Devenir des zones d'éducation prioritaire

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, auteur de la question n° 975, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, ma question s'adressait à M. de Robien, mais, en tant que ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche, vous êtes directement concerné par les questions que je vais poser au sujet de l'échec scolaire et du CPE.

Monsieur le ministre, après neuf jours et neuf nuits de débats, samedi et dimanche compris, lorsque nous avons achevé l'examen du projet de loi pour l'égalité des chances - l'objectif était de terminer cette discussion avant le mardi 7 mars, jour de la très grande manifestation pour le retrait du CPE - j'ai dit au Gouvernement et aux sénateurs de la majorité ceci : vous avez réussi à faire adopter un projet rejeté par les jeunes, les enseignants, les parents, les salariés et un grand nombre d'élus ; c'est maintenant la rue qui vous obligera à le retirer. La réalité de ce mouvement a été plus importante encore que je ne l'imaginais.

Le discours du président de la République n'a rien changé et toutes les combinaisons qui visent à créer un autre CPE n'ont pas plus de chance d'aboutir.

Ne nous y trompons pas, la mission de M. Sarkozy est non pas d'enterrer le CPE, mais d'en sauver tout ce qui peut l'être, en retardant le débat parlementaire pour épuiser la contestation.

Hier, je suis allée consulter les lycéens du lycée Guillaume Apollinaire de Thiais. Leur avis était unanime : il faut retirer le CPE !

Hier après-midi, je me suis rendue à Paris-XII, la faculté de Créteil. Dans un amphithéâtre bondé, le propos était également unanime : M. Sarkozy n'a pas plus de chance que M. de Villepin d'obtenir notre accord pour le CPE.

Depuis des semaines, monsieur le ministre, les lycéens et les étudiants, avec leurs familles, les salariés et tous nos concitoyens sont mobilisés pour leur avenir. Ils sont portés par une incroyable envie de réussir à s'insérer professionnellement et d'apporter au pays le meilleur d'eux-mêmes. Le Gouvernement, par l'entremise des ministres et des parlementaires de la majorité, porte de terribles coups aux conditions mêmes de leur réussite.

Le CPE doit être définitivement abrogé, selon le voeu d'une majorité de nos concitoyens. C'est ce que montre la puissante mobilisation d'aujourd'hui, qui fait suite à toutes les manifestations qui le rappelaient avec force, dans un grand esprit de responsabilité.

Mais il faut également agir dans bien d'autres domaines, monsieur le ministre. Si la politique d'éducation prioritaire n'est pas remise en cause, nous assisterons à une régression généralisée d'un dispositif qui a fait ses preuves et qui porte ses fruits. Cette année est pourtant censée être celle de l'égalité des chances.

Lors de la discussion de la « loi Fillon », j'avais cité l'exemple de l'école de Gennevilliers, dont les classes avaient des effectifs de dix à quinze élèves, selon les nécessités.

Depuis la création des zones d'éducation prioritaire, les ZEP, voilà plus de vingt ans, l'ensemble des acteurs du système insistent sur ce point, que corroborent toutes les données en matière de violence et d'échec scolaire : une croissance régulière des moyens humains et matériels aurait été nécessaire à la pleine efficacité des mesures prises.

Or vous décidez un véritable redéploiement-démantèlement. C'est le démantèlement d'un réseau d'établissements dans lesquels les équipes ont construit, année après année, avec abnégation et dévouement, dans des conditions souvent périlleuses, des projets de réussite, et mené des actions éducatives innovantes et utiles aux enfants et aux familles, en étroite coopération avec l'environnement social et humain.

Les groupes d'aide psychopédagogique, les GAPP, qui avaient la responsabilité du suivi d'élèves d'un groupe d'écoles de quartier, en maternelle ou en primaire, ou des collèges du quartier, ont été remplacés par les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, ou RASED, qui doivent assurer la prise en charge de 5 000 élèves.

Je vous livre ce témoignage d'un membre du collège de l'académie de Créteil, témoignage plein d'espoir qui résume, à lui seul, une réalité majoritaire. « Il y a cinq ans, notre collège a été confronté à de rudes problèmes de violence. Pour résoudre les difficultés, nous avons fait le pari de l'exigence de haut niveau dans toutes les disciplines.

« Avec 54 heures de dotations supplémentaires, nous avons mis en place la coanimation de classes, des travaux en petits groupes, de l'aide aux devoirs.

« Au bout de cinq ans, on constate l'amélioration des relations adultes-élèves, de meilleurs résultats au brevet, des passages en seconde plus satisfaisants, une stabilisation des équipes. »

Les moyens, monsieur le ministre, servent à combattre la violence, grâce, en particulier, à des enseignements artistiques que l'on considérerait comme des enseignements à part entière et à des heures d'éducation physique plus nombreuses. Mais, pour ce faire, il faut augmenter le nombre de postes au CAPES pour les étudiants en sciences et techniques des activités physiques et sportives.

M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche. On s'éloigne complètement du sujet !

Mme Hélène Luc. Non, monsieur le ministre, il s'agit du même problème !

M. le président. Veuillez conclure, madame Luc ! Vous avez déjà largement dépassé le temps de parole qui vous était imparti.

Mme Hélène Luc. À Créteil, trois cents étudiants passent leurs examens. Que vont-ils devenir si le nombre de postes au CAPES n'augmente pas ? À quoi cela va-t-il servir ? Voilà comment vous désespérez les étudiants, qui se préparent pourtant à une profession merveilleuse.

Les moyens servent à combattre la violence, mais pas avec des agents de police dans les lycées ou les collèges ! À Choisy-le-roi, à la suite de graves problèmes, un important travail sur la violence avait été réalisé. Les enseignants ont oeuvré avec Didier Deschamps, Joël Quiniou, arbitre international, et Marcel Desailly.

Les moyens sont la condition nécessaire pour rendre efficace la politique de l'éducation prioritaire : d'une part, par l'allègement des effectifs, l'individualisation, la présence d'adultes référents, le développement du travail en équipe, le financement d'actions pédagogiques diversifiées permettant des ouvertures culturelles et artistiques, l'utilisation des nouvelles technologies, la scolarisation possible des enfants de deux ans et, d'autre part, par le développement de classes préparatoires aux grandes écoles accessibles à tous les jeunes qui en ont la capacité, et pas seulement dans les lycées d'élite.

C'est seulement de cette façon qu'il faut agir, c'est-à-dire à l'opposé des mesures de redéploiement que vous prenez. Dans le Val-de-Marne, c'est très clair : vous enlevez des moyens à des établissements situés en zone d'éducation prioritaire pour en donner davantage à d'autres, le collège de Fontenay et le collège Elsa Triolet de Champigny.

C'est ainsi que nous pourrons endiguer le gâchis que représente l'échec scolaire et créer des dynamiques de réussite et de véritables ambitions qui rejailliraient sur tout l'environnement économique et social de nos territoires.

Monsieur le ministre, l'éducation prioritaire n'est pas une variable d'ajustement comptable à la baisse, comme vous le faites, et ce dans un pays où pourtant les profits des entreprises du CAC 40 explosent. L'éducation prioritaire doit être une grande ambition humaine, une volonté, un engagement et un investissement sûr pour l'avenir de la jeunesse de France.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche. Madame la sénatrice, vous venez de brosser un tableau de la société contemporaine, mais je crains que l'école picturale à laquelle vous appartenez ne se distingue pas par son réalisme.

M. le ministre de l'éducation nationale étant absent, il m'a prié de vous communiquer sa réponse à la question que vous aviez initialement posée et qui concernait l'éducation prioritaire.

Le plan de relance de l'éducation prioritaire est une politique de renforcement de l'aide aux élèves qui rencontrent le plus de difficultés.

Il s'agit en effet de créer les conditions d'acquisition des savoirs fondamentaux pour tous les élèves, dès l'école primaire, dans un environnement de réussite, de réduire la fracture culturelle, de créer les conditions d'une orientation positive et ambitieuse, s'ouvrant notamment sur les filières d'excellence.

Il s'agit également de stabiliser et d'aider les équipes pédagogiques, de piloter le dispositif d'éducation prioritaire et de l'évaluer.

Il s'agit enfin d'allouer vraiment plus à ceux qui en ont véritablement besoin, par une action ciblée sur les réseaux « ambition réussite », et de donner ainsi une réalité au principe d'égalité des chances, auquel nous sommes fondamentalement attachés.

Pour mettre en oeuvre ce plan, les moyens dévolus à l'éducation prioritaire sont en augmentation, contrairement à ce que vous venez de déclarer, madame la sénatrice.

Les 249 collèges connaissant les difficultés les plus importantes qui ont été retenus forment, avec les écoles de leur secteur, des réseaux « ambition réussite », constituant le premier niveau de la nouvelle architecture de l'éducation prioritaire, ou niveau EP1.

Dès la rentrée 2006, 1 000 professeurs supplémentaires seront affectés à ces réseaux, et 3 000 assistants pédagogiques viendront en renforcer les équipes...

Mme Hélène Luc. Mais on en supprime 20 000 ailleurs !

M. François Goulard, ministre délégué. ...pour assurer, notamment, l'aide aux devoirs et faire du soutien scolaire.

Ces collèges se verront par ailleurs dotés d'un principal adjoint, quand ils n'en ont pas, et d'au moins une infirmière à plein-temps. Des dispositifs relais s'y développeront en priorité.

Quant aux autres établissements, qui sont classés aux niveaux EP2 et EP3, ils demeurent bien entendu en éducation prioritaire. Leurs élèves connaissent aussi des difficultés sociales et scolaires, même si celles-ci sont objectivement moins lourdes que dans les réseaux « ambition réussite ».

Tous ces collèges et écoles continueront donc de bénéficier, à la prochaine rentrée, des moyens affectés à l'éducation prioritaire et, en plus, des mesures communes de relance de l'éducation prioritaire.

Permettez-moi de citer quelques-unes de ces mesures communes de relance de l'éducation prioritaire.

Je mentionnerai le renforcement du tutorat : 100 000 étudiants des grandes écoles et des universités s'engagent dans l'accompagnement de 100 000 élèves de l'éducation prioritaire, afin de les préparer à entrer dans l'enseignement supérieur dans les meilleures conditions.

Je citerai l'augmentation des bourses au mérite, dont le nombre passera de 28 000 à 100 000 à la rentrée 2006.

Nous renforçons la formation et le pilotage. Les équipes des établissements scolaires en éducation prioritaire bénéficieront en effet d'un accompagnement renforcé, notamment par les corps d'inspection et les dispositifs académiques de formation et d'innovation.

Dans les dix académies qui regroupent le plus grand nombre d'établissements prioritaires, un inspecteur d'académie-inspecteur pédagogique régional sera missionné pour animer localement cette politique.

Le plan de relance de l'éducation prioritaire est à la fois ambitieux dans ses objectifs et juste par la répartition des moyens qu'il y affecte. Le but exclusif, c'est la réussite scolaire.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Comme vous vous en doutez, monsieur le ministre, je ne suis pas du tout satisfaite par votre réponse.

Tous les enfants doivent pouvoir apprendre à lire et à écrire au cours préparatoire et ne jamais redoubler cette classe. Car tous les enfants sont capables d'apprendre à lire et à écrire !

Mais, à un moment donné, lorsqu'un enfant rencontre des problèmes, il faut qu'une institutrice s'occupe personnellement de lui pendant une semaine ou quinze jours pour qu'il puisse suivre plus aisément en CE1 et en CE2.

Or, monsieur le ministre, vos propositions me confortent dans l'idée que les élèves les plus défavorisés seront encore plus en échec. Il importe de réparer ce gâchis humain. Pour ce faire, il faudrait prévoir deux années de formation en alternance ; je parle de ceux que vous voulez mettre en apprentissage à quatorze ans et faire travailler la nuit et le dimanche.

Hier, à Créteil, une personne appartenant à la chambre de commerce et d'industrie de Paris a indiqué que les entreprises n'avaient pas besoin de contrat première embauche, pas plus que d'apprentis junior. Elles veulent des jeunes qui apprennent un métier et qui aient un minimum d'instruction générale.

De plus, on constate une déréglementation tous azimuts, qu'il s'agisse des contenus ou des horaires sauvages que vous proposez, hors du cadre national, dans les zones d'éducation prioritaire, avec ce que vous appelez les « super-professeurs ». Pourtant, depuis la loi Fillon, le statut des instituts universitaires de formation des maîtres, les IUFM, n'est encore pas clarifié, et pour cause !

En réalité, vous concevez les zones d'éducation prioritaire comme un tremplin vers l'apprentissage junior à quatorze ans. Vous ne vous étonnerez donc pas que les jeunes se révoltent !

Nos enfants et nos petits-enfants ont la chance de vivre un formidable essor des capacités humaines. L'éducation doit relever les grands défis lancés par l'humanité au nord et au sud de notre planète pour ce XXIe siècle. L'école doit prioritairement axer son éducation sur la formation de l'humain en tant qu'individu et non pas aller dans le sens de Mme Parisot, qui table sur l'échec scolaire des jeunes dans les banlieues pour réserver à ces derniers l'apprentissage junior à quatorze ans.

Or, monsieur le ministre de la recherche, tout commence par la recherche fondamentale, à laquelle il faut octroyer tous les moyens et crédits nécessaires, et ne pas simplement s'attacher aux pôles de compétitivité.

Hier, j'ai eu la chance de représenter le président du Sénat, M. Poncelet, lors d'une conférence sur la santé, l'avenir et le citoyen avec l'ordre des dentistes, à laquelle participait Axel Kahn. Comme à son habitude, celui-ci a été extraordinaire, mais il m'a confié sa déception quant à la loi de programme pour la recherche, car celle-ci n'est pas du tout à la hauteur pour susciter un véritable mouvement de création d'emplois de toutes sortes et améliorer la santé.

Il ne faut pas que le citoyen se sente dépossédé de la science. Or c'est tout à fait ce que ressentent nos jeunes : ils se sentent privés de leurs possibilités d'apprendre et de travailler dans l'entreprise, et c'est ce qu'ils vous disent aujourd'hui, monsieur le ministre. Mais vous ne semblez pas les entendre ! Pourtant, il le faudra bien, car le mouvement qu'ils ont lancé ne s'arrêtera pas.

situation des français rapatriés de côte d'ivoire

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 962, adressée à Mme la ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie.

M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'évoquerai un sujet douloureux, à savoir la situation de nos compatriotes rapatriés de Côte d'Ivoire.

Les faits historiques sont connus. Au mois de novembre 2004, la République française a dû rapatrier, dans des conditions extrêmement pénibles, près de huit mille Français de Côte d'Ivoire. Grâce à l'armée française, ceux-ci ont pu rejoindre la France, mais le plus souvent en laissant sur place leur logement et leurs biens, ainsi que, pour les chefs d'entreprise, leur outil de travail.

La République française leur a offert une prime de 750 euros pour leur permettre de faire face aux besoins de première nécessité, mais la somme est bien modeste. Elle leur a également ouvert les droits à la couverture maladie universelle et au revenu minimum d'insertion. Toutefois, ce n'est pas suffisant, car de nombreux rapatriés, notamment les plus âgés, se trouvent aujourd'hui dans le dénuement.

En outre, la France a aidé les chefs d'entreprise qui ont voulu reprendre une entreprise et réinvestir en France, en leur octroyant une aide, dont le taux a été porté de 10 % à 30 % du montant de l'investissement.

Par ailleurs, nous avions prévu de recueillir l'ensemble des plaintes contre X déposées par ces personnes arrivées sur le sol français. Malheureusement, le parquet vient de décider de classer sans suite ces quelque 230 plaintes. La voie judicaire est donc fermée.

Certes, je sais combien il est aujourd'hui difficile de régler ce problème, mais l'exemple récent d'un présumé assassin montre pourtant que la justice ivoirienne peut réagir. On peut donc se demander pourquoi elle ne réagirait pas de la même façon eu égard aux abus et aux pillages qui ont eu lieu voilà deux ans.

Par ailleurs, ces plaintes ne permettent pas d'accorder une indemnisation parce qu'aucune société d'assurance n'offre ce type de couverture. Ceux qui ont abandonné leur entreprise et leurs biens sur place sont donc confrontés à de grandes difficultés.

Au-delà des mesures, certes tout à fait utiles, mais largement insuffisantes, qui ont été prises, monsieur le ministre, quelles solutions envisagez-vous de prendre pour apporter un peu d'aide à ces Français rapatriés qui ont tout perdu, y compris l'espoir ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche. Monsieur le sénateur, Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie, actuellement en déplacement à l'étranger, vous prie de bien vouloir excuser son absence et m'a chargé de vous transmettre la réponse suivante.

Vous avez appelé son attention, monsieur le sénateur, sur la situation effectivement dramatique de nombre de nos compatriotes rapatriés de Côte d'Ivoire.

Le ministère des affaires étrangères est bien conscient de la situation matérielle et morale extrêmement difficile dans laquelle se trouvent aujourd'hui nos compatriotes rapatriés de Côte d'Ivoire en novembre 2004, qui ont été brutalement privés de leurs biens et de leurs sources de revenus. L'acuité de ce problème ne peut évidemment être contestée.

Par deux décrets pris en décembre 2004, en application de la loi du 26 décembre 1961 relative à l'accueil et à la réinstallation des Français d'outre-mer, le Gouvernement a mis en place un dispositif d'urgence exceptionnel visant à aider nos compatriotes à se réinsérer en France.

La mission interministérielle aux rapatriés a été chargée d'appliquer ces mesures. Celles-ci ont été étendues, dans certains cas, aux Français rentrés en 2002 et le montant de la subvention de reclassement versée aux personnes souhaitant créer une entreprise en France, initialement fixé à 10 % du montant de l'investissement, a été porté à 30 %, ce qui représente un effort de la collectivité.

Cependant, il est vrai que les décrets précités ne prévoient pas l'indemnisation des pertes matérielles.

En effet, en droit international, l'indemnisation des personnes incombe aux autorités du pays dans lequel les pertes sont constatées. Aucun fonds public d'indemnisation n'existe encore dans notre pays, au titre de la solidarité nationale, pour les Français expatriés, et seules des mesures décidées en fonction des circonstances peuvent être mises en oeuvre.

Un accord entre la France et la Côte d'Ivoire serait l'unique possibilité d'assurer le dédommagement des pertes matérielles subies par nos compatriotes. Toutefois, vous le savez, la situation actuelle ne permet pas d'envisager à court terme la négociation d'un tel accord. En tout état de cause, cette négociation devrait être précédée d'une estimation générale des pertes.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Je ferai simplement deux remarques.

Le taux d'aide à l'investissement a effectivement été porté de 10 % à 30 %. Même si cette mesure me semble appliquée avec souplesse, j'aimerais avoir la confirmation que toutes les personnes ayant constitué un dossier puissent bénéficier des 30 %, quelle que soit la date de dépôt de leur dossier. Il serait en effet injuste de les traiter différemment

Par ailleurs, l'indemnisation de biens situés hors de France est évidemment compliquée. Comme l'a dit un illustre Premier ministre, la République ne peut porter tous les malheurs du monde. Néanmoins, si nous voulons encourager nos compatriotes à investir à l'étranger, point important que je ne développerai pas, nous devrons réfléchir à des mécanismes tels que ceux qui sont proposés par la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur, la COFACE, ou la Banque internationale pour la reconstruction et le développement, la BIRD, lesquelles prennent en charge, d'une manière ou d'une autre, une partie des risques pris par ces personnes qui investissent à l'étranger.

5

souhaits de bienvenueà une délégation parlementaire de lituanie

M. le président. Mes chers collègues, j'ai le grand plaisir de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d'une délégation de membres du Parlement de Lituanie, conduite par Mme Jadvyga Zinkeviciuté. Nous sommes particulièrement sensibles à l'intérêt et à la sympathie que ceux-ci portent à notre institution.

Cette délégation est accompagnée par notre éminent collègue Denis Badré, président du groupe d'amitié France-pays Baltes.

Au nom du Sénat de la République, je souhaite la bienvenue aux membres de cette délégation et je forme des voeux pour que leur séjour en France contribue à renforcer les liens d'amitié entre nos pays. (M. le ministre, Mmes, MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

6

questions orales (suite)

M. le président. Nous reprenons les réponses à des questions orales.

réalisation du tgv rhin-rhône

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, auteur de la question n° 982, adressée à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

M. Gilbert Barbier. À plusieurs reprises, j'ai attiré l'attention du ministre chargé des transports sur le lourd handicap qu'allait subir le département du Jura, s'agissant notamment de la desserte de la gare de Dole, si la branche est du TGV Rhin-Rhône était réalisée. Vous-même, monsieur le ministre, m'avez tenu un discours quelque peu traditionnel, similaire à celui que tiennent, depuis une dizaine d'années, les responsables de la SNCF.

Le protocole d'intention de financement de cette branche a néanmoins été signé le 28 février dernier. Face à la surdité de ses partenaires, par la voix de son président, le conseil général du Jura a refusé de verser son écot de 13,3 millions d'euros, ce qui me semble logique.

Le Jura bénéficie actuellement de neuf liaisons quotidiennes directes par TGV avec la capitale, notamment la gare de Dole, qui constitue la porte d'entrée dans ce département, et d'un aller-retour direct par jour avec l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. Aussi, comment ne pas comprendre la légitime révolte des élus jurassiens dans la mesure où, demain, seules deux dessertes directes subsisteront avec l'arrêt des trains internationaux Paris-Lausanne ?

En outre, ces dessertes vers la Suisse, pour sympathiques qu'elles soient, monsieur le ministre, ne sont guère utilisables par le monde économique jurassien compte tenu des horaires pratiqués. En effet, quand on est obligé d'arriver dans la capitale à onze heures du matin pour en repartir à dix-sept heures, la journée de travail est bien réduite.

Pourquoi avoir renoncé définitivement à la solution médiane d'une ligne nouvelle entre Besançon et Mulhouse et à un aménagement en ligne à grande vitesse du tronçon Dijon-Dole-Besançon ? Pourquoi cet entêtement, surtout au regard du coût de cette liaison Rhin-Rhône, notamment dans sa branche est, qui avait l'avantage de maintenir une cohérence dans l'aménagement du territoire, notamment s'agissant des départements un peu excentrés comme le mien ?

Monsieur le ministre, sans doute allez-vous me dire que la décision finale est prise. Dans ce cas, comment le montage financier pourra-t-il être réalisé compte tenu de l'engagement forfaitaire d'un certain nombre de partenaires tels que l'Europe ou le gouvernement suisse ? Comment ferons-nous face aux dépenses exorbitantes qui s'annoncent ? Si l'on avance actuellement le chiffre de 2,5 milliards d'euros, le coût final devrait en réalité avoisiner les 3,5 milliards d'euros.

En outre, un certain nombre d'infrastructures de cette ligne ne sont pas financées à ce jour. Tel est le cas de la gare d'Auxon, du raccordement à la gare de Viotte, située à une quinzaine de kilomètres, et à Belfort-ville.

Monsieur le ministre, quelles sont les futures dessertes TGV directes que vous vous engagez à maintenir, dessertes nécessaires au désenclavement économique de notre département ?

Par ailleurs, disposez-vous d'informations précises sur cette fameuse branche sud - son délai de réalisation, son tracé - car le secret est bien gardé par la SNCF, et notamment sur la desserte en direction de Dijon et de Besançon ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme. Monsieur le président, tout d'abord, je souhaite à mon tour, au nom du Gouvernement, souhaiter la bienvenue en France à la délégation de membres du Parlement de la Lituanie.

Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser Dominique Perben, qui m'a chargé de vous répondre à sa place.

La desserte actuelle entre Paris et Dole par TGV s'effectue par l'arrêt de plusieurs TGV Paris-Besançon et par l'arrêt d'un TGV Paris-Lausanne.

Avec la mise en service de la branche est du TGV Rhin-Rhône, la desserte de Dole sera modifiée sans que soit remis en cause, bien au contraire, son niveau actuel. Plusieurs modifications sont ainsi prévues.

Tout d'abord, un TGV ayant pour terminus Dijon sera prolongé jusqu'à Dole, qui deviendra son nouveau terminus. Dole disposera ainsi d'une desserte vers Paris tôt le matin, le retour ayant lieu en fin de soirée.

Les TGV Paris-Suisse seront plus nombreux à marquer un arrêt à Dole ; il n'y en a qu'un seul aujourd'hui.

Enfin, une liaison TGV Paris-Besançon-Viotte par la voie classique fera un arrêt à Dole à l'aller comme au retour.

Tous ces éléments doivent encore être précisés, mais la SNCF s'est engagée à maintenir la qualité de la desserte de Dole.

S'agissant de la branche sud, Réseau ferré de France, RFF, a rassemblé tous les éléments techniques nécessaires et va les compléter par un état des lieux précis des projets d'aménagement des collectivités pour pouvoir concrètement faire des propositions quant au choix du tracé. Le cahier des charges pour 2003 prévoit notamment l'étude de fuseaux, ainsi que la création d'une gare nouvelle entre Louhans et Lons-le-Saunier, laquelle permettra d'assurer une bonne desserte de la préfecture du département et de ses environs.

Le Jura profitera ainsi pleinement des effets de réseau que procurera la combinaison des branches sud, est et ouest.

Dominique Perben a par ailleurs pris note des légitimes attentes que vous avez exprimées il y a quelques instants, monsieur le sénateur, ainsi que des questions posées par le conseil général du Jura, qui sont bien intégrées à la réflexion d'ensemble menée actuellement.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Monsieur le ministre, la mise en service d'un TGV permettant à Dole de disposer d'une desserte vers Paris le matin tôt et d'un retour en fin de soirée est-il un engagement ferme ? Car les contraintes de gestion de la SNCF sont connues, et l'on sait très bien que ces propositions ne sont souvent, pour les élus, que de la poudre aux yeux. Quand la SNCF supprimera la prolongation vers Dole pour des raisons de rentabilité, que pourrons-nous y faire ? Le mal sera fait ! Ces promesses me paraissent peu sérieuses !

On demande à la SNCF de gérer son réseau en fonction de ses impératifs budgétaires. Cette réponse, qu'on nous oppose régulièrement, ne nous satisfait pas.

Quant aux TGV Paris-Suisse qui s'arrêteront à Dole, quel peut être leur intérêt pour les Lausannois ou les Bernois ? Les Suisses souhaitent aller de Lausanne ou de Berne à Paris, et non pas s'arrêter tous les cinquante kilomètres ! Comme l'arrêt à Dijon est quasi obligatoire dans la situation actuelle, cette promesse ne pourra pas être tenue.

S'agissant du tracé de la branche sud, les études sont en cours depuis trois ans. Que peuvent en espérer les Jurassiens ? Il s'agira essentiellement d'une desserte nord-sud, hors Paris. Cela permettra peut-être de rejoindre Marseille dans de très bonnes conditions -  probablement au grand plaisir du président Jean-Claude Gaudin -, mais pour les Jurassiens, elle n'aura d'utilité que pendant les vacances et ne sera pas fréquentée régulièrement.

M. le président. Je me demande comment l'on rejoint Domremy, dans le département de M. Biwer. (Sourires.)