Article 26 bis A
Dossier législatif : projet de loi relatif à la prévention de la délinquance
Article 27

Article 26 bis B

I. - Après l'article 322-11 du code pénal, il est inséré un article 322-11-1 ainsi rédigé :

« Art. 322-11-1. - La détention ou le transport sans motif légitime de substances ou produits incendiaires ou explosifs permettant de commettre les infractions définies à l'article 322-6 ainsi que d'éléments ou substances destinés à entrer dans la composition de produits ou engins incendiaires ou explosifs est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende.

« Lorsque ce délit est commis en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, des infractions définies à l'article 322-6 ou d'atteintes aux personnes, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 € d'amende.

« Les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 500 000 € d'amende lorsque les faits mentionnés au deuxième alinéa sont commis en bande organisée. »

II. - Après le deuxième alinéa de l'article L. 2339-5 du code de la défense, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 500 000 € d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée. »

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 95 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 171 est présenté par MM. Peyronnet,  Godefroy,  Badinter,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Mahéas et  Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et  Domeizel, Mmes Demontès,  Jarraud-Vergnolle et  Le Texier, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Bockel,  Guérini,  Lagauche,  Madec,  Mélenchon,  Mermaz et  Ries, Mmes Tasca,  Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

  Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 95.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je serai brève, car je ne veux pas m'exposer aux propos de M. le garde des sceaux...

M. Jean-Pierre Sueur. Explosifs ! (Sourires.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ...à l'occasion de l'examen d'un article traitant des explosifs.

Il s'agit d'un texte de circonstance. Je veux néanmoins faire observer que nous assistons, une nouvelle fois, à une inflation pénale, particulièrement en matière d'amende.

Ainsi, les amendes sont portées à 15 000 euros pour la détention ou le transport sans motif légitime de substances ou produits incendiaires ou explosifs, à 75 000 euros si la personne en cause a l'intention d'utiliser ces matières et à 500 000 euros si les faits sont commis en bande organisée. Croyez-vous que le montant de ces amendes soit de nature dissuasive ? Je précise que nous sommes toujours dans le domaine de la prévention... Cela atteint des sommets !

Par ailleurs, cet article ne semble pas viser la personne qui achète et transporte un bidon d'essence pour remplir, par exemple, le réservoir de sa tondeuse à gazon.

Notre collègue M. Gélard, en déposant l'amendement n° 206, a proposé de préciser que, pour que le délit de détention ou de transport soit constitué, il faut que les produits ou substances incriminés aient été interdits par arrêté préfectoral en raison de l'urgence ou du risque de trouble à l'ordre public. Cette disposition peut ouvrir la porte à des débats extraordinaires. Quand sera pris un tel arrêté ? Les matières explosives sont de toute sorte. Le préfet n'a pas toujours le temps de prendre un arrêté d'interdiction. Il faudrait s'abstenir d'élaborer de tels textes de circonstance.

Je veux rappeler, en cet instant, que, précédemment, manquait à l'énumération effectuée l'entartage de personnes publiques, qui mériterait d'être sanctionné...

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 171.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement procède de la même logique et des mêmes considérations que ceux que nous avons défendus précédemment.

Je ferai observer à notre assemblée que si l'amendement de M. Gélard est adopté la situation sera alors complexe : d'innombrables arrêtés préfectoraux devront définir les très nombreux produits qui ne devraient pas être transportés en d'innombrables circonstances, qui devront également être énumérées.

M. le président. L'amendement n° 223, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article 322-11-1 du code pénal :

« Art. 322-11-1. - La détention ou le transport de substances ou produits incendiaires ou explosifs ainsi que d'éléments ou substances destinés à entrer dans la composition de produits ou engins incendiaires ou explosifs, en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, des infractions définies à l'article 322-6 ou d'atteintes aux personnes, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende.

« Les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 500 000 € d'amende lorsque ces faits sont commis en bande organisée.

« Hors les cas prévus aux deux alinéas précédents, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende la détention ou le transport sans motif légitime : 

« 1) De substances ou produits explosifs permettant de commettre les infractions définies à l'article 322-6, lorsque ces substances ou produits ne sont pas soumis, pour la détention ou le transport, à un régime particulier ;

« 2) De substances ou produits incendiaires permettant de commettre les infractions définies à l'article 322-6 ainsi que d'éléments ou substances destinés à entrer dans la composition de produits ou engins incendiaires ou explosifs, lorsque leur détention ou leur transport ont été interdits par arrêté préfectoral en raison de l'urgence ou du risque de trouble à l'ordre public. »

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Sénat l'a bien compris : cet amendement tend à créer un nouveau délit dans le code pénal permettant de sanctionner la détention ou le transport sans motif légitime de substances explosives ou incendiaires.

Madame Borvo, vous me reprochez de faire de l'ironie. Pour ma part, je trouve la vôtre mal placée. Vous semblez assimiler l'entartage à des explosions qui peuvent faire des dégâts considérables !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ma remarque concernait l'article précédent !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le juge sanctionne en proportion des faits commis. Mais comme l'utilisation de ce type d'explosif peut causer des dégâts considérables,...

M. Pascal Clément, garde des sceaux. ...il faut que l'amende soit proportionnée.

L'article 26 bis B vise également les substances incendiaires, telle l'essence, qui permet, comme chacun le sait dans cet hémicycle, de fabriquer des cocktails Molotov. Cette disposition a toute sa place dans le présent projet de loi puisqu'elle est de nature à prévenir la commission des délits de destruction par incendie ou explosion.

Le Gouvernement a repris, dans son amendement n° 223, l'amendement n° 206, déposé par M. Gélard, en veillant à la coordination avec le texte de l'ordonnance. Il s'agit de viser également la détention ou le transport de produits interdits par arrêté préfectoral en raison de l'urgence ou du risque de trouble à l'ordre public.

M. le président. L'amendement n° 206, présenté par M. Gélard, est ainsi libellé :

  Rédiger ainsi le début du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 322-11-1 du code pénal :

Lorsqu'ils ont été interdits par arrêté préfectoral en raison de l'urgence ou du risque de trouble à l'ordre public, la détention ou le transport...

Cet amendement n'est pas défendu.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 95 et 171 ainsi que sur l'amendement n° 223 ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission était un peu embarrassée lorsqu'elle a examiné le délit de détention ou de transport sans motif légitime de substances incendiaires ou explosives destinées à commettre des destructions, instauré par l'Assemblée nationale, sur l'initiative du rapporteur de la commission des lois. Il lui semblait qu'à certains égards cette incrimination pouvait s'avérer dangereuse pour les libertés publiques. Ainsi, le fait de transporter un simple jerrican dans le coffre de sa voiture pouvait engendrer quelques suspicions, qui n'étaient pas toujours fondées.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Une bouteille de gaz !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Par ailleurs, lorsque la commission a examiné l'amendement n° 206, déposé par notre collègue M. Gélard, elle était également embarrassée parce qu'elle estimait que, d'un côté, créer une incrimination et, de l'autre, la rendre inapplicable dans 95 % des cas n'était pas opérationnel. C'est la raison pour laquelle elle a été particulièrement satisfaite du dépôt, par le Gouvernement, de l'amendement n° 223, qui nous permet de sortir d'une situation embarrassante.

Cet amendement maintient en effet l'incrimination, lorsqu'elle est absolument indiscutable, c'est-à-dire le transport de produits incendiaires ou explosifs lorsque des éléments matériels permettent d'attester l'intention de l'auteur. Il permet aussi d'envisager différentes hypothèses. Ainsi, le transport de produits incendiaires comme l'essence ne sera sanctionné que s'il est interdit par un arrêté préfectoral, en raison de l'urgence ou du risque de trouble à l'ordre public.

La commission estime que l'amendement du Gouvernement place le curseur là où il devait être mis. C'est pourquoi elle émet un avis défavorable sur les amendements de suppression nos 95 et 171 et un avis très favorable sur l'amendement n° 223.

M. Jean-Pierre Sueur. Bon courage aux préfets !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 95 et 171 ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 95 et 171.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 223.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 26 bis B, modifié.

(L'article 26 bis B est adopté.)

CHAPITRE VI

Dispositions tendant à prévenir la toxicomanieet certaines pratiques addictives

Article 26 bis B
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Articles additionnels avant l'article 28

Article 27

Le chapitre III du titre Ier du livre IV de la troisième partie du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« CHAPITRE III

« Personnes signalées par l'autorité judiciaire

« Art. L. 3413-1. - Chaque fois que l'autorité judiciaire enjoint à une personne ayant fait un usage illicite de stupéfiants de se soumettre à une mesure d'injonction thérapeutique qui consiste en une mesure de soins ou de surveillance médicale, elle en informe l'autorité sanitaire compétente.

« L'autorité sanitaire fait procéder à l'examen médical de l'intéressé par un médecin habilité en qualité de médecin relais. Elle fait également procéder, s'il y a lieu, à une enquête sur la vie familiale, professionnelle et sociale de l'intéressé, le cas échéant à la demande du médecin relais. S'il n'est pas donné suite à la demande du médecin relais, celui-ci peut en aviser l'autorité judiciaire afin qu'elle se prononce sur l'opportunité de cette enquête.

« Le médecin relais fait connaître à l'autorité judiciaire son avis motivé sur l'opportunité médicale de la mesure.

« Si le médecin relais estime qu'une prise en charge médicale n'est pas adaptée, il en informe l'autorité judiciaire, après avoir rappelé à l'intéressé les conséquences sanitaires de l'usage de stupéfiants.

« Art. L. 3413-2. - Si l'examen médical prévu à l'article L. 3413-1 confirme l'état de dépendance physique ou psychologique de l'intéressé, le médecin relais invite ce dernier à se présenter auprès d'un centre spécialisé de soins aux toxicomanes ou d'un médecin de son choix ou, à défaut, désigné d'office, pour suivre un traitement médical ou faire l'objet d'une surveillance médicale adaptés.

« Dès la mise en place de la mesure, l'intéressé adresse au médecin relais un certificat médical indiquant la date du début des soins, la durée probable de la mesure et les coordonnées du centre spécialisé ou l'identité du médecin chargé du traitement médical ou de la surveillance médicale.

« Art. L. 3413-3 et  L. 3413-4. - Non modifiés. »

M. le président. L'amendement n° 96, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

  Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Le Conseil national de l'ordre des médecins a fait les remarques suivantes sur le dispositif envisagé dans le cadre des articles L. 3413-1 et L. 3413-3 du code de la santé publique :

« Il est étrange qu'on puisse décider d'une injonction thérapeutique avant même d'avoir soumis l'intéressé à un examen médical. On ne sait d'ailleurs pas qui lève la mesure lorsque le médecin conclut qu'une prise en charge médicale n'est ni nécessaire ni adaptée. Certaines expérimentations en cours laissent penser que ce pourrait être le service pénitentiaire d'insertion et de probation - SPIP-, ce qui ne va pas de soi.

« Sur quels critères l'autorité sanitaire - DDASS ? - habilite-t-elle le médecin ?

« Quelle est la situation de ce médecin qui n'a pas qualité d'expert judiciaire mais dont il est attendu un avis motivé sur l'opportunité d'un suivi médical ?

« Les éventuelles relations entre le ? médecin relais ? et le médecin choisi par l'intéressé pour assurer le suivi médical ne sont pas définies. Or les missions confiées au médecin relais - proposer les modalités de la mesure d'injonction thérapeutique, en contrôler le suivi sur le plan sanitaire ; contrôler le déroulement de la mesure - pourraient laisser craindre une intervention du médecin relais dans les décisions thérapeutiques de son confrère et une atteinte à son indépendance professionnelle.

« Qui a la charge d'informer l'autorité judiciaire de l'évolution de la situation médicale de l'intéressé ? 

« Ces informations ne pourraient, à notre avis, être communiquées que sous la forme de conclusions ?administratives?, sans révéler les éléments médicaux qui les motivent - article 104 du code de déontologie médicale. »

Les diverses mesures relatives, en particulier, au développement de l'injonction thérapeutique à tous les stades de la procédure pénale, selon le schéma proposé, sont donc plus que mal définies. Aussi, nous en demandons purement et simplement la suppression.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cette réforme de l'injonction thérapeutique paraît très opportune. C'est ce qui est ressorti des très nombreuses auditions auxquelles il a été procédé. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 96.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 27.

(L'article 27 est adopté.)

Article 27
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Article 28

Articles additionnels avant l'article 28

M. le président. L'amendement n° 97, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

  Avant l'article 28, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les entreprises de transport public de voyageurs organiseront des formations obligatoires à destination des salariés afin de les sensibiliser aux problèmes de santé et de sécurité.

Les salariés ont la possibilité de consulter la médecine du travail chaque fois qu'ils le souhaitent, notamment afin d'assurer un suivi médical régulier.

En cas d'inaptitude provisoire ou définitive d'un salarié, les entreprises de transport public de voyageurs devront prévoir des règles de reclassement maintenant le revenu du salarié.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Le projet de loi que nous examinons est relatif à la « prévention de la délinquance », comme le précise son intitulé. Or il nous a semblé, dès sa première lecture, que ce texte apporte plutôt une réponse répressive, en l'occurrence en aggravant les sanctions pénales applicables aux salariés qui, dans les entreprises concernées, ont commis l'infraction visée à l'article 28.

Nous préconisons la mise en place de différents dispositifs de dépistage et d'aide, seuls outils d'une véritable politique de prévention. Estimant que toute conduite addictive, qu'il s'agisse, d'ailleurs, de drogues ou d'alcool, relève de la santé publique, nous souhaitons que la médecine soit le premier levier de la prévention.

Nous proposons que les entreprises de transport public organisent des formations adaptées aux risques encourus par le salarié concerné et par les usagers : il faut que ces formations soient obligatoires, à destination des salariés et sur le thème de la santé et de la sécurité.

Nous voudrions, en outre, que les salariés puissent consulter la médecine du travail aussi souvent qu'ils le souhaitent, et non pas uniquement au moment de la visite annuelle, parce que les salariés qui dépendent d'une drogue sont d'abord des personnes malades. Il faut, selon nous, avoir à l'esprit que leur comportement relève de la maladie avant toute considération liée à la préservation de la sécurité civile.

Il convient que la pression de l'environnement professionnel porte évidemment sur les responsabilités déontologiques, sur l'enjeu pénal de la situation que le salarié vit, mais sans cesser de lui donner une chance, afin que l'issue puisse être médicale, et non pas pénale.

Il faut envisager, pour ces salariés, des possibilités de reclassement ou d'aménagement de leurs conditions de travail, en cohérence avec leur traitement ou leur prise en charge médicale, et non pas les vouer au licenciement, comme c'est malheureusement le cas la plupart du temps.

Il ne s'agit pas, contrairement à votre réponse lors de la première lecture, monsieur le garde des sceaux, de substituer la sensibilisation à la répression, mais bien de « prévenir » et de protéger l'individu avant que son comportement dangereux exige des mesures légales de répression.

Seule une infime minorité des salariés des transports est concernée par des problèmes liés à la consommation d'alcool ou de drogues.

Nous pensons donc, connaissant l'action menée en matière de prévention et de sécurité tant par les chefs d'entreprise que par les organisations syndicales, qu'il est possible d'aller plus loin dans une action de prévention pour la sécurité des personnes transportées.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission n'a absolument pas été convaincue par le troisième alinéa de cet amendement.

Elle estime que le deuxième est d'ores et déjà très largement satisfait.

En revanche, sur le premier alinéa, aux termes duquel les entreprises de transport public de voyageurs organiseront des formations obligatoires à destination des salariés afin de les sensibiliser aux problèmes de santé et de sécurité, elle souhaiterait connaître l'opinion du Gouvernement sur la plus-value éventuelle que représenterait une telle disposition.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. C'est de nature réglementaire et cela ne relève donc pas de la loi.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 97.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 135, présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

  Avant l'article 28, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les articles L. 3421-1 à L. 3421-4 du code de la santé publique sont abrogés.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Pourquoi cet amendement ? La France reste, on le sait, le pays le plus répressif d'Europe. Elle est le principal obstacle à une politique européenne alternative en matière de drogue. L'Allemagne, l'Angleterre et le Pays de Galles, le Danemark, l'Espagne, les Pays-Bas et le Portugal ont tous dépénalisé la consommation du cannabis.

Pourtant, dans son avis du 21 juin 2001, intitulé Les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique, le Conseil national du sida a recommandé au législateur la levée de « l'interdiction pénale de l'usage de stupéfiants dans un cadre privé ».

L'Europe dispose des moyens de mettre en oeuvre une politique sanitaire, sociale et sociétale alternative à une politique sans cesse plus répressive dont les résultats sont catastrophiques.

La répression, aubaine pour les trafiquants et marginalisante pour les usagers, ne fait qu'augmenter le trafic.

Nous devons en finir avec la pénalisation de l'usage privé de drogues, à l'instar de certains pays, comme, récemment, le Portugal.

La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 a souligné le principe dans son article V : « La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas. »

Une partie de la doctrine médicale française a rejeté fermement la prison pour les toxicomanes, estimant qu'elle les marginalise plus qu'elle ne les réinsère. La criminalisation des usagers représente un danger pour les libertés, car l'intervention policière est contraire au droit de chacun sur son propre corps.

La doctrine juridique fait observer que la loi ne prévoit aucun autre cas dans lequel on met en prison une personne en raison de l'usage qu'elle fait de son propre corps.

Il est difficile de justifier, dans une société démocratique, les motifs de la répression de l'usage individuel de produits qui, certes, peuvent entraîner un risque sur la santé, mais ne créent de préjudice ni à autrui, ni à la société.

Il est encore plus difficile de justifier des réglementations différentes entre l'alcool, le tabac, le cannabis et d'autres drogues qui, elles, parfois, sont légalisées.

Seul le fruit de l'histoire et l'existence de lobbies expliquent ces attitudes différentes. Ainsi, on connaît la grande tolérance de l'alcool en France, pays du vin et autres spiritueux.

La prévention est la seule arme efficace contre l'usage de tous les produits, alcool, tabac, cannabis et autres. Le simple usage de drogues ne doit plus conduire en prison, sauf s'il met en danger la vie d'autrui.

Cette action n'est utile en termes ni de santé publique, ni de sécurité publique. La police doit se consacrer essentiellement à lutter contre le trafic, contre les trafiquants, et non pas contre les consommateurs. C'est l'une des conclusions à laquelle les Britanniques sont arrivés : ils ont dépénalisé l'usage du cannabis, en le déclassant de la liste des psychotropes interdits.

Il est urgent d'appliquer cette mesure en France.

La prohibition des drogues engendre des mafias redoutables, une circulation massive d'argent sale, que l'on est bien impuissant à contrôler, une délinquance internationale, qui alimente une délinquance locale.

Si l'on veut combattre efficacement ces trafics dangereux à tous points de vue, il faut commencer par transformer les modalités répressives de la loi contre les usagers, renforcer une présence policière de proximité destinée à démanteler les trafics locaux, favoriser l'assistance médico-sociale, et inventer, avec les usagers, de nouveaux modes de gestion des drogues.

Qu'il s'agisse de médicaments, d'alcool ou d'héroïne, ces produits dangereux, il faut apprendre à les contrôler.

La stratégie à adopter dans le cadre des politiques de réduction des risques en Europe consiste à expérimenter de nouveaux modes de gestion des drogues : usage, contrôle, soins et approvisionnement, adaptés à chaque type de produits.

L'abus des drogues, mais aussi de l'alcool et du tabac, principalement en France, est l'une des premières causes de mortalité. Nous sommes favorables à une interdiction de la publicité sur toutes les drogues, mais également au développement d'une information fiable et responsabilisante et d'une prévention générale - dans les écoles, notamment - ou spécifique - en direction des usagers de drogues et des populations à grand risque.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je ne puis que répéter les propos que j'ai tenus lors de la première lecture au sujet d'un amendement similaire : si la commission respecte bien sûr totalement l'opinion des auteurs de l'amendement, elle ne la partage en aucune manière : avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement veut conserver l'interdit, comme l'a rappelé l'action qu'il mène contre les drogues illicites depuis 2004.

Je suis prêt à admettre que les peines prévues par le code pénal sont tellement élevées qu'elles ne sont pas appliquées mais je rappelle que, depuis, nous avons beaucoup progressé : nous avons ainsi prévu la procédure de l'ordonnance pénale au délit d'usage pour les majeurs et celle de la composition pénale pour les mineurs, qui permettent d'infliger des amendes et maintiennent le principe de l'interdiction.

Enfin, madame la sénatrice, je vous renvoie à vos propres contradictions : si j'ai bien compris, vous vous opposez à la pénalisation du cannabis mais vous êtes tout à fait favorable à des mesures coercitives contre le tabac.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je souhaite un traitement égal !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. De la même manière, je vous ferai observer que, en matière de lutte contre les excès de vitesse, si la prévention a donné fort peu de résultats pendant des décennies, en revanche, la répression en a donné d'excellents, comme le prouve le bilan rendu public aujourd'hui même par le ministre des transports. La notion d'interdit étant, pour le Gouvernement, très importante, il est donc en plein désaccord avec vous.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 135.

M. Jean-Pierre Sueur. Le groupe socialiste vote contre.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le groupe CRC s'abstient.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels avant l'article 28
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Article 29

Article 28

I. - Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L'article L. 3421-1 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les personnes coupables de ce délit encourent également, à titre de peine complémentaire, l'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants, selon les modalités fixées à l'article 131-35-1 du code pénal.

« Si l'infraction est commise dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, ou par le personnel d'une entreprise de transport terrestre, maritime ou aérien, de marchandises ou de voyageurs exerçant des fonctions mettant en cause la sécurité du transport dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 € d'amende. Pour l'application du présent alinéa, sont assimilés au personnel d'une entreprise de transport les travailleurs mis à la disposition de l'entreprise de transport par une entreprise extérieure. » ;

2° L'article L. 3421-4 est ainsi modifié :

a) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le délit prévu par le présent article constitue une provocation directe et est commis dans des établissements d'enseignement ou d'éducation ou dans les locaux de l'administration, ainsi que, lors des entrées ou sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements ou locaux, les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 € d'amende. » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé : 

« Les personnes coupables des délits prévus par le présent article encourent également la peine complémentaire d'obligation d'accomplir, le cas échéant à leurs frais, un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants. » ;

3° Après l'article L. 3421-4, sont insérés trois articles L. 3421-5, L. 3421-6 et L. 3421-7 ainsi rédigés :

« Art. L. 3421-5. - Sur réquisitions du procureur de la République, les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre ou sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés à l'article 20 et au 1° de l'article 21 du code de procédure pénale sont habilités, aux fins de rechercher et de constater le délit prévu au troisième alinéa de l'article L. 3421-1 du présent code, à entrer dans les lieux où s'exerce le transport public de voyageurs, terrestre, maritime ou aérien, ainsi que dans leurs annexes et dépendances, sauf s'ils constituent un domicile, en vue de :

« 1° Contrôler l'identité des personnes présentes, pour déterminer celles relevant des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 3421-1 ;

« 2° Procéder auprès de ces personnes, s'il existe à leur encontre une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont fait usage de stupéfiants, à des épreuves de dépistage en vue d'établir la commission du délit recherché.

« Lorsque ces épreuves de dépistage se révèlent positives ou lorsque la personne refuse ou est dans l'impossibilité de les subir, les officiers ou agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints font procéder aux vérifications destinées à établir la preuve de l'usage de produits stupéfiants.

« Les vérifications visées au quatrième alinéa sont faites au moyen d'analyses et examens médicaux, cliniques et biologiques. Les modalités de conservation des échantillons prélevés sont définies par décret.

« Les réquisitions du procureur de la République sont écrites, présentées aux personnes intéressées à leur demande et précisent qu'elles ont pour but la recherche de l'infraction prévue au troisième alinéa de l'article L. 3421-1. Ces réquisitions sont prises pour une durée maximum d'un mois et précisent les locaux où se déroulera l'opération de contrôle ainsi que les dates et heures de chaque intervention.

« Les mesures prises en application du présent article font l'objet d'un procès-verbal remis à l'intéressé. 

« Art. L. 3421-6. - I. - Le fait de refuser de se soumettre aux vérifications prévues par l'article L. 3421-5 est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende.

« II. - Supprimé.

« Art. L. 3421-7. - Les personnes physiques coupables des délits prévus au troisième alinéa de l'article L. 3421-1 et à l'article L. 3421-6 encourent également les peines complémentaires suivantes :

« 1° La suspension pour une durée de trois ans au plus du permis de conduire ou du titre de conduite des bateaux de plaisance français à moteur en mer et en eaux intérieures ; cette suspension ne peut pas être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle ; elle ne peut être assortie du sursis, même partiellement ;

« 2° L'annulation du permis de conduire ou du titre de conduite des bateaux de plaisance français à moteur en mer et en eaux intérieures avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis ou d'un nouveau titre de conduite pendant trois ans au plus ;

« 3° La peine de travail d'intérêt général selon les modalités prévues à l'article 131-8 du code pénal et selon les conditions prévues aux articles 131-22 à 131-24 du même code ;

« 4° La peine de jour-amende dans les conditions fixées aux articles 131-5 et 131-25 du code pénal ;

« 5° L'interdiction, soit définitive, soit pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer une profession ayant trait au transport ;

« 6° L'interdiction de conduire certains véhicules terrestres à moteur, y compris ceux pour la conduite desquels le permis de conduire n'est pas exigé, pour une durée de cinq ans au plus ;

« 7° L'obligation d'accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière ;

« 8° L'obligation d'accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants. »

II.  -   Le code pénal est ainsi modifié :

1° Le 11° des articles 222-12 et 222-13 est ainsi rédigé :

« 11° Dans des établissements d'enseignement ou d'éducation ou dans les locaux de l'administration, ainsi que, lors des entrées ou sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements ou locaux ; »

2° Dans le deuxième alinéa de l'article 222-39, les mots : « centres d'enseignement ou d'éducation ou dans les locaux de l'administration » sont remplacés par les mots : « établissements d'enseignement ou d'éducation ou dans les locaux de l'administration, ainsi que, lors des entrées ou sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements ou locaux » ;

3° Dans le deuxième alinéa de l'article 227-18, les mots : « à l'intérieur d'un établissement scolaire ou éducatif ou, à l'occasion des entrées ou des sorties des élèves, aux abords d'un tel établissement » sont remplacés par les mots : « dans des établissements d'enseignement ou d'éducation ou dans les locaux de l'administration, ainsi que, lors des entrées ou sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements ou locaux » ;

4° Dans le deuxième alinéa de l'article 227-18-1, les mots : « à l'intérieur d'un établissement scolaire ou éducatif ou, à l'occasion des entrées ou des sorties des élèves, aux abords d'un tel établissement » sont remplacés par les mots : « dans des établissements d'enseignement ou d'éducation ou dans les locaux de l'administration, ainsi que, lors des entrées ou sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements ou locaux » ;

5° Dans le deuxième alinéa de l'article 227-19, les mots : « à l'intérieur d'un établissement scolaire ou éducatif ou, à l'occasion des entrées ou des sorties des élèves, aux abords d'un tel établissement » sont remplacés par les mots : « dans des établissements d'enseignement ou d'éducation ou dans les locaux de l'administration, ainsi que, lors des entrées ou sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements ou locaux » ;

6° Dans le deuxième alinéa de l'article 227-21, les mots : « à l'intérieur d'un établissement scolaire ou éducatif ou, à l'occasion des entrées ou des sorties des élèves, aux abords d'un tel établissement » sont remplacés par les mots : « dans des établissements d'enseignement ou d'éducation ou dans les locaux de l'administration, ainsi que, lors des entrées ou sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements ou locaux » ;

7° Dans le premier alinéa de l'article 227-22, les mots : « à l'intérieur d'un établissement scolaire ou éducatif ou, à l'occasion des entrées ou des sorties des élèves, aux abords d'un tel établissement » sont remplacés par les mots : « dans des établissements d'enseignement ou d'éducation ou dans les locaux de l'administration, ainsi que, lors des entrées ou sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements ou locaux » ;

8° Après l'article 227-31, il est inséré un article 227-32 ainsi rédigé :

« Art. 227-32. - Les personnes physiques coupables des infractions définies aux articles 227-18 et 227-18-1 encourent également la peine complémentaire d'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants, selon les modalités fixées à l'article 131-35-1. »

III. - Le code de la route est ainsi modifié :

1° Le II de l'article L. 235-1 est complété par un 7° ainsi rédigé :

« 7° L'obligation d'accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants. » ;

2° Le II de l'article L. 235-3 est complété par un 7° ainsi rédigé :

« 7° L'obligation d'accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants. »

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L'amendement n° 98 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 136 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard.

L'amendement n° 175 rectifié est présenté par MM. Peyronnet,  Godefroy,  Badinter,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Mahéas et  Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et  Domeizel, Mmes Demontès,  Jarraud-Vergnolle et  Le Texier, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Bockel,  Guérini,  Lagauche,  Madec,  Mélenchon,  Mermaz et  Ries, Mmes Tasca,  Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

  Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 98.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'article 28 prévoit, tout d'abord, l'aggravation des peines en cas d'usage de stupéfiants par un agent public ou par un agent d'une entreprise de transport de voyageurs.

Il vise, ensuite, la création d'une nouvelle peine, sous la forme d'un stage de sensibilisation aux dangers de la drogue. Je signale que tout à l'heure, monsieur le garde des sceaux, vous nous avez expliqué que faire de la formation relevait du domaine réglementaire ; en l'occurrence, cela devient du domaine pénal.

Il tend, en outre, à aggraver la peine en cas de provocation à usage de drogue si le délit est commis contre un mineur ou dans un établissement administratif ou éducatif, ou près d'un établissement lors des entrées ou sorties.

Enfin, il prévoit la possibilité de procéder à des contrôles dans les locaux des entreprises de transport de voyageurs pour vérifier s'il y est fait usage de stupéfiants.

À cet effet, le procureur de la République pourrait autoriser la police à intervenir à tout moment dans les entreprises afin de procéder à des examens de dépistage d'utilisation d'alcool, de stupéfiants ou d'autres produits interdits.

Comme je l'ai souligné précédemment, cette disposition, elle aussi, sort du cadre de la prévention pour entrer dans celui de la seule répression.

Je rappelle pourtant que l'un des points faibles de notre pays en matière de santé publique est la prévention, en l'occurrence s'agissant des usages cités ici.

Or, votre réponse, monsieur le garde des sceaux, s'avère particulièrement répressive pour les salariés victimes d'addiction.

Les salariés des transports sont déjà soumis à un certain nombre de règles très strictes, contraignantes, visant - ce qui est légitime, je m'empresse de le dire, puisqu'il y va de la vie des passagers et, accessoirement, de la leur - à assurer la sécurité des usagers. Vous le savez certainement : les personnels « roulants », par exemple à la SNCF, sont soumis à des contrôles nombreux et très stricts par l'entreprise elle-même, contrôles dont les conséquences sont lourdes, puisqu'ils peuvent perdre leur habilitation, ce qui entraîne le plus souvent leur licenciement.

Le fait d'accroître le dispositif de sanctions visant ces salariés n'aura pas un effet plus important sur le douloureux problème de la dépendance aux drogues que le licenciement par l'entreprise, mais il n'aura pas non plus d'effet concernant le traitement de la maladie et de la dépendance.

S'agissant des transports, vous nous répondiez, lors de la première lecture : « Une étude de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies de 2005 montre très clairement l'influence de la consommation de stupéfiants dans les accidents de la circulation, puisqu'il apparaît que 8 % des conducteurs responsables d'un accident mortel sont positifs au cannabis. » C'est juste.

La banalisation de la consommation des drogues et les conduites addictives qu'elle entraîne sont les questions soulevées dans ce rapport.

Les réponses que l'on doit y apporter doivent donc relever du domaine médical, et passent par un renforcement des effectifs et des moyens de la médecine du travail, ce qui n'est malheureusement pas prévu dans cet article.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 136.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Le paragraphe 1° du I de l'article 28 du projet de loi entraîne, pour certaines catégories de personnes et dans certains lieux, une aggravation des peines liées à l'usage de stupéfiants.

Nous remarquons tout d'abord que ces dispositions concernent uniquement les usagers de drogues illicites, et en aucun cas ceux des drogues considérées comme licites, à savoir l'alcool et le tabac. Ces dispositions sont proprement inacceptables et contreproductives.

Loin de nous l'idée, monsieur le garde des sceaux, de vouloir interdire le tabac ou l'alcool et de légaliser le cannabis ; nous voulons simplement qu'il y ait une égalité de traitement entre ces substances. En effet, ces drogues, licites ou illicites, entraînent des conséquences néfastes pour l'être humain et doivent donc, selon nous, être traitées de la même manière.

Ces dispositions sont inacceptables, car nous sommes censés traiter ici de prévention. Or, une fois encore, vous vous bornez à présenter des propositions essentiellement répressives et vous dégainez l'arme privilégiée de votre arsenal : l'aggravation des peines.

En quoi le fait de placer une personne pendant cinq ans en prison contribuera-t-il à prévenir la délinquance ? D'autant que, vous le savez, la drogue n'est pas absente des prisons.

Un palier supplémentaire est franchi dans l'inacceptable avec cette peine complémentaire d'interdiction définitive d'exercer une profession ayant trait au transport public de voyageurs.

Pourquoi prendre une telle mesure ? De quel droit ? Quel est le but recherché lorsqu'une personne emprisonnée pendant cinq ans et condamnée à payer une amende pouvant atteindre 75 000 euros se voit, en plus, interdire définitivement d'exercer le travail pour lequel elle a été formée ? Une telle mesure, dont l'effet dissuasif est nul pour tous les types de crimes, sera encore plus inefficace dans le contexte de la pathologie dont souffrent les usagers de drogues.

Pis, monsieur le ministre, cette mesure constitue une autre sorte de double peine. En effet, ladite personne, condamnée pénalement l'est aussi socialement et économiquement, puisqu'elle ne pourra plus exercer son métier. Que devra-t-elle faire ? L'inciterez-vous à devenir dealer pour gagner sa vie et faire vivre sa famille ?

Cette disposition est en outre contraire au principe d'égalité : pourquoi viser uniquement les usagers de drogues illicites ?

Vous me rétorquerez que les personnes concernées sont responsables de la vie d'autrui. Certes, mais, dans ce cas, pourquoi ne pas également étendre la mesure aux chirurgiens, qui nous opèrent, aux architectes, qui bâtissent nos maisons, voire aux ministres, qui nous gouvernent ?

Les Verts ne peuvent tolérer une telle rupture d'égalité. Si le Conseil constitutionnel n'invalide pas ce projet de loi pour inconstitutionnalité, nous sommes prêts à porter le débat au niveau européen.

En effet, cet article comporte d'autres dispositions qui nous semblent également liberticides. Ainsi, le paragraphe 3° du I tend à autoriser les officiers de police judiciaire, sur réquisitions du procureur de la République, valables pendant un mois, « à entrer dans les lieux où s'exerce le transport public de voyageurs, terrestre, maritime ou aérien, ainsi que dans leurs annexes et dépendances », en vue, notamment, de « procéder auprès de ces personnes, s'il existe à leur encontre une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont fait usage de stupéfiants, à des épreuves de dépistage en vue d'établir la commission du délit recherché. »

Monsieur le ministre, nous sommes ici dans l'incertitude et le flou absolus, ce qui laisse la porte ouverte à l'arbitraire. Car qu'entendez-vous donc par « raisons plausibles de soupçonner » ? Comment une telle notion s'apprécie-t-elle ?

Par ailleurs, cette disposition, qui figurait déjà dans les versions antérieures du présent projet de loi, risque de se situer hors du cadre légal. Selon la Ligue des droits de l'homme, la Chancellerie, interrogée par le ministère de l'intérieur, a d'ailleurs émis, dans une note en date du 7 mars 2006, d'importantes réserves sur l'avant-projet de loi, notamment sur la constitutionnalité des dispositions de son article 25.

Ces dispositions violent le principe de proportionnalité posé par l'article VIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ».

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 175 rectifié.

M. Jean-Pierre Sueur. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Les trois amendements suivants sont présentés par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès, Jarraud-Vergnolle et Le Texier, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Bockel, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 172 est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le 1° du I de cet article :

1° L'article L. 3421-1 est complété par huit alinéas ainsi rédigés :

« L'usage de cannabis est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 3e classe.

« Les personnes coupables de la contravention prévue au présent article encourent également les peines complémentaires suivantes :

« 1º La suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle ;

« 2º L'interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de trois ans au plus, une arme soumise à autorisation ;

« 3º La confiscation d'une ou de plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition ;

« 4º Le retrait du permis de chasser, avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant trois ans au plus ;

« 5º La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit.

« Le fait de faciliter sciemment, par aide ou assistance, la préparation ou la consommation de la contravention prévue au présent article est puni des mêmes peines. »

L'amendement n° 173 est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par le b du 2° du I de cet article pour modifier l'article L. 3421-4 du code de la santé publique, supprimer les mots :

, le cas échéant à leurs frais,

L'amendement n° 174 est ainsi libellé :

Dans le 7° du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3421-7 du code de la santé publique, supprimer les mots :

, à ses frais,

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter ces trois amendements.

M. Jean-Pierre Sueur. En ce qui concerne l'amendement n° 172, la loi du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l'usage illicite des substances vénéneuses est presque unanimement considérée aujourd'hui comme inappliquée et difficilement applicable, tout particulièrement en matière d'usage de cannabis. Le consommateur de cannabis encourt une peine correctionnelle d'un an de prison et de 3 750 euros d'amende. Il est donc mis par la législation actuelle sur le même pied que le consommateur d'héroïne.

Par ailleurs, le droit pénal connaît aujourd'hui plusieurs infractions en rapport avec les substances classées parmi les « stupéfiants ». Diverses peines sont prévues pour le trafic. Chaque fois que l'usage de cannabis implique un danger pour autrui, les peines sont aggravées : c'est le cas de la conduite sous l'empire de stupéfiants, punie de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende, voire de trois ans d'emprisonnement et de 9 000 euros d'amende lorsque le stupéfiant est associé à l'alcool.

Le présent amendement tend à mieux dissocier ce qui relève du délit et ce qui nécessite des peines moins lourdes. La qualification de délit de l'usage simple de cannabis paraît disproportionnée dans le texte actuel, et ce d'autant plus que l'usage excessif d'alcool, qui est nuisible non seulement pour soi-même, mais également pour autrui, ne fait l'objet d'aucune incrimination.

Pour autant, il ne nous semble pas pertinent de préconiser la dépénalisation de l'usage simple du cannabis : ce serait envoyer un signal aux usagers, qui prennent ainsi des risques pour eux-mêmes. À nos yeux, l'usage de stupéfiants reste dangereux pour la santé.

Les contraventions constituant des infractions, la volonté du législateur reste clairement affirmée. Si les peines d'amende doivent rester relativement modestes, il convient de prévoir la possibilité pour le juge de prononcer des peines accessoires.

Telle est la position du groupe socialiste sur cette question. Nous ne pouvons pas en rester purement et simplement à la législation actuelle, car il est patent qu'elle n'est pas appliquée.

L'amendement n° 173 porte sur la peine complémentaire d'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants. Il nous paraît judicieux d'exclure le fait que ce stage soit organisé aux frais de la personne concernée. Une telle précision est d'ailleurs en contradiction avec le principe de la gratuité des soins, inscrit dans la loi de 1970.

Enfin, l'amendement n° 174 concerne la peine complémentaire d'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation à la sécurité routière. Là aussi, il nous semble judicieux d'exclure le fait qu'un tel stage doive être financé par la personne concernée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur les trois amendements identiques nos 98, 136 et 175 rectifié, qui visent la suppression pure et simple de l'article 28.

L'amendement n° 172 tend à requalifier en simple contravention le délit d'usage simple de cannabis, en assortissant d'ailleurs cette contravention d'une série de peines complémentaires.

Dans ce projet de loi, le Gouvernement n'a pas fait le choix de « contraventionnaliser » la consommation de cannabis. Toutefois, afin de rendre effective la répression de ce délit, il prévoit le recours à l'ordonnance pénale, ce qui exclut les peines d'emprisonnement.

Cette solution, qui est d'ailleurs conforme aux préconisations de la commission d'enquête sénatoriale sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites, présente les avantages de la contravention, à savoir un traitement rapide de ce contentieux de masse, sans les inconvénients que représenterait l'envoi d'un signal qui pourrait être interprété comme une dépénalisation de l'usage de stupéfiants.

La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 172.

L'amendement n° 173 tend à supprimer la possibilité pour le juge de mettre à la charge de la personne condamnée les frais du stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de stupéfiants.

Selon les auteurs de cet amendement, cette possibilité serait contraire au principe de la gratuité des soins. Or, aucun soin n'étant fourni, il s'agit non pas de soins, mais d'une peine, sous la forme d'un stage de sensibilisation et d'information. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Pour la même raison, elle est défavorable à l'amendement n° 174.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 98, 136 et 175 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 172.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 173.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 174.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 28.

(L'article 28 est adopté.)