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DÉCÈS D'UN ANCIEN SÉNATEUR

M. le président. Mes chers collègues, j'ai la grande tristesse de vous faire part du décès de notre ancien collègue Jean-Marie Poirier, qui fut sénateur du Val-de-Marne de 1995 à 2004. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)

Au nom du Sénat, je tiens à présenter mes condoléances à son épouse, à sa famille, et à lui dire combien nous sommes solidaires d'elle dans cette épreuve, car beaucoup d'entre nous ont bien connu Jean-Marie Poirier, qui fut un merveilleux compagnon, notamment en Amérique du Sud.

Je vous propose, mes chers collègues, d'observer une minute de silence à sa mémoire. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)

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Droit opposable au logement

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi instituant le droit opposable au logement et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

Article 3 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi instituant le droit opposable au logement et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale
Article 4 (début)

Article 3 (suite)

M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l'article 3, à l'examen de l'amendement n° 232 rectifié.

Cet amendement n° 232 rectifié, présenté par Mme Létard et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation par un alinéa ainsi rédigé :

«  Il peut également ordonner à l'État d'indiquer les moyens, notamment financiers, qu'il mobilisera pour assurer les mesures d'accès, d'accompagnement social, d'insertion ou de suivi  nécessaires au demandeur. »  

La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Cet amendement s'inscrit dans la continuité de toute une série d'amendements qui portaient sur l'accompagnement des personnes en attente de relogement.

Certains demandeurs auront besoin, outre un logement ou un hébergement, de mesures temporaires de suivi pour assurer la réussite de ce logement ou de cet hébergement. Le juge doit donc avoir la possibilité de s'assurer que l'autorité responsable du droit au logement opposable s'engage également sur la mise en oeuvre des moyens nécessaires - dépôt de garantie, suivi, financements, notamment - pour faciliter l'accès et le maintien du demandeur dans le logement.

En effet, à quoi sert-il de trouver un logement - c'est ce à quoi vise ce texte - si toutes les conditions ne sont pas réunies pour que les personnes puissent s'y maintenir durablement grâce à un accompagnement adapté ?

Les services départementaux exercent déjà un certain nombre de compétences et de responsabilités. Le FSL est déjà géré par les départements. Des moyens existent, mais ils sont déjà sous-dimensionnés par rapport aux problématiques qu'ils doivent contribuer à résoudre.

Ce droit opposable au logement étant, en fin de compte, une compétence et une responsabilité de l'État, il conviendrait que ce dernier apporte son écot pour toutes les personnes concernées, afin qu'elles soient logées durablement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Seillier, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission a émis un avis défavorable. En effet, si les mesures d'accès et d'accompagnement social, d'insertion ou de suivi nécessaires suggérées par l'auteur de l'amendement sont indispensables, il n'appartient pas au juge de les fixer.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Le Gouvernement partage l'avis de la commission, étant précisé que le sujet est crucial.

L'accompagnement est très divers et peut notamment être familial. Certaines personnes souffrent de perte de repères complète ou de problèmes depuis parfois quinze ans ou vingt ans en raison d'une véritable faillite d'un certain nombre de secteurs de santé publique.

On mesure donc bien l'ampleur du sujet. Il n'en demeure pas moins qu'il faut maintenir le juge dans son rôle d'opposabilité, les acteurs de terrain étant chargés de mettre en place les outils adaptés. Le problème est à peu près de même nature que pour les commissions de surendettement.

L'instauration d'un comité de suivi de la mise en oeuvre du droit au logement opposable, instauration qui était demandée par le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, sera inscrite dans la loi. Ce nouvel organisme, dans lequel seront représentées les collectivités, c'est-à-dire les départements et les villes, devra faire des préconisations techniques, réglementaires ou législatives dès le mois de juillet.

Il paraît raisonnable de demander à ce comité, au vu des premiers cas, quel est le meilleur outil adapté. Mais, de grâce, ne transformons pas le juge en prescripteur d'action sociale, car tel n'est objectivement pas son rôle !

M. le président. Madame Létard, l'amendement n° 232 rectifié est-il maintenu ?

Mme Valérie Létard. S'il est un point sur lequel je suis d'accord avec M. le ministre, c'est bien sur la nécessité de réfléchir avec l'ensemble des partenaires concernés -  associations, collectivités locales, membres du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées et du comité de suivi - sur la façon de faire en sorte qu'en fin de compte nul n'ait besoin d'utiliser ce droit opposable au logement ou, s'il y ait fait recours, que cela se fasse dans les conditions idéales.

Tout à l'heure, il a été question de l'accès à ce recours. Cet accès passe par un soutien des associations. Comment l'organiser, comment le calibrer ? Il faut en discuter avec les associations. Certes, l'inscrire dans le présent texte est prématuré. Si les personnes concernées, en utilisant ce recours, contribuent à une cagnotte qui ne leur permettra pas d'accéder à un logement mais servira à produire du logement, quel est l'intérêt direct pour elles ?

Lancer cette réflexion sur le droit opposable au logement est nécessaire, mais nous sommes au point de départ, monsieur le ministre. Nous avons commencé à légiférer sur un certain nombre de points. Toutefois, ce qui est urgent, c'est d'élaborer un texte ambitieux, grâce auquel nous pourrons bâtir quelque chose de partagé, de structuré, de calibré, selon un calendrier et avec des outils et des moyens permettant de trouver des solutions pour chaque personne qui, aujourd'hui, ne bénéficie pas de ce droit au logement.

Cela étant dit, je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° 232 rectifié est retiré.

L'amendement n° 172 rectifié, présenté par MM. Repentin,  Godefroy,  Caffet,  Sueur,  Dauge,  Desessard,  Collombat,  Madec,  Ries,  Bockel,  Lagauche et  Guérini, Mmes Herviaux,  San Vicente-Baudrin,  Khiari,  Printz,  Le Texier et  Demontès, M. Raoul et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

  Après le dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation, insérer un article ainsi rédigé :

« Art. L. 441-2-3-2. - Les communes faisant l'objet d'un constat de carence en application de l'article L. 302-9-1, sont substituées à l'État dans les obligations de logement ou de relogement résultant de l'article L. 441-2-3-1 à l'égard des personnes résidant depuis plus d'un an sur leur territoire ou y travaillant et qui y ont formé leur demande. »

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Il nous semble nécessaire que toutes les communes participent à l'effectivité du droit au logement opposable, sujet qui nous rassemble aujourd'hui.

Tel qu'il est construit, le projet de loi rend opposable le droit au logement en mobilisant uniquement le contingent préfectoral. Par définition, donc, seules seront concernées par la mise en oeuvre de ce droit les communes disposant déjà d'un parc social significatif. D'ailleurs, plus celui-ci sera significatif, plus le préfet du département pourra imposer à ces communes d'accueillir des personnes aujourd'hui à la rue.

Par conséquent, la question de la répartition spatiale des logements sociaux est, pour le moment, passée par pertes et profits. Certaines communes riches qui refusent le logement social et préfèrent payer le prélèvement prévu à l'article 55 de la loi SRU seront exonérées de tout effort de mixité urbaine et sociale. Il est même des communes célèbres qui se font d'ailleurs de la publicité sur le fait qu'elles ne souhaitent pas de logement social sur leur territoire.

Voilà pourquoi nous proposons, par cet amendement, que ces communes qui ne jouent pas le jeu de la mixité sociale soient directement chargées de remplir les obligations résultant de la reconnaissance du droit au logement opposable. C'est, en quelque sorte, l'opposabilité de l'article 55 de la loi SRU.

Ces communes seront tenues d'accueillir les personnes qui, résidant depuis plus d'un an sur leur territoire ou y travaillant, auront obtenu un jugement favorable du tribunal administratif. Il est tout de même assez surprenant de constater que nombre de ces communes, en vue de développer les activités économiques sur leur territoire, font de nombreux appels du pied pour accueillir de nouveaux travailleurs. En définitive, les personnes sont les bienvenues comme travailleurs et les « malvenues » comme habitants à part entière !

Si cet amendement n'est pas retenu, il est évident que la plupart des attributions seront prononcées dans des territoires concentrant déjà un nombre important de logements sociaux, au risque de créer de la ségrégation urbaine.

Hier soir, j'ai d'ailleurs entendu M. le ministre reconnaître lui-même qu'il y avait un certain danger à concentrer le logement social toujours sur les mêmes communes et affirmer que l'un des objectifs de ce projet de loi était bien de mettre la pression sur tous les acteurs en la matière. Suivant cette logique, nous souhaitons nous aussi mettre un peu de pression sur des maires qui pourraient concourir à résorber la crise du logement social.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, car il est contraire au dispositif proposé par la commission. (M. Thierry Repentin s'exclame.)

M. Jean-Pierre Caffet. Ce n'est pas une bonne raison !

M. Bernard Seillier, rapporteur. Le pouvoir de substitution, qui a été reconnu au préfet dans la loi ENL, trouve sa pleine application dans une telle situation. Ainsi, en cas de carence de la part de la collectivité, le préfet reprend à son compte tous les moyens d'intervention afin de trouver une solution, y compris sur le secteur de la commune en question.

M. Thierry Repentin. Mais s'il n'y a pas de logements sociaux sur cette commune ?

M. Bernard Seillier, rapporteur. Le préfet dispose de tous les moyens publics, notamment les moyens d'autorité, afin de trouver une solution.

M. Robert Bret. Et s'il ne le fait pas ?

M. Bernard Seillier, rapporteur. En tout état de cause, une solution rapide sera proposée !

M. Jean-Pierre Caffet. Mais ailleurs !

M. Roland Muzeau. Comme d'habitude, il ne fera rien !

M. Guy Fischer. Eh oui ! On a bien vu comment cela se passait pour les expulsions !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Il s'agit d'une question difficile, et le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées a lui-même beaucoup travaillé pour déterminer à qui un tel droit était opposable. L'opposabilité est désormais ouverte à deux catégories bien distinctes.

L'État a décidé de prendre ses responsabilités. Par l'intermédiaire de son représentant, le préfet, il se substitue à la collectivité concernée pour lancer des opérations de construction de logement social dans les 144 communes faisant l'objet d'un constat de carence. J'aurai l'occasion de donner des exemples où l'État intervient actuellement très puissamment afin d'honorer ses engagements.

M. Roland Muzeau. Vous m'en donnerez dans les Hauts-de-Seine !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela va venir !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 172 rectifié.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 93 :

Nombre de votants 327
Nombre de suffrages exprimés 296
Majorité absolue des suffrages exprimés 149
Pour l'adoption 128
Contre 168

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote sur l'article 3.

M. Thierry Repentin. Monsieur le ministre, comme hier, aucun de nos amendements n'a été accepté, à une exception près, bien compréhensible d'ailleurs, puisqu'il s'agit d'un amendement identique à des amendements proposés par les trois commissions. Son adoption permet d'ouvrir un droit de recours aux ménages qui se sentent dans leur bon droit face à un jugement du tribunal administratif. Cette avancée positive a été adoptée à l'unanimité.

Néanmoins, comme hier, aucune ambiguïté n'a été levée sur les réponses à apporter, en termes d'hébergement ou de logement, au problème du logement de nos concitoyens les plus précaires.

Comme hier, tous les amendements que nous avons déposés pour permettre aux ménages les plus exclus d'être accompagnés dans leurs démarches tant devant la commission de médiation que devant le tribunal administratif ont été rejetés. Or chacun sait ici que, dans ce domaine, nombre de ces personnes ne sont pas aptes à faire face seules et risquent de se perdre dans les méandres administratifs. Par conséquent, en refusant à ces personnes d'être accompagnées par des associations, on vide le texte de sa substance et on abandonne l'ambition initialement proclamée.

Aucun des amendements visant à élargir le champ d'intervention du juge administratif, notamment pour le versement d'astreintes, n'a été accepté. Je pense en particulier aux personnes qui, bien qu'elles aient obtenu un jugement positif du tribunal administratif, c'est-à-dire l'obligation d'être relogées, ne pourraient pas l'être compte tenu du fait que le préfet n'aurait pas les moyens de rendre cette décision effective. Nous n'avons pas pu faire adopter le principe d'un dédommagement versé à ces personnes en vue de leur permettre de se loger.

De même, aucune de nos propositions ayant pour objet de favoriser les constructions de logements sociaux dans les grandes communes qui connaisse, parfois volontairement, un déficit dans ce domaine n'a été adoptée.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, nous voterons contre l'article 3. (M. Jean-Pierre Bel applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour explication de vote.

Mme Michelle Demessine. Au terme de la discussion de cet article 3, nous sommes parvenus au bout de la définition, telle que préconisée par MM. les rapporteurs, de l'opposabilité du droit au logement, prise du point de vue des demandeurs.

Lors de la discussion générale, nous avions dit que le droit au logement opposable risquait fort de devenir « impraticable ». Force est de constater que c'est bien ce qui ressort du contenu des amendements adoptés à l'occasion de l'examen de ces premiers articles.

Tout se passe comme si, devant l'émotion suscitée par la situation de « mal-logement », après avoir fait quelque publicité à un projet de loi d'apparence généreuse, écrit avec le concours des acteurs du droit au logement, en l'occurrence le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, après avoir produit un peu de battage médiatique sur cette procédure, on laissait aux parlementaires de la majorité le soin de vider consciencieusement le texte de toute portée réelle.

Le droit au logement opposable, avec l'ensemble des conditions et des verrous que vous venez de proposer au fil de l'article 1er et des articles 2 et 3 du présent projet de loi, a de moins en moins de sens et de portée pour ceux à qui il s'adresse, c'est-à-dire les demandeurs d'emploi, surtout après avoir refusé pratiquement tous les amendements de l'opposition.

La liste des déboutés du droit au logement opposable risque d'être fort longue, car elle comprendra notamment : les travailleurs étrangers des nouveaux pays de l'Union européenne ; les travailleurs étrangers de pays tiers non titulaires de titres de résident d'au moins cinq ans, si ce n'est dix ; les sans-abri ayant dans leur parcours résidentiel un contentieux locatif irrésolu ; les déboutés du droit d'asile hébergés temporairement en CHRS, ou centres d'hébergement et de réinsertion sociale ; les très nombreuses personnes dont la situation administrative n'est ni régularisable ni susceptible de conduire à leur expulsion du territoire national. Et je pourrais multiplier encore les exemples !

En outre, n'oublions pas que l'invocation de la bonne foi, l'impossibilité de se faire représenter en justice par un avocat rémunéré avec l'aide juridictionnelle et bien d'autres raisons encore conduiront nombre de personnes à devoir renoncer purement et simplement à l'exercice de toutes procédures d'affirmation et d'effectivité du droit.

En définitive, le droit au logement opposable, selon votre conception et tel qu'il découle des différents amendements que nous venons d'examiner sur ces trois premiers articles, s'apparentera à un véritable parcours du combattant !

La raison en est toute simple : vous continuez à y être opposés, mais sans pouvoir le dire publiquement. À l'occasion de ce débat, on retrouve finalement en filigrane le climat qui a toujours prévalu au sein de cette assemblée sur tous les textes relatifs au logement, et que je peux résumer ainsi : « Tout, mais pas pour les pauvres ! » (M. Yannick Texier s'exclame.)

Malheureusement, au regard des immenses attentes de tous ceux qui espéraient un geste fort à la suite des annonces faites en ce sens, le texte tel qu'il résultera des travaux de notre assemblée ressemblera davantage à une version « Canada Dry » du droit opposable au logement.

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. Yannick Texier. C'est facile !

M. Alain Vasselle. Eh oui ! Que ne l'avez-vous fait !

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote sur l'article.

Mme Valérie Létard. À l'issue de l'examen des amendements déposés sur cet article, mon groupe a décidé de s'abstenir.

Nous avons bien entendu les explications de M. le ministre concernant la nécessité d'organiser le dispositif en collaboration avec le comité de suivi.

Mais, puisque nous avons d'ores et déjà commencé à légiférer sur un certain nombre d'aspects techniques, nous aurions pu, à travers un ou deux amendements, poser des jalons - quitte à les rectifier par la suite à l'occasion d'un second texte législatif qu'il nous faudra, de toute façon, aborder -, garantir un minimum de moyens au soutien de l'action des associations et au financement d'outils d'accompagnement social.

Monsieur le ministre, nous posons actuellement les bases techniques de ce texte. Mais comment allons-nous faire pour rendre ce dispositif accessible aux personnes mêmes auxquelles il est destiné, c'est-à-dire ceux qui se sont manifestés au bord du canal Saint-Martin, et qui sont les moins aptes à accéder au recours.

Je sais qu'il n'est pas dans votre intention de refuser d'accompagner ces personnes. Si nous nous abstenons aujourd'hui, c'est parce que nous estimons qu'un geste aurait tout de même pu être fait en ce sens. Certes, il nous reste encore un peu de temps. Mais en faisant, d'ores et déjà, ce geste, nous aurions montré à ces associations que nous leur faisons confiance pour accompagner les mal-logés et pour jouer le rôle de passerelle entre le droit et la rue.

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3 (suite)
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Article 4 (interruption de la discussion)

Article 4

Après le douzième alinéa de l'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation est inséré l'alinéa suivant :

« Cette convention substitue le délégataire à l'État dans les obligations de logement ou de relogement résultant de l'article L. 441-2-3 et, le cas échéant, précise les modalités selon lesquelles le délégataire s'en acquitte. »

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, sur l'article.

M. Roland Muzeau. Comment, avec la mobilisation du seul contingent préfectoral, répondre à l'obligation de résultat prévue dans le projet de loi ? Telle est la question que nous nous posons depuis hier.

Il est évident, comme n'ont pas manqué de s'en inquiéter les associations avec lesquelles nous avons parlé, dont Droit au logement, le DAL, que ce contingent préfectoral, qui représente au maximum 100 000 attributions dans l'année, ne pourra satisfaire la demande des publics visés par le projet de loi.

Il est difficile de chiffrer avec précision les besoins à satisfaire à l'échéance de 2008. M. Xavier Emmanuelli a déjà évoqué le chiffre de 1,4 million de personnes potentiellement concernées par ce dispositif. Il faut y ajouter ceux qui subissent le phénomène du « mal-logement », soit 3 millions de personnes, et  les demandeurs de logements HLM, qui sont au nombre de 1,5 million.

Les préfets mobiliseront les seuls logements disponibles et continueront à gérer la pénurie dans le stock existant. Rappelons pourtant que le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées préconisait d'étendre ce droit de réservation aux logements privés conventionnés.

À la question de l'étroitesse de l'outil de mise en oeuvre du droit au logement s'ajoute une autre interrogation, qui porte sur l'autorité publique responsable de ce dispositif. En effet, depuis la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, le préfet peut déléguer aux maires ou au président d'un EPCI la gestion des droits à réservation de logements dont il bénéficie.

L'article 4 du projet de loi dispose que les conventions de délégation devront mentionner la substitution du délégataire à l'État, en tant qu'autorité garante du droit au logement.

Pour l'État, c'est une bonne occasion de se désengager davantage. Ainsi, dans le département des Hauts-de-Seine, c'est un moyen supplémentaire de pression sur les collectivités territoriales les plus investies dans une politique du logement social.

Qu'elles comptent 2,6 % de logement social comme Neuilly, 10 % comme Boulogne-Billancourt, ou 64 % comme ma commune, les collectivités locales ont toutes repris le contingent préfectoral. Mais dans la mesure où elles ne proposent pas la même offre, les collectivités « hors la loi » au regard de l'article 55 de la loi SRU ne seront pas inquiétées par les demandeurs de logement.

Une fois de plus, ce sont les mêmes communes qui seront mises à contribution. Ainsi, avec 10 727 logements sociaux, le parc gennevillois représente 10 % du parc départemental des Hauts-de-Seine. Cependant, 44 % des communes de ce département continueront à échapper aux efforts de solidarité.

Tout porte donc à craindre que la ségrégation territoriale, véritable apartheid social, ne soit encore renforcée par un texte dont l'objectif est, pourtant, de permettre à chacun d'accéder à un logement, selon ses besoins, sur l'ensemble du territoire de la République.

C'est pourquoi, comme le rappelle avec constance la jurisprudence du Conseil constitutionnel, nous entendons poser avec force le principe de la légitimité de l'intervention de l'État en matière de politique du logement. En conséquence, nous ne pouvons accepter les tentatives de ce dernier pour diluer ses responsabilités, voire pour y échapper.

Le présent texte doit être l'occasion de réinvestir l'État dans ses prérogatives, afin d'éviter toute rupture d'égalité dans les possibilités d'accès de chacun à un logement décent, et de garantir l'effectivité ainsi que la continuité du droit à un logement opposable. Il importe donc, monsieur le ministre, que l'État assume le coût de la solidarité nationale et territoriale.

Si, dans les Hauts-de-Seine, la loi SRU était ne serait-ce que respectée, près de 16 000 logements pourraient être construits et 40 000 personnes auraient un toit.

M. Sarkozy, qui s'est vu déléguer par l'État l'aide à la pierre, ne prend absolument pas en compte ces exigences. Alors qu'à la fin des années quatre-vingt-dix 8 000 logements étaient réalisés, en moyenne, par an, il s'en construit, aujourd'hui, 1 450, dont seulement 159 PLAI. Or il y a, dans les Hauts-de-Seine, 75 000 demandeurs de logements sociaux.

Les disponibilités foncières ne manquent pas, comme en témoignent les opérations immobilières passées, en cours ou en projet dans toutes les villes de ce département. Mais la priorité est donnée à la vente et à la démolition de logements sociaux pour laisser place à la spéculation immobilière.

À Colombes, par exemple, dans les quartiers des Fossés-Jean et des Bouviers, les habitants ont appris incidemment, en prenant connaissance des plans du projet de rénovation urbaine, que leur immeuble en bon état allait purement et simplement disparaître, au seul profit d'une enseigne commerciale de la grande distribution. Alors que cette ville compte plusieurs milliers de demandes de logement en attente, on s'apprête à sacrifier 140 logements sociaux, sans garantir aux actuels locataires leur relogement à un montant de loyer identique, et sans reconstruire le même nombre de logements sociaux.

Je citerai un autre effet pervers de la politique départementale menée dans les Hauts-de-Seine. À Villeneuve-la-Garenne, dans le cadre d'un projet de rénovation urbaine dont l'objet est de désenclaver un quartier et d'améliorer le mieux-vivre de ses habitants, la démolition de 281 logements sociaux a été programmée. Mais, et c'est là que le bât blesse, seront reconstruits sur ce site 250 logements, dont seulement 150 logements sociaux.

Par ailleurs, si 113 autres logements sociaux supplémentaires verront le jour à Villeneuve-la-Garenne, 68 seront construits sur le territoire de la Garenne-Colombes. Il n'est pas envisagé de réaliser les nouveaux logements avant la démolition des anciens. Aussi, les personnes concernées se trouveront en compétition avec les autres demandeurs de la ville, plus anciens. Pour la Garenne-Colombes, qui compte à peine 10 % de logements sociaux, c'est surtout un moyen de s'approcher, certes difficilement, de l'objectif des 20 % fixé par la loi.

Telles sont, mes chers collègues, expliquées à travers des exemples locaux, les raisons qui nous font militer en faveur de la pleine et entière responsabilité de l'État en matière de logement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

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Article 4 (début)
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Discussion générale

souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire du kenya

M. le président. Mes chers collègues, j'ai le plaisir et l'honneur de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d'une délégation parlementaire du Kenya, conduite par M. Ramadhan Kajembe, président de la commission des lois de cette assemblée. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)

Cette délégation séjourne en France dans le cadre d'un voyage d'étude sur les questions d'immigration, de sécurité et de lutte contre le terrorisme. Elle a déjeuné aujourd'hui au Sénat, à l'invitation du groupe interparlementaire de notre assemblée, présidé par notre collègue Jean Faure, et a eu des discussions approfondies avec notre collègue Jean-Jacques Hyest.

En souhaitant à nos hôtes un excellent séjour dans notre pays, je forme des voeux pour que cette visite contribue, un peu plus encore, au renforcement des liens d'amitié qui unissent nos deux pays. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs applaudissent.)

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Article 4 (interruption de la discussion)
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Article 4

Droit opposable au logement

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. Nous poursuivons la discussion du projet de loi instituant le droit opposable au logement et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.