PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux délégués départementaux de l'éducation nationale
 

3

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l'auteur de la question, de même que la ou le ministre pour sa réponse, disposent chacun de deux minutes trente.

Je tiens à préciser que M. le Premier ministre n'assiste pas aux questions d'actualité au Gouvernement car il est en mission à La Réunion.

M. René-Pierre Signé. Il est sur le départ !

passeport biométrique

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Cantegrit. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire et porte sur la délivrance des passeports électroniques, dits passeports biométriques.

Au préalable, permettez-moi de préciser que la mise en place de ces passeports a suscité une inquiétude particulière parmi les Français établis hors de France, que j'ai l'honneur de représenter, et auprès des agences de voyages et des tour-opérateurs qui organisent des séjours touristiques, principalement aux États-Unis.

En ce qui concerne nos compatriotes expatriés, thème principal de mon intervention, avant la création du passeport électronique, un certain nombre de nos postes consulaires à l'étranger constituaient des « pôles régionaux » aptes à délivrer eux-mêmes des passeports. Cela permettait de réduire les délais de délivrance et de répondre rapidement, notamment aux demandes des hommes d'affaires français en résidence à l'étranger, qui, par la multiplicité de leurs déplacements, sont de grands consommateurs de passeports qu'ils usent rapidement du fait des nombreux visas et tampons qui y figurent.

Lors d'un récent voyage en Chine, monsieur le ministre, j'ai été vigoureusement interrogé à ce sujet, en particulier sur les délais de mise en place de ces nouveaux passeports, compte tenu de la décision du Conseil d'État d'accorder à la seule Imprimerie nationale la faculté de fabriquer et d'éditer ces documents.

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous m'indiquer quand ces passeports électroniques vont pouvoir être délivrés aux Français de l'étranger ?

Nos hommes d'affaires pourront-ils disposer de deux passeports simultanément, afin de pallier tout risque dans le cadre de leurs déplacements et des visas qu'ils demandent ?

La compétence territoriale est-elle bien supprimée, permettant ainsi aux Français de l'étranger qui le souhaiteraient de déposer leurs demandes en France ?

Les enfants mineurs devront-ils disposer de leur propre passeport ?

Enfin, des pôles régionaux pourront-ils à nouveau être établis à l'étranger pour la délivrance de ces passeports biométriques ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur Cantegrit, vous avez rappelé les difficultés rencontrées par nos compatriotes de l'étranger...

M. Jacques Mahéas. Pas seulement de l'étranger !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... pour obtenir un passeport conforme, notamment, à la réglementation américaine relative à l'exemption des visas.

Ces difficultés ont effectivement trouvé leur source dans la suspension de l'appel d'offre qui visait à confier à un prestataire privé la personnalisation des passeports électroniques pour l'attribuer à la seule Imprimerie nationale, au titre de son monopole.

M. Jacques Mahéas. La faute à qui ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le ministre d'État en a pris acte et a confié à l'Imprimerie nationale la production et la personnalisation des passeports électroniques. Ces procédures sont effectuées depuis le 13 avril dernier et se poursuivront jusqu'au 12 juin prochain.

Pour répondre plus précisément à vos questions, oui, les Français de l'étranger peuvent obtenir ce type de passeport depuis le 1er mars 2006, et ils pourront en faire la demande, même sur le territoire national, jusqu'au 5 mai prochain, ce qui leur permettra d'aller aux États-Unis sans visa.

Oui, nos hommes d'affaires pourront disposer de deux passeports simultanés pour pouvoir pallier tout risque dans le cadre de leurs déplacements et des visas qu'ils nécessitent.

La compétence territoriale est bien supprimée, mais progressivement. Les Français de l'étranger qui le souhaiteraient, en raison d'un besoin urgent, pourront déposer leur demande en France si cela est justifié.

Enfin, les enfants mineurs devront disposer de leur propre passeport : les autorités américaines l'exigent pour leur permettre d'être également exemptés de visa.

La biométrie et les passeports électroniques représentent une grande avancée parce qu'ils permettront aux Français de l'étranger, aux hommes d'affaires français ou à l'ensemble de nos concitoyens de circuler plus librement dans un certain nombre de pays.

Puisque vous m'interrogez sur l'électronique et sur la biométrie, monsieur le sénateur, j'en profite pour vous dire que, concernant les visas de Schengen, c'est-à-dire les visas touristiques de trois mois, attribués aux étrangers dans nos consulats à l'extérieur du territoire national, la France a obtenu un résultat très satisfaisant devant le Conseil des ministres de l'intérieur des pays relevant du périmètre de Schengen.

Il s'agit, d'abord, de l'augmentation de la tarification : les droits perçus passent de 35 à 60 euros.

Ensuite, nous allons nous engager dans la voie de la mutualisation des moyens avec l'ensemble de nos partenaires de Schengen, ce qui nous permettra de mieux contrôler les étrangers se rendant en France avec un visa biométrique.

Jusqu'à présent, près de 80 000 étrangers entrant en France régulièrement et prolongeant irrégulièrement leur séjour le faisaient avec un visa de trois mois, qui leur permettait, en perdant leurs papiers et leur visa, de perdre la mémoire en même temps que leur identité.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Avec la biométrie, nous pourrons leur rendre la mémoire et les ramener chez eux immédiatement ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Monsieur le ministre, vous avez parlé trois minutes vingt-quatre secondes !

Je demande à chacun de faire un effort, car cette séance est télévisée et le dernier intervenant risque d'être pénalisé si les temps de parole ne sont pas strictement respectés.

situation de la sogerma

M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.

M. Philippe Madrelle. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.

Le libéralisme à tout crin continue de faire des ravages, à l'image de la fermeture de la Sogerma, filiale de maintenance aéronautique du groupe franco-allemand EADS implantée à Mérignac, dans la Gironde, qui vient de licencier brutalement 1 100 salariés et, de manière induite, 4 000 autres dans les entreprises de sous-traitance d'Aquitaine.

Dans le même temps, nos deux collègues sénateurs de la Nièvre, René-Pierre Signé et Didier Boulaud, sont confrontés à des licenciements secs désastreux : 100 chez Dim à Château-Chinon et 140 chez Facom à Nevers, ce qui est absolument inacceptable ! Qu'en est-il de la bataille pour l'emploi prônée par le Gouvernement ?

M. Raymond Courrière. Elle est perdue !

M. Philippe Madrelle. Monsieur le ministre, comment le Gouvernement a-t-il pu accepter, dans le cas de la Sogerma, les conséquences de la stratégie d'EADS qui enregistre, il faut le rappeler, un bénéfice net de 1,7 milliard d'euros ? Nous savons aujourd'hui qu'EADS avait les moyens de renforcer son site industriel de Mérignac avec une meilleure stratégie.

Dans le domaine civil et militaire, l'État pouvait jouer son rôle à la fois d'actionnaire et de donneur d'ordres majeur, au nom du patriotisme économique dont vous vous revendiquez. Où est passé le soutien de notre pays à son industrie ?

M. Raymond Courrière. Il a disparu !

M. Philippe Madrelle. Aujourd'hui, toutes les perspectives de développement du pôle aéronautique de Bordeaux s'effondrent avec la fermeture de la Sogerma. En Gironde, personne n'arrive à croire que d'autres solutions ne soient pas envisageables.

Je voudrais également comprendre ce qui se passe au sein du Gouvernement. D'un côté, on entend certains ministres, dont vous-même - et je ne doute pas de votre loyauté -, dire que des solutions sont recherchées pour éviter ce gâchis industriel et humain et, de l'autre, madame la ministre de la défense aurait dit qu'il ne faut pas donner de faux espoirs ! Qu'est-ce que ce gouvernement !

M. Jean-Pierre Sueur. Excellente question !

M. Philippe Madrelle. Nous souhaitons donc connaître l'opinion de M. le Premier ministre et le rencontrer.

Il est trop facile de faire payer aujourd'hui les salariés, alors que les différents responsables et directeurs de la Sogerma n'ont pas eu le courage de défendre la charge de travail de l'entreprise ! Que dit l'État actionnaire, monsieur le ministre ?

Les sénateurs socialistes vous demandent ce que vous comptez faire, au-delà de l'expression de votre indignation, pour faire cesser immédiatement la fermeture de la Sogerma et en assurer le développement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. René-Pierre Signé. Voilà le sauveur !

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur Madrelle, le Gouvernement partage votre émotion, celle de l'ensemble des parlementaires de la Gironde et celle du président du conseil régional d'Aquitaine.

M. René-Pierre Signé. Et la Nièvre !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. La situation de la Nièvre, de la Saône-et-Loire et des Hauts-de-Seine mériterait un plus ample débat monsieur Signé, parce que le dossier doit être vu dans sa globalité !

Dès lundi, le Premier ministre a dit avec force sa préoccupation. Hier, Jean-Louis Borloo et moi-même avons reçu, rue Saint-Dominique, l'ensemble des parlementaires concernés pour faire un point préalable à la rencontre que nous avions ce matin même, Jean-Louis Borloo, François Loos et moi-même, avec M. Forgeard, coprésident d'EADS.

J'ai en mémoire les propos du président du conseil régional, du député-maire de Mérignac, du président Jacques Valade, de Xavier Pintat et de Gérard César. Les parlementaires de la région sont unanimes sur ce sujet, ce qui fera notre force dans ce dossier, me semble-t-il.

Ce matin, Jean-Louis Borloo, François Loos et moi-même avons reçu M. Noël Forgeard et nous lui avons fait savoir, au nom du Gouvernement, que l'annonce brutale de la fermeture d'un tel site, sans concertation préalable, sans étude d'impact, n'était pas acceptable. Cette fermeture concerne plus de 1 100 salariés, mais aussi de nombreux sous-traitants, et remet en cause le pôle de compétitivité accueilli par la région Aquitaine, en liaison avec la région Midi-Pyrénées.

Sans méconnaître les erreurs de stratégie qui ont pu être commises,...

M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... ni les impératifs liés au plan de charge de l'entreprise et à l'évolution de ce secteur industriel, Jean-Louis Borloo a demandé que soit décidé un moratoire.

Nous avons également demandé que la situation soit à nouveau évoquée dès le prochain conseil d'administration d'EADS.

En effet, je le rappelle, le représentant du Gouvernement français n'avait pas été informé au préalable...

M. René-Pierre Signé. Il ne pèse pas lourd !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... des trois hypothèses envisagées, notamment celle de la fermeture totale du site, à laquelle il s'est d'ailleurs opposé, au nom du Gouvernement français.

M. René-Pierre Signé. Le Gouvernement est en déliquescence !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous avons convenu de trois points : toute évolution industrielle du site suppose qu'une large information et qu'une ample concertation préalables soient mises en oeuvre localement ; toute évolution des effectifs doit être organisée en vue d'éviter des licenciements et, dans un premier temps, en pourvoyant les postes disponibles au sein d'EADS ; des perspectives d'activité sur le site, dans le bassin d'emploi et dans la région, doivent être envisagées au travers d'un plan spécifique, qu'il appartient à EADS de construire, en liaison avec l'ensemble des responsables publics, qu'ils soient locaux, régionaux ou nationaux.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous avons demandé que des équipes de haut niveau se consacrent spécifiquement à la conduite de cette étude et qu'elles travaillent en concertation avec la région et les services de l'État.

Je recevrai demain les organisations représentatives du personnel et, d'ici à la fin du mois de juin, Jean-Louis Borloo, François Loos et moi-même ferons le point avec la direction d'EADS sur ce dossier.

Vous voyez, monsieur le sénateur, que le Gouvernement est fortement engagé pour qu'il n'y ait pas de fatalité, à Mérignac comme ailleurs. C'est cela, le vrai patriotisme économique ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. René-Pierre Signé. Vous n'avez pas parlé de la Nièvre !

M. le président. Messieurs les ministres, j'insiste pour que vous respectiez le temps de parole qui vous est imparti, sinon les auteurs de question seront pénalisés, ce que je souhaite éviter.

4

Souhaits de bienvenue à une délégation d'élus de saint-pétersbourg

M. le président. Je salue la présence dans nos tribunes d'une délégation d'élus de Saint-Pétersbourg, conduite par notre collègue Jacques Mahéas et à laquelle nous adressons des souhaits de cordiale bienvenue. (MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

5

Questions d'actualité au Gouvernement (suite)

M. le président. Nous reprenons les questions d'actualité au Gouvernement.

Fichier des délinquants sexuels

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto.

M. François Zocchetto. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le garde des sceaux, alors que la France vient d'être frappée à nouveau par de terribles affaires de viol et de meurtre d'enfants, je souhaite vous interroger sur le sujet délicat du traitement des délinquants sexuels. En effet, notre pays doit se donner les moyens de lutter contre cette forme de délinquance aussi atroce qu'intolérable. Je veux, à cette occasion, exprimer notre soutien aux familles qui traversent de terribles épreuves.

La France a, depuis quelques années, enrichi considérablement son arsenal juridique pour renforcer la lutte contre la délinquance sexuelle. Lors de l'élaboration de la loi du 9 mars 2004, en tant que rapporteur de la commission des lois, j'avais d'ailleurs proposé la création d'un fichier judiciaire national des auteurs d'infractions sexuelles. Il nous avait paru nécessaire d'instituer ce fichier, afin d'assurer un suivi plus efficace des condamnés.

Plus récemment, dans le cadre de la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales, la répression à l'encontre des personnes en état de récidive pour des délits d'agression sexuelle ou d'atteinte sexuelle a également été renforcée.

Tout au long de ces débats, le Sénat s'est investi pour que notre législation prenne en compte cette forme de délinquance.

Cependant, le Sénat s'est également montré soucieux du respect des principes fondamentaux de notre droit pénal. En particulier, nous avons rappelé l'exigence de non-rétroactivité de la loi pénale.

Nous sommes en effet attachés à ce que notre droit s'applique. Aujourd'hui, nous considérons que notre arsenal juridique permet de condamner et de réprimer ces crimes et ces délits atroces.

Cela étant, une question demeure : le suivi, en particulier médical, des délinquants sexuels. La France souffre d'un manque cruel de moyens en la matière. Nous constatons ainsi la vacance de 3 000 postes de psychiatre. N'est-ce pas symptomatique de l'abandon d'une partie de la chaîne pénale ?

Monsieur le garde des sceaux, quelles sont les mesures qu'il est envisagé de prendre pour que la France, dans le respect de nos principes fondamentaux, réponde aux inquiétudes de nos concitoyens s'agissant de cette douloureuse question des délinquants sexuels ? (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous connaissez bien mieux que beaucoup d'autres cette question, puisque vous étiez le rapporteur, au Sénat, de la loi du 9 mars 2004, qui a notamment créé le fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles. Celui-ci constitue aujourd'hui la réponse à la question fondamentale que vous posez, et que se pose l'opinion publique à la suite des meurtres atroces du petit Mathias et de la petite Madisson. À cet égard, je partage bien entendu l'indignation et la colère générales.

Ce fichier, qui a été créé voilà un peu plus d'un an, compte aujourd'hui près de 30 000 noms. À l'heure actuelle, 13 000 personnes ainsi recensées sont déjà tenues de se présenter une fois par an - tous les six mois pour les auteurs d'infractions graves - à la gendarmerie ou au commissariat de police de leur lieu de résidence, tout changement d'adresse devant être signalé sous quinze jours.

Ce fichier, je le rappelle, est durable : les noms des auteurs d'infractions passibles de plus de dix ans de prison y demeurent inscrits pendant trente ans, ce délai étant de vingt ans quand la peine de prison est inférieure à dix ans.

Les données conservées sont extrêmement utiles, comme on a encore pu le vérifier ces derniers jours, le fichier ayant permis d'identifier et d'arrêter en quelques heures les auteurs des crimes atroces que vous avez évoqués, monsieur le sénateur. Que l'on me permette, à cet instant, de rendre hommage à l'action des enquêteurs, conduite sous l'autorité des parquets de Nevers et de Tarascon.

En ce qui concerne maintenant le volet préventif, nous en avons longuement parlé ici même lors de l'élaboration de la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales, qui fut le fruit du travail d'une mission d'information de l'Assemblée nationale.

En particulier, les membres de cette mission avaient constaté le manque criant de psychiatres du secteur public dans notre pays. Pour dire les choses simplement, les médecins spécialisés en psychiatrie exercent beaucoup plus volontiers dans le privé que dans les hôpitaux publics, d'où la pénurie actuelle.

Nous avons donc considéré qu'il fallait faire référence dans la loi à la fois aux psychiatres et aux psychologues, ce qui a été fait.

M. le président. Il faut terminer, monsieur le ministre !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. J'ai donc demandé à Xavier Bertrand de mettre à la disposition des hôpitaux publics un plus grand nombre de psychologues, afin qu'un suivi des délinquants sexuels puisse être assuré pendant et après la détention, le suivi socio-judiciaire intervenant soit au cours de l'exécution de la peine, soit, dans certains cas, après la sortie de prison.

M. le président. Vous avez dépassé le temps de parole qui vous était imparti, monsieur le ministre !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Tels sont les trop succincts éléments de réponse que je souhaitais vous apporter, monsieur Zocchetto. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le nom de l'assassin du petit Mathias n'était pas dans le fichier !

Situation de la SOGERMA

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'industrie.

C'est par la presse que les Français ont découvert la société Clearstream (Exclamations sur les travées de l'UMP.), dont l'opacité financière pose le problème des risques pouvant peser sur le contrôle démocratique que l'on doit assurer dans notre société.

C'est aussi par la presse que de nombreux salariés ont appris que leur entreprise, la SOGERMA, allait fermer ses portes.

Le groupe EADS se félicitait, le 8 mars dernier, de ses résultats florissants, avec un chiffre d'affaires en hausse de 30 % pour le premier trimestre de 2006. Pourtant, c'est ce même groupe EADS qui veut mettre plus de 1100 salariés de la SOGERMA au chômage, mais aussi réduire l'activité de tous les sous-traitants, ce qui aurait des conséquences pour plusieurs milliers d'autres salariés. C'est toute une région qui serait touchée par une telle décision.

Une fois de plus, ceux qui produisent la richesse sont considérés comme quantité négligeable. La stratégie de la société, son projet industriel, les salariés n'ont eu à aucun moment l'occasion d'en discuter : c'est insupportable !

Le choix fait par les dirigeants de la SOGERMA ne date pas du 12 mai dernier. L'augmentation des capacités de la filiale d'EADS située à Dresde en témoigne. Et quand on entend M. Humbert, son P-DG, se féliciter de la poursuite de la réduction des coûts ainsi permise, on ne peut que s'inquiéter d'une telle conception de la construction européenne.

L'État a des possibilités d'intervention au sein d'EADS, dont il détient 15 % du capital. Je ne sais quelle position vous avez prise à cette époque, monsieur le ministre, mais le Gouvernement doit exiger d'autres choix.

M. le Premier ministre a demandé à M. Borloo, le 15 mai dernier, de prendre contact avec la direction d'EADS pour trouver une solution pour chacun des salariés. Bien évidemment, M. Forgeard, coprésident de la société, s'est empressé d'annoncer qu'il va offrir un reclassement aux salariés. Mais ce n'est pas un plan social qu'attendent les salariés de la SOGERMA, pas plus que ceux des sous-traitants.

L'intersyndicale de la SOGERMA fait des propositions très précises. Vous la recevrez demain : allez-vous discuter avec elle de cet autre projet industriel que les salariés proposent ?

Allez-vous demander aux dirigeants d'EADS d'avoir un peu de ce « patriotisme économique » dont vous parlez si souvent ?

Compte tenu de l'implication de la France dans le projet Airbus, allez-vous exiger que priorité soit donnée au projet industriel et aux emplois qu'il induit sur l'augmentation de la rémunération des actionnaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Madame la sénatrice, l'activité de la SOGERMA, du site de Mérignac et de l'ensemble du pôle aéronautique de Bordeaux est bien évidemment un grand sujet de préoccupation pour nous.

Il est vrai que l'entreprise SOGERMA rencontre des difficultés, subit des pertes et a un niveau de charge insuffisant. C'est une réalité, mais, en même temps, il est non moins vrai que la solution annoncée par EADS est choquante...

M. Raymond Courrière. Inacceptable !

M. François Loos, ministre délégué. ... pour les salariés et pour l'ensemble de la Gironde. Jean-Louis Borloo, Gérard Larcher et moi-même l'avons dit ce matin à M. Forgeard. Nous lui avons signifié notre désaccord sur la méthode et sur le fond et nous lui avons demandé de revoir la décision prise lors du conseil d'administration d'EADS du 12 mai dernier, afin qu'EADS se comporte, dans cette affaire, en actionnaire exemplaire de la SOGERMA s'agissant de la méthode, des objectifs et des résultats.

M. Forgeard s'est déclaré d'accord avec nous. C'est pourquoi le comité d'entreprise du 23 mai prochain portera, à notre demande, non pas sur le plan de sauvegarde de l'emploi, mais sur une concertation sur l'avenir industriel et aéronautique du site de Mérignac et sur les pistes qu'EADS doit explorer dans cette optique.

Il faut que toutes les possibilités de réduire les conséquences de la restructuration soient envisagées et que l'ensemble des partenaires puissent être associés à la réflexion. Vous avez évoqué les organisations syndicales, madame la sénatrice, mais les collectivités territoriales et l'État sont également concernés. Nous devons, dans ce domaine, trouver les voies et moyens de progresser ensemble vers une solution acceptable.

L'entreprise EADS accepte de reprendre la concertation et de se donner du temps. J'en suis satisfait, mais il faut maintenant trouver une vraie solution, dans l'intérêt des salariés, de la Gironde, de l'entreprise EADS et de l'industrie aéronautique française. Jean-Louis Borloo, Gérard Larcher - il recevra demain matin les organisations syndicales - et moi-même sommes tout à fait déterminés à faire aboutir ce dossier. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur les travées de l'UC-UDF.)

Chèque emploi service universel

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.

M. Georges Mouly. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.

Les services à la personne figurent au nombre des éléments mis en oeuvre par le Gouvernement dans sa lutte en faveur de l'emploi, au travers notamment de la constitution d'un pôle d'excellence national et du recours à un outil bien connu, le chèque emploi service universel, le CESU.

Les services aux particuliers sont en effet une source d'emplois. Le succès semble être au rendez-vous,...

M. René-Pierre Signé. Le succès est relatif !

M. Georges Mouly. ... même si l'on entend encore dire qu'il s'agit là de métiers trop peu attrayants et choisis par défaut.

C'est dans ce contexte que je veux appeler l'attention sur la situation pénalisante d'une catégorie d'employés, que l'on pourrait appeler les « multiemployés », dont les horaires de travail se répartissent entre plusieurs employeurs.

Cette situation, dont le recours au CESU ne saurait freiner le développement, rend quasiment impossible l'accès à la formation professionnelle continue, et difficile l'engagement dans un parcours de professionnalisation, en l'absence d'une procédure de mutualisation de l'organisation de la formation et du fait de l'intervention de plusieurs employeurs, et non d'un seul.

L'accès à la qualification et à la formation professionnelle est alors quasiment impossible.

Il y a donc une distorsion du traitement par les associations entre les employés et les « multiemployés », distorsion d'autant plus regrettable qu'elle rend plus difficile le processus de validation des acquis de l'expérience.

Et que dire du fait que les particuliers employeurs sont dispensés de cotiser au titre de la médecine du travail, dans un secteur où l'hygiène et la sécurité sont pourtant essentielles ? Mais il est vrai que ce problème relève d'un autre ministère.

L'objectif du Gouvernement est la création de 500 000 emplois dans ce secteur en trois ans.

M. René-Pierre Signé. Personne n'y croit !

M. Georges Mouly. Rien ne doit être négligé pour atteindre cet objectif. C'est dans ce contexte et dans cet esprit que se situent ma réflexion et la question qui en découle. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le sénateur, l'accès à la formation professionnelle pour les salariés de particuliers employeurs représente pour nous une véritable préoccupation, qui nous a conduits, dès la fin de l'année 2004, à signer un accord avec la Fédération nationale des particuliers employeurs, la FEPEM.

En effet, trois questions devaient être réglées : l'accès à la formation, la difficulté du remplacement et le niveau de formation professionnelle.

Il fallait également faire des propositions en matière de formation professionnelle. Aujourd'hui, un portail Internet consacré à cette question, emplois.fr., est disponible. Par ailleurs, l'organisme collecteur AGEFOS PME se transforme et se mobilise pour informer les associations, notamment celles qui sont dédiées aux particuliers employeurs.

En outre, la loi du 4 mai 2004, portant notamment sur le droit individuel à la formation, et que M. Fillon connaît bien, contient des dispositions spécifiques s'appliquant aux particuliers employeurs.

Enfin, avec la FEPEM, nous avons mis en place une procédure opérationnelle permettant à la fois de favoriser la formation à distance et de libérer du temps de formation sur le temps de travail.

En 2005, près de 9 000 salariés d'employeurs particuliers ont ainsi pu suivre une formation, ce qui traduit une considérable évolution, et nous comptons bien doubler ce chiffre en 2006.

Enfin, s'agissant du chèque emploi service universel, cher à Jean-Louis Borloo, et de l'objectif de création de 500 000 emplois, je précise que le nombre d'entreprises agréées est passé de 600 à plus de 2 200, et que le volume d'affaires représenté par ce secteur s'élève à 70 millions d'euros.

Nous entendons bien atteindre ensemble les objectifs que nous nous sommes fixés en termes de création d'emplois et de services nouveaux, car il s'agit d'un facteur formidable de cohésion sociale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. René-Pierre Signé. C'est bien dit, mais ce n'est pas convaincant !

M. Didier Boulaud. C'est surtout populaire !

problème des orientations dans les universités

M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Joël Bourdin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Plus de 1,3 million d'étudiants se sont inscrits à l'université à la rentrée 2005. C'est un chiffre important, dont on peut se réjouir. Malheureusement, nombre de ces étudiants resteront, comme chaque année, au bord du chemin, soit parce qu'ils ne passeront pas le cap de la première année, soit parce qu'ils auront déjà abandonné leurs études. Nombre d'entre eux n'iront pas jusqu'au terme du premier cycle, et plus nombreux encore seront ceux qui n'atteindront pas la licence, la maîtrise ou le doctorat. C'est un véritable gâchis !

Certes, il n'est écrit nulle part qu'un étudiant inscrit à l'université doit être reçu à un examen, sans qu'il ait travaillé pour cela ou fait valoir ses capacités.

Certes, il n'y a pas d'examen sérieux sans sanction et sans échecs. Néanmoins, le taux de déperdition est trop important dans notre pays, beaucoup plus que dans les pays voisins dont le niveau économique est équivalent au nôtre. Ces déperditions sont aggravées par les difficultés rencontrées sur le marché du travail par les étudiants qui sont parvenus au niveau de la maîtrise, voire du troisième cycle.

Manifestement, notre système universitaire n'est plus adapté à la réalité économique. Des filières n'offrant pas de débouchés sont encombrées et accueillent de plus en plus d'étudiants, qui s'échinent à passer des examens pour obtenir des diplômes qui ne leur permettront pas de trouver un emploi.

M. René-Pierre Signé. Ils vont dans le mur !

M. Joël Bourdin. Par ailleurs, des filières mieux adaptées sur le plan professionnel attirent moins d'étudiants. Enfin, il faut bien le dire, il existe une déformation de la structure des disciplines enseignées, qui tend à favoriser les filières qui ne sont pas orientées sur l'emploi.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui mettez-vous en cause ? La question !

M. Joël Bourdin. Cela ne peut plus durer, car l'université d'aujourd'hui, c'est l'emploi de demain.

M. Didier Boulaud. Que font-ils depuis quatre ans ?

M. Joël Bourdin. Il ne faut pas leurrer nos jeunes sur leur avenir !

Monsieur le ministre, quelles mesures structurelles comptez-vous prendre dès maintenant pour éviter ce gâchis et redresser notre université ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est bien temps !

M. Didier Boulaud. Depuis quatre ans, ils ont eu du temps !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Hélas ! monsieur le sénateur, vous avez raison : les échecs en premier cycle universitaire sont nombreux. C'est un ensemble d'échecs individuels et un immense gâchis sur le plan national.

M. Jean-Claude Carle. Tout à fait !

M. René-Pierre Signé. C'est un constat d'échec !

M. Gilles de Robien, ministre. Il fallait donc se demander pourquoi. Parmi les réponses que nous avons trouvées, avec François Goulard, figurent évidemment les mauvaises pistes empruntées et les défauts d'orientation.

M. le Premier ministre a mis en place...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Une commission !

M. Gilles de Robien, ministre. ...sous l'autorité du recteur Patrick Hetzel, qui est un homme de grande qualité, bien connu de vous tous et notamment de François Fillon, un petit groupe d'experts qui doit nous remettre des propositions, le 15 juin prochain, afin de nous aider à répondre à trois questions : comment mieux orienter ? Comment développer l'apprentissage et les formations en alternance dans l'enseignement supérieur ? Comment mieux professionnaliser l'enseignement supérieur et les filières universitaires ?

Certaines de ces propositions pourront être mises en oeuvre dès la rentrée universitaire 2006. M. Hetzel continuera ensuite à travailler jusqu'à l'automne et nous étudierons alors d'autres propositions, plus profondes, plus longues et plus difficiles à mettre en oeuvre, susceptibles d'être appliquées à la rentrée 2007. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud. Vous ne serez plus au pouvoir !

M. Gilles de Robien, ministre. Enfin, sans attendre ce rapport, nous avons mis en place dès hier, avec François Goulard, un portail extrêmement intéressant, www.etudiants.gouv.fr, que je vous invite à consulter, et sur lequel vous trouverez tous les renseignements sur le système d'enseignement supérieur français, c'est-à-dire les universités, les grandes écoles, les filières et les métiers sur lesquels celles-ci débouchent.

Les pourcentages de professionnalisation de chacune de ces universités et de ces écoles y seront progressivement affichés. Ainsi, les parents, les étudiants, ainsi que les enseignants pourront connaître de façon transparente l'ensemble du système et faire leur choix en toute responsabilité. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

impact sur l'image de la france du projet de loi relatif à l'immigration

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Catherine Tasca. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, depuis quelques semaines, nous assistons à une série effrayante de crimes racistes en Europe et à ses frontières.

En Russie, ce sont des groupes de néonazis qui s'en prennent en plein jour, dans la rue ou dans le métro, à tous ceux qui, à leurs yeux, sont étrangers, sans que le pouvoir semble s'en émouvoir.

En Belgique, une femme turque, une femme malienne et une enfant belge ont été abattues en pleine rue par un skinhead de dix-huit ans, qui a déclaré avoir « voulu tuer des étrangers ».

Le 6 mai, un artiste français d'origine gabonaise, Raphaël Mensah, a été littéralement lynché à Bruges par des militants d'extrême droite, dont deux complices ont été relâchés. Il est aujourd'hui entre la vie et la mort. Ses amis se battent pour être entendus des autorités belges et françaises, afin que la gravité de ce crime soit reconnue.

En Allemagne, on trouve sur des sites Internet d'extrême droite des appels aux violences racistes pour la Coupe du monde de football qui débutera le 9 juin prochain.

Ici, en France, le lâche assassinat du jeune Ilan est gravé dans nos mémoires. D'autres violences racistes ont été constatées depuis. Tout récemment, à Nevers, c'est encore le racisme qui a frappé deux jeunes Turcs.

Ces crimes, dont le caractère raciste et xénophobe ne fait malheureusement aucun doute, interviennent dans un contexte politique européen préoccupant.

En Pologne, le nouveau gouvernement compte désormais à des postes importants, dont celui de l'éducation, deux ministres issus d'un parti d'extrême droite, qui tiennent ouvertement des propos xénophobes et antisémites.

Tout cela est abject, et ce qui est tout aussi insupportable, c'est le quasi-silence des gouvernements, c'est l'absence de condamnation déterminée. (M. le garde des sceaux, fait un signe de dénégation.)

Comment la France peut-elle faire entendre sa voix, alors même que son crédit à l'étranger est considérablement diminué, qu'elle est plongée dans l'incroyable imbroglio de l'affaire Clearstream et dans le pitoyable combat que se livrent ouvertement les trois plus hautes autorités de l'État ? (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Un sénateur socialiste. C'est vrai !

Mme Catherine Tasca. Quel signe envoie-t-elle à ses partenaires en présentant un projet de loi qui stigmatise les étrangers ? C'est d'ailleurs ainsi que le président du Sénégal a perçu ce texte.

Monsieur le ministre, quelles initiatives urgentes le gouvernement de la France va-t-il enfin prendre pour mobiliser ses partenaires européens et réagir fortement, et de manière concertée, contre ces crimes racistes ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Madame le sénateur, il me semble scandaleux de vouloir nous donner ici des leçons sur la xénophobie, le racisme et l'extrême droite. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Pour ma part, je me suis toujours battu contre l'extrême droite, le racisme et la xénophobie, et je ne vous permets pas de dire que le gouvernement de la France se moque de ces problèmes ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Bel. Ce n'est pas ce qu'elle a dit !

M. René-Pierre Signé. Quel résultat ?

M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Il n'y a qu'une seule façon de répondre à votre question : rappeler la mise en place d'une agence pour renforcer l'attractivité de la France, annoncée par le Gouvernement il y a quatre jours, et la création de centres d'études en France, mais aussi dans les ambassades et les consulats français, afin de permettre, grâce à l'instauration d'un guichet unique, à tous les étudiants étrangers qui veulent faire des études dans notre pays et choisir le français comme langue, comme vecteur de civilisation et de culture, de venir en France. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Catherine Tasca. Ils vont aux États-Unis !

M. François Marc. C'est hors sujet !

M. Didier Boulaud. Répondez à la question !

M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Je ne vous permettrai pas de dire que la France se barricade, car c'est exactement le contraire !

Enfin, l'agence France culture, que nous avons créée, permettra de défendre dans le monde entier ces valeurs universelles de la France que sont les droits de l'homme.

Par conséquent, je ne laisserai croire à personne que le gouvernement français est mal à l'aise face à l'extrême droite, à la xénophobie et au racisme.

M. René-Pierre Signé. Si, il est mal à l'aise !

M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Je ne prendrai qu'un exemple : depuis 2004, les actes antisémites ont diminué, parce que cette majorité a fait voter les lois adéquates. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud. Nous sommes loin du compte !

lutte contre la récidive des délinquants sexuels

M. le président. La parole est à Mme Janine Rozier.

Mme Janine Rozier. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le ministre, vous avez déjà répondu à mon collègue François Zocchetto sur le même sujet, mais je tiens tout de même à poser ma question, car elle exprime l'avis d'une femme, qui est aussi mère et grand-mère, et traduit l'opinion de mes collègues de l'UMP.

Comme tous ceux qui sont présents ici et comme tous les Français, sans doute, nous avons été bouleversés et horrifiés par le viol et l'assassinat récents de deux jeunes enfants.

La seule pensée de la torture, de la souffrance, puis de la mort de ces deux innocents, fait froid dans le dos. Et que dire de la souffrance que doivent éprouver leurs parents, grands-parents, frères et soeurs ! Que de vies brisées !

Dans un pays où l'on évoque à tout bout de champ les droits de l'homme, où sont les droits de ces deux enfants qui ne demandaient qu'à vivre ?

Malheureusement, des crimes de cette sorte peuvent se reproduire demain. Ils peuvent toucher tout un chacun tant il y a dans notre société de choses intolérables que notre laxisme a laissées sans réponse.

Nous tolérons que la télévision colporte en permanence la violence et le sexe dont se repaissent des malades et des inassouvis.

Nous tolérons que soient montrées toutes les déviances et maintes dépravations que nous avons fini par banaliser.

Dans un souci d'humanité, nous avons supprimé la peine de mort, mais comment ne pas être interpellé par l'immensité de ces crimes ?

Il faut, monsieur le garde des sceaux, agir de toute urgence pour protéger nos enfants. Il faut condamner les pédophiles à des peines incompressibles d'au moins trente ans pour être certains qu'ils ne séviront plus, et le faire tout de suite !

Les condamnations concernant des actes de délinquance sexuelle ne doivent pas être effacées des casiers judiciaires, même en dessous d'un certain quantum de peine.

La loi qui permet de ficher les délinquants sexuels n'étant pas rétroactive, de nombreux individus échappent à la surveillance dont ils devraient faire l'objet. Il faut pallier cette carence.

Il faut écouter le président de l'Association des maires de France, qui souhaite que les maires soient prévenus de la présence d'un malade sexuel sur leur commune. Ce serait une première prévention.

Parler de réinsertion, de soins, voire de guérison quand il s'agit d'individus qui répondent à des pulsions est un leurre. Il nous faut assurer la sécurité de nos compatriotes et de leurs enfants : il faut agir !

Je souhaiterais donc savoir, monsieur le garde des sceaux, quelles mesures entend prendre le Gouvernement afin de répondre dans les délais les plus brefs à l'appel pressant de nos concitoyens, que nous relayons aujourd'hui. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame le sénateur, je vous remercie de manifester votre émotion, celle de la mère, de la grand-mère et du parlementaire que vous êtes ; je vous remercie aussi de me donner l'occasion de rappeler et de compléter la réponse que je viens de faire à François Zocchetto.

La première réponse que l'on peut apporter, c'est la répression, pour convaincre tout criminel en puissance qu'il sera arrêté et châtié.

M. René-Pierre Signé. Et relâché !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Parce que nous avons créé à la fois le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles et le fichier national automatisé des empreintes génétiques, nous disposons maintenant de deux dispositifs qui permettent presque à coup sûr de retrouver les auteurs d'infractions sexuelles, ce qu'a d'ailleurs illustré l'affaire récente qui nous a bouleversés.

Par ailleurs, il est vrai que la société a l'indispensable devoir de mettre en place suffisamment de psychologues et de psychiatres...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En psychiatrie, c'est le désastre : il n'y a pas de moyens !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. ...pour soigner les nombreux délinquants sexuels qui se trouvent dans nos prisons : ils représentent près de 35 % des détenus.

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Enfin, dans le cadre de la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales, nous avons créé un concept nouveau, la surveillance judiciaire, qui a l'originalité de pouvoir concerner des délinquants ou des criminels dont les condamnations sont antérieures à la publication de la loi. Avec le bracelet électronique mobile relié au GPS, la police saura toujours où est localisé le délinquant et ce dernier aura ainsi la certitude d'être repris en cas de récidive.

L'appel d'offres étant terminé, cet outil nouveau va être expérimenté dès le mois de juin, c'est-à-dire dans quelques semaines. Cette solution pourra être proposée, dans des conditions que je ne rappellerai pas ici, à des délinquants ou à des criminels sexuels dont la peine s'achève.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce ne sont pas ces cas dont parlait Mme Rozier !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. C'est un nouveau moyen instauré par la loi et qui, je l'espère, nous évitera de revivre ces drames atroces. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

protection de l'enfance

M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.

Mme Claire-Lise Campion. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Après plusieurs mois de débats, le projet de loi réformant la protection de l'enfance a été déposé sur le bureau du Sénat le 5 mai dernier.

Très attendu par les professionnels, les familles et les élus, et faisant l'objet d'un consensus, il établit un dispositif en trois points : le renforcement de la prévention, en multipliant les points de contact entre l'enfant, sa famille et les professionnels ; l'organisation du signalement de l'enfant en danger ; la diversification des modes de prise en charge des mineurs à protéger.

Or la mort coup sur coup, dans des conditions horribles, de deux très jeunes enfants a remis sur le devant de la scène le projet de loi pour la prévention de la délinquance, en préparation sous l'égide du ministre de l'intérieur, ce qui risque de porter un coup d'arrêt au projet de loi réformant la protection de l'enfance et suscite une vive inquiétude de l'ensemble des partenaires.

Sous couvert d'une actualité qui n'a rien à voir avec la protection de l'enfance, mais profitant de l'émotion générale, il serait dangereux de tomber encore une fois dans l'approche strictement sécuritaire, car les philosophies qui sous-tendent ces deux textes sont diamétralement opposées.

Le premier vise, pour la première fois, à aborder la question de la protection des mineurs sous l'angle de la prévention, au titre du droit des enfants à être protégés.

Demain, en privilégiant la répression, voire la stigmatisation plutôt que l'accompagnement et la prévention, vous ne répondrez pas aux difficultés rencontrées par certains enfants, adolescents et jeunes majeurs. Vous remettrez en cause l'engagement du Président de la République pris à la suite de l'« appel des cent pour le renouveau de la protection de l'enfance ».

Les maires vont se voir attribuer de nouvelles responsabilités, les immergeant dans la vie privée de leurs concitoyens et risquant de dénaturer leur fonction.

En effet, la protection de l'enfance repose sur un savant équilibre : l'instauration d'une confiance entre les professionnels et les familles, garantie par le secret professionnel. Le maire doit-il être dépositaire d'informations qui pourraient fragiliser cette relation de confiance ?

Tout amalgame entre ces deux textes nous apparaît donc dangereux et malvenu.

Le CPE, l'apprentissage à quatorze ans, la CRP sont des mesures qui ont été vécues comme une défiance à l'égard de notre jeunesse, qui apparaît comme un risque à contenir et non comme une chance et une richesse pour notre société.

La lenteur à nommer le nouveau défenseur des enfants et le report de la conférence de la famille en juillet sont autant d'éléments qui marquent le malaise de votre gouvernement dans sa relation avec les jeunes.

Monsieur le Premier ministre, vous avez l'occasion, en maintenant et en privilégiant le projet de loi réformant la protection de l'enfance, texte perfectible mais qui répond à une attente, de modifier cette image et de dire à quatorze millions de jeunes qu'ils ont droit à être protégés et aidés avec équité. Allez-vous saisir cette occasion ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Madame la sénatrice, pourquoi faudrait-il être pour la protection de l'enfance et contre la prévention de la délinquance ? Où avez-vous vu une incompatibilité a priori entre ces deux politiques, également nécessaires mais différentes l'une de l'autre ?

Je me réjouis de vous avoir entendu rendre hommage au travail effectivement très important - dont vous avez relevé vous-même qu'il avait été effectué en concertation étroite avec les professionnels - qui a permis de préparer la réforme de la protection de l'enfance, réforme ambitieuse qui vise à resserrer les mailles du filet, à assurer davantage de prévention, un signalement mieux organisé et des réponses mieux adaptées à la situation de chaque enfant. Vos propos augurent bien du soutien du groupe socialiste, et je l'en remercie par avance, à cette réforme qui vous sera présentée dans les prochaines semaines.

M. René-Pierre Signé. Si vous êtes toujours là !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je vous signale que la session s'arrête le 30 juin !

M. Philippe Bas, ministre délégué. S'agissant maintenant de la prévention de la délinquance, nous avons une politique de sécurité. Elle fait partie, depuis le début du quinquennat, des priorités du chef de l'État. Elle a été conduite successivement par Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin et, de nouveau, Nicolas Sarkozy.

Cette politique repose sur deux piliers : la sanction, bien sûr, une sanction juste, proportionnée à la faute et certaine, mais aussi la prévention. On ne peut pas vouloir la sanction sans la prévention. Nous ferons, ne vous en déplaise, les deux ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

lutte contre la toxicomanie

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

La France est désormais en tête des pays européens pour la consommation de la drogue par les jeunes et, depuis dix ans, le nombre de jeunes qui consomment quotidiennement du cannabis a triplé.

Derrière les chiffres, il y a des vies brisées, une immense douleur et il y a aussi, monsieur le ministre, un formidable échec qu'on ne peut plus se contenter de camoufler en se dédouanant sur « la faute à la société ».

Cet échec était-il prévisible ? Est-il surprenant ? Je ne le pense pas et je voudrais m'en expliquer au travers de deux exemples, le premier étant fourni par l'action de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT.

Je crois très sincèrement que la MILDT a participé à une triple dérive.

La première dérive est celle de la banalisation. Au prétexte d'une approche globale des dépendances, on a mis sur le même plan l'alcool, le tabac, les psychotropes et la drogue, ce qui a brouillé les repères et encouragé un relativisme destructeur.

Deuxième dérive, la MILDT ne lutte pas efficacement et réellement contre la consommation. Au contraire, au motif, là encore, d'une politique de réduction des risques sanitaires, elle préfère encourager et financer des associations qui distribuent des kits et des brochures pour se droguer proprement.

Troisième dérive, la MILDT privilégie une politique de substitution à une politique de sevrage, ce qui coûte très cher à l'assurance maladie, dont vous êtes comptable aussi : plus de 100 millions d'euros.

Notre collègue Roland du Luart avait d'ailleurs, voilà quelques années seulement, établi un excellent rapport dans lequel il pointait déjà un certain nombre de dérives ; ce rapport est malheureusement resté sans suite.

Mon second exemple est celui d'une association qui édite un journal : Le journal des drogués heureux.

Mme Marie-France Beaufils. Combien de lecteurs ?

M. Bruno Retailleau. Dans l'édition qui porte le numéro 22, on constate ceci : premièrement, l'objectif de l'association est la légalisation de toutes les drogues ; deuxièmement, dans plusieurs pages sont donnés des conseils pour la production chez soi, à l'extérieur, de chanvre dit thérapeutique ;...

M. Robert Hue. Pourquoi faites-vous de la publicité à ce journal ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et à la télévision en plus ! Quelle honte !

M. Bruno Retailleau. ...troisièmement, ce journal a été financé par la Direction générale de la santé.

M. le président. Posez votre question, monsieur Retailleau !

M. Bruno Retailleau. Je suis certain que le Gouvernement ne peut pas cautionner de telles actions, mais rassurez-nous, monsieur le ministre, et dites-nous comment l'État entend exercer complètement sa surveillance et son contrôle sur l'utilisation des deniers publics. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le sénateur, je tiens à être très clair : il ne saurait y avoir ni banalisation ni relativisme en ce qui concerne l'usage de la drogue et la toxicomanie.

Nous menons une politique qui est ferme : informer toujours et encore plus, notamment à l'école.

Nous avons également une exigence : prendre en charge les toxicomanes pour les amener à arrêter la consommation de drogue. À cet effet, nous avons créé deux cent cinquante centres de soins spécialisés contre la toxicomanie. Xavier Bertrand va mettre en place, au premier semestre 2007, six communautés thérapeutiques, qui seront fondées sur une pratique du sevrage ne passant pas par la substitution, car toutes les méthodes doivent être explorées et évaluées.

Enfin, monsieur le sénateur, nous avons aussi à réaliser un travail de santé publique auprès des toxicomanes. Celui qui a été accompli au cours des dix dernières années a prouvé son efficacité. En dix ans, nous avons diminué la proportion des toxicomanes infectés par le virus du sida par quatre : alors que 40 % des toxicomanes avaient le virus du sida, ils ne sont plus que 10 % et, aujourd'hui, dans les causes de contamination par le virus du sida, on ne compte que 2 % d'usagers des drogues. Par ailleurs, les overdoses mortelles ont été divisées par cinq pendant la même période.

Si nous voulons continuer à être efficaces, il nous faut travailler avec des associations qui sont au plus près des usagers, milieu naturellement frappé par une grande précarité. C'est au travers de ces associations que nous pouvons faire baisser le nombre des contaminations.

Nous avons un objectif : lutter contre la toxicomanie et faire baisser le nombre d'usagers des drogues. Mais nous voulons aussi lutter contre les contaminations, s'agissant des maladies sexuellement transmissibles, via la toxicomanie. Nous assurons naturellement un contrôle à la fois comptable et sur le contenu des actions de toutes les associations qui sont appelées à collaborer avec le ministère de la santé pour rendre cette action pleinement efficace. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Roland du Luart.)