PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Article 6 (début)
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Discussion générale

13

saisine du conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, le 31 juillet 2007, par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.

Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

14

rappel au règlement

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, je souhaite faire un rappel au règlement.

M. Paul Girod. Sur quel article ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Sueur. Il a régné une certaine confusion dans les ultimes minutes de la séance de cet après-midi, ce qui peut avoir des conséquences fâcheuses pour l'examen du texte qui nous est soumis. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Paul Girod. Ce n'est pas possible !

M. Jean-Pierre Sueur. En effet, Mme le garde des sceaux, rejoignant en cela M. le rapporteur, nous a cité le protocole facultatif à la convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants pour justifier certaines restrictions à l'exercice de sa mission par le contrôleur général.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration général, rapporteur. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Sueur. Or il se trouve que ces déclarations sont erronées.

Deux cas sont en effet identifiés dans le protocole : l'article 2 prévoit l'établissement d'un sous-comité pour la prévention de la torture qui ne peut comprendre plus d'un ressortissant d'un même État et qui coopère en vue de l'application du protocole ; l'article 3, dont relève le contrôleur général des prisons objet de notre texte, prévoit, lui, que « chaque État partie met en place [...], à l'échelon national, un ou plusieurs organes de visite chargés de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. »

Or les restrictions qui ont été citées ne concernent que le sous-comité, et pas le contrôleur général, dont la liberté d'action n'est en rien limitée par les articles 19 et 20 du protocole facultatif.

Ayant compris, les uns et les autres, que ces articles s'appliquaient au contrôleur général, ce qui n'est pas conforme à la vérité, nous avons voté en conséquence, sans avoir pu procéder à des vérifications.

Or nous avons adopté l'amendement n° 36 de Mme Boumediene-Thiery, qui a pour effet tout à fait bénéfique de supprimer le deuxième alinéa de l'article 6, dont je rappelle les termes : « Avant toute visite, le contrôleur général informe les autorités responsables du lieu de privation de liberté. Toutefois, il peut décider de procéder à une visite sans préavis lorsque des circonstances particulières l'exigent. » Autrement dit, l'alinéa supprimé prévoyait que le contrôleur général devait sinon demander la permission avant de venir, ...

M. Paul Girod. On n'a jamais dit cela !

M. Jean-Pierre Sueur. ...du moins prévenir.

Le problème vient du paragraphe II de cet amendement, dans lequel il est proposé, au début du troisième alinéa de l'article 6, de remplacer les mots « Ces autorités » par les mots « Les autorités responsables du lieu de privation de liberté ». Comme nous avons adopté cet amendement -à l'unanimité-, tous les amendements qui portaient sur le troisième alinéa de l'article sont devenus sans objet.

M. Laurent Béteille. C'est évident !

M. Jean-Pierre Sueur. Or ce troisième alinéa de l'article 6 présente de très graves inconvénients, puisqu'il prévoit un grand nombre de circonstances dans lesquelles les autorités peuvent s'opposer à la visite du contrôleur général.

M. Paul Girod. Cela n'a rien à voir avec un rappel au règlement !

M. Louis Mermaz. Mais c'est intéressant !

M. Robert del Picchia. Ce n'est pas un rappel au règlement !

M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, je dis simplement que, à la suite d'informations erronées qui ont été données au Sénat, nous nous sommes trouvés dans une situation paradoxale puisque, par l'adoption de l'amendement n° 36, nous avons certes supprimé le deuxième alinéa, mais aussi validé la rédaction, même modifiée, de l'alinéa 3, et ce contrairement à la volonté de nombre d'entre nous sur différentes travées de cet hémicycle.

C'est la raison pour laquelle je souhaiterais vivement que nous puissions délibérer de nouveau au moins sur le troisième alinéa de l'article 6, monsieur le président.

M. Laurent Béteille. Ce ne serait pas conforme au règlement !

M. le président. Monsieur Sueur, je vous donne acte de votre déclaration.

Vous le savez fort bien, je ne peux pas faire droit à votre demande. Je peux uniquement constater que, la procédure et le règlement ayant été strictement respectés, ...

M. Jean-Pierre Sueur. C'est tout à fait vrai !

M. le président. ... le vote est acquis.

M. Paul Girod. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. Me permettez-vous d'ajouter quelques mots, monsieur le président ?

M. le président. Je vous en prie, monsieur Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Je prends acte, bien entendu, de vos propos, monsieur le président. Une solution consisterait à procéder à une deuxième délibération sur l'amendement de Mme Boumediene-Thiery. Nous pourrions alors défendre un sous-amendement tendant à supprimer la seconde partie de l'amendement, ce qui nous permettrait de débattre du troisième alinéa, qui soulève de véritables problèmes.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il fallait le faire au bon moment !

M. Laurent Béteille. Il fallait réagir avant !

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument, mais il était important que cela fût dit !

M. le président. Ce n'est pas à moi d'en juger. Je constate que le règlement a été appliqué et que la procédure suivie est parfaitement normale.

M. Jean-Pierre Sueur. Sur le fond, cet incident est fâcheux !

15

Nomination de membres d'une commission mixte paritaire

M. le président. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.

La liste des candidats a été affichée ; je n'ai reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 12 du règlement.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :

Titulaires : M. Charles Revet, Mme Catherine Procaccia, MM. Paul Blanc, Alain Gournac, Claude Biwer, Mmes Christiane Demontès et Annie David.

Suppléants : MM. Gilbert Barbier, René Beaumont, Christian Cambon, Mme Adeline Gousseau, MM. Yves Krattinger, André Lardeux et Mme Gisèle Printz.

Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le Président du Sénat en aura été informé.

16

Article 6 (interruption de la discussion)
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Article 6

Contrôleur général des lieux de privation de liberté

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l'examen de l'article 6.

Discussion générale
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Article additionnel après l'article 6

Article 6 (suite)

Le contrôleur général peut visiter à tout moment, sur le territoire de la République, tout lieu où des personnes sont privées de leur liberté par décision d'une autorité publique.

Avant toute visite, le contrôleur général informe les autorités responsables du lieu de privation de liberté. Toutefois, il peut décider de procéder à une visite sans préavis lorsque des circonstances particulières l'exigent.

Ces autorités ne peuvent s'opposer à la visite du contrôleur général que pour des motifs graves liés à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou à des troubles sérieux dans l'établissement où la visite doit avoir lieu. Elles proposent alors son report.

Le contrôleur général reçoit des autorités responsables du lieu de privation de liberté toute information ou pièce utile à l'exercice de sa mission. Lors des visites, il peut s'entretenir, dans des conditions assurant la confidentialité, avec toute personne dont le concours lui paraît nécessaire.

Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut lui être opposé, sauf si leur divulgation est susceptible de porter atteinte au secret de la défense nationale, à la sûreté de l'État, à la sécurité des lieux de privation de liberté, au secret de l'enquête et de l'instruction, au secret médical ou au secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 33, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :

Dans le quatrième alinéa de cet article, remplacer le mot :

reçoit

par les mots :

demande et obtient

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. L'intérêt d'un contrôleur général des lieux de privation de liberté réside dans son efficacité. Il s'agit donc de lui donner les moyens d'être efficace à travers un véritable pouvoir d'injonction.

Cet amendement vise à préciser le pouvoir d'injonction du contrôleur des lieux de privation de liberté.

Entre le terme « reçoit » prévu par le projet de loi et les termes « demande et obtient » proposés par cet amendement, il existe une différence de degré.

En effet, le terme « reçoit » fait l'impasse sur le processus qui consiste à impliquer les autorités responsables dans la mise en oeuvre du bon déroulement des visites et des contrôles, alors que l'amendement proposé permet de mieux situer, d'un point de vue lexical, le rôle des autorités responsables : elles collaborent, mais elles obéissent aux demandes du contrôleur.

M. le président. L'amendement n° 45, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du quatrième alinéa de cet article, remplacer le mot :

reçoit

par le mot :

obtient

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. Monsieur le président, cet amendement s'inspire de la même philosophie que celui qui vient d'être présenté, même si je crois que nous sommes assez éloignés du pouvoir d'injonction.

Le projet de loi prévoit que le contrôleur général « reçoit » des autorités responsables du lieu de privation de liberté toute information utile. Je propose de substituer au mot « reçoit » le mot « obtient ».

Cette rédaction indique simplement plus clairement qu'il appartient au contrôleur général de choisir les informations qui peuvent lui être utiles.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos  33 et 45 ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. La formulation retenue par M. Lecerf me paraît plus simple que la vôtre, madame Boumediene-Thiery, et vous pourriez certainement vous y rallier.

Le choix du terme « obtient » plutôt que « reçoit », qui figurait dans le texte initial, me paraît traduire un rôle plus actif du contrôleur général.

La commission est donc favorable à l'amendement n° 45 et demande le retrait de l'amendement n° 33.

M. le président. Madame Boumediene-Thiery, l'amendement n° 33 est-il maintenu ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je me rallie à l'amendement de M. Lecerf et je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 33 est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 45 ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 45.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

M. le président. L'amendement n° 69, présenté par MM. C. Gautier, Badinter, Mermaz, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :

Dans la première phrase du quatrième alinéa de cet article, après les mots :

autorités responsables du lieu de privation de liberté

insérer les mots :

et de toute personne qu'il juge utile d'entendre et qui ne fait pas partie de ces autorités,

La parole est à M. Robert Badinter.

M. Robert Badinter. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet amendement concerne l'étendue de l'information dont doit disposer le contrôleur général pour assumer sa mission.

À cet égard, le projet de loi prévoit, au quatrième alinéa de l'article 6, que le contrôleur général « reçoit des autorités responsables du lieu de privation de liberté toute information ou pièce utile à l'exercice de sa mission ».

Or il n'y a pas que les autorités responsables qui sont sources d'informations importantes. Parmi les personnes qui sont susceptibles de donner ces informations, je veux citer les représentants des associations, les visiteurs de prisons, les assistantes sociales, les éducateurs, les membres du Groupement étudiant national d'enseignement aux personnes incarcérées, le GENEPI.

Tous prennent part à la vie des lieux privatifs de liberté et peuvent, le cas échéant, fournir des informations au contrôleur. Or ce ne sont pas des « autorités responsables » et elles ne relèvent d'ailleurs pas, pour la plupart d'entre elles, du pouvoir hiérarchique de l'administration pénitentiaire. Cependant, ce sont des « sachants ». Par conséquent, il y a là une restriction qui ne peut demeurer dans le texte.

J'ajoute que la formulation suivante n'est pas plus satisfaisante : « Lors des visites, il [le contrôleur général] peut s'entretenir, dans des conditions assurant la confidentialité, avec toute personne dont le concours lui paraît nécessaire ».

Or toutes ces personnes dont le concours peut lui paraître nécessaire ne sont pas présentes en permanence au sein de la prison. Prévoir que le contrôleur général pourra s'entretenir « lors de ses visites » avec des personnes qui ne sont pas des autorités responsables et qui ne seront pas nécessairement présentes constitue une entrave à sa mission.

Jean-Pierre Sueur a fort bien souligné tout à l'heure qu'une confusion s'était produite au cours du débat entre celles des dispositions du protocole facultatif, plus restrictives, qui ont trait au sous-comité pour la prévention de la torture, dont on se souvient qu'il ne doit comprendre qu'un seul délégué par nation, et les autres, de portée plus générale.

Dans le même ordre d'idées, le projet de loi vise le libre accès à toutes les informations, à tous les locaux et l'audition de toute personne que le contrôleur général juge utile d'entendre. C'est cette partie du protocole facultatif que nous devons considérer ici !

Si nous présentons cet amendement, c'est parce que sa rédaction est claire et ne donne lieu à aucune interprétation. Ce n'est ni plus ni moins que cela, mais c'est important.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cette précision ne paraît pas indispensable. En effet, l'article 5 est suffisamment clair : « Toute personne physique ainsi que toute personne morale s'étant donné pour objet le respect des droits fondamentaux peut porter à la connaissance du contrôleur général des lieux de privation de liberté des faits ou situations susceptibles de relever de sa compétence ».

Ainsi, les visiteurs de prison ou les éducateurs, auxquels l'objet de l'amendement fait notamment référence, pourront sans difficulté informer directement le contrôleur général.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour les mêmes raisons que la commission, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 69.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 34, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :

Compléter l'avant-dernier alinéa de cet article par les mots :

, en particulier avec les personnes privées de liberté

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise à placer la personne privée de liberté au nombre de celles et ceux dont le concours pourra paraître nécessaire au contrôleur pour exercer au mieux sa mission.

Selon l'article 6 du projet de loi, le contrôleur général peut s'entretenir avec « toute personne dont le concours lui paraît nécessaire ». Dès lors, les personnes privées de liberté pourront-elles s'entretenir avec lui ? Si tel n'était pas le cas, à quoi le contrôleur général des lieux de privation de liberté servirait-il ?

J'aimerais que l'on réponde de manière explicite à cette question, car, pour moi, ce n'est pas une évidence. Il m'est en effet déjà arrivé, en tant que parlementaire, de me rendre dans des centres de détention, de demander à m'entretenir avec des détenus, et de constater que l'on empêchait ces personnes de me parler. C'est la raison pour laquelle j'aimerais que ce point soit éclairci.

Le rôle du contrôleur consiste à juger du traitement dont fait l'objet la personne privée de liberté. Or cette dernière est quand même la mieux placée pour ce faire et pour fournir au contrôleur son avis. Son concours est donc plus que nécessaire ; il est fondamental pour que le contrôleur puisse remplir sa mission.

Cette possibilité est également une garantie contre l'arbitraire : si les seules personnes habilitées à s'entretenir avec le contrôleur sont les personnels des établissements, les informations relatives aux conditions de détention risquent de ne pas être complètes et objectives.

Sans blâmer dans leur totalité les personnels exerçant leurs fonctions dans les lieux de privation de liberté, il faut admettre que le corporatisme y est fort. La possibilité qu'une personne dénonce les comportements de l'un de ses collègues est très rare, pratiquement impossible, même si cela s'est produit récemment.

Si les personnes privées de liberté sont concernées par cette disposition, la loi doit être plus explicite et le préciser.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le projet de loi prévoit explicitement que le contrôleur général « peut s'entretenir, dans des conditions assurant la confidentialité, avec toute personne dont le concours lui paraît nécessaire ». Lesdites personnes peuvent bien évidemment être les personnes privées de liberté. Il n'est donc pas nécessaire de le préciser.

Certes, un certain nombre de personnels pourraient également être gênés, mais je rappelle que la règle de confidentialité s'impose ici aussi.

À mon avis, il va de soi que les personnes privées de liberté sont comprises parmi celles qui peuvent être entendues par le contrôleur général. Je pense que Mme la ministre confirmera ma lecture du texte.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Alors, pourquoi ne pas l'écrire dans la loi ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement ne paraissant pas utile, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je confirme que l'expression « toute personne » englobe les personnes privées de liberté elles-mêmes. C'est la raison pour laquelle nous avons ajouté cette notion de confidentialité, comme c'est le cas pour les entretiens que peuvent avoir avec leur avocat les personnes détenues ou gardées à vue.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.

M. Louis Mermaz. Même si les déclarations du Gouvernement et de la commission sont rassurantes, je suis très troublé par ce que vient de dire Mme Boumediene-Thiery.

Pour ma part, j'ai une expérience totalement différente. Je n'ai en effet jamais rencontré de difficulté, que ce soit en me rendant dans un centre de rétention administrative à Mayotte avec M. Othily ou dans les déplacements que j'ai pu effectuer en tant que président de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la situation dans les prisons françaises. J'ai toujours pu m'entretenir, en tête-à-tête, en dehors de toute présence du personnel pénitentiaire, avec les détenus. J'ai même passé beaucoup de temps avec eux.

En revanche, là où j'ai rencontré des difficultés pour m'entretenir avec une personne incarcérée, c'est au commissariat central de Marseille en raison de l'arrivée pour le moins inopinée d'un substitut.

En fait, si, selon la personne à laquelle on a affaire, il y a plus ou moins de latitude, il ne serait pas inutile d'adopter cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 68, présenté par MM. C. Gautier, Badinter, Mermaz, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :

Compléter la seconde phrase du quatrième alinéa de cet article par les mots :

éventuellement à sa demande

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Notre amendement vise à préciser que l'entretien peut non seulement avoir lieu sur l'initiative du contrôleur général, mais également à la demande de la personne qui est entendue. La commission Canivet avait déjà fait cette proposition. Nous la réitérons ici.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission estime que cette précision n'est pas plus indispensable que la précédente, car il va de soi que le contrôleur général pourra s'entretenir sur son initiative avec une personne privée de liberté ou à la demande de celle-ci.

La commission a donc émis un avis défavorable.

Cela étant, je voudrais dire à M. Mermaz qu'il est déjà arrivé qu'on empêche un parlementaire de rendre visite à un détenu, mais parce qu'il s'agissait non pas de contrôler les conditions de détention dans cet établissement pénitentiaire, mais de visiter un détenu à titre particulier. On ne peut donc pas établir de parallèle avec la mission du futur contrôleur général des lieux privatifs de liberté.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le projet de loi prévoit que toute personne physique peut saisir le contrôleur général. De la même manière, toute personne physique peut demander à s'entretenir avec lui.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 68.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 70, présenté par MM. C. Gautier, Badinter, Mermaz, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :

Après les mots :

ne peut lui être opposé

supprimer la fin du dernier alinéa de cet article.

La parole est à M. Robert Badinter.

M. Robert Badinter. Le dernier alinéa de l'article 6 est essentiel. Il vise les cas où le secret peut être opposé aux investigations du contrôleur général.

Je le rappelle, selon l'article 20, paragraphe b, du protocole facultatif, les États parties s'engagent à accorder à leur contrôleur général « l'accès à tous les renseignements relatifs au traitement des personnes privées de liberté et à leurs conditions de détention ».

Cette disposition est aussi générale que possible et l'on pourrait presque dire qu'elle va de soi. Toujours est-il que le projet de loi la reprend. Le texte est alors conforme à l'exigence internationale. Il faut en effet que le contrôleur général puisse être totalement informé. Ses assistants et lui étant tenus par le secret professionnel, ils ne pourront de toute façon pas divulguer ce qu'ils auront appris dans le cadre de leur mission.

Malheureusement, il y a les exceptions, qui sont ici des brèches géantes. Or peut-on vraiment penser que les secrets de la défense nationale seront menacés par les informations que le contrôleur général détiendra ? Qui jugera qu'il y a atteinte à la sûreté de l'État et à quel titre ?

La commission a déposé un amendement tendant à supprimer la référence à la sécurité des lieux de privation de liberté, mais celle liée au secret de l'enquête et de l'instruction, qui est pour le moins curieuse, demeurerait.

La liste se termine par le secret médical et le secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client.

Voilà autant de raisons pour lesquelles on refusera au contrôleur l'accès aux pièces susceptibles de nourrir son information. C'est exactement le contraire de ce qui est voulu, j'en suis convaincu, par tous les participants - il faut en effet que le contrôleur général s'informe pour pouvoir accomplir sa mission - et par le protocole facultatif.

Notre amendement vise à ce que le texte s'arrête à la première partie de la phrase. Nous voulons donc supprimer toutes ces exceptions qui vident pour une bonne part de son contenu la capacité d'information du contrôleur, d'autant que certaines exceptions relèvent d'hypothèses purement et simplement absurdes.

En réalité, le seul problème sérieux, c'est celui du secret médical, notamment dans les hôpitaux psychiatriques. Lorsqu'un détenu affirme avoir été victime de violences de la part d'un codétenu - c'est monnaie courante, hélas ! - ou éventuellement de la part de certains membres du personnel pénitentiaire, il ne sera pas possible au contrôleur de savoir réellement ce qui s'est passé et de connaître l'origine des blessures.

Ce cas précis montre bien que le secret médical doit être levé au profit du contrôleur. Lui-même sera alors tenu de ne pas divulguer ces informations, sauf exceptions prévues par la loi.

M. le président. L'amendement n° 93, présenté par Mme Assassi, Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :

Remplacer le dernier alinéa de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut lui être opposé, sauf si leur divulgation est susceptible de porter atteinte au secret médical.

Néanmoins, le contrôleur général peut avoir accès au dossier médical avec l'accord de la personne intéressée.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Le dernier alinéa de l'article 6 définit les exceptions dans lesquelles le caractère secret d'une information peut être opposé au contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Il nous paraît légitime que, dans certains cas de figure, il puisse y avoir une incompatibilité entre le caractère secret d'une information et la mission de la nouvelle autorité administrative.

Dès lors, c'est bien au législateur de définir précisément le régime et la nature de chacune de ces incompatibilités.

Or, en l'espèce, le projet de loi fait un inventaire de diverses situations dans lesquelles le secret serait opposable au contrôleur sans apporter plus de précision. On trouve ainsi, pêle-mêle, le secret défense, la sécurité du lieu de privation de liberté ou encore le secret médical.

On ne peut pourtant pas mettre sur le même plan un secret qui bénéficie aux institutions privatives de liberté, telles que des informations relatives à la sécurité du lieu, et un secret qui est un droit du citoyen quel qu'il soit, comme le secret médical.

Cet inventaire met donc sur la même ligne des restrictions qui n'ont pas la même valeur.

Le secret médical est un droit codifié, clairement défini, qui renvoie au principe du respect de la personne et de sa vie privée, tandis que le secret lié à la sécurité du lieu de privation de liberté n'est pas un principe légal ou moral. Il s'agit d'une notion floue, sans contenu, et dont l'opposabilité au contrôleur général dans l'exercice de ses missions ne nous paraît pas justifiée.

Par ailleurs, l'opposabilité du secret médical ne doit pas être considérée comme systématique. Ce droit doit pouvoir bénéficier aux individus concernés et non aux institutions qui prennent en charge ces individus.

Dès lors, il nous paraît nécessaire que le secret médical puisse être levé si la personne concernée a clairement exprimé son consentement.

En effet, l'examen médical revêt une importance particulière pour la prévention de la violence, dans les cas de maltraitance. Il est indispensable que le contrôleur puisse avoir accès au dossier médical, avec l'accord de l'intéressé, ne serait-ce que pour vérifier la concordance entre les allégations et les constatations médicales.

Dans la mesure où le contrôle portera sur tous les lieux de privation de liberté, les établissements hospitaliers ne doivent pas pouvoir invoquer le secret médical pour s'opposer à ce contrôle.

Afin de garantir la protection des personnes privées de liberté, et non celle des institutions qui les prennent en charge, il nous paraît souhaitable que seul le secret médical puisse être opposable au contrôleur général tout en pouvant être levé avec l'accord de la personne concernée.

M. le président. L'amendement n° 78, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe Union centriste - UDF est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :

Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut lui être opposé, sauf en matière de secret médical.

La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Cet amendement va dans le même sens que les deux amendements qui viennent d'être présentés.

Il vise à réécrire le dernier alinéa de cet article en prévoyant que le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut lui être opposé, sauf en matière de secret médical.

Ce faisant, je vous propose de reprendre purement et simplement la rédaction de la proposition de loi adoptée par le Sénat en 2001.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !

M. le président. L'amendement n° 22, présenté par MM. Lecerf et Portelli est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le dernier alinéa de cet article :

Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut lui être opposé. Si leur divulgation est susceptible de porter atteinte au secret de la défense nationale, à la sûreté de l'État, à la sécurité des lieux de privation de liberté, au secret de l'enquête et de l'instruction, au secret médical ou au secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client, le contrôleur général sera lié par l'obligation de secret.

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. Nous voulons faire le pari de la confiance à l'égard du contrôleur général.

Cet amendement vise donc à inverser la logique du texte.

Plutôt que de s'opposer à la divulgation d'informations au contrôleur général pour des raisons relatives au secret de la défense ou aux autres types de secret, nous vous proposons que l'ensemble des informations souhaitées par le contrôleur général lui soient communiquées, tout en rappelant que celui-ci est à son tour lié par l'obligation de secret. Il entre, en quelque sorte, dans le secret partagé.

Je profite de cette opportunité pour rappeler que la future loi pénitentiaire pourra être l'occasion d'une autre réflexion sur le secret médical dans la mesure où ce texte portera non seulement sur les établissements pénitentiaires, mais aussi sur les secteurs psychiatriques.

Il est peut-être difficile d'assouplir le secret médical dans le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui. Il n'en reste pas moins que, dans le secteur purement pénitentiaire, il y a aujourd'hui des victimes du secret médical !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C'est exact !

M. Jean-René Lecerf. J'évoquerai simplement l'affaire de cannibalisme à la prison de Rouen où le secret médical a bien été à l'origine du décès d'un détenu !

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Tout à fait !

M. le président. L'amendement n° 55, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe Union centriste - UDF est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :

Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut pas lui être opposé. Le contrôleur général est tenu de respecter le secret de la défense nationale, le secret de l'enquête et de l'instruction, le secret médical et le secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et un client.

La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Cet amendement est peut-être plus rassurant que l'amendement n° 78 que je viens de vous présenter et tout à fait comparable, à quelques éléments de rédaction près, à celui que vient de nous présenter Jean-René Lecerf.

Il vise à prévoir que le caractère secret des diverses informations et pièces que le contrôleur général demande ne lui est pas opposable.

En revanche, le contrôleur général est, lui, tenu de respecter le secret des informations et documents qui lui sont communiqués.

M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Hyest, au nom de la commission est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa de cet article, supprimer les mots :

à la sécurité des lieux de privation de liberté,

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission a été plus modeste que nos collègues !

Parmi les critères susceptibles de justifier un refus de communiquer des informations au contrôleur général dans le projet de loi figure la sécurité des lieux de privation de liberté.

Nous nous étions beaucoup interrogés sur cette question.

Cette restriction paraît excessive dans la mesure où le contrôleur général, pour assurer un contrôle effectif, doit disposer de toutes les informations nécessaires concernant les locaux de détention.

En outre, une telle restriction n'est prévue ni par la convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants ni par le protocole facultatif des Nations unies.

Enfin, les autres conditions prévues par cet article liées au secret de la défense nationale et à la sûreté de l'État sont déjà des garanties suffisantes.

M. le président. L'amendement n° 35, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa de cet article, supprimer les mots :

, au secret médical

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise également, à supprimer la référence au secret médical.

Je suis d'accord avec mes collègues, notamment avec M. Lecerf : la notion de secret médical mérite une nouvelle réflexion au regard de certains événements.

En effet, que protège le secret médical ? Protège-t-il l'état de santé de la personne privée de liberté ou les agissements des autres personnes présentes dans l'établissement ?

Signifie-t-il qu'une personne qui a fait l'objet de mauvais traitements au sein de l'établissement ou qui a fait l'objet de soins d'urgence ne pourra pas faire état de ces incidents au contrôleur en raison du secret médical ?

Il faudrait donc peut-être revenir sur cette notion.

Ce critère est trop restrictif. Nous avons peur qu'il ne soit souvent opposé au contrôleur pour des raisons qui pourraient ne pas être toujours valables.

Le contrôleur doit prendre connaissance de l'état de santé de toutes les personnes privées de liberté, sans restriction aucune.

Il doit d'ailleurs pouvoir contrôler qu'une personne reçoit bien les soins que son état de santé nécessite, notamment qu'elle n'est pas privée de ses médicaments. Il doit pouvoir également contrôler qu'une personne n'a pas fait l'objet de maltraitance ou n'a pas reçu de coups durant sa privation de liberté.

Opposer le secret médical au contrôleur signifie que ce dernier ne pourra pas recueillir ce type d'information, ce qui est tout à fait inacceptable.

À mon sens, une telle disposition met une limite à sa mission initiale de contrôleur.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 70, 93, 78, 22, 55 et 35 ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La question du secret est délicate.

Toutefois, il est difficile de contester que le secret de l'enquête et de l'instruction, ainsi que le secret professionnel entre l'avocat et son client, sont justifiés. Il y va de la protection des personnes !

Le secret médical soulève d'autres questions, comme l'a excellemment exprimé Jean-René Lecerf.

Il ne faudrait pas que le contrôleur général s'immisce dans le choix du traitement d'un patient. Le secret médical constitue à cet égard une garantie.

Dans la proposition de loi de 2001, nous avions visé le secret médical. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Nous avions donc déjà identifié ce problème, chers collègues. Je considère, comme M. Lecerf, qu'il faut progresser sur cette question du secret médical. Et je pense non pas seulement aux lieux pénitentiaires ou aux locaux de garde à vue, mais également aux établissements psychiatriques !

Nous avons en effet dû voter une loi en 1990, pour modifier une loi de 1838 aux termes de laquelle on pouvait enfermer les gens comme on voulait, sans qu'ils puissent sortir. Il me semble qu'il reste encore matière à réfléchir dans ce domaine et que la future loi pénitentiaire nous offrira l'opportunité de progresser.

Quoi qu'il en soit, comme je l'ai dit en commission, je n'ai pas trouvé de formulation satisfaisante, même si j'ai entendu longuement à la fois les représentants de l'Inspection générale des affaires sociales et du ministère de la santé.

Tout le monde comprend le problème, mais lever le secret médical est aussi une chose dangereuse. Il y va également de la protection des personnes.

Le dispositif prévu pour le contrôleur général en matière de secret est identique à celui qui a été retenu pour la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, lequel a inspiré largement les auteurs du projet de loi. Je m'en tiendrai donc à ce qui nous est proposé, en dehors de la sécurité des locaux.

Je m'interroge toujours, bien entendu, sur la pertinence de l'opposabilité du secret pour des informations liées à la défense nationale et à la sûreté de l'État, car je ne vois pas très bien comment des informations sur les lieux d'enfermement pourraient porter atteinte au secret de la défense nationale ou à la sûreté de l'État !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On peut laisser cette précision dans le texte si cela rassure un certain nombre de grands services publics.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En tout état de cause, je suis défavorable à tous ces amendements qui visent à modifier le texte en en supprimant une partie, voire à retourner le problème d'une manière habile en précisant que le contrôleur est soumis au secret sur les informations qui lui sont communiquées.

La commission préfère en rester au secret tel qu'il est prévu par le texte, sauf s'agissant de la mention de la sécurité des lieux privatifs de liberté, qui ne lui paraît pas indispensable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les sept amendements en discussion commune ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ces amendements portent sur les différents secrets.

En ce qui concerne le secret médical, les individus ont droit à la confidentialité sur les pathologies dont ils souffrent.

Vous proposez, madame Mathon-Poinat, que le contrôleur général puisse avoir accès au dossier médical avec l'accord de la personne intéressée. Le problème est que la personne privée de liberté, ainsi sollicitée, se sentira obligée de donner son accord, même si elle ne le souhaite pas.

Il me semble donc préférable de laisser la possibilité à la personne privée de liberté de donner librement des informations de nature médicale si elle le souhaite et si elle l'estime nécessaire à la mission du contrôleur.

C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas souhaité que le secret médical puisse être levé pour le contrôleur.

S'agissant du secret professionnel de l'avocat et de la confidentialité entre l'avocat et le client, cette exigence me semble normale.

Nous ne sommes donc pas favorables à ce que le contrôleur ait accès à des informations qui sont couvertes par le secret ou la confidentialité entre un avocat et son client, sauf si la personne souhaite donner l'information

S'agissant du secret de l'instruction, ...

M. Henri de Richemont. Il n'existe plus ! Il est mort !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. ... il y a plusieurs parties dans une affaire pénale. Il n'y a aucune raison pour qu'une partie donne au contrôleur des informations couvertes par le secret de l'instruction ou pour que le contrôleur demande des informations couvertes pas le secret de l'instruction.

Le contrôleur n'a pas à demander à une personne détenue ou privée de liberté de donner des informations sur une instruction, d'autant que les autres parties à l'affaire ne souhaitent peut-être pas que l'on divulgue des informations les concernant, en particulier sur les procès-verbaux d'audition.

Au-delà de cette question, sur des affaires de terrorisme ou d'atteinte à la sûreté de l'État, il n'est peut-être pas indispensable que le contrôleur puisse obtenir des informations en ces matières.

De surcroît, le contrôleur n'est pas une personne habilitée secret défense et n'a donc pas à solliciter des informations de ce type. Il en va de même pour la sûreté de l'État.

En revanche, je suis d'accord avec la modification que vous proposez, monsieur le rapporteur, sur la sécurité des lieux de privation de liberté.

Certes, souvent, on ne souhaite pas indiquer l'emplacement des cellules d'isolement. Il peut néanmoins être indispensable que le contrôleur sache où elles se trouvent, notamment dans les centres hospitaliers psychiatriques.

Je suis donc favorable à l'amendement n° 11 de la commission et défavorable à tous les autres amendements.

Quoi qu'il en soit, monsieur Lecerf, je suis tout à fait d'accord avec vous sur un point : nous devrons revoir le secret médical dans le cadre de la future loi pénitentiaire pour ce qui concerne les détenus dits « sensibles » ou particulièrement surveillés, les DPS.

En effet, un tiers des 344 détenus particulièrement surveillés sont atteints de graves troubles psychiatriques. Ils peuvent donc rarement être placés avec d'autres détenus. Le terrible incident de Rouen s'explique par un manque d'informations de nature médicale sur le détenu, qui n'aurait pas dû être placé dans la même cellule qu'un autre.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 70.

M. Jean-Pierre Sueur. En déposant cet amendement, qui a été défendu par M. Badinter, nous voulons clairement affirmer que le contrôleur général a des pouvoirs et que l'on ne peut pas lui opposer toutes sortes de motifs pour entraver son action.

La proposition formulée par MM. Lecerf et Portelli dans l'amendement n° 22 est, de ce point de vue, tout à fait intéressante.

M. Jean-Pierre Sueur. À partir du moment où un certain nombre des informations dont aurait connaissance le contrôleur général des prisons sont couvertes par le secret, à lui de respecter le secret. Cela me paraît tout à fait logique. Je ne comprends pas, en revanche, pourquoi il faudrait lui imposer toutes ces restrictions qui auraient pour effet d'entraver son action.

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, l'amendement n° 11 de la commission, qui vise à ôter de la liste des restrictions le secret des informations sur la sécurité des lieux de privation de liberté, est tout à fait judicieux. Cependant, si c'est amendement est adopté, comme il est probable, ce sera en complète contradiction avec les termes du troisième alinéa de l'article 6, que l'on ne peut malheureusement plus amender pour les raisons que j'ai exposées dès la reprise de la séance.

Dans ce troisième alinéa, il est prévu que les autorités responsables des lieux privatifs de liberté ne peuvent s'opposer à la visite du contrôleur général que pour des motifs graves liés, en particulier, à des troubles sérieux dans l'établissement.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela n'a rien à voir !

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le rapporteur, si le contrôleur général peut recevoir toutes les informations relatives à la sécurité des lieux de privation de liberté, comment justifier que l'on puisse lui opposer, pour empêcher sa visite, la possibilité de troubles dans l'établissement, alors que c'est justement la survenue de troubles dans l'établissement qui rendrait particulièrement pertinente sa visite ? Je ne comprends pas cette logique. En l'état, ce troisième alinéa est en contradiction avec le dernier alinéa de l'article 6, même modifié par votre amendement.

Madame la ministre, vous nous avez dit qu'il était très important de prévoir toutes les circonstances, en particulier les catastrophes naturelles, pour ce qui est du troisième alinéa. Mais, si un tremblement de terre se produit, il est probable qu'il sera difficile de visiter une prison et que le Sénat aura du mal à délibérer. En cas de séisme, de tsunami, il est vraisemblable que le contrôleur général cherchera plutôt à se protéger, ainsi d'ailleurs que les détenus et les gardiens.

Non, tout cela n'est pas très sérieux !

La vérité, c'est qu'un grand nombre de clauses sont prévues pour empêcher le contrôleur général de faire son travail, ou pour donner la possibilité de l'empêcher de faire son travail. Tout cela n'est pas raisonnable dès lors qu'il s'agit d'une haute autorité morale indépendante et que cette autorité sera, comme l'ont prévu MM. Lecerf et Portelli, obligée de partager les secrets, qu'il s'agisse de secret défense, de secret médical ou d'autres formes de secrets liés en particulier à la sûreté de l'État. La sûreté de l'État à elle seule permettrait de tout justifier, en particulier le refus de recevoir le contrôleur des prisons ou encore de lui communiquer toute information.

C'est la raison pour laquelle cet amendement n° 70 nous paraît très important.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur Sueur, vous excellez dans la dialectique, mais prenez garde d'être inexact.

Vous revenez toujours sur les conséquences de l'adoption de l'amendement n° 36.

M. Jean-Pierre Sueur. L'affaire m'est en effet restée en travers de la gorge !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je le comprends, mais c'est l'application du règlement.

Je n'avais pas perçu, je vous le dis franchement, toutes les conséquences de l'adoption de cet amendement. Il en est ainsi, en vertu du règlement, et je m'étonne que, vous qui êtes un parlementaire expérimenté, ne les ayez pas vues.

M. Jean-Pierre Sueur. Le problème, c'est que personne ne les a vues !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. J'apporterai deux précisions.

D'une part, c'est vrai, je n'ai pas été assez précis sur ce point, les restrictions prévues dans le protocole facultatif visent le sous-comité, organe international, et pas l'organe de visite désigné, lui, à l'échelon national.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais rien n'interdit dans le protocole d'appliquer ces restrictions au plan national.

D'autre part, monsieur Sueur, vous souhaitez que le contrôleur soit autorisé à visiter une prison même en cas de troubles, d'émeutes, ou autres. Cela ferait immédiatement du contrôleur un médiateur. Or ce n'est pas son rôle.

En revanche, s'agissant des informations sur la sécurité des locaux, il m'a paru évident qu'il ne fallait pas pouvoir opposer au contrôleur général le secret puisqu'il doit savoir exactement tout ce que comporte un établissement ou un lieu pénitentiaire, en avoir les plans, de manière qu'aucune partie ne puisse lui être dissimulée. J'ai visité beaucoup de prisons et, dans certains établissements, il était effectivement difficile de se repérer.

Donc, c'est un point important, mais ce n'est pas le même problème.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Cet amendement n° 70 nous amène à un moment important du débat.

Que se passe-t-il ? Tout est fait pour réduire autant que possible les capacités d'investigation du contrôleur général. C'est à cela que nous assistons. On voit bien ce que chacun de ces tempéraments offrira dans la pratique.

Dès qu'il est question du secret de la défense nationale, nous savons que, d'un seul coup, toute enquête gênante peut être arrêtée.

La sûreté de l'État, tout au long de l'histoire en général et de l'histoire de notre justice en particulier, a été utilisée pour empêcher toute investigation.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oh !

M. Robert Badinter. On nous dit que le secret de l'instruction sera opposable. Il suffit dès lors qu'une enquête soit déclenchée à propos des violences que j'évoquais tout à l'heure sur un détenu, entre détenus, ou entre détenus et surveillants, pour qu'aussitôt le contrôleur ne puisse plus être informé.

Quant au secret médical, nous savons ce qu'il faut en penser !

M. Bruno Sido. C'est important, tout de même !

M. Robert Badinter. Alors, de deux choses l'une : ou l'on veut un contrôleur général qui, lié par l'obligation de confidentialité, tenu par le secret, a accès à toutes les informations, ou l'on n'en veut pas, mais on n'essaye pas, comme ici, de limiter par tous les moyens les pouvoirs d'un organe de contrôle pour mieux se dérober à ce qui est pour nous une obligation internationale. Je ne crois pas que ce soit la bonne voie et c'est la raison pour laquelle nous maintenons l'amendement n° 70 en espérant que nous serons suivis.

M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Nous avons enfin un contrôleur des prisons. Nous n'en avions pas, il n'y en a pas eu pendant des années. Alors, de quoi est-on mécontent ?

M. Robert Bret. Il faut qu'il serve à quelque chose !

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. On met en place cette institution. Il faut lui permettre de démarrer, faire en sorte qu'elle prenne de l'importance et peut-être pourra-t-on l'améliorer au fur et à mesure qu'elle se développera, mais on ne peut pas brutalement passer de rien à tout.

M. Henri de Richemont. Nous sommes d'accord !

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. C'est cela qu'il faut arriver à comprendre et ce n'est pas en répétant, comme par méthode Coué, qu'il faut donner beaucoup de pouvoirs au contrôleur que cette institution va fonctionner. Le fait de la créer, c'est déjà beaucoup.

M. Henri de Richemont. Même si elle ne sert à rien ?

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Pourquoi ne l'avez-vous pas créée avant, monsieur Badinter, monsieur Bret ?

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.

M. Jacques Blanc. M. Gélard vient de nous livrer une réflexion tout à fait pertinente.

Madame la ministre, vous proposez de créer ce que personne n'avait fait jusqu'à présent et que tout le monde voulait.

M. Robert Badinter. Nous y sommes internationalement tenus !

M. Robert Bret. La France était tenue de le faire !

M. Jacques Blanc. Mais vous ne l'avez pas fait !

M. Charles Gautier. Vous non plus !

M. Jacques Blanc. Aujourd'hui, on nous propose de le faire, et il est légitime que cela suscite des débats. Cela étant, tout débat me paraît sain sauf lorsque l'on se permet de dire que le secret médical ne correspond à rien.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Personne n'a dit cela !

M. Jacques Blanc. Pas vous, monsieur Hyest, mais certains ont semblé le dire tout à l'heure.

Mme Éliane Assassi. Non, nous n'avons pas dit cela !

M. Jacques Blanc. J'ai été quelque peu choqué en entendant notre éminent collègue, et juriste reconnu, traiter le secret médical en quelque sorte par-dessus la jambe. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Mes chers collègues, si, demain, le secret médical est remis en cause dans notre pays, la qualité des soins ne pourra plus être assurée.

M. Robert Bret. Personne ne le propose !

M. Jacques Blanc. Il faut avoir été soi-même médecin, avec, en face de soi, une personne à laquelle vous demandez de tout vous dire, pour comprendre la portée du secret médical.

M. Robert Bret. C'est un faux débat !

M. Jacques Blanc. En l'absence de secret, cette personne ne vous dira pas tout. Et si elle ne vous dit pas tout, vous ne la soignerez pas bien.

Affirmer l'importance du secret médical est un enjeu majeur de santé publique. Je considère donc que le secret médical peut, en certaines circonstances, être très légitimement opposé.

De grâce, ne tombons pas dans une logique de système qui nous amènerait, pour de multiples raisons, à nier qu'il puisse y avoir, - c'est l'objet même de ce texte de le prévoir - des problèmes de défense nationale, de sûreté de l'État - hélas, cela peut arriver ! -, de sécurité des lieux de privation de liberté, des problèmes liés au secret de l'enquête et de l'instruction. Pour le secret médical, il en est de même, alors laissons-le dans le texte !

C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas voter l'amendement n° 70. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je souhaite apporter à M. Sueur une précision concernant le troisième alinéa de l'article 6, dont il a parlé. Monsieur le sénateur, il n'y a eu aucune manipulation ou fausses informations. Nous avons souhaité que ces restrictions figurent dans le texte, s'agissant de raisons impérieuses liées à des catastrophes naturelles ou à la sécurité, par exemple pour prévoir les cas de mutineries ou d'évasions en cours.

Ces restrictions n'ont pas pour objet d'annuler une visite, celle-ci n'est alors que reportée. Donc, l'information n'est pas erronée, elle est tout à fait claire, et c'est celle que j'ai donnée tout à l'heure.

En réponse à M. Badinter, maintenant, j'ajoute que ces restrictions ne sont pas une limitation du rôle du contrôleur, ni un obstacle à sa mission.

Le débat se déroule en toute objectivité, en toute transparence, mais, monsieur Badinter, n'extrapolez pas !

M. Robert Badinter. C'est écrit dans le texte !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Nulle part dans le texte il n'est écrit que le contrôleur général a l'interdiction d'effectuer une visite. Il n'y a aucune restriction à l'information.

Si la personne privée de liberté souhaite communiquer des informations sur des pathologies, des sévices ou des violences, elle a tout à fait le droit de le faire, de fournir des certificats médicaux, par exemple. Simplement, nous n'avons pas souhaité que le contrôleur puisse demander que lui soient transmis des documents liés au secret médical, au secret de l'instruction. Mais la personne privée de liberté peut spontanément transmettre les informations qu'elle juge utiles.

Dans ce texte, rien n'empêche que le contrôleur ait communication de toutes les informations. En revanche, nous ne souhaitons pas qu'il puisse les demander, parce que cela équivaudrait à imposer une obligation à la personne privée de liberté. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. J'ai bien entendu les propos de notre collègue Jacques Blanc. J'ai été sensible, lors de la discussion du dernier projet de loi sur la récidive, au fait qu'il ne fallait pas confondre les malades traités en psychiatrie avec les personnes en situation de récidive.

Ici, la situation est totalement différente puisque c'est dans l'intérêt de la personne que serait levé le secret médical. Le fait que le contrôleur puisse aller visiter des centres psychiatriques est dans l'intérêt de la personne concernée et, éventuellement, dans l'intérêt des gens qui y travaillent.

Je rappelle aussi à Mme la garde des sceaux que le protocole facultatif, dans son article 20, ne prévoit aucune limitation dans les renseignements qui peuvent être communiqués.

Selon l'article 20 du protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, les États parties s'engagent à permettre « l'accès à tous les renseignements concernant le nombre de personnes privées de liberté se trouvant dans les lieux de détention [...], ainsi que le nombre de lieux de détention et leur emplacement », « l'accès à tous les renseignements relatifs au traitement de ces personnes et à leurs conditions de détention » et « l'accès à tous les lieux de détention et à leurs installations et équipements ». En d'autres termes, en matière de communication des informations, le protocole détermine non pas des limitations, mais bien des obligations.

M. Canivet dans son rapport reprenait des propositions allant dans le même sens et ne recommandait aucune restriction dans l'accès aux renseignements. M. Canivet suggérait ainsi que les contrôleurs puissent « recueillir toute information », « procéder à tout constat », « entendre tout détenu ou tout membre du personnel en toute confidentialité » et « obtenir communication de tout document ou de tout renseignement utiles ».

Enfin, et nous l'avons déjà souligné, le contrôleur général des lieux de privation de liberté et ses contrôleurs sont astreints au secret professionnel et à toutes les formes de secret qui ont été évoquées. C'est donc une garantie face aux dangers dont font état certains.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 70.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 93.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 78.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Henri de Richemont, pour explication de vote sur l'amendement n° 22.

M. Henri de Richemont. L'amendement n° 22, qui a été déposé par nos collègues Jean-René Lecerf et Hugues Portelli, est très équilibré.

Certes, il ne saurait être question qu'un contrôleur général des lieux de privation de liberté puisse prendre connaissance d'un dossier médical sans l'accord de la personne concernée. Et, s'agissant du secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client, rien n'empêche une personne privée de liberté de fournir au contrôleur des informations qu'elle aurait déjà communiquées à son avocat et qui sont protégées par la confidentialité.

Madame le garde des sceaux, vous avez indiqué que les questions relatives au secret médical seraient de nouveau abordées lors de l'examen du texte sur la politique pénitentiaire. Peut-être serait-il souhaitable d'évoquer également le secret de l'instruction.

En effet, celui-ci est quotidiennement bafoué. Chaque jour, des procès-verbaux d'instruction paraissent dans la presse, et ce sans la moindre sanction ou poursuite à l'encontre des responsables de telles divulgations.

Il me semble donc illusoire d'opposer le secret de l'instruction, qui est régulièrement violé dans la presse, au contrôleur général des lieux de privation de liberté, ...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela n'a rien à voir !

M. Henri de Richemont. ... qui est d'ailleurs lui-même tenu par le secret professionnel.

Par ailleurs, je ne vois aucun exemple concret dans lequel le secret de la défense nationale et la sûreté de l'État pourraient légitimement être opposés au contrôleur des lieux de privation de liberté. Cela étant, puisque M. le rapporteur nous a sagement précisé que cette disposition était uniquement destinée à satisfaire certaines administrations, et non à être appliquée dans les faits, je veux bien lui en donner acte.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. Henri de Richemont. En tout état de cause, puisque le contrôleur est lui-même lié par le secret professionnel, je trouve l'amendement de nos collègues tout à fait pertinent. C'est la raison pour laquelle je le voterai.

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Si des informations confidentielles sur une affaire judiciaire sont publiées dans la presse, monsieur le sénateur, c'est qu'une des parties les a délibérément divulguées. (M. Henri de Richemont s'exclame.)

Dans le cas qui nous préoccupe, les personnes privées de liberté pourront communiquer toutes les informations qu'elles estimeront utiles au contrôleur indépendant.

M. Jacques Blanc. Tout à fait !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour autant, nous n'allons pas dévoyer notre procédure et remettre en cause le secret de l'instruction au seul motif que des informations couvertes par le secret auraient été diffusées dans la presse.

En outre, nous allons au-delà des recommandations du rapport Canivet en matière de secret professionnel et de secret médical. En effet, dans son rapport, M. Canivet écrivait ceci : « Les contrôleurs auraient le pouvoir d'obtenir communication de tous documents ou dossiers utiles à l'exécution de leur mission : budget de l'établissement, procès-verbaux du conseil d'administration, circulaires et notes de service diverses, locales ou nationales, quels que soient leur objet ou leur domaine, registres, rapports adressés par le directeur à l'administration centrale, carnets d'observation des surveillants, rapports d'incidents établis par ceux-ci, sous la seule réserve du respect du secret professionnel et médical. » Comme vous le voyez, le rapport envisageait des restrictions et des limitations. Nous ne faisons que suivre ses recommandations.

M. Robert Badinter. Sauf que le rapport ne mentionnait ni le secret de la défense nationale ni la sûreté de l'État !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. C'est normal, puisqu'il s'agissait d'un rapport sur les prisons !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Certains avocats ont un véritable talent pour déformer les propos de ceux qui ne partagent pas leurs vues. N'est-ce pas, maître Richemont ? (Sourires.)

Pour être exact, je n'ai pas exactement tenu les propos que M. de Richemont m'a attribués. J'ai simplement précisé que les dispositions relatives au secret de la défense nationale et à la sûreté de l'État trouveraient rarement à s'appliquer. Pour le reste, j'ai défendu la position du secret.

Certes, l'amendement n° 22 est bien rédigé, ce qui ne m'étonne nullement compte tenu de la qualité de ses auteurs. Pour autant, le dispositif qu'il tend à instituer n'ajoute rien par rapport à l'article 4 du projet de loi, qui mentionne déjà le secret professionnel.

Ainsi, cet amendement, qui vise à supprimer de facto les restrictions à la communication de documents en matière de défense nationale, notamment, est redondant par rapport à l'article 4.

Je maintiens donc l'avis défavorable de la commission sur l'amendement n° 22.

M. Henri de Richemont. C'est bien dommage !

M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote.

M. Laurent Béteille. Je ne voudrais pas que, le 31 juillet, à vingt-deux heures trente, nous enterrions le secret de l'instruction ; celui-ci, je le rappelle, constitue tout de même une protection de la présomption d'innocence !

Certes, nous pouvons effectivement gloser sur les informations couvertes par le secret qui ont été publiées dans la presse. De telles dérives sont effectivement à la fois graves et inadmissibles.

Pour autant, le secret de l'instruction a, me semble-t-il, son utilité. Ne l'enterrons donc pas comme cela, au détour d'un amendement, dans un projet de loi de cette nature !

M. Bruno Sido. Oh non !

M. Laurent Béteille. Un certain nombre d'arguments sont importants et méritent une réflexion sérieuse. Ne nous précipitons pas pour faire table rase du secret médical ou du secret de l'instruction !

À mon sens, la création du contrôleur général des lieux de privation de liberté constitue déjà un premier pas remarquable. En effet, celui-ci aura des pouvoirs étendus, pourra être saisi par l'ensemble des acteurs concernés et disposera d'une compétence sur l'ensemble des lieux de privation de liberté, ce qui ne se limite pas aux seules prisons.

C'est donc bien une avancée considérable. En matière de contrôle des lieux de détention, nous franchissons une première étape forte.

Mais laissons-nous au moins le temps de la réflexion avant de casser un certain nombre de dispositifs qui ont été soigneusement construits au cours des précédentes décennies. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Mme Alima Boumediene-Thiery. J'ai du mal à comprendre où est le problème.

En effet, même s'il a pris connaissance d'informations confidentielles, le contrôleur des lieux de privation de liberté est lui-même soumis à une obligation de secret.

Par conséquent, le secret est bien partagé.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais non ! Le contrôleur est seulement soumis au secret professionnel ; ce n'est pas la même chose !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 12 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission.

L'amendement n° 71 est présenté par MM. C. Gautier, Badinter, Mermaz, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le contrôleur général peut déléguer les pouvoirs visés à cet article aux contrôleurs.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 12.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que les pouvoirs de visite et d'information du contrôleur général des lieux de privation de liberté peuvent être délégués aux contrôleurs.

M. le président. La parole est à M. Charles Gautier, pour présenter l'amendement n° 71.

M. Charles Gautier. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis favorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 et 71.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 31, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les contrôleurs exercent leur mission dans les mêmes conditions que celles fixées par cet article pour le contrôleur général des lieux de privation de liberté.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement porte sur les conditions d'exercice de la mission des contrôleurs.

Instituer un contrôleur général des prisons est une chose, garantir le contrôle des 5 500 lieux de privation de liberté en est une autre.

À cet égard, permettez-moi quelques interrogations. Comment de tels contrôles seront-ils assurés ? Le contrôleur général pourra-t-il déléguer la possibilité de contrôler les lieux de privation de liberté à ses collaborateurs ? Ces derniers pourront-ils également assurer un contrôle des lieux de privation de liberté indépendant ? Auront-ils la même indépendance que le contrôleur général ?

Force est de le constater, le présent projet de loi est silencieux sur tous ces points.

Cet amendement vise donc à permettre aux contrôleurs de disposer des mêmes pouvoirs de visite et de contrôle que le contrôleur général.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les questions de Mme Boumediene-Thiery sont pertinentes, mais nous venons d'y répondre en adoptant les amendements identiques nos 12 et 71.

En effet, aux termes de ces deux amendements, les contrôleurs exerceront leurs missions dans les mêmes conditions que le contrôleur général des lieux de privation de liberté. On peut difficilement faire plus clair.

Par conséquent, cet amendement est satisfait. Comme le dispositif qu'il tend à instituer serait redondant avec ce que nous venons d'adopter, je suggère à Mme Boumediene-Thiery de le retirer.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Même avis !

M. le président. Madame Boumediene-Thiery, l'amendement n° 31 est-il maintenu ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 31 est retiré.

Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)