Pour en finir, je dirai que cette proposition de loi traduit la volonté, une fois encore, de répondre à l'opinion, de légiférer en fonction d'un certain nombre de faits très douloureux qui se sont produits, mais en méconnaissant la seule réponse efficace à la récidive, à savoir changer les prisons, mieux suivre les personnes détenues, préparer leur libération, les aider, lorsqu'elles sortent de prison, à se réinsérer socialement et professionnellement.

Un travail très concret doit être accompli, car c'est le seul qui permettra, nous le savons bien, d'obtenir des résultats. C'est leurrer l'opinion que de faire croire qu'une simple mesure technique permettra d'atteindre le but recherché. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote.

M. Nicolas Alfonsi. Monsieur le président, je serai très bref.

La diversité des opinions au sein de mon groupe a un avantage, mais elle crée aussi l'inconvénient de devoir réaliser une synthèse difficile au moment des explications de vote.

La participation active qui a été la mienne au cours de ce débat me conduit à faire connaître l'opinion du groupe. Bien entendu, la majorité votera ce texte et une grosse minorité s'abstiendra. Je ne rentrerai pas dans les subtilités et les cheminements qui ont conduit cette minorité à s'abstenir, ce serait trop long !

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.

M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais intervenir brièvement, au nom du groupe de l'Union centriste.

Lorsque vient en discussion un texte important sur un sujet aussi sensible que celui de la récidive, on s'expose à un certain nombre de risques.

Le premier est de vouloir aller dans le sens de la répression à tout-va. Or, on sait que cela ne marche pas.

Le deuxième consiste à dire, au contraire, que la répression ne marchant pas, mieux vaut être moins dur avec les détenus, qui seront ainsi moins tentés par la récidive. Mais il est tout aussi prouvé que le laxisme ne règle pas les problèmes.

Le troisième risque est de vouloir céder à l'opinion, toujours prompte à s'émouvoir sur les problèmes de récidive, en tentant d'établir une législation qui privilégie l'effet d'affichage sans traiter les problèmes au fond.

Le quatrième, avec lequel on a flirté par moments, consiste à porter atteinte à un certain nombre de grands principes du droit pénal auxquels le Sénat considère unanimement qu'il n'est pas possible de toucher.

Le travail à faire n'était pas simple. Je voudrais féliciter la commission, son président, son rapporteur et l'ensemble des collègues qui ont fait progresser le texte de l'Assemblée nationale dans le sens de l'équilibre, à l'image de ce que nous avions fait en première lecture.

En première lecture, nous avions laissé un certain nombre de points en suspens, notamment la question du placement sous surveillance électronique mobile. Nous avions alors annoncé que nous reprendrions l'examen de ces points une fois que nous aurions eu connaissance du rapport de M. Fenech. Cela a été fait !

Le travail a été poursuivi en respectant l'équilibre et les grands principes du droit pénal, auxquels le Sénat est attaché. C'est donc tout à l'honneur de notre Haute Assemblée.

Bien entendu, tout n'est pas réglé. Dans ce domaine, malheureusement, tout n'est jamais complètement résolu. Mais donnons du temps au texte, qui sera bien évidemment ajusté par la commission mixte paritaire. En effet, il y a parfois eu des désaccords, mais ce n'est pas dramatique, et c'est aussi le fonctionnement du Parlement qui le veut.

Je le répète, il faudra laisser le temps aux mesures nouvelles que nous avons introduites dans ce texte de donner toute leur ampleur. Il faudra également mettre un frein à une pratique trop fréquente depuis quelques années, à savoir la modification du code pénal.

Cela étant, rien ne sera réellement réglé si nous ne nous attaquons pas parallèlement, même si je sais que cette mesure réclame des moyens, à la nécessité de mieux préparer le retour des détenus à la liberté. Ce point a été évoqué sur toutes les travées. Nous en sommes donc tous conscients.

Les textes sont une bonne chose, et nous les avons améliorés, mais il nous faut aussi mettre en place les moyens d'assurer le suivi socio-judiciaire, qui est absolument indispensable afin que le détenu libéré ne soit pas tenté de récidiver. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote.

M. Laurent Béteille. A mon tour, je veux dire que le bicaméralisme est une chance pour la démocratie, et que, en son sein, le Sénat y joue un rôle tout particulier. En effet, il est moins confronté à la pression de l'opinion publique, en particulier grâce à un mode de scrutin indirect, souvent décrié, mais qui en est pourtant la principale garantie. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

Sensible aux préoccupations de nos concitoyens, le Sénat est néanmoins plus éloigné du prisme médiatique, qui joue parfois le rôle d'un miroir déformant de nos débats. Loin d'être un handicap, cette diversité est une chance, car elle apporte sérénité à nos débats et mesure à nos propositions.

J'insiste tout particulièrement sur cette spécificité, car elle détermine notre résistance à la dramatisation de nos échanges, sans affaiblir pour autant nos convictions.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !

M. Laurent Béteille. En définitive, elle permet de renforcer l'efficacité de notre législation.

Pour en venir au fond de notre débat, je tiens à indiquer, au nom du groupe UMP, notre satisfaction vis-à-vis du texte que nous nous apprêtons à adopter. Il nous semble que les conditions d'un consensus avec l'Assemblée nationale sont maintenant réunies. Chacune des assemblées a fait un pas notable vers l'autre.

Avec l'Assemblée nationale et le Gouvernement, nous partageons la même finalité depuis le début, à savoir mettre en place, avec détermination, tous les moyens de la procédure pénale dont nous pouvons disposer afin d'améliorer la lutte contre la récidive et contre les crimes les plus monstrueux qui interpellent nos consciences et celles de nos concitoyens.

Nous sommes également en situation, à présent, de nous accorder sur les modalités de mise en oeuvre de ces moyens. Qu'il s'agisse du placement sous surveillance électronique mobile, de la réitération d'infractions, de l'extension du FIJAIS, je ne doute pas que la commission mixte paritaire saura proposer un texte équilibré en respectant le double objectif qui nous anime tous : apporter une réponse pénale effective qui soit adaptée à la situation très particulière des délinquants récidivistes et s'inscrire dans la continuité de notre droit positif dans le respect de toutes les parties et de la hiérarchie des sanctions. Nos compatriotes nous sauront gré de mettre en oeuvre cette amélioration des moyens de notre justice pénale afin d'appréhender ces phénomènes inacceptables dans une société moderne.

Enfin, à l'instar de M. Détraigne, je souhaite conclure mon propos en émettant un voeu.

Monsieur le garde des sceaux, il est temps d'établir un moratoire sur la matière pénale.

M. Jean-Pierre Sueur. On le dit à chaque fois !

M. Laurent Béteille. Cette « récidive » textuelle n'est pas de votre fait. Il s'agit d'une tendance lourde depuis deux décennies. Il faut le rappeler, en vingt ans, le Parlement a été saisi de dix-huit réformes de la procédure pénale et du code pénal.

Cette stratification pose inévitablement des problèmes. Il ne faudrait pas que l'empilement des textes ait pour conséquence, au pire, d'entraîner des vices de procédure ou, au mieux, de rendre encore plus ardue la tâche des magistrats.

Monsieur le ministre, mon groupe votera cette proposition de loi dans sa rédaction équilibrée, issue des travaux de notre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. Monsieur le garde des sceaux, au cours de cette deuxième lecture au Sénat, vos réponses et vos interventions auront tout particulièrement mis en évidence que cette proposition de loi devait absolument montrer à l'opinion que le Gouvernement et sa majorité n'étaient pas laxistes. Pour ce faire, il a donc fallu augmenter l'arsenal répressif ! Ce choix d'un affichage politique a été propice à une surenchère et à une démesure comme jamais cela ne s'était vu à l'Assemblée nationale.

En première lecture, le Sénat avait bien essayé de mettre un frein à l'emballement des députés en supprimant la majeure partie des articles de la proposition de loi, notamment ceux qui étaient relatifs à la limitation du crédit de réduction de peine, au fichier des irresponsables pénaux ou au bracelet électronique permanent.

La proposition de loi est axée sur le placement sous surveillance électronique, véritable double peine infligée au condamné après sa peine privative de liberté, et l'allongement de la durée d'emprisonnement. Dans ce dernier cas, les députés n'ont pas fait dans la demi-mesure : ils ont allongé la période de sûreté ainsi que la durée d'épreuve à accomplir avant de pouvoir demander une libération conditionnelle, ils ont restreint le droit à la suspension de peine pour les détenus dont le pronostic vital est engagé ou, encore, ils ont augmenté la durée de la détention provisoire pour les mineurs.

Le Gouvernement et sa majorité ont joué bien maladroitement avec les chiffres et sciemment ignoré les recommandations avisées des professionnels judiciaires et pénitentiaires en matière de prévention de la récidive.

La manipulation de l'opinion est constante. Monsieur le garde des sceaux, comment avez-vous pu déclarer sans aucun scrupule, comme vous l'avez fait en introduction de votre intervention dans la discussion générale, que les récidivistes étaient aujourd'hui considérés comme des primo-délinquants et que cette situation devait changer ? Mais relisez donc le code pénal !

De même, il est assez incroyable de dire sans ciller que les textes actuels sont insuffisants, voire inexistants pour prévenir la récidive des grands criminels.

Monsieur le garde des sceaux, la répression existe. Hélas ! elle ne prévient pas totalement la récidive, qui, je le répète, est l'échec du sens de la peine.

En revanche, rien n'est prévu afin d'augmenter les moyens des services pénitenciers d'insertion et de probation ainsi que le nombre de psychiatres. Aucune mesure n'est sérieusement envisagée afin de réduire de manière drastique le nombre de détenus, alors que les prisons sont au bord de l'explosion et représentent à ce titre un facteur important de récidive.

Le bracelet électronique est présenté comme la solution miracle. Quelle illusion ! Le garde des sceaux le reconnaît lui-même : le bracelet alertera les autorités si la personne se rend dans un endroit qui lui est interdit et, lorsqu'un crime sera commis, il permettra de savoir si la personne se trouvait sur les lieux. En résumé, il faudra attendre la commission de l'infraction pour pouvoir arrêter le présumé récidiviste. C'est une drôle de conception de la lutte contre la récidive !

Bref, après l'acceptation par la majorité d'une bonne partie des dispositions que les députés ont réintroduites, voire ajoutées au texte adopté en première lecture au Sénat, le texte est devenu une aberration pénale complètement contre-productive, voire même dangereuse, en matière de récidive.

Pour toutes ces raisons, nous voterons résolument contre la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. Mes chers collègues, je tiens à vous remercier tous de votre participation et de la qualité du débat.

Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)