PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est reprise.

Article 3 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif au secteur de l'énergie
Discussion générale

3

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l'auteur de la question de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.

violences urbaines et agressions de policiers

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.

M. Jean-Michel Baylet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur. (L'orateur fait mine de chercher le ministre des yeux.) Il n'est pas là, apparemment... (Exclamations les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Monsieur le ministre, il s'est écoulé presque une année depuis les émeutes de 2005 dans les banlieues. (Ah ! sur les travées de l'UMP.) Aujourd'hui, nous attendons toujours les résultats de votre politique de sécurité.

M. Didier Boulaud. C'est un fiasco !

M. Jean-Michel Baylet. Les atteintes aux personnes ont augmenté de plus de 6 % au cours des derniers mois, un grand nombre de nos concitoyens - bien souvent les moins favorisés - assistent, impuissants, à la dégradation du mobilier urbain, à l'incendie de leur voiture ou des biens publics. À quoi les 700 millions d'euros débloqués après les événements de novembre 2005 ont-ils servi ?

Alors que la lutte contre la délinquance et l'insécurité faisait partie des priorités annoncées en 2002 par l'actuelle majorité, force est de constater que la situation ne fait qu'empirer, atteignant même un paroxysme avec la multiplication des violences envers les forces de l'ordre.

Après le guet-apens tendu aux policiers vendredi dernier à Épinay-sur-Seine, deux autres fonctionnaires ont été blessés avant-hier à Clichy lors d'un contrôle de véhicule. Compte tenu de leur fréquence, ces cas ne sont plus des phénomènes isolés, mais bien le révélateur d'une tendance lourde.

Si l'on garde à l'esprit l'augmentation des violences à l'encontre des enseignants, comme en témoigne encore l'agression récente d'une principale de collège dans l'Indre, nous constatons aujourd'hui que ce sont deux formes majeures d'autorité qui ne sont plus épargnées : l'autorité policière et l'autorité éducative. L'État est donc atteint dans ses fondements.

En réponse à cette situation, vous décidez de durcir la législation ! Lundi, le Premier ministre a ainsi annoncé un projet de renforcement des poursuites et des peines en cas d'agression des membres des forces de l'ordre, alors que le code pénal est déjà bien fourni en ce domaine.

La sécurité des personnes et des biens fait partie des droits de la personne humaine. Il revient à l'État de protéger ses citoyens contre la violence.

Le Gouvernement auquel vous appartenez a fait le choix d'une politique essentiellement répressive avec la mise en oeuvre de mesures liberticides et autoritaires. Devant l'inefficacité de celles-ci, avez-vous une solution alternative pour répondre au problème de la sécurité, que les Français placent au premier rang de leurs préoccupations ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud. La démission !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser M. le ministre d'État, empêché. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Guy Fischer. Quel mépris pour le Parlement !

Plusieurs sénateurs socialistes. Il a la migraine !

M. le président. Mes chers collègues, un peu de silence !

M. Henri Cuq, ministre délégué. Je me permets tout de même de rappeler qu'il est très souvent présent au Sénat. (Exclamations dubitatives sur les mêmes travées.)

Je répondrai à votre question avec une certaine gourmandise.

À la fin de votre intervention, vous accusez le Gouvernement d'avoir choisi le « tout-répressif ». Je vous signale simplement que, pour les deux années passées et les quatre années à venir, plus de 35 milliards d'euros sont affectés à la rénovation urbaine.

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est vrai !

M. Henri Cuq, ministre délégué. Lorsque j'étais député, la ville des Mureaux faisait partie de ma circonscription. Son maire, qui ne partage pas mes convictions politiques, mais avec qui j'entretiens les meilleures relations républicaines, m'a dit qu'il n'avait jamais eu autant d'argent pour financer ses projets de rénovation urbaine. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UC-UDF. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Catherine Tasca. Il ne disait pas ça il y a trois semaines !

M. Didier Boulaud. Tout le monde n'est pas logé à la même enseigne !

M. Henri Cuq, ministre délégué. Dans ce domaine sensible, il faut dire la vérité. C'est vrai que l'intervention directe des policiers contre les délinquants provoque des réactions.

Mme Catherine Tasca. Surtout devant les caméras de télévision !

M. Didier Boulaud. C'est l'ORTF !

M. Henri Cuq, ministre délégué. Mais c'est parce que, à l'inverse de la politique que vous avez soutenue, la police va aujourd'hui dans tous les quartiers (Exclamations sur les travées du groupe socialiste)...

M. Didier Boulaud. C'est faux ! Ils ont peur ! La police va dans le XVIe arrondissement et à Neuilly !

M. Henri Cuq, ministre délégué. ...afin d'assurer la sécurité des personnes et des biens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Marc Todeschini. Et la police de proximité ?

M. Henri Cuq, ministre délégué. Au lieu de nous invectiver, je préférerais que, sur toutes les travées de la Haute Assemblée, un hommage légitime soit rendu au courage et à la détermination des policiers, qui, de jour comme de nuit, assurent une mission au service de nos concitoyens. Ils le méritent. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Bernard Seillier applaudit également.)

Je tiens à le souligner, lors des événements de novembre dernier, période pendant laquelle la violence a souvent été indescriptible, nous n'avons dénombré aucun mort.

Mme Éliane Assassi. Il y avait eu deux morts auparavant !

M. Henri Cuq, ministre délégué. Car les policiers ont su faire preuve de retenue, de sang-froid et de professionnalisme.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Jean-Marc Todeschini. Ils ne sont pas en cause !

M. Henri Cuq, ministre délégué. Là aussi, je pense que nous pouvons leur rendre hommage. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Nous avons su allier le rétablissement du maintien de l'ordre et les interpellations, puisque 1 328 personnes ont été écrouées.

M. le président. Il vous faut conclure, monsieur le ministre !

M. Henri Cuq, ministre délégué. Je termine, monsieur le président.

Vous avez également parlé d'une augmentation de la délinquance, monsieur le sénateur. Il est vrai que, de 1998 à 2002, la délinquance a crû de 15 %. (Eh oui ! sur les travées de l'UMP.) Depuis 2002, elle a diminué de 9 % ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud. Trucage ! On ne peut plus porter plainte !

M. Jean-Marc Todeschini. Et les agressions de personnes ?

M. Henri Cuq, ministre délégué. Le Gouvernement n'a donc pas de leçons à recevoir dans ce domaine. Il agit comme il doit le faire : il rétablit l'ordre dans les quartiers avec professionnalisme et sérénité tout en alliant autant que faire se peut prévention et rétablissement légitime du maintien de l'ordre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UC-UDF. - M. Bernard Seillier applaudit également.)

M. Didier Boulaud. Truqueurs !

décharge horaire des enseignants

M. le président. La parole est à M. Henri de Richemont. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Henri de Richemont. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. Paul Raoult. Lisez-la correctement ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud. Attention aux virgules ! (Nouveaux rires sur les mêmes travées.)

M. Henri de Richemont. Monsieur le ministre, un projet de décret de votre ministère, qui a été transmis aux organisations syndicales, vise à limiter le nombre d'enseignants bénéficiant de décharges horaires.

Je le rappelle, les décharges horaires permettent aux professeurs d'être déchargés (Applaudissements ironiques sur les travées du groupe socialiste)...

Un sénateur socialiste. Quelle lapalissade !

M. Didier Boulaud. Il a dû apprendre à lire avec la méthode globale !

M. Henri de Richemont. ...d'une partie de leurs obligations horaires afin de pouvoir faire autre chose.

Un audit de l'inspection générale de l'éducation nationale et de l'inspection générale des finances a évalué le nombre de ces décharges à 23 000 postes équivalents temps plein, soit 1,65 milliard d'euros.

Les décrets régissant ce sujet datent de 1950. Ils peuvent donc être considérés comme obsolètes.

La question que j'aborde avait déjà été soulevée par notre collègue M. Gouteyron et elle avait également fait l'objet d'un rapport de la Cour des comptes.

Bien entendu, il ne s'agit pas de supprimer l'ensemble de ces décharges, il s'agit de les rationaliser. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)

Je tiens à saluer l'action que vous conduisez...

M. Didier Boulaud. Surtout dans le domaine de la lecture ! (Sourires sur les mêmes travées.)

M. Henri de Richemont. Je constate que vous m'approuvez, mes chers collègues !

M. Henri de Richemont.  Je tiens à saluer l'action que vous conduisez, disais-je, pour préserver un enseignement de qualité tout en cherchant à maîtriser les dépenses.

Monsieur le ministre, ma question est simple.

M. Jean-Marc Todeschini. Elle est surtout téléphonée !

M. Henri de Richemont. Vous allez bien entendu attendre le résultat de la concertation menée avec les syndicats d'enseignants, mais pourriez-vous d'ores et déjà nous indiquer les premières pistes de réforme envisagées ? Dans quelle proportion sera-t-il possible de réduire les décharges et quelles économies y correspondraient-elles ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le double audit réalisé par l'inspection générale de l'éducation nationale et par l'inspection générale des finances montre bien que 28 000 postes équivalents temps plein - 23 000 à 24 000 dans le public et 4 000 à 5 000 dans le privé - correspondent à des décharges. Il s'agit là d'un fantastique gisement pour l'éducation nationale.

Je propose trois mesures.

Premièrement, un décret de 1950 ayant trait au baccalauréat permettait à tous les professeurs enseignant six heures dans une classe de première ou de terminale d'être déchargés d'une heure. Depuis 1964, le baccalauréat se déroule en une seule partie.

M. Didier Boulaud. C'est faux ! Il y a notamment une épreuve de français en classe de première !

M. Gilles de Robien, ministre. Aussi, le projet de décret prévoit désormais d'accorder une heure de réduction de service aux seuls professeurs des classes de première et de terminale enseignant dans une discipline qui fait l'objet d'une épreuve obligatoire au baccalauréat. C'est logique !

Deuxièmement, comme vous l'avez dit, monsieur le sénateur, les autres décharges doivent être adaptées aux conditions modernes d'enseignement.

Par exemple, les technologies de l'information et de la communication, les TIC, font actuellement l'objet d'études approfondies pour que l'on puisse se rendre compte s'il y a lieu ou non d'accorder des décharges.

La troisième mesure concerne le sport, monsieur le sénateur. Les décharges destinées au sport scolaire seront conditionnées à l'exercice effectif de ces activités.

Ainsi, nous pouvons dégager 3 000 équivalents temps pleins qui sont remis devant les élèves, ce qui permet à la France d'avoir l'un des meilleurs, sinon le meilleur, taux d'encadrement de toute l'Europe : un professeur pour vingt-quatre élèves. Ce n'est pas le Gouvernement qui le dit, c'est l'OCDE et tous les audits !

Vous le voyez, monsieur le sénateur, j'essaie tout simplement de faire en sorte que, dans un esprit d'équité républicaine, chaque euro du contribuable soit bien utilisé à la réussite des élèves. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.  - M. Bernard Seillier applaudit également.)

gdf

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Roland Courteau. Nous souhaitons que ce qui se trame avec la privatisation de GDF soit parfaitement connu des Français,...

M. Josselin de Rohan. On ne parle que de ça !

M. Roland Courteau. ...car, en fait, toute la stratégie du Gouvernement sur ce sujet pourrait se résumer à la question suivante : Comment privatiser GDF sans en avoir l'air et tout en parlant d'autre chose ? (Applaudissements sur les mêmes travées.)

M. Roland Courteau. Or les Français doivent savoir que rien ne sera plus comme avant, notamment en ce qui concerne les prix du gaz puisque ces derniers dépendront surtout de l'intérêt financier, d'actionnaires privés.

Au-delà du profond désordre qui règne sur ce dossier et qui a été mis en lumière par l'irruption de M. François Pinault et les exigences de l'Europe, je reprendrai volontiers les propos de notre ami Daniel Raoul : « ce projet est irrecevable, inacceptable, irresponsable » et même « immoral » (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.  -  Protestations sur les travées de l'UMP.)

D'abord, il est irrecevable, car la privatisation de GDF pose de lourdes questions juridiques au regard de la Constitution. Nous saisirons, d'ailleurs, si nécessaire et en temps opportun, le Conseil constitutionnel.

Ensuite, ce projet de loi est inacceptable. Il est en effet dangereux, car il remet en cause notre service public de l'énergie, lequel a largement démontré son efficacité en matière de sécurité d'approvisionnement, de péréquation tarifaire et de prix abordables.

Oui, il est inacceptable, car la morale ne s'y retrouve pas ! Je pense au reniement du Gouvernement à la suite des engagements de M. Sarkozy ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Roland Courteau. Je pense également au plan de distribution des stock-options d'ores et déjà préparé par certains dirigeants avec empressement et gourmandise.

Enfin, ce projet est irresponsable. En effet, comment assurer la sécurité énergétique de la France en commençant par abandonner à un groupe privé l'ensemble des infrastructures lourdes qui en sont les outils ?

M. Alain Vasselle. La question !

Mme Christiane Hummel. C'est une déclaration, pas une question !

M. Roland Courteau. Oui, ce projet est dangereux, car nul ne sait qu'elle sera en définitive la décision de Bruxelles ou celle qui sera prise par l'assemblée des actionnaires !

M. Alain Vasselle. Ce n'est pas Bruxelles, c'est Paris !

M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Courteau !

M. Roland Courteau. Oui, monsieur le président.

Au final, on pourrait se retrouver avec GDF privatisé et sans projet industriel, et facilement opéable.

En somme, c'est au nom du patriotisme économique que le Gouvernement demandait au Parlement de privatiser GDF, afin de porter secours à une entreprise privée. C'est au nom de ce même patriotisme qu'au final nous pourrions nous retrouver avec une entreprise française susceptible de passer sous le contrôle d'un groupe étranger !

M. le président. Posez votre question, mon cher collègue !

M. Roland Courteau. Devant de tels désordres et face à de tels dangers pour les Français, allez-vous enfin, monsieur le ministre, retirer ce funeste projet ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Didier Boulaud. C'est un véritable réquisitoire !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur Courteau, je suis très heureux de pouvoir continuer, à l'occasion de cette séance de questions d'actualité au Gouvernement, le débat permanent que nous avons depuis plusieurs jours. (Sourires.)

Manifestement, je ne vous ai pas encore complètement converti (Rires sur les travées du groupe socialiste)...

M. Jean-Marc Todeschini. Pas plus que les Français !

M. Didier Boulaud. Il faudrait que vous soyez convaincu vous-même !

M. François Loos, ministre délégué. ...à ce très beau projet industriel, qui nous a été présenté au début de l'année et dont nous avons largement discuté avec les organisations syndicales. Ce projet, s'il se concrétisait, aurait la vertu de créer une entreprise à partir de Gaz de France et de Suez qui disposerait d'un grand parc énergétique très diversifié, qui serait le leader européen du gaz, le leader mondial du gaz naturel liquéfié, et qui serait même le cinquième producteur européen d'électricité !

MM. Jean-Marc Todeschini et Didier Boulaud. Arcelor !

M. François Loos, ministre délégué. Vous avez peur que ce projet ne remette en question les obligations de service public.

Or ces obligations de service public sont inscrites dans les lois de 2000,...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elle n'est plus appliquée, la loi de 2000 ! C'est de la rigolade !

M. François Loos, ministre délégué. ...2003, 2004 et 2005, et nous en ajoutons encore dans le projet de loi relatif au secteur de l'énergie !

M. Jean-Marc Todeschini. Vous n'y croyez pas vous-même !

M. François Loos, ministre délégué. Nous ajoutons notamment, ce qui est absolument indispensable, le maintien des tarifs régulés, qui permet effectivement à tous les consommateurs de pouvoir bénéficier de bonnes conditions, au-delà de la date limite de transposition de la directive européenne d'ouverture des marchés.

M. Didier Boulaud. Allez leur dire !

M. François Loos, ministre délégué. Par-delà le service public, l'État maintien une minorité de blocage, ce qui nous permet d'être décideurs sur tous les investissements stratégiques.

M. Jean-Marc Todeschini. Ce sont des paroles !

M. François Loos, ministre délégué. Par ailleurs, nous obtenons - avec l'accord de Bruxelles - une action spécifique, qui nous permet de maintenir toute décision au niveau de l'État pour ce qui concerne les ports méthaniers, les équipements de transport, les stockages souterrains, c'est-à-dire pour tout ce qui est vraiment fondamental afin de garantir une politique de sécurité d'approvisionnement dans notre pays.

Monsieur le sénateur, j'ai encore quelques jours pour vous convaincre, je vais continuer ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - M. Bernard Seillier applaudit également.)

M. Didier Boulaud. Vous n'y croyez pas vous-même : comment voulez-vous nous convaincre ?

restructuration d'Airbus

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois.

M. Daniel Dubois. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et concerne le groupe EADS.

Vous ne l'ignorez pas, monsieur le ministre, mon département, la Somme, a un établissement Airbus à Méaulte, qui construit et réalise les pointes avant de tous les avions de la gamme Airbus.

Cet établissement s'appuie, bien entendu, sur le savoir-faire de ses salariés et sur une filière de formation qui intègre les établissements scolaires, les établissements de l'enseignement supérieur, l'université.

Évidemment, depuis l'annonce du plan « power 8 » par le groupe EADS, il règne une grande inquiétude parmi le personnel. Vous comprendrez, monsieur le ministre, que tous les élus du département soient mobilisés auprès d'eux.

Je tiens à vous le dire très clairement : cette entreprise est la troisième entreprise du département de la Somme.

Or ce département a été profondément touché par la crise qui a frappé la mécanique et par la crise du textile. Il connaît encore aujourd'hui un taux de chômage légèrement supérieur à la moyenne nationale.

Cela justifie l'inquiétude à la fois des salariés, des collectivités, des politiques et, bien entendu, des 3 000 familles qui sont directement concernées par cette éventuelle réforme stratégique.

Alors que l'État est présent à hauteur de 15 % dans le capital de ce groupe, je souhaite connaître, monsieur le ministre, la position du Gouvernement et les actions qu'il pourrait engager à la fois sur le maintien de l'établissement de Méaulte dans la société Airbus à court et à moyen terme dans le cadre du fameux plan power 8, sur la politique d'investissement et de formation sur ce site dans les nouveaux matériaux composites, gages de la pérennité dans le cadre des futurs programmes, notamment de l'A350, et, enfin, sur la coopération intergouvernementale pour permettre à cette entreprise de surmonter ses difficultés nées du retard de l'A380.

Monsieur le ministre, nous ne comprendrions pas que le Gouvernement, qui nous a accompagnés pour améliorer l'environnement économique de ce site, ne soit pas à nos côtés dans le cadre du soutien à cette entreprise. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. Didier Boulaud. Il n'y a pas de gouvernement ! C'est un gouvernement fantoche !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, je sais l'intérêt que vous portez au site de Méaulte et, je tiens à vous le dire sans détour, le Gouvernement partage votre souci.

S'agissant de ce site, mais d'une façon plus générale en ce qui concerne les entreprises Airbus et EADS, vous le savez, une situation difficile est apparue à la suite de retards - qui ont été identifiés et qui sont maintenant bien circonscrits - dans la production du plus gros porteur du monde, l'A380.

Un plan a été mis en oeuvre, vous y avez fait référence, il s'appelle « power 8 » ou « Énergie 8 ». Ce plan a été accepté par l'ensemble des conseils d'administration d'Airbus et d'EADS. Il est maintenant mis en oeuvre par M. Louis Gallois.

La bonne nouvelle, point auquel le Gouvernement a été très attentif, et même attaché, c'est que désormais la même personne, M. Louis Gallois, conformément, d'ailleurs, au souhait du Gouvernement longtemps et souvent exprimé par ma voix, est à la fois coprésident d'EADS et président-directeur général d'Airbus.

Nous avons donc désormais simplifié la ligne de commandement d'Airbus et d'EADS.

Mme Hélène Luc. Il parlait quand même d'un plan social, Gallois !

M. Thierry Breton, ministre. Dorénavant, M. Louis Gallois dispose de l'ensemble des moyens pour mener à bien ce projet.

Il l'a indiqué très clairement, et le Gouvernement, évidemment le soutient : ce plan sera mis en oeuvre sans délai, en étroite concertation avec l'ensemble des parties prenantes.

Les parties prenantes, ce sont d'abord les collectivités locales. J'en ai beaucoup parlé, du reste, avec mon collègue Gilles de Robien, et Louis Gallois nous a dit qu'il se rendrait très prochainement dans la Somme afin de visiter le site.

Bien entendu, à la demande de Gilles de Robien, il recevra l'ensemble des élus - vous serez convié, monsieur le sénateur -, pour les associer de façon très claire à ce projet.

M. Didier Boulaud. Ce sera l'occasion d'organiser une garden-party !

M. Thierry Breton, ministre. Aucune décision n'est prise dans l'immédiat. La décision ne sera pas prise avant plusieurs mois, après une large concertation.

M. Louis Gallois a indiqué qu'il voulait évidemment préserver l'intégralité des forces vives, et donc les salariés de l'entreprise et leur savoir-faire. Il faudra cependant mettre en oeuvre un plan, qui se déroulera sur plusieurs années.

Je veux vous le dire très clairement : le Gouvernement joue pleinement son rôle, celui d'actionnaire de la SOGEAD, laquelle est actionnaire d'EADS, elle-même actionnaire d'Airbus.

C'est le pacte d'actionnaires qui a été voulu par M. Strauss-kahn, puis par M. Fabius. C'est notre héritage ! Nous n'avons aucun droit dans ce pacte, sauf celui d'exercer un droit de veto sur les nominations.

Cependant croyez bien que, au-delà de ce pouvoir qui a été limité, nous jouons pleinement notre rôle pour accompagner la restructuration et l'accompagnement de l'industrie aéronautique dans notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - M. Bernard Seillier applaudit également.)

situation de l'hôpital public

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer. (M. Robert Hue applaudit.)

M. Guy Fischer. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

M. Alain Vasselle. Il est là !

M. Guy Fischer. Elle concerne la charge insupportable qui pèsera une nouvelle fois sur les assurés sociaux, comme l'annonce le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Celui-ci accentue la maîtrise comptable des dépenses, au détriment des ménages et des retraités, qui vont débourser plus encore, alors même que vous augmentez de façon éhontée les allégements de charges pour les entreprises. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Aujourd'hui même, la Haute autorité de santé encourage le Gouvernement à dérembourser une nouvelle série de médicaments.

M. Robert Hue. Absolument !

M. Guy Fischer. Alors qu'aucune politique claire et courageuse en matière de médicaments n'est décidée, ces déremboursements massifs vont conduire tout simplement à une hausse de la charge contributive des assurés sociaux.

Ces médicaments bientôt déremboursés sont considérés comme rendant un service médical insuffisant. Pourquoi alors maintenir leur mise sur le marché ? Pourquoi autoriser qu'ils soient encore prescrits par les médecins ?

La hausse de TVA sur ces médicaments, puisque le taux qui leur est appliqué va passer de 2,1 % à 5,5 %, est un moyen peu avouable d'augmenter les recettes fiscales de l'État, alors que le grand gagnant d'une telle opération sera en bout de ligne, une fois encore, l'industrie pharmaceutique !

M. Robert Hue. Absolument !

M. Guy Fischer. Votre politique en matière de santé, monsieur le ministre, favorise largement les entreprises et services privés.

L'étranglement de l'hôpital public en offre malheureusement une bonne illustration.

Depuis plusieurs mois, déjà, les directeurs des hôpitaux publics et la Fédération hospitalière de France, la FHF, s'alarment devant un budget qui, pour l'année 2007, ne devrait pas progresser de plus de 3,5 %.

Selon une enquête de la FHF, 309 établissements hospitaliers sur 476, dont 26 CHU sur 29, se déclarent en situation de déficit.

M. Didier Boulaud. C'est exact !

M. Guy Fischer. On parle de nouvelles menaces de compression du personnel.

M. Alain Vasselle. À cause des 35 heures !

M. Guy Fischer. Ni les agents hospitaliers, ni les médecins, ni les Français ne souhaitent la disparition d'un service public de santé. Tous témoignent de leur attachement au principe de solidarité et d'égalité devant la santé.

M. Didier Boulaud. C'est mal parti !

M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, ma question est double.

Quand comptez-vous remettre à niveau les budgets des établissements publics de santé ?

M. Robert Hue. Très bien !

M. Guy Fischer. Quelle attitude le Gouvernement va-t-il adopter envers le scandaleux projet d'un organisme d'assurance privée abusant du titre de mutuelle tendant à mettre en place un « bonus-malus » en matière de santé ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est scandaleux ! Ce serait le comble !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur Fischer, que de questions en une seule !

M. Jean-Pierre Bel. On n'a plus le droit de s'exprimer !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Nous n'allons pas pouvoir toutes les traiter au cours de cette séance de questions d'actualité,...

M. Ivan Renar. Alors, au fait !

M. Philippe Bas, ministre délégué. ...mais, rassurez-vous, le projet de loi de financement de la sécurité sociale va bientôt venir en discussion devant la Haute Assemblée.

Permettez-moi simplement de dire que, lorsque nous réduisons le déficit - il s'élevait à 16 milliards d'euros avant la réforme, nous le ramènerons l'an prochain à moins de 4 milliards d'euros -, nous rendons service aux Français (Protestations sur les travées du groupe CRC)...

M. Yannick Bodin. Tu parles !

M. François Autain. Les chiffres sont truqués !

M. Philippe Bas, ministre délégué. ...en permettant que soit maintenu dans notre pays le haut niveau de protection sociale...

M. Philippe Bas, ministre délégué. ...que nous avons atteint et auquel ils tiennent par dessus tout et à juste raison.

Le taux de couverture des dépenses de santé par l'assurance maladie est aujourd'hui un peu plus élevé qu'il y a dix ans : il se situe à près de 80 % des dépenses de santé, 77 % exactement. Nous veillons à maintenir ce haut niveau de couverture.

Quant à l'hôpital, monsieur le sénateur, vous vous souvenez certainement qu'en 2002 il était dans une situation critique (Exclamations sur les travées du groupe CRC. - M. Didier Boulaud s'esclaffe.)

M. Guy Fischer. C'est toujours le cas aujourd'hui !

M. Philippe Bas, ministre délégué. En effet, l'introduction à marche forcée des 35 heures, sans aucune réorganisation, l'avait mis à genoux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Yannick Bodin. Alors, pourquoi ne les avez-vous pas supprimées ?

M. Ivan Renar. Il faut créer des postes !

M. Philippe Bas, ministre délégué. À cette époque, les investissements annuels consentis pour rénover nos hôpitaux s'élevaient à 2,5 milliards d'euros. Ils ont atteint, cette année, 5,2 milliards d'euros, soit plus du double !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Personne ne vous croit !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Nous mettons en oeuvre une réforme sans précédent de l'hôpital : la tarification à l'activité pour une tarification plus juste, la nouvelle gouvernance qui donne plus de responsabilités...

Mme Hélène Luc. Et avec quoi ?

M. Philippe Bas, ministre délégué. ...aux médecins.

Par ailleurs, les nouveaux schémas régionaux d'organisation sanitaire...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les dépassements d'honoraires, les assurances !

M. Philippe Bas, ministre délégué. ...nous permettent aujourd'hui de répartir nos moyens en fonction d'une carte hospitalière amplement concertée.

Voilà ce que nous faisons pour l'hôpital !

M. Philippe Bas, ministre délégué. L'année prochaine,...

Un sénateur socialiste. Vous ne serez plus là !

M. Philippe Bas, ministre délégué. ...les budgets hospitaliers croîtront de 3,5 %, soit plus que la moyenne des dépenses de santé. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mesdames et messieurs de la gauche, si vous pouviez vous prévaloir d'un bilan aussi favorable, vous auriez aujourd'hui toute légitimité à poser de telles questions ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu sur les médicaments !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui peut le croire ?

M. Didier Boulaud. Ce n'est pas joli, tout cela !

scandale des ASSEDIC

M. le président. La parole est à M. Jean-François Humbert. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-François Humbert. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.

Monsieur le ministre, la mission d'information parlementaire chargée d'évaluer les moyens de contrôle de l'UNEDIC, présidée par M. Dominique Tian, a prévu de remettre son rapport en décembre prochain. Mais, voilà deux jours, la presse a révélé, certes à l'insu de la mission, quelques informations et chiffres stupéfiants sur les fraudes aux allocations de chômage, chiffres qui ont cependant été démentis hier par l'UNEDIC.

Actuellement, comme l'a rappelé M. Dominique Tian, la justice est déjà saisie de dix-neuf affaires, concernant environ 6 400 « chômeurs » et pour un préjudice de plusieurs dizaines de millions d'euros !

En 2004, pas moins de 10 000 fraudeurs aux organismes de protection sociale ont été recensés par l'URSSAF de Paris, c'est-à-dire en Île-de-France.

On apprend, par exemple, que dix personnes gèrent 414 sociétés, qu'un coiffeur du XXe arrondissement a employé 200 salariés - c'est sans doute ce qui s'appelle « mettre en coupe réglée » le système ! (Sourires.)

M. Didier Boulaud. Et Forgeard !

M. Jean-François Humbert. Bien plus, les faux chômeurs bénéficient, avec de faux papiers et de fausses attestations, de prestations sociales diverses.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n'y a que des fraudeurs !

M. Jean-François Humbert. C'est tout un système mafieux qui est cerné, une industrie du vol qui s'applique à piller ces régimes d'indemnisation.

M. Yannick Bodin. Et les stock-options ?

Mme Catherine Tasca. Les faux électeurs ?

M. Paul Raoult. Et le patron de Carrefour ?

M. Jean-François Humbert. Monsieur le ministre, concernant l'assurance chômage, comment se donner les moyens de contrer ces dérives inquiétantes ?

Quelles sont les actions déjà entreprises ? Pouvez-vous nous apporter plus d'éléments sur ce dossier ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sus aux fraudeurs !

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le sénateur, les fraudes, qu'elles concernent l'assurance chômage ou qu'elles interviennent dans le cadre...

M. Yannick Bodin. Et les délits d'initiés ?

M. Didier Boulaud. Allez voir les écuries de Forgeard !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. ...du travail illégal, préoccupent le Gouvernement.

Cependant, il importe de faire la part des choses : il n'y a pas en chaque chômeur un fraudeur potentiel.

M. Charles Revet. Bien sûr !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, pas possible !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Tel est l'esprit et la détermination qui nous guident.

M. Didier Boulaud. Nous voilà rassurés !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. La fraude est souvent le fait de réseaux organisés, parfois transnationaux, qui mettent en jeu des sociétés écrans.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Que fait la police !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. C'est pourquoi nous avons créé, en 2005, l'Office central de lutte contre le travail illégal et avons commencé, avec l'UNEDIC et d'autres organismes sociaux, à mettre en place un certain nombre de dispositifs.

Ces fraudes qui sont détectées aujourd'hui sont aussi la preuve que le renforcement des contrôles, notamment à travers un croisement d'informations, nous permet de mieux maîtriser ce phénomène. La fraude porte atteinte à la solidarité interprofessionnelle et à la solidarité nationale, et met en péril notre modèle social. C'est pourquoi notre détermination est totale.

Vous m'interrogez sur les actions déjà entreprises et sur les mesures qui vont être prises.

Tout d'abord, le croisement des fichiers entre les entreprises de travail temporaire et la caisse nationale d'assurance maladie a été mis en place.

Ensuite, le traitement des dossiers ASSEDIC est maintenant centralisé depuis un peu plus d'un an, ce qui nous a d'ailleurs permis de détecter des doubles, des triples, voire des quadruples inscriptions.

En outre, le décret est pris, au 1er janvier 2007, les employeurs devront fournir les données nominatives et précises sur les périodes travaillées dans les déclarations d'assurance chômage.

Enfin, la coopération entre les organismes de sécurité sociale et les autres organismes a été renforcée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale dès 2006.

Il nous reste à mieux articuler les URSSAF et les ASSEDIC, nous y travaillons.

Afin d'illustrer les effets de la lutte que nous menons contre le travail illégal, j'ajouterai simplement que, pour la seule année dernière, nous avons procédé à 60 000 contrôles et que les sommes recouvrées en deux ans ont augmenté de 42 %.

Je vous assure donc de la totale détermination du Gouvernement, car l'avenir de notre modèle social est en jeu et parce que nous devons la transparence à ceux qui, grâce aux cotisations qu'ils versent, permettent cette solidarité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - M. Bernard Seillier applaudit également.)

EADS

M. le président. La parole est à M. Bertrand Auban.

M. Bertrand Auban. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Plusieurs sénateurs socialistes. Il n'est pas là !

M. Bertrand Auban. Airbus commence à mettre en oeuvre un vaste plan d'économies, appelé « Énergie 8 », pour économiser 2 milliards d'euros par an à partir de 2010, fondé sur une baisse des frais de fonctionnement de 30 % et une augmentation de la productivité de 20 % en quatre ans.

Tous les sites industriels risquent d'être touchés par une baisse d'effectifs. De nombreux sous-traitants et équipementiers risquent d'être soumis à des exigences accrues en termes de coûts ou à des baisses de charge de travail.

Cette situation inquiète les salariés, les sous-traitants, les équipementiers et les collectivités locales des zones d'implantation : Toulouse, Nantes, Saint-Nazaire, Méaulte. Dans ma région, en Midi-Pyrénées, l'industrie aéronautique représente 66 000 emplois directs et indirects.

EADS et Airbus ne sont pas une simple entreprise parmi d'autres. EADS est née de la volonté des gouvernements européens et surtout français de construire une entreprise aéronautique à taille mondiale, devenue la première de ce secteur. Elle est le fleuron de la coopération industrielle européenne et l'image du dynamisme, de l'innovation et de la réussite dont sont capables les pays européens quand ils s'unissent. Malgré ses déboires passagers, l'A380 reste une réussite technologique inégalée.

Mais dans la période récente, EADS et Airbus ont connu d'importantes difficultés et défrayé la chronique de façon négative et dommageable, qu'il s'agisse de la SOGERMA, de l'origine de l'affaire Clearstream,...

M. Didier Boulaud. De M. Forgeard !

M. Bertrand Auban. ...de l'implication du chef de l'État dans une bataille interne pour imposer son candidat à la direction du groupe, avec les conséquences désastreuses que l'on a vécues en matière de stock-options !

M. Bertrand Auban. S'y ajoutent les annonces successives de retards de livraisons de l'A380, de difficultés sur d'autres programmes, en particulier l'A350, puis l'annonce du plan d'économies d'un nouveau président suivie de sa démission quasi immédiate. Le nouveau président, M. Gallois, reprend toutefois intégralement le plan Énergie 8.

Nous sommes nombreux à nous inquiéter de l'incapacité manifestée par l'État français, que représente le gouvernement de M. de Villepin, à remplir réellement ses responsabilités d'actionnaire important, à hauteur de 15 %, du groupe EADS.

Le Gouvernement n'a manifestement pas anticipé cette situation et il ne réagit pas à la hauteur de la gravité du problème. Vous vous êtes borné, monsieur le ministre, à vous dire satisfait du plan d'économies, sans égard pour les répercussions sur l'emploi et l'activité économique.

« L'industrie ne se fait pas dans l'abstrait », déclarait avec justesse M. Gallois le 18 octobre, ajoutant que le contexte politique, social et géographique devait être pris en compte.

M. le président. Posez votre question, monsieur Auban !

M. Bertrand Auban. J'y viens, monsieur le président.

M. le Premier ministre compte-t-il enfin faire jouer au Gouvernement son rôle d'actionnaire majeur d'EADS ? Va-t-il continuer à accepter que la réorganisation de la production se fasse au détriment de l'emploi ? Quelles mesures compte-t-il prendre pour que les centaines d'entreprises sous-traitantes ne soient pas étranglées par le plan d'économies d'Airbus ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Auban, le sujet dont vous venez de parler est...

M. Thierry Breton, ministre. ...important. C'est un sujet d'intérêt général, sur lequel il est nécessaire de réunir tous les Français.

En effet, Airbus est une entreprise européenne, à laquelle la France a très largement contribué, ainsi que l'Allemagne du reste, mais également la Grande-Bretagne et l'Espagne.

Sur un tel sujet, on peut bien sûr polémiquer,...

Mme Catherine Tasca. Vous le faites sans arrêt !

Mme Hélène Luc. Ce n'est pas une polémique, c'est une question ! Nous voulons obtenir des explications !

M. Thierry Breton, ministre. ...on peut faire de la politique politicienne. Ce n'est pas mon genre. Mais puisque vous m'y invitez, je vais vous dire les choses comme elles doivent être dites.

Le Gouvernement a joué tout son rôle et continuera à le jouer, dans le cadre qui a été élaboré par trois personnes.

M. Guy Fischer. M. Lagardère !

M. Thierry Breton, ministre. Je dis bien trois personnes et non quatre. Je sais qu'en ce moment, quand on cite le chiffre trois, chez les socialistes, on pense à trois personnes en particulier. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Didier Boulaud. C'est nul !

M. Yannick Bodin. C'est Zéro !

M. Thierry Breton, ministre. Sur les trois auxquelles on pense, il y en avait deux.

M. Didier Boulaud. Chirac, Villepin et Sarkozy, ça fait trois !

M. Thierry Breton, ministre. À l'origine de ce pacte, il y avait d'abord M. Strauss-Kahn ; ensuite, M. Fabius l'a finalisé sous la direction de l'homme d'État qu'est M. Jospin. Voilà les trois personnes qui ont bouclé le pacte dans lequel l'État français n'est pas actionnaire, contrairement à ce que vous affirmez, qu'il s'agisse d'EADS ou d'Airbus.

Ces trois personnes ont voulu cantonner l'État français dans une structure en amont pour lui « interdire » - c'est le terme qui figure dans le pacte - d'exercer le moindre pouvoir. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

M. Yannick Bodin. C'est du comique troupier !

M. Thierry Breton, ministre. C'est ce que ces trois personnes ont souhaité, en ce qui concerne tant la proposition que la nomination. Telle est la réalité !

M. Yannick Bodin. Et l'emploi ?

M. Thierry Breton, ministre. Ce pacte, vous l'avez constaté, est très contraignant, mais nous assumons l'héritage. Nous l'assumons avec force et avec détermination.

M. Didier Boulaud. Rendez-nous Gaymard !

M. Thierry Breton, ministre. C'est dans ce contexte que nous avons tout fait pour que M. Gallois, conformément à nos orientations, soit désormais coprésident d'EADS et président-directeur général d'Airbus. Il a donc en main tous les moyens pour faire en sorte que le plan soit mis en oeuvre dans le respect de l'environnement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Attention aux hommes providentiels !

M. Thierry Breton, ministre. J'ai vu que vous aviez fait un communiqué le 17 octobre. Nous ne vous avons pas attendu : le 16 octobre, mon excellent collègue Dominique Perben avait réuni l'ensemble des forces vives, des sous-traitants, pour parler avec eux du plan d'emplois.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle belle démonstration !

M. Thierry Breton, ministre. À la demande de M. Philippe Douste-Blazy, M. Gallois, lors de sa visite à Toulouse, a reçu les élus. Il continuera à le faire.

Mme Catherine Tasca. M. Gallois n'est pas membre du Gouvernement !

M. Thierry Breton, ministre. L'État, vous le savez, monsieur le sénateur, joue donc tout son rôle. Mais, de grâce, assumez votre part de l'héritage ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - M. Bernard Seillier applaudit également.)

M. Didier Boulaud. Cette réponse va faire un tabac à Toulouse !

Mme Hélène Luc. On n'a toujours pas eu d'explications !

durcissement des peines à l'encontre des auteurs de violences à l'égard des policiers

M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Christian Demuynck. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux.

M. Christian Demuynck. Il y a près d'un an, la France connaissait une vague de violences urbaines qui avait, hélas ! pour origine mon département, la Seine-Saint-Denis.

À l'heure de ce triste anniversaire, je voudrais tout d'abord dénoncer l'irresponsabilité de certains qui jouent les pyromanes. (Sarkozy ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud. Des noms !

M. Christian Demuynck. Je pense notamment à une forme de presse qui donne dans le sensationnel.

La société se complexifie...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle découverte !

M. Christian Demuynck. ...et chacun a le devoir de contribuer à l'apaisement en n'attisant pas les tensions et en ayant un comportement responsable.

M. Jacques Mahéas. Il faut le dire à Sarkozy !

M. Didier Boulaud. Et au préfet de Seine-Saint-Denis !

M. Christian Demuynck. Car, ne nous y trompons pas, la situation reste délicate.

M. Yannick Bodin. Que fait la police ?

M. Christian Demuynck. J'en veux pour preuve les heurts quotidiens entre certains délinquants et les forces de l'ordre. Le guet-apens d'Épinay-sur-Seine, où trois policiers de la brigade anti-criminalité ont été agressés par une trentaine d'individus, nous le rappelle amèrement.

Je profite d'ailleurs de l'occasion qui m'est offerte pour rendre hommage au préfet Jean-François Cordet, à l'ensemble du corps préfectoral et aux policiers de Seine-Saint-Denis, qui font un travail remarquable dans des conditions extrêmes. Nous devons les aider et les soutenir.

M. Jacques Mahéas. Il manque 500 policiers dans le département !

M. Christian Demuynck. À ce titre, la meilleure coordination des services de l'État dans la lutte contre la délinquance, qui est souhaitée par le Premier ministre, implique peut-être d'abord que notre police se sente soutenue par chacun d'entre nous, par la population et par la justice.

À la suite de cet acte d'une sauvagerie et d'une perversité malheureusement de moins en moins rares, le parquet de Bobigny a ouvert une information judiciaire pour tentative de meurtre aggravée avec préméditation.

Monsieur le garde des sceaux, que comptez-vous faire concrètement pour que, à l'instar de cette procédure, un durcissement systématique des sanctions soit mis en place à l'égard de ceux qui s'en prennent aux forces de l'ordre ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt Et que faites-vous de l'indépendance de la justice ? C'est incroyable !

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous êtes ô combien légitime pour poser une telle question et je suis sûr que toute la France se la pose également.

En effet, trois membres de la police ont été attendus par une bande organisée, armée et cagoulée.

M. Charles Revet. C'est scandaleux !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. L'un d'entre eux a eu une fracture de la mâchoire et les autres sont gravement blessés, avec plus de huit jours d'interruption temporaire de travail. Dans ces conditions, je me demande bien qui peut encore penser que nous pouvons rester sans réagir.

M. Jean-Pierre Sueur. En tout cas, pas nous !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Président de la République a souhaité que de telles bandes organisées et armées soient poursuivies avec la plus grande fermeté.

En outre, le Premier ministre m'a demandé de déposer un amendement au projet de loi relatif à la prévention de la délinquance tendant à créer une infraction spécifique de violence armée en bande organisée.

M. Jean-Pierre Sueur. Cela existe déjà !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Désormais, de telles violences seront passibles d'un quantum de peine non plus de dix ans, mais de quinze ans d'emprisonnement. Nous passerons, en termes de qualification, d'un délit à un crime.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est affligeant !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Dès lors, tous ceux qui oseront tendre des guets-apens aux forces de l'ordre sauront qu'ils pourront se retrouver devant une cour d'assises.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est ça ! On leur dira !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Nous espérons ainsi que la gravité de la menace judiciaire aura une valeur dissuasive.

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Par ailleurs, je souhaite également aggraver les sanctions en matière de rébellion, en faisant passer le quantum de peine applicable de six mois à un an d'emprisonnement : cette aggravation des peines permettra notamment d'appliquer aux mineurs ayant commis des faits de rébellion la nouvelle procédure de présentation immédiate que le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance tend à instituer.

M. Didier Boulaud. Fuite en avant !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est plus un droit pénal ; c'est un droit d'exception !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Cette mesure est d'ailleurs demandée par les forces de l'ordre.

Enfin, je souhaite que ceux qui appellent à l'émeute et qui incitent les habitants à s'opposer à l'action de la police puissent être sanctionnés d'une peine d'emprisonnement de deux mois, et non plus d'une simple peine d'amende, ce qui permettra de les placer en garde à vue.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comment peut-on dire cela ? C'est effrayant !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Telles sont les mesures de sévérité que nous proposerons dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Cela prouve...

M. Didier Boulaud. L'échec de votre politique !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. ...notre détermination et le soutien que la société française apporte aux forces de l'ordre dans certains quartiers qui deviennent insupportables parce que la loi de la République n'y est plus respectée.

M. Didier Boulaud. Cela fait plus quatre ans que vous êtes au pouvoir !

M. le président. Monsieur Boulaud, je vous en prie.

M. Didier Boulaud. Pourquoi ? Ce que je dis est vrai !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Enfin, dans les jours qui viennent, je donnerai des instructions d'une grande fermeté aux parquets généraux,...

M. Didier Boulaud. Depuis quatre ans, ils n'ont rien fait, à part parler !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. ...afin que ces jeunes en bandes organisées et armés soient poursuivis, présentés le plus vite possible à la juridiction de jugement et fassent l'objet de réquisitions de la plus grande fermeté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est scandaleux !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et il vous a fallu quatre ans pour ça !

M. Didier Boulaud. Quel aveu d'échec !

droits de l'homme en Russie

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Godefroy. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

Depuis 1991, Anna Politkovskaïa est la quarante-deuxième journaliste tuée en Russie. Dans son dernier livre, qui est intitulé La Russie selon Poutine, elle dénonçait non seulement les exactions en Tchétchénie, mais également la corruption et les attaques contre les droits de l'homme en Russie. Avant son assassinat, elle s'apprêtait à publier un article consacré à la torture en Tchétchénie, photos à l'appui.

C'est l'une des seules voix qui ait osé dénoncer les exactions commises par l'armée russe en Tchétchénie, ce pays qui disparaît. Dans le même temps, les pressions à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme se renforcent et la Russie continue d'empêcher la venue dans la région du rapporteur spécial de l'ONU sur la torture.

Jusqu'à présent, les États occidentaux ont fait preuve d'une indulgence coupable face à la situation actuelle en Russie et en Tchétchénie. Comme je vous le disais déjà au mois de mars 2005, à l'occasion d'une autre séance de questions d'actualité, après l'assassinat d'Aslan Maskhadov, qui était le président tchétchène légalement élu, aucune raison stratégique ou économique ne justifie ce silence persistant.

La condamnation unanime de l'assassinat d'Anna Politkovskaïa par la communauté internationale ne doit pas en rester au stade des vaines paroles, sauf à la tuer une seconde fois.

Monsieur le ministre, je vous poserai donc quatre questions.

D'abord, que comptent faire la France et l'Europe pour que l'enquête internationale indépendante sur cet assassinat, qui a été demandée par les organisations des droits de l'homme, soit menée jusqu'au bout dans la transparence ?

Ensuite, que comptent faire la France et l'Europe pour garantir la liberté de la presse et des défenseurs des droits de l'homme en Russie comme en Tchétchénie ?

Par ailleurs, que comptent faire la France et l'Europe pour mettre fin à la politique russe de torture et d'épuration en Tchétchénie ? À cet égard, je rappelle que, selon les estimations des ONG, la population est passée de 1 million à 500 000 habitants.

Monsieur le ministre, on ne peut tout à la fois reconnaître le génocide arménien de 1915 - je fais référence à la loi du 29 janvier 2001 - et fermer les yeux sur le drame tchétchène, laissant ainsi aux générations futures le soin de le dénoncer.

Enfin, que compte faire la France pour contraindre M. Poutine, qui a par ailleurs été élevé à la dignité de grand-croix de la Légion d'honneur par le Président de la République, à respecter les droits de l'homme, la liberté de la presse et la libre investigation des organismes internationaux habilités ?

Monsieur le ministre, le 20 octobre, c'est-à-dire demain, les vingt-cinq chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne rencontreront M. Poutine à Lahti, en Finlande. Avez-vous l'intention de saisir cette occasion pour aborder le sujet, ainsi que la situation en Géorgie, qui est inscrite à l'ordre du jour ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, je voudrais d'abord dire ici ma très vive émotion, qui, je le sais, est partagée sur toutes les travées de la Haute Assemblée, devant le lâche et horrible assassinat d'Anna Politkovskaïa.

En effet, au-delà de la journaliste courageuse qui n'a jamais eu peur de dire la vérité, y compris s'agissant de la Tchétchénie, c'est la liberté de la presse qui est remise en cause. Pourtant, il s'agit d'une valeur à laquelle tous les pays, même la Russie, doivent se montrer fidèles.

Au nom de la France, j'ai demandé, nous avons demandé aux autorités russes que toute la lumière soit faite sur l'assassinat d'Anna Politkovskaïa. Une enquête a été diligentée ; nous souhaitons qu'elle aboutisse le plus rapidement possible.

Afin de connaître la vérité, j'ai demandé à deux institutions européennes, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l'OSCE, et le Conseil de l'Europe, de nous apporter tout leur soutien.

En effet, l'OSCE a un mandat spécifique sur la liberté de la presse. Quant au Conseil de l'Europe, il a, via le Commissaire aux droits de l'homme, un mandat plus large, qui concerne l'état de droit.

Monsieur le sénateur, chaque fois que je me suis rendu en Russie ou que je me suis entretenu avec un représentant de ce pays, comme mon homologue M. Sergueï Lavrov, le ministre russe des affaires étrangères, j'ai toujours abordé la question des droits de l'homme en demandant que ceux-ci soient respectés.

Vous avez également évoqué la Georgie. De notre point de vue, les relations entre le Russie et ce pays sont aujourd'hui très préoccupantes. Nous demandons donc aux deux parties de reprendre le dialogue.

C'est pourquoi, la semaine dernière, au sein du Conseil de sécurité de l'ONU, nous avons voté la résolution 1716, qui tend à proroger la mission des Nations unies en Georgie et à réaffirmer l'attachement à la souveraineté, à l'indépendance et l'intégrité territoriale de ce pays. J'aurai d'ailleurs l'occasion de recevoir mon homologue géorgien le 10 novembre ou le 11 novembre au Quai d'Orsay.

Sachez, monsieur le sénateur, que la France ne trahira à aucun moment ses propres valeurs, qui sont le respect de la souveraineté des peuples, de l'identité et de l'indépendance nationales et de l'intégrité territoriale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

situation en Corée du Nord

M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski.

M. Ladislas Poniatowski. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

Lorsque la Corée du Nord a procédé à une explosion nucléaire souterraine il y a dix jours, la France, comme toute la communauté internationale, y compris la Chine, a condamné sévèrement cet acte grave. Depuis, nous ne retrouvons plus la même solidarité.

Après une semaine de négociations, le Conseil de sécurité des Nations unies a finalement adopté une résolution unanime, que je suis tenté de qualifier de « pas bien méchante ». La raison en est simple : elle a été rédigée par les États-Unis qui souhaitaient prendre des sanctions fermes, mais la Chine et la Russie ont veillé à ce que, en dépit de la fermeté du ton, elle ne constitue pas une menace pour leurs intérêts commerciaux en Corée du Nord.

Monsieur le ministre, tout le monde s'est, bien sûr, réjoui d'avoir adressé un avertissement ferme à Pyongyang. Mais était-ce vraiment un message de fermeté ?

La résolution exige d'abord que la Corée du Nord « abandonne toutes armes nucléaires et tous programmes nucléaires ». Déjà, en juillet dernier, à la suite de tirs de missiles, le Conseil de sécurité avait exigé l'arrêt de toute activité balistique. La réponse, nous l'avons malheureusement reçue le 9 octobre, avec cet essai nucléaire.

La résolution exige ensuite que Pyongyang s'abstienne de procéder à un nouvel essai nucléaire. Êtes-vous bien sûr, monsieur le ministre, que cela suffira à arrêter ces essais ? La réponse de la Corée du Nord, traitant cette résolution de « déclaration de guerre » et de « méthode de gangsters » est plutôt inquiétante.

Enfin, monsieur le ministre, la dernière rédaction de la résolution, si elle interdit bien la vente de missiles, de chars, de navires de guerre et d'avions de combat, ne comporte même plus l'embargo sur les armes classiques. Je crains donc que cet embargo ne soit mal engagé.

Seules des sanctions économiques et commerciales auraient pu être efficaces. Mais tout le monde sait que le peuple de Corée du Nord meurt de faim. Aussi, personne n'ose prendre des sanctions trop sévères.

Un signe positif est apparu depuis vingt-quatre heures, monsieur le ministre : il semblerait que Pyongyang accepte de revenir à la table des négociations. Quand cela se fera-t-il ? Et, si cela se fait, que peuvent exiger la France et l'Europe de la Corée du Nord ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'actualité internationale est dominée, depuis quelques semaines, par les deux atteintes très grave à la non-prolifération nucléaire que représentent les programmes nucléaires nord-coréen et iranien.

Dès l'annonce par la Corée du Nord d'un essai nucléaire, la semaine dernière, la communauté internationale, comme vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, a voulu réagir rapidement, fermement et unanimement. En effet, samedi dernier, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté à l'unanimité, avec la Chine, la résolution 1718.

Tout d'abord, cette résolution condamne l'essai nucléaire. Ensuite, elle s'inscrit dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations unies qui détermine un certain niveau de sanction. Enfin, elle exige le démantèlement du programme nucléaire, balistique et d'armes de destruction massive de la Corée du Nord. Elle ajoute que tous ceux qui soutiendraient extérieurement ce programme encourront des sanctions.

Je ferai trois remarques.

Premièrement, la Corée du Nord a, en effet, rejeté cette résolution, se plaçant totalement en marge de la communauté internationale.

Deuxièmement, vous avez fort justement posé la question, monsieur le sénateur : l'unanimité constatée lors l'adoption de la résolution 1718 persistera-t-elle lorsqu'il faudra appliquer la résolution ? C'est tout le problème du dialogue avec la Russie et, surtout, avec la Chine. Avec cette dernière puissance, nous avons tout intérêt à poursuivre le dialogue, car la perte de l'unanimité ôterait de la force aux sanctions ; tel est notre dilemme.

Troisièmement, il est évident que cette résolution est un message en direction de l'Iran, inutile de se le cacher. Or, l'Iran est en train de refuser tout ce que la communauté internationale lui propose. Le Président de la République, devant l'Assemblée générale des Nations unies à New York, a proposé une double suspension : suspension de l'enrichissement de l'uranium de la part de l'Iran, suspension des sanctions contre l'Iran de la part de la communauté internationale.

Même cette proposition équilibrée a fait l'objet d'un refus, exprimé par M. Laridjani, négociateur iranien, lors de sa rencontre avec à M. Solana, notre négociateur. Face à cette attitude, et à la suite du précédent nord-coréen, les membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies ont manifesté leur unanimité. Nous nous sommes retrouvés au niveau ministériel, le 6 octobre à Londres, avec la Russie et la Chine, pour définir, à l'égard de l'Iran des mesures proportionnées, réversibles, certes, mais dépendant de l'article 41 du chapitre VII de la Charte des Nations unies.

Il n'y a donc que la fermeté qui compte et, permettez-moi de le rappeler, l'unanimité de la communauté internationale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)