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Dossier législatif : proposition de loi visant à prolonger le congé pour événement familial en cas de décès d'un conjoint ou d'un enfant
Discussion générale (suite)

Prolongation du congé pour événement familial

Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission

(Ordre du jour réservé)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à prolonger le congé pour événement familial en cas de décès d'un conjoint ou d'un enfant
Article unique

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de M. Christian Gaudin et plusieurs de ses collègues visant à prolonger le congé pour événement familial en cas de décès d'un conjoint ou d'un enfant (nos 389, 158).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, afin que les salariés puissent mieux concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale, le code du travail leur accorde le bénéfice de jours de congé exceptionnels dans certaines circonstances de leur vie personnelle : mariage, naissance d'un enfant ou décès d'un proche.

Le nombre de jours de congé varie selon les situations. Il est, par exemple, d'une journée en cas de décès d'un parent, d'un beau-parent, d'un frère ou d'une soeur, de deux jours en cas de décès du conjoint ou d'un enfant, et de quatre jours en cas de mariage du salarié.

Le congé est accordé sur présentation de justificatifs - acte de naissance, acte de décès, entre autres - et n'entraîne, pour le salarié, ni perte de rémunération ni réduction de ses droits à congés payés. Il n'est pas nécessairement pris le jour de l'événement considéré ; il peut donc l'être dans les quelques jours qui suivent ou qui précèdent.

Dans sa version initiale, la proposition de loi déposée par le groupe de l'Union centriste-UDF visait à porter de deux à cinq jours la durée du congé accordé en cas de décès du conjoint ou d'un enfant à charge.

Il convient de préciser que, depuis 1999, le congé prévu en cas de décès du conjoint s'applique aussi bien, de plein droit, en cas de décès du partenaire d'un PACS.

En revanche, la durée du congé resterait de deux jours en cas de décès d'un enfant majeur n'étant plus à la charge de ses parents.

Deux types de considération justifient, selon la commission, une telle modification.

Relevons, tout d'abord, des considérations pratiques. Un congé de deux jours est trop bref pour permettre au salarié de faire face, dans de bonnes conditions, aux conséquences du décès, notamment pour assurer l'organisation des obsèques, ce qui amène un grand nombre de salariés à demander un arrêt de maladie pour disposer d'un délai supplémentaire, situation qui pèse sur les entreprises.

Notons ensuite des considérations éthiques. On peut s'étonner que la durée du congé soit plus élevée en cas d'événement heureux - mariage ou naissance - qu'en cas de décès d'un proche. Sans doute faut-il y voir une illustration de la difficulté de nos sociétés contemporaines à affronter la mort et à accompagner les mourants, difficulté bien analysée par l'historien Philippe Ariès et par le sociologue Norbert Elias.

J'ajoute qu'il est singulier que la durée du congé accordé pour des événements prévisibles, connus longtemps à l'avance, comme un mariage ou une naissance, soit plus longue que celle du congé accordé pour des événements par nature plus difficiles à anticiper, tels qu'un décès.

La commission a apporté deux modifications importantes à la proposition de loi que nous examinons actuellement.

Elle a décidé, tout d'abord, de fixer la durée du congé en cas de décès à quatre jours, et non à cinq comme le proposaient les auteurs de ce texte, afin de l'harmoniser avec celle qui est prévue en cas de mariage du salarié.

Elle a souhaité, ensuite, étendre le bénéfice du congé au cas du décès du concubin du salarié. En effet, elle a jugé anormal que le code du travail n'accorde aucun jour de congé au salarié dont le concubin décède, alors qu'il se trouve dans une situation tout à fait analogue à celle du salarié qui perd son conjoint ou son partenaire de PACS.

La mesure que la commission vous propose ne représente pas une grande innovation juridique, puisque notre droit social aligne déjà souvent les droits des concubins sur ceux des couples mariés. Elle permet, en revanche, de tenir compte d'une évolution majeure de notre société.

L'adoption de cette proposition de loi ferait peser, j'en conviens, une charge supplémentaire, quoique minime, sur quelques entreprises. Mais cette charge serait trop modeste pour avoir un impact significatif sur l'économie ou sur l'emploi.

Rappelons que certaines conventions collectives accordent déjà un nombre de jours de congé supérieur au minimum légal de deux jours, de sorte que l'impact réel de la mesure proposée sera plus modeste que ce qu'il peut sembler être à première vue.

Il est à noter que l'assurance maladie et, par voie de conséquence, les entreprises pourraient même réaliser quelques économies grâce à cette mesure, puisque les salariés seraient moins incités qu'ils ne le sont aujourd'hui à demander un arrêt de maladie pour bénéficier d'un congé supplémentaire. Et là, mes chers collègues, c'est le médecin qui parle !

La proposition de loi, qui tend à modifier le code du travail, est sans incidences sur le droit au congé des fonctionnaires. La commission n'a pas souhaité changer le régime applicable aux agents publics, d'une part, parce que le droit de la fonction publique ne relève pas du champ de sa compétence, d'autre part, et surtout, parce qu'il aurait été difficile d'étendre cette mesure aux fonctionnaires sans bouleverser le régime juridique de leur droit à congé pour événement familial, qui de toute façon couvre parfaitement tous les cas de figure.

Dans l'administration, l'autorisation d'absence pour événement familial n'est pas de droit, le plus souvent, mais résulte d'une mesure de bienveillance du supérieur hiérarchique de l'agent, accordée, certes, sous réserve des nécessités du service, mais il est toujours possible de trouver un arrangement.

On voit que l'adoption de ce texte aura un impact infime sur les entreprises mais considérable sur les salariés les moins bien protégés par des accords de branche ou d'entreprise et qui sont frappés par la mort de leur conjoint ou de leur enfant. À titre personnel, je n'ignore pas les difficultés qui les accablent, ayant connu ces deux types d'épreuve.

Ces précisions étant apportées, je vous invite, mes chers collègues, loin des calculs partisans et tout en pensant au désarroi des quelques personnes concernées, à adopter cette proposition de loi dans la rédaction qui résulte des travaux de la commission. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi visant à prolonger le congé pour événement familial en cas de décès du conjoint ou d'un enfant suscite en moi des sentiments contrastés, et je m'en explique.

J'ai, tout d'abord, un sentiment spontané d'approbation puisqu'il peut paraître effectivement choquant que le code du travail octroie quatre jours de congé au salarié à l'occasion d'événements heureux, comme le mariage, et seulement deux jours en cas de décès de son conjoint ou de l'un de ses enfants, événements ô combien douloureux.

Actuellement, dans le cadre du travail de recodification qui est effectué, nous constatons que cette distorsion s'explique par l'adoption de lois successives apportant des modifications à l'article du code susvisé qui fixe la liste des congés pour événements familiaux, sans qu'il y ait jamais eu vérification de la cohérence d'ensemble.

Pour autant, est-il opportun d'intervenir par voie législative sur ce point ?

Je crois profondément que, par nature, il revient à la négociation collective d'améliorer les dispositions législatives existantes. C'est à elle de prévoir la possibilité de faire varier la durée de ces absences légitimes et d'étendre le droit à congé aux cas de décès d'autres proches.

En effet, les partenaires sociaux me paraissent les mieux à même pour négocier en ce domaine et, ainsi, pour concilier au mieux les intérêts de l'entreprise, le coût qu'un tel congé induit pour elle et les besoins, légitimes, des salariés dans des circonstances si douloureuses.

Les partenaires sociaux ont d'ailleurs d'ores et déjà largement négocié sur ce sujet, et sont, dans la grande majorité des cas, parvenus à retenir des dispositions globalement plus favorables que les dispositions législatives en vigueur.

Ainsi, sans même parler des accords d'entreprise, sur lesquels nous n'avons pas de droit de regard, notamment pas de possibilité d'extension, mes services ont pu recenser plus de quatre-vingts branches ayant négocié sur le thème des congés pour événements familiaux.

La très grande majorité des branches ont donc mis en place des mesures plus favorables que celles qui sont définies à l'article L. 226-1 du code du travail. Le nombre de jours d'autorisation d'absence pour le décès d'un conjoint ou d'un enfant est porté de deux à trois, quatre, parfois cinq jours aux termes des accords ainsi négociés.

Par ailleurs, les partenaires sociaux ont souvent négocié des durées d'autorisation d'absence plus favorables que celle d'un jour qu'a retenue le code du travail en cas de décès d'un ascendant direct ou collatéral, d'un frère ou d'une soeur.

Enfin, la distinction faite dans la proposition de loi entre le décès d'un enfant à charge et d'un enfant majeur et non à charge n'a jamais été opérée par les partenaires sociaux dans le cadre desdits accords.

Mesdames, messieurs les sénateurs, si je comprends et partage la préoccupation qui est la vôtre, vous connaissez, de votre côté, mon attachement au dialogue social, si important.

Deux très importants rapports sur le dialogue social sont en cours d'examen par le Conseil économique et social. Je veux parler évidemment du rapport de Raphaël Hadas-Lebel et de celui de Dominique-Jean Chertier, personnalités que Jean-Louis Borloo et moi-même avons auditionnées voilà quelques jours. Sans préjuger les résultats de la concertation qui se déroule actuellement, je crois qu'il est essentiel de laisser une place toujours plus grande à la négociation collective et de privilégier les solutions conventionnelles.

C'est pourquoi je tenais à vous faire part de mes observations sur le rôle et la place de la négociation.

Je m'en remets donc, quant à l'adoption de cette proposition de loi, dont je comprends, encore une fois, les motivations, à la sagesse de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 19 minutes ;

Groupe socialiste, 14 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 8 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 7 minutes ;

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je fais cette intervention en lieu et place de mon ami Guy Fischer, retenu en ce moment même par d'autres fonctions, comme vous pouvez le constater. (Sourires.)

Le texte que nous examinons vise à mieux prendre en compte le congé nécessaire à la prise en charge des démarches incontournables en cas de décès du conjoint ou d'un enfant.

La durée du congé actuellement prévue par l'article L. 226-1 du code du travail est notoirement insuffisante pour faire face au cataclysme que représente la perte d'un proche.

La mort d'un être aimé cause un bouleversement qui ébranle la propre vie de la personne concernée. L'hébétude, l'accablement et le déni de la nouvelle de cette mort injuste la frappent avec violence. Le quotidien est submergé par des pensées et par des émotions inhabituelles. Et c'est dans cet état de choc qu'il faut trouver l'énergie nécessaire à l'organisation des obsèques et à l'accomplissement de toutes les démarches administratives consécutives à un décès.

Je souscris entièrement à cette proposition de loi qui vise à augmenter la durée du congé précité, et je partage l'analyse de mon collègue Nicolas About. Les deux jours prévus dans le code du travail sont largement insuffisants, au regard des démarches à accomplir. C'est pourquoi les personnes confrontées à ce triste événement prolongent très souvent ces deux jours en sollicitant quelques jours d'arrêt maladie ou en prenant sur leurs congés.

Cette faille du code du travail doit être corrigée, car la loi est là pour répondre, au plus près, à la réalité.

Je soutiens ainsi cette mesure de bon sens.

J'approuve, de plus, l'idée d'harmoniser la durée du congé en cas de mariage et en cas de décès du conjoint.

En effet, les conventions collectives accordent des avantages variés aux salariés dans ce domaine, et j'estime qu'il convient de définir un socle commun.

Cependant, je trouve que le contenu de cette proposition de loi reste bien en deçà de ce qu'il faudrait faire. Je regrette que ce texte ne fasse pas preuve de la même indulgence pour la perte d'un enfant. La restriction imposée, selon que l'enfant décédé serait à charge ou non, paraît bien inutile et, surtout, est bien éloignée de la réalité de la perte d'un enfant et de ses conséquences. Je proposerai donc la suppression de cette restriction.

Par ailleurs, les personnes liées par un pacte civil de solidarité se trouvent exclues de cette disposition, ce qui ne se justifie absolument pas.

Il semble que cette majorité appréhende toujours difficilement la réalité des nouvelles formes d'union dans la société française et que le PACS suscite chez cette même majorité toujours autant de réticences.

Les membres du groupe communiste républicain et citoyen souhaitent, au contraire, que ne subsiste aucune distinction, ni dans les faits, ni dans la loi, entre les personnes mariées et les personnes liées par un pacte civil de solidarité. Tel est l'objet du second amendement qu'ils ont déposé.

En espérant que ces modifications recevront un avis favorable de la Haute Assemblée, les membres du groupe communiste républicain et citoyen soutiendront, malgré tout, la proposition de loi soumise à notre approbation.

M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin.

M. Christian Gaudin. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, tout d'abord, permettez-moi de me réjouir de l'inscription à notre ordre du jour de ce texte que M. le rapporteur vient de nous présenter avec conviction et qui me tient à coeur.

J'ai pris l'initiative de cette proposition de loi après que le président d'une association d'aide aux familles endeuillées par le décès d'un enfant, association très active, est venu à ma permanence me convaincre de l'inadaptation du congé légal octroyé par notre code du travail dans le cas du décès d'un enfant ou du conjoint.

Tout salarié a droit à des « autorisations exceptionnelles d'absence » pour événements familiaux. Dans le cas d'un décès, ce congé se justifie pour des raisons pratiques et morales évidentes.

Toutefois, la durée de ce congé n'est pas la même pour tous les salariés.

Dans la fonction publique, pour le décès du conjoint, d'un enfant ou d'un parent, ce congé est de trois jours, auxquels peuvent se rajouter quarante-huit heures d'acheminement, ce qui fait cinq jours.

En ce qui concerne le salarié de droit privé, c'est l'article L. 226-1 du code du travail qui énumère les différents congés pour événements familiaux. Deux jours sont accordés pour le décès du conjoint ou d'un enfant.

Or, peut-on, dans un délai de deux jours, organiser les funérailles de son conjoint ou d'un enfant et effectuer les démarches, nombreuses, qui précèdent l'enterrement ? Celles ou ceux qui ont vécu le décès d'un proche savent de quoi je parle !

D'ailleurs, la pratique le confirme : de nombreux salariés consultent un médecin pour obtenir un arrêt de maladie.

Cette durée est donc moralement et matériellement inadaptée.

De plus, il est difficilement compréhensible d'accorder quatre jours pour le mariage du salarié ou encore trois jours pour chaque naissance ou adoption, et seulement deux jours pour le décès du conjoint ou d'un enfant. Rien ne peut justifier que la durée du congé prévue pour des événements familiaux heureux et programmés soit plus longue que celle du congé accordé pour un deuil qui vous frappe souvent brutalement.

Je rejoins tout à fait l'analyse pertinente de M. le rapporteur sur la peur de la mort dans notre société qui, seule, pourrait justifier cette discordance.

Il est vrai que cette disposition du code du travail constitue un minimum légal. Les salariés de la fonction publique ont - nous l'avons vu - un congé plus long ; de même, la plupart des salariés de droit privé bénéficient d'accords de branches ou de conventions collectives plus favorables.

Seule une minorité de salariés de droit privé, qui ne bénéficient pas de ces conventions, sont pénalisés. Il est dommage qu'ils soient ainsi défavorisés.

Je n'ignore pas que certains d'entre vous peuvent s'interroger sur la charge que ferait peser sur les entreprises l'allongement de ce congé pour décès.

Je pense sincèrement qu'elle serait très limitée.

L'octroi de deux jours supplémentaires pour un événement familial grave et exceptionnel ne me paraît pas constituer un risque économique réel pour nos entreprises.

À l'inverse, il faut rappeler que l'utilisation en substitution d'un arrêt de maladie a des conséquences indirectes sur les charges de l'entreprise.

C'est pour toutes ces raisons, au nom du bon sens et de l'équité, que je souhaite l'adoption par notre assemblée de cette proposition de loi, telle qu'elle a été modifiée et améliorée par la commission des affaires sociales.

Je remercie à nouveau M. le rapporteur de son soutien. J'espère que, monsieur le ministre délégué, vous accueillerez favorablement cette disposition, tant attendue par les familles qui ont malheureusement déjà été frappées par le décès d'un proche. (M. le rapporteur applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a pour objet d'améliorer le code du travail, dont l'article L. 226-1 accorde une autorisation exceptionnelle d'absence rémunérée et assimilée à du travail effectif d'une durée de deux jours lors du décès du conjoint ou d'un enfant.

Cette autorisation d'absence est un droit obtenu par le salarié qui se justifie pour des raisons humaines évidentes et pratiques, car elle lui permet d'effectuer toutes les très nombreuses démarches administratives exigées par cette situation douloureuse : déclaration de décès, organisation des funérailles, sans oublier la longue liste des organismes à prévenir immédiatement, notamment la caisse primaire d'assurance maladie, la mutuelle et les institutions de retraite.

Au regard de toutes ces démarches et du préjudice moral qui justifient ce congé exceptionnel, sa durée actuelle de deux jours paraît très largement insuffisante.

En pratique, le salarié recourt presque systématiquement au congé de maladie pour prolonger ces deux jours.

La proposition de loi de MM. Christian Gaudin et d'un certain nombre de nos collègues tend à porter cette durée de deux à quatre jours, mais seulement pour le décès du conjoint ou d'un enfant à charge. Pour un enfant majeur et non à charge, le congé resterait de deux jours. Par ailleurs, ni les partenaires liés par un PACS, ni les concubins ne sont mentionnés. Nous proposerons des amendements pour remédier à cet oubli.

M. Nicolas About, rapporteur. C'est bien !

Mme Gisèle Printz. Cette proposition de loi est utile, en ce qu'elle prévoit un allongement de la durée actuelle manifestement trop courte en cas de décès du conjoint ou d'un enfant.

De plus, cette proposition de loi permet ainsi un allongement de la durée légale, qui s'imposera donc à tous, au-delà des conventions collectives, dans lesquelles règne, sans aucune justification, la plus grande variété dans ce domaine. On relève par exemple deux jours dans l'hôtellerie et la restauration, trois dans le bâtiment, quatre dans la pharmacie et cinq dans les banques. Certaines conventions prévoient même que la durée du congé est modulée selon l'ancienneté du salarié dans l'entreprise, ce qui est hors de propos en la matière.

Toutefois, les auteurs de cette proposition de loi ont introduit la notion d'« enfant à charge », qui n'est pas mentionnée aujourd'hui dans le code du travail. Est un « enfant à charge » tout enfant jusqu'à la fin de l'obligation scolaire, et, après la fin de l'obligation scolaire, jusqu'à l'âge de vingt ans, tout enfant dont la rémunération éventuelle n'excède pas un certain plafond.

Or les enfants vivent de plus en plus longtemps chez leurs parents, même lorsqu'ils sont financièrement indépendants, nous le savons tous par expérience. Pourquoi, alors, introduire cette restriction ?

Quoi qu'il en soit, nous pensons qu'il n'y a pas lieu de différencier la douleur des parents selon l'âge et la situation de leur enfant défunt.

En outre, les démarches administratives à effectuer restent pratiquement les mêmes.

Il n'y a donc pas d'améliorations sur ce point.

On peut même imaginer un recul de certaines conventions collectives dans l'avenir, lorsque celles-ci, comme je l'ai dit précédemment, prévoient une autorisation exceptionnelle d'absence de trois à cinq jours pour le décès de tout enfant, quelle que soit sa situation.

Une différenciation sur la base du fait que l'enfant décédé est ou non à charge ne peut malheureusement être totalement exclue dans le contexte actuel.

Nous espérons, malgré les quelques réserves que j'ai formulées, que cette proposition de loi, qui traduit une volonté de faire preuve d'humanité, ce qui n'arrive pas souvent, recevra l'agrément de tous les parlementaires de la Haute Assemblée. Nous, socialistes, voterons pour ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.- M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Christiane Kammermann.

Mme Christiane Kammermann. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la législation du travail a progressivement évolué afin de permettre au salarié de s'absenter de l'entreprise quelques jours en raison de certains événements familiaux, comme le décès d'un proche ou le mariage d'un enfant.

Ces quelques jours doivent permettre au salarié de s'organiser pour mieux gérer des événements heureux comme des événements tristes, donc aussi bien un mariage ou une naissance qu'un décès. Ils représentent un moment entre parenthèses où le salarié, disponible, peut se retrouver avec sa famille et profiter des événements importants de sa vie ou les affronter, ce dans les meilleures ou les moins mauvaises conditions possibles.

Le nombre de jours de congé accordé par la loi au salarié varie selon l'événement : quatre jours en cas de mariage du salarié ; trois jours en cas de naissance ou d'adoption d'un enfant, en plus des onze jours de congé de paternité accordés depuis le 1er janvier 2002 ; deux jours en cas de décès du conjoint ; deux jours en cas de décès d'un enfant ; un jour en cas de décès d'un parent, d'un frère, d'une soeur , du beau-père ou de la belle-mère.

Sauf exception, n'importe quel salarié peut bénéficier de ces jours de congé, et ce quels que soient son ancienneté et l'effectif de l'entreprise.

Plusieurs conventions collectives prévoient des absences d'une durée plus longue que celle qui est prévue par la loi ou encore des absences pour d'autres événements, par exemple, un congé en cas de déménagement du salarié.

Les jours accordés par le code du travail ne sont donc que des minima dont peuvent bénéficier les salariés qui ne relèveraient pas d'une convention collective.

Les auteurs de la présente proposition de loi souhaitent porter de deux à cinq jours la durée du congé accordé en cas de décès du conjoint du salarié ou d'un enfant à la charge de ses parents. Cette durée resterait toutefois fixée à deux jours en cas de décès d'un enfant majeur n'étant plus à la charge de ses parents.

M. le rapporteur propose de limiter à quatre jours ce délai et d'étendre le bénéfice du congé à une réalité familiale aujourd'hui très répandue, le décès du concubin du salarié.

Ces jours de congé étant intégralement rémunérés par l'employeur, les entreprises vont donc devoir supporter une charge financière supplémentaire.

Par ailleurs, il faut noter que ces jours sont considérés comme du temps de travail effectif pour le calcul des congés payés et de l'ancienneté.

Enfin, ces jours viendront - il est vrai seulement très légèrement - abaisser encore la durée du temps de travail global dans ce pays.

Sans méconnaître la générosité des auteurs de cette proposition de loi, dont il a pleinement conscience, le groupe UMP ne peut souscrire, cependant, à la méthode proposée.

Il est prévu, dans le code du travail, un socle minimum de protection du salarié en posant un droit à congé pour certains événements familiaux. Ce principe est juste et cohérent, et nous l'approuvons pleinement.

En revanche, pour toute amélioration des droits reconnus aux salariés, il serait bien plus judicieux, selon nous, de nous en remettre à la négociation collective. Ainsi, les salariés qui ne sont pas couverts par un accord de branche bénéficieraient des dispositions du code du travail et des mesures plus favorables pourraient toujours être définies au niveau des entreprises ou des branches.

Nous avons voté des lois sur le dialogue social, depuis 2002, pour encourager la négociation collective dans les entreprises et dans les branches. Notre préférence va donc à ce choix de méthode.

Ce n'est pas au législateur, à qui l'on reproche de légiférer de plus en plus et de se substituer trop souvent aux partenaires sociaux, de travailler à de telles modifications du code du travail, portant sur des points aussi précis, modifications dont, d'ailleurs, M. le rapporteur reconnaît que les conséquences seraient en réalité très limitées.

Si, comme l'on fait remarquer plusieurs orateurs, il existe un manque de cohérence entre les différentes durées minimales des congés pour événements familiaux, peut-être un toilettage complet du dispositif serait-il nécessaire, après, bien entendu, que les partenaires sociaux auront été consultés sur son opportunité et son contenu.

Mme Gisèle Printz. Pour une fois, vous voulez consulter les partenaires sociaux !

M. Jean-Pierre Godefroy. Il fallait le faire pour le CPE !

Mme Christiane Kammermann. La proposition de loi ne nous paraît pas répondre à cette préoccupation.

Aussi, malgré les raisons fort légitimes qui ont justifié le dépôt de cette proposition de loi, notre groupe ne prendra pas part au vote.

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à prolonger le congé pour événement familial en cas de décès d'un conjoint ou d'un enfant
Article additionnel après l'article unique

Article unique

Le quatrième alinéa de l'article L. 226-1 du code du travail est ainsi rédigé : « Quatre jours pour le décès du conjoint, du concubin ou d'un enfant à charge, deux jours pour un enfant majeur et non à charge. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 1 est présenté par Mme Printz, MM. Godefroy,  Michel et  Domeizel, Mmes Schillinger,  Demontès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 4 est présenté par MM. Fischer,  Muzeau et  Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le texte proposé par cet article pour le quatrième alinéa de l'article L. 226-1 du code du travail, après le mot :

conjoint,

insérer les mots :

d'un partenaire lié par un pacte civil de solidarité,

La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° 1.

Mme Gisèle Printz. Cet amendement tend à prendre en compte à la fois l'évolution de la société et celle de la législation. Il s'agit d'inscrire dans le code du travail que le congé accordé au salarié en cas de décès du conjoint s'étend au partenaire lié par un pacte civil de solidarité.

La précision que tend à introduire cet amendement se justifie d'autant plus que la commission, dans ses conclusions, a opté pour l'adjonction du mot « concubin ». Il s'agit donc presque d'un amendement rédactionnel ou d'un amendement technique visant à réparer un simple oubli.

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l'amendement n° 4.

Mme Évelyne Didier. Cet amendement vise à faire bénéficier les personnes liées par un pacte civil de solidarité ou par un certificat de concubinage des droits aux congés pour événements familiaux, tels qu'ils sont prévus dans cette proposition de loi.

En effet, la loi reconnaît désormais ces alternatives au mariage traditionnel comme unions légitimes. Les très nombreux hommes et femmes qui ont choisi de vivre pacsés ou en concubinage seraient indubitablement victimes de discriminations au seul tort de n'être pas mariés.

Je suis de ceux qui pensent qu'on ne peut légiférer sur une base discriminatoire excluant ainsi ces hommes et ces femmes de droits garantis par la loi. Par souci d'équité, je vous demande donc d'adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, rapporteur. Ces deux amendements identiques sont satisfaits par l'article 8 de la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité, qui prévoit déjà que le congé accordé en cas de décès d'un conjoint s'applique aussi en cas de décès du partenaire du PACS.

Je regrette que notre collègue Jean-Pierre Michel, qui a été l'un des principaux auteurs de cette loi, ne soit pas parmi nous : il aurait pu le confirmer.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. J'ai déjà évoqué la notion de recodification du travail à droit constant.

Cette disposition n'a pas été codifiée, mais cela fait partie des travaux de la commission supérieure de codification. Ce chantier est engagé : vous en trouverez la prolongation dans le titre II du projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié qui a été adopté hier par le Conseil des ministres. Ce véhicule est nécessaire pour prolonger les travaux de la commission supérieure de codification, qui avancent bien.

La mention relative aux partenaires d'un PACS sera bien insérée dans l'article L. 226-1 du code du travail. Ce n'est pas le seul cas où l'histoire sédimentaire de la codification nécessite une recodification.

J'en profite pour vous indiquer, mesdames, messieurs les sénateurs, que le travail que nous effectuons à droit constant se veut également une modernisation de l'approche du code pour donner à la part législative comme à la part conventionnelle à la fois clarté et lisibilité. Reconnaissons-le : les codes sont souvent extrêmement difficiles à appréhender pour ceux qui ne sont pas des spécialistes.

C'est pourquoi le Gouvernement souhaite le retrait de ces amendements.

M. le président. Madame Printz, l'amendement n° 1 est-il maintenu ?

Mme Gisèle Printz. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 1 est retiré.

Madame Didier, l'amendement n° 4 est-il maintenu ?

Mme Évelyne Didier. Puisque nous avons la certitude que cet amendement est satisfait, nous voilà rassurés. Nous le retirons donc, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 4 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 2 est présenté par Mme Printz, MM. Godefroy,  Michel et  Domeizel, Mmes Schillinger,  Demontès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 5 est présenté par MM. Fischer,  Muzeau et  Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

À la fin du texte proposé par cet article pour le quatrième alinéa de l'article L. 226-1 du code du travail, supprimer les mots :

à charge, deux jours pour un enfant majeur et non à charge

La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° 2.

Mme Gisèle Printz. Cet amendement vise à supprimer la mention « enfant majeur et non à charge ». Il s'agit de modifier la durée de congé proposée par la proposition de loi, qui en reste aux deux jours actuellement prévus par le code du travail pour cette catégorie d'enfants.

La distinction entre enfants à charge et enfants majeurs non à charge n'existe pas dans l'article L. 226-1 du code du travail. L'introduire entraînerait deux conséquences : d'une part, une conséquence juridique de principe entre les enfants à charge et les enfants majeurs non à charge ; d'autre part, une conséquence pratique, dans la mesure où les conventions collectives que nous avons consultées, à l'exception d'une seule, ne prennent pas en considération cette différence de situation de l'enfant, ce qui est juste.

La perte d'un enfant est toujours cruelle, quel que soit son âge ou celui de ses parents. Je n'insisterai pas sur ce point : il appartient à chacun d'entre nous d'y réfléchir.

Introduire cette distinction entre enfant à charge et enfant majeur non à charge revient à annuler l'avancée de la proposition de loi dans ce domaine. Ce faisant, nous prenons également le risque d'un alignement sur ces nouvelles dispositions du code, c'est-à-dire d'un recul.

Tel n'est évidemment pas le voeu ni de l'auteur de la proposition de loi, ni de notre rapporteur, ni de tous ceux qui, au-delà des clivages politiques, soutiennent ce texte. Il y a pourtant là un risque d'effet pervers que nous ne pouvons méconnaître.

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l'amendement n° 5.

Mme Évelyne Didier. L'amendement vise à éviter d'introduire une inégalité entre enfants à charge et enfants majeurs non à charge.

Perdre un enfant, à charge ou non, mineur ou majeur, reste un drame effroyable pour les parents : leur douleur n'est pas liée à la situation dans laquelle ils se trouvent.

Le législateur ne peut prévoir une discrimination entre les parents d'enfants décédés, selon que les enfants étaient à charge ou non.

Prenons l'exemple d'un enfant majeur, célibataire, qui a fait le choix de vivre hors du domicile familial. Pour les parents, un temps est forcément nécessaire pour accomplir tous les actes administratifs liés au décès de cet enfant, même s'il n'est plus à charge. L'organisation des obsèques ainsi que toutes les démarches liées au décès de leur enfant incombent aux parents, qui en sont responsables au premier chef.

Aussi, je vous propose d'adopter cet amendement afin de maintenir l'égalité entre tous les parents qui perdent un enfant.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, rapporteur. La commission, qui a souhaité maintenir une distinction entre enfant à charge et enfant majeur non à charge, a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

Toutefois, à titre personnel, je précise que je ne peux rester insensible aux arguments que viennent de présenter les auteurs de ces amendements.

C'est pourquoi je souhaite que, dans sa sagesse, le Sénat prenne la bonne décision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous évoquons des événements qui, d'un point de vue personnel, sont toujours particulièrement marquants et dramatiques, comme Mme Kammermann l'a rappelé.

Le Gouvernement souhaite vivement que cette décision relève de la négociation collective. Il ne peut par conséquent être favorable à ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos  2 et 5.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article unique, modifié.

(L'article unique est adopté.)

Article unique
Dossier législatif : proposition de loi visant à prolonger le congé pour événement familial en cas de décès d'un conjoint ou d'un enfant
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article additionnel après l'article unique

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article unique, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. Le congé de paternité prévu par l'article 55 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 (n° 2001-1246 du 21 décembre 2001) s'applique, dans les mêmes conditions, au père d'un enfant né sans vie. 

II. Les charges éventuelles qui résulteraient pour les régimes sociaux de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement a pour objet de permettre au père d'un enfant né sans vie de bénéficier du congé de paternité instauré par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.

Cet amendement reprend une proposition du Médiateur de la République, qui a été alerté du refus d'accorder les indemnités journalières dues au titre du congé de paternité lorsque l'on produit un acte d'enfant né sans vie.

Le congé de paternité, d'une durée de onze jours - dix-huit jours en cas de naissances multiples -, s'ajoute aux trois jours accordés et payés par l'employeur au titre de l'article L. 226-1 du code du travail. Le congé de paternité permet de percevoir une indemnité journalière prise en charge par la caisse d'assurance maladie, équivalente à celle qui est perçue par une femme lors de son congé de maternité.

L'article 55 de la loi du 21 décembre 2001 prévoit que le congé de paternité est accordé au père « après la naissance de son enfant », sans qu'il soit précisé si l'événement visé est le fait de la naissance ou de la reconnaissance juridique de cette naissance. Sans doute faudra-t-il également recodifier dans ce domaine, monsieur le ministre délégué.

Une telle précision est apportée par l'article D. 331-4 du code de la sécurité sociale : pour bénéficier du congé de paternité, « l'assuré doit justifier auprès de la caisse primaire dont il relève de l'établissement de la filiation de l'enfant à son égard ». L'octroi du congé de paternité est ainsi subordonné à la production d'un certificat d'acte de naissance attestant le lien de filiation. Or ce certificat n'est pas délivré pour les enfants nés sans vie.

En l'état actuel des règles juridiques, le père d'un enfant né sans vie ne peut donc bénéficier d'un congé de paternité, alors que la mère bénéficie, fort heureusement, du maintien de son congé de maternité.

Les pères d'enfants nés sans vie éprouvent donc un sentiment d'injustice d'autant plus fort que le congé de paternité peut être accordé au père d'un enfant mort très peu de temps après sa naissance, pour lequel des actes de naissance et de décès ont été établis au vu du certificat médical attestant que l'enfant est né vivant et viable.

Il convient donc de rétablir l'équité en étendant le bénéfice du congé de paternité aux pères d'enfants nés sans vie. L'adoption de cet amendement constituerait une mesure de soutien à l'égard des familles affectées par la perte d'un enfant.

Pour conclure, au-delà même de la question du congé de paternité, c'est en fait tout le régime juridique des enfants nés sans vie qu'il faudrait repenser, notamment en matière d'état civil.

Je précise qu'entre 5 000 et 6 000 enfants mort-nés ou nés sans vie sont dénombrés chaque année : c'est plus que les accidents de la route, qu'on évoque souvent. Ce sont autant de situations douloureuses, qui exigent que les familles concernées soient accompagnées avec la plus grande humanité dans leur processus de deuil.

Le problème tient au fait que l'acte attestant que l'enfant est né sans vie n'est pas un acte de naissance : il ne détermine donc aucune filiation et ne valide aucune reconnaissance prénatale. Ainsi, les parents d'un enfant né sans vie peuvent prénommer leur enfant mais ne peuvent pas lui donner leur nom de famille. De même, l'inscription de cet enfant dans le livret de famille pose de véritables problèmes dans le cas des couples non mariés dont c'est le premier enfant, et est extrêmement complexe pour les parents d'enfants naturels.

Plusieurs législations européennes nous prouvent qu'une réforme autorisant la reconnaissance légale d'un enfant né sans vie est envisageable. Ainsi, de nombreux États européens accordent une personnalité juridique à l'enfant né sans vie, avec les conséquences qu'une telle reconnaissance entraîne : possibilité de déterminer une filiation et d'attribuer un nom, inscription sans restriction sur le livret de famille, notamment.

Le droit français se caractérise par la trop faible portée qu'il attribue à l'acte d'enfant né sans vie. Le sujet a d'ailleurs été abordé ce matin au cours du débat sur la législation funéraire.

Qu'il n'y ait pas d'ambiguïté : il s'agit non pas d'ouvrir le débat sur le statut juridique du foetus mais d'assurer la reconnaissance par les parents et par l'état civil de l'enfant mort-né après « délivrance » de la mère, quelles qu'en soient les circonstances.

Sur ces questions, vous me permettrez de lancer un appel à nos collègues de la commission des lois et au Gouvernement pour qu'ils étudient les propositions de réforme du Médiateur de la République qui visent à faire évoluer le droit dans un sens plus favorable aux familles.

Le Médiateur de la République propose la création d'un groupe de travail piloté par le ministère de la justice. Nos collègues Jean-Pierre Sueur et Jean-René Lecerf ont suggéré ce matin un décret.

Dans l'attente, je vous demande de bien vouloir adopter cet amendement relatif au congé de paternité. Nous avons tous parlé de la douleur et souligné l'importance de prendre le temps nécessaire pour les obsèques, quand on perd un enfant ou un conjoint.

Pensez-vous que la douleur soit moindre lorsque l'enfant a été attendu et que la place qui lui a été réservée au sein de la cellule familiale ne sera jamais occupée ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas About, rapporteur. Cet amendement trouverait mieux sa place dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale dans la mesure où le congé de paternité est pris en charge par l'assurance maladie et non par l'employeur. Il n'est donc pas de même nature que les congés pour événements familiaux, qui restent à la charge de l'employeur.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je rappelle que le congé de paternité a été créé pour permettre au père de s'occuper de son enfant pendant onze jours calendaires, dix-huit en cas de naissances multiples, mobilisables dans les quatre mois suivant sa naissance.

L'intention du législateur n'est pas de répondre à la situation douloureuse que vous évoquez, monsieur Godefroy. Dans ces circonstances, le père bénéficie des dispositions relatives aux événements familiaux, visées par l'article L. 226-1 du code du travail.

De plus, comme le rappelait le président de la commission des affaires sociales, une telle mesure, qui implique d'introduire des modifications dans le code de la sécurité sociale, aurait des conséquences financières que je n'ose évoquer à ce moment du débat. Nous ne pouvons donc qu'y être défavorables.

S'agissant de l'autre partie du débat, je vous prie de bien vouloir me pardonner, monsieur Godefroy, si je ne fais pas de commentaire à cet instant. Je pense que ce n'est pas le lieu d'aborder un tel sujet. Celui-ci nécessite en effet une réflexion en profondeur et peut susciter d'autres interrogations, portant sur des débats de société qui ont été ouverts il y a quelques années déjà, mais qui ne manqueront pas de revenir sur le devant de la scène.

L'avis du Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Vote sur l'ensemble

Article additionnel après l'article unique
Dossier législatif : proposition de loi visant à prolonger le congé pour événement familial en cas de décès d'un conjoint ou d'un enfant
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble des conclusions du rapport de la commission des affaires sociales, je donne la parole à Mme Gisèle Printz, pour explication de vote.

Mme Gisèle Printz. Le groupe socialiste votera les conclusions du rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur cette proposition de loi.

Nos collègues ont permis au Sénat, comme ce fut déjà le cas ce matin, de faire le meilleur usage de cette séance d'ordre du jour réservé. Il s'agit d'un travail parlementaire comme nous aimerions en voir plus souvent, où le Parlement exerce pleinement ses prérogatives, sans tapage ni contrainte.

Ce texte nous permet de faciliter, même bien modestement, la situation de personnes qui traversent des moments particulièrement difficiles. Que nos collègues Christian Gaudin et Nicolas About soient donc remerciés pour leur initiative. Il nous reste maintenant à souhaiter que la proposition de loi soit rapidement transmise à nos collègues de l'Assemblée nationale et y rencontre un écho favorable.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix, modifiées, les conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi n° 158.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UC-UDF.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 215 :

Nombre de votants 169
Nombre de suffrages exprimés 161
Majorité absolue des suffrages exprimés 82
Pour l'adoption 161

Le Sénat a adopté la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.-M. le rapporteur applaudit également.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à prolonger le congé pour événement familial en cas de décès d'un conjoint ou d'un enfant