PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est reprise.

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CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

M. le président. Mes chers collègues, je vais vous donner communication des délibérations de la conférence des présidents, qui s'est réunie aujourd'hui pour fixer la date du débat de politique générale sur les violences urbaines.

A la suite d'une information qui nous a été donnée par M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement, nous avons dû prendre acte de l'éventuelle tenue d'un conseil des ministres le lundi 14 novembre, qui pourrait décider de l'éventuel dépôt d'un projet de loi de prorogation de l'état d'urgence.

Face à cet élément nouveau, nous avons estimé préférable de surseoir, dans l'immédiat, à toute décision et de renvoyer à la prochaine réunion de la conférence des présidents, qui aura lieu le mardi 15 novembre, à onze heures.

Nous aurons alors des informations plus précises pour délibérer dans la clarté de l'opportunité et de la forme du débat que nous devrons avoir sur ce sujet essentiel.

Par ailleurs, la conférence des présidents a décidé de proposer au Sénat d'inscrire la suite éventuelle de la discussion du projet de loi d'orientation agricole à l'issue de l'ordre du jour réservé du jeudi 10 novembre. Nous avons en effet le souci d'achever cette semaine la longue discussion du projet de loi d'orientation agricole.

M. Joël Bourdin. Très bien !

M. le président. Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...

Ces propositions sont adoptées et l'ordre du jour de la séance du jeudi 10 novembre est modifié en conséquence.

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COMMUNICATION relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

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gestion de la dette dans les Etats de l'union européenne

Débat de contrôle budgétaire

M. le président. L'ordre du jour appelle un débat de contrôle budgétaire sur la gestion de la dette dans les Etats de l'Union européenne.

Mes chers collègues, je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé que la durée de ce débat n'excéderait pas une heure. J'invite donc tous les orateurs à la concision.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances.

M. Paul Girod, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je me réjouis de pouvoir débattre aujourd'hui d'un rapport récent sur la gestion des dettes de l'Etat. Ce dernier est issu d'une mission de contrôle que j'ai eu l'honneur de mener, en application de l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances, en tant que rapporteur spécial de la commission des finances du Sénat, sur les engagements financiers de l'Etat, en France et dans certains pays européens. Pour des raisons que vous allez bientôt comprendre, j'ai intitulé mon rapport Pour une gestion consolidée des dettes de l'Etat.

Si le contrôle est la seconde nature du Parlement, encore faut-il que le Gouvernement tire toutes les conséquences des travaux parlementaires. Monsieur le ministre, votre présence dans l'hémicycle, qui me réjouit, vous permettra sans nul doute d'esquisser les suites que vous entendez donner à ce travail, alors que la publication des conclusions de la mission conduite par M. Michel Pébereau sur un sujet connexe devrait intervenir, me semble-t-il, selon les souhaits de M. Thierry Breton, avant le 15 novembre. Nous sommes donc en phase, les uns et les autres !

Pourquoi avoir réalisé un rapport sur la gestion des dettes de l'Etat ?

Mon intérêt pour ce sujet est tout d'abord lié aux enjeux budgétaires considérables du service de la dette. Je me permets de vous rappeler, mes chers collègues, que la dette négociable de l'Etat a atteint, au 30 septembre 2005, 874 milliards d'euros, auxquels il convient d'ajouter quelques dettes supplémentaires, dont le total dépasse les 100 milliards d'euros : ce n'est donc pas un petit sujet !

Les émissions prévues en 2006 pour couvrir le besoin de financement de l'Etat devraient représenter non pas 41 milliards d'euros, montant relatif au seul déficit, mais 130,8 milliards d'euros, somme correspondant à la compensation du déficit et au renouvellement de la dette, laquelle impose une gestion sérieuse.

La charge nette de la dette, à savoir le seul paiement des intérêts, atteindrait 39,17 milliards d'euros en 2006, soit 14,7 % des dépenses nettes du budget général.

Le gestionnaire de la dette ne maîtrise pas le niveau des déficits accumulés dans le passé. Il subit la situation des finances publiques et reste tributaire de la politique monétaire menée par la Banque centrale européenne : il n'intervient donc qu'à la marge sur le coût de la dette publique. Mais cette marge, lorsque la charge de la dette représente des montants aussi élevés qu'aujourd'hui, est déjà très significative.

Pour l'Agence France Trésor, agence indépendante dont la création remonte à quelques années, mais qui se trouve au sein du ministère des finances, l'écart entre une bonne et une mauvaise gestion peut se compter en centaines de millions d'euros. La stratégie d'émission et la qualité des produits ont un impact significatif sur le coût de la dette et l'avenir de nos budgets. En effet, la dette, qui n'est évidemment pas remboursable à court terme, doit être gérée sur le long terme.

Dès lors, j'ai souhaité examiner avec attention le travail mené par l'Agence France Trésor, pour formaliser, en application de la LOLF, des objectifs et des indicateurs de performance permettant d'apprécier la qualité de sa gestion.

Encore est-il nécessaire de distinguer la qualité de la signature de l'Etat émetteur, qui est liée à sa situation économique et budgétaire, de la qualité de gestion intrinsèque de la structure chargée des émissions, qui dépend de la mise en place d'une stratégie pertinente de placement des titres de la dette sur le marché.

Il faut, en outre, que la performance soit analysée au regard des risques encourus, qui sont nombreux : défaillances des uns ou des autres, pannes techniques, modifications des taux de change, évolutions diverses, et j'en passe. Lorsque la dette augmente et que les conditions de financement se durcissent, la tentation peut être grande de mener une politique d'émission plus opportuniste, sur le modèle du Trésor italien, qui est, certes, profitable à court terme, mais peut-être moins à moyen terme, et non dénuée de risques.

Dans le cadre d'une dette « vertueuse », la politique d'émission ne cherche pas à « battre » le marché ; une politique plus aventureuse joue avec le marché. Nous avons d'ailleurs eu l'occasion de faire des comparaisons en la matière.

Ces considérations m'ont conduit à me poser la question suivante : à l'aune des exemples étrangers, est-il encore possible d'améliorer la gestion de la dette de l'Etat ?

Lors de mes déplacements à l'étranger, dans le cadre de la mission qui m'a été confiée, j'ai pris conscience, plus encore qu'après mes visites auprès de l'AFT, de l'excellence de la structure de l'Agence, de l'avance que lui a donné la LOLF dans l'évaluation de ses performances et de la qualité de ceux qui mènent pour notre compte les opérations de gestion de la dette de l'Etat.

Le fait que l'Agence France Trésor soit devenue, par la force des choses, en raison d'un endettement croissant de l'Etat, un émetteur majeur de la zone euro n'est sans doute pas étranger à la politique dynamique que l'Agence a mise en oeuvre pour diversifier les émissions obligataires et innover régulièrement, en fonction des attentes du marché. Cet heureux résultat, et ce n'est pas le moindre paradoxe, découle directement d'un défaut !

En revanche, je m'inquiète de l'extraordinaire fragmentation de la dette de l'Etat.

Juridiquement, il n'existe qu'une seule dette de l'Etat, qui est gérée par l'Agence France Trésor, au nom de la République française. Si d'autres émetteurs gravitent autour de l'Etat, ils s'en distinguent par leur personnalité juridique.

En y regardant de près, il est ainsi nécessaire de distinguer les engagements financiers de l'Etat gérés directement par l'Agence France Trésor, ceux qui ne sont pas gérés par cette Agence et, enfin, les engagements financiers des démembrements de l'Etat, dont seulement certains relèvent de son hors bilan. La situation n'est donc pas simple !

Quel est alors le statut de la dette de la CADES, la Caisse d'amortissement de la dette sociale, qui est un établissement public administratif, de la dette du budget annexe « contrôle et exploitation aériens », de celle du service annexe d'amortissement de la dette, gérée par la salle des marchés de la SNCF , de celles de l'ERAP, Entreprise de recherches et d'activités pétrolières, et de Réseau ferré de France, tous deux établissements publics industriels et commerciaux, ou encore de celle de Charbonnages de France, qui est un organisme divers d'administration centrale ? Le moins que l'on puisse dire, c'est que la clarté et la simplicité ne sont pas franchement à l'ordre du jour !

Faute de réponse à cette question, qui peut réaliser un contrôle consolidé des conditions de financement de ces organismes ? Pour le moment, la réponse n'est pas évidente !

En outre, il faudrait faire émerger dans les comptes publics certaines dettes cachées de l'Etat, comme celle du service annexe d'amortissement de la dette de la SNCF, qui atteint 9 milliards d'euros - excusez du peu ! -, soit 0,6 point de PIB. Une telle dette est visiblement inconnue d'Eurostat, l'Office statistique des Communautés européennes, puisqu'elle ne figure ni au passif de l'Etat ni à celui de la SNCF.

J'ai donc examiné dans mon rapport les conditions de gestion non plus de la seule dette de l'Etat stricto sensu, mais des dettes de l'Etat.

Il n'y a pas qu'en France qu'il existe une « quasi-dette » de l'Etat. Plusieurs pays possèdent, à côté de leur émetteur souverain, des structures paraétatiques émettant sur les marchés obligataires. Je pense par exemple à la Banque pour la reconstruction allemande, à la Banque européenne d'investissement ou aux agences de crédit hypothécaire aux Etats-Unis.

Néanmoins, l'émission de dettes obligataires par de petits émetteurs publics présente évidemment un surcoût par rapport à une émission centralisée et gérée par un opérateur unique. Actuellement, les surcoûts liés à la fragmentation de la dette de l'Etat sont significatifs : de 0,07 % pour la CADES, 0,10 % pour RFF, 0,04 % pour ERAP, 0,2% pour le budget annexe « contrôle et exploitation aériens » et 0,13 % pour Charbonnages de France. Une telle hétérogénéité des conditions de financement affaiblit bien évidemment la position de l'Etat face aux marchés et aboutit à des dépenses excessives - même si celles-ci se situent à la marge - que nous pourrions éviter.

Une telle situation serait sans doute d'une importance limitée si la fragmentation de la dette de l'Etat ne s'accompagnait pas de différences significatives dans les modes de gestion retenus par chaque opérateur. La CADES émet ainsi en taux variables et en devises étrangères, ce que l'Agence France Trésor s'interdit de faire.

Par ailleurs, les volumes d'émission de la CADES sont considérables. Celle-ci devrait émettre au cours de l'année 2005 39 milliards d'euros, soit plus que la Belgique ou les Pays-Bas, et à peine moins que l'Espagne. C'est dire l'importance de cette structure dans l'ensemble du réseau financier européen.

Cette observation m'amène à considérer que le surcoût lié à l'existence de plusieurs dettes de l'Etat et de gestionnaires multiples - par rapport à une gestion unique par l'Agence France Trésor - est de l'ordre de plusieurs dizaines de millions d'euros par an, et cela sans utilité.

Il paraît dès lors nécessaire d'éviter la multiplication des dettes de l'Etat, tout au moins de limiter le nombre de leurs gestionnaires.

Je remercie le président de la commission des finances de s'être battu pour que ce débat ait lieu et d'avoir approuvé la démarche que nous entreprenions.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il faut remercier M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement. C'est un plaisir !

M. Paul Girod, rapporteur spécial. Il est indispensable de faire de l'Agence France Trésor, comme certains exemples étrangers nous y invitent, le pivot non seulement en matière de gestion des dettes de l'Etat dans leur diversité -  c'est déjà le cas pour le programme d'endettement de l'Agence française de l'ingénierie touristique, l'AFIT - mais aussi en ce qui concerne - nous avons pris cet exemple à Londres - les émissions d'emprunts par les collectivités territoriales qui le souhaitent, le financement des partenariats public-privé, ou la gestion des risques financiers de l'Etat : risques de change, variation des coûts d'approvisionnement pour les produits pétroliers, par exemple, qui sont actuellement gérés ministère par ministère...

L'excellence de la cellule de contrôle des risques de l'Agence France Trésor m'amène à penser qu'un opérateur unique est indispensable et que ce rôle devrait incomber à cette agence.

La commission des finances a donc affirmé le principe suivant : « à comptes consolidés, gestion consolidée ». Dans cette perspective, il nous paraît souhaitable que les entités chargées de la gestion des dettes de l'Etat fixent, sous l'autorité de l'Agence France Trésor, des objectifs de gestion cohérents, des indicateurs de performance communs et une politique de gestion des risques unique.

Les risques n'ont-ils pas vocation à être supportés en dernier ressort par l'Etat ? Nous avons donc tout intérêt à concentrer les analyses et les actions.

N'y a-t-il pas quelque paradoxe à appliquer la LOLF à la seule dette gérée par l'Agence France Trésor et à omettre, ce faisant, les autres dettes de l'Etat ? Les commissions des finances de chaque assemblée réaliseront un véritable contrôle consolidé des aides de l'Etat à partir d'une gestion et d'une démarche de performance qui auront été, elles-mêmes, consolidées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, en termes d'emploi du temps, nos contraintes sont fortes. Ainsi, la commission des finances et la commission des affaires culturelles procédaient conjointement à l'audition du président de France Télévision et de son état-major à quatorze heures trente. Cela explique mon arrivée tardive dans l'hémicycle, ce dont je vous prie de m'excuser.

J'aurais aimé être présent dès l'ouverture de la séance pour vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir proposé d'inscrire ce débat à l'ordre du jour prioritaire.

Je remercie également Paul Girod des conclusions du rapport d'information qu'il vient de présenter. Il est en effet urgent que l'Etat utilise pleinement le potentiel de l'Agence France Trésor, laquelle est, à nos yeux, pour la gestion de la trésorerie, une véritable formule 1 ! (Sourires.) Trop souvent, lors des débats budgétaires, nous avons constaté que telle ou telle institution - Charbonnages de France, par exemple - gérait sa dette dans son coin. Peut-être était-elle animée du souci de ne pas consolider la dette de l'Etat, que ce soit en raison des contraintes européennes, à cause des marchés, ou bien par discrétion...

Le temps est venu - monsieur le ministre, je sais que c'est votre préoccupation - de faire la lumière et de mettre un terme à ces pratiques contestables, qui font que certaines dettes de l'Etat ne sont même pas constatées du tout. Je pense, par exemple, au service annexe d'amortissement de la dette de la SNCF. Ces petites manoeuvres sont autant de manipulations qui jettent la suspicion sur la sincérité de la gestion publique.

Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour faire cesser ces pratiques douteuses et aléatoires. Que la dette de l'Etat soit désormais reconnue dans sa globalité, que l'Etat l'assume et que, ce faisant, il la gère dans un souci de parfaite efficacité, s'appuyant pour cela sur le grand professionnalisme des collaborateurs de l'Agence France Trésor ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Monsieur le président de la commission des finances, le Sénat se joint à vous pour féliciter M. le ministre délégué d'avoir bien voulu inscrire ce débat à l'ordre du jour prioritaire de nos travaux.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est avec beaucoup de plaisir que je viens évoquer avec vous aujourd'hui la question si sensible de la gestion de la dette.

Les Français attendent de nous, hommes politiques que nous répondions à leurs préoccupations quotidiennes, l'emploi, l'insertion. L'action que nous menons en ce moment même pour rétablir l'ordre dans nos quartiers nous place au coeur du sujet, tant il est vrai que tous ces domaines sont liés. Mais les Français exigent aussi que nous leur proposions une vision de l'avenir, des réponses à plus long terme face aux défis économiques que représentent les nouvelles puissances émergentes, face aussi aux défis écologiques qui sont liés aux évolutions technologiques, sans oublier les défis démographiques.

Quel est, me direz-vous, le lien entre ces attentes et la dette de l'Etat ? Pour relever ces défis, il est nécessaire d'anticiper et de prendre des décisions qui peuvent coûter quelque argent. Si nous ne sommes pas capables de le faire en veillant à maîtriser nos déficits, ces décisions nouvelles se traduisent par de la dette supplémentaire.

Lorsqu'il est question d'avenir, la question de la dette est centrale. Chacun sait ici - nous l'avons souligné en de nombreuses occasions - que le poids de la dette dans notre économie est aujourd'hui une préoccupation majeure, car il s'agit d'une véritable chape de plomb qui réduit nos marges de manoeuvre. Or, dans ce domaine comme dans le domaine fiscal, le Gouvernement entend vous proposer de faire bouger les lignes. Nous avons déjà évoqué cela pour les prélèvements obligatoires, monsieur le président de la commission des finances. Je souhaite vous en parler aujourd'hui à propos de la dette.

J'insisterai sur trois points.

Premièrement, la dette de l'Etat ne tombe pas du ciel. Je suis toujours très amusé d'entendre des commentaires inspirés de personnes qui s'étonnent de son existence. La dette est le résultat d'une gestion peu responsable de notre pays à certains moments clés de l'histoire de ces vingt dernières années. Ne voyez pas derrière mes propos la moindre intention polémique. Ce constat peut s'appliquer à tous les gouvernements, même si l'analyse des chiffres montre des différences d'intensité dans le phénomène ! (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je veux bien faire un geste, mais chacun devine ce que je sous-entends.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Deuxièmement, depuis 2002, nous avons engagé un travail sérieux pour stopper la dérive de la dette.

Troisièmement - et c'est sans doute le plus important -, puisqu'il est question d'avenir, nous devons maintenant aller plus loin et plus vite. J'y suis totalement déterminé.

Je rappellerai d'abord comment a évolué la dette depuis vingt ans. Elle s'est accélérée à trois moments précis : une première fois en 1981, une deuxième fois au cours de la période comprise entre 1988 et 1992, et une troisième fois depuis 1999. (Nouvelles exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)

M. Gérard Longuet. Comme c'est curieux ! (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. Quel hasard !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vous l'avez compris, ces trois moments correspondent à des périodes un peu particulières de notre histoire économique, au cours desquelles non seulement la dépense publique a progressé sans être maîtrisée mais surtout aucune réforme structurelle n'a été engagée qui aurait permis de réaliser des gains de productivité sur la gestion de l'Etat.

M. Gérard Longuet. Exactement !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est pour cela que la dette s'élève aujourd'hui à près de 1 100 milliards d'euros alors qu'elle était quasiment nulle au début des années quatre-vingt.

Il n'est qu'à étudier les chiffres du déficit budgétaire. Depuis 1981, jamais le budget de la France n'a été équilibré ! Souvenons-nous : la dette publique a augmenté de 10 points de PIB, entre 1981 et 1986, pour exploser de 15 points de PIB entre 1988 et 1992. Depuis 1997, la situation reste inchangée : alors que la France connaissait une croissance importante, aucune réforme de structure n'a malheureusement été engagée et les gains de productivité n'ont pas été utilisés.

Cela s'est traduit, vous le savez, par une évolution très importante de notre dette, laquelle atteignait, en 2003, près de 63 % du PIB. Cela a également provoqué la progression des charges d'intérêt de la dette, comme Paul Girod l'a excellemment rappelé à l'instant.

En 1974, la charge de la dette représentait 2 % du budget général - cela fait rêver ! En 2005, elle est de 16 %. Ainsi, en vingt-cinq ans, la charge de la dette aura été multipliée par dix ! Actuellement, cela représente l'équivalent du produit de l'impôt sur le revenu, comme le soulignait Thierry Breton voilà quelques mois.

Sur ce sujet, je suis convaincu que personne, à droite comme à gauche, ne peut se satisfaire d'une telle situation, qui porte directement atteinte à la lisibilité de notre débat démocratique. C'est bien beau d'annoncer de grands projets ou de grandes décisions, mais il ne saurait être question d'aggraver la situation de notre endettement.

Reconquérir notre capacité à discuter de 100 % de la dépense, comme le prévoit la LOLF, n'a de sens que si nous sommes capables de maîtriser la dette. Vous le savez, Thierry Breton a confié à Michel Pébereau le soin de dresser l'inventaire des mesures nécessaires au rétablissement des finances publiques et d'avancer un certain nombre de propositions. Son rapport sera rendu public dans les prochaines semaines.

Je formulerai quelques observations.

Il nous faut nous doter de règles de comportement vertueuses en matière de finances publiques et, surtout, ne pas nous en écarter, quelles que soient les circonstances. Cette attitude seule nous permettra de tenir et de redresser la barre.

De ce point de vue, le Gouvernement s'est fixé un certain nombre de règles. Je sais qu'il est d'usage de ne considérer que le verre à moitié vide, mais ce n'est pas du tout dans mon tempérament. Il est bon, de temps en temps, de remettre les pendules à l'heure, si vous me permettez cette surenchère d'images.

Premièrement, et c'est la règle d'or, il nous faut poursuivre notre effort de stabilisation en volume des dépenses de l'Etat. Cela n'a l'air de rien, mais être parvenu à le faire depuis 2002 nous a permis de créer les conditions indispensables pour commencer à réduire le déficit budgétaire.

Deuxièmement, il convient d'affecter les surplus de recettes à la réduction du déficit, donc au désendettement. Au risque de gâcher la fête, je me dois de préciser, pour ceux qui n'auraient toujours pas compris, que c'est exactement l'inverse qui a été décidé entre 1997 et 2002. Les plus-values fiscales très importantes qui existaient - on a même parlé de cagnotte - ont été déversées avec allégresse dans la dépense publique au lieu d'être affectées au désendettement. Nous en payons aujourd'hui le prix, malheureusement.

En revanche, en 2004 -  c'est l'une des premières décisions que j'ai été amené à prendre en tant que ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire -, les surplus de recettes, soit 10 milliards d'euros, ont été consacrés dans leur totalité à la réduction du déficit. Cette mesure a vocation à s'appliquer à nouveau lors de l'exécution du budget pour 2006, si les recettes fiscales nous réservent la bonne surprise que j'imagine.

Troisièmement, il faut affecter en priorité au désendettement les produits de cessions du capital de nos entreprises publiques. Je sais que, tout comme moi, Gérard Longuet est très attentif à ce sujet. Nous nous fixons les mêmes objectifs. (M. Gérard Longuet acquiesce.) Aussi le Gouvernement affectera-t-il au désendettement 10 milliards d'euros en 2006, qui correspondent, pour une bonne part, au produit de la cession de nos participations dans les sociétés d'autoroutes. Ce faisant, près de 450 millions d'euros de marges supplémentaires en économies d'intérêts sont dégagés pour financer la priorité du budget pour 2006, c'est-à-dire l'emploi.

Nous commençons à récolter les fruits de cet effort. Il est bon de le rappeler, dès que des décisions vertueuses sont prises, les résultats sont là.

En 2006, les charges d'intérêt du budget s'inscrivent en baisse de 650 millions d'euros par rapport à 2005. Pour la première fois, nous pourrons quasiment stabiliser le ratio de dette de l'ensemble des administrations publiques, à hauteur de 66 % du PIB. Même si l'on ne peut pas vraiment s'en glorifier, cette stabilisation est un signal fort sur lequel je veux appeler votre attention.

Outre ces premiers résultats encourageants - et même si beaucoup reste à faire -, deux autres facteurs jouent un rôle central. D'une part, le contexte de taux d'intérêt très bas nous est favorable. D'autre part, nous avons le souci d'une gestion performante de la dette au quotidien. L'écart entre une bonne et une mauvaise gestion de la dette se compte, vous le savez, en centaines de millions d'euros.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier la performance, qui est au coeur de la gestion quotidienne de la dette. La dette est un bon exemple des marges de manoeuvre que nous offre la LOLF.

D'abord, vous l'avez souligné avec raison, monsieur Girod, la dette est transparente. Les engagements financiers de l'Etat sont même désormais retracés dans une mission à part entière, qu'il est donc possible d'évaluer comme toute autre politique publique. Cela constitue un progrès énorme, alors que, jusqu'à présent, l'opacité qui régnait était insupportable !

Ensuite, nous avons des objectifs et des indicateurs clairement identifiés, qui ont été décidés dans un total consensus avec le Parlement. Il s'agit par exemple de couvrir le programme d'émissions - l'indicateur est le taux de couverture moyen des adjudications -, ou bien d'obtenir un niveau de contrôle des risques de qualité constante, qui minimise la survenance d'incidents - le nombre d'incidents d'exécution des opérations de dette sert alors d'indicateur.

Enfin, la certification par des organismes extérieurs permet de garantir une évaluation indépendante.

Il était naturel que votre assemblée s'attache à vérifier l'application effective de ces principes en examinant la gestion et les résultats de l'Agence France Trésor. Sur ce point, un travail considérable a été accompli. C'est pourquoi je tiens à saluer la remarquable réflexion qu'a conduite à ce sujet Paul Girod, rapporteur spécial de la commission des finances.

Je me réjouis du satisfecit décerné aux services du ministère des finances dans ce domaine. Je veux y voir une appréciation technique, éclairée par la comparaison avec nos grands partenaires européens, et la récompense d'un effort particulier de transparence et de disponibilité auprès du Parlement. S'il nous arrive d'être en retard, nous sommes parfois en avance. Je suis attentif à le reconnaître dans les deux cas.

Cela ne signifie pas pour autant que nous devons rester les bras croisés, à ne rien faire.

Je partage votre constat de cette fragmentation excessive de la gestion de la dette publique : il convient évidemment d'éviter que cet éclatement ne devienne un facteur d'opacité et d'accumulation non maîtrisée d'engagements.

Monsieur le rapporteur spécial, c'est un point sur lequel je veux m'engager solennellement devant vous, la centralisation que vous appelez de vos voeux est en cours chaque fois qu'elle est justifiée.

Il en est ainsi, par exemple, lorsque l'Etat reprend cette année le passif de l'entreprise minière et chimique, ainsi que, l'an prochain, une partie de la dette du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, comme je viens de l'annoncer lors des débats budgétaires à l'Assemblée nationale, ou lorsque le Gouvernement choisit d'affecter 10 milliards d'euros sur les recettes issues de la privatisation des sociétés autoroutières à la Caisse de la dette publique, ce qui dote l'Etat d'un levier puissant de rationalisation de la gestion de la dette publique.

Ces avancées vont se poursuivre. Le projet de loi de finances pour 2006 prévoit la création d'un compte de commerce « couverture des risques financiers de l'Etat », que vos collègues de l'Assemblée nationale ont approuvée en première lecture, il y a quelques jours, et qui vise à assurer une gestion centralisée, transparente et rigoureuse des opérations de couverture des risques financiers encourus par l'Etat, exception faite des opérations relatives à la dette et à la trésorerie de l'Etat. Les premières opérations concernées seront les opérations de couverture du risque de fluctuation des cours du pétrole - sujet d'actualité - réalisées par l'Agence de la dette pour le compte et sous le contrôle du ministère de la défense.

Cependant, je voudrais aussi que chacun comprenne bien que cette consolidation n'est pas toujours d'une absolue nécessité.

Je prendrai l'exemple de la caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES.

Même si la reprise en direct de ce passif par l'Etat est théoriquement concevable, elle ne serait pas forcément optimale. Aujourd'hui, les allocations de portefeuille des grands investisseurs placent l'Etat et la CADES sous des limites de risques différentes, ce qui augmente la capacité de placement globale de la « maison France ». Il convient donc d'agir avec discernement et de prendre chaque fois la mesure la plus adaptée.

Monsieur le rapporteur spécial, je partage votre attachement à « l'évaluation de la performance ». Ce sont des termes que j'utilise fréquemment dans la gestion de nos comptes, surtout depuis que nous lançons cette vague d'audits qui nous permettra de savoir précisément comment l'Etat est géré, comment améliorer ses performances et réaliser des gains de productivité.

A cet égard, je soutiens votre proposition de soumettre l'ensemble des émetteurs de dettes publiques à cette exigence de performance, ainsi que celle qui consiste à auditionner régulièrement les responsables de ces structures. Plus vous les auditionnez, plus ils fournissent des explications et plus ils vous permettent d'approfondir vos recherches et de veiller ainsi à ce que ces indicateurs de performance soient adaptés aux spécificités de chacune de ces structures. Mes services sont à votre disposition sur cette question.

J'en viens au dernier sujet : la réforme de l'Etat. Vous comprendrez qu'étant chargé à la fois du budget et de la réforme de l'Etat - ce qui constitue une avancée considérable dans notre organisation gouvernementale - j'en dise ici brièvement quelques mots.

Au-delà de 2006, pour assurer la décrue de notre ratio de dette, il est indispensable d'enclencher une démarche de long terme, centrée sur la réforme de l'Etat. C'est dans ce cadre que je suis déterminé à accentuer la maîtrise de la dépense, mais aussi à réaliser des gains de productivité chaque fois que ce sera possible.

J'évoquerai brièvement la maîtrise de la dépense, car c'est un sujet que nous aborderons dans quelques jours, lors de l'examen du projet de loi de finances, mais sachez que c'est devenu pour moi une obsession. Vous m'objecterez que, pour un ministre du budget, c'est plutôt rassurant, et tranche avec la tentation naturelle observée chez d'autres à ne pas s'en préoccuper. Il faut dire que j'ai la chance d'être soutenu sur ce point par le chef du Gouvernement, qui a évoqué l'idée d'une dépense maîtrisée passant de zéro en volume à zéro en valeur. Cela provoquera certainement quelques ruptures avec ce que l'on a pu constater dans le passé.

M. le président. Et quelques grincements de dents !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Certainement aussi quelques grincements de dents, monsieur le président, mais il n'y a rien de tel que d'aller au résultat pour voir comme la France change.

Par ailleurs, je suis déterminé à réaliser des gains de productivité. Vous pourrez voir les résultats de ces audits, puisque ce sera une véritable maison de verre. Tout sera communiqué aux parlementaires et, bien sûr, au grand public. Ce sera l'occasion de voir combien coûtent les grandes procédures de l'Etat et comment on peut en améliorer l'efficacité : du coût de l'organisation des concours de l'éducation nationale à la mise en oeuvre de la télédéclaration de l'impôt sur le revenu, sans oublier toutes les autres procédures, puisque nous allons les étudier les unes après les autres de sorte que, d'ici au mois de juin, nous aurons achevé ce grand travail de connaissance du fonctionnement de l'Etat.

M. Yves Pozzo di Borgo. Les inspections le font déjà !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. D'ailleurs, je regarde moi-même avec attention ce qui se fait à l'étranger et je vais mettre en place au début du mois de janvier un forum de la performance. L'idée est assez simple : il s'agit de voir ce qui se fait ailleurs et de comparer en permanence avec ce que nous faisons.

J'estime que, dans une économie mondialisée, il n'y a rien de tel que de s'inspirer de ce qui se fait de mieux à l'étranger. Nous avons nous-mêmes une spécificité, nous nous adapterons, mais je suis convaincu que faire avec humilité un examen comparé de ce qui se fait ailleurs et de ce que nous faisons nous permettra de reconquérir le coeur de tous ces observateurs étrangers qui disent trop de mal de nous pour que cela soit tout à fait sincère. Nous aurons certainement l'occasion d'en reparler dans quelque temps.

Enfin, la dette n'est pas que l'affaire de l'Etat : la mobilisation doit concerner aussi les collectivités locales et les organismes de sécurité sociale.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est dans cet esprit que je souhaite, en particulier à la demande de M. Joël Bourdin, profiter de l'occasion d'une première conférence des finances publiques, dont l'idée m'a été soufflée par le président Arthuis, pour mettre tout sur la table et parler sans tabou, peut-être pas dès la première conférence, qui sera une conférence de méthode, mais lors des suivantes. Cela nous permettra de voir tranquillement ensemble ce qui relève de l'apport de l'Etat aux collectivités locales et inversement de l'apport des collectivités locales à l'Etat. Nous constaterons ainsi, de manière objective et dépassionnée, qu'il y a beaucoup de choses à faire ensemble pour une stratégie partagée.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. De la sorte, nous pourrons aborder tous ces sujets, dont celui de la dette publique, sous un angle global, avec le sentiment non plus de la fatalité mais bien celui de la volonté politique, de manière que l'on prenne aujourd'hui les décisions nécessaires et utiles pour l'avenir de nos enfants. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme Nicole Bricq. Avec ça, on a bien avancé !

M. le président. Monsieur le ministre, nous n'avons pas l'avantage de pouvoir construire un budget en déficit, nous !

Dans la suite du débat, la parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, vous avez déclaré : « Au moment où je vous parle, à chaque nouvelle seconde, notre dette augmente de 5 000 euros ». Mais c'est aux Français qu'il faut le dire, et pas seulement au comité des finances locales. Vous avez ajouté : « Il est donc très urgent de nous doter d'une stratégie claire, pluriannuelle et partagée concernant nos finances publiques ». Tout est dit, mais les décisions radicales ne sont toujours pas prises !

A l'occasion de ce débat, nous prenons à nouveau la pleine mesure de la situation extrêmement préoccupante de nos finances publiques. On ne peut en effet aborder la question de la gestion française de la dette au regard des expériences européennes sans partir du niveau de notre dette en valeur absolue si on veut la comparer à celle des autres Etats.

Quel est le constat ? En 1980, la dette de la France représentait 20,7 % du PIB ; vingt-cinq ans après, elle en représente 65 %. Les Etats membres sont tenus de respecter les critères de Maastricht, mais la France, bien que membre fondateur, ne prend pas les moyens de respecter ses engagements. Le ministère de l'économie et des finances a dû notifier à Bruxelles que la dette publique atteindrait en fin d'année 66,2 % du PIB.

Nous nous laissons bercer par la douceur et l'opacité des pourcentages relatifs au PIB qui sont faibles en valeur absolue, mais abstraits. La réalité, c'est un déficit de 46 milliards d'euros, soit, exprimé en pourcentage des recettes, 22 %, le plus grave étant qu'il est utilisé pour couvrir des dépenses de fonctionnement.

Concrètement, cette année, l'Etat dépense 22 % de plus que ce qu'il encaisse. Pour financer ce déficit, l'Etat emprunte encore et toujours, et la réalité, c'est une dette atteignant près de quatre fois le budget de l'Etat !

Le poids de la dette française est donc insupportable. Un Etat fort traduirait l'aspiration de nos concitoyens, mais cette dette himalayenne le décrédibilise.

Comment se situe la dette française au regard de nos partenaires européens ?

La France est devenue le quatrième pays le plus endetté de l'Union européenne et la dette publique, en 2004, est supérieure de près d'un point à la dette publique moyenne de l'Union avant l'élargissement, de deux points, après.

La France, contrairement à ses partenaires, n'a pas conduit de politique d'assainissement de ses finances publiques dans les années quatre-vingt-dix. Les statistiques européennes sur les finances publiques en 2004, qui viennent d'être publiées, confirment que les dépenses publiques de la France, avec 880 milliards d'euros sont, en pourcentage du PIB, parmi les plus élevées au sein de l'ancienne Union à quinze, derrière la Suède et le Danemark. Mais ces deux pays sont dans une dynamique de réduction des dépenses, contrairement à la France, qui demeure quasiment inerte. L'Espagne et l'Allemagne, quant à elles, ont adopté des « pactes de stabilité interne » avec des « objectifs contraignants » d'évolution des dépenses publiques. Ayons bien à l'esprit que, si la France avait le taux moyen européen, 100 milliards d'euros seraient dégagés.

Plus inquiétant encore, la France a augmenté sa dette publique de 8,8 points entre 2000 et 2004. L'accroissement est de 220 milliards d'euros en cinq ans, soit 90 % du budget de l'Etat. La comparaison avec nos grands partenaires européens est terrible pour notre pays.

Certes, l'Allemagne a connu également une forte dégradation, mais nous n'avons pas eu comme elle à financer la réunification.

Les éléments comparatifs entre la France et le Royaume-Uni se sont totalement inversés sur les vingt dernières années. Alors qu'en 1985 le pourcentage en PIB de la dette publique de la France était la moitié de celui du Royaume-Uni, il y a dix ans, ces pourcentages étaient quasi similaires, et, aujourd'hui, la France se situe à 65,6 %, le Royaume-Uni à 41,6 %. La dégradation est tristement spectaculaire !

Même l'évolution de la dette italienne, qui atteint pourtant un niveau pharaonique, est meilleure que celle de la France !

Cette spirale d'endettement vient également de la dynamique de paiements d'intérêts venant grever le budget. Dans les pays de l'OCDE, la France est ainsi en cinquième position pour la charge d'intérêts nets payés par l'Etat rapportée au PIB, après la Grèce, 5,3 %, la Belgique, 4,7 %, l'Italie, 4,5 % et l'Allemagne, 2,7 %.

Comme les autres pays de l'Union, la France doit emprunter auprès des marchés financiers, non seulement pour financer son déficit de l'année, mais surtout pour refinancer des emprunts venant à échéance.

La problématique est la suivante : comment gérer la dette de manière optimale afin de ne pas alourdir davantage les finances publiques ? Le gestionnaire de la dette n'intervient qu'à la marge sur le coût de la dette publique. Il n'en reste pas moins qu'étant donné le niveau de l'endettement la différence entre une bonne et une mauvaise gestion peut s'évaluer tout de même en dizaines de millions d'euros, voire en centaines de millions d'euros.

Comment la France peut-elle optimiser la gestion active de sa dette au regard de l'expérience des autres pays de l'Union ?

La différence de gestion s'explique en partie par la différence de montant et de structure de chacune des dettes. Je rappellerai la difficulté de l'exercice du fait du manque d'informations précises sur les divers modes de gestion et de la technicité du sujet. Cependant, que pouvons-nous retenir des comparaisons possibles ? Je soulignerai quatre points.

Premièrement, la bonne gestion ne saurait se mesurer par le niveau des taux d'intérêt obtenus. Etant donné le poids des obligations qu'elle émet sur le marché, l'Agence France Trésor parvient à obtenir des taux performants : ce n'est pas le moindre des paradoxes que de voir un Etat surendetté « récompensé » par des conditions de prêt satisfaisantes ! A contrario, le Debt management office, le DMO britannique, n'obtient pas les conditions financières qu'il souhaiterait en raison du caractère limité de la dette britannique.

Premièrement, la bonne gestion de la dette de l'Etat se mesure davantage avec des indicateurs pertinents. Ainsi, l'indicateur « temps », qui mesure la performance de l'AFT par rapport à un automate qui émettrait la même quantité de dette chaque jour, indique une sur-performance de 0,8 point de base. L'indicateur « allocation », qui mesure la performance de l'AFT par rapport à un automate qui suivrait strictement le calendrier annoncé en début d'année, montre une sur-performance de 2,6 points de base.

Deuxièmement, dans son mode de gestion de la dette, la France rejoint la stratégie raisonnable d'Etats comme le Royaume-Uni, alors que l'endettement britannique est bien moindre, 42,5 %, ou les Etats-Unis, qui, à 65,6 % du PIB, connaissent un niveau de dette publique comparable au nôtre. Elle est très éloignée de la gestion italienne, avec un financement dit « opportuniste » au gré des opportunités du marché, avec des émissions en devises étrangères. C'est plutôt rassurant : comme le DMO, l'AFT joue la sécurité, avec la régularité des émissions- chaque semaine, émission de bons du Trésor à taux fixe et intérêts précomptés, BTF ; chaque mois, émission de bons du Trésor à taux fixe et intérêts annuels, BTAN, et d'obligations assimilables du Trésor, OAT, à l'exception d'août et décembre -, et ce de manière à créer la confiance sur le marché.

Plus encore, l'AFT sait également innover et créer ainsi une dynamique puisque, quelques semaines après la France, le DMO a émis un emprunt négociable à cinquante ans.

Troisièmement, la gestion centralisée des dettes publiques est performante. C'est le cas au Royaume-Uni, où la dette sociale et la dette de l'Etat ne font qu'une. Dans ce domaine, la gestion décentralisée a un surcoût. Ainsi, malgré une gestion exemplaire de la caisse d'amortissement de la dette sociale, et compte tenu des montants en jeu - 100 milliards d'euros, je le rappelle -, le surcoût d'une gestion séparée est de plusieurs dizaines de millions d'euros.

Quatrièmement, les choix de profil d'endettement varient énormément d'un pays de l'OCDE à l'autre, environ deux ans pour la Suède et douze ans pour le Royaume-Uni. La France, selon le site de l'AFT, connaît une durée de vie moyenne de la dette en augmentation, de six ans et deux cent quatre-vingt-deux jours au 30 septembre 2005. Le profil d'endettement de la France est peut-être trop court pour répondre aux échéances auxquelles notre pays va être confronté, notamment en matière de personnel et plus particulièrement pour financer les retraites des fonctionnaires.

Quelles leçons tirer de cette situation ? Je ferai deux propositions.

En premier lieu, il faut gérer progressivement la dette à plus long terme de manière à sécuriser les besoins de financement futurs, ce qui est possible en raison du niveau actuel des taux à long terme, plus bas qu'il y a quelques années, et, surtout, de l'augmentation vraisemblable des taux à court terme.

En second lieu, comme l'a souligné M. le rapporteur spécial, il faut faire de l'Agence France Trésor le pivot de la gestion des dettes de l'Etat, mais aussi des émissions d'emprunt par les collectivités locales qui le souhaiteraient, comme c'est le cas avec succès au Royaume-Uni.

Monsieur le ministre, ne vivons pas dans l'illusion, les choses ne s'arrangeront pas d'elles-mêmes. Le lyrisme incantatoire des formules de bonne volonté n'est qu'un leurre. Pas un ménage, pas une entreprise, n'imaginerait aménager simplement une telle situation. Il faut des changements profonds, et ils seront sans aucun doute difficiles.

Monsieur le ministre, nous serons toujours à vos côtés pour aller dans ce sens. Il faut le dire aux Français, nous en avons le devoir. Vous nous proposez des palliatifs qui ne changent guère la réalité, celle des chiffres

Dites-nous la vérité sur l'état de la France, monsieur le ministre, et prenez les mesures indispensables. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.). Il y a urgence : pendant que je vous tenais ces propos, la dette de la France a augmenté de 2,7 millions d'euros ! Pour notre pays, c'est une « mort à crédit ». (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, je n'emprunterai pas ma conclusion à Louis-Ferdinand Céline, comme vient de le faire avec talent M.  de Montesquiou.

Je tiens tout d'abord à vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir accepté ce débat sur le sujet difficile de la gestion de la dette.

Ce débat s'inscrit dans l'optique d'une revalorisation du travail du Parlement que rend possible la LOLF. Cette revalorisation est également facilitée par votre engagement public de recourir à des audits et d'en communiquer les conclusions dans la transparence, afin que le Parlement, et au premier chef la Haute Assemblée, retrouve la fonction de contrôle qui fut à son origine, mais aussi sa fonction de conseil, de proposition, je n'ose dire de censure, car ce serait alors entrer dans un autre débat.

Le rapport qui nous est soumis porte moins sur la stratégie de la dette que sur sa gestion. Nous partageons tous la préoccupation qu'a exprimée M. Aymeri de Montesquiou sur le poids écrasant et toujours croissant de la dette. La question qui nous est posée est de savoir si nous parvenons, grâce à l'Agence France Trésor, qui est un outil de qualité, à gérer la dette avec intelligence.

Permettez-moi de faire un bref rappel historique. Il est bon de parler de ce qui ne va pas. Souvent, en France, nous gommons les réalités économiques parce que, au fond, cela nous arrange et que cela permet d'éluder les responsabilités des uns et des autres.

De 1945 à 1980, le financement de l'économie s'est fait principalement par l'inflation. Les dettes n'ont donc pas été payées. En 1980, l'endettement de l'Etat n'était certes que de 20 % du PIB, mais nous avions spolié des générations d'épargnants par une inflation systématique. Celui qui avait foi en l'Etat et qui lui confiait son épargne avait la certitude de perdre une partie de son pouvoir d'achat et de ses revenus. Nous avons donc alors, si je puis dire, ruiner les générations précédentes.

Depuis, le financement par l'inflation, la dévaluation et les ajustements n'étant plus possibles, nous avons endetté les générations à venir.

Ce n'est pas brillant pour le passé antérieur à 1980 et c'est terrifiant pour les vingt-cinq dernières années que nous avons vécues.

Aujourd'hui, monsieur le ministre, vous affichez, avec Thierry Breton, une inflexion courageuse. Je n'y reviens pas, elle est suffisamment exceptionnelle pour que l'on forme des voeux de succès. Espérons que nous parviendrons à développer une stratégie pour contenir et bloquer la dette.

Vous avez confié à Michel Pébereau, qui a le sens de l'Etat et de la chose publique tout comme celui de la réalité du privé - toute sa vie professionnelle le démontre -, la responsabilité de réfléchir à la réduction des déficits. Vous avez esquissé une solution à laquelle nous ne pouvons que souscrire : la réforme de l'Etat. Sans elle, nous n'obtiendrons pas de résultats durables.

Mais revenons au rapport de M. Paul Girod.

La gestion de la dette est marquée par un très grand professionnalisme. Il faut rendre hommage à la capacité de votre administration, monsieur le ministre, celle du ministère de l'économie et des finances, d'avoir su concevoir un outil original. Constitué de professionnels issus, dans leur grande majorité, de l'Etat, il propose néanmoins des contrats à des spécialistes venus du secteur privé.

L'optimisation de la dette constitue un enjeu important puisque, selon les circonstances, elle représente entre quelques dizaines et quelques centaines de millions d'euros. Elle doit se faire dans le sens de l'allégement des coûts de gestion, comme ce fut le cas en 2004 et en 2005.

Dans son rapport, M. Paul Girod évoque les contraintes qui pèsent sur la gestion de la dette.

L'AFT est obligée de travailler avec le poids du passé et avec les réalités du présent. Elle est surtout obligée de tenir compte, et c'est sans doute le plus difficile, de la politique de la Banque centrale européenne.

A l'heure actuelle, les taux d'intérêt sont exceptionnellement bas. La menace d'une majoration plane comme une épée de Damoclès - l'expression figure dans le rapport - sur la tête de l'AFT, comme sur la nôtre, d'ailleurs. Or, cent points de taux de base aboutiraient immédiatement à une augmentation de la charge de la dette. Les chiffres sont spectaculaires : un milliard d'euros par an pour cent points, puis deux milliards d'euros la deuxième année et ainsi de suite puisque la dette se reconstitue et que sa « pyramide des âges » se déforme.

L'AFT exprime un vrai savoir-faire personnel : elle a su s'engager, optimiser la gestion de la dette, imaginer des produits nouveaux. La France a été, me semble-t-il, l'un des premiers pays européens, si ce n'est le premier, à proposer un produit qui court sur cinquante ans, assorti de conditions attractives. L'AFT affiche une performance satisfaisante, à une réserve près.

Dans votre rapport, monsieur le rapporteur, vous présentez le différentiel de taux comme un critère absolu de gestion de la dette.

M. Paul Girod, rapporteur. C'est un élément !

M. Gérard Longuet. Certes, et il ne faut pas le négliger. Les taux en dollars ne sont pas équivalents aux taux en euros, nous le savons, et nous sommes tributaires de la politique de la Banque centrale européenne.

Je tiens à rappeler que la dette de la France a été l'une des premières à être émises en euros. Or, aujourd'hui, notre pays est dépassé non seulement par l'Allemagne, mais aussi, depuis le printemps dernier, par l'Espagne. Je pense qu'il faut y voir plus qu'une coïncidence avec la victoire du « non » au référendum sur la ratification du traité instituant une Constitution pour l'Europe.

Il me semble intéressant, comme l'a fait M. de Montesquiou, de retenir, pour apprécier la performance de l'AFT, le critère dit de l'automate, qui produit par définition une performance standard. Est-ce cependant totalement satisfaisant ? Je ne le pense pas. On pourrait sans doute aller plus loin.

Dans le cadre de la LOLF, et c'est ma première question, monsieur le ministre, l'évolution du patrimoine de l'Etat, d'une part, celle de la nature des rentrées fiscales et de leur élasticité économique, d'autre part, peuvent-elles nous permettre d'introduire l'idée d'une gestion de la dette qui tienne compte de l'actif de l'Etat et, plus précisément, d'un actif patrimonial - vous avez évoqué les cessions d'actifs - , de la structure des recettes de l'Etat et de leur dynamisme au regard de la réalité économique ?

M. Charles Revet. Bonne question !

M. Gérard Longuet. Si en effet certaines recettes sont très élastiques, d'autres sont strictement proportionnelles, d'autres encore restent assez indifférentes aux aléas de la conjoncture. Il s'agit d'un élément important de la gestion d'une dette.

Ma deuxième question est implicite : quid de l'obligataire par rapport aux autres formes de financement de l'économie ?

Monsieur le ministre, comment arbitreriez-vous un conflit d'intérêt entre le financement de la dette, qui repose sur l'obligataire, et la nécessité de financer le développement économique, lequel repose sur des recettes bancaires et surtout financières ? Je suis persuadé que vous opteriez dans le sens de l'intérêt général, c'est-à-dire pour le financement de l'économie, mais vous devriez néanmoins toujours supporter la responsabilité budgétaire du financement de votre propre dette.

Ma troisième question recoupe une préoccupation qu'ont exprimée MM. Paul Girod et de Montesquiou, ainsi que vous-même, monsieur le ministre. Mais vous avez introduit des nuances qui méritent d'être précisées. C'est pourquoi je vous interroge à nouveau, même si vous avez en apparence répondu, sur l'unité de la dette de l'Etat et le traitement de la CADES.

Faut-il considérer définitivement que la CADES ne peut pas être gérée par l'AFT ou peut-on penser que le professionnalisme de l'AFT permettrait d'avoir un regard global sur l'ensemble de la dette de l'Etat et de la dette sociale, laquelle découle très directement d'une volonté politique ? Je ne parle pas des autres organismes sociaux, qui obéissent à des règles du jeu différentes.

Ma quatrième question a trait aux produits nouveaux. Envisagez-vous, monsieur le ministre, comme le suggère M. Paul Girod, et comme le fait déjà la DMO au Royaume-Uni, que l'AFT puisse s'intéresser aux collectivités locales en lui laissant le libre choix du soutien tactique qu'elle leur apporterait ?

Envisagez-vous que l'AFT puisse être l'un des partenaires ou le partenaire désigné, au nom de l'Etat, pour assurer la contractualisation avec les partenaires privés dans l'optique d'un partenariat public-privé s'agissant du fonctionnement des services de l'Etat et pas seulement en matière de travaux publics ?

Vous avez évoqué la couverture des risques économiques s'agissant des dépenses pétrolières de l'Etat. Quid de la couverture des risques de change ? Monsieur le ministre, l'AFT peut-elle être l'un des acteurs de la couverture des risques de change ?

Enfin, et ce sera mes dernières questions, quelle leçon tirez-vous du rapprochement que l'on constate dans le peloton de tête des pays européens en matière d'optimisation de la gestion de la dette ? Cela laisse manifestement apparaître une dégradation de la situation concurrentielle de notre pays face à ses partenaires, l'Allemagne entre autres. Sommes-nous certains, en cette fin d'année 2005, de rester l'un des trois premiers pays s'agissant de l'optimisation du coût de la gestion de la dette ?

Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir organisé ce débat, car, parler de sa dette, c'est, au fond, refuser l'amnésie ; c'est peut-être aussi revenir sur ces années qui nous ont coûté si cher, quand on vivait à crédit, considérant que l'on pouvait dépenser plus, travailler moins et indéfiniment emprunter la différence !

M. Charles Revet. C'étaient les années socialistes !

M. Gérard Longuet. Cette petite heure de débat sur la gestion de la dette, c'est, enfin, une façon d'avoir un peu plus de lucidité sur l'avenir, puisque nous aurons combattu utilement l'amnésie qui, trop souvent, paralyse notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. C'est également une invitation au courage ! Mais je n'en dirai pas davantage.

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, motivée par la publication du rapport de notre collègue Paul Girod sur la gestion de la dette publique dans les pays de l'Union européenne, cette discussion appelle, dans un premier temps, quelques observations.

Notre débat se déroule au moment même où notre pays est marqué par des tensions sociales fortes, pour lesquelles la plupart des solutions et des options mises en oeuvre par l'actuel gouvernement ne constituent pas une réponse adaptée.

Ce débat sur la manière de gérer le déficit public nous semble en effet très éloigné des préoccupations immédiates de la collectivité des citoyens, qui, tous les jours, constatent le poids du déficit d'intervention publique dans l'ensemble du champ social et économique.

Mais ce débat n'est éloigné des préoccupations qu'à première vue. Finalement, il y ramène plus encore.

Si l'on postule que la dette publique est l'accumulation historique des déficits publics constatés, année après année, au fil des lois de règlement des budgets antérieurs, que devons nous penser ?

Tout a-t-il été fait pour que les jeunes de ce pays cessent de se sentir exclus du jeu, victimes de discriminations de caractère multiple, pour que les habitants de nos banlieues ne se sentent pas déshérités, ignorés, dévalorisés ?

Qu'avons-nous fait pour l'emploi et la formation, la qualité de vie, de logement, l'accès à la santé, à la culture ?

S'il y a échec des choix politiques opérés, que faut-il penser, dès lors que l'on réfléchit à la situation de la dette publique ? A ce sujet, le rapport Girod apporte quelques informations et éclaircissements intéressants. Comment en serait-il autrement alors que le niveau de la dette publique ne cesse de monter depuis 2002, malgré les orientations imprimées à la politique budgétaire de la nation par le Gouvernement ?

En quatre années de gestion, le poids de la dette publique est en effet passé de 56 % à 66  % du produit intérieur brut, cette situation résultant, entre autres, de la persistance d'un déficit budgétaire élevé, supérieur chaque année à 40 milliards d'euros, et d'une croissance faible de l'économie.

Tous les indicateurs budgétaires sont aujourd'hui en difficulté : qu'il s'agisse de la comptabilité courante de l'Etat, de la situation des prix de l'énergie, de l'atonie de l'investissement des entreprises ou du déficit de plus en plus important de notre commerce extérieur, tout montre que les choix opérés depuis 2002 n'ont pas permis de rompre avec la logique de l'endettement sur le long terme de l'Etat.

Quand on ajoute à cela le fait que les comptes sociaux se détériorent aussi sûrement que sont mises en oeuvre des réformes inégalitaires en matière de retraite et d'assurance maladie, la situation est pour le moins préoccupante !

D'autres informations figurant dans le rapport Girod ne peuvent manquer d'attirer l'attention. J'en retiendrai deux.

Premièrement, l'essentiel de la dette publique de l'Etat est porté par des non-résidents. Cela appelle, de la part de notre rapporteur, l'observation suivante : « La dette négociable de l'Etat s'apparente de plus en plus sur le plan économique à une dette extérieure, ce qui implique que la charge d'intérêt ne s'analyse plus comme un simple transfert de ressources à l'intérieur du pays entre contribuables et détenteurs de titres, mais comme une dépendance de la nation tout entière vis-à-vis de l'extérieur ».

En d'autres termes, les Français paient aujourd'hui des impôts en faveur des acteurs des marchés financiers.

Deuxièmement, la dette publique est fragmentée : un certain nombre de structures ad hoc en gèrent certains éléments. On pense évidemment à la CADES -  il n'est pas certain qu'elle ne soit pas amenée, dans les années à venir, à prendre à charge des sommes encore plus importantes issues des déficits de la protection sociale -, mais il en existe d'autres, dans des domaines stratégiques, notamment en matière d'infrastructures, qui posent des questions récurrentes.

Au début des années quatre-vingt, était-ce une bonne idée de laisser la SNCF ou EDF s'endetter, le plus souvent en lieu et place de l'Etat, pour financer les investissements nécessaires à la qualité de leur réseau et des services rendus à la collectivité nationale par ces entreprises publiques ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Que fallait-il faire ?

M. Bernard Vera. Le cas du ferroviaire est parlant.

Entre la dette cantonnée dans le service annexe d'amortissement de la dette de la SNCF et celle qui est inscrite au passif de RFF, nous atteignons un volume global de 30 milliards d'euros, qui plus est, comme cela est confirmé par le rapport, le plus souvent assorti d'un taux d'intérêt moyen plus élevé que celui qui grève la dette publique de l'Etat.

Des propositions sont formulées au terme du rapport Girod pour aboutir à une forme de « centralisation » de la dette publique de l'Etat autour de l'Agence France Trésor et d'autres structures de financement ainsi identifiées.

A ce point du débat, nous pouvons esquisser quelques remarques et propositions.

Nous constatons effectivement que, d'une certaine manière, le rapport Girod donne raison aux parlementaires communistes et républicains qui, de longue date, ont mis en question le financement des grands investissements structurants de la nation par le biais des marchés financiers, laissant les entreprises publiques aux prises avec la spéculation financière.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Que proposez-vous ?

M. Bernard Vera. Les choix anciens fondés sur le couple « autofinancement - recours aux marchés » révèlent donc de manière évidente leur dangerosité.

Nous devons nous interroger sur la manière de financer le développement des indispensables investissements structurants pour l'aménagement du territoire dans les années à venir.

Les solutions aujourd'hui avancées nous semblent contestables, qu'il s'agisse de la cession au privé des parts sociales détenues par l'Etat dans les sociétés autoroutières, de l'ouverture du capital d'Electricité de France ou de la poursuite de cette politique qui veut que nous cédions des entreprises publiques rentables pour recapitaliser des entreprises publiques en déficit avant leur future privatisation.

Le lancement d'un emprunt de long terme, dont le produit pourrait également être affecté à une véritable politique de développement économique et social des quartiers et des banlieues, par diffusion large auprès de la population, ne serait-il pas une solution de remplacement pour réduire le coût des diverses dettes publiques aujourd'hui en pleine croissance ?

De la même manière, ne pouvons-nous explorer la piste d'un échange de titres de dette d'Etat contre des titres d'autres structures pour alléger le poids des coûteuses contraintes de financement extérieur auxquelles nous sommes confrontés dans le domaine de la protection sociale ou de l'équipement de la nation ?

Je sais que certains critères européens bien précis recommandent aux Etats de l'Union Européenne de s'en tenir à un seuil de dette publique proche de 60 % du produit intérieur brut. Mais la démonstration ayant largement été faite que les politiques budgétaires ainsi encadrées n'ont pas empêché la dérive, on peut s'interroger sur la pertinence de ce seuil.

En définitive, le rapport sur la gestion consolidée de la dette publique appelle à une réflexion plus globale sur la manière dont sont finalement conduites les politiques publiques dans notre pays.

Soit l'on reste sur les bases des critères de convergence européens et l'aune de la LOLF, et l'on rend simplement plus opérationnelle la gestion active d'une dette publique assurant une bonne rentabilité des placements pour les marchés financiers, soit l'on réfléchit dès maintenant à d'autres outils de financement de l'action publique.

N'oublions pas que le service de la dette nous coûtera, en 2006, 39 milliards d'euros, soit près de deux fois ce que nous allons consacrer à la mission « Recherche et enseignement supérieur » et quatorze fois les engagements autorisés pour la mission « Culture », ou encore, pour être dans le fil de l'actualité, plus de cinq fois les crédits de la mission « Ville et logement ».

Telles sont les observations que le groupe CRC comptait produire à l'occasion de ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, où est passé l'Etat gestionnaire ? Où est passé l'Etat bon père de famille ? Si, depuis vingt ans, nous avions géré nos comptes personnels comme les comptes de l'Etat ont été gérés, nous serions tous, parlementaires et membres des gouvernements successifs, en commission de surendettement, nous serions sans aucun doute interdits bancaires et certains seraient même en prison, car la prison pour dette existe toujours !

En effet, nous dépassons aujourd'hui les 1 100 milliards d'euros de dette publique - et je ne prends pas en compte les 1 000 milliards supplémentaires d'engagements hors bilan -, soit un ratio supérieur aux soixante points de PIB inscrits dans le pacte de stabilité et de croissance européen. Le ratio s'élève aujourd'hui à 68 % du PIB - vous voulez le faire passer à 66 % du PIB - mais, si l'on intégrait les engagements hors bilan, qui correspondent en fait, en grande partie, aux engagements des retraites des fonctionnaires de l'Etat, ce ratio devrait être de 130 % à 132 % du PIB !

Nous avons pris l'habitude de faire peser cette mauvaise gestion - dont nous sommes tous responsables - sur les générations futures, en la transformant non seulement en dette, mais surtout en dette de très long terme ; je pense notamment à l'émission de titres obligataires à cinquante ans !

Sur les 1 100 milliards de dette, 864 milliards font l'objet d'une gestion rigoureuse de la part de l'Agence France Trésor. Toutefois - et c'est là la plus grande source de mon inquiétude -, la dynamique de la dette est implacable. Le niveau de la dette publique n'a eu de cesse d'augmenter depuis le début des années quatre-vingt.

La question de la gestion de la dette relève de deux orientations principales : d'une part, la gestion technique de la dette et, d'autre part, une réflexion plus approfondie sur les causes de l'endettement de l'Etat, à savoir la dérive des dépenses et les choix futurs à assumer.

S'agissant de la gestion technique de la dette, qui est au centre de l'excellent rapport de Paul Girod, il semble que les efforts à faire dans ce domaine soient limités, notamment lorsque l'on compare la gestion de l'AFT à celle du Trésor italien ou du Debt Management Office britannique.

Comme l'a dit le président de la commission des finances, le rapport est très éclairant sur un défaut majeur de la structure de la dette, à savoir sa fragmentation. Le fait de ne réfléchir à la question de la dette que du seul point de vue de l'Etat est trompeur, car cela nous conduit à sous-estimer ou à minimiser les responsabilités de l'Etat dans cette affaire. Pis, multiplier les dettes « annexes » pourrait s'apparenter à l'utilisation de trucages financiers afin de détourner certains des critères européens du pacte de stabilité et de croissance.

En plus de l'Etat, d'autres entités doivent gérer un passif hérité le plus souvent de leur gestion étatisée et pas forcément optimisée ; je pense notamment à Charbonnages de France, à la SNCF et à l'ERAP. Il s'agit aussi de dettes sociales, la dette de la CADES ou les déficits de l'UNEDIC, par exemple.

Enfin, cet état de fragmentation conduit à des surcoûts importants, qui pourraient bien évidemment être réduits grâce à une gestion centralisée de l'émission obligataire et des risques, mais aussi grâce à une gestion plus rationnelle, qui permettrait notamment des économies d'échelle.

Ce n'est pas parce qu'il y a consensus pour affirmer que la gestion de la dette française est relativement performante que nous ne devons pas pour autant être vigilants. Cela ne doit pas nous exonérer d'un vrai débat sur les dépenses de l'Etat, débat que vous avez engagé, monsieur le ministre délégué.

L'euro nous a évité de dévaluer. Les taux ne resteront sans doute pas éternellement bas et nos marges de manoeuvre se réduisent d'année en année. N'attendons donc pas trop longtemps pour agir. Il y va de la crédibilité de notre gestion. C'est dans cette perspective que je souhaite vous livrer un certain nombre de réflexions susceptibles de déboucher sur d'éventuelles solutions.

La première est bien évidemment la maîtrise des dépenses. Depuis le temps que nous en parlons, il serait peut-être temps d'agir ! Lorsque le Gouvernement - mais c'est valable pour l'ensemble des gouvernements - élabore ses lois de finances, pourquoi se contente-t-il de stabiliser de façon plus ou moins sincère les dépenses de l'Etat en volume ?

De grands espoirs reposent sur la mise en oeuvre de la LOLF, avec ses objectifs et ses indicateurs de performance qui vont dans le sens d'une augmentation du rôle de contrôle des parlementaires. Cependant, s'agissant de l'examen de la loi de finances initiale, notre rôle est en fait très limité. Les budgets présentés sont en effet très souvent votés sans modifications importantes, faute d'adoption d'amendements majeurs. Tout a été établi et décidé en amont, au cours de réunions interministérielles, et à aucun moment les parlementaires n'y sont associés. C'est un problème de l'Etat, et non de gauche ou de droite.

Monsieur le ministre, nous avons bien noté vos efforts en la matière, notamment grâce à la mise en place d'audits. Mais, vous le savez parfaitement, les tiroirs des ministères sont remplis de rapports d'audits, qui ne sont ni lus ni suivis d'effet. (M. le ministre fait un signe de dénégation.) Certes, je ne conteste pas les initiatives que vous avez prises, mais je doute que les audits nous apportent des réponses qui soient à la hauteur des enjeux auxquels nous devons faire face, car ils sont essentiellement comptables, alors que la réforme doit être de plus grande envergure.

Nous devons, en effet, réfléchir à une réévaluation des missions de l'Etat et avoir le courage d'éliminer celles que nous jugerons inutiles. A l'avenir, nous devrons faire des choix, et des choix douloureux.

Monsieur le ministre, en tant que ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, vous revendiquez votre responsabilité dans la réforme de l'Etat. Vous allez d'ailleurs créer, dès janvier 2006, la DGME, la Direction générale de la modernisation de l'Etat.

Pour ma part, je considère que la responsabilité de la réforme de l'Etat, qui est une question fondamentale pour le pays entier, devrait incomber au Premier ministre.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est aimable pour moi !

M. Yves Pozzo di Borgo. Vous n'êtes pas en cause, monsieur le ministre délégué. Mais, dans cette affaire, on doit parvenir à un consensus politique.

Une des premières réformes que vous devriez engager serait de rendre interministériel l'ensemble des corps d'inspection, afin que vous puissiez coordonner leur action.

Mais j'en reviens aux audits.

L'urgence est telle que je me demande si la réflexion ne doit pas rapidement céder le pas à l'action, d'autant que le contexte est favorable.

Vous savez parfaitement que les départs à la retraite des fonctionnaires de la génération du baby-boom nous laissent des marges de manoeuvre fantastiques. Il s'agit de savoir quelles missions nous allons conserver, quelles missions nous voulons évaluer ...

Mme Nicole Bricq. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur Pozzo di Borgo ?

M. Yves Pozzo di Borgo. Je vous en prie, madame Bricq.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, avec l'autorisation de l'orateur.

Mme Nicole Bricq. Je tiens à dire que, si le groupe socialiste ne s'exprime pas dans ce débat, c'est qu'il n'en comprend pas le bien-fondé. Nous allons discuter de cette question dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, et précisément lors de la discussion de l'article 51 relatif à l'équilibre général du budget.

On voit bien toute la difficulté de ce débat.

M. Longuet a bien fait le départ entre la gestion de la dette - et je lui en rends grâce - et l'orientation de la dette, c'est-à-dire le fond du problème, dont M. le ministre a parlé. Il s'agit ici de traiter de la gestion de la dette ; or je constate que notre débat porte plus sur l'orientation des dépenses de l'Etat, les stratégies à adopter. Nous estimons que nous étudierons cette question au fond dans quelques jours.

M. le président. Ce débat a été demandé par la commission des finances.

Mme Nicole Bricq. Je ne comprends pas !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Permettez-moi de vous interrompre également quelques minutes, mon cher collègue, afin de répondre à Mme Bricq.

M. Yves Pozzo di Borgo. Je vous en prie, monsieur le président de la commission.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, avec l'autorisation de l'orateur.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je comprends parfaitement que chaque groupe politique ait ses priorités du moment !

M. Guy Fischer. Décryptez !

Mme Nicole Bricq. Allons ! Je suis là ! Les bureaux de vote ne seront ouverts qu'à partir de dix-huit heures !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Que l'on ne se méprenne pas ! La commission des finances et, derrière elle, la Haute Assemblée tout entière, est bien consciente du fait que le contrôle est la seconde nature du Parlement. M. le président du Sénat l'a fort justement rappelé.

Dans le cadre de leurs prérogatives, les missions d'information du Sénat publient des rapports, qui se multiplient. Or nous voulons un suivi des recommandations qui peuvent être formulées.

Nous avons pensé que les fenêtres parlementaires étaient un moment privilégié pour engager un débat sur ces questions avec le Gouvernement. Sur la base du rapport de Paul Girod, nous aurions donc dû débattre de la gestion de la dette publique lors de la précédente fenêtre parlementaire.

Mme Nicole Bricq. Eh oui ! Mais ce n'est pas ce qui a été fait !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Un concours de circonstances a fait que notre débat aurait été décalé en fin de journée et M. le ministre ne pouvait pas être présent. Le Gouvernement a donc accepté que nous inscrivions ce débat d'une heure environ à l'ordre du jour prioritaire de notre assemblée.

Il s'agit bien ici, madame Bricq, de traiter de la gestion de la dette publique, et de rien d'autre.

Mme Nicole Bricq. Ce n'est pas le cas !

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Dans la suite de mon raisonnement, je citerai plusieurs exemples européens.

En Allemagne, dans le contexte d'une situation politique très particulière, la grande coalition gauche-droite tente de parvenir à un accord en son sein pour réaliser des économies à hauteur de 35 milliards d'euros ; certains estiment même que c'est insuffisant !

Nos voisins belges ont voté cette année, pour la septième fois consécutive, un budget en équilibre. Et je ne développerai pas l'exemple canadien, bien connu : le Canada est parvenu, en diminuant drastiquement les dépenses de l'Etat et ses charges, à baisser, en dix ans, son taux d'endettement, lequel est passé de 68 % à 37 % de son PIB.

Ces réformes, portées tant par le courage politique et les convictions des dirigeants que par le consentement de la population, ont permis d'assainir les finances de l'Etat et de redynamiser l'économie.

La réduction des dépenses de l'Etat entraîne mécaniquement, ne l'oublions pas - même si ce n'est pas la thèse soutenue par les keynésiens -, une diminution du chômage ; l'exemple canadien le confirme, avec une diminution de 5 % environ.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n'est pas le sujet !

M. Yves Pozzo di Borgo. C'est le problème de la dette !

Mme Nicole Bricq. Que va-t-on faire lors de l'examen du projet de loi de finances ?

M. Yves Pozzo di Borgo. L'Européen convaincu que je suis ne peut s'empêcher de penser que des économies importantes sont possibles grâce à une plus grande intégration européenne.

Il faut tout d'abord prévoir une intégration des politiques économiques avec une meilleure coordination du policy mix. On le voit particulièrement pour ce qui concerne la gestion de la dette, qui dépend directement de la politique monétaire de la BCE, la Banque centrale européenne.

Ensuite, nous avons déjà eu l'occasion d'en parler, approfondir certains sujets et travailler plus souvent à vingt-cinq dans un certain nombre de domaines nous permettrait de rationaliser nos moyens et de réaliser des économies d'échelle. Cela pourrait être le cas pour la politique de défense, dont les budgets cumulés sont considérables ; cela nous permettrait de partager les coûts et de rendre nos actions plus efficaces.

Comme je l'ai déjà suggéré à plusieurs reprises, on pourrait tout aussi bien prévoir cette coopération dans le domaine de la diplomatie, grâce à la mise en commun de nos services consulaires avec nos partenaires les plus proches et à la rationalisation de notre réseau, qui est, certes, prestigieux, mais aussi extrêmement coûteux en Europe.

La diminution de la dette est la priorité du pays. Certes, il n'y aura pas de révoltes, ni de voitures brûlées, mais nous aurons à constater une lente dégradation de la situation. Certains choix ne seront pas assumés, certains investissements ne seront pas réalisés et, au final, la France ne sera pas à la hauteur de ce que nous pouvons attendre d'une si grande nation. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, que j'appelle à la concision.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce type de débat peut être bref, monsieur le président, et nous en apportons la preuve.

Fort du rapport de Paul Girod, j'isolerai trois lignes : la dette de la CADES s'élève à 110 milliards d'euros ; celle de Réseau ferré de France, à environ 20 milliards d'euros ; et celle du Service annexe d'amortissement de la dette, le SAAD, à 9 milliards d'euros, soit au total 139 milliards d'euros.

Si l'Etat veut assurer la gestion de cette dette, il doit sortir des conventions bruxelloises et en finir avec ces petites astuces auxquelles nous recourons pour sauver les apparences à Bruxelles et tenter de prouver que la France est moins endettée qu'elle ne l'est en réalité. Il faut renoncer à ces petits bricolages, ces petites tricheries, ces petites lâchetés, car personne ne sait où se situe la vérité et tout le monde doute constamment de la sincérité des finances publiques.

Monsieur le ministre délégué, si vous renoncez enfin à tous ces arrangements, vous pourrez faire une économie de près de 140 milliards d'euros par an !

Avec Paul Girod, nous voulions vous interpeller sur ce point, car ces 140 milliards d'euros de dette sont gérés par des unités périphériques qui coûtent environ dix points de spread par an. Si vous centralisez la gestion ces dettes, en modifiant leur présentation, vous pouvez faire cette économie, et c'est ce que nous vous demandons, monsieur le ministre délégué.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je répondrai brièvement à tous les orateurs même si, chacun le sait, je pourrais être beaucoup plus long sur toutes ces questions. Toutefois, j'aurai l'occasion d'y revenir aussi souvent que nécessaire, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, c'est-à-dire dans moins de deux semaines maintenant.

Je tiens de nouveau à remercier M. Paul Girod de la qualité tant de son rapport que de son intervention ; il a évoqué de nombreux sujets.

S'agissant de la CADES, chacun doit le comprendre, c'est en amont de l'équilibre financier de l'assurance maladie que nous évoquons cette question. Dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Parlement a les moyens de veiller très scrupuleusement à son contrôle, mais nous aurons l'occasion d'y revenir.

S'agissant du SAAD, un sujet important, la gestion de la dette par la SNCF est active en la matière. L'écart de taux avec la dette de l'Etat n'est que de six à sept points, selon les échéances, ce qui est faible. Le passage de la SNCF aux normes IFRS va évidemment conduire à une clarification ; nous en reparlerons, mais il va de soi que le ministère des finances travaille avec la SNCF ainsi qu'avec le ministère des transports pour faire en sorte que les déficits publics ne se dégradent pas.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Vous ne répondez pas à la question !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur Arthuis, nous disposons malheureusement de peu de temps. Il faudrait que nous puissions approfondir ce débat, mais nous aurons l'occasion d'y revenir, je le répète, lors de l'examen du projet de loi de finances.

Mme Nicole Bricq. Un jour !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur de Montesquiou, vous avez évoqué une « mort à crédit ». Bien des chantiers sont à ouvrir en matière de gestion de la dette. Pour ma part, je suis prêt à y travailler, même dans d'autres enceintes.

Vous avez souligné la performance enregistrée par l'AFT ; nous pouvons nous en féliciter et nous devons prolonger ce succès.

Monsieur Longuet, je vous remercie d'avoir souligné le sens de l'innovation de l'AFT, s'agissant notamment de la durée de vie de la dette. L'emprunt à cinquante ans en est un bon exemple.

Pour ce qui concerne la couverture des risques financiers, vous le savez, on a déjà couvert le risque de change sur les versements de la France à la Banque mondiale. Faut-il le systématiser ? Pourquoi pas ? Je suis prêt à y réfléchir avec mon collègue des affaires étrangères.

Quant à la gestion active et passive de la dette, nous attendons de disposer d'un vrai bilan ; comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, la LOLF va y pourvoir avec le compte général de l'Etat.

Monsieur Vera, vous avez souligné l'importance de la dette détenue par les non-résidents. La seule réponse est évidemment de la faire décroître et, à cette fin, nous devons mieux maîtriser les dépenses et affecter le produit des cessions au désendettement. Mais je sais que nous ne sommes pas d'accord sur ce point ; nous ne pouvons donc pas beaucoup avancer en la matière.

Monsieur Pozzo di Borgo, vos remarques étaient très intéressantes. Je vous donne rendez-vous dans quelques jours, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006.

Sur la modernisation de l'Etat, je reconnais qu'il y a beaucoup à faire. Je note toutefois, pour le déplorer, que, dans ce pays, dès que l'on prend une initiative, on la critique avant même qu'elle soit concrétisée.

Monsieur Pozzo di Borgo, je vous invite à m'y aider, car je rêve d'une Union centriste-UDF constructive. A force d'en rêver, ce sera peut-être un jour réalité. J'ai toujours affirmé que j'étais ouvert à toutes les propositions concrètes. Je vous connais de longue date, monsieur le sénateur, sachez que je suis toujours très intéressé par vos propositions constructives.

S'agissant des audits, je prends devant vous l'engagement qu'ils ne resteront pas ignorés. Je n'ai pas l'habitude d'oublier quoi que ce soit dans les tiroirs, car je mets tout sur la table. L'Etat doit être une maison de verre, afin que chacun puisse participer à sa modernisation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Le débat est clos.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.