Problèmes du logement

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.

Mme Catherine Tasca. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.

Lundi soir, nous avons entendu avec surprise le Président de la République faire un rappel à la loi, saluant - bien tardivement ! - la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, cette loi SRU qui fut votée sur l'initiative du gouvernement de Lionel Jospin, et réclamant que toutes les communes concernées respectent leur obligation d'abriter au moins 20 % de logements sociaux.

Quelle volte-face par rapport aux attaques de l'UMP contre ce texte !

M. Raymond Courrière. Ce n'est pas la première !

Mme Catherine Tasca. Que compte faire votre gouvernement...

Mme Catherine Tasca. ... pour que cette règle soit réellement appliquée ?

Aujourd'hui, 85 des 100 grandes villes qui ne respectent pas cette loi sont gérées par la droite.

Mme Catherine Tasca. La crise du logement est au coeur des doutes et des souffrances d'un grand nombre de Français, non seulement des plus démunis d'entre eux, mais, de fait, de tous les foyers aux revenus modestes ou moyens. Et ce n'est pas le « contrat nouvelle embauche » qui permettra à tous ceux qui cherchent à louer un logement, notamment les jeunes, de sortir de la galère !

Avec le chômage, le problème du logement est le ferment d'une véritable rupture de l'égalité des chances. Il est l'une des origines de la révolte qui secoue nombre de quartiers de nos villes. S'il est juste de rappeler aux parents leurs responsabilités, encore faut-il leur assurer un logement décent.

Tous les Français attendent avec impatience des mesures de la part des pouvoirs publics. Le groupe socialiste du Sénat, sur l'initiative de notre collègue Thierry Repentin, a déposé une proposition de loi portant des mesures d'urgence en faveur du logement pour tous, riche de mesures concrètes et novatrices.

Nous défendrons d'ailleurs, la semaine prochaine, lors de l'examen du projet de loi portant engagement national pour le logement, des amendements allant dans le même sens. Ce texte est en effet très insuffisant et ne prévoit rien pour la réalisation des 20 % de logements sociaux.

Vous semblez ne pas avoir pris la mesure du problème.

M. René-Pierre Signé. Bien sûr que non !

Mme Catherine Tasca. Alors que le déficit en logements sociaux est considérable, comment expliquer que l'Agence nationale pour la rénovation urbaine pose encore comme préalable absolu à l'octroi de ses aides l'obligation de démolir des logements existants ?

Je ne citerai qu'un exemple, celui de Sartrouville, commune située dans le département des Yvelines et dirigée par un maire UMP. Nombre des logements qui y sont frappés d'une décision de démolition ont récemment été réhabilités et sont donc parfaitement habitables. Cela défie le bon sens !

Le Gouvernement entend-t-il apporter de véritables réponses à ces problèmes ? Va-t-il enfin considérer qu'il est urgent de mener une politique du logement pour tous, et non une politique qui profite d'abord aux rentiers et aux spéculateurs ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela faisait longtemps !

M. François Autain. Où est Jean-Louis Borloo ?

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Madame le sénateur, chacun connaît le temps nécessaire à la construction de logements.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela fait cinquante ans qu'il n'y a plus de logements sociaux !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. L'inventaire extrêmement instructif que vous venez de dresser ne fait donc que souligner les manquements auxquels nous avons eu à faire face.

M. Jean-Pierre Bel. L'argument de l'héritage, ça ne marche plus !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Ces manquements datent, bien sûr, des années 1990 et du début des années 2000 (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - Protestations prolongées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), ...

M. Didier Boulaud. C'est pitoyable comme argument !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. ... période où vous étiez vous-même aux affaires !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tous les Parisiens vivent maintenant dans les banlieues !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Aujourd'hui, madame le sénateur, notre pays a besoin de 80 000 logements par an pour répondre à la demande. Or, en 2000, vous n'en avez fait construire que 39 000 !

Ne soyez donc pas surprise, aujourd'hui, madame le sénateur,...

M. René-Pierre Signé. Quelle honte !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. ... si vos insuffisances se voient sur le terrain ! (Brouhaha.)

M. Didier Boulaud. C'est misérable !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Qu'allons donc nous faire ?

Le premier objectif du plan de cohésion sociale voté l'année dernière était la construction...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. De logements intermédiaires dans le XVIIe arrondissement ?

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. ... de 500 000 nouveaux logements.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À Neuilly-sur-Seine !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Cette année, nous avons doublé le nombre de logements en construction.

M. Didier Boulaud. À Saint-Maur-des-Fossés !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. C'est une première depuis vingt ans !

Les faits sont là ! Nos concitoyens pourront le constater : il y a les paroles d'un côté, les actes de l'autre !

Il faut toutefois continuer et aller plus loin. Tel est le sens du projet de loi portant engagement national pour le logement qui sera soumis à votre assemblée la semaine prochaine. Ce texte comprendra toutes les dispositions nécessaires, y compris en ce qui concerne la disponibilité du foncier.

Enfin, le Président de la République (Ah ! sur les travées du groupe socialiste) l'a rappelé avant-hier, les textes existants permettent de faire respecter l'obligation de construire des logements sociaux.

M. Didier Boulaud. Au château de Bity !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Les préfets disposent des outils nécessaires. Jean-Louis Borloo a d'ores et déjà commencé de dresser un inventaire. Une réunion avec les préfets aura lieu en fin d'année afin de faire appliquer les textes.

Dans notre démocratie, en effet, nous faisons des constats, nous appliquons les lois et, surtout, nous agissons ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Financement des agences de l'eau

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Ma question, qui s'adresse à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales, porte sur les relations entre l'État et ces collectivités.

Je veux évoquer ici, en particulier, les difficultés de financement des projets locaux par les agences de l'eau. En effet, ces agences se trouvent dans une situation financière délicate, et cela pour deux raisons.

En premier lieu, à l'automne 2002, l'État a prélevé plusieurs centaines de millions d'euros sur les réserves des agences de l'eau afin d'alimenter son propre budget.

M. Michel Mercier. C'est un hold-up !

Mme Jacqueline Gourault. Ainsi, pour la seule agence de l'eau Loire-Bretagne, ce prélèvement s'est élevé à plus de 200 millions d'euros.

En second lieu, le Fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE, a été supprimé à la fin de l'année 2004. Or l'État avait pris des engagements auprès d'opérateurs publics, engagements qui devaient être financés par ce même FNDAE. Les agences de l'eau se trouvent donc dans l'obligation d'honorer ces engagements alors qu'aucune ressource n'est plus disponible et que, dans le même temps, de nouvelles compétences leur sont transférées.

Ma question est donc double, monsieur le ministre : l'État étant responsable de cette situation délicate, quels moyens comptez-vous donner aux collectivités locales pour leur permettre, via les agences de l'eau ou par un autre biais, d'assumer les charges qui sont les leurs ?

Par ailleurs, pouvez-vous me confirmer que, comme cela a été prévu dans le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques, les conseils généraux pourront instituer un fonds départemental alimenté par une redevance sur l'eau distribuée par les communes, redevance qui permettrait de financer ces engagements ?

Enfin, monsieur le ministre, cet exemple illustre une tendance plus inquiétante : celle qui consiste, par réformes successives et sans vision cohérente, à transférer des dépenses mais sans garantir les recettes correspondantes.

Mme Jacqueline Gourault. En moins de sept années, ce ne sont pas moins de dix réformes et évolutions profondes qui ont été conduites de la sorte.

Cette attitude place les élus dans l'obligation d'honorer chaque jour plus de missions sans être assurés de disposer des ressources correspondantes.

M. René-Pierre Signé. Elle va voter avec nous !

Mme Jacqueline Gourault. à quelques jours du congrès des maires et des présidents de communautés de France, que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour rendre aux mots « décentralisation », « responsabilités des élus locaux » et « autonomie financière » leur sens véritable ...

Mme Jacqueline Gourault. ...et ainsi redonner confiance à tous les élus locaux de France, dont nous avons pu mesurer encore ces derniers jours la disponibilité, la compétence, en un mot le rôle déterminant dans notre République ? (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Madame le sénateur, votre question est à la fois multiple et complexe.

La politique de l'eau recouvre, il est vrai, un enjeu financier essentiel, notamment pour les communes rurales, car elle représente une charge significative. Je ne vous inonderai pas de chiffres (Sourires), mais je rappellerai tout de même que cette politique représente plus de 10 milliards d'euros.

Toutefois, l'eau n'est pas qu'un enjeu financier : elle est également une préoccupation forte pour nos concitoyens, qui sont de plus en plus attentifs à la préservation de sa qualité.

M. René-Pierre Signé. Et à son prix !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques est actuellement en cours de discussion au Parlement. Il a été adopté en première lecture par le Sénat.

Deux points essentiels doivent être clarifiés : d'une part, le cadre juridique des redevances perçues par les agences de l'eau ; d'autre part, les financements extérieurs qui pourraient être apportés aux collectivités locales à la suite de la disparition du FNDAE.

Le Gouvernement a bien noté la préoccupation du Sénat. Par ailleurs, il a enregistré le souhait que vous avez exprimé, madame le sénateur, concernant la création d'un fonds départemental pour l'alimentation en eau et l'assainissement.

M. Raymond Courrière. Ce sont encore les mêmes qui paieront !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Par ailleurs, madame le sénateur, vous soulevez, à juste titre, la question du dialogue entre l'État et les collectivités locales.

M. Roland Muzeau. Parlons-en !

M. Didier Boulaud. C'est un dialogue de sourds !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Je partage votre avis : ce dialogue peut être amélioré et développé.

M. Didier Boulaud. C'est un monologue !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Des progrès ont déjà été accomplis grâce, par exemple, à la commission consultative d'évaluation des charges, présidée par votre collègue M. Jean-Pierre Fourcade, dont nul dans cet hémicycle ne contestera ni l'autorité, ni l'honnêteté, ni l'intégrité ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Jacques Mahéas. Cela n'a rien à voir !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Vous avez évoqué la création d'un certain nombre de charges nouvelles : on peut en effet penser à l'allocation personnalisée d'autonomie ou à la prestation de compensation du handicap. Ces réformes, celles de la majorité d'hier comme celles de la majorité d'aujourd'hui,...

M. Didier Boulaud. Et de la majorité de demain !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. ... nous confortent dans la conviction que le dialogue ne doit pas se limiter à un simple slogan ou à un voeu pieux.

C'est la raison pour laquelle Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, et moi-même souhaitons sans tarder mettre en place...

M. Raymond Courrière. Une commission !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. ...une commission annuelle (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) ...

M. Raymond Courrière. Une commission de plus !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. ... des finances publiques, chargée d'examiner l'ensemble de ces questions.

M. Didier Boulaud. Clemenceau, reviens, ils sont devenus fous !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Madame le sénateur, vous appelez à la cohérence. Vous avez raison ! Cette initiative du Gouvernement est une réponse concrète à votre appel. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Raymond Courrière. On y a gagné une commission !

Services publics en milieu rural

M. le président. La parole est à M. Gérard Dériot.

M. Gérard Dériot. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire.

L'actualité nous rappelle combien l'accès des populations aux services publics sur l'ensemble de nos territoires est important pour la cohésion sociale.

En milieu rural, la réorganisation des services au public est tout aussi primordiale. Elle conditionne en effet notre attractivité, donc notre avenir.

Tous les élus locaux se mobilisent, comme mes collègues du conseil général de l'Allier et moi-même. Sur le terrain comme sur les travées de la Haute Assemblée, nous sommes nombreux à être tout à fait conscients des évolutions démographiques, mais aussi des perspectives qu'offrent les progrès technologiques.

Pour autant, la réorganisation du maillage territorial doit signifier non pas des services publics en moins, mais des services publics en mieux. Cette réorganisation doit permettre à la fois de rationaliser leur coût pour les contribuables et d'améliorer la qualité du service rendu aux usagers.

Connaissant mieux que quiconque les besoins réels de leur territoire et de leurs administrés, les élus locaux ont, l'an passé, alerté le Gouvernement sur la nécessité d'être plus largement consultés. Cet appel a été entendu : le 5 janvier dernier, le Président de la République a demandé aux préfets de « mener une concertation avant toute adaptation des services publics » parce qu'il était nécessaire de « prendre en compte des réalités locales très diverses ».

Dans cet esprit, le 2 août dernier, le ministre d'État, Nicolas Sarkozy, et vous-même avez cosigné une circulaire qui engageait cette vaste concertation à l'échelon local dans tous les départements.

Nous saluons en particulier votre décision de moratoire sur la suppression des services publics qui ne recueillait pas l'accord des élus.

Ma question est donc simple, monsieur le ministre : quel bilan tirez-vous de cette période de concertation et quelles mesures entendez-vous prendre à l'issue de celle-ci afin d'engager une réforme de l'organisation territoriale des services publics qui tienne compte avec justesse et pragmatisme des réalités locales ?

M. René-Pierre Signé. Ils veulent supprimer les services publics !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur Dériot, vous avez raison de souligner que nos compatriotes sont particulièrement préoccupés par la qualité des services publics en milieu rural.

M. Guy Fischer. Et en milieu urbain !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Trop longtemps, l'État s'est désengagé sans la moindre concertation avec les acteurs locaux, au premier chef les maires et les communes.

C'est ainsi que Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux, et moi-même...

M. René-Pierre Signé. Le trio de choc !

M. Didier Boulaud. Le triumvirat !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le tiercé gagnant !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... avons adressé, le 2 août dernier, une circulaire à tous les préfets des départements de France pour leur demander de ne plus engager la fermeture de quelque service public que ce soit sur notre territoire...

M. René-Pierre Signé. Cela fait dix fois qu'on le leur répète !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... sans concertation préalable avec l'ensemble des acteurs et avant que la consultation que nous avons lancée ait été menée jusqu'à son terme.

Le premier recensement que nous avons effectué fait ressortir les priorités qui sont celles de nos populations en milieu rural. Celles-ci veulent de meilleurs services en matière de commerce de proximité, d'aide à la petite enfance, notamment en ce qui concerne les crèches et les haltes-garderies, dans le domaine médical, en termes d'aide aux personnes âgées, ainsi que dans le domaine des transports.

Nous avons consulté la conférence nationale pour les services publics en milieu rural, présidée par Paul Durieu, qui rendra d'ailleurs son rapport cet après-midi même à M. le Premier ministre. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Jean-Marc Todeschini. C'était donc une question téléguidée !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Au terme de cette consultation, nous allons faire un certain nombre de propositions, notamment en direction des communes.

En effet, la mairie est, selon moi, le premier service public de notre pays. Sachons faire confiance aux 36 000 communes françaises...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les faire payer surtout !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... et nous appuyer sur elles en même temps que sur les conseils généraux, car il y a, à l'échelon départemental, beaucoup plus de services publics déconcentrés qu'on ne le dit.

Mme Hélène Luc. Il faut aussi leur donner des moyens financiers !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Il faut aussi, sans tabou, favoriser la polyvalence et la mutualisation des moyens entre services publics et services privés. La volonté affichée du Gouvernement est d'assurer une véritable polyvalence des employeurs pour rapprocher l'ensemble des services et des moyens de nos populations, où qu'elles soient sur notre territoire.

Voilà les grandes orientations que nous entendons prendre.

Monsieur le sénateur, vous avez raison de souligner que nous avons, en France, trop longtemps raisonné en schémas nationaux. Pendant des années, chaque ministère a essayé d'imposer une seule et même vision de notre pays.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Mais la France des plaines n'est pas celle du littoral, celle des montagnes n'est pas celle des villes.

M. Didier Boulaud. Remarquable analyse !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. C'est parce que nous conduisons désormais des politiques de proximité que nous pouvons sortir d'une logique de résignation et entrer dans une logique de projets pour nos territoires. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Indemnisation par l'État des victimes des violences urbaines

M. le président. La parole est à M. André Vantomme.

M. André Vantomme. Monsieur le Premier ministre, les événements dont la France est le théâtre depuis plusieurs semaines nous interpellent tous.

Deux adolescents décédés, des milliers de véhicules brûlés, des bâtiments publics dévastés, des lieux de culte profanés, des policiers et des pompiers blessés, des victimes directes ou indirectes : tout cela participe d'une situation d'extrême gravité.

Résultat : un climat de grave inquiétude s'est installé chez une partie de nos concitoyens et l'image de la France à l'étranger est gravement atteinte.

Cette situation, c'est à l'Etat, et donc au Gouvernement, d'y remédier.

C'est à vous, monsieur le Premier ministre, qu'il appartient en effet de prendre les initiatives qui permettront que l'État indemnise toutes les victimes, conformément à la loi du 7 janvier 1983 codifiée à l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales : « L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens. »

Monsieur le Premier ministre, vous n'avez encore rien dit sur vos intentions à cet égard.

La Commission européenne vous a informé, par la voix de son président, de sa décision de mobiliser dès à présent 50 millions d'euros sur les fonds de développement urbain et vous a rappelé la possibilité, pour votre gouvernement, de solliciter les fonds régionaux et sociaux européens.

La région d'Ile-de-France vient de décider, quant à elle, d'affecter respectivement 20 millions d'euros et 2 millions d'euros aux collectivités locales et aux particuliers victimes de ces événements.

Dans un souci de solidarité, les assureurs regroupés au sein du GEMA, le groupement des entreprises mutuelles d'assurances, ont souhaité également prendre des dispositions pour agir vite et mieux vis-à-vis des victimes de ces événements.

Et vous, monsieur le Premier ministre, comment entendez-vous assumer vos responsabilités légales...

M. René-Pierre Signé. Avec de beaux discours !

M. André Vantomme. ... pour indemniser celles et ceux, collectivités locales, entreprises ou particuliers, qui ont pâti d'une situation à laquelle la loi vous fait obligation de remédier ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Marc Todeschini. Nous avons interrogé le Premier ministre !

M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le sénateur, les habitants des quartiers dans lesquels ont eu lieu les récents débordements en sont évidemment les premières victimes. Les parlementaires de tous les groupes sont bien sûr à leurs côtés, tout comme le Gouvernement, qui est particulièrement sensible à leur situation.

Vous avez rappelé les chiffres : 8 500 véhicules incendiés, une centaine de bâtiments publics détruits et autant d'entreprises dégradées ou détruites. Et je ne parle pas des personnes !

Le Premier ministre a rappelé, mardi dernier, que nous mettions tout en oeuvre afin que les victimes soient rapidement indemnisées et puissent reprendre leurs activités.

M. Yannick Bodin. Comment ?

M. François Loos, ministre délégué. M. Thierry Breton fait régulièrement le point avec les sociétés et les mutuelles d'assurance.

M. René-Pierre Signé. C'est tout ce qu'il fait !

M. François Loos, ministre délégué. Celles-ci ont pris l'engagement de traiter les dossiers au plus vite. La grande majorité d'entre elles ont annoncé qu'elles feraient des gestes significatifs en couvrant les sinistres de véhicules, même en l'absence de garantie contre l'incendie, et prendraient en charge les franchises.

Le Premier ministre a chargé Renaud Dutreil, ministre en charge des PME, d'étudier les moyens de venir en aide aux artisans et aux commerçants, en complément des couvertures assurantielles.

De la même manière, Brice Hortefeux examine avec Bercy les conditions d'indemnisation des dommages causés aux collectivités locales.

A l'évidence, nous devons dès à présent préparer l'avenir et travailler à la reconstruction rapide des équipements détruits ou endommagés. Le ministère de l'intérieur recense actuellement ces équipements, en précisant pour chacun d'eux le coût de la remise en état et les conditions de couverture par les assurances souscrites par les collectivités.

Enfin, d'ores et déjà, Jean-François Copé a accepté, afin de favoriser une reconstruction la plus rapide possible, que les investissements des collectivités locales réalisés en réparation des destructions subies du fait de ces violences urbaines fassent l'objet d'un remboursement anticipé du fonds de compensation de la TVA. Cette disposition exceptionnelle sera incessamment inscrite en loi de finances rectificative ou en loi de finances.

Comme vous le voyez, nous prenons, dans tous les domaines, les mesures nécessaires pour que, le plus rapidement possible, toutes les victimes trouvent une solution à leurs problèmes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jacques Mahéas. Et qui paiera la facture de la fourrière ?

Rétablissement de l'autorité parentale

M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.

M. Serge Dassault. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans sa dernière allocution, M. le Président de la République a montré la nécessité de redonner à la jeunesse des repères, des valeurs, le souci du respect, de la tolérance et du travail.

Seule la famille peut le faire,...

M. Serge Dassault. ... mais elle doit être relayée par l'école.

Comme l'a indiqué M. le Premier ministre, l'apprentissage à partir de quatorze ans sera une excellente mesure pour apprendre un métier à ces jeunes. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. René-Pierre Signé. Combien en embauche Dassault !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Rouvrez les mines et enrôlez de force !

M. Serge Dassault. Durant les dernières semaines d'agitation et de violence, les forces de l'ordre ont, avec M. le ministre de l'intérieur, effectué un travail remarquable afin de rétablir le calme.

Si les majeurs auteurs de ces violences relèvent des tribunaux, les mineurs relèvent d'abord de leurs parents, qui en sont responsables civilement. Mais, se sentant actuellement intouchables judiciairement, ces jeunes agissent sans crainte.

Afin de mettre un terme à cette situation dans laquelle la justice se trouve impuissante, il faut inciter les parents à jouer leur rôle. Il faut les rendre responsables pénalement afin qu'ils assument les peines auxquelles leurs enfants seraient condamnés s'ils étaient majeurs. (Protestations sur les mêmes travées.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est ça, les parents en prison !

M. Serge Dassault. La protection de l'enfance, dont les jeunes abusent souvent, devrait être mieux appliquée, car, actuellement, elle nuit à l'autorité des parents.

M. Didier Boulaud. Et à la liberté des patrons !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les mines ou la prison !

M. Serge Dassault. Pour ce qui est des majeurs, le service civil est une excellente idée, mais il devrait être obligatoire.

La suspension provisoire des allocations familiales, ...

Mme Catherine Tasca. Scandaleux !

M. Serge Dassault. ...la garde à vue et autres mesures feraient réfléchir les parents et leur montreraient l'importance de leur mission vis-à-vis de leurs enfants, mission qu'ils n'exercent pas ou qu'ils ont cessé d'exercer.

M. Didier Boulaud. Tirez-leur les oreilles !

M. Jean-Marc Todeschini. Gosse de riche !

M. Serge Dassault. Par ailleurs, aux parents isolés qui élèvent seuls leurs enfants et ne peuvent s'en occuper quand ils travaillent, il faut permettre, s'ils le souhaitent, de rester à la maison en leur accordant un salaire de père ou de mère au foyer. (Protestations prolongées sur les mêmes travées.)

M. Didier Boulaud. Les femmes à la maison !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et les hommes en prison !

M. René-Pierre Signé. Les femmes aux casseroles ou à l'église !

M. Roland Muzeau. Les milliardaires à la vaisselle !

M. Serge Dassault. De plus, il ne faut pas oublier que, pour les familles polygames vivant en France, il est difficile, lorsque plus de dix personnes partagent un F4, de maintenir les enfants à la maison. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) Une réglementation devrait être fixée afin de limiter, ne serait-ce que pour des motifs de sécurité, le nombre de personnes pouvant occuper un appartement en fonction de sa surface. Les bailleurs sociaux devraient intervenir dans ce sens et en être responsables. (Exclamations prolongées sur les mêmes travées.)

Cela ne vous plaît pas ? Vous avez tort !

M. Serge Dassault. En conséquence, monsieur le ministre de la justice, comment comptez-vous agir pour rétablir l'autorité parentale, maintenir les enfants à la maison et appliquer la loi, toute la loi ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. René-Pierre Signé. Tous au FC Nantes !

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Serge Dassault, ...

M. Roland Muzeau. Par ailleurs milliardaire !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. ... la justice a pris en compte la responsabilité des mineurs concernés par les événements de ces jours derniers puisque, je le rappelle, 531 mineurs ont été présentés devant le tribunal des enfants et plus d'une centaine ont été écroués.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà qui est prendre ses responsabilités !

M. Paul Raoult. Et les patrons voyous ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Vous rappelez à juste titre la responsabilité des parents. C'est bien aux parents, en effet, qu'il revient d'endosser toute la responsabilité du comportement de leurs enfants mineurs. (Mme Catherine Procaccia applaudit.) D'ailleurs, le code pénal va dans ce sens puisqu'il prévoit jusqu'à deux ans de prison et 30 000 euros d'amende pour les parents défaillants...

Mme Catherine Tasca. Formidable ! Les prisons sont pleines !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. ... qui mettent en péril non seulement la santé mais également la sécurité de leurs enfants. Dans le cas d'espèce, c'était bien la sécurité de leurs enfants qui était en cause.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La prison pour tous, il n'y aura plus de problème !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. En 2004, 130 parents ont été condamnés sur la base de cette disposition.

M. René-Pierre Signé. On voit le résultat !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Il y va aussi de la responsabilité civile des parents. Il n'est pas inutile de rappeler que les victimes des dommages peuvent mettre en cause la responsabilité financière des parents.

Je rappelle enfin que, parmi les mesures dont dispose la société pour rappeler les parents à leurs responsabilités, figurent ...

M. Didier Boulaud. Le précepteur à domicile !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. ...les stages parentaux, qui ont aussi pour fonction de prodiguer une aide éducative. Plus de 200 000 enfants sont ainsi les bénéficiaires indirects de ces stages parentaux.

Enfin, vous avez fait allusion au difficile et complexe problème des allocations familiales.

M. René-Pierre Signé. Il faut les supprimer !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Ne pouvant l'analyser ici en quelques mots, je me bornerai à rappeler que la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, qui a créé les centres éducatifs fermés, permet de suspendre le versement des allocations familiales pour les parents dont les enfants sont placés dans ces structures. Il revient au juge d'apprécier l'opportunité d'une telle mesure. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF.)