Sommaire

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

1. Procès-verbal

2. Décès d'un ancien sénateur

3. Communication d'un avis d'une assemblée territoriale

4. Dépôt d'un rapport du Gouvernement

5. Déclaration de l'urgence d'un projet de loi

6. Mise au point au sujet d'un vote

MM. André Lardeux, le président.

7. Questions orales

problème de sécurité et d'entretien du Champ-de-Mars

Question de M. Yves Pozzo di Borgo. - MM. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État, porte-parole du Gouvernement ; Yves Pozzo di Borgo.

réglementation sur la défense incendie

Question de M. Bernard Murat. - MM. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État, porte-parole du Gouvernement ; Bernard Murat.

coût du maintien des prédateurs dans nos montagnes

Question de M. Gérard Bailly. - MM. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports ; Gérard Bailly.

Récupération des eaux pluviales

Question de M. Michel Doublet. - MM. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports ; Louis Souvet, en remplacement de M. Michel Doublet.

Réaménagement des réseaux autoroutiers

Question de M. Louis Souvet. - MM. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports ; Louis Souvet.

règles applicables aux constructions existantes en zone non urbaine

Question de M. Bernard Piras. - MM. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports ; Bernard Piras.

problème de la fermeture de 262 gares au trafic fret en wagon isolé

Question de Mme Marie-France Beaufils. - M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports ; Mme Marie-France Beaufils.

Soutien à la filière veau de boucherie

Question de M. Bernard Cazeau. - MM. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Bernard Cazeau.

assermentation et agrément des agents de la police municipale

Question de M. Christian Demuynck. - MM. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Christian Demuynck.

financement des écoles privées

Question de M. Michel Teston. - MM. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale ; Michel Teston.

organisation des services de secours à personnes

Question de M. Philippe Madrelle. - Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité ; M. Philippe Madrelle.

Accueil des enfants et adolescents handicapés lors des activités périscolaires et extrascolaires

Question de M. Georges Mouly. - Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité ; M. Georges Mouly.

structures d'insertion professionnelle pour les personnes handicapées en île-de-France

Question de Mme Marie-Thérèse Hermange. - Mmes Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité ; Marie-Thérèse Hermange.

avenir de l'établissement d'imprimerie de l'armée de terre

Question de M. René-Pierre Signé. - MM. Hervé Morin, ministre de la défense ; René-Pierre Signé.

Application de l'article L. 3511-3 du code de santé publique sur les conditions de vente du tabac

Question de Mme Anne-Marie Payet. - M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur ; Mme Anne-Marie Payet.

réforme de la taxe professionnelle et finances des collectivités locales

Question de Mme Catherine Procaccia. - M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur ; Mme Catherine Procaccia.

numéros de téléphone surtaxés

Question de M. Roland Courteau. - MM. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur ; Roland Courteau.

nouvelle bonification indiciaire des agents chargés de la mise en oeuvre des règles d'hygiène et de sécurité (ACMO)

Question de M. José Balarello. - MM. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur ; José Balarello.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

8. Éloge funèbre de Jacques Baudot, sénateur de Meurthe-et-Moselle

MM. le président, Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

Suspension et reprise de la séance

9. Demande de discussion immédiate d'une proposition de résolution

10. Dépôt d'un rapport du Gouvernement

11. Candidatures à des organismes extraparlementaires

12. Application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens. - Discussion d'un projet de loi

Discussion générale : MM. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État chargé des affaires européennes ; Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur ; Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André

MM. Hubert Haenel, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Francis Grignon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

13. Nomination de membres d'organismes extraparlementaires

14. Application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens. - Suite de la discussion et adoption définitive d'un projet de loi

Discussion générale (suite) : MM. Christian Gaudin, Jean Bizet, Jacques Legendre, Richard Yung, Ivan Renar, Aymeri de Montesquiou.

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

Clôture de la discussion générale.

Adoption définitive, par scrutin public, de l'article unique du projet de loi.

15. Révision de la convention sur la délivrance de brevets européens - Adoption définitive d'un projet de loi en procédure d'examen simplifiée

Adoption définitive de l'article unique du projet de loi.

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

16. Rejet d'une demande de discussion immédiate d'une proposition de résolution

MM. Jean-Pierre Bel, Jean Arthuis, président de la commission des finances.

Rejet, par scrutin public, de la demande de discussion immédiate.

17. Rappels au règlement

MM. Jean-Pierre Bel, le président, Michel Dreyfus-Schmidt.

18. Dépôt de propositions de loi

19. Transmission d'une proposition de loi

20. Dépôt d'une proposition de résolution

21. Dépôt d'un rapport

22. Dépôt de rapports d'information

23. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Décès d'un ancien sénateur

M. le président. J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Georges Dagonia, qui fut sénateur de la Guadeloupe de 1977 à 1986.

3

communication d'un avis d'une assemblée territoriale

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président de l'assemblée de la Polynésie française par lettre en date du 26 septembre 2007, le rapport et l'avis de cette assemblée sur les projets de loi autorisant la ratification des traités de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur le droit d'auteur et sur les interprétations et exécutions et sur les phonogrammes.

Acte est donné de cette communication.

4

Dépôt d'un rapport du Gouvernement

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article 22 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994, le rapport sur l'emploi de la langue française.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des affaires culturelles et sera disponible au bureau de la distribution.

5

déclaration de l'urgence d'un projet de loi

M. le président. Par lettre en date du 5 octobre 2007, M. le Premier ministre a fait connaître à M. le président du Sénat qu'en application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier.

6

Mise au point au sujet d'un vote

M. le président. La parole est à M. André Lardeux.

M. André Lardeux. Monsieur le président, en ce qui concerne le projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à l'asile, adopté lors de la précédente séance, les résultats du scrutin n° 8 sur l'amendement n° 203 de M. Jean-Jacques Hyest indiquent que je me suis abstenu, alors que je souhaitais voter contre. Par ailleurs, lors du vote sur l'ensemble du texte, j'ai été porté comme ayant voté pour, alors que je souhaitais m'abstenir.

M. le président. Acte est donné de cette mise au point, monsieur Lardeux.

7

Questions orales

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

problème de sécurité et d'entretien du Champ-de-Mars

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, auteur de la question n° 15, adressée à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le secrétaire d'État, ma question porte sur la sécurité générale dans Paris, mais concerne plus spécifiquement les lieux phares du VIIe arrondissement, dont je suis l'élu, et les problèmes qui en découlent.

Cet arrondissement compte un grand nombre de bâtiments officiels, comme l'hôtel Matignon, des ministères, des ambassades, et de nombreuses écoles, qui demandent une protection particulière, renforcée par le plan Vigipirate. Par conséquent, à la moindre manifestation - même si elle ne réunit que dix personnes -, un arsenal démesuré de protection est déployé. Pour ne prendre que l'exemple de l'Assemblée nationale, dès qu'une quinzaine de sans-papiers se rassemble place Aristide-Briand, dix cars de CRS sont mobilisés, soit pratiquement un car de CRS pour un manifestant !

Cet environnement lourd a des conséquences importantes pour la population : interdiction de stationner, mise en fourrière avec obligation de payer en liquide - usage surprenant, monsieur le secrétaire d'État ! - risques évidents, stationnement ininterrompu de véhicules de gendarmerie et de police, accès à certaines rues interdits. Il se dégage de ce déploiement de moyens l'impression d'être dans une situation de guerre permanente.

La mobilisation de nombreux militaires et fonctionnaires a un coût pour le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et donc pour l'État.

J'ai déjà interrogé M. le préfet de police à ce sujet, mais je demande aujourd'hui à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales s'il ne serait pas temps de reconsidérer cette question, de sortir de la paranoïa permanente qui règne dans cet arrondissement et de redéployer les moyens pour éviter cette lourde protection.

Je souhaite maintenant évoquer la situation particulière du Champ-de-Mars, lieu très convoité, où se déroulent de nombreuses manifestations nationales, sportives ou sociales, et sur lequel se trouve la tour Eiffel - dont je suis l'un des administrateurs -, qui exige des mesures spécifiques de sécurité. Ces problèmes de gestion de la sécurité du Champ-de-Mars sont représentatifs de ceux que connaît le VIIe arrondissement.

Depuis l'arrêté du 12 messidor an VIII, c'est-à-dire depuis deux siècles, le maire de Paris n'a aucun pouvoir de police. C'est la préfecture de police, et donc l'État, qui a entière compétence en ce domaine. Nombre de mes collègues ne le savaient pas jusqu'à ce que je présente l'année dernière un amendement à ce sujet. De nombreuses propositions de loi ont déjà été déposées pour remédier à cette situation et je soumettrai moi-même prochainement une proposition de loi relative à la suppression du régime d'exception en vigueur à Paris pour les pouvoirs de police.

Dans le VIIe arrondissement, qui correspond à une ville comme Colmar ou Cannes, le Champ-de-Mars est devenu un lieu d'insécurité. Je n'arrive pas à obtenir les chiffres de la préfecture de police, mais il semblerait que plus de 80 % des délits de cet arrondissement aient lieu dans cet endroit.

Je n'insiste pas sur les désagréments engendrés par la présence de 10 000 étudiants qui viennent fêter leur examen au mois de juin - l'alcool, les bouteilles cassées... - et sur le coût pour la ville de Paris. Mais il existe un véritable problème d'incivilité. Hier encore, une directrice d'école m'avouait être très inquiète, car des équipes de dealers viennent solliciter les enfants.

Les riverains du Champ-de-Mars très mobilisés ont fait signer une pétition par plusieurs milliers d'habitants pour que cet espace redevienne un lieu de vie agréable et qu'il retrouve sa quiétude, sa sécurité et son rayonnement. Je sais que le commissariat de police, qui a bien conscience du problème, et la préfecture de police déploient d'importants moyens. Mais il est nécessaire que Mme la ministre de l'intérieur se saisisse du problème. C'est la raison pour laquelle je pose cette question devant le Sénat, qui représente les collectivités territoriales de la République.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État, que nous sommes heureux d'accueillir pour la première fois au Sénat et à qui nous souhaitons la bienvenue.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, qui inaugure actuellement le MILIPOL, le salon mondial de la sécurité intérieure des États, et a le regret de ne pouvoir répondre en personne à votre question. Cela me donne en revanche le plaisir de vous transmettre sa réponse, d'autant que, comme vous l'avez rappelé, mon administration est concernée.

Il est vrai que vous connaissez parfaitement ces questions de sécurité et les difficultés qu'elles entraînent, notamment pour la vie quotidienne des habitants de cet arrondissement qui vous tient à coeur. Vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, le VIIe arrondissement de Paris regroupe de nombreux ministères et ambassades. Depuis 2002, les conditions de protection des points sensibles ont été redéfinies et le nombre des gardes statiques est en forte diminution. Le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a décidé de privilégier les gardes dites « dynamiques ».

C'est dans cette optique que l'unité mobile d'intervention et de protection, l'UMIP, a été créée sur l'initiative du préfet de police. Cette unité privilégie notamment l'emprunt d'itinéraires aléatoires, le recueil d'informations stratégiques auprès des services de sécurité présents sur les sites protégés et la mobilisation rapide de forces de renfort. Vous aviez d'ailleurs contribué à cette avancée, monsieur le sénateur.

Cette redéfinition des conditions de protection des points sensibles a permis une rationalisation des effectifs. Il serait toutefois difficile, sans affecter la sécurité de ces différents sites, de diminuer beaucoup plus encore le nombre des gardes statiques dans cette zone sensible, en particulier dans le contexte du plan Vigipirate.

Par ailleurs, et vous avez eu raison d'insister sur ce point, monsieur le sénateur, la mise en place des barrièrages est essentielle lors des fréquentes manifestations revendicatives ou des rassemblements spontanés. Leur absence pourrait affecter la sécurité de certains édifices, en particulier dans le VIIe arrondissement. Toutefois - et c'est essentiel -, les forces de l'ordre ont reçu l'instruction d'ôter rapidement ces barrières à l'issue de chaque manifestation afin de limiter au mieux la gêne occasionnée aux riverains.

Enfin, comme vous le savez, monsieur le sénateur, le maire de Paris est seul habilité à gérer le Champ-de-Mars, espace municipal. Aussi, la préfecture de police ne peut en aucun cas délivrer d'autorisation pour l'organisation d'événements sans un accord explicite du maire de Paris, qui doit ici assumer ses responsabilités. Lorsque des manifestations à caractère revendicatif sont organisées à Paris, sur le Champ-de-Mars ou dans un autre quartier, la préfecture de police est informée par simple déclaration et elle informe alors systématiquement la mairie de Paris.

Tels sont les éléments que je suis en mesure de vous apporter sur cette question, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Je remercie M. le secrétaire d'État de sa réponse concernant la lourdeur des dispositifs de sécurité autour des établissements officiels. Je le remercie également d'avoir apporté des précisions sur le problème des barrières, car c'est une question que je pose depuis longtemps et que j'ai soumise à de nombreuses reprises au préfet de police.

Quant aux problèmes spécifiques au Champ-de-Mars, je sais que la préfecture de police comme le commissariat de police du VIIarrondissement y sont très sensibles et accomplissent des efforts importants. Mais peut-être faudrait revoir si le dispositif en place est suffisant, car il s'agit d'un espace difficile à gérer. Alors que les élus du VIIe arrondissement s'efforcent de limiter la fréquentation du Champ-de-Mars, le maire de Paris a tendance à multiplier les événements festifs, dont les conséquences sont très gênantes pour les riverains.

réglementation sur la défense incendie

M. le président. La parole est à M. Bernard Murat, auteur de la question n° 4, adressée à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Bernard Murat. Monsieur le secrétaire d'État, nous allons passer du Champ-de-Mars à la Corrèze et à la Haute-Loire. Nous abordons des problèmes qui touchent nos territoires ruraux.

M. Yves Pozzo di Borgo. Le Champ-de-Mars est aussi un territoire rural !

M. Bernard Murat. Absolument, mon cher collègue !

Le problème de la défense incendie est récurrent. J'interviens régulièrement sur ce dossier depuis 2004.

Des projets de réforme des règles d'implantation des points d'eau servant à la défense contre l'incendie dans les communes rurales, visant notamment à l'abrogation de tous les anciens textes, dont la circulaire du 10 décembre 1951, sont toujours en cours d'élaboration, malgré les efforts fournis.

Un groupe de travail technique, mis en place sous l'égide de la Direction de la défense et de la sécurité civile, a ainsi été constitué, afin de définir les axes d'une réforme selon une nouvelle méthode de la défense incendie appuyée sur l'analyse des risques. La définition de nouvelles règles a donc été décidée à trois échelons : au plan national, un décret sera pris ; au niveau départemental, un règlement de la défense incendie en liaison avec l'organisation du service départemental d'incendie et de secours, le SDIS, sera élaboré et, au niveau communal ou intercommunal, un schéma de la défense incendie sera établi.

Comme vous le savez certainement, monsieur le secrétaire d'État, cette question me tient particulièrement à coeur et c'est à plusieurs reprises que je suis intervenu au cours de la précédente législature sur ce dossier. Il m'a ainsi été annoncé, au mois de mars dernier, que la rédaction d'un décret en Conseil d'État ainsi que d'un guide méthodologique devant préciser et éclaircir les responsabilités et rôles respectifs des communes, des intercommunalités et du SDIS était achevée. Ces deux documents devaient être soumis à l'avis des acteurs concernés, dont l'Association des maires de France, afin que l'ensemble du dispositif nouveau puisse être prêt pour la fin de l'année. Pourriez-vous m'informer de l'état d'avancement de ces documents, afin que tous les élus concernés au sein du Parlement puissent donner leur avis ?

Cette réforme est attendue par de nombreux élus locaux, par les services d'incendie et de secours et par les services chargés de l'instruction des permis de construire. Je me permets donc de vous demander, monsieur le secrétaire d'État, si elle interviendra bien dans les délais prévus.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, comme je le disais à l'instant, Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales m'a chargé de vous demander de bien vouloir excuser son absence ; elle représente ce matin le Gouvernement lors de l'inauguration du salon international de la police et de la sécurité. Aussi m'a-t-elle chargé de vous transmettre sa réponse.

Connaissant, monsieur le sénateur, la particulière attention que vous portez à ce dossier important pour le développement du monde rural - dossier qui me tient aussi à coeur puisque nous avons un point en commun, à savoir le Massif Central -, je vais m'efforcer d'être le plus précis possible, d'autant que vous êtes sans doute l'un des meilleurs experts de cette question. Votre connaissance en matière de réglementation relative à la défense incendie sera très précieuse. Votre avis sera important pour le Gouvernement afin qu'il puisse mener l'action la plus équilibrée possible, eu égard aux réalités du terrain, que vous connaissez parfaitement.

Comme vous le savez, le Gouvernement s'est engagé en 2004, lors de la discussion du projet de loi de modernisation de la sécurité civile, à réformer les règles devenues obsolètes.

Il s'agit, en l'espèce, de revoir, avec le plus grand pragmatisme, l'organisation de l'approvisionnement en eau des communes au profit des services d'incendie et de secours. Vous avez raison de souligner à quel point il s'agit d'un enjeu important pour les communes rurales. La défense incendie est un élément indispensable lors de l'examen des permis de construire.

Il s'agit là d'une réforme complexe, mise en oeuvre pour la troisième fois en trente ans, les deux précédentes tentatives n'ayant pas abouti. Ainsi, pour la mener à bien, méthode et concertation seront indispensables.

Le projet de réforme de la réglementation incendie prévoit donc la définition de règles à trois échelons totalement complémentaires.

Premièrement, au niveau national sera élaboré un décret fixant les grands principes - recours à la pluralité des approvisionnements, évaluation des besoins fondée sur l'analyse des risques, notamment -, complété par un arrêté interministériel.

Deuxièmement, au niveau départemental, un règlement sera établi en liaison avec le service départemental d'incendie et de secours. Il s'appuiera sur le schéma départemental d'analyse et de couverture des risques pour déterminer la réponse à apporter aux besoins en eau d'extinction, notamment. La réalité des ressources en eau mobilisables - alimentation par canalisations, réserves, points d'eau naturels - sera désormais mieux prise en compte.

Enfin, troisièmement, au niveau communal ou intercommunal, un schéma de défense incendie permettra aux maires, à tous les élus locaux, de connaître les risques couverts par la défense incendie existante et les modalités nouvelles à mettre en place, en particulier pour le développement de l'urbanisation locale ou, tout simplement, pour l'extension des communes.

Ainsi, pour répondre concrètement à votre question, monsieur le sénateur, je peux vous annoncer que les textes nationaux vont être soumis dans le courant de ce mois à l'avis de tous les acteurs concernés, c'est-à-dire non seulement l'Association des maires de France ainsi que les autres départements ministériels concernés, mais aussi la Fédération nationale des collectivités concédantes, les régies et la Conférence nationale des services d'incendie et de secours. Lors de cette phase de concertation, votre avis sera plus que précieux.

Il s'agit de faire en sorte que l'ensemble de ce dispositif puisse être prêt d'ici à la fin de l'année 2007. Vous avez raison, monsieur le sénateur, il est urgent de clarifier les règles pour les élus locaux.

Le Gouvernement entend bien privilégier une concertation approfondie, notamment en lien avec vous, et rechercher l'adhésion de l'ensemble des différents acteurs concernés.

M. le président. La parole est à M. Bernard Murat.

M. Bernard Murat. Je me félicite de la réponse que vous venez de m'apporter, monsieur le secrétaire d'État. Votre sensibilité d'élu du Massif Central vous a certainement fait comprendre l'importance de ce dossier qui comporte deux éléments essentiels selon moi.

D'une part, dans toutes les communes de France, la qualité de la défense incendie doit être la même que dans n'importe quelle grande ville.

D'autre part, je voudrais attirer votre attention sur un point particulier. Aujourd'hui, lorsqu'une entreprise veut s'installer dans une zone d'activité située sur le territoire d'une petite commune rurale, les réglementations, voire les déréglementations actuelles, induisent de tels coûts que la commune ne peut pas financer les infrastructures adéquates. De ce fait, l'entrepreneur porte son choix sur des communes, voire des villes plus importantes où il n'est pas confronté à ce problème.

Pour les élus que sont les sénateurs, cette réforme très importante concerne l'aménagement du territoire. Voilà pourquoi je plaide ce dossier depuis un certain nombre d'années. Je suis très heureux d'apprendre qu'il sera réglé à la fin de cette année.

coût du maintien des prédateurs dans nos montagnes

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, auteur de la question n° 24, transmise à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.

M. Gérard Bailly. J'avais fait parvenir ma question au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique parce que je voulais surtout insister sur un problème budgétaire. Mais je suis ravi que M. Bussereau, qui connaît bien ce problème, m'apporte une réponse.

Il est urgent et très important de faire le point sur le coût du maintien des prédateurs, qu'il s'agisse des loups dans les massifs alpins et au-delà, des ours dans les Pyrénées ou des lynx dans les montagnes, voire les petites montagnes.

L'actualité le réclame plus que jamais puisque, vous le savez, encore tout récemment, un troupeau de plus de quatre cents moutons a péri en Savoie en se jetant dans un ravin, effrayé par les loups.

La première attaque vient également d'avoir lieu dans mon département, le Jura, provoquant la mort de vingt-trois agneaux, car la progression des loups s'étend bien au-delà du massif alpin.

Monsieur le secrétaire d'État, vous connaissez les dégâts catastrophiques dont ces prédateurs sont la cause et qui suscitent le découragement, l'incompréhension et le désarroi de tous les éleveurs ovins.

Actuellement, mon collègue M. Fortassin et moi-même sommes chargés, par la commission des affaires économiques, d'établir un rapport sur les élevages ovins. À la faveur des déplacements que nous effectuons dans toutes les régions de France concernées par la production ovine, je prends conscience des problèmes immenses posés par lesdits prédateurs. Il me paraît donc particulièrement urgent de faire le point sur les deniers publics utilisés pour l'introduction ou le maintien de ces animaux dans les zones montagneuses en ce qui concerne les agents de l'administration, l'indemnisation, la prévention, les mesures de protection.

Alors que l'élevage ovin est souvent le dernier rempart avant la friche, il contribue, de surcroît, à éviter les feux dans les alpages, l'herbe étant broutée. Ce problème est particulièrement sensible dans les régions méditerranéennes. Au cours de l'un de nos déplacements, dans les Alpes-Maritimes, nous avons pu constater la détresse des éleveurs qui, de plus, ont dû gérer l'absence de pluie pendant cinq mois cette année. Nous avons apprécié l'ampleur des difficultés. Dans d'autres massifs, l'élevage tend à éviter les avalanches. Par ailleurs, sa pratique permet de maintenir une population en milieu rural.

Les dépenses engagées pour introduire ou pour maintenir les prédateurs doivent être connues de tous, au moment où des économies doivent être réalisées sur tous les budgets. Je souhaiterais pouvoir inclure ces données dans le rapport que je suis en train d'établir. C'est pourquoi je demande officiellement que soit effectué un point exact de la situation financière, afin que nos concitoyens soient informés en toute transparence. Comme vous pouvez le penser, nous sommes très fréquemment interpellés au cours des déplacements que nous effectuons.

Je souhaiterais que le point soit fait par espèce, à savoir l'ours dans les Pyrénées, le loup dans les Alpes et au-delà, puis le lynx, et que la nature des dépenses soit indiquée.

Je voudrais également connaître précisément le nombre d'agents affectés dans les différentes administrations concernées par ce sujet, qu'il s'agisse des directions départementales de l'agriculture et de la forêt, les DDA, des directions régionales de l'environnement, les DIREN, des parcs nationaux et régionaux, voire de nombreuses associations. Il est important que la transparence soit faite sur ce sujet.

Il faut opérer un choix entre les prédateurs et les ovins. De jeunes agricultrices qui s'étaient lancés dans la production ovine ont versé des larmes après que leur troupeau eut subi plusieurs attaques. Parler de désarroi est bien mesuré pour de nombreux éleveurs !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur le sénateur, votre question, adressée à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, a été transmise au ministre chargé de l'écologie. Toutefois, ayant été ministre de l'agriculture et secrétaire d'État au budget, j'ai quelques idées en la matière. Au nom de Jean-Louis Borloo, dont je vous demande d'excuser l'absence, je vais essayer de vous répondre.

Les grands carnivores présents en France - loup, ours, lynx, cette dernière espèce étant bien connue dans votre région - sont des espèces protégées par des dispositions internationales, notamment la convention de Berne, par une directive communautaire et par des dispositions nationales, plus particulièrement le code de l'environnement. Ils représentent une part non négligeable de la biodiversité, sujet abordé dans le cadre des travaux du « Grenelle de l'environnement ».

La protection instaurée vise à la conservation de ces espèces, voire à leur restauration. C'est en particulier le cas de l'ours qui, au fil des années, avait disparu des montagnes pyrénéennes.

Assurer la protection de ces espèces répond aux obligations internationales de la France et à ses engagements en faveur de la protection de la biodiversité.

En raison des impacts de la présence des grands prédateurs sur les activités humaines, en particulier sur l'élevage ovin, dont vous avez rappelé l'importance dans les zones de montagne et de moyenne montagne, les gouvernements successifs ont mis en place des mesures d'accompagnement du dispositif de protection pour soutenir les activités humaines.

A ainsi été mis en place un suivi efficace des populations animales. Les données recueillies sont communiquées aux autorités françaises et européennes.

Un soutien aux élevages confrontés à la prédation de ces animaux a également été instauré. En outre, notons l'animation pastorale et le soutien au gardiennage. Au-delà de la protection des troupeaux, les aides au pastoralisme permettent de maintenir le pâturage sur certains secteurs qui risqueraient, sinon, d'être abandonnés.

L'indemnisation des prédations permet une juste compensation des dégâts subis par les éleveurs. Cet aspect comprend le volet strictement monétaire, sans ignorer la nécessité de compenser le traumatisme que peut représenter pour un berger la perte d'un animal, de plusieurs, voire de la totalité de son troupeau.

Des opérations d'information et de communication à propos de ces espèces sont menées auprès des publics concernés et des actions partenariales de développement sont conduites avec les collectivités locales. Ces mesures peuvent avoir des conséquences favorables sur l'emploi local.

Le coût de l'ensemble de ces mesures a représenté environ 6,3 millions d'euros en 2006. Pardonnez-moi de citer cette référence un peu lointaine !

La dépense occasionnée dans les Pyrénées représente près de 30 % du budget et, dans l'arc alpin, près de 70 %.

Par catégorie de dépenses, le suivi des espèces représente environ 11 % de la dépense, l'aide au pastoralisme 70 %, l'indemnisation des dégâts 13 %, et les actions d'informations et de développement local 6 %.

À la lumière de ces chiffres, c'est donc plus de 75 % du budget qui est consacré au soutien et au développement des activités humaines en présence des grands carnivores.

La mise en oeuvre de ces actions nécessite l'intervention de différents services de l'État -  le ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, et le ministère de l'agriculture et de la pêche - ainsi que de ses établissements publics, l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et les parcs nationaux, ces derniers en leur qualité de gestionnaires d'espaces protégés. Certains parcs naturels régionaux ont pu également s'impliquer dans les démarches d'accompagnement des activités en présence de loups.

Le nombre d'agents affectés aux missions d'animation et d'appui technique à la protection des troupeaux dans les services du ministère chargé de l'agriculture et de la pêche et du ministère chargé de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, ainsi que dans leurs établissements publics, est d'environ quarante sur l'ensemble de l'aire de répartition des trois espèces, 75 % des effectifs étant mobilisés dans les Alpes.

D'un point de vue comptable, il faut considérer que les données en termes d'effectifs mobilisés ne relèvent pas seulement de la stricte conservation des espèces mais, de surcroît, s'inscrivent dans une perspective plus large de développement durable et de soutien aux activités humaines prenant en compte la protection de la nature.

Monsieur le président, j'ai entre les mains un tableau récapitulatif relatif au coût de la conservation des grands carnivores en France, dont je souhaite qu'il figure sous cette forme dans le compte rendu intégral des débats.

Ce tableau synthétique fournit les crédits consacrés à ces activités pour l'année 2006, en fonction de l'espèce concernée et de la catégorie de dépenses.

Ours

Loup

Lynx

TOTAL

Suivi de l'espèce

450 000

260 000

5 000

715 000

Soutien au pastoralisme

963 000

3 400 000

4 363 000

Indemnisation des dégâts

112 000

690 000

31 000

833 000

Action d'information et activités partenariales

350 000

40 000

/

390 000

TOTAL

1 875 000

4 426 000

6 301 000

Ce tableau fait aussi état des effectifs mobilisés (ETP/équivalent temps plein) pour la conduite de ces actions par espèce.

Administrations de l'État (ministères de l'écologie et de l'agriculture)

Établissements publics (ONCFS/parcs nationaux)

Ours

5

10

Loup/lynx

15

dont 8 techniciens pastoraux

10

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.

M. Gérard Bailly. Je remercie M. le secrétaire d'État de sa réponse précise. Nous autres, élus, sommes beaucoup interrogés sur ce sujet, et l'on nous demande de fournir des chiffres.

Ces questions seront certainement soulevées lors de la discussion budgétaire, dans des prochaines semaines, soit avec le ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, soit avec le ministre de l'agriculture et de la pêche. Il est indispensable de rassurer les membres de la filière ovine, qui s'inquiètent de la propagation de la fièvre catarrhale. Au cours des dix dernières années, cette filière a déjà perdu 20 000 éleveurs et un million de brebis ; ce mouvement va s'accélérer si aucun signe fort dans le sens de la limitation des prédateurs ne lui est adressé.

Ma question, outre son aspect financier, avait pour objet de sensibiliser les autres élus sur le fait qu'« il y a quelque chose à faire », pour reprendre une formule d'une émission de téléréalité bien connue !

Récupération des eaux pluviales

M. le président. La parole est à M. Louis Souvet, en remplacement de M. Michel Doublet, auteur de la question n° 3, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.

M. Louis Souvet. Monsieur le président, M. Michel Doublet, étant souffrant, m'a prié de présenter sa question, C'est avec plaisir et conviction que j'accède à sa demande.

Aux termes de l'article 49 de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006, sur l'eau et les milieux aquatiques, a été créé un crédit d'impôt en faveur de la récupération des eaux pluviales.

Un premier arrêté interministériel, en date du 4 mai dernier, est venu préciser les caractéristiques techniques des équipements de récupération des eaux pluviales ouvrant droit au crédit d'impôt, limité au 31 décembre 2009. Cet arrêté concerne uniquement l'utilisation de l'eau de pluie pour des usages extérieurs à l'habitation.

En revanche, un second arrêté, actuellement en cours de rédaction avec le ministère de la santé, de la jeunesse et des sports, portant sur les conditions d'usage de l'eau de pluie dans les bâtiments raccordés au réseau public de distribution d'eau potable, est fort inquiétant.

Autant l'arrêté précédent, portant sur l'utilisation de l'eau de pluie pour des usages extérieurs à l'habitation, semble facilement applicable et correspond bien à une attente sociale, autant le second apparaît comme étant susceptible d'entraîner de nombreuses difficultés pour les temps à venir.

Le risque sanitaire est très important, autant pour le propriétaire que pour le gestionnaire du service d'eau potable. Malgré les nombreuses prescriptions prévues, il existera toujours des risques sur l'origine de l'eau et sur le renvoi d'eau pluviale dans le réseau public. A minima, il serait souhaitable que le dispositif de déconnexion des deux réseaux soit mieux précisé dans le texte.

Il conviendrait également qu'il soit rappelé clairement, dans ce projet de décret, que les eaux usées domestiques rejetées dans le réseau d'assainissement feront partie de l'assiette de calcul de la redevance d'assainissement, et cela, même si le code général des collectivités territoriales le précise.

Enfin, la mission de contrôle du système de récupération des eaux pluviales pour un usage à l'intérieur de l'habitation exigera du service une compétence technique, et un temps passé important eu égard à la configuration des habitations.

Il s'ensuivra également une responsabilité pour le personnel d'intervention, sous l'autorité du maire.

Les inquiétudes suscitées par la récupération des eaux de pluie se trouvent malheureusement justifiées par le phénomène de la multiplication des forages privés constaté depuis quelques années.

Ces forages privés ne font pas l'objet de la déclaration réglementaire en mairie et sont à l'origine de contaminations du réseau public. En outre, les volumes ainsi utilisés échappent à la redevance d'assainissement des collectivités territoriales et des agences de l'eau.

Comment, alors, ne pas s'interroger sur l'intérêt économique pour un propriétaire de réaliser et d'entretenir un système de récupération des eaux de pluie pour un usage limité aux installations sanitaires, comparativement à une utilisation du réseau public ?

Du point de vue du service public d'eau potable, les volumes d'eau de pluie pouvant être récupérés pour l'alimentation des installations sanitaires représentent environ 30 % du volume consommé par un foyer domestique. Cela peut déséquilibrer gravement le budget de ces mêmes services, en entraînant une augmentation de la redevance pour la totalité des autres consommateurs.

Monsieur le secrétaire d'État, quel est votre sentiment sur l'utilité de la mise en place d'un dispositif administratif et juridique complexe ? Pouvez-vous nous apporter l'assurance que le texte sera complété et précisé sur les points évoqués précédemment ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur le sénateur, je sais que M. Doublet souffre d'un lumbago et qu'il ne peut être aujourd'hui à Paris. Je vous remercie d'avoir bien voulu être son porte-parole vis-à-vis de M. Jean-Louis Borloo, dont je vous prie d'excuser l'absence.

M. Doublet est depuis longtemps un spécialiste de toutes les questions relatives à l'eau, au plan local comme au plan national.

Vous avez bien voulu m'interroger sur la suite que je souhaite donner à l'ouverture apportée par le crédit d'impôt sur les équipements de récupération d'eau de pluie en soulignant les risques sanitaires liés.

La période de validité du crédit d'impôt étant limitée au 31 décembre 2009, un premier arrêté a été pris le 4 mai 2007 afin de ne pas pénaliser les contribuables. Il se rapporte au seul crédit d'impôt pour des équipements de collecte des eaux de pluie pour un usage strictement extérieur.

Un second texte est en cours de rédaction avec le ministère de la santé, de la jeunesse et des sports. II précisera les usages acceptables et donc autorisés de l'eau de pluie dans l'habitation et modifiera le premier arrêté concernant le crédit d'impôt, selon les usages qui pourront être acceptés. Il sera proposé pour les immeubles d'habitation d'ouvrir l'utilisation aux toilettes et au nettoyage des sols.

Le Conseil supérieur d'hygiène public de France, par un avis de septembre 2006, a préconisé d'interdire l'utilisation de l'eau de pluie pour le lavage du linge. L'utilisation d'eau non potable sera interdite dans un certain nombre d'immeubles autres que les habitations, les hôpitaux et les crèches, notamment.

L'utilisation de l'eau de pluie par les industriels devrait être soumise à une instruction individuelle. Les utilisateurs auront l'obligation de se déclarer à la mairie, qui diffusera l'information auprès des services d'eau et d'assainissement.

Grâce à la loi sur l'eau et les milieux aquatiques a été introduite une possibilité pour les services d'eau potable de procéder à des contrôles des installations intérieures des utilisateurs de ressources alternatives.

Les connexions physiques entre réseaux de distribution d'eau de pluie et réseaux de distribution d'eau potable seront interdites, à l'exception de la surverse du réseau de distribution d'eau potable vers celui d'eau de pluie. C'est le système bien connu de la chasse d'eau.

Quant au prix de l'eau, il est nécessaire de rester vigilant, de façon à ne pas rompre la solidarité entre chacun afin que les plus faibles, les moins fortunés, puissent profiter du même service public, dans des conditions socialement acceptables.

Il est déjà prévu dans la réglementation la possibilité de percevoir la redevance d'assainissement sur les volumes transitant dans le réseau de collecte des eaux usées. Un compteur qui totalisera l'eau de pluie utilisée dans les toilettes sera obligatoirement installé.

Le projet de texte sur l'utilisation de l'eau de pluie dans les immeubles - utiliser l'eau de pluie est à la mode ! - devrait être proposé au Comité national de l'eau à l'automne.

Toutes ces précautions permettront de rendre compatibles, d'une part, un bon usage de l'eau de pluie, d'autre part, le respect des règles d'hygiène et la protection des consommateurs, y compris dans les établissements les plus exposés.

M. le président. La parole est à M. Louis Souvet.

M. Louis Souvet. Au nom de M. Doublet, je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État.

Le risque d'intrusion de l'eau de pluie dans le réseau communal n'est pas nul.

Ainsi, en ma qualité de président d'une communauté d'agglomération de 140 000 habitants, dotée d'installations de grande ampleur pour la distribution de l'eau, et de maire d'une commune de 30 000 habitants, j'ai eu à déplorer un regrettable incident : une vanne ayant été entrouverte, l'eau de pluie avec laquelle était arrosé un terrain de football - cela partait du louable souci de la récupérer - a pénétré dans le réseau d'eau potable et l'a contaminé.

Il faut donc être très prudent en ce domaine.

Réaménagement des réseaux autoroutiers

M. le président. La parole est à M. Louis Souvet, auteur de la question n° 22, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.

Il faut que les nouveaux ministres s'habituent à venir devant le Sénat : si nous pouvons comprendre qu'un ministre d'État soit pris par ses fonctions ce matin, les secrétaires d'État doivent être là ! (Applaudissements.)

M. Louis Souvet. J'aurais été ravi d'avoir en face de moi M. Borloo, mais mon plaisir n'est pas moins grand de retrouver M. Bussereau, que nous connaissons bien.

Mon intervention ne se situera ni dans le registre du classique « tout sauf dans mon jardin », ni dans le style « oui aux énergies renouvelables, mais pas question de côtoyer un parc éolien ! » J'en passe et des meilleures. J'ai, moi-même, à gérer ce réflexe.

Je me bornerai à évoquer la conciliation de deux soucis d'intérêt général, d'une part, celui de l'amélioration des corridors de transport au sein de l'espace national et communautaire par la mise à deux fois trois voies, alors qu'il était à deux voies, d'un tronçon autoroutier, d'autre part, celui de la qualité des loisirs pratiqués sur une base nautique, et autour d'elle, ou sur un complexe sportif, via la mise en place des protections phoniques adéquates.

Le problème est général, car l'accroissement du volume de la circulation entraînera à n'en pas douter, au plan national, des mutations similaires. L'occasion nous est donc donnée, à travers un cas concret, non pas de modifier de fond en comble les règles, mais de les améliorer et de les actualiser.

Pour l'heure, seules sont concernées par la protection de dispositifs phoniques les zones d'habitat ; paradoxalement, les utilisateurs d'un camping, d'une zone de loisirs ou d'un plan d'eau, qui, par définition, viennent chercher un calme relatif et un repos réparateur, ne le sont pas.

Il serait logique de considérer le reformatage des équipements autoroutiers comme de nouvelles réalisations longeant les points d'eau et les zones de loisirs. Il serait normal d'assigner à ces nouvelles réalisations des cahiers des charges en adéquation avec le volume de décibels modélisé ou le volume constaté aux abords d'infrastructures similaires tant par la taille des voies autoroutières que par leur proximité des zones de loisirs.

On me rétorquera que les futurs progrès technologiques peuvent laisser espérer une réduction des bruits des moteurs, mais il convient de souligner, reprenant en cela les conclusions de la mission « bruit » du ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, qu'au-delà de cinquante ou soixante kilomètres à l'heure, donc a fortiori sur une autoroute, c'est le bruit de contact des pneus sur la chaussée qui domine.

Une autre objection doit être ici réfutée ou, au moins, discutée : les revêtements routiers et autoroutiers font l'objet de recherches constantes de la part des sociétés mettant au point les enrobés, mais se posera toujours la question de la tenue dans le temps des couches de roulement.

Monsieur le secrétaire d'État, sera-t-il procédé à un alignement de la protection phonique des usagers des campings, des plans d'eau et des zones de loisirs avec celle des populations riveraines d'une nouvelle infrastructure, les normes existantes étant respectivement de 60 décibels de jour et de 55 décibels de nuit ? Dans la mesure où l'isolation phonique créée par un mur antibruit représente un gain d'environ 25 décibels, des normes spécifiques plus contraignantes pourraient même être envisagées puisque, selon la direction générale de la santé, un niveau de bruit de 55 décibels en zone résidentielle et en extérieur constitue une gêne sérieuse le jour et en soirée.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser l'absence de ma collègue Nathalie Kosciusko-Morizet, qui m'a demandé de répondre en son nom à votre question dont elle a pris connaissance avec grand intérêt. Il s'agit, en quelque sorte, d'un remplacement mutuel, puisque, la semaine dernière, c'est elle qui a bien voulu me remplacer alors que je participais au conseil des ministres européens des transports à Luxembourg !

La politique conduite en France pour limiter les nuisances sonores provoquées par les infrastructures de transports, notamment terrestres, s'articule autour de quatre lignes directrices : le classement des voies bruyantes et la définition des secteurs où l'isolation des locaux doit être renforcée ; la prise en compte, en amont, des nuisances sonores lors de la construction ou de la modification des infrastructures de transport ; le traitement des situations critiques ou « points noirs » ; plus globalement, l'évaluation, la prévention et la réduction du bruit dans l'environnement.

Au titre de la lutte contre les nuisances sonores, le droit actuel impose ainsi aux lotisseurs et aux constructeurs de bâtiments de prévoir les dispositions nécessaires pour limiter les nuisances sonores, en application du principe d'antériorité. Cependant, lorsqu'il s'agit de créer ou de modifier de manière significative certaines infrastructures, il convient d'assurer la protection des bâtiments existants contre le bruit de la circulation.

Aux termes d'un décret du 9 janvier 1995, le maître d'ouvrage d'un projet d'infrastructures est tenu de « prendre les dispositions nécessaires pour que les nuisances sonores affectant les populations voisines de cette infrastructure soient limitées [...] à des niveaux compatibles avec le mode d'occupation ou d'utilisation normale des bâtiments riverains ou des espaces traversés. » Ce texte prévoit également de fixer des limites nationales, que la contribution sonore des nouveaux projets ne saurait dépasser, mais une telle disposition ne s'applique qu'aux seuls bâtiments. Ainsi, les limites en vigueur pour les habitations situées aux abords d'un projet d'autoroute sont fixées par un arrêté du 5 mai 1995.

Si le droit fixe donc une obligation de résultat au maître d'ouvrage, c'est à lui de mettre en oeuvre librement les mesures pour le respecter, en concertation avec les populations concernées. Dans ce cadre, il peut retenir des objectifs opérationnels plus exigeants que la contrainte réglementaire et rechercher, ce qui est souvent le cas, des participations financières auprès des demandeurs ou des collectivités intéressées.

Par ailleurs, il convient également de tenir compte des dispositions en vigueur au titre de l'évaluation, de la prévention et de la réduction du bruit. Les grandes infrastructures de transports et les principales agglomérations font l'objet de nouvelles obligations, en application des articles L. 572-1 et suivants du code de l'environnement, à la suite de la transposition de la directive européenne du 25 juin 2002 relative à l'évaluation et à la gestion du bruit dans l'environnement. À cet égard, des « zones calmes » peuvent être définies, notamment en agglomération, pour les « espaces extérieurs remarquables » ou pour ceux dont la « faible exposition au bruit » doit être préservée.

Par conséquent, il existe bien deux régimes juridiques distincts en la matière. Naturellement, le problème du bruit est au coeur des débats actuellement menés dans le cadre du « Grenelle de l'environnement », aussi bien au sein des groupes de travail mis en place sur le plan national que dans les forums régionaux et sur Internet. Nul doute que ces travaux déboucheront sur un certain nombre de dispositions nouvelles.

En tout état de cause, monsieur le sénateur, je ne manquerai pas d'attirer l'attention de ma collègue Nathalie Kosciusko-Morizet sur la situation précise des espaces extérieurs que vous avez évoquée ce matin, car les deux niveaux de réponse juridique méritent vraisemblablement d'être précisés à cet égard.

M. le président. La parole est à M. Louis Souvet.

M. Louis Souvet. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de la réponse que vous avez bien voulu m'apporter.

J'ai voulu profiter de la tenue du « Grenelle de l'environnement » pour attirer l'attention du Gouvernement sur la nécessité de prendre de nouvelles mesures en faveur de ces zones de calme, sur lesquelles les personnes viennent se reposer, voire, pour certaines d'entre elles, se ressourcer. À l'évidence, l'élargissement d'une autoroute de deux à trois voies, même si les usagers respectent les limitations prévues, rend tout de même la circulation plus dense, plus rapide et plus bruyante.

En la matière, il est donc nécessaire de contraindre les gestionnaires des autoroutes à prendre certaines dispositions alors qu'actuellement ils se contentent de n'assurer la protection que des zones habitées.

règles applicables aux constructions existantes en zone non urbaine

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, auteur de la question n° 6, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.

M. Bernard Piras. Ma question, qui s'adresse en réalité à Mme Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, porte sur le droit d'urbanisme applicable aux constructions situées dans les zones non urbaines des communes.

Trois situations doivent être distinguées dans le code de l'urbanisme : soit il s'agit de bâtiments destinés à l'agriculture, et ils sont classés en zone A selon les termes de l'article R. 123-7 ; soit il s'agit de bâtiments agricoles, qui, compte tenu de leur intérêt architectural ou patrimonial, peuvent changer de destination, et ils sont zonés à cette fin selon l'article L. 123-3-1 ; soit, enfin, il s'agit de bâtiments qui se trouvent dans une zone naturelle à protéger, et ils sont classés en zone N selon l'article R. 123-8.

En revanche, rien n'est prévu pour les constructions existantes qui ne sont pas destinées à l'agriculture ou qui ne sont pas situées dans une zone naturelle à protéger. Dans mon département de la Drôme, des milliers de logements sont ainsi concernés et se retrouvent alors, par défaut, classés en zone A, alors qu'ils n'ont aucun lien avec l'agriculture et que la rigueur du règlement des zones A ne permet aucune extension ni aménagement, les figeant ainsi en l'état.

Pour éviter de telles situations, les communes ayant lancé des révisions de leur document d'urbanisme ont procédé à cette occasion à « un pastillage », ou « microzonage », en zone N de chaque construction concernée, la réglementation applicable étant alors plus souple. Le tribunal administratif de Grenoble, ayant eu à apprécier la validité d'un PLU, un plan local d'urbanisme, de ce type, l'a considéré comme illégal en raison des microzones N insérées.

Face à ce risque avéré, les services de l'État refusent désormais tout microzonage au sein des PLU, ce qui place les élus locaux dans une grande difficulté, pour ne pas dire une impasse. Le vide juridique actuel, qui conduit à nier l'existence de milliers de logements, risque, par exemple, de conduire à la non-déclaration de travaux, rendant la gestion de ces dossiers encore plus difficile et plus conflictuelle pour les élus.

Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'État, de bien vouloir m'indiquer les mesures précises que le Gouvernement entend rapidement faire adopter pour combler cette lacune juridique et pour permettre une évolution raisonnable et maîtrisée des constructions existantes concernées.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur Piras, je me permets de répondre à votre question au nom de Jean-Louis Borloo, car elle intéresse non seulement le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, mais aussi le ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.

Les dispositions de l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme, bien connues de tous les maires, limitent les constructions pouvant être autorisées sur des terrains agricoles, ce qui a conduit le Gouvernement à s'interroger sur la façon de traiter, dans les documents d'urbanisme, un certain nombre de constructions existantes dans les secteurs agricoles et, notamment, dans les parcelles non agricoles situées au milieu de terres cultivées. C'est pourquoi un décret du 27 mars 2001 n'interdit pas les aménagements sur les constructions existantes, sans toutefois les autoriser de manière générale dans les zones A, ce qui aurait conduit à les autoriser dans des zones beaucoup plus vastes sans qu'aucune limite ni précision quant à leur lieu d'implantation ne soit apportée.

Le troisième alinéa de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme, dans sa version issue du décret précité, a prévu que les plans locaux d'urbanisme pouvaient instituer des zones naturelles sur lesquelles des constructions non agricoles étaient autorisées. Néanmoins, vous vous en doutez, le texte encadre strictement la création de ces zones, qui doivent être « de taille et de capacité d'accueil limitées » et ne porter atteinte « ni à la préservation des sols agricoles et forestiers ni à la sauvegarde des sites, milieux naturels et paysages. » Cette disposition du code de l'urbanisme autorise ainsi la création de « microzones N » au sein de zones A, par nature plus vastes.

Vous l'avez évoqué, le tribunal administratif de Grenoble a considéré comme illégale la création de microzones N au sein de zones agricoles, indépendamment de toute référence à l'intérêt esthétique des sites ou à l'intérêt architectural ou patrimonial de tel ou tel bâtiment agricole. Le contentieux est en cours. Pour l'instant, la cour administrative d'appel de Lyon est saisie ; l'affaire sera peut-être portée devant le Conseil d'État. Il n'y a donc pas de jurisprudence définitive en la matière.

Monsieur le sénateur, tant que la justice n'a pas tranché, le Gouvernement réitère sa position initiale, en affirmant la légalité des microzones N situées au sein d'une zone A. Telle est d'ailleurs la position défendue par les pouvoirs publics devant la cour administrative d'appel de Lyon. En l'état actuel, c'est donc la lecture par le Gouvernement du décret qui a force de loi. Si la cour administrative d'appel, voire le Conseil d'État en dernier ressort, statue différemment, nous serions amenés à étudier les moyens de faire évoluer les dispositions de ce décret.

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.

M. Bernard Piras. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de la clarté de votre réponse sur une question complexe. Il serait souhaitable, afin d'éviter tout blocage dans la mise en oeuvre des PLU, que le ministère puisse donner aux DDE, les directions départementales de l'équipement, des instructions précises pour qu'elles ne refusent plus de classer des parcelles en zone N. En l'attente d'une jurisprudence sur le sujet, nous sommes contraints d'en rester au statu quo actuel et la situation risque d'être toujours aussi bloquée pendant un an, deux ans, voire trois ans.

M. le président. Les DDE devraient être effectivement plus attentives aux remarques des parlementaires.

problème de la fermeture de 262 gares au trafic fret en wagon isolé

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la question n° 30, adressée à M. le secrétaire d'État chargé des transports.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le secrétaire d'État, en décembre dernier, au moment de sa prise de fonctions en tant que nouveau directeur de la branche fret de la SNCF, M. Marembaud annonçait le lancement du programme « Rendez le sourire à nos clients ».

Malheureusement, aujourd'hui, les chargeurs que j'ai rencontrés auraient plutôt tendance à « rire jaune ». Les PME se sentent particulièrement visées par cette décision, dont la mise en place est prévue au 30 novembre prochain. « Ce gouvernement déclare qu'il veut aider les PME, mais qui va subir la disparition des wagons isolés, si ce ne sont les PME elles- mêmes ? », me confiait l'un des professionnels concernés installé sur notre commune.

En mai dernier, une entreprise de logistique, Geodis, appartenant au groupe SNCF et installée à Saint-Pierre-des-Corps, a fait refaire son embranchement. Son client a négocié des tarifs avec la SNCF à partir de l'Allemagne, pour que son fournisseur l'approvisionne. Or il n'y a que quelques jours qu'il a appris la fermeture de la gare de triage. Le choix du client était pourtant clair, celui du transport écologiquement correct.

Monsieur le secrétaire d'État, l'heure est grave : cette affaire ne peut être traitée à la légère, car c'est la vie de nos entreprises qui est en jeu.

Je partage l'indignation des clients de la SNCF ainsi concernés. Vous pouvez le constater comme moi, au regard de la carte de restructuration du fret, seule la grande région Est, où sont concentrées les industries importantes, serait préservée. Dans le grand Ouest, c'est le grand vide, là même où l'économie repose sur le dynamisme des petites et moyennes entreprises. Avant d'avoir à déplorer la désindustrialisation de notre région, il serait bon de préserver les principales dessertes ferroviaires. C'est ce que je vous demande, au nom des chefs d'entreprises concernés.

La colère gronde chez les salariés, les chargeurs, mais aussi parmi les citoyens, et vous ne pouvez l'ignorer. Aussi la demande d'un moratoire me semble absolument justifiée. J'espère que vous y répondrez favorablement.

La gare de triage de Saint-Pierre-des-Corps pourrait devenir le grand hub manquant sur ce territoire, car c'est un point stratégique pour les grandes circulations nord-sud, ainsi que sur l'axe ouest-est. Elle soulagerait également la région parisienne, fortement encombrée par la densité du trafic de marchandises et de voyageurs.

Cette gare peut devenir, avec le projet de nouvelle autoroute ferroviaire, en doublement de la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique, le site complémentaire permettant de désengorger l'autoroute A10, qui est proche de la saturation.

Avec le plan Véron, 1 500 000 camions ont été transférés sur les routes entre 2004 et 2006. La disparition de 262 gares, dont 60 gares dans la seule région Centre, ferait basculer sur notre seul département d'Indre-et-Loire 26 000 camions supplémentaires. Dire, comme j'ai pu l'entendre, que le wagon isolé ne représenterait pas grand-chose, est un non-sens : ce sont des centaines d'entreprises et des milliers de salariés qui sont concernés. Sur tout le grand Ouest, des milliers d'habitants subiraient l'augmentation des nuisances autoroutières.

Monsieur le secrétaire d'État, vous savez que les difficultés rencontrées par le fret résultent, pour une bonne part, du mauvais état de nos infrastructures, et vous connaissez comme moi les résultats de l'audit réalisé, l'an dernier, par un cabinet suisse. C'est bien dans le sens de la rénovation des lignes qu'il faut oeuvrer si l'on veut que l'outil ferroviaire soit adapté et réponde aux besoins de nos entreprises et de notre économie.

Comment accepter qu'une telle mesure de fermeture massive soit prise sans attendre les propositions du Grenelle de l'environnement dans le domaine des transports ? Comment comprendre une telle décision alors que le Président de la République s'est lui-même engagé à ce que le fret non routier augmente de 25 % en cinq ans ?

Je vous demande, monsieur le secrétaire d'État, d'intervenir auprès de la SNCF pour qu'elle revoie sa copie dans l'intérêt de notre développement économique régional, et de décider la mise en place d'un moratoire afin que nous puissions engager les discussions sur les réponses à apporter aux entreprises.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Vous avez eu raison, madame le sénateur, de rappeler l'engagement pris par le Président de la République. Nous souhaitons en effet la mise en place d'une meilleure intermodalité, ou comodalité, dans les années à venir, avec l'objectif très précis d'une augmentation de 25 % du fret non routier.

Le report du fret routier doit bénéficier à d'autres modes de transport, en l'occurrence le transport maritime, c'est-à-dire les autoroutes de la mer, le transport fluvial, là où c'est possible, et le transport ferroviaire.

Or nous nous heurtons à une grave difficulté depuis quelques années, difficulté qui n'est pas liée qu'aux infrastructures : la mauvaise situation de notre fret ferroviaire.

En Europe, dans tous les pays qui nous entourent, le fret ferroviaire gagne actuellement des parts de marché : en Grande-Bretagne, dont on s'est beaucoup moqué après la réforme rapide et brutale de ce secteur entreprise par Mme Thatcher, mais aussi en Espagne et en Allemagne. En France, en revanche, il perd des parts de marché depuis des années, quels que soient les gouvernements et les ministres en place. Même ceux qui annonçaient la réalisation de grands objectifs, comme M. Gayssot, n'ont pu les tenir. (M. René-Pierre Signé proteste.)

Le secteur étant libéralisé depuis 2006, la SNCF se trouve en concurrence avec d'autres groupes, en l'occurrence cinq opérateurs privés. Vous connaissez bien ce sujet en tant que maire de Saint-Pierre-des-Corps, madame le sénateur.

La SNCF continue d'assurer 95 % environ du trafic ferroviaire, même si les opérateurs privés - dont certains partent de Marseille pour relier les grands ports, n'est-ce pas, monsieur le président ! - jouent un rôle de plus en plus important.

Par ailleurs, parmi les 262 gares appelées à fermer, et dont un grand nombre se trouvent en région Centre, mais aussi dans ma région Poitou-Charentes, voisine de la vôtre, certaines n'accueillaient plus le moindre trafic depuis longtemps. Il faut le dire, même si cela ne justifie pas tout ! On ne peut pas demander à la SNCF de continuer à tracter des wagons à perte !

Je comprends très bien que la SCNF considère, comme la Deutsche Bundesbahn, que le transport ferroviaire, qui, selon le mot célèbre de Louis Armand, « s'il survit au vingtième siècle, sera le mode de transport du vingt et-unième siècle », convient surtout au trafic massifié.

Le trafic du port de Hambourg, par exemple, est assuré aujourd'hui à 50 % par le trafic ferroviaire, ce qui en fait le port européen dont le développement est le plus fort, avant ceux du range nord, Anvers et Rotterdam, alors qu'au Havre, ce trafic est d'à peine 10 %.

Il s'agit d'un problème de fonctionnement global de notre système ferroviaire. Les grandes compagnies ferroviaires doivent se regrouper et s'organiser sur le trafic massifié. Les Allemands commencent à envoyer des trains en Russie ou en Chine - ce mode de transport étant plus rapide que le fret maritime -, car ils comprennent l'intérêt de la longue distance.

J'en viens au problème des wagons isolés.

Deux cas peuvent se présenter : soit la SNCF trouve des solutions alternatives, au cas par cas, lorsque surviennent des difficultés telles que celles que vous avez citées à propos de Saint-Pierre-des-Corps, et nous l'encourageons en ce sens ; soit nous mettons en place, comme cela vient d'être fait de manière expérimentale dans votre région - j'ai signé récemment un protocole de partenariat à Orléans, le 26 septembre 2007 -, des opérateurs ferroviaires de proximité. Ces opérateurs de proximité peuvent être soit une organisation spécifique de la SNCF ou de l'une de ses filiales, soit d'un opérateur autonome, une entreprise, une chambre de commerce, un port, un établissement public de l'État ou bien encore des coopératives agricoles qui, rencontrant un problème d'acheminement, décident de se regrouper.

En Allemagne, si la Deutsche Bundesbahn réussit à assurer un trafic d'une telle densité, c'est grâce aux 300 opérateurs locaux de proximité qui l'aident à assurer cette mission.

Si, aux États-Unis, le trafic ferroviaire, qui s'était effondré, est redevenu aujourd'hui le premier mode de transport sur le continent nord-américain entre le Canada, le Mexique et les États-Unis, c'est grâce à l'existence, à côté des grandes compagnies ferroviaires, de short lines, de petits opérateurs regroupés qui assurent le trafic local.

Je suis donc favorable à la création d'opérateurs ferroviaires de proximité, comme celui que vous avez mis en place dans la région Centre, madame le sénateur, principalement tourné vers le trafic céréalier et engagé par les coopératives agricoles.

Il n'y a pas de raison que ne soit pas mis en place un tel opérateur local sur un site de fret ferroviaire historiquement aussi important que celui de Saint-Pierre-des-Corps, en collaboration avec la chambre de commerce, mais également d'autres acteurs, comme la municipalité, comme la communauté d'agglomération du Grand Tours. Cet opérateur assurera le trafic de proximité, les grands opérateurs massifiant ensuite le trafic, ce qui fera gagner des parts de marché.

Je préfère un wagon non siglé SNCF sur le rail qu'un camion, même appartenant à une filiale de la SNCF, sur les routes. C'est dans ce sens que nous souhaitons mener cette réforme.

M. René-Pierre Signé. C'est pour cela que l'on ferme les gares !

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. J'ai bien entendu vos propos, monsieur le secrétaire d'État, mais je souhaite vous répondre sur plusieurs points.

Premièrement, l'opérateur Proxirail, qui doit être mis en place à Orléans, ne sera opérationnel que dans le cours du premier trimestre 2008. Or il existe une date butoir, la SNCF ayant prévenu qu'elle arrêtait le trafic de proximité le 30 novembre 2007. Il y a donc un problème ! C'est pour cette raison, et afin de pouvoir travailler sur ces questions, que je vous demande de lancer un moratoire.

Deuxièmement, vous avez dit que les opérateurs locaux de proximité étaient destinés aux petites distances. Or, dans les exemples que j'ai pris, les wagons isolés ne servent pas à assurer le trafic sur de petites distances !

Ainsi, le groupe Geodis, qui assure essentiellement, vous le savez, des activités de fret par camion, devait permettre d'utiliser la pleine capacité du groupe ferroviaire en remettant en service une complémentarité rail-route en association avec un fournisseur allemand : on devait donc travailler avec deux réseaux ferrés à l'intérieur de l'Europe. Ce dispositif est désormais rendu caduc par la décision de suppression du triage à la gare de Saint-Pierre-des-Corps. Ces décisions sont incompréhensibles, et la mise en place d'un opérateur de proximité ne constitue en aucun cas une réponse appropriée.

Je rappelle par ailleurs que, si le trafic ferroviaire s'est amélioré en Grande-Bretagne, c'est parce que ce pays a décidé d'augmenter les crédits destinés à la remise en état des infrastructures, qui en avaient bien besoin.

Dans un article paru dans Les Échos à la suite de l'inauguration de Proxirail, on a pu lire : « La montée en puissance de Proxirail va néanmoins nécessiter la remise à niveau de l'infrastructure ferroviaire. Hubert Dumesnil a reconnu hier que, sur les 600 kilomètres de voies dédiés au fret dans la région, une partie est menacée en raison de leur dégradation ».

La mise en place d'un opérateur de proximité ne résout donc en rien la question posée. Il s'agit surtout, pour le moment, de préparer le retrait de la SNCF de l'activité de fret, alors que l'on sait très bien que c'est elle qui va fournir l'ensemble de la logistique nécessaire au démarrage de Proxirail, tant en personnel qu'en matériel.

On assiste donc au démantèlement de la SNCF en termes d'outils de transport ferroviaire, sans qu'aucune réponse soit apportée aux entreprises de notre grande région. On s'aperçoit même, en regardant les cartes, que la solution du rail a été complètement exclue de cette région.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Je tiens, tout d'abord, à préciser à Mme Beaufils que le projet Proxirail comprend également la rénovation des infrastructures puisque le contrat de plan signé entre l'État et la région Centre concerne des engagements qui doivent être tenus dès l'année prochaine. Nous allons consacrer des moyens financiers importants à la rénovation d'un certain nombre de lignes dans les étoiles ferroviaires de Blois, Tours et Orléans, afin de les adapter au trafic de fret. Vous savez comme moi, madame le sénateur, en tant qu'ancien membre du conseil d'administration de la SNCF, que les contraintes de sécurité ne sont pas les mêmes sur les voies dédiées au fret et sur celles réservées au trafic voyageurs.

S'agissant ensuite de l'affaire entre la SNCF et Geodis, j'ai envie de dire, si vous me le permettez : que les entreprises la règlent entre elles ! Geodis étant une filiale de la SNCF, elles doivent être capables de se parler. Je rappelle que le directeur général de Geodis siège au sein du comité exécutif de la SNCF, sous la présidence de Mme Idrac.

J'en viens enfin à la gare de Saint-Pierre-des-Corps. La région Centre électrifie, avec le concours de l'État, la voie reliant Saint-Pierre-des-Corps et Vierzon. Ainsi la totalité de l'axe est-ouest sera-t-il électrifié.

Comme je l'ai indiqué lors du Grenelle de l'environnement, je suis partisan de la construction, en plus de l'autoroute ferroviaire qui passera à Saint-Pierre-des-Corps dans le sens nord-sud, en utilisant la voie actuelle Paris-Bordeaux, d'une autre autoroute ferroviaire dans le sens ouest-est, reliant les ports de Nantes et Saint-Nazaire à la région lyonnaise en transitant par Saint-Pierre-des-Corps.

Cette étoile d'autoroutes ferroviaires sera tout à fait utile pour le développement du triage et des installations ferroviaires de votre ville, madame le sénateur.

Soutien à la filière veau de boucherie

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, auteur de la question n° 32, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Bernard Cazeau. Monsieur le ministre, lors d'un déplacement récent dans le département de la Dordogne, vous avez annoncé un plan tendant à consacrer 8 millions d'euros aux différents acteurs de cette production.

Réparti entre les différentes catégories de professionnels et considéré à l'échelle nationale, où l'on dénombre des milliers d'ateliers, ce plan s'avère, de l'avis même des professionnels, très insuffisant.

Les entreprises d'intégration que vous avez visitées, comme Sobeval, connaissent des pertes sévères et les éleveurs sont pénalisés en retour. Face à cette situation, il est unanimement admis que le compte n'y est pas.

Le cercle vicieux est connu : un aliment laitier plus cher, un coût de production majoré, des prix de vente peu flexibles du fait des pressions de la grande distribution, et donc des pertes pour les industries et pour les éleveurs, qui sont, en quelque sorte, leurs employés.

Il en est ainsi de la vie d'une entreprise. Mais le problème est que la répartition des pertes de la filière menace aujourd'hui des centaines d'exploitations agricoles et, à terme, notre capacité à produire.

On nous dira que la solution technologique au problème alimentaire est en gestation avec la création de nouveaux produits pour l'engraissement des veaux, mais toutes les techniques actuelles demeurent imparfaites, et donc non généralisables pour l'instant.

Captifs du système productif, les éleveurs des filières intégrées pâtissent en dernière instance de cette situation, tout à la fois victimes d'une rétractation de la production et d'une élévation concomitante du coût des emprunts réalisés pour la mise aux normes des bâtiments d'élevage.

Le découragement est grand parmi les éleveurs auxquels on a demandé d'investir il y a quelques années et qui voient désormais leurs charges s'alourdir tandis que les prix chutent. La situation exige donc une action forte des pouvoirs publics.

Faudra-t-il attendre que s'installe la pénurie, comme dans le cas des céréales ou du lait, avant que l'on songe à préserver notre capacité de production ?

Monsieur le ministre, je vous demande donc quelles dispositions vous comptez prendre afin de permettre à cette communauté agricole de reprendre confiance en elle.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur Cazeau, votre question me donne l'occasion de confirmer un certain nombre de mesures annoncées lors de ma visite dans votre département et d'exprimer le grand intérêt que j'ai pris à cette visite.

Non seulement j'ai pu mesurer sur place la grande inquiétude, voire la désespérance, qui règne parmi les éleveurs de veaux de boucherie de votre département - et d'autres, d'ailleurs - mais j'ai également pu apprécier le volontarisme et le professionnalisme d'un certain nombre d'entreprises de transformation. La SOBEVAL en fait partie, mais elle n'est pas la seule, même si elle est la plus importante dans cette région. J'ai été très impressionné par l'ancrage de cette filière dans un territoire.

Comme vous le rappelez, monsieur le sénateur, la filière des veaux de boucherie affronte de graves difficultés liées à un déséquilibre récurrent entre l'offre et la demande de viande de veau et, surtout, au renchérissement des coûts de production. Au demeurant, nous insistons aujourd'hui sur les difficultés propres à la filière du veau de boucherie, mais cette dernière n'est malheureusement pas la seule à subir les conséquences de l'augmentation du prix des matières premières. Une autre filière rencontre actuellement de grandes difficultés, celle du porc, pour ne pas parler des volailles, même si le contexte est un peu différent.

Pour en revenir au veau de boucherie, je rappellerai que des concertations entre les professionnels et ma propre administration ont permis d'aboutir à une proposition qui, je le reconnais, en réponse à votre interpellation, est conjoncturelle dans la mesure où les conditions budgétaires - vous en conviendrez - sont extrêmement difficiles. Nous proposons d'établir un cadre interprofessionnel visant à mieux maîtriser la production et à relancer ce secteur, tout en tenant compte, autant que faire se peut, de la situation difficile de beaucoup d'éleveurs.

Le 21 août 2007, j'ai annoncé la mise en place d'un plan de soutien à cette filière d'un montant de 7,8 millions d'euros, dont 1,5 million d'euros consistent en allègements de charges d'emprunts professionnels. Cette première ligne de crédits est en cours d'affectation dans les régions concernées.

S'agissant des autres mesures, comme l'adaptation du nombre de places dans les exploitations ou la compensation des pertes de marge brute des entreprises d'intégration, les moyens financiers ont été sécurisés au niveau de l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions pour leur mise en oeuvre, sous réserve du cofinancement interprofessionnel de l'aide aux éleveurs.

Ce plan de soutien comporte par ailleurs un volet en faveur de la recherche et de la promotion - vous en avez d'ailleurs fait état dans votre question - car la qualité des productions peut toujours être améliorée, ce qui suppose un effort de recherche.

Je rappelle enfin que nous avons contribué à la défense de la production française de veau en obtenant des autorités communautaires, en juin 2007, de réserver la dénomination « veau » aux seuls bovins de moins de huit mois. Cette mesure mettra un terme aux distorsions de concurrence existant avec certains pays du nord de l'Europe.

Enfin, au-delà de cette proposition de plan - dont je reconnais le caractère conjoncturel, je le répète -, nous travaillons à un certain nombre de mesures plus structurelles, conformément au voeu exprimé par le Président de la République le 11 septembre 2007 à Rennes.

Nous allons devoir affronter de nombreuses crises - quand je dis nous, je parle de l'État et de la profession : des crises climatiques, qui vont se multiplier avec le réchauffement de l'atmosphère et dont les agriculteurs sont les premières victimes, des crises sanitaires, notamment celle de la fièvre catarrhale ovine - sans doute la crise sanitaire la plus grave que nous ayons eue à affronter depuis très longtemps -, des crises économiques. Or nous ne disposons pas encore des outils nécessaires pour y faire face.

Dans le cadre des discussions engagées à propos du bilan de la PAC et de la future politique alimentaire, rurale et agricole que nous voulons construire pour l'après 2013, je vais travailler à la mise en place de meilleurs outils de gestion de crise, de prévention et de mutualisation des risques, et je serais heureux que le Sénat s'associe à ce travail. Cette réflexion apportera une réponse durable et plus structurelle aux crises économiques du type de celle que traverse la filière du veau de boucherie.

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.

M. Bernard Cazeau. Monsieur le ministre, vous reconnaissez - très honnêtement, il faut le dire - le caractère extrêmement conjoncturel, donc implicitement insuffisant, de l'action menée. Je ne sous-estime pas votre préoccupation pour l'avenir ni la qualité du travail que vous réaliserez pour résoudre cette crise, qui ne touche pas seulement le veau de boucherie mais l'ensemble de la profession agricole.

Même avec des moyens relativement modestes - 8 millions d'euros, c'est insuffisant quand la profession évalue les besoins à quinze millions d'euros ! - vous pouvez aider un secteur agricole en très grande difficulté, au niveau national comme au niveau périgourdin, ce qui n'exclut pas d'aider les autres. Si la conjoncture se maintient, vous savez bien que des milliers d'entreprises agricoles et industrielles en France vont souffrir et risquent de disparaître. J'espère donc que vous tiendrez compte de mon interpellation et que vous pourrez nous annoncer une amélioration des aides que vous accorderez à cette profession, en fonction des disponibilités budgétaires.

assermentation et agrément des agents de la police municipale

M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck, auteur de la question n° 17, adressée à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Christian Demuynck. Pour entrer en fonction, un policier municipal doit d'abord être agréé par le préfet. La durée de cette procédure d'agrément varie entre cinq et sept mois ; elle comporte une enquête sur la moralité et l'honorabilité du fonctionnaire. Pour vous donner un exemple, la ville de Neuilly-Plaisance a recruté en mai 2007 un policier municipal qui n'a toujours pas été agréé à ce jour.

Ensuite, le candidat doit recevoir l'agrément du tribunal de grande instance, valable au niveau départemental. La procédure dure, là aussi, de cinq à six mois.

Enfin, le fonctionnaire doit prêter serment devant le tribunal d'instance. À ce stade, les délais sont beaucoup plus courts et n'excèdent pas quelques semaines. Si, par-dessus le marché, cet agent entre dans une police municipale où le port d'arme est autorisé, les procédures s'allongent encore de quelques semaines supplémentaires.

Monsieur le ministre, ne pourrait-on pas réduire la durée de ces procédures et faire en sorte qu'un policier municipal arrivant dans une collectivité puisse être très rapidement opérationnel ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, Mme Alliot-Marie m'a demandé de vous répondre en son absence, qu'elle vous prie d'excuser. Je le fais bien volontiers.

La question de la délivrance de l'agrément des agents de police municipale par le préfet et le procureur de la République est essentielle pour le fonctionnement concret des polices municipales. Nous connaissons l'importance du concours apporté par ces dernières à la sécurité du pays et l'attente légitime de tous les maires sur ce sujet.

Actuellement, monsieur le sénateur, la nomination des agents de police municipale est subordonnée à l'obtention par ces derniers de l'agrément du préfet et du procureur de la République. L'accès à ces fonctions, comportant l'exercice de prérogatives de puissance publique, exige en effet un contrôle préalable de la moralité de toute personne candidate. Ce contrôle porte sur les antécédents judiciaires des intéressés.

Toutefois, ce régime qui engendre des délais d'attente pour la prise de fonctions de ces agents, y compris en cas de mutation, peut poser des difficultés aux maires qui ne peuvent disposer d'agents opérationnels dès leur recrutement. Le contrôle de la moralité des agents de police municipale devrait donc être indépendant de leur affectation géographique.

Aussi Michèle Alliot-Marie est-elle favorable à une simplification de ces procédures dans le sens que vous avez vous-même esquissé, monsieur le sénateur. Dans cet esprit, elle a élaboré un projet de modification de l'article L. 412-49 du code des communes tendant à ce que les agents de police municipale soient agréés par le préfet et le procureur de la République dès leur réussite au concours d'entrée dans la profession. Ils continueraient alors à bénéficier de cet agrément indépendamment de leur affectation géographique, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'honorabilité et de moralité requises pour exercer leurs fonctions.

Dans le souci de conduire rapidement cette réforme attendue par les maires - attente dont vous vous êtes fait l'écho, monsieur Demuynck - le Gouvernement saisira très prochainement le Parlement d'un texte en ce sens.

M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.

M. Christian Demuynck. Je remercie M. le ministre de sa réponse et j'espère que ce nouveau mode d'agrément entrera rapidement vigueur.

M. le président. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous signaler que, dans la deuxième ville de France, la police municipale n'étant pas armée, elle cesse ses activités à 21 heures. Pour qu'elle soit armée, il faudrait faire des efforts de formation supplémentaires. En effet, lorsqu'une bavure se produit, un policier municipal n'est pas traité de la même manière qu'un membre de la police nationale. Là encore, il faudrait introduire plus de justice et d'équité !

M. Christian Demuynck. Très bonne remarque ! (M. René-Pierre Signé approuve.)

M. le président. Mes chers collègues, pardonnez-moi de m'être substitué à notre éminent collègue Christian Demuynck.

financement des écoles privées

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, auteur de la question n° 35, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Michel Teston. Monsieur le ministre, j'appelle votre attention sur la circulaire d'application n° 2007-142 de l'article 89 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales qui étend au financement des écoles privées sous contrat d'association les procédures qui régissent la répartition entre les communes des dépenses de fonctionnement des écoles publiques.

M. Christian Demuynck. Très bonne question !

M. Michel Teston. Désormais, les communes ne comportant pas d'école privée sous contrat d'association devront financer la scolarisation d'un enfant résidant sur leur territoire et fréquentant un établissement d'enseignement privé situé dans une autre commune.

Une disparité de traitement avec l'enseignement public est ainsi créée, puisqu'en cas de scolarisation d'un enfant dans une école publique d'une autre commune, la commune de résidence n'est tenue de contribuer financièrement que si le maire a donné son accord à cette scolarisation.

Plus largement, les dispositions de l'article 89 risquent de ruiner les politiques volontaristes menées par de nombreux élus pour maintenir un service public de qualité sur leur territoire et de contribuer à la disparition de nombreuses écoles publiques, avec des conséquences particulièrement dommageables dans les zones rurales.

Aussi, monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir reconsidérer le contenu de l'article 89 de la loi du 13 août 2004 lors de cette session parlementaire et, dans l'attente, de ne pas mettre en application la circulaire n° 2007-142.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Monsieur Teston, vous savez qu'il s'agit d'un sujet difficile. J'ai déjà eu l'occasion de répondre récemment à votre collègue Michel Houel sur ce sujet, lors de questions d'actualité.

Comme vous l'avez dit, votre question porte sur l'article 89 de la loi du 13 août 2004. Vous pouvez difficilement demander à un membre du Gouvernement de ne pas appliquer une loi votée, même si je peux comprendre un certain nombre de vos réticences !

Revenons cependant sur cet article, que vous connaissez bien puisqu'il a été voté sur proposition sénatoriale.

M. Xavier Darcos, ministre. Dans sa rédaction actuelle, il précise les modalités d'application aux écoles privées sous contrat de dispositions existant par ailleurs pour d'autres échanges scolaires entre communes - il est vrai que ceux-ci se fondent sur des accords ou des conventions passés entre les maires. Dans les deux cas, il s'agit de la prise en charge financière, par les communes de résidence, des élèves scolarisés sur le territoire d'une autre commune.

La transposition de ce dispositif à l'enseignement privé est guidée par un principe de dialogue.

La mise en oeuvre des nouvelles dispositions législatives privilégie d'ailleurs l'accord des communes intéressées, comme c'est déjà le cas, vous l'avez dit, pour le public. Or, ce qui est valable pour le public doit l'être pour le privé. Ce n'est qu'en cas de désaccord entre communes, ce qui est possible mais sera tout de même assez rare, que l'intervention du préfet sera éventuellement sollicitée ou requise.

L'équité a donc guidé le vote, par votre Haute Assemblée, de l'article 89 de la loi, tout comme la rédaction de la circulaire, puisque celle-ci repose sur deux principes : l'équité à l'égard des communes, qui ne sauraient payer plus pour le privé qu'elles ne payent pour le public, et l'équité à l'égard des familles, qui ont droit à ce que leur liberté de choix, qui est inscrite dans la loi, soit respectée.

Ce double principe d'équité me semble pouvoir être admis par chacun.

C'est la raison pour laquelle, à la suite de l'annulation de la circulaire de décembre 2005 - pour des raisons de pure forme, puisqu'il s'agissait d'une question de compétence des signataires -, ma collègue ministre de l'intérieur et moi-même avons considéré qu'il convenait d'en reprendre le texte.

Avant la parution de la nouvelle circulaire au Bulletin officiel du 6 septembre 2007, j'avais cependant pris la précaution, comme je l'ai rappelé jeudi dernier, de faire relire le projet par l'association des maires de France, ce qui a permis de retirer de la liste des dépenses obligatoires annexée - et, ce faisant, de rendre la circulaire moins « oppressante » - les dépenses de contrôle technique des bâtiments, la rémunération des agents territoriaux de service des écoles maternelles ainsi que les dépenses relatives aux activités extrascolaires.

La nouvelle circulaire rappelle les règles de parité, auxquelles tout le monde doit souscrire, que je viens de rappeler. Sur ces bases claires, je suis convaincu qu'elle sera appliquée dans un esprit de mutuelle compréhension et dans le légitime souci de l'équilibre des finances locales et du respect du choix des familles. Elle devrait donc permettre de guider le dialogue nécessaire entre toutes les parties concernées et d'éviter les éventuels conflits que vous avez évoqués, monsieur Teston, conflits qui seront arbitrés par le préfet mais qui, je le crois, seront extrêmement rares et très circonscrits. (M. Roland Courteau s'exclame.)

M. le président. La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. La réponse de M. le ministre appelle de ma part les remarques suivantes.

Selon les explications données par son auteur, l'« amendement Charasse », puisque c'est cet amendement, que vous avez évoqué sans le citer expressément, qui a donné naissance à l'article 89 de la loi du 13 août 2004, ne concernait que les communes qui n'ont pas ou plus d'école publique, mais le moins que l'on puisse dire est qu'il n'était pas très explicite sur ce point. Or il a été adopté tel quel et, devenu article de loi de portée générale, il concerne toutes les communes, ce qui a introduit des disparités de traitement entre les communes de résidence quand il y a scolarisation d'un enfant dans une commune voisine, situation assez fréquente.

Si l'école est publique et, hormis les cas prévus au dernier alinéa de l'article L. 212 - 8 du code de l'éducation, le maire de la commune de résidence peut refuser son accord et, dans cette hypothèse, sa commune n'a pas à participer financièrement.

En revanche, s'il s'agit d'une école privée, le maire de la commune de résidence n'est pas consulté et sa commune est tenue de participer financièrement.

Monsieur le ministre, je renouvelle donc ma demande pour que le Gouvernement dépose un projet de loi visant à modifier l'article 89 de la loi n° 2004-809.

À mon sens, deux voies s'offrent à vous : soit l'article 89 est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Les dispositions du présent article ne sont applicables qu'aux communes qui n'ont pas ou plus d'école publique. » ; soit il est modifié par la substitution des termes : « Tous les alinéas de l'article L. 212 - 8 du code de l'éducation sont applicables » aux termes : « Les trois premiers alinéas de l'article L. 212 - 8 du code de l'éducation sont applicables ». (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. Roland Courteau. Voilà une question précise !

M. Xavier Darcos, ministre. Vous êtes les législateurs : c'est vous, et non pas moi, qui votez la loi !

organisation des services de secours à personnes

M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle, auteur de la question n° 13, adressée à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Philippe Madrelle. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, bien avant le récent congrès annuel de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, qui a dressé un bilan alarmiste de la situation des services de secours à personnes, j'avais déjà été alerté, comme d'ailleurs mon collègue Bernard Dussaut, par de nombreux élus des cantons ruraux de la Gironde, en particulier par des maires du sud du département, très inquiets quant à l'avenir de la protection civile dans les cantons ruraux.

En juin dernier, un dramatique incendie a coûté la vie à quatre personnes, provoquant une très vive et légitime émotion à laquelle, bien entendu, nous nous sommes associés.

Pour autant, il n'est pas opportun d'utiliser ce drame pour critiquer ou discréditer l'organisation des secours incendie et des hommes qui oeuvrent en son sein. C'est une attitude que nous refusons et que nous dénonçons et, pour ma part, je tiens à réaffirmer mon indéfectible attachement, partagé d'ailleurs par tous les élus, aux pompiers, dont l'engagement volontaire ou professionnel ne saurait être mis en cause.

En revanche, ce tragique fait divers a mis en lumière l'extrême sensibilité des élus locaux et des populations qu'ils représentent sur une question essentielle : la nécessaire et urgente réorganisation des services de sécurité civile. Le Président de la République s'est d'ailleurs récemment prononcé en faveur d'une « expérimentation, dès 2008 de coopération nouvelle » entre tous les services de secours.

Ainsi, nous nous interrogeons sur l'intérêt de la centralisation des appels, qui concerne aussi bien le Centre 15 que les gendarmes ou les pompiers. Pour ces derniers, il est évident que la centralisation des appels engendre des délais supplémentaires dans les temps d'intervention, d'où une efficacité réduite. La rigidité de ce système centralisé apparaît à beaucoup d'entre nous comme antinomique avec la nécessaire réactivité des secours. Des cas patents de dysfonctionnement ont déjà pu être constatés qui impliquent une adaptation du système en vue d'une meilleure efficacité et d'une amélioration de la performance des centres de proximité, particulièrement en milieu rural.

Il est urgent, madame la secrétaire d'État, d'apporter à ce système les corrections nécessaires dans l'intérêt de nos populations.

Le Conseil national de sécurité civile, créé par la loi n°2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, avait retenu le secours à personnes et la médicalisation des secours parmi les orientations de ses travaux.

Vous le savez, madame la secrétaire d'État, nous avons tous le souci d'assurer un traitement équitable de tous les citoyens dans le droit d'accès à tous les services de secours. Or ce traitement équitable n'est pas assuré aujourd'hui. Les secteurs ruraux, déjà pénalisés par leur éloignement des services de sécurité civile, souffrent en outre de cette organisation, qui semble privilégier l'application mécanique des règles édictées au détriment de la mission qu'elle est censée servir : porter secours à nos concitoyens !

Le problème se pose encore avec plus d'acuité en période de vacances ou pendant les week-ends, en l'absence de médecin de garde et, là encore, du fait de la centralisation des appels téléphoniques.

En refusant toute logique de concurrence, il faut chercher à valoriser les plus-values des uns et des autres et revoir toute l'organisation du nécessaire partenariat entre acteurs publics et acteurs privés de l'ensemble des professionnels des secours à personnes : Centre 15, SAMU, pompiers et médecins.

Lorsque tous ces acteurs réussissent à travailler ensemble, ils font un travail remarquable, comme j'en ai été le témoin, voilà quelques semaines, un dimanche après-midi à La Réole.

Alors que nous savons pouvoir compter dans notre pays sur l'expérience et la compétence des médecins et des pompiers, nous ne comprenons pas pourquoi dans certaines situations d'extrême urgence toutes ces capacités peuvent être mises à mal par la rigidité de règlements qui entravent l'efficacité de ces services dont l'objectif est pourtant de sauver la vie !

Vous reconnaîtrez aisément, madame la secrétaire d'État, qu'il y a véritablement urgence à réorganiser et à harmoniser les différents services de secours à personnes, urgence qui me conduit à vous demander ce que compte faire le Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État, qui a siégé dans notre assemblée et que j'engage à se considérer ici comme chez elle !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Je vous remercie, monsieur le président.

Monsieur Madrelle, les secours à personnes ont représenté pour les SDIS 2,5 millions d'interventions en 2006, soit 70 % de leur activité opérationnelle, avec un taux de croissance de 7 % entre 2005 et 2006.

Ces missions impliquent des relations permanentes entre les différents acteurs, en premier lieu avec les SAMU. Leur médicalisation a permis ces dernières années de diminuer de 30 % la mortalité des urgences vitales. Ces progrès sont le fruit du travail de tous les acteurs de l'urgence.

Notre objectif commun est clair : il faut mieux s'organiser, mutualiser davantage nos moyens, mieux se coordonner pour gagner en qualité et être encore plus opérationnels au service de nos concitoyens.

Comme l'a annoncé le Président de la République lors de la clôture du cent quatorzième congrès national des sapeurs-pompiers, le 29 septembre, nous allons revoir l'organisation du secours à personnes, sans querelles de chapelle, en instaurant une collaboration entre les différents acteurs.

Ainsi, la coordination régionale entre SDIS et SAMU se concrétisera, dès 2008, par un rapprochement systématique des schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques et des schémas régionaux pour l'organisation des urgences médicales et du secours à personnes.

Pour faire face à une augmentation sans précédent des demandes d'intervention, il est nécessaire de repenser les modes opératoires de réception des appels au 15 et au 18 ainsi que l'interconnexion entre les différentes structures.

La coopération opérationnelle entre les SDIS et les SAMU sera améliorée grâce aux technologies de l'information, qui facilitent les échanges de données en temps réel. Dès 2008, la mise en service d'outils de radiocommunications numériques à ressources partagées sera développée.

Pour une utilisation plus rationnelle des ressources, une expérimentation sera lancée en 2008. L'objectif sera d'envoyer le plus rapidement possible une équipe auprès de la victime pour évaluer, sous le contrôle du Centre 15, la réponse médicale la plus appropriée. Un comité de suivi évaluera l'efficience de ce système de réponse graduée pour valider une généralisation nationale du dispositif, laquelle interviendra dès 2009.

Nos concitoyens, en tout point du territoire, bénéficient d'un système de secours efficace grâce au dévouement des sapeurs-pompiers et des personnels médicaux des SAMU, auxquels je veux rendre hommage. Ce système doit être amélioré pour s'adapter aux besoins actuels liés aux enjeux démographiques. C'est l'engagement pris par Michèle Alliot-Marie, engagement qu'elle m'a chargée de vous confirmer ce matin.

M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.

M. Philippe Madrelle. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de cette réponse encourageante, puisqu'elle fait apparaître que le Gouvernement a bien compris que l'efficacité des secours n'avait pas été améliorée par la dernière réorganisation, à l'égard de laquelle les populations et les élus sont donc restés assez dubitatifs. Incontestablement, il faut modifier les procédures, beaucoup trop complexes. Reste à espérer que la volonté du Gouvernement permettra de changer les choses !

Accueil des enfants et adolescents handicapés lors des activités périscolaires et extrascolaires

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly, auteur de la question n° 5, adressée à Mme la secrétaire d'État chargée de la solidarité.

M. Georges Mouly. Madame la secrétaire d'État, la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005 donne aux enfants souffrant d'un handicap un droit à la scolarisation en milieu ordinaire.

Afin d'améliorer l'accueil des enfants et adolescents handicapés, un plan d'action a été lancé au mois d'août dernier par le Gouvernement et les moyens d'accompagnement ont été renforcés. Pour l'accueil collectif, les CLIS et les UPI, ou classes d'intégration scolaire et unités pédagogiques d'insertion, ont été ouvertes à la satisfaction de beaucoup. En outre, des places en service d'éducation spéciale et de soins à domicile sont prévues.

La montée en puissance de la scolarisation des enfants et adolescents handicapés en milieu ordinaire va, inévitablement, générer des besoins en matière d'accueil, d'accompagnement hors du temps scolaire et de loisirs.

La préparation de la Conférence de la famille 2007 a été l'occasion d'une réflexion intéressante sur la question de l'épanouissement des enfants hors du temps scolaire, chacun étant conscient que les horaires scolaires correspondent rarement à ceux de l'activité professionnelle des parents.

Le problème de la conciliation des temps de la famille et des temps des enfants se pose souvent avec une pressante acuité. Il prend une dimension plus particulière quand il s'agit de surcroît de concilier l'accueil hors du temps scolaire avec la spécificité du handicap.

L'accueil des enfants handicapés nécessite des moyens adaptés, ce qui pose également la question de la formation des personnels d'encadrement et d'animation.

Madame la secrétaire d'État, M. le ministre de l'éducation nationale a annoncé que le Gouvernement devait présenter des mesures spécifiques relatives à la formation et à la qualification professionnelle de l'ensemble des métiers du handicap. Toutefois, dans l'immédiat, en ce qui concerne plus particulièrement les AVS, ou auxiliaires de vie scolaire, nouvellement recrutés, il a demandé aux recteurs de « veiller de très près à la mise en place » de la formation initiale de soixante heures qui découle de la loi du 30 avril 2003, en s'appuyant sur « les personnels compétents de l'académie et sur les partenaires associatifs ».

Une convention nationale visant à améliorer cette formation devrait être signée. M. le ministre de l'éducation nationale a souhaité voir le principe de l'intégration de tous les élèves, et en particulier des élèves handicapés, inscrit « au coeur de la formation dispensée dans les IUFM ».

S'agissant de l'accompagnement des enfants et des adolescents hors du temps scolaire, ne serait-il pas judicieux, madame la secrétaire d'État, de prévoir, en profitant du mouvement ainsi engagé, l'intégration de modules spécifiques au handicap au sein des formations dispensées pour l'obtention du BAFA, le brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur de centre de vacances et de loisirs, ou des autres diplômes d'animation et d'éducation sportive ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Monsieur le sénateur, merci tout d'abord d'avoir souligné que le Gouvernement avait pris cet été des mesures importantes afin d'accompagner la rentrée scolaire de septembre des enfants handicapés, avec la création de 2 700 postes d'auxiliaires de vie scolaire, de 200 UPI, ou unités pédagogiques d'intégration, et de 1250 places dans les CESAD, les centres d'éducation spécialisés et de soins à domicile.

Comme vous, je souhaite que les enfants handicapés se voient offrir la possibilité de participer aux activités périscolaires et extrascolaires proposées à tous les enfants. C'est une question de justice et d'égalité des chances !

Monsieur le sénateur, vous avez raison : bien souvent, l'accueil des enfants dans le cadre de ces activités suppose que les animateurs soient formés ou, tout au moins, qu'une aide humaine connaissant l'enfant puisse participer avec ce dernier aux activités.

Cette nécessité est d'ores et déjà prise en compte dans un certain nombre de domaines. Ainsi, en ce qui concerne les pratiques sportives, une politique de formation des animateurs et moniteurs est menée depuis plusieurs années par le ministère de la jeunesse et des sports.

Dans ce cadre, la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, finance 300 postes d'animateurs sportifs spécialisés dans les fédérations « Handisport » et « Sport adapté ». Des modules de formation à l'accueil des personnes handicapées sont par ailleurs dispensés aux moniteurs qui le souhaitent, sur la base du volontariat.

S'agissant de l'accueil des enfants handicapés en centres de loisir ou de vacances, des recommandations ont été émises, dès 2001, par le ministère de la jeunesse et des sports et par le ministère de la solidarité, pour faciliter leur intégration. Un guide méthodologique à l'attention des formateurs intervenant au cours des sessions de formation au BAFA a également été édité en 2003 ; il prévoit de sensibiliser les futurs animateurs à l'accueil des enfants handicapés.

Faut-il aller plus loin ? C'est sans doute souhaitable. L'inclusion systématique au sein des formations au BAFA d'un module sur le handicap constitue une piste qu'il me paraît intéressant d'explorer. Je compte demander à mes services de se rapprocher de ceux de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, afin d'étudier cette possibilité.

Plus largement, il me semble que d'autres formations pourraient être utilement adaptées à la problématique du handicap. Je pense à celles qui sont destinées aux enseignants, aux architectes, aux autres métiers du bâtiment ou encore aux gestionnaires des ressources humaines.

C'est pourquoi je veux, dans le cadre de la préparation du « plan métiers » prévu par la loi du 11 février 2005, passer en revue l'ensemble des formations et des certifications professionnelles, afin de repérer les métiers pour lesquels une sensibilisation à la question du handicap est indispensable.

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.

M. Georges Mouly. Madame la secrétaire d'État, c'est la première fois qu'il m'est donné de m'adresser à vous en votre qualité de membre du Gouvernement ; j'en profite pour vous exprimer ma satisfaction de vous voir siéger au banc des ministres ! Compte tenu d'ailleurs de l'ampleur de vos compétences, j'aurai sans doute d'autres occasions de vous interroger !

Pour l'instant, je vous remercie de votre réponse. S'agissant du problème qui nous intéresse, il est exact que la rentrée scolaire a été marquée par des avancées utiles. Pour les sports, et pour les activités physiques en général, des efforts remarquables ont été accomplis, qui se poursuivent d'ailleurs, nous pouvons le constater, dans tous les départements, et en particulier dans celui dont je suis l'élu.

Comme vous l'avez souligné, madame la secrétaire d'État, il est nécessaire d'aller plus loin dans cette direction, et c'est ce que je souhaite. Vous avez d'ailleurs déjà élargi le champ de vos engagements, s'agissant notamment du « plan métiers ».

Madame la secrétaire d'État, de tous les efforts qui sont accomplis, et dont je souhaite qu'ils aboutissent effectivement et positivement, je vous remercie.

structures d'insertion professionnelle pour les personnes handicapées en île-de-France

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, auteur de la question n° 21, adressée à Mme la secrétaire d'État chargée de la solidarité.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Madame la secrétaire d'État, ma question porte sur l'éventuelle réduction du nombre des structures d'insertion professionnelle pour les personnes handicapées au sein de la région d'Île-de-France.

La loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées que nous avons adoptée a modifié le mode de prise en compte des travailleurs handicapés dans le décompte de l'entreprise. En augmentant de façon significative leur contribution, qui a d'ailleurs progressé de près de 20 %, elle a créé une forte incitation pour les entreprises.

Les « recettes » de l'Association de gestion des fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées, l'AGEFIPH, doivent s'en trouver abondées de façon mécanique. Quant à la renégociation de la convention entre l'État et l'AGEFIPH, elle devrait intégrer logiquement un accroissement des moyens dédiés à l'insertion.

Or, de façon paradoxale, l'AGEFIPH, qui envisage de recourir à des agences d'intérim ou à d'autres entreprises, va réduire le nombre des Cap Emploi dans certains départements, notamment dans la région d'Île-de-France, mais peut-être pas uniquement.

Les interventions des Cap Emploi, créés pour certains d'entre eux en 1976, s'inscrivent dans le cadre de la convention liant l'État à l'AGEFIPH, sous la forme de délégation de service public et de partenariat avec le service public de l'emploi.

Or ces Cap Emploi non seulement jouent un rôle primordial dans l'accueil, l'accompagnement et l'insertion des travailleurs handicapés, mais aussi constituent les interlocuteurs privilégiés des entreprises en matière de placement.

En se fondant sur une interprétation erronée de la loi, l'AGEFIPH met en quelque sorte de côté les Cap Emploi.

Pourtant, je le rappelle, la commission des affaires sociales du Sénat avait indiqué, lors de l'examen du rapport d'information sur l'application de la loi de 2005 : « Le législateur a souhaité que l'État conserve ses responsabilités de pilotage du dispositif Cap Emploi : en témoigne d'ailleurs la création du comité national de pilotage [...]. Il n'a donc jamais été question de confier à la seule AGEFIPH le conventionnement des Cap Emploi ».

Ce problème se pose dans les départements de la région d'Île-de-France, mais d'autres sont peut-être également concernés. Quelle est donc, madame la secrétaire d'État, la position de l'État à l'égard du conventionnement des Cap Emploi par l'AGEFIPH ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Madame la sénatrice, comme vous, je suis extrêmement attachée à l'existence des Cap Emploi, qui rendent des services considérables pour l'emploi des handicapés, puisqu'ils accompagnent chaque année plus de 80 000 personnes et contribuent au placement de 45 000 d'entre elles.

Les Cap Emploi disposent d'une compétence propre, qui leur est confiée par la loi, celle de préparer, d'accompagner vers l'emploi et de placer les travailleurs handicapés en milieu ordinaire de travail. Ils ne constituent donc pas des prestataires auxquels l'AGEFIPH peut choisir de recourir, ou non, afin d'exercer l'une de ses missions propres. Ils sont des partenaires, et la loi impose à l'AGEFIPH, compte tenu de son objet social, de contribuer à leur financement.

Cette précision apportée, vous conviendrez, madame la sénatrice, qu'il est indispensable de s'assurer de la qualité des prestations offertes en matière de préparation, d'accompagnement vers l'emploi et de placement des travailleurs handicapés. C'est pourquoi la loi a prévu que les organismes de placement spécialisés, auxquels cette mission est confiée, sont préalablement conventionnés et voient leurs résultats régulièrement évalués.

En cas de défaillance, un déconventionnement doit pouvoir intervenir et un nouvel opérateur être sélectionné, afin que ces missions continuent d'être assurées sur le territoire considéré. Dans ce contexte, il n'est pas anormal de prévoir une procédure de sélection par appel d'offre.

Madame la sénatrice, vous vous interrogez sur l'autorité responsable du conventionnement des Cap Emploi, et je reconnais volontiers que la loi n'est pas explicite à ce sujet.

En l'absence de précision législative, vous concluez, légitimement d'ailleurs, que cette responsabilité incombe à l'État, et vous avez raison. Toutefois, l'État est libre de déléguer cette compétence, sous son contrôle, à un autre opérateur, s'il juge que c'est plus pertinent. En l'occurrence, c'est ce qu'il a choisi de faire pour le conventionnement des Cap Emploi.

L'État intervient ainsi de deux manières dans le conventionnement des Cap Emploi.

Tout d'abord, il exerce un rôle d'orientation et d'impulsion de la politique en faveur des Cap Emploi, à travers la définition de leur offre nationale de service. Ainsi, un protocole national a été signé sur ce sujet en janvier 2007 avec l'AGEFIPH et les têtes de réseau Cap Emploi.

Ensuite, il cosigne chaque convention passée au niveau local avec les Cap Emploi. Il s'agit donc de conventions tripartites, car il était normal d'associer l'AGEFIPH, en tant que financeur.

Au quotidien, l'État a choisi en revanche de déléguer le suivi des conventions à l'AGEFIPH et à son réseau régional. À ce titre, l'association s'assure du respect de l'offre de service élaborée avec l'État, à travers une procédure d'audit dont les conclusions auront été rendues pour l'ensemble des structures d'ici à la fin de l'année 2007.

Enfin, L'AGEFIPH assure, pour le compte de l'État, la sélection du nouvel opérateur lorsque l'audit conclut à un nécessaire déconventionnement du Cap Emploi existant. Néanmoins, l'État continue de ratifier cette sélection à travers la signature de la convention.

Vous le voyez, madame la sénatrice, l'État reste largement mobilisé dans le pilotage du réseau Cap Emploi. Je veillerai d'ailleurs à ce qu'il en aille encore ainsi à l'avenir : des instructions seront données aux directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, afin notamment qu'elles participent activement aux comités de pilotage régionaux chargés d'instruire les décisions de conventionnement.

S'agissant du recours à l'appel d'offre, il ne me paraît pas contestable, tant qu'il demeure un moyen de sélectionner le nouvel opérateur en cas de défaillance du précédent et non une procédure systématique visant, tous les trois ans, l'ensemble du réseau. En effet, une telle démarche conduirait véritablement à déstabiliser le dispositif, en empêchant la constitution d'une authentique expertise professionnelle.

Je m'attarderai toutefois sur la question particulière de l'appel d'offre lancé par l'AGEFIPH en région parisienne, car tel est votre souci, madame la sénatrice.

L'Île-de-France se trouve dans une situation particulière : pour des raisons historiques, elle compte dix-sept Cap Emploi pour huit départements. Bien que la taille des bassins d'emploi puisse justifier un nombre de structures plus important qu'ailleurs, vous conviendrez, madame la sénatrice, qu'il est légitime de s'interroger sur une optimisation de l'implantation de ces dernières.

Un travail est engagé en ce sens depuis 2004, mais il n'a abouti à ce stade qu'à une seule fusion. Considérant cette unique fusion comme insuffisante, l'AGEFIPH, en accord avec ses autorités de tutelle, a décidé de prendre en main cette optimisation en définissant elle-même un schéma régional d'implantation et en lançant un appel d'offre afin de sélectionner les structures qui répondent aux orientations de ce schéma.

Si cette démarche est légitime, l'AGEFIPH est allée trop vite, me semble-t-il, en considérant d'emblée, de façon systématique et sans attendre les conclusions de l'audit qu'elle avait elle-même lancé, que le schéma optimal d'implantation est un seul Cap Emploi par département ; or, sélectionner de façon rigide une organisation unique sans attendre les conclusions de l'audit, c'est prendre le risque de supprimer des structures qui rendent de réels services.

Je crois donc prudent de nous donner du temps dans cette procédure, pour pouvoir prendre connaissance des résultats de l'audit et définir un schéma d'implantation des Cap Emploi partagé entre l'AGEFIPH, le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi, qui est chargé de la tutelle de l'agence, et les organismes de placement spécialisés concernés. Ces démarches accomplies, l'appel d'offre pourrait être réactivé, sur des bases plus saines.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de votre réponse très complète. Je proposerai à certains collègues de Paris et d'Île-de-France de réunir les Cap Emploi de la région pour leur indiquer le contenu de votre réponse. Je ne doute pas que cela suffira à apaiser les esprits.

avenir de l'établissement d'imprimerie de l'armée de terre

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, auteur de la question n° 9, adressée à M. le ministre de la défense.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, ma question avait été formulée à l'adresse du précédent gouvernement, si bien qu'elle a perdu beaucoup de son actualité. Pour autant, les problèmes restent les mêmes.

Je voulais donc attirer votre attention, monsieur le ministre, sur l'avenir de l'EIAT, l'établissement d'imprimerie de l'armée de terre situé à Château-Chinon.

Depuis la réduction très sensible des effectifs militaires consécutive à la suppression du service obligatoire, le travail d'impression a forcément diminué, même s'il reste important, et les mutations des personnels, maintenant civils, sont beaucoup plus difficiles à obtenir.

Dans une étude qui, il est vrai, date de quelques mois, sont évoquées diverses options assez peu favorables : attendre le départ à la retraite de la majorité du personnel et envisager une fermeture à moyen terme ; constater la carence d'encadrement et fermer plus rapidement l'établissement ; regrouper l'EIAT de Château-Chinon et l'Établissement de diffusion, d'impression et d'archives du commissariat de l'armée de terre de Saint-Étienne, ce regroupement n'étant évidemment pas prévu à Château-Chinon.

Il semble que le taux d'encadrement se soit amélioré et que l'activité de l'EIAT se soit consolidée : il devient donc possible d'assurer la sauvegarde de l'établissement. Une confirmation de votre part, monsieur le ministre, serait la bienvenue.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Morin, ministre de la défense. Monsieur le sénateur, effectivement, une étude sur l'ensemble de la fonction d'impression du ministère de la défense a été réalisée voilà quelques mois et a conduit à examiner, notamment, la situation de l'EIAT de Château-Chinon.

À la fin de l'année 2005, la fonction d'impression du ministère occupait 1 000 agents, dont 480 ouvriers d'État et 200 militaires, répartis en 41 points ou ateliers d'impression : 8 établissements au sein de l'armée de l'air, 4 au sein de la marine, 17 au sein de l'armée de terre, 3 au sein de la gendarmerie, 8 au sein du secrétariat général pour l'administration, 1 pour le service de santé.

Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, l'établissement de Château-Chinon. Créé en 1982, comme vous le savez, il emploie 79 personnels, dont 17 sont affectés à des tâches d'administration et 14 à des tâches de soutien.

Quelle est la situation actuelle ? Quelle réflexion mène le ministère de la défense sur cet établissement, comme d'ailleurs sur tous ses établissements et sur toutes les fonctions de soutien et d'administration qu'il assume ?

À son arrivée, le Gouvernement a lancé la révision générale des politiques publiques, qui consiste pour les ministères à examiner chacune de leurs fonctions et à se demander s'il n'est pas possible de faire aussi bien, voire mieux, pour moins cher. Il s'agit donc pour mon ministère d'éviter que chaque armée n'assume de son côté des fonctions qu'une coopération permettrait au contraire de mutualiser.

Dans le cadre de cette révision, qui durera jusqu'au mois de mars, nous étudions la situation des établissements d'impression. Pour l'instant, je ne peux donc vous faire d'autre réponse que celle que je fais, chaque fois que je me déplace au sein des forces, lorsqu'on me demande quel est l'avenir de telle base aérienne, de tel régiment, de tel établissement : je ne peux que vous donner rendez-vous au mois de mars prochain, à l'issue de l'ensemble de ces travaux, car c'est alors que nous déterminerons un nouveau format, un nouveau plan d'organisation des forces de soutien et d'administration générale dans le cadre duquel sera examinée la situation de l'établissement de Château-Chinon.

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, votre réponse, sans me surprendre, m'inquiète quelque peu. Je sais bien qu'il n'y a pas de crainte sans espoir - pas d'espoir sans crainte, non plus -, mais je redoute fortement que la mutualisation des différents services et la révision de l'organisation de tous ces ateliers d'impression - en effet, 41 points, cela me paraît beaucoup - ne soient guère favorables à des établissements modestes et relativement enclavés dans le rural profond.

Vous avez cité le nombre d'emplois à l'EIAT : c'est extrêmement important pour une petite ville comme Château-Chinon ! Je ne veux pas arracher des larmes ni m'apitoyer sur le sort des régions défavorisées, mais nous avons subi des traumatismes, des séismes industriels liés aux fermetures d'usines. Si l'EIAT devait disparaître, ce serait un coup supplémentaire porté à notre ville, et probablement très douloureux.

J'espère, monsieur le ministre, que vous aurez l'amabilité de bien vouloir considérer la situation qui résulterait d'une fermeture dans une zone déjà très fragilisée et défavorisée.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Morin, ministre. Monsieur le sénateur, je n'ai ni message positif ni message négatif à vous délivrer aujourd'hui !

Nous sommes en train d'examiner la situation dans sa globalité, ce qui va prendre encore plusieurs mois : ce n'est qu'à l'issue de ce travail que je pourrai venir vers vous. Aujourd'hui, je ne peux vous apporter ni message pessimiste ni message vous garantissant le maintien de cet établissement.

Une sorte de logiciel a été mis en place dans lequel il est prévu que les éléments liés à l'implantation de tel ou tel établissement par rapport aux forces, par rapport à la situation économique du secteur..., seront bien entendu pris en considération.

Application de l'article L. 3511-3 du code de santé publique sur les conditions de vente du tabac

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 11, adressée à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question porte sur les dispositions de l'article L. 3511-3 du code de la santé publique, aux termes duquel la « vente d'un produit du tabac à un prix de nature promotionnelle » est interdite, car « contraire aux objectifs de santé publique ».

On le sait, tout voyageur français quittant le territoire métropolitain pour se rendre dans un département d'outre-mer a la possibilité de se procurer, dans les boutiques hors taxe des aéroports, des produits du tabac à un prix défiant toute concurrence. De ce fait, je m'interroge sur les conditions réelles de l'application de cet article du code de la santé publique.

Monsieur le secrétaire d'État, prenons comme référence l'année 2004, au cours de laquelle 480 000 passagers sont arrivés à la Réunion. Si l'on considère comme avéré que la population française compte en moyenne 30 % de fumeurs, et même en prenant pour base la moitié de ce taux, ce sont 1,44 million de paquets de cigarettes qui sont acquis à un prix de nature promotionnelle dans les boutiques hors taxe des aéroports de métropole, et près de 3 millions de paquets si l'on tient compte du taux réel, puisque la moyenne d'achat est de deux étuis par acheteur. Encore ce chiffre est-il en dessous de la réalité, puisque mes calculs ne concernent pas les Antilles, mais uniquement la Réunion, et dans le seul sens Paris - Saint-Denis.

Dans ce contexte, et dans un souci de cohérence avec la politique de santé publique menée par le Gouvernement, il me semble opportun, lors de vols à destination et en provenance des DOM, d'interdire la vente de produits du tabac à des prix promotionnels dans les boutiques hors taxe des aéroports, comme c'est déjà le cas pour toute autre destination de la Communauté européenne.

En conséquence, monsieur le secrétaire d'État, je vous demande de bien vouloir me faire connaître votre position sur ce dossier.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. Madame le sénateur, je vous prierai tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence tant de Christine Lagarde que d'Éric Woerth, qui sont actuellement retenus à l'Assemblée nationale, l'un par la discussion d'une proposition de loi de simplification administrative, l'autre pour présenter en commission un certain nombre de missions.

Je vous dirai ensuite que vous avez raison lorsque vous rappelez les faits : les voyageurs en provenance ou à destination des départements d'outre-mer peuvent effectivement acheter en exonération de droits et taxes des produits du tabac, bien évidemment dans les limites de franchises quantitatives fixées par les directives communautaires.

Dans les échanges avec les pays de l'Union européenne, les DOM sont considérés comme pays tiers. Pour les cigarettes, par exemple, les franchises sont fixées à 200 unités - et non à 400 -, soit une cartouche. Au-delà, le voyageur à destination d'un DOM doit acquitter le droit de consommation sur les cigarettes, l'octroi de mer et la TVA, ce qui peut porter le paquet de cigarettes à un prix supérieur à celui qui est pratiqué en France et à la Réunion, où la fiscalité en vigueur est identique à celle qui s'applique en métropole. Tels sont les faits.

En revanche, madame, il ne convient pas de considérer avec vous qu'une telle vente se fait à un prix de nature promotionnelle contraire aux objectifs de santé publique, sauf à ouvrir une brèche dans la réglementation communautaire des échanges entre l'Union européenne et les pays tiers et à remettre globalement en cause le système des duty free.

C'est cette raison, et elle seule - car je suis comme vous sensible aux impératifs de santé publique -, qui fait que je ne puis, au nom du Gouvernement, apporter de réponse plus favorable à votre question : de toute évidence, et vous en conviendrez, remettre en cause le principe même des duty free ne peut pas être à l'ordre du jour.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le secrétaire d'État, je ne veux pas remettre en cause le système du duty free. Au demeurant, mon intervention ne concerne que le tabac et non les autres produits.

En ce qui concerne la vente du tabac, il existe déjà d'autres dérogations outre-mer, sur lesquelles j'ai attiré à plusieurs reprises l'attention de votre prédécesseur l'année dernière : les buralistes n'ont même pas besoin de licence et la vente du tabac est possible dans les commerces de proximité et dans les stations services ainsi que par le biais de distributeurs automatiques, ce qui est interdit en métropole.

J'espère que des mesures seront prises rapidement afin d'enrayer ces dérives commerciales qui conduisent à banaliser un produit toxique. Nous ne devons pas oublier qu'à la Réunion 500 décès par an sont dus au tabac, ce qui représente cinq fois le nombre de personnes tuées sur les routes. C'est tout de même beaucoup !

réforme de la taxe professionnelle et finances des collectivités locales

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 26, adressée à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question porte sur la réforme de la taxe professionnelle et ses conséquences sur les ressources des collectivités locales.

Les collectivités constatent que ce sont elles qui supportent l'essentiel de l'effort financier, même si le principe de la compensation est effectivement bien respecté. Les différents rapports et études publiés à l'occasion du vingt-cinquième anniversaire de la loi du 2 mars 1982 et de la mise en oeuvre progressive de « l'Acte II de la décentralisation » ont établi que les finances des collectivités locales étaient saines, mais de plus en plus contraintes par des facteurs exogènes qui progressent plus vite que la richesse nationale - 3,6 % en volume contre 2,2 % pour le PIB sur cette même période.

La taxe professionnelle représente 50 % de leurs ressources fiscales. Or l'article 85 de la loi de finances pour 2006 a porté réforme de la taxe professionnelle pour 2007.

Ainsi, pour les entreprises, le dégrèvement de la taxe professionnelle pour investissements nouveaux entrant dans le champ des amortissements dégressifs est pérennisé à hauteur de 100 % la première année, deux tiers la deuxième année et un tiers la troisième année.

Les entreprises bénéficient également d'un plafonnement de leur taxe professionnelle à hauteur de 3,5 % de leur valeur ajoutée, soit un allègement total de 2,7 milliards d'euros en 2007 et de 3,4 milliards d'euros en 2008.

Pour les collectivités territoriales et leurs groupements, la partie du plafonnement de taxe professionnelle imputable aux hausses des taux votées est mise à leur charge. Un mécanisme de réfaction peut s'appliquer en fonction de la situation de la collectivité.

Cet allègement de la fiscalité directe locale, qui profite certes au développement économique des entreprises et donc au développement économique de notre pays, est en partie compensé par l'État. Mais les différents rapports publiés soulignent l'obsolescence du système fiscal des collectivités locales et critiquent la part grandissante prise en charge par l'État au travers des compensations de dégrèvements et d'exonérations.

Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'État, dans quelles directions vous comptez mener la réflexion sur la future réforme de la fiscalité locale afin, notamment, d'assurer une relative neutralité fiscale pour chaque contribuable, mais aussi et surtout un volume de ressources stables et dynamiques pour chaque collectivité.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d'abord d'excuser Mme Lagarde, qui est toujours retenue en commission à l'Assemblée nationale.

M. le président. Elle n'est pas prisonnière quand même ! (Sourires.)

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Non, monsieur le président, mais les questions des députés sont au moins aussi insistantes que celles des sénateurs. Elles sont peut-être parfois un peu moins aiguës, mais j'exprime là une opinion !

Madame Procaccia, en posant votre question, vous entrez d'emblée dans le coeur de la réforme de nos prélèvements obligatoires. Comme cela a été annoncé hier, Mme Lagarde a été chargée par le Président de la République et le Premier ministre d'une mission en vue de parvenir à une réforme de ces prélèvements obligatoires.

Aux termes de la lettre de mission, il s'agit d'animer une revue générale des prélèvements obligatoires. Cet exercice devra déboucher au printemps 2008 sur des propositions concrètes. Il y aura d'abord le diagnostic, nous aurons donc une évaluation de tous les prélèvements, y compris, bien sûr, de la taxe professionnelle. À la suite de ce diagnostic seront constitués des groupes de travail qui préciseront les modalités et le calendrier des réformes éventuelles envisagées ; enfin, après une phase de concertation, la réforme sera mise en oeuvre. La question que vous posez doit s'intégrer dans cette revue générale des prélèvements obligatoires.

Sur le plan spécifique de la réforme de la taxe professionnelle, je me dois de faire un rapide rappel avant d'ouvrir quelques pistes devant vous.

La réforme de la taxe professionnelle a institué un plafonnement des cotisations effectivement acquittées par les entreprises à hauteur de 3,5 % de leur valeur ajoutée.

Corrélativement, on a institué un mécanisme de partage du financement du coût du plafonnement entre l'État, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, dotés d'une fiscalité propre.

Madame le sénateur, je rappelle que le coût de cette réforme est pour la plus grande partie pris en charge par l'État sur la base d'une cotisation déterminée en retenant un taux de référence actualisé, en l'occurrence le taux de l'année 2005 dans la limite du taux de l'année 2004 majoré d'un pourcentage variable, ou le taux de l'année d'imposition s'il est inférieur.

La charge supplémentaire du dégrèvement résultant, le cas échéant, d'une augmentation de taux décidée par les collectivités territoriales et les EPCI dotés d'une fiscalité propre par rapport au taux de référence est financée par ces collectivités ou les EPCI.

La participation ou non au financement du dégrèvement au titre du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée s'apprécie donc annuellement en fonction de la politique de taux de chaque collectivité ou chaque EPCI.

De plus, afin de tenir compte des situations particulières de certaines collectivités ou des EPCI, des mécanismes d'atténuation spécifiques s'appliquent sur le montant de cette participation.

Cette réforme, il ne faut pas l'oublier, était indispensable, au moins dans un premier temps par ce plafonnement, pour mettre fin aux situations de surimposition qui pesaient sur la compétitivité de nos entreprises et pour rendre à la taxe professionnelle son caractère d'impôt local.

À cet égard, un certain équilibre me semble aujourd'hui atteint quant aux charges et aux responsabilités pesant sur les collectivités, l'État et les contribuables.

J'en viens aux pistes de réforme de la fiscalité directe locale.

Comme vous l'avez rappelé, le système actuel est compliqué et il est en effet critiquable. Les réformes nécessaires doivent être menées en concertation avec les élus locaux, et ce dans deux directions : d'abord, moderniser les valeurs locatives ; ensuite, réfléchir à la mise en place de nouvelles relations avec les collectivités territoriales.

S'agissant de la modernisation des valeurs locatives, la révision prévue par la loi de 1990 n'a jamais été mise en oeuvre par crainte des transferts entre contribuables d'une même collectivité et entre collectivités. De fait, la fiscalité directe locale repose toujours sur des valeurs fixées en 1961 - il y a maintenant plus de quarante ans - pour les propriétés non bâties et en 1970 pour les propriétés bâties.

Cette situation n'est plus acceptable. Aussi, dans le cadre de la revue générale des prélèvements obligatoires à laquelle je faisais allusion, et en étroite concertation avec les associations des élus locaux, des propositions d'améliorations concrètes de notre système d'évaluation seront faites, notamment dans le sens d'un assouplissement des règles de mise à jour et d'un renforcement de la participation des élus locaux dans le processus de détermination de la valeur locative.

Il faut aussi, dans le même temps, réfléchir à la mise en place de nouvelles relations avec les collectivités territoriales. Comme vous le soulignez, nous devons redonner de la lisibilité au lien entre les collectivités territoriales et les contribuables. Pour ce faire, quatre principes guideront notre réflexion : premièrement, proscrire autant que faire se peut la superposition des autorités ayant un pouvoir de taux sur une même assiette ; deuxièmement, attribuer à chaque collectivité territoriale un niveau de diversification suffisant de ses ressources fiscales ; troisièmement, supprimer à terme toute interposition de l'État entre les collectivités et les contribuables ; quatrièmement, enfin, limiter les transferts entre collectivités.

Pour le Gouvernement, le chantier de la rénovation de la fiscalité locale est un chantier difficile, compliqué mais essentiel. Madame le sénateur, vous pouvez être assurée de la détermination du Gouvernement à aboutir en étroite collaboration, bien sûr, avec les élus locaux. C'est l'engagement qui a été pris par le Premier ministre le 4 octobre dernier, lors de la réunion d'installation de la Conférence nationale des exécutifs. Des décisions interviendront sans nul doute au printemps 2008...

M. Roland Courteau. Après les municipales !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.... après cette revue générale des prélèvements obligatoires à laquelle Mme la ministre a été priée de se livrer sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Je constate que ma question était à la fois prémonitoire, puisque Mme Lagarde a été nommée hier et que ma question a été déposée avant, et prématurée, puisque la réflexion n'est pas encore lancée.

Cela dit, les pistes de réflexion que vous avez annoncées dans votre réponse me paraissent aller dans le bon sens.

Le Sénat étant le représentant des collectivités locales, j'ai souhaité, à travers cette question, vous faire part de notre inquiétude, en tant qu'élus locaux, quant à l'avenir du financement de nos projets car, pour engager des projets, il faut être sûr des sources de financement. Or, pour l'instant, ces sources ne sont pas sûres.

Vous nous annoncez une réflexion qui va durer plusieurs mois, je conçois bien qu'elle ne puisse aboutir en quelques jours, et je pense que les élus apprécieront que vos services les associent aux réflexions qu'ils mèneront sur le plan tant local que national.

numéros de téléphone surtaxés

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 31, transmise à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

M. Roland Courteau. Monsieur le secrétaire d'État, depuis ces dernières années, la pratique des numéros de téléphone surtaxés, s'intensifie.

À l'origine, les numéros surtaxés ont été mis en place pour rémunérer les fournisseurs de service à faible valeur ajoutée. Or, aujourd'hui, cette pratique n'a pour ses initiateurs, dans la plupart des cas, qu'un intérêt financier, et ce au détriment des usagers.

Certaines entreprises, banques, assurances, cliniques ou encore Air France, ont recours à ces pratiques sans qu'il y ait, en retour, un véritable service ; ou alors, le service est loin d'être à la hauteur du tarif.

Mais il y a plus grave car cette pratique des numéros surtaxés s'est propagée jusque dans les organismes sociaux, les services publics, les administrations. Je citerai, par exemple, les caisses d'allocations familiales ou les caisses d'assurance maladie, la SNCF, Infos douane service, le Centre impôts service, Allo service public, SOS carte bleue/visa perdue ou volée - service qui dépend de la Banque de France, me semble-t-il. Les tarifs varient de 12 centimes la minute à 45 centimes et plus, ce qui est à comparer aux 2 ou 3 centimes la minute au tarif normal.

Une simple demande de document auprès d'un organisme a coûté 8 euros lors d'un appel vers un numéro surtaxé, dont la durée s'est élevée à 17 minutes. Multiplié par des milliers d'appels, ce serait presque le jackpot pour les opérateurs et les éditeurs. De fait, leurs revenus sont évalués sur une année à 2,5 milliards d'euros, et ce au détriment des usagers.

Et l'addition peut être plus salée encore car, pour les appels passés depuis un téléphone portable, à cette taxe s'en ajoute une autre qui varie, bien sûr, selon l'opérateur. C'est ce que l'on appelle la « double taxe ». Or il faut savoir que 30 % des appels sont effectués depuis des téléphones mobiles.

Monsieur le secrétaire d'État, ce sont bien souvent des personnes de condition modeste souhaitant joindre des organismes sociaux qui sont le plus touchées. De plus, en ce qui concerne les services publics, cela revient à faire payer l'impôt deux fois : au contribuable, d'abord, et à l'usager, ensuite.

Aux termes de l'article 55 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, « un décret en Conseil d'État détermine chaque année la liste des services sociaux mettant à disposition des usagers les numéros d'appels spéciaux accessibles gratuitement depuis les téléphones fixes et mobiles. »

Trois ans après le vote de cette loi, monsieur le secrétaire d'État, qu'attend-on pour publier ce décret ? Va-t-on enfin respecter la volonté du législateur ?

De plus, selon l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l'ARCEP, il n'existe aucun cadre juridique permettant aux administrations et aux services publics de faire participer l'usager au financement des structures d'accueil téléphoniques au-delà du seul coût d'une communication non surtaxée.

Autre remarque, plus générale encore : qu'il s'agisse du secteur public ou du secteur privé, force est de constater que, lorsqu'il y a numéro surtaxé, l'usager n'a pas connaissance du numéro géographique qui pourtant existe, mais qui n'est plus communiqué au public et pour cause, on devine les raisons !

Or le site internet Geonumbers.com avait pris l'initiative de proposer au public les numéros géographiques, donc non surtaxés. Ce site a dû fermer sous l'effet d'importantes pressions Il est aisé de deviner d'où elles provenaient.

Monsieur le secrétaire d'État, peut-on attendre du Gouvernement qu'il légalise les démarches comme celle de Geonumber.com, qui sont des démarches à visée sociale ?

Avec certains de mes collègues, j'aurai l'occasion de revenir bientôt sur cette question. Une pétition circule qui atteindra vraisemblablement les 100 000 signatures en novembre.

Monsieur le secrétaire d'État, quelles sont vos intentions sur ce problème important ? Allez-vous tenir compte de nos demandes et sous quels délais ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, la question que vous posez est tout à fait fondée ; elle est parfaitement d'actualité.

Le 25 septembre dernier s'est tenue à Bercy une table ronde réunissant les associations de consommateurs et les opérateurs de téléphone, coprésidée par Luc Chatel, le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme, et moi-même, car il y a en effet dans ce domaine matière à réflexion.

S'agissant de la question spécifique des numéros surtaxés, il convient de bien distinguer plusieurs volets.

Les numéros dits « surtaxés », commençant généralement par 08, permettent d'accéder à une grande variété de services à valeur ajoutée. La surtaxe prévue est généralement pleinement justifiée par la prestation rendue par le destinataire de l'appel.

M. Roland Courteau. Pas toujours !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. J'ai bien dit : « généralement » !

Il ne s'agit donc pas de remettre en cause - ce que vous n'avez d'ailleurs pas fait - l'existence des numéros surtaxés, qui constituent un moyen de règlement efficace pour des prestations épisodiques d'un montant limité.

En revanche, dans le cas des services publics ou s'agissant des propres services après-vente des opérateurs téléphoniques, la question peut effectivement se poser, monsieur le sénateur, dans des termes radicalement différents.

Pour ce qui concerne les services publics, la question a été récemment examinée dans le cadre d'un audit de modernisation sur l'accueil à distance dans les administrations.

S'agissant du coût pour l'usager, le rapport d'audit souligne la diversité des pratiques des administrations, certains appels pouvant être surtaxés, alors que d'autres sont facturés au prix d'une communication locale. Le rapport recommande la mise en oeuvre d'une politique d'abaissement général du coût des appels vers les administrations, qui pourrait notamment passer par le recours à des numéros en 09, moins coûteux que les numéros payants existants en 08.

Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, a décidé de suivre cette recommandation et a donné instruction pour que les appels des usagers aux services placés sous sa responsabilité soient tarifés au prix d'une communication locale. Cette mesure importante concerne les appels au centre d'appel « Impôt service », le CIS, et à Infos Douane Service, soit plus d'un million d'appels par an. En outre, Éric Woerth, qui est plus globalement chargé de la réforme de l'État, a demandé que soit réalisée une évaluation de l'impact de la généralisation de cette mesure à l'ensemble des ministères.

Enfin, monsieur le sénateur, vous posez la question du décret d'application de l'article 55 de la loi de 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. Le rapport d'audit dont j'ai parlé a, il est vrai, identifié une série de problèmes qui rendent difficile l'application littérale de cette disposition législative et expliquent le retard dont vous avez fait état.

D'abord, la gratuité totale de l'accès aux services est porteuse d'effets pervers, car elle est susceptible d'entraîner en grand nombre d'appels non pertinents, inutilement réitérés ou abusivement prolongés. De plus, le coût de la mise en place d'une telle mesure s'avère extrêmement important, de l'ordre de 80 millions d'euros pour les trois principaux organismes de protection sociale, la CNAM, la Caisse nationale de l'assurance maladie, la CNAV, la Caisse nationale d'assurance vieillesse, et la CNAF, la Caisse nationale des allocations familiales.

Les auteurs de ce rapport envisagent donc deux possibilités, soit une modification de l'article 55 de ladite loi, soit la publication d'un décret d'application ne concernant qu'un nombre très limité d'organismes, comme ceux qui répondent à un critère de « détresse sociale ».

La réflexion est en cours et le Gouvernement étudie actuellement ces propositions, sachant qu'il existe évidemment d'autres moyens d'assurer la gratuité ou le plafonnement du coût des appels pour certains publics. Ainsi, on pourrait envisager que certains usagers se voient reconnaître la possibilité d'appeler en PCV grâce à un code d'identification personnel ou que des lignes spécifiques moins coûteuses soient ouvertes pour certains publics.

Par ailleurs, comme je l'ai indiqué au début de mon propos, la question du service après-vente des opérateurs de communications électroniques a été abordée lors de la rencontre du 25 septembre dernier avec les consommateurs et les opérateurs. À cette occasion, Luc Chatel a indiqué l'intention du Gouvernement de légiférer sur ce point dans le cadre du projet de loi sur la concurrence et les droits du consommateur qui sera déposé très prochainement sur le bureau de l'Assemblée nationale. Je vous donne l'assurance, monsieur le sénateur, que des dispositions concerneront la tarification de certaines communications électroniques.

L'interdiction qui pourrait être faite aux opérateurs de communications électroniques de recourir à des numéros surtaxés pour leurs services après-vente fait partie des possibilités actuellement à l'étude. En effet, il n'est pas juste qu'un client ait à supporter des surcoûts pour faire valoir une réclamation lorsque le service qu'il a souscrit n'est pas rendu. Tel est d'ailleurs le sens d'une décision récente du tribunal de grande instance de Paris, selon laquelle le professionnel « ne saurait faire supporter à son client le coût des moyens mis en oeuvre pour satisfaire son obligation de résultat ; qu' [il] doit donc en conséquence supporter le coût des frais de communication avec la hotline ».

En outre, il faut souligner que la quasi-totalité des opérateurs de communications électroniques ont déjà mis en place la gratuité des temps d'attente, ou vont très prochainement le faire, pour ce qui concerne les appels à destination de la hotline émanant de leur propre réseau. Le Gouvernement entend confirmer cette mesure dans le projet de loi sur la concurrence et les droits du consommateur.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Monsieur le secrétaire d'État, nous serons particulièrement attentifs à l'évolution de la situation. J'ai pris acte de vos d'engagements, et nous aurons très prochainement l'occasion de revenir sur ce sujet.

nouvelle bonification indiciaire des agents chargés de la mise en oeuvre des règles d'hygiène et de sécurité (ACMO)

M. le président. La parole est à M. José Balarello, auteur de la question n° 18, adressée à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

M. José Balarello. Ma question concerne la rémunération des agents chargés de la mise en oeuvre des règles d'hygiène et de sécurité.

Le décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale prévoit que les collectivités locales, quelle que soit leur taille, sont tenues de nommer un ou plusieurs agents chargés de la mise en oeuvre des règles d'hygiène et de sécurité.

La mission des agents concernés, communément appelés ACMO, prévue à l'article 4-1 du décret du 10 juin 1985, « est d'assister et de conseiller l'autorité territoriale auprès de laquelle [ils sont placés] dans la mise en oeuvre des règles de sécurité et d'hygiène au travail visant à prévenir les dangers susceptibles de compromettre la sécurité ou la santé des agents, améliorer l'organisation et l'environnement du travail en adaptant les conditions au travail, faire progresser la connaissance des problèmes de sécurité et des techniques propres à les résoudre, veiller à l'observation des prescriptions législatives et réglementaires prises en ces matières ainsi qu'à la bonne tenue des registres de sécurité dans tous les services ».

Afin de leur permettre d'acquérir et d'actualiser leurs connaissances dans ce domaine de compétence, les ACMO reçoivent, en application de l'article 4-2 du décret et de l'arrêté du 3 mai 2002, une formation préalable à leur prise de fonction d'un minimum de trois jours et une formation continue.

Je rappelle, monsieur le secrétaire d'État, que ces textes et la circulaire du 9 octobre 2001 ont également transposé dans le droit français la directive CEE du 12 juin 1989 concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail. L'article 7 de cette directive, dans son premier alinéa, précise notamment que, dans chaque collectivité territoriale, une personne doit s'occuper de la prévention des risques et de la sécurité.

Compte tenu de son caractère réglementaire et obligatoire, cette mission dévolue aux ACMO revêt une importance particulière dans la mise en oeuvre des règles d'hygiène et de sécurité. Cependant, le décret n° 2006-779 du 3 juillet 2006 portant attribution de la nouvelle bonification indiciaire à certains personnels de la fonction publique territoriale ne prévoit pas le versement d'une nouvelle bonification indiciaire à ces agents, alors que ces derniers exercent, en plus de leurs fonctions, une mission impliquant une technicité particulière en matière d'hygiène et de sécurité, ainsi qu'une responsabilité évidente.

Compte tenu de ces éléments, ne vous semblerait-il pas équitable, monsieur le secrétaire d'État, que ce décret soit complété, afin d'allouer aux ACMO une nouvelle bonification indiciaire de vingt-cinq points majorés ?

Monsieur le secrétaire d'État, c'est en ma qualité de parlementaire et de président du centre de gestion de la fonction publique territoriale des Alpes-Maritimes que j'interviens aujourd'hui auprès de vous.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, les décrets du 3 juillet 2006 ont réformé le dispositif territorial de la nouvelle bonification indiciaire, dite NBI, institué par le décret n°91-711 du 24 juillet 1991 portant attribution de la nouvelle bonification indiciaire à certains personnels de la fonction publique territoriale, et ce dans un double objectif.

Il s'est agi, d'une part, de permettre le maintien de la NBI prévue pour certains fonctionnaires de l'État dont les compétences ont été transférées aux collectivités locales, en application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales et, d'autre part, de se conformer à la jurisprudence du Conseil d'État, qui a précisé à plusieurs reprises que l'attribution de cette nouvelle bonification indiciaire est fonction des missions exercées et non de l'appartenance à un grade ou à un cadre d'emplois.

Cette refonte a été élaborée à l'issue d'un travail de concertation avec le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, le CSFPT, notamment au sein de la formation spécialisée n° 3, qui traite des questions statutaires. Elle n'avait toutefois pas pour objet d'actualiser la liste des emplois susceptibles de bénéficier de la NBI.

C'est pourquoi le Gouvernement, conscient de la nécessité d'une telle actualisation rendue nécessaire par l'évolution des métiers depuis quinze ans au sein de la fonction publique territoriale, a confié à la même formation spécialisée la tâche d'évaluer le dispositif existant, notamment en vue de définir, le cas échéant, de nouveaux emplois pouvant bénéficier de la NBI.

Dans le cadre de ces travaux, qui devraient aboutir à l'élaboration d'un rapport avant la fin de l'année 2007, les représentants des personnels au sein de cette instance ont émis plusieurs propositions. Ils suggèrent notamment que les agents chargés de la mise en oeuvre des règles d'hygiène et de sécurité bénéficient d'une NBI, en raison de la technicité particulière de la fonction.

Compte tenu de l'impact financier des diverses propositions des représentants des personnels, il appartiendra au collège des employeurs territoriaux du CSFPT de se déterminer, afin que ces propositions figurent ou non dans le rapport qu'adoptera le Conseil en séance plénière.

Une concertation interministérielle sera ensuite engagée sur la base de ces propositions pour définir dans quelle mesure le dispositif existant devra être amendé. Le Gouvernement attend donc ce rapport avant de se prononcer.

M. le président. La parole est à M. José Balarello.

M. José Balarello. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de ces précisions.

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est reprise.

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éloge funèbre de Jacques Baudot, sénateur de Meurthe-et-Moselle

M. le président. C'est avec beaucoup d'émotion et de tristesse que nous avons appris la mort, le 21 juin dernier, de notre collègue Jacques Baudot, sénateur de Meurthe-et-Moselle. (M. le secrétaire d'État, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)

Après un long et douloureux combat contre un mal implacable, Jacques Baudot a rendu son dernier souffle avec le courage et la sérénité que nous lui connaissions.

Après la suspension de nos travaux, en février dernier, il eut à subir les derniers tourments de la maladie qui l'a terrassé.

Jacques Baudot vit le jour à Nancy en 1936. C'est dans cette cité, à laquelle il s'identifiera toute sa vie, qu'il fit ses études primaires, secondaires puis universitaires.

Docteur en chirurgie dentaire, diplômé de la faculté de médecine de Nancy, il complète sa formation par un doctorat de troisième cycle en sciences odontologiques. C'est dans la cité des ducs de Lorraine qu'il va exercer pendant plus de trente années son activité professionnelle.

Praticien habile et estimé, il avait une connaissance profonde de Nancy, de ses quartiers, mais surtout de ses habitants. Sa notoriété était grande, sans être en rien tapageuse. Elle s'est forgée au fil des années, années au cours desquelles, attentif à chacune et à chacun, Jacques Baudot prodigua avec délicatesse les soins de son art, tout en étant à l'écoute de ses patients, dont il avait ainsi acquis une connaissance intime.

« Le caractère, c'est la destinée ». Cet aphorisme, Jacques Baudot l'a plus que personne illustré. Affable, ouvert aux autres, soucieux de concorde, dévoué, maniant l'humour comme pour mieux savoir prendre du recul, le regard pénétrant, tous ces traits, qui caractérisaient Jacques Baudot, allaient enrichir sa réputation, et bien au-delà de son exercice professionnel.

Une telle personnalité ne pouvait passer inaperçue des édiles nancéens. C'est ainsi tout naturellement que notre ancien collègue Marcel Martin allait le pressentir pour accéder au conseil municipal de sa ville natale lors des élections de 1971. Jacques Baudot y fit aussitôt merveille. Il s'impliqua de plus en plus dans la vie de sa cité, tout en maintenant sa pratique professionnelle, qu'il jugeait consubstantielle à son équilibre.

En 1979, il fut élu pour la première fois conseiller général du canton de Nancy-sud. Il allait constamment être renouvelé dans ce mandat jusqu'en 2004, date à laquelle il renonça à se représenter.

De 1988 à 1998, Jacques Baudot allait présider l'assemblée départementale, y apportant toute la richesse de son tempérament, la force de ses engagements, mais veillant constamment à trouver des solutions consensuelles pour le plus grand bénéfice de son département. M'étant trouvé souvent avec lui dans diverses instances, notamment régionales, pour défendre les intérêts respectifs de nos deux départements, je peux en témoigner personnellement.

Il élargit son horizon électoral à la région de Lorraine quand, en 1986, il fut élu au conseil régional. Il en fut vice-président de 1988 à 1992. Il quitta à regret ce mandat pour faire, en 1992, son entrée au Sénat.

Fort de l'expérience acquise durant vingt-deux ans au conseil municipal, au conseil général, puis au conseil régional, Jacques Baudot nous fit bénéficier durant quinze ans d'une présence et d'un travail assidus. Dans l'exercice de son mandat national, il put notamment manifester son intérêt pour les questions touchant à la défense et plus particulièrement au monde combattant.

Membre de la commission des affaires économiques, puis de la commission des finances, il allait s'avérer un rapporteur spécial du budget des anciens combattants et des victimes de guerre particulièrement éclairé et actif. Officier de réserve, il s'est totalement impliqué dans ces questions qui lui tenaient à coeur.

Au cours de ses interventions brillantes et convaincantes dans cet hémicycle, il a inlassablement plaidé pour l'amélioration de la condition des anciens combattants de toutes les guerres. Il vit avec joie l'attribution de la Légion d'honneur aux derniers survivants de la Grande Guerre, l'amélioration des retraites, la « décristallisation » des pensions pour les vétérans des anciennes colonies. Jusqu'à son dernier souffle, il oeuvra pour que notre pays accorde une juste indemnisation aux incorporés de force, ceux que l'on appelle les « malgré-nous ».

En septembre 2006, en dépit d'un état de santé déclinant, il se rendit en Algérie pour visiter les nécropoles militaires françaises et faire un rapport remarqué et particulièrement émouvant sur l'état d'abandon de nombre d'entre elles. Avec Jacques Baudot, le monde combattant a perdu un avocat compétent, fidèle et zélé.

Mais Jacques Baudot n'était pas homme à s'en tenir à un seul pôle d'intérêt. Tout au long de son mandat sénatorial, il déposera nombre de propositions de loi qui témoignent par elles-mêmes de l'étendue de ses préoccupations, qu'il s'agisse du mode d'élection des sénateurs, des transports - dont le TGV-Est, en faveur duquel il s'est impliqué vigoureusement -, des questions concernant les collectivités locales, bien sûr, mais aussi du droit des personnes, notamment l'institution du mariage, à laquelle il vouait un attachement très fort, ou encore de la défense des enfants - il avait relancé avec Mme Anne-Aymone Giscard d'Estaing du groupement d'intérêt public gérant le service « Allo Enfance Maltraitée », aux destinées duquel il présida de 1994 à 1998.

Homme du centre, Jacques Baudot appartint au MRP, puis au Centre démocrate et à l'UDF. Il avait rejoint l'UMP lors de sa création. Mais, en 2005, durant la campagne sur le traité constitutionnel, il s'était farouchement opposé à son adoption, rejoignant le mouvement Debout la République !, dont il devint l'un des animateurs au côté de Nicolas Dupont-Aignan. Cet homme aux convictions européennes profondément ancrées assumait sans faillir ce qui pouvait passer, aux yeux de certains, pour paradoxal. Ni l'estime de ses pairs ni celle de ses compatriotes n'en furent pour autant affectées.

La foule émue et recueillie, rassemblée dans l'église Saint Joseph, au coeur de ce beau quartier de Nancy qu'il chérissait tant, a montré, s'il en était besoin, la force et l'intensité des liens qui l'unissaient au peuple de Lorraine.

L'homme qui avait été à l'origine de tant de fêtes et de manifestations joyeuses, en sa qualité de président du comité des fêtes de la ville et du comité de la foire et des salons internationaux de Nancy, rassemblait pour la première fois autour de lui un cortège triste et douloureux.

Ses concitoyens honoraient la mémoire d'un homme généreux, soucieux du bien commun et attentif aux détresses humaines, qui savait aussi être un meneur d'hommes et -sur bien des questions - un visionnaire. J'eus l'honneur d'exprimer devant sa dépouille mortelle l'émotion du Sénat de la République, et, plus particulièrement, celle de son président, mais aussi celle de l'ami, du voisin.

Il franchissait parfois les frontières de la Meurthe-et-Moselle pour venir dans les Vosges pratiquer la pêche ou se promener en forêt. Peut-être y trouvait-il des lieux propices à la réflexion, dans un cadre pastoral préservé. Sans doute y puisait-il des instants de détente, voire de plénitude. Car cet homme de la ville était aussi un amoureux de la nature et des animaux, aimant à se ressourcer au bord d'un cours d'eau ou d'un chemin forestier.

Ainsi fut Jacques Baudot.

À ses collègues du groupe UMP, j'exprime ma très vive sympathie. Aux membres de la commission des finances, qui perdent en lui un rapporteur spécial distingué, j'adresse mes plus sincères condoléances. À sa famille, à son épouse, à son fils et ses deux filles, à ses proches frappés par la douleur d'une séparation prématurée, j'exprime la compassion du Sénat tout entier. Qu'ils soient assurés que le Palais du Luxembourg gardera longtemps la mémoire de Jacques Baudot.

Je vous invite maintenant, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, d'observer une minute de silence, en mémoire de notre collègue. (M. le secrétaire d'État, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement tient naturellement à s'associer à l'hommage que le Sénat rend aujourd'hui à Jacques Baudot, sénateur de Meurthe-et-Moselle.

En frappant Jacques Baudot, la mort a emporté un homme dont la carrière particulièrement riche dit mieux qu'aucun discours l'esprit de service qui l'animait.

Dentiste de profession, Jacques Baudot s'était très vite engagé en politique, devenant à trente-quatre ans conseiller municipal de Nancy. Doté d'une énergie indomptable, il continuera à exercer sa profession parallèlement à ses activités politiques, alors même qu'il devient conseiller général de Nancy-Sud, vice-président du conseil régional, puis, à partir de 1988, président du conseil général de Meurthe-et-Moselle.

Ce n'est qu'en 1992, quand il est élu sénateur de Meurthe-et-Moselle, que Jacques Baudot se consacre à plein-temps à ses mandats, sans d'ailleurs qu'à aucun moment la poursuite de son activité professionnelle ait pu donner l'impression qu'il négligeait ses devoirs d'élu.

Dès le début de sa carrière en politique, il fera preuve d'un engagement inlassable au service de ses concitoyens. Il ne savait pas se ménager quand il s'agissait de se battre pour sa chère ville de Nancy et le département de Meurthe-et-Moselle, qu'il aimait tant. En plus de trente années de vie publique, il avait acquis une connaissance intime de cette terre, connaissance qui venait s'ajouter à la profonde affection qu'il lui portait naturellement en tant qu'enfant du pays. De nombreux témoignages ont prouvé et prouvent encore que cette affection d'un élu pour ses concitoyens était réciproque.

Ceux qui, comme moi et beaucoup d'autres ici, ont bien connu le sénateur Jacques Baudot se souviennent d'un homme toujours élégant et plein d'humour, au regard franc et chaleureux. Chacun savait en l'entendant qu'il parlait avec son coeur, directement, préférant toujours la vérité, quelle qu'elle soit, aux calculs.

Tout élu, sans doute, a l'ambition et la vocation d'améliorer le monde dans lequel il vit. Plus qu'aucun autre, le sénateur Jacques Baudot aura été un humaniste engagé dans cette lutte au service des autres. Vous l'avez dit, monsieur le président, c'est dans cet esprit qu'il avait relancé et développé le service Allo Enfance Maltraitée, dont il assura la présidence de 1994 à 1998 ; c'est dans cet esprit qu'il a lutté pour la protection du monde rural ; c'est dans cet esprit aussi qu'il a plaidé pour que l'on remédie à l'état de déréliction des cimetières français d'Algérie.

Conservant toujours une attention toute particulière pour sa région, Jacques Baudot ne manquera jamais une occasion de soutenir la Lorraine et d'en développer les activités. En élu local conscient que le dynamisme économique d'un territoire est la clé de bien des problèmes, il s'employa avec talent à promouvoir la foire de Nancy, et la transforma en une manifestation commerciale de tout premier plan.

Jacques Baudot était aussi un homme de conviction qui n'hésitait pas à s'opposer lorsque les valeurs en lesquelles il croyait paraissaient menacées. Combien de souvenirs de réunions de groupe me reviennent en mémoire ! Sans dogmatisme, mais avec fermeté, il savait alors entrer dans un dialogue franc et débattre avec ses adversaires.

Avec sa disparition, le Sénat perd l'une de ses plus remarquables figures et l'État, l'un de ses plus dignes serviteurs.

À sa famille, à Huguette, son épouse, à ses enfants, Anne, Marie-Christine et Patrick, à ses collègues de la commission des finances, à ses collègues du groupe UMP, et à l'ensemble de ses amis du Sénat, j'exprime, au nom du Gouvernement, nos condoléances très sincères.

M. le président. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de vous associer, au nom du Gouvernement, à notre peine.

Mes chers collègues, conformément à notre tradition, en signe de deuil, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

9

Demande de discussion immédiate d'une proposition de résolution

M. le président. En application de l'article 30 du règlement, M. Jean-Pierre Bel et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat demandent la discussion immédiate de la proposition de résolution de M. Jean-Pierre Bel et des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à la création d'une commission d'enquête sur le rôle de l'État vis-à-vis du groupe EADS en 2006.

Conformément au souhait de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, je note que le groupe communiste républicain et citoyen a déposé une proposition de résolution allant dans le même sens.

La demande de M. Jean-Pierre Bel et de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat est signée par au moins trente sénateurs.

Conformément au quatrième alinéa de l'article 30 du règlement, il va être procédé à l'appel nominal des signataires.

Huissiers veuillez procéder à l'appel nominal.

(L'appel nominal a lieu.)

M. le président. Ont signé cette demande et répondu à l'appel de leur nom : MM. Jean-Pierre Bel, Bernard Frimat, Mme Catherine Tasca, M. Gérard Miquel, Mmes Michèle André, Christiane Demontès, MM. Jean-François Picheral, Mme Bariza Khiari, M. André Lejeune, Mmes Yolande Boyer, Gisèle Printz, MM. Jean-Marc Todeschini, Bernard Angels, Roland Courteau, Daniel Raoul, Marc Massion, Mmes Raymonde Le Texier, Claire-Lise Campion, MM. André Vantomme, Bernard Dussaut, Jean-Pierre Godefroy, Daniel Reiner, Mme Annie Jarraud-Vergnolle, MM. Jean-Marc Pastor, Michel Moreigne, Mme Nicole Bricq, MM. Bernard Piras, Richard Yung, Jacques Siffre, François Marc, Robert Tropeano, Mme Odette Herviaux, MM. Jean Desessard, Serge Lagauche, Roland Ries, Bernard Cazeau, Serge Larcher, Marcel Rainaud, Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Josette Durrieu, Nicole Borvo, M. Guy Fischer, Mme Eliane Assassi, Mme Marie-France Beaufils, M. Robert Bret, Mmes Annie David, Michelle Demessine, Evelyne Didier, M. Thierry Foucaud, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Gérard Le Cam, Jack Ralite, Ivan Renar, Bernard Vera et François Voguet.

La présence d'au moins trente signataires ayant été constatée, il va être procédé à l'affichage de la demande de discussion immédiate sur laquelle le Sénat sera appelé à statuer, conformément à l'article 30 du règlement, au cours de la présente séance, après l'expiration du délai minimum d'une heure et après la fin de l'examen du dernier texte inscrit par priorité à l'ordre du jour.

10

Dépôt d'un rapport du Gouvernement

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article 41 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, le rapport sur le bilan de cette loi et des mesures en faveur du littoral.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des affaires économiques et sera disponible au bureau de la distribution.

11

Candidatures à des organismes extraparlementaires

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre lui a demandé de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de plusieurs organismes extraparlementaires.

La commission des affaires économiques a fait connaître qu'elle propose la candidature de :

- MM. François Gerbaud et Daniel Reiner, pour siéger respectivement comme membre titulaire et comme membre suppléant au sein du Conseil supérieur de l'aviation marchande ;

- M. Jacques Blanc, pour siéger au sein du Conseil d'administration de l'établissement public des parcs nationaux de France ;

- MM. Bruno Retailleau et Pierre Hérisson, pour siéger au sein de la Commission du dividende numérique.

Par ailleurs, la commission des affaires culturelles a fait connaître qu'elle propose la candidature de MM. Louis de Broissia et David Assouline pour siéger au sein de la Commission du dividende numérique.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition, à l'expiration du délai d'une heure.

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Application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens

Discussion d'un projet de loi

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens [nos 474 (2006-2007), 4, 12 et 5].

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a décidé de soumettre à votre approbation le projet de loi autorisant la ratification de l'accord de Londres, relatif à l'application de l'article 65 de la Convention sur la délivrance de brevets européens.

Voilà plusieurs années que cet accord suscite des débats, souvent passionnés. Malgré les rapports de MM. Vianès et Grignon en 2001, nous en avons repoussé la ratification. Du fait de ces atermoiements, la mise en oeuvre de la stratégie de Lisbonne est restée incomplète. J'accorde d'autant plus d'importance à la relance de cette stratégie, qui sera rénovée par la présidence portugaise de l'Union européenne, qu'il appartiendra à la présidence française de la mettre en oeuvre à partir du 1er juillet prochain.

Le Gouvernement a écouté les arguments des uns et des autres, à la lumière notamment du rapport qui a été établi en 2006 par votre délégation à l'Union européenne. Il en a conclu que le bilan était largement en faveur du protocole de Londres.

Il appartient désormais à la Haute Assemblée de se prononcer.

Revenons brièvement sur les principaux enjeux de ce protocole.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez, de façon légitime, soulevé la question de son incidence sur l'usage de la langue française. À cet égard, je veux apaiser vos craintes.

Tout d'abord, comme vous le savez, l'accord de Londres porte mal son nom, car il a été négocié à Paris, en 1999.

Ensuite, cet accord représente une chance pour nous aujourd'hui : celle de conforter la langue française comme l'une des trois langues du progrès technologique et de l'innovation en Europe. C'est la meilleure parade au « tout-anglais » que recommandaient certains États, qui ont finalement accepté le régime équilibré qu'il propose.

En effet, le protocole de Londres simplifie le régime linguistique des dépôts de brevet en Europe. En privilégiant trois langues -  l'allemand, l'anglais et le français -, il sécurise la possibilité pour toute entreprise de déposer ses brevets dans ces trois langues.

Aujourd'hui, 90 % des entreprises françaises déposent leurs brevets à l'Institut national de la propriété industrielle, donc en français, ce qui leur permet de bénéficier de coûts réduits - notamment pour les PME -, d'une facturation avantageuse du rapport d'antériorité et d'une délivrance plus rapide des brevets.

Désormais, ces entreprises pourront déposer leurs brevets auprès de cet institut dans des conditions facilitées. Les revendications des brevets seront toujours traduites en français. C'est là une garantie essentielle, car les revendications constituent le coeur du brevet : c'est d'elles qu'il tire sa véritable force juridique du brevet ; ce sont elles qui définissent, comme leur nom l'indique, la portée de la protection de l'invention devant le juge et à l'égard des tiers.

Le protocole de Londres allège également les obligations de traduction puisqu'il dispense les déposants, c'est-à-dire nos chercheurs et nos entreprises, de traduire la partie technique du brevet, dénommée description, dans toutes les langues officielles, soit vingt-deux langues pour trente-deux États parties à la convention européenne sur les brevets.

Ainsi, demain, un brevet déposé en français sera valable, sur les territoires de langues anglaise et allemande, sans traduction en anglais des descriptions. Le français deviendra donc une langue de l'innovation à part entière.

M. Francis Grignon, rapporteur pour avis de votre commission des affaires économiques, estime qu'il en résultera une économie de 300 millions d'euros pour les entreprises européennes.

Qu'il n'y ait pas de malentendu : le protocole n'autorise en rien les déposants à choisir parmi ces trois langues pour les revendications. Le risque de voir les brevets européens libellés uniquement en anglais disparaît. L'accord ne sert pas à dresser un paravent pudique devant le monopole de l'anglais, mais il rend obligatoire l'utilisation des deux autres langues.

Le choix entre les trois langues ne sera possible que pour les parties techniques du brevet, c'est-à-dire essentiellement les schémas et les légendes. Cela n'emporte aucune conséquence sur l'avenir de la langue française puisque ces parties sont peu rédigées et n'ont pas de réelle portée juridique. M. Hubert Haenel, rapporteur de la commission des affaires étrangères, et M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, l'ont remarquablement démontré dans leur rapport.

Ce sont les revendications, toujours disponibles en français, qui feront apparaître tous les nouveaux termes qui seront utilisés dans les domaines scientifique, juridique ou technologique.

Ainsi, le français sera présent dans toutes les banques de données recensant les nouveaux procédés et les nouvelles découvertes. D'ailleurs, les entreprises ne s'y trompent pas : seulement 1,7 % des descriptions disponibles en français sont aujourd'hui consultées.

Ces descriptions sont surtout utiles en cas de litige. Mais on ne compte en moyenne qu'un litige pour 2 000 brevets opposables en France. Lorsqu'un litige se produit, le protocole de Londres impose une traduction intégrale du brevet aux frais de son détenteur, et non aux frais de celui ou de celle qui est accusé de contrefaçon, c'est-à-dire le plus souvent une petite entreprise.

Le Conseil constitutionnel, gardien de nos principes républicains fondamentaux, a rendu en septembre 2006 une décision concluant à la compatibilité de l'accord de Londres avec l'article 2 de la Constitution, qui dispose que la langue de la République est le français.

Il faut permettre à nos entreprises et à nos grands instituts de recherche de réaliser des économies pour stimuler l'innovation et l'emploi en France. Comme l'a souligné M. Grignon, seule une PME sur quatre dépose des brevets en France. Le brevet européen coûte quatre à cinq fois plus cher qu'aux États-Unis et trois fois plus cher qu'au Japon. Or le dépôt d'un brevet par une PME se traduit dans les cinq ans par un doublement du nombre des emplois.

C'est la raison pour laquelle nous devons agir. C'est la raison pour laquelle l'Académie des sciences, l'Académie des technologies, les associations d'inventeurs, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises et le Mouvement des entreprises de France demandent depuis sept ans la ratification de l'accord de Londres pour qu'il soit répondu aux attentes de leurs adhérents.

Je trouve singulier que les opposants au protocole de Londres représentent des professions et des groupes qui ne déposent pas de brevet, qui ne pratiquent pas la propriété intellectuelle et qui ne font pas de différence entre ce qui est fondamental pour notre langue - les revendications - et ce qui est accessoire - les descriptions.

Je suis intimement persuadé que le refus de ratifier le protocole de Londres ne servirait pas le français. Nous maintiendrions un verrou illusoire puisque les descriptions en français ne sont que très peu consultées. Sa ratification, a contrario, n'entraînerait pas davantage un risque de contrefaçon de bonne foi puisque celle-ci ne peut être démontrée que sur la base des revendications, toujours disponibles en français. Le statu quo ne présente donc aucun avantage concret. De surcroît, il entraîne des surcoûts.

La non-ratification de l'accord aurait en revanche un coût politique très important puisqu'elle aurait pour conséquence de bloquer son entrée en vigueur, alors même que nous l'avons négocié à notre avantage en évitant le « tout-anglais » que préconisaient certains pays, y compris ceux qui nous sont le plus proches géographiquement et linguistiquement.

Notre refus conduirait de fait les treize pays qui ont engagé ou achevé la procédure de ratification à négocier entre eux un régime anglais.

Sept ans après l'avoir signé, nos amis allemands ont dressé un bilan du protocole de Londres. Ainsi, le nombre de brevets déposés en allemand auprès de l'OEB, l'Office européen des brevets est trois à quatre fois supérieur à celui des brevets déposés en français. En dépit de l'intérêt majeur qu'ils ont dans ces domaines, les Allemands n'ont pas hésité à ratifier le protocole, bien qu'ils soient aussi attachés à l'utilisation de la langue allemande que nous le sommes à celle de la langue française.

Une attitude de repli ne nous serait pas favorable. Pis, notre renonciation aurait pour conséquence irrémédiable de nous conduire au « tout-anglais ». Nous obtiendrions l'effet inverse de celui que nous recherchons.

Au contraire, la ratification du protocole de Londres serait un puissant levier de stimulation de l'innovation.

Certains font valoir qu'il n'est pas encore ratifié par tous les États membres. Mais il faut voir plus loin, il faut avoir confiance en nous, en notre capacité d'entraînement et d'influence sur nos partenaires, dans ce domaine comme dans d'autres.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les enjeux européens de cette ratification sont également importants.

M. Hubert Haenel, rapporteur de la commission des affaires étrangères. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. Le rapport qu'a rendu de M. Haenel, très complet sur ce sujet, les met clairement en évidence.

Depuis près de trente ans, les États membres de l'Union européenne cherchent à améliorer le système des brevets pour favoriser le développement de la recherche européenne, qui souffre d'un retard par rapport à la recherche américaine.

Depuis 2000, nous nous efforçons, dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, de définir une politique coordonnée des brevets au niveau européen. Les discussions sont gelées depuis 2004. L'annonce de la ratification du protocole de Londres par la France coïncide précisément avec la relance des discussions à l'échelon communautaire, sous présidence portugaise, de ces dispositifs.

Si les discussions continuent de progresser, nous disposerons bientôt d'une juridiction communautaire...

M. Hubert Haenel, rapporteur. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. ...alliant efficacité - avec une harmonisation de la jurisprudence - et proximité - avec une juridiction par État membre chargée de traiter les litiges portant sur les brevets européens et communautaires.

Une fois cette juridiction établie, nous aurons besoin d'un vrai brevet communautaire, à savoir un brevet qui sera toujours délivré par l'Office européen des brevets, comme c'est le cas actuellement, mais qui, une fois délivré, aura les mêmes effets juridiques dans tous les pays européens.

Aujourd'hui, un même brevet peut être maintenu en vigueur dans un pays et invalidé dans un autre. Le régime communautaire du brevet européen mettra fin à l'insécurité juridique que connaissent toutes les entreprises, quelle que soit leur dimension.

Il est vrai que, aujourd'hui, chaque État demeure libre de ratifier ou non le protocole de Londres et que la question linguistique risque de ressurgir. Mais il nous faut nous projeter dans l'avenir, et l'avenir, c'est un nouveau traité qui devrait être signé d'ici à la fin de l'année.

Lorsque le brevet communautaire sera mis en oeuvre, on peut espérer que le nouveau traité, avec le passage à la majorité qualifiée, encouragera les uns et les autres à « communautariser » l'accord de Londres et à l'intégrer dans le brevet communautaire.

M. Hubert Haenel, rapporteur. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. Une fois de plus, nous sommes placés devant le choix suivant : ou nous préservons des faux-semblants ou nous conduisons une politique offensive en faveur, notamment, de nos PME.

Quel est notre véritable objectif ? Il est de faciliter le dépôt des brevets par les entreprises, quelle que soit leur taille, et non de faciliter les traductions pour que nos PME imitent des procédés inventés par d'autres.

Nous souhaitons que nos entreprises innovent et que leurs inventions soient connues à l'étranger. Plus largement, la France doit devenir, à l'instar d'autres pays, une terre de dépôt de brevets.

Pour qu'il en soit ainsi, la ratification de ce protocole et la réduction du coût des brevets qu'elle entraîne sont indispensables.

Mesdames, messieurs les sénateurs, grâce au protocole de Londres, la France peut être à l'avant-garde de l'innovation, et ce avant qu'elle assure la présidence de l'Union européenne. Avec la ratification de ce protocole, nous adressons un message fort à nos partenaires européens.

Une langue est vivante lorsque le pays qui la pratique fait preuve de son dynamisme. C'est en ayant des entreprises fortes sur le plan international, d'un point de vue tant scientifique que technologique, que nous défendrons au mieux le français.

Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les raisons pour lesquelles nous vous appelons à approuver ce projet de loi de ratification, important non seulement pour notre influence économique, mais également pour notre rayonnement scientifique et culturel. ((Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme le disait à l'instant Jean-Pierre Jouyet, voilà maintenant sept ans que nous débattons de l'accord de Londres.

Chacun a pu faire valoir ses arguments, y compris à l'extérieur du Parlement. L'heure est venue pour le Gouvernement de soumettre à votre approbation le projet de loi autorisant la ratification de cet accord.

Je souhaite tout d'abord rendre hommage au travail de grande qualité réalisé par le président Haenel en tant que rapporteur de la commission des affaires étrangères.

Je souhaite également saluer le travail des commissions saisies pour avis, celui du rapporteur de la commission des affaires culturelles, Jean-Léonce Dupont, et celui du rapporteur de la commission des affaires économiques, Francis Grignon.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l'accord de Londres est relatif au régime de traduction des brevets européens. Il conforte le statut des trois langues officielles de l'Office européen des brevets, dont le français. Il sécurise la possibilité, pour les entreprises, de déposer leurs brevets dans ces mêmes trois langues officielles. Surtout, cet accord allège les obligations de traduction des déposants, des entreprises et des chercheurs en leur permettant de ne pas traduire la partie technique du brevet dans la langue des trente-deux États parties à la convention sur le brevet européen.

Jean-Pierre Jouyet a développé devant vous les raisons qui justifient la ratification de l'accord de Londres. Je souhaiterais, pour ma part, vous montrer comment cette ratification participe de l'ambition globale du Gouvernement en faveur de l'innovation.

L'innovation est aujourd'hui la différence qui assure la compétitivité d'une économie, qui lui permet de conquérir de nouveaux marchés à travers la création de nouveaux produits, de nouveaux services, de nouveaux processus, bref, d'une nouvelle offre.

C'est bien le progrès technologique, en effet, qui est devenu le moteur de la croissance économique, des gains de productivité et de l'élévation des niveaux de vie à long terme.

Je suis convaincu que l'innovation est un impératif pour notre économie : un pays qui n'innove pas verra indiscutablement, dans les années à venir, sa croissance se ralentir.

Or la protection de la propriété intellectuelle constitue désormais le fondement économique et juridique de l'innovation.

Elle en constitue le fondement économique, car elle est le levier du développement des entreprises et de la création des emplois. Elle favorise les partenariats technologiques et représente la plus grande partie des actifs immatériels des entreprises.

Elle en constitue également le fondement juridique, car la propriété industrielle protège et valorise les avantages compétitifs des entreprises innovantes.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a présenté par ma voix devant la Haute Assemblée, le 19 septembre dernier, et devant l'Assemblée nationale, la semaine dernière, un projet de loi de lutte contre la contrefaçon, dont l'objet est de permettre aux entreprises de défendre leurs titres de propriété industrielle avec la meilleure sécurité juridique possible.

Je me félicite que ce texte ait pu, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, être adopté avec un large consensus. Les débats que nous avons eus à cette occasion ont bien montré que lutter contre la contrefaçon n'est rien d'autre que de favoriser l'effort de recherche et d'innovation de notre pays.

Il existe un lien très fort, lorsqu'il s'agit de défendre la propriété intellectuelle, entre la lutte contre la contrefaçon, qui en est la négation, et le soutien au dépôt de brevets, qui sont, eux, la concrétisation de ces droits de propriété intellectuelle, caractéristiques des économies compétitives d'aujourd'hui. À l'évidence, ce soutien passe par la diminution du coût des brevets.

Je voudrais vous montrer, à l'aide d'un exemple, combien les économies des différents pays peuvent être touchées lorsqu'ils ne défendent pas suffisamment les droits de propriété intellectuelle.

La Chine, aujourd'hui à la cinquième place en matière de dépenses de recherche et développement, est un pays qui innove peu, tout simplement parce que la défense des droits de propriété intellectuelle y est mal assurée.

Il existe donc une relation entre défense des droits de propriété intellectuelle, et donc dépôt de brevets, et lutte contre la contrefaçon. En présentant ce projet, avec mes collègues du Gouvernement, j'ai le sentiment de participer à cette nécessaire lutte pour faire de l'innovation un véritable combat, afin de faire gagner notre pays dans la compétition économique mondiale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez voté en première lecture le projet de loi de lutte contre la contrefaçon pour développer un environnement juridique favorable à l'innovation et à la recherche. Je vous engage donc, pour les mêmes raisons, à ratifier le protocole de Londres, qui renforcera la situation de la France et de l'Europe dans le domaine stratégique des brevets, et qui augmentera la compétitivité de nos entreprises en favorisant l'accès au brevet européen à moindres frais.

Le coût du brevet européen est en effet un réel obstacle, qui réduit le nombre des dépôts de brevets par les entreprises et les centres de recherche. Ce coût constitue, en définitive, un frein à la création d'emplois fondée sur l'innovation.

L'accord de Londres apporte une réponse à ce problème en permettant de diminuer les frais de traduction du brevet européen de 25 % à 30 % selon les États désignés. Ce faisant, il facilite la commercialisation des produits et services sur l'ensemble du marché européen. Et c'est d'abord pour les entreprises françaises et européennes que le marché européen est important ; c'est pour nos entreprises que la protection des inventions sur le marché européen est essentielle et que le coût du dépôt peut s'avérer dissuasif.

Il ne faut donc pas, au seul motif que l'on craindrait un effet d'aubaine théorique pour les multinationales japonaises et américaines, rejeter un accord favorable avant tout à nos PME, à nos inventeurs et à nos chercheurs.

J'en suis convaincu, la diminution des coûts du brevet européen entraînera un accroissement de la capacité des entreprises en termes de dépenses d'innovation. Les entreprises pourront affecter les économies de traduction à leur programme de recherche et développement. Les PME, notamment, pourront développer une stratégie offensive de commercialisation sur le marché européen, ce qui leur permettra de mieux amortir les investissements nécessaires et de compenser les risques.

L'accord de Londres permet d'ailleurs aux entreprises françaises d'exercer pleinement leur activité de veille. En effet, j'attire votre attention sur ce point, les traductions intégrales des brevets délivrés ne sont aujourd'hui disponibles qu'à l'issue d'une période de cinq à sept ans, soit à une date de toute façon trop tardive pour permettre une veille technologique efficace.

En revanche, les entreprises pourront continuer à tirer profit de la connaissance des abrégés de brevets publiés par L'Institut national de la propriété industrielle, l'INPI, c'est-à-dire des résumés du texte complet du brevet, disponibles en français au plus tard vingt et un mois après le dépôt de la demande de brevet européen. Ces abrégés permettent aux entreprises d'appréhender les principales caractéristiques d'une invention couverte par un brevet. Les PME françaises ne seront donc pas en situation de désavantage par rapport à leurs concurrents étrangers.

De la même manière, l'accord de Londres garantit le maintien de leurs pratiques de dépôt pour les entreprises françaises. Aujourd'hui, 90 % d'entre elles déposent des brevets en français auprès de l'INPI, et 50 % de ces brevets font l'objet d'une demande de protection européenne. Avec l'accord de Londres, les entreprises pourront continuer à bénéficier de coûts réduits pour déposer leurs brevets en français auprès de l'INPI et les faire valoir dans d'autres États européens.

Mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de cette intervention, je souhaite vous indiquer combien cette ratification me semble cohérente avec les mesures que nous avons déjà engagées, dans le projet de loi de finances et dans le projet de loi de lutte contre la contrefaçon, en matière d'innovation et de propriété intellectuelle.

Comme vous le savez, nous avons entamé une réforme ambitieuse du crédit d'impôt recherche, ainsi qu'un allégement de la fiscalité relative à la propriété intellectuelle. Nous allons également réduire les redevances de dépôt de brevet pour les PME.

Vous le voyez, le Gouvernement souhaite mettre en place un ensemble cohérent de mesures en matière d'innovation et de propriété intellectuelle, en concentrant ses efforts sur les entreprises petites et moyennes. Il serait illogique de notre part d'alléger la redevance, ce qui inciterait les entreprises à déposer un brevet, tout en maintenant des charges financières dissuasives lors de sa délivrance.

En conclusion, c'est avec une profonde conviction que je vous engage à autoriser la ratification de l'accord de Londres, dans l'intérêt de nos entreprises, petites et moyennes, et de nos emplois. Cet accord, j'en suis absolument persuadé, permettra d'améliorer et de rendre plus compétitif le système européen de brevets. Plus encore, il favorisera l'effort de recherche et d'innovation dans notre pays et contribuera à lui donner le point de croissance supplémentaire dont il a impérativement besoin pour relever les défis qui sont devant lui. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous parler avec une grande franchise : c'est une chance incontestable qui nous est offerte aujourd'hui, celle de consacrer la langue française comme l'une des trois langues du progrès technologique et de l'innovation en Europe.

M. Hubert Haenel, rapporteur. Tout à fait !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous ne pouvons pas laisser passer une telle chance, qui sera sans doute la dernière.

Déjà, au cours de la négociation du protocole de Londres, le mal nommé, des voix se sont élevées pour demander le passage au « tout-anglais ».

Si, demain, la France se refusait à ratifier ce texte qui ne peut entrer en vigueur sans elle, nul doute qu'elle serait en position de faiblesse pour défendre dans les négociations à venir la diversité des langues, nul doute que nous ne pourrions plus échapper, à court ou à moyen terme, à des concessions douloureuses en matière linguistique.

Cet accord est une occasion unique de renforcer la recherche française et de franchir un nouveau pas dans le développement de cette société de la connaissance que nous appelons de nos voeux.

Cette conviction, le Gouvernement la partage avec le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Serge Vinçon, ainsi qu'avec son rapporteur, Hubert Haenel, dont je voudrais saluer ici le travail remarquable. Il la partage également avec les présidents des commissions saisies pour avis, Jacques Valade et Jean-Paul Emorine, et leurs rapporteurs, Jean-Léonce Dupont et Francis Grignon. Je me réjouis de savoir que le Sénat pourra également s'appuyer, aujourd'hui, sur leurs analyses de très grande qualité.

Cette conviction, le Gouvernement la partage enfin avec tous ceux d'entre vous qui se sont penchés sur le protocole.

Rappelons les faits : il y a plus d'un an, la commission des finances de l'Assemblée nationale avait adopté un amendement du député Jean-Michel Fourgous autorisant la ratification du protocole. Le Gouvernement avait alors voulu offrir à tous le temps de la réflexion ; ce temps a été particulièrement bien employé, puisqu'il a permis à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, aux délégations pour l'Union européenne des deux chambres, à leurs commissions ainsi qu'au Conseil constitutionnel d'examiner avec une grande attention ce protocole, d'en peser toutes les conséquences, pour se prononcer finalement en faveur de sa ratification.

C'est donc, à n'en pas douter, un accord bénéfique pour la langue française, pour la recherche et l'innovation en France et, au-delà, pour le rayonnement de notre pays qui vous est soumis aujourd'hui.

Cet accord est tout d'abord favorable à la langue française.

De nombreuses inquiétudes se sont exprimées sur ce point essentiel. Mes collègues du Gouvernement qui m'ont précédée à cette tribune les ont évoquées. Je veux à mon tour y répondre très clairement, afin d'apaiser toutes les craintes qui se font jour chaque fois que l'avenir de notre langue est en cause.

Le protocole de Londres simplifie le régime linguistique des dépôts de brevet en Europe, et ce au bénéfice de trois langues : l'allemand, l'anglais et le français. Très concrètement, cela signifie que c'est dans chacune de ces trois langues que devront être traduites les revendications des brevets. C'est là une garantie essentielle pour les déposants francophones : les revendications sont le coeur du brevet, car ce sont elles qui définissent la portée de la protection juridique qu'il confère. Des revendications mal rédigées, ce sont des inventions mal protégées, et donc des brevets inutiles.

En faisant du français l'une des trois langues dans lesquelles les revendications des brevets doivent être obligatoirement rédigées, le protocole de Londres garantit que la partie fondamentale de chaque brevet sera nécessairement disponible en français.

Je veux insister sur ce point, qui a été la source de bien des malentendus : le protocole de Londres, je le répète, n'autorise en rien les déposants à choisir parmi ces trois langues, mais il oblige à rédiger les revendications du brevet dans chacune des trois langues.

II n'y a donc aucun risque que les brevets européens ne soient plus libellés qu'en anglais. L'accord ne mentionne pas trois langues afin de dresser une sorte de paravent pudique devant la reconnaissance du monopole de l'anglais ; bien au contraire, il impose tout simplement d'utiliser chacune des trois langues.

C'est pour les parties techniques du brevet, c'est-à-dire pour l'essentiel des schémas et des légendes, et pour ces parties seulement, que le choix entre ces trois langues sera possible. Cela n'emporte aucune conséquence pour l'avenir de la langue française, puisque ces parties techniques ne sont que peu rédigées et n'ont pas de réelle portée juridique. Il était donc légitime, dans un souci de simplification, d'autoriser leur rédaction dans l'une des trois langues officielles de l'Office européen des brevets.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, le protocole de Londres ne menace en rien le français, bien au contraire puisqu'il en fait l'une des trois langues officielles de l'innovation en Europe. C'est ce que le Conseil constitutionnel a reconnu en déclarant le protocole conforme à notre Constitution, qui consacre le français comme langue de la République.

Pourtant, je le sais, certains ne sont toujours pas convaincus des bénéfices que la France tirera du protocole de Londres. C'est pourquoi je veux le dire aujourd'hui devant vous : cet accord n'est pas seulement favorable à la langue française, il est aussi profitable à la recherche française et à chacune des entreprises innovantes que compte notre pays.

Si les États membres de l'Office européen des brevets se sont engagés dans une simplification du régime linguistique des brevets européens, c'est avant tout pour stimuler l'innovation en Europe. En effet, chacun de nous le sait, c'est de l'innovation que dépend désormais la croissance future de nos pays. C'est de notre connaissance et de notre capacité à la mettre en valeur que dépend notre avenir.

Le temps où il suffisait de suivre à notre rythme les pays innovants pour développer notre économie est désormais révolu. Ni la France ni l'Europe ne peuvent plus se permettre d'être à la pointe dans certains domaines et de laisser les autres aux États-Unis ou au Japon. Nous rivalisons aujourd'hui non plus seulement avec eux, mais aussi avec la Chine, l'Inde et l'ensemble des pays émergents, qui ont compris que l'intelligence était la plus grande de toutes les richesses humaines, la source unique dont découlent la paix, la prospérité et le progrès pour tous.

La France, qui a été de toutes les révolutions et de toutes les audaces, la France, dont sont sorties les Lumières qui ont éclairé l'Europe entière, n'a rien à craindre de la compétition mondiale des intelligences, et pour peu qu'elle s'y engage pleinement, elle y tiendra son rang.

Nous devons donc donner à nos chercheurs, à nos inventeurs les moyens de lutter à armes égales avec les chercheurs et les inventeurs des autres nations de ce monde. Le peuvent-ils, quand le dépôt d'un brevet est deux à trois fois plus coûteux en Europe qu'au Japon ou aux États-Unis ? Le peuvent-ils quand il faut traduire intégralement un brevet dans les vingt-trois langues de trente-deux pays ?

Je le sais, certains trouveront déplacé de parler d'argent lorsque l'on s'entretient de science, de savoir et de découverte. Mais les plus grands esprits eux-mêmes doivent bien vivre, et la moindre des choses, à mes yeux, est qu'ils puissent vivre des fruits de leur intelligence.

Dans ses premières années, une PME innovante n'a qu'une seule richesse : le brevet qu'elle a déposé et sans lequel elle ne pourra se développer. Sans ce brevet, nul moyen de lever des fonds et d'emprunter auprès des banques. Les États-Unis l'ont bien compris ; ils modifient en ce moment même leur propre système des brevets afin de le rendre encore plus efficace et moins coûteux pour les entreprises innovantes.

Voilà pourquoi il nous faut réagir, en ratifiant le protocole de Londres, mais aussi en formant nos jeunes ingénieurs et nos jeunes doctorants au dépôt de brevet.

M. Hubert Haenel, rapporteur. Tout à fait !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Dans certains établissements, cela se fait déjà. Je souhaite que, demain, chaque école doctorale, chaque école d'ingénieur, chaque université offre à ses étudiants une formation au dépôt de brevet. Et je veux également que les mastères en droit de la propriété intellectuelle deviennent plus nombreux qu'aujourd'hui : dans un domaine aussi stratégique, nous ne pouvons pas laisser les cabinets américains et allemands prendre toujours plus d'avance sur les cabinets d'avocats français.

Il est essentiel que tous nos découvreurs puissent protéger leurs inventions à moindre coût. Si 26 000 euros ne représentent rien pour une entreprise de taille mondiale, c'est une somme énorme pour une jeune entreprise lancée par de jeunes talents.

Il n'y a donc aucun risque de voir des entreprises mondiales inonder l'Europe de brevets : si elles avaient voulu ou pu le faire, elles l'auraient déjà fait.

Permettez-moi de le redire, mesdames, messieurs les sénateurs, ni le coût financier ni les complexités juridiques n'ont jamais constitué un obstacle pour une multinationale.

Le seul risque lié au protocole de Londres, c'est celui que son absence de ratification ferait courir aux laboratoires de recherche et aux entreprises innovantes de notre pays, à nos PME.

Car, grâce à ce protocole, nous allons aider nos inventeurs à faire valoir à moindres frais le fruit de leur intelligence. Aujourd'hui, seule une PME européenne sur quatre dépose un brevet au cours de sa vie, alors que c'est le cas d'une PME américaine sur deux.

Voilà le secret de la croissance américaine, voilà la source du rayonnement technologique des États-Unis. Il n'a rien d'obscur, il n'est pas hors de notre portée, il nous suffit de le vouloir pour le partager. C'est l'objectif même de la stratégie de Lisbonne, au coeur de laquelle prennent place les discussions sur le brevet communautaire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons en être pleinement conscients, ces discussions ne progresseront pas si la France ne ratifie pas le protocole de Londres.

Le brevet communautaire sera délivré par l'Office européen des brevets, celui-là même dont il est question aujourd'hui, et il ne sera pas autre chose qu'un brevet européen qui concernera l'ensemble du territoire de l'Union, et non plus tel ou tel État membre. Il garantira ainsi une protection uniforme des fruits de la recherche et de l'innovation dans l'ensemble des pays de l'Union.

Le brevet communautaire ne se substituera donc pas au brevet européen : ce sont deux systèmes enchâssés ou greffés l'un sur l'autre. Si nous voulons avancer sur le brevet communautaire, nous devrons par conséquent d'abord améliorer le fonctionnement du brevet européen, notamment en le rendant plus accessible. C'est l'objet même du protocole de Londres.

C'est pourquoi je vous demande aujourd'hui d'autoriser le Gouvernement à le ratifier. Les Français ne comprendraient pas que la Haute Assemblée hésite un instant à faire ce pas essentiel vers la société de la connaissance et de l'innovation. Les grands organismes de recherche de notre pays ne le comprendraient pas davantage. Ce pas, c'est le Centre national de la recherche scientifique, c'est L'Institut national de la santé et de la recherche médicale, c'est le Commissariat à l'énergie atomique, c'est l'Institut français du pétrole qui nous invitent à le faire.

Ce sera un pas décisif, mais ce ne sera pas le seul.

Vous le savez mieux que personne, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement s'est engagé, avec votre aide et votre soutien, dans la construction de cette nouvelle société fondée sur le savoir et sur l'intelligence.

II l'a fait en refondant le crédit impôt recherche, qui soutiendra désormais pleinement l'effort de recherche des entreprises innovantes dont nous bénéficions tous.

II l'a fait en refondant les universités autour de ces deux valeurs cardinales que sont la liberté et la responsabilité, afin de donner à notre enseignement supérieur les moyens de rayonner. Et c'est dans cette nouvelle université que pourront se développer demain les jeunes entreprises universitaires, qui recevront le même soutien des pouvoirs publics que celui qu'ils apportent aux jeunes entreprises innovantes.

Ce sont toutes ces nouvelles entreprises qui feront la croissance future de notre économie.

C'est à elles que s'adresse le protocole de Londres, et à toutes les sociétés innovantes qui feront le choix, demain, de s'installer en France.

Elles y trouveront des universités fortes, une recherche dynamique et des talents prêts à les rejoindre.

Elles y trouveront des pouvoirs publics mobilisés pour les aider à grandir.

Voilà ce qui est en jeu aujourd'hui : renforcer l'attraction qu'exerce l'Europe sur les inventeurs de demain en ratifiant le protocole de Londres, c'est se donner toutes les chances de les voir s'établir en France, dans un pays où elles bénéficieront d'un environnement intellectuel et scientifique exceptionnel ainsi que de toute l'aide dont ils ont besoin.

Alors, ne nous refusons pas à livrer la bataille de l'intelligence, ne décidons pas de tout perdre quand nous pourrions tout gagner. Car, en nous retirant sans livrer bataille, nous ferions le sacrifice de ce que nous avons de plus précieux : notre langue.

C'est en effet le rayonnement d'une culture qui fait le rayonnement de la langue, et non l'inverse.

Nous en avons eu tout récemment une très belle illustration, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque la télévision chinoise vient de créer une chaîne d'information continue intégralement diffusée en français. Ce choix, la Chine ne l'a pas fait par amour de la langue française, elle l'a fait parce qu'elle reconnaissait la vitalité de la culture française et de toutes les cultures francophones, elle l'a fait au nom d'une seule conviction, très simple : pour faire rayonner la culture chinoise, il était bon aussi de lui permettre de se faire entendre en français.

Il ne suffit donc pas d'aimer et de défendre le français pour le faire vivre, il faut aussi l'illustrer : chercher, créer, inventer et diffuser nos découvertes à travers le monde. Car c'est le prestige international de la recherche française qui attirera demain dans notre pays les jeunes scientifiques étrangers qui y apprendront, tout naturellement, le français.

Permettez-moi, à cette occasion et à titre d'illustration, de féliciter encore Albert Fert, professeur à l'université Paris XI et chercheur au CNRS, à qui le prix Nobel de physique a été décerné ce matin. Voilà comment notre recherche se fait connaître à l'étranger ! (Applaudissements.)

Et c'est ainsi qu'en retour, les scientifiques étrangers noueront avec la France et sa langue des liens qui les rendront plus fortes encore.

C'est ainsi que la culture française rayonnera à travers le talent de ces étrangers, qui la choisiront comme l'a choisie hier une toute jeune Polonaise nommée Marie Curie ou ce jeune Irlandais appelé Samuel Beckett, et comme la choisissent aujourd'hui des écrivains aussi prometteurs que Jonathan Little ou Nancy Huston.

Voilà pourquoi nous avons le devoir de donner à l'intelligence française les moyens de s'illustrer encore.

Voilà pourquoi nous devons ratifier le protocole de Londres : afin de ne pas laisser s'éteindre la voix de la France, tout simplement ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UC-UDF, du RDSE et du groupe socialiste.)

(Mme Michèle André remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Hubert Haenel, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, depuis sept ans, le protocole de Londres suscite dans notre pays des débats plus ou moins passionnés.

Si cet accord, conclu en octobre 2000 et signé par la France en juin 2001, soulève autant de controverses, c'est parce qu'il touche à des sujets sensibles tels que la compétitivité de nos entreprises et de nos centres de recherche, la place de notre langue dans le système des brevets et, plus largement, l'usage du français comme langue scientifique et technique.

La ratification du protocole de Londres recouvre des enjeux linguistiques, juridiques, économiques, industriels et scientifiques importants. Il est donc légitime qu'elle soulève autant d'interrogations.

D'ores et déjà, le Sénat a eu l'occasion de se prononcer à plusieurs reprises sur ces enjeux.

Dès le mois de juin 2001, notre excellent collègue Francis Grignon, dans un rapport d'information sur les brevets, présenté au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, s'était clairement prononcé pour la ratification de l'accord de Londres, tout en considérant que cette ratification devrait s'accompagner de mesures complémentaires relatives à la veille technologique, à la sécurité juridique et à la situation des traducteurs.

Il convient également de mentionner les travaux de notre collègue Richard Yung, qui connaît très bien ce dossier.

Pour ma part, j'ai conduit une mission de réflexion sur l'avenir du brevet en Europe, que le Premier ministre m'avait confiée le 3 avril 2006.

Dans ce cadre, j'avais constitué, au sein de la délégation pour l'Union européenne de notre assemblée, un groupe de travail composé de huit sénateurs issus de l'ensemble des groupes politiques. Je me plais à citer leur nom et à saluer la qualité de leur contribution : Mme Catherine Tasca, MM. Louis de Broissia, Jean Bizet, Robert Bret, Denis Badré, Aymeri de Montesquiou et Roland Ries.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Bel équipage !

M. Hubert Haenel, rapporteur. Nous avons procédé à vingt-six auditions et nous nous sommes rendus à Bruxelles pour rencontrer les autorités communautaires ainsi que les représentants de nos principaux partenaires. Selon certains observateurs, le fait que le Premier ministre ait confié une mission de réflexion à M. Pierre Lequiller, député, et à moi-même, sénateur, laissait entendre que la position de la France allait évoluer sur le protocole de Londres, ce qui aurait incité nos partenaires, notamment les Allemands, à « faire bouger les lignes ».

J'ai écouté sans a priori les arguments des uns et des autres, dans un esprit d'ouverture et de respect des positions de chacun.

La principale conclusion que nous avions tirée de nos travaux était la nécessité pour la France de clarifier sa position sur le protocole de Londres. D'ailleurs, si l'intitulé de ce protocole était différent, nous rencontrerions moins de difficultés. Pour la petite histoire, je le rappelle, il a été intégralement négocié à Paris. C'est au hasard d'une rencontre qu'il a été signé à Londres.

En n'affichant pas clairement sa position sur l'accord de Londres et en cultivant l'ambiguïté - j'insiste sur ce terme - depuis sept ans, la France apparaissait en effet aux yeux de nos partenaires comme le principal responsable du blocage de toute évolution du système des brevets en Europe.

L'entrée en vigueur du protocole de Londres, lequel a déjà été ratifié par neuf des treize États signataires - dont l'Allemagne et le Royaume-Uni -, est actuellement suspendue à la décision de notre pays. En fait, les pays qui n'ont pas encore ratifié ce protocole attendent que nous le fassions. Ensuite, ils viendront sans doute se joindre à nous rapidement.

C'est la raison pour laquelle, que l'on soit favorable à la ratification du protocole de Londres par la France ou que l'on s'y oppose, il faut se féliciter que cette question, qui a donné lieu à un débat à l'Assemblée nationale, occupe aujourd'hui le Sénat. En effet, le Parlement est par essence le lieu privilégié du débat politique et il nous appartient de faire fi de tous les lobbies qui, depuis quelques semaines, nous submergent de courriers de toute nature. C'est en définitive au Parlement qu'il revient de se prononcer sur l'autorisation de la ratification de tels accords internationaux.

Je ne reviendrai pas ici sur le contenu du protocole de Londres que Mme la ministre et MM. les secrétaires d'État ont amplement développé. Je rappelle simplement que l'unique objet de cet accord est d'alléger les exigences en matière de traduction afin de réduire le coût du brevet européen.

Pour ce faire, il prévoit que, dorénavant, la « description », c'est-à-dire la partie technique du brevet, ne fera plus l'objet de traduction dans les langues officielles des pays désignés.

En revanche, les revendications, c'est-à-dire la partie essentielle et juridiquement opposable du brevet, feront toujours l'objet d'une traduction dans les trois langues officielles de l'Organisation européenne des brevets, c'est-à-dire le français, l'allemand et l'anglais.

Les principaux enjeux de cette ratification sont de quatre ordres : juridique, linguistique, économique et industriel.

Je commencerai par les enjeux d'ordre juridique.

La question de la constitutionnalité de l'accord de Londres doit être considérée comme réglée. Certains avaient estimé que cet accord international était susceptible de se heurter à la Constitution, en particulier à son article 2, selon lequel « La langue de la République est le français ».

La décision du Conseil constitutionnel du 28 septembre 2006, qui a conclu à l'absence d'obstacle de nature constitutionnel, a levé toute ambiguïté sur ce point. Il est donc inutile d'y revenir.

L'autre impératif de réforme du système des brevets est le renforcement de la sécurité juridique.

Certains considèrent que le protocole de Londres pourrait fragiliser cette sécurité. On peut objecter au moins deux arguments à une telle position.

D'une part, sur le territoire national, les revendications seront disponibles en français. Or ce sont elles qui constituent la partie essentielle et juridiquement opposable du brevet.

D'autre part, en cas de litige devant le juge, le titulaire du brevet devra obligatoirement fournir une traduction en français de l'intégralité du brevet.

Au-delà de l'enjeu juridique, le principal reproche adressé au protocole de Londres tient au fait qu'il constituerait une menace pour la place de notre langue. Il est vrai que près de 70 % des demandes de brevet européen sont actuellement déposées en anglais, contre 25 % en allemand et 5 % en français.

En réalité, le protocole de Londres conforte la place privilégiée du français puisqu'il restera définitivement l'une des trois langues officielles de l'Office européen des brevets.

En outre, avec le protocole de Londres, les brevets européens délivrés en français pourront prendre effet au Royaume-Uni et en Allemagne, qui constituent les principaux marchés européens, sans traduction des descriptions, ce qui n'est pas possible actuellement.

La ratification du protocole de Londres incitera-t-elle les entreprises françaises à déposer directement leurs demandes de brevet en anglais ? Pour ma part, je ne le pense pas.

En effet, les déposants français privilégient très majoritairement - à 90 % - la voie nationale pour le dépôt des brevets, avant extension au niveau européen, notamment parce qu'elle est beaucoup moins coûteuse. Or ces demandes se font obligatoirement en français.

En revanche, en l'absence de ratification par la France, il existe un réel risque de passage au « tout-anglais » en matière de brevets.

Cette menace ne doit pas être mésestimée dans la mesure où, lors de la conférence de Paris, déjà, des États comme la Suisse et la Suède proposaient l'abandon de toute exigence de traduction dès lors que le brevet serait disponible en anglais.

Le risque n'est pas de voir le français perdre sa place de langue officielle à l'Office européen des brevets, car cela exigerait une révision de la convention de Munich. Or une telle révision nécessite l'accord de la France.

Le risque est plutôt que soit conclu, en lieu et place de l'accord de Londres, un nouvel accord facultatif dans lequel les États parties renonceraient à toute traduction, dès lors que la demande serait déposée en anglais. En d'autres termes - et c'est ce qui ressort des travaux que j'ai menés -, le français serait mis totalement à l'écart. Nos interlocuteurs acceptent d'attendre encore un peu, mais si rien ne se passe, ils concluront un accord dans notre dos !

Une telle éventualité constituerait, à l'évidence, un précédent lourd de conséquences, surtout au regard du projet de brevet communautaire ; Mme la ministre, notamment, a insisté sur ce point.

J'évoquerai plus brièvement les enjeux économiques, que développera mieux que je ne saurais le faire notre collègue Francis Grignon, au nom de la commission des affaires économiques.

L'intérêt attendu du protocole de Londres réside dans une baisse des coûts de traduction, donc du coût du brevet européen, qui est actuellement deux à trois fois supérieur au coût du brevet américain ou japonais. Mais cette diminution sera d'une ampleur encore incertaine et nécessairement variable. Ainsi, les estimations oscillent entre 15 % et 45 % selon les sources.

L'impact financier du protocole de Londres dépendra en réalité de toute une série de paramètres, comme la taille du fascicule du brevet - plus il est long, plus il est cher à traduire - ou le nombre d'États qui ratifieront l'accord de Londres. Cet impact reste donc difficile à déterminer, même si les industriels que j'ai auditionnés l'ont estimé réel et de nature à influencer la politique de dépôt de brevet de nos entreprises.

Enfin, en cas de ratification de l'accord de Londres, la capacité de veille technologique de nos entreprises ne devrait aucunement être modifiée, même si la description des brevets n'est pas traduite en français. En effet, la veille technologique est exercée le plus en amont possible. Elle est activée surtout au stade de la publication de la demande, qui intervient dix-huit mois après le dépôt de celle-ci, c'est-à-dire dès que l'information est accessible, et non à la délivrance du brevet, qui a lieu, je le rappelle, en moyenne quatre ans après son dépôt. Le taux de consultation des traductions en français des brevets européens est d'ailleurs inférieur à 2 %.

En définitive, au regard de ces enjeux, la commission des affaires étrangères a conclu que l'analyse en termes de risques et d'opportunités plaidait en faveur d'une ratification par la France de l'accord de Londres. L'une de nos collègues, Mme Tasca, a dit qu'il fallait prendre un « pari positif ». (Mme Catherine Tasca le confirme.) Pour autant, la commission a considéré que le Gouvernement devrait prendre des mesures d'accompagnement, notamment en faveur des professions directement concernées, comme celles que nous proposeront dans un instant nos collègues Jean-Léonce Dupont, au nom de la commission des affaires culturelles, et Francis Grignon, au nom de la commission des affaires économiques.

Il est intéressant de constater que la commission saisie au fond conforte et complète les approches croisées des commissions saisies pour avis.

M. Jean-Pierre Raffarin. Cela nous rassure !

M. Jacques Valade. C'est une garantie !

M. Hubert Haenel, rapporteur. Surtout, la ratification du protocole de Londres doit permettre à la France de relancer le projet de brevet communautaire.

Certains opposent, à tort, brevet européen et brevet communautaire. En réalité, tous deux sont complémentaires dans la mesure où ils répondent à des besoins différents.

Le principal intérêt du brevet communautaire tient au fait qu'il serait un titre unitaire et autonome - contrairement au brevet européen, qui est un faisceau de titres nationaux - et qu'il s'accompagnerait de la création d'un système juridictionnel unifié, ce qui n'est pas négligeable.

Après plusieurs tentatives avortées pour instituer le brevet communautaire dans les années soixante et soixante-dix, la Commission européenne a relancé ce projet en présentant, parallèlement à la stratégie de Lisbonne, une proposition de règlement au mois d'août 2000.

Ce texte a donné lieu à un accord politique entre les États membres sur l'architecture générale du brevet communautaire au mois de mars 2003, accord politique portant sur le régime linguistique, le système juridictionnel, le rôle des offices nationaux et la répartition des taxes.

Toutefois, depuis 2004, les négociations sur le brevet communautaire sont bloquées. Elles se heurtent, en effet, à deux obstacles : le premier porte sur l'architecture du futur système juridictionnel des brevets, mais il est en voie d'être levé ; le second tient au régime linguistique du brevet communautaire, mais la ratification du protocole de Londres par la France devrait permettre de le lever. On pourrait, en effet, reprendre le régime linguistique du brevet européen tel qu'il est issu du protocole de Londres, pour l'appliquer au brevet communautaire - le Gouvernement français négocie dans ce sens -, confortant ainsi la place privilégiée du français, aux côtés de l'anglais et de l'allemand.

La ratification du protocole de Londres doit donc permettre à la France de relancer la négociation sur le brevet communautaire, en particulier dans la perspective de la future présidence française de l'Union européenne qui débutera le 1er juillet 2008.

Comme l'a rappelé la Commission européenne, le brevet communautaire reste un objectif essentiel pour la recherche, la compétitivité et la croissance en Europe ; vous l'avez souligné, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État. Par conséquent, la commission des affaires étrangères recommande l'adoption de ce projet de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur celles du RDSE et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, la tâche des rapporteurs s'est révélée délicate, compte tenu des passions que déclenche ce texte et de la diversité, voire du caractère contradictoire des données et des chiffres livrés par les différentes parties concernées.

Je me suis donc efforcé de procéder à une analyse équilibrée du sujet et d'évaluer l'impact du protocole de Londres sur l'usage de la langue française et sur la recherche publique de notre pays. J'ai laissé à la commission des affaires étrangères le soin d'évoquer les aspects institutionnels du texte et à la commission des affaires économiques celui d'en décrire les conséquences économiques et industrielles.

J'essaierai de ne pas répéter ce qui vient d'être excellemment exposé. Néanmoins, il me semble important de décrire précisément les différents cas de figure qui existeront à l'issue de la ratification du Protocole. Il n'en existe pas deux, comme on l'entend généralement, mais bien trois, puisque les déposants devront tenir également compte des États qui sont parties à la convention de Munich mais non au protocole de Londres.

Premièrement, les États membres au protocole de Londres ayant pour langue officielle l'une des trois langues officielles de l'OEB - la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Autriche, la Suisse, la Belgique, le Luxembourg, le Lichtenstein et Monaco - renoncent aux exigences de traduction prévues au paragraphe 1 de l'article 65 de la convention de Munich, qui les autorise à conditionner la validité d'un brevet européen sur leur territoire à l'existence d'une traduction intégrale - revendications et description - dans leur langue officielle. Toutefois, les revendications devront toujours être disponibles dans les trois langues officielles de l'OEB.

Deuxièmement, les États parties au protocole de Londres n'ayant pas pour langue officielle l'une des trois langues officielles de l'OEB renoncent également aux exigences de traduction prévues à l'article 65. Ils doivent donc désigner l'une des trois langues officielles de l'OEB comme langue valable sur leur territoire. Néanmoins, ils conservent le droit d'exiger une traduction des seules revendications dans l'une de leurs propres langues officielles si le brevet européen n'a pas été délivré ou traduit dans la langue officielle de l'OEB qu'ils ont prescrite.

Troisièmement, les États qui sont parties à la convention de Munich mais qui ne le sont pas à l'accord de Londres peuvent continuer à bénéficier des dispositions de l'article 65, donc exiger une traduction intégrale dans leur langue officielle.

J'en viens maintenant aux enjeux du protocole de Londres en termes de recherche publique et de diversité linguistique.

Certains des professionnels concernés - j'ai souhaité les entendre - continuent à s'inquiéter des conséquences de la ratification par la France du protocole de Londres. Ils font notamment valoir que, pour la première fois en France, des textes rédigés dans une langue autre que le français, « langue de la République », auraient une valeur juridique. Le protocole conduirait de facto à réduire l'usage de notre langue, puisque l'absence d'obligation de traduction en français des brevets augmenterait considérablement le volume de brevets diffusés en langue anglaise en France. Le risque existerait dès lors d'une perte de fonctionnalité de la langue française dans un domaine stratégique, celui de l'innovation scientifique et technique.

Cet accord, disent-ils, pourrait être préjudiciable aux déposants qui n'ont pas tous les moyens d'effectuer une veille technologique en anglais. La diminution du coût d'accès au brevet sera d'une ampleur incertaine et dépendra notamment du nombre d'États ayant ratifié l'accord de Londres.

De plus, les déposants français resteront contraints d'effectuer les traductions intégrales de leur brevet : soit en anglais et en allemand, s'ils souhaitent que leur invention soit protégée dans des États n'ayant pas pour langue officielle l'une des trois langues de l'OEB et ayant opté pour l'une de ces langues, soit dans les autres langues des États parties à la convention de Munich mais non au protocole de Londres, afin que leur invention soit protégée dans ces États.

Deux arguments peuvent être opposés à ces détracteurs.

En premier lieu, l'hypothèque de la constitutionnalité de l'accord a été levée. En effet, d'une part, dans son avis du 21 septembre 2000, le Conseil d'État a estimé que la France pouvait signer l'accord sans révision préalable de la Constitution ; d'autre part, dans sa décision du 28 septembre 2006, le Conseil constitutionnel a estimé que l'accord ne méconnaissait pas la disposition selon laquelle « la langue de la République est le français ».

En second lieu, il y a lieu de nuancer les inquiétudes. Il faut relativiser la réalité de l'usage de la langue française dans le cadre juridique actuel. En pratique, la convention de Munich s'est traduite par une augmentation continue des dépôts en anglais. Par ailleurs, tous les interlocuteurs me l'ont confirmé, la veille économique et technologique s'effectue le plus souvent en anglais, dans la mesure où les traductions interviennent très tardivement, c'est-à-dire dans un délai moyen de cinq ans.

On peut penser que le protocole de Londres viendra confirmer le statut de la langue française. Le protocole de Londres consacre le français comme l'une des trois langues officielles de l'Office européen des Brevets. En outre, le brevet européen pourra toujours être intégralement délivré par l'OEB en langue française et les revendications devront toujours être disponibles dans les trois langues officielles.

L'impact du protocole de Londres sur l'usage de la langue française doit être nuancé. Cet accord ne conduira pas à l'abandon du français comme langue de premier dépôt par les entreprises françaises puisque, aujourd'hui, 90 % des déposants français utilisent la voie nationale pour leur premier dépôt et qu'environ 60 % de ces demandes nationales font ensuite l'objet d'une extension européenne.

L'une des raisons réside dans un coût inférieur, d'autant que l'INPI facture à un coût réduit le rapport de recherches des antériorités tant aux petites et moyennes entreprises qu'aux laboratoires publics de recherche. On observe cependant une diminution régulière de la proportion d'inventions d'origine française dont le premier dépôt est effectué auprès de l'INPI.

Ainsi que je l'ai déjà dit, les activités de veille, qui portent plutôt sur les revendications, ne seront pas remises en cause. En outre, l'INPI continuera d'assurer une traduction en français du résumé de toutes les demandes de brevets européens publiés qui désignent la France, soit près de 40 000 en 2007.

Le lexique des termes scientifiques géré par l'OEB reste dans les trois langues officielles, ce qui est essentiel, car le statut de langue scientifique s'acquiert d'abord par cette voie. Ce registre ne comporte pas moins de 150 000 mots...

Enfin, n'est-ce pas surtout les chercheurs, directement dans leurs laboratoires, qui mettent un nom sur leurs inventions ? Observez, mes chers collègues, les secteurs dans lesquels la terminologie scientifique française est la plus riche. Cela ne vous étonnera pas de constater qu'il s'agit des domaines dans lesquels notre pays a su être à la pointe de la recherche et de l'innovation. Je pense, par exemple, au secteur nucléaire ou à celui des transports.

S'agissant des organismes publics de recherche, le protocole de Londres devrait leur permettre de réaliser des économies non négligeables en matière de traduction.

Le coût des traductions est cependant difficile à évaluer car il dépend de nombreux paramètres. Je citerai, notamment, le taux de change du dollar, la longueur et la complexité technique du texte du brevet à traduire, le nombre de traducteurs assermentés pour une langue particulière ou l'urgence de la traduction.

S'agissant des économies susceptibles d'être réalisées, la diversité des chiffres avancés s'explique par le mode de calcul. Ainsi, l'économie s'élève à 20 % si l'on prend en compte le coût intégral du brevet pendant toute sa durée de vie ; elle atteint 40 % si l'on impute les coûts de traduction à l'investissement initial lié au dépôt du brevet. Or, c'est bien le montant de cet investissement qui sera ou non rédhibitoire pour un déposant potentiel.

C'est pourquoi il semble pertinent de retenir les évaluations du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, à savoir une diminution du coût des traductions située dans une fourchette de 35 % à 45 %. L'économie potentielle moyenne par brevet déposé serait ainsi de 1 566 euros. Selon le ministère, l'économie potentielle annuelle réalisée par les organismes de recherche sous sa tutelle serait donc au moins de 1,1 million d'euros et de 0,5 million d'euros s'agissant des universités. Pour l'ensemble des établissements publics sous la tutelle du ministère, l'économie annuelle pourrait donc être de l'ordre de 1,6 million d'euros.

Les membres de la commission des affaires culturelles ont longuement et ardemment débattu de l'ensemble de ces sujets. Les avis étaient, je dois le dire, partagés. Néanmoins, il est apparu à la majorité de ces membres que les « plateaux de la balance » entre avantages et inconvénients penchaient plutôt en faveur des premiers.

J'ajouterai que nous pouvons, bien entendu, regretter l'érosion de l'usage de la langue française dans le domaine scientifique. Comme en témoigne le président de notre commission, M. Jacques Valade, lui-même ancien chercheur, l'anglais est de plus en plus systématiquement utilisé dans les colloques internationaux et dans les publications. Mais c'est un état de fait et le protocole de Londres n'y changera sans doute pas grand-chose.

Alors, battons nous plutôt sur le terrain de la création et de l'innovation. L'avenir passe par là. La meilleure défense de notre langue et de notre culture suppose que nous développions une recherche d'excellence, qui rayonne à travers le monde. Oui, telle est la condition pour que notre pays et notre langue continuent à occuper toute leur place dans le paysage mondial.

Pour toutes ces raisons, nous avons considéré qu'il était temps, désormais, de procéder à la ratification du protocole de Londres et de lever ainsi l'épée de Damoclès qui pesait sur lui. Mais, parallèlement, la commission des affaires culturelles a souhaité proposer un certain nombre de mesures d'accompagnement, afin à la fois d'en maximiser les effets positifs et d'en atténuer les inconvénients.

Nous souhaitons, madame le ministre, messieurs les secrétaires d'État, que vous puissiez prendre l'engagement, devant la représentation nationale, que nos propositions soient suivies d'effet. Pour ce qui concerne leur volet européen, la prochaine présidence française de l'Union devrait vous en donner l'opportunité.

Quelles sont ces recommandations et mesures d'accompagnement ?

Tout d'abord, nous devons plaider pour un renforcement de la sécurité juridique qu'offrent les traductions, et encore plus dans le nouveau contexte de non-traduction de la description du brevet. En effet, la langue de délivrance du brevet faisant foi, les traductions n'engagent pas ceux qui les fournissent.

Il est vrai que l'article L. 614-10 du code de la propriété intellectuelle permet une protection partielle des tiers. Néanmoins, ce sujet me semble devoir être abordé, au moins dans le cadre des négociations sur le brevet communautaire en cours.

À titre d'illustration, je veux vous montrer à quel point la qualité actuelle des traductions, dans le cadre de l'accord de Munich, est réellement insuffisante. Pour cela, je vais vous donner lecture d'un extrait de la traduction des revendications d'un brevet déposé : « 45 degrés reinforcing fibre nappe fixe au moyen un fixing grille sous forme un double-double-layered continu bande (5), consisting of paquet fibre (1) étendre parallèle à côté 1 un l'autre sans intervalle, caractériser par fait que un simple-single-layered préfabriquer ovale bande (1) et (10) portion comme un de base textile, consisting of parallèle orient paquet fibre... ».

M. Hubert Haenel, rapporteur. Très bon exemple !

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis. Derrière une traduction insuffisante, voire malicieuse afin de développer une stratégie défensive en matière de dépôt de brevet, apparaît la nécessité de travailler sur la sécurité juridique.

Par ailleurs, nous devons relever ce que j'appellerai « le vrai défi », à savoir la localisation des centres de recherche sur le territoire national. Pour cela, et comme je le disais à l'instant, nous devons faire de la recherche une réelle priorité et poursuivre le chemin de la modernisation de notre système de recherche engagé depuis quelques années et que vous défendez avec ardeur, madame le ministre.

M. Hubert Haenel, rapporteur. Bravo !

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis. Nous devons aussi inscrire dans les statuts de l'INPI, au titre de ses missions pérennes, l'obligation de réaliser les traductions abrégées des brevets dans les meilleurs délais, ce qui, certes, se produit actuellement. Cependant, mes chers collègues, imaginons qu'un jour - hypothèse d'école - un gouvernement connaissant des difficultés financières décide, pour de mauvais motifs, de prélever quelques ressources sur cette noble institution. Supposons alors que cette institution soit obligée de supprimer quelques-unes de ses prestations de services, dont les traductions. Au titre de la veille technologique, nous pourrions, de ce fait, être confrontés à de réels problèmes. C'est pourquoi je demande que cette mission de l'INPI ait un caractère pérenne.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, et Mme Catherine Tasca. Très bien !

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis. Par ailleurs, notre pays souffre d'un manque de culture du brevet. Il faut inciter les écoles d'ingénieurs et les universités à mieux former les jeunes dans les domaines de la veille technologique, des dépôts et de la valorisation des brevets. Tel est insuffisamment le cas aujourd'hui.

Il nous faut aussi poursuivre le combat pour la diversité linguistique, ainsi que l'a toujours défendu la commission des affaires culturelles, notamment au travers des travaux de notre collègue Jacques Legendre.

Les pouvoirs publics doivent veiller à la pleine application de la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, dite « loi Toubon ». À cet égard, j'insiste tout particulièrement sur la nécessité pour notre pays de défendre sa position relative à l'information en français du consommateur. Des événements dramatiques récents ont montré, sans ambigüité, l'utilité vitale d'une information en français, donc d'une traduction de qualité des notices d'instruction et d'utilisation. Cette exigence va aussi dans le sens de la défense de notre langue. (M. Jacques Legendre applaudit.)

Par ailleurs, je vous rappelle qu'en 2004 le Sénat avait adopté une proposition de loi, rédigée par notre collègue Philippe Marini, et qui tend à apporter quelques compléments utiles et pratiques à la loi de 1994.

La commission des affaires culturelles demande que cette proposition de loi soit inscrite sans tarder à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Notre pays doit poursuivre sa lutte incessante en faveur du plurilinguisme dans les enceintes internationales et de la place du français dans les institutions européennes.

Enfin, il conviendra d'accompagner les professions menacées. Je pense notamment aux traducteurs, dont un certain nombre seront nécessairement touchés par l'application du protocole. Pour ceux-là, des actions de formation devraient être encouragées et le problème de leur financement devrait être étudié par les ministères concernés.

Je dois reconnaître, pour avoir entendu le principal syndicat de traducteurs faire part de son point de vue, que sa position a considérablement évolué. En effet, il est aujourd'hui convaincu de la nécessité pour la profession de s'adapter. Il est également conscient de l'existence de nouvelles opportunités pour ceux qui sauront développer et faire reconnaître leur spécialisation.

Madame le président, madame le ministre, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, telle est la position de la commission des affaires culturelles : ratifions l'accord de Londres et, parallèlement, mettons en oeuvre les mesures d'accompagnement qui s'imposent. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. -  M. Richard Yung applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Grignon, rapporteur pour avis.

M. Francis Grignon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame le président, madame le ministre, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, sept ans se sont écoulés depuis la conclusion de l'accord de Londres, sept ans durant lesquels cet accord technique aura assurément connu un excès d'honneur et un excès d'indignité.

Pourtant, les enjeux linguistiques de cet accord ne doivent pas faire oublier que la première finalité du brevet est, d'abord et avant tout, économique. C'est la raison pour laquelle la commission des affaires économiques a tenu à se saisir pour avis de ce projet de loi de ratification du protocole de Londres. C'est aussi la raison pour laquelle je me bornerai à présenter les aspects économiques de cet accord.

Que représente le brevet ? Il s'agit d'un titre de propriété industrielle qui déplace la « frontière technologique » et qui, à ce titre, est un actif essentiel dans notre « économie de l'immatériel », pour reprendre le titre de votre excellent rapport, monsieur le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

La Commission européenne a voulu quantifier la valeur des brevets et leur impact sur l'innovation et la croissance : elle évalue la « prime au brevet » globale, pour les États membres qu'elle a étudiés, à plus d'un point de PIB au cours de la période 2000-2002.

Dans une économie comme la nôtre, innover devient en effet le seul moyen de continuer à croître. Or le brevet constitue un double vecteur d'innovation : d'une part, en octroyant un monopole d'exploitation temporaire à l'inventeur, il incite à l'innovation et, d'autre part, en exigeant aussi la publication de l'invention, il permet de diffuser l'innovation. C'est à l'aune de ces deux critères que doit s'apprécier l'efficacité économique de l'aménagement du système européen de brevets proposé par l'accord de Londres.

Le constat est connu. Je l'avais déjà dressé en 2001, au nom de la commission des affaires économiques, et je vous remercie, monsieur Haenel, de l'avoir rappelé à de multiples reprises : nos entreprises ont une faible propension à breveter, propension qui a en plus tendance à se dégrader. Ainsi, en 2003, la France détenait seulement 4 % des brevets «triadiques », c'est-à-dire qui ont été déposés auprès des trois offices de brevets européen, japonais et américain. Quelles en sont les raisons ? Parmi les freins au dépôt de brevet, le coût du brevet apparaît comme l'un des obstacles majeurs pour nos entreprises innovantes qui souhaitent protéger leurs inventions. Selon l'INPI, pas moins de 40 % des entreprises et inventeurs renonceraient à déposer pour ce motif.

En moyenne, le dépôt d'un brevet en Europe est effectivement deux à trois fois plus coûteux qu'au Japon ou aux États-Unis. Cela pénalise particulièrement les plus petites de nos entreprises, pour lesquelles cette barrière à l'entrée est relativement dissuasive. Ainsi, parmi les brevets déposés en France, seulement 12 % le sont par des PME.

L'incitation à innover, qui repose sur l'assurance de pouvoir tirer bénéfice de l'innovation, s'en trouve donc naturellement réduite et la compétitivité de nos entreprises affectée. Cette situation est dommageable et il faut y mettre fin au plus vite. Tel est l'objet de l'accord de Londres.

Cet accord évitera aux entreprises françaises de devoir traduire leurs brevets intégralement dans la langue de chaque pays dans lequel il est opposable. Aucun État partie ne pourra exiger la traduction des descriptions techniques, dont je rappelle qu'elles constituent la partie du brevet qui ne crée pas de droit mais qui sert à interpréter les revendications, lesquelles forment, elles, la partie « dure » du brevet qui définit le champ de la protection demandée. Les revendications, pour leur part, demeureront disponibles dans chacune des trois langues officielles de l'Office européen des brevets, français, anglais ou allemand. Enfin, en cas de litige sur un brevet, et ce point a été largement développé, une traduction intégrale de l'ensemble du brevet pourra être exigée, aux frais de son titulaire, par l'État concerné par le litige.

Cela abaissera en moyenne de 30 % le coût d'un brevet et occasionnera une simplification appréciable pour nos entreprises. Ces économies de coûts de traduction devraient atteindre 300 millions d'euros à l'échelle de l'Union européenne : autant d'argent à réinvestir pour faire plus de recherche et développement, déposer plus de brevets ou étendre le champ géographique de la protection demandée, autant de gagné pour la croissance et pour la lutte contre la contrefaçon.

Aux rabat-joie qui s'inquiètent d'un « effet d'aubaine », au bénéfice des entreprises étrangères, qui résulterait de l'application de l'accord de Londres, je ferai valoir que la réduction des coûts a un effet multiplicateur plus important pour les entreprises européennes et françaises qui brevettent prioritairement sur leur propre marché que pour les entreprises américaines ou japonaises.

Baisse des coûts, simplification : voilà ce que change l'accord de Londres.

Je me permettrai toutefois d'insister aussi sur ce qu'il ne change pas.

La procédure reste absolument identique pour une entreprise française jusqu'à la délivrance du brevet, ce qui entraîne deux conséquences.

D'une part, l'entreprise française bénéficie toujours du confort de mener la procédure en français, de bout en bout, grâce à la consécration du français comme langue de travail de l'Office européen des brevets : il reste donc toujours possible d'innover en français. C'est un point essentiel pour la localisation des centres de recherche et c'est un point apprécié de nos entreprises, qui déposent d'abord en France leurs demandes de brevets, dans 90 % des cas.

C'est aussi vrai pour nos grands groupes. Ainsi, Renault, premier déposant de demandes de brevets français en langue française, a toujours déposé en France les inventions développées en France et décidé ensuite des extensions à l'étranger, au vu du rapport de recherche que l'INPI sous-traite à l'Office européen des brevets.

Pourquoi continuer à déposer d'abord en France après l'accord de Londres, alors qu'un dépôt direct en anglais permettrait d'obtenir et un brevet européen et un brevet américain ? Parce que commencer par un dépôt en France - et cet argument n'a été avancé par aucun des orateurs qui m'ont précédé à cette tribune - est plus rapide, moins coûteux, et permet de bénéficier d'une année de priorité, c'est-à-dire d'une année supplémentaire de confidentialité par rapport à une demande directement adressée à l'Office européen des brevets.

D'autre part, l'accord de Londres ne changera pas les conditions de la veille technologique pour nos entreprises.

D'ores et déjà, une entreprise innovante ne peut se permettre d'attendre la traduction fournie seulement à la délivrance du brevet, soit quatre ou six ans après le dépôt de la demande, pour s'informer du contenu du brevet. Si elle veut exercer une veille efficace, elle doit dès à présent guetter les publications de demande de brevets, qui interviennent un an et demi après leur dépôt, même si cette publication se fait en anglais ou en allemand.

D'ailleurs, seuls 2 % des traductions de brevet européen en français sont consultés auprès de l'INPI : cela relativise l'utilité des traductions intégrales à la délivrance du brevet, traductions que vise à supprimer l'accord de Londres, et cela prouve bien que la veille technologique s'exerce en amont de la délivrance, c'est-à-dire dans ce tronçon de la vie du brevet que n'affecte nullement le protocole de Londres. C'est justement dans la foulée de sa publication que l'INPI met à disposition un abrégé en français de la demande de brevet.

J'espère vous avoir convaincus, mes chers collègues, du bénéfice économique direct qui résulterait d'une ratification du protocole de Londres.

Je tiens aussi à attirer votre attention sur l'effet de levier d'une telle ratification.

D'un point de vue économique, tout d'abord, cet accord, en facilitant le recours au brevet, contribuera à insuffler une nouvelle dynamique en matière de propriété industrielle, ce qui signifie meilleure protection de nos entreprises à l'égard de la contrefaçon, mais aussi plus grande incitation à l'effort d'innovation.

À ce titre, je crois indispensable de renforcer le rôle d'accompagnement de l'INPI auprès des PME pour les amener à effectuer leur premier dépôt de brevet. L'expérience des prédiagnostics est à cet égard concluante et doit être étendue encore le plus largement possible.

La mise à disposition des PME des demandes de brevets français, européens et internationaux depuis 1978, en ligne depuis quelques jours, participe aussi de cet accompagnement des PME dans leur approche des brevets.

D'un point de vue politique, la ratification de l'accord de Londres aura un effet d'entraînement. De nouvelles adhésions à l'accord pourraient venir amplifier encore la diminution attendue des coûts de traduction.

La ratification française devrait aussi permettre de faire avancer le projet de juridiction unifiée pour les brevets européens, point qui a été largement développé par M. Haenel, pour mettre fin à la duplication coûteuse de procédures parallèles, devant chaque juridiction nationale, et à l'incertitude juridique qui en découle.

Enfin, à plus long terme, le projet ambitieux d'un brevet communautaire valable pour toute l'Union européenne, lui aussi évoqué par M. Haenel, pourrait se débloquer. Dans cette perspective, le modèle linguistique de l'accord de Londres, qui place le français au même rang que l'allemand et l'anglais, sera une référence précieuse.

Je conclurai en indiquant que la commission des affaires économiques s'est prononcée à l'unanimité en faveur de ce projet de loi autorisant la ratification du protocole de Londres. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens
Discussion générale (suite)

13

Nomination de membres d'organismes extraparlementaires

Mme la présidente. Je rappelle que la commission des affaires culturelles et la commission des affaires économiques ont proposé des candidatures pour plusieurs organismes extraparlementaires.

La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :

- MM. François Gerbaud et Daniel Reiner respectivement membre titulaire et membre suppléant du Conseil supérieur de l'aviation marchande ;

- M. Jacques Blanc membre du conseil d'administration de l'Établissement public des parcs nationaux de France ;

- MM. Bruno Retailleau, Pierre Hérisson, Louis de Broissia et David Assouline membres de la commission du dividende numérique.

14

Application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens.

Suite de la discussion et adoption définitive d'un projet de loi

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens
Article unique (début)

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi autorisant la ratification de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Christian Gaudin.

M. Christian Gaudin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la Haute Assemblée est appelée à se prononcer aujourd'hui sur la ratification du protocole de Londres, question en débat depuis plus de sept ans.

Je le déclare sans ambages : je suis favorable à cette ratification, pour des raisons diplomatiques, linguistiques, mais aussi économiques.

Tout d'abord, il faut rappeler que ce protocole relève d'une initiative française : c'est la France qui a souhaité engager des négociations afin d'alléger le coût du brevet européen et a organisé la conférence intergouvernementale qui a débouché sur la signature de cet accord en juin 2001.

Alors que la position française est encore fragile sur la scène européenne, même si nous sommes incontestablement de retour depuis l'intervention de M. Sarkozy sur le traité simplifié, il me semble dangereux de jouer de cette crédibilité renaissante.

Pour l'Européen convaincu que je suis, cette considération seule emporte l'adhésion, d'autant que l'application du protocole est aujourd'hui bloquée par la France.

Son application est en effet subordonnée à la ratification de la France : si nous refusons aujourd'hui cet accord, il ne sera jamais appliqué, alors que onze pays l'ont ratifié à ce jour, notamment l'Allemagne et l'Angleterre, dont la ratification est également obligatoire.

J'en viens aux enjeux linguistiques. La ratification du protocole par la France confortera le statut du français en tant que langue officielle dans le système européen des brevets. En effet, le français restera, avec l'anglais et l'allemand, l'une des trois langues officielles de l'Office européen des brevets, qui continuera de traiter sur un pied d'égalité ces trois langues officielles.

De plus, avec le protocole de Londres, les brevets européens délivrés en français pourront prendre effet au Royaume-Uni et en Allemagne sans traduction des descriptions, ce qui n'est pas possible actuellement.

Ainsi, la ratification du protocole de Londres permettra aux entreprises françaises, notamment aux PME, de faire respecter leurs brevets européens rédigés en français au Royaume-Uni et en Allemagne, qui constituent des marchés européens importants, sans avoir besoin de traduire les annexes techniques en allemand ou en anglais.

En outre, il paraît difficile de craindre un appauvrissement significatif du français comme langue technique, dès lors que l'exigence de traduction des revendications demeure.

Enfin, si nous ne ratifions pas le protocole de Londres, il y a fort à craindre que la tentation serait grande, pour les pays qui l'ont déjà ratifié, de s'accorder entre eux sur un régime plus favorable à l'anglais.

Quant aux enjeux économiques, ils ne sont pas négligeables : le protocole de Londres permettra de réduire le coût de dépôt des brevets.

Le brevet européen est en effet trop cher, comparativement aux principaux partenaires commerciaux de l'Europe. Son coût est rédhibitoire pour de nombreux chercheurs, entreprises technologiques et PME, qui renoncent à protéger leurs inventions. Les PME-PMI représentent moins du quart des dépôts de brevets effectués en France par des entreprises françaises. Le brevet coûte en effet quatre à cinq fois plus cher qu'un brevet américain et trois fois plus cher qu'un brevet japonais.

La principale raison en est qu'il faut fournir des traductions dans toutes les langues des pays où la protection est revendiquée.

Les opposants à la ratification du protocole de Londres estiment que la renonciation à la traduction en français des descriptions des brevets délivrés en anglais ou en allemand restreindrait l'accès de nos entreprises à cette source de connaissances indispensables pour qu'une économie demeure innovante et concurrentielle.

Cet argument ne me paraît toutefois pas réellement pertinent.

En effet, la veille technologique intervient le plus en amont possible. Les entreprises innovantes et les organismes de recherche de tous les pays européens doivent donc, dès à présent, maîtriser les trois langues officielles de l'Office européen des brevets, et donc le français, pour assurer une veille technologique performante.

Par ailleurs, l'Institut national de la propriété industrielle assure une traduction en français du résumé de toutes les demandes de brevets européens publiés et qui désignent la France, soit près de 40 000 en 2007. Cet abrégé en français est fourni par l'INPI dans les trois mois suivant la publication de la demande.

Les entreprises, en particulier les PME, les centres de recherche et les laboratoires français sont ainsi mis en situation d'assurer une veille technologique performante directement en français, que la demande de brevet ait été effectuée en français ou dans l'une des deux autres langues officielles.

Enfin, dans le projet de loi de finances pour 2008 est presque doublée l'enveloppe dont bénéficieront les entreprises innovantes au titre du crédit d'impôt recherche. Elles auront ainsi mieux les moyens de faire face aux coûts de protection de la propriété industrielle.

Pour conclure, j'aborderai trois thématiques qui me tiennent à coeur.

Tout d'abord, il est nécessaire de développer une culture du brevet en France, à l'image de ce qui se pratique en Allemagne ou aux États-Unis.

À ce titre, je me réjouis des annonces de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la mise en place d'une formation de nos jeunes ingénieurs et de nos jeunes doctorants au dépôt de brevet.

En effet, jamais le dépôt de brevet n'a joué un rôle aussi stratégique dans la compétition économique internationale. En la matière, nous sommes en retard sur les États-Unis, où les brevets sont considérés moins comme des outils de recherche que comme des actifs de l'entreprise.

Notre pays est en déclin dans le paysage européen des brevets. Selon l'INPI, la France représente 18 % des dépenses de recherche et développement en Europe, mais 15 % seulement des dépôts de brevets, contre plus de 42 % pour l'Allemagne. Il est donc indispensable de développer rapidement et de façon systématique l'enseignement du droit de la propriété intellectuelle en France.

Il nous faut organiser et accompagner la dynamique de la propriété industrielle. La démarche de l'entrepreneur vers une culture du brevet favorise une attitude défensive contre les risques de la contrefaçon mais surtout l'entraîne dans un mouvement d'innovation et de création.

Le rôle entrepris par l'INPI, notamment auprès des plus petites de nos entreprises, doit être développé. Sa mission de proximité dans la veille et le prédiagnostic porte déjà ses fruits.

Ensuite, il convient de soutenir la recherche, car c'est une véritable priorité pour faire de notre économie une économie de la connaissance. L'attribution aujourd'hui même du prix Nobel de physique au chercheur Français Albert Fert, une première depuis dix ans, est une preuve éclatante de la vitalité de la recherche française.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. C'est vrai !

M. Christian Gaudin. Il est donc nécessaire d'encourager la recherche fondamentale, dont le prolongement naturel est l'innovation, puis la conception de nouveaux produits et, donc, la croissance.

Enfin, il faut profiter de l'occasion qui nous est offerte par cette ratification pour reprendre les négociations sur le brevet communautaire, en levant le blocage actuel sur les questions linguistiques et en s'appuyant notamment sur les trois langues officielles de l'Office européen des brevets.

Je souhaite que la France, lorsqu'elle présidera l'Union européenne au second semestre 2008, relance vigoureusement une telle initiative.

C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, au nom du groupe de l'Union centriste-UDF, je soutiens sans plus attendre la ratification du protocole de Londres. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous allons discuter - enfin, oserais-je dire ! - du projet de loi autorisant la ratification du protocole de Londres. Il s'agit de modifier le régime linguistique du brevet européen, afin d'en simplifier la délivrance et d'inciter ainsi nos entreprises à déposer davantage de brevets. Pour notre pays et pour l'Europe, les enjeux en matière de développement de la recherche, d'innovation et d'accroissement de la compétitivité sont considérables.

Vous l'aurez deviné, nous sommes là au coeur de la stratégie de Lisbonne. Je me réjouis des propos que vous avez tenus tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État, car il importe en effet, dans la perspective de la future présidence française de l'Union européenne, que notre pays donne une nouvelle impulsion à ce processus capital pour l'évolution de la technologie sur notre territoire.

Cet accord constitue également un enjeu important en matière de culture et de francophonie, puisqu'il confortera le statut international du français, celui-ci devenant la langue de l'innovation, comme l'a très clairement précisé Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche au début du débat.

Or, à ce jour et malgré l'importance de tous ces enjeux, ce texte, signé par la France en juin 2001, n'a toujours pas été ratifié par le Parlement français, alors même qu'il est le résultat d'une initiative française, laquelle a pour origine la tenue à Paris, en juin 1999, d'une conférence intergouvernementale des États membres de l'Organisation européenne des brevets. C'est paradoxalement dans notre pays que des prises de position très tranchées ont été exprimées, que les plus grandes réticences se sont fait jour et que les plus grandes batailles d'arguments linguistiques, juridiques, économiques ou scientifiques ont été menées sur les conséquences d'une telle ratification.

Au cours de ces dernières années, afin de mieux analyser les risques et les opportunités de cet accord et d'évaluer la portée des différents arguments, des débats et des travaux ont été menés, notamment au sein de la Haute Assemblée et, plus particulièrement, de sa délégation pour l'Union européenne. À chaque fois, la conclusion était la même : le protocole de Londres doit être ratifié et entrer, enfin, en vigueur.

Il semble que ce lourd et long préalable, sans épuiser la question, a eu l'avantage d'éclairer la représentation nationale et le Gouvernement sur le sujet, puisque nous sommes enfin saisis d'un projet de loi de ratification.

Sans revenir en détail sur l'accord de Londres, remarquablement présenté par M. le rapporteur et par MM. les rapporteurs pour avis, je souhaite, au nom du groupe UMP, préciser quelques points qui me paraissent importants.

À ce jour, treize États membres de l'Organisation européenne des brevets sont parties à l'accord, et neuf d'entre eux ont achevé leur procédure d'adhésion ou de ratification. Or, l'article 6 du protocole soumet son entrée en vigueur à la ratification par au moins huit États membres, dont les trois pays dans lesquels le plus grand nombre de brevets européens a pris effet en 1999, à savoir l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France. En conséquence, notre pays dispose d'un pouvoir de blocage et l'entrée en vigueur du protocole de Londres est actuellement suspendue à sa ratification par la France.

Je le rappelle, l'accord vise à amender l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens, signée en 1973. Il permet d'éviter, dans une très large mesure, la traduction de la « description », c'est-à-dire la partie technique du brevet, qui représente en moyenne dix-sept pages sur un total de vingt. C'est déjà le choix qu'avaient fait les États membres de l'Union européenne dans le cadre des négociations sur le brevet communautaire.

En revanche, la partie juridique du brevet, les fameuses « revendications », qui définit la portée du monopole d'exploitation, doit toujours être traduite en français, ainsi qu'en anglais et en allemand. Il s'agit d'une obligation découlant de l'article 14 de la convention de 1973, qui, précisément, reste inchangé.

Autrement dit, la partie essentielle du brevet, qui est aussi la seule à être entièrement rédigée, sera toujours systématiquement disponible en français. Il n'y a aucun doute à avoir sur ce point. Le français, avec l'allemand et l'anglais, devient ainsi l'une des trois seules langues dans lesquelles les innovations seront désormais revendiquées en Europe.

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. Eh oui !

M. Jean Bizet. Je le souligne dès à présent, il n'est donc pas exact de prétendre que le protocole de Londres signe la mort de la langue française. C'est même tout le contraire, dans la mesure où il en fait l'une des trois langues de l'innovation en Europe.

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. Exactement !

M. Jean Bizet. Ensuite, il convient de préciser les points qui, à notre avis, rendent nécessaire la ratification du protocole de Londres.

Premier point, cet accord consacre le français, à parité avec l'allemand et l'anglais, comme l'une des trois langues officielles de l'Office européen des brevets, qui réunit aujourd'hui trente-deux États et examine plus de 200 000 demandes par an. Le statut de la langue française y est très envié par nos partenaires, notamment espagnols et italiens, lesquels contestent ce fonctionnement uniquement trilingue de l'Europe des brevets.

Il y a là un enjeu essentiel pour le statut scientifique du français, car, concrètement, cela signifie que le dépôt de brevets en langue française suffit à conférer un titre de propriété sur la majeure partie du marché européen. C'est pourquoi il est vital, pour l'avenir de la francophonie, que cet accord soit ratifié, et vite. D'ailleurs, il est frappant de constater que nos amis francophones d'Afrique subsaharienne et du Maghreb plaident majoritairement pour la ratification (M. Jacques Legendre est dubitatif), car eux-mêmes souhaitent pouvoir bénéficier de la protection de brevets déposés en langue française.

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. Absolument !

M. Jean Bizet. Le deuxième point porte sur la place de nos chercheurs et de nos entreprises sur le marché européen des brevets. Hélas ! le constat actuel est peu satisfaisant, puisque les statistiques indiquent que la langue de dépôt est l'anglais dans 70 % des cas, l'allemand dans 25 % des cas et le français dans à peine 5 % des cas. Protocole de Londres ou pas, cela fait bien longtemps que nos entreprises et nos chercheurs sont obligés de suivre les dépôts de brevets en anglais et en allemand. Prétendre le contraire relève tout simplement d'une méconnaissance inquiétante des réalités scientifiques et économiques de notre pays.

Il faut donc tout faire pour accroître la proportion des brevets déposés en langue française. L'un des freins majeurs concerne le coût du dépôt d'un brevet pour les petites et moyennes entreprises. La simplification du brevet européen, en diminuant le nombre de traductions obligatoires, réduira les coûts de 30 % à 40 %, ce qui constituera un stimulant puissant pour l'innovation et la recherche. Il y a d'ailleurs à ce sujet un très large consensus dans la communauté scientifique et chez les acteurs économiques. Les premiers bénéficiaires en seront les petites entreprises, puisque le simple fait de déposer un brevet en langue française leur garantira la protection de leurs inventions sur le marché européen.

Le troisième point est d'ordre juridique : il n'existe aucune ambiguïté sur la conformité du protocole de Londres à notre Constitution, depuis la décision rendue en ce sens par le Conseil constitutionnel le 28 septembre 2006. Pour tous les brevets déposés en Europe, la partie dénommée « revendications », qui définit le champ de la propriété industrielle, sera obligatoirement traduite en français, ce qui garantit la possibilité pour nos entreprises de se tenir au courant des innovations de leurs concurrents. En cas de litige, la traduction de l'intégralité du brevet restera obligatoire devant le juge français.

Par ailleurs, la simplification du brevet européen ne constitue à nos yeux qu'une première étape. L'entrée en vigueur du protocole de Londres doit s'inscrire dans le cadre d'une politique ambitieuse de soutien à la recherche et à l'innovation, dans le prolongement des mesures déjà prises, telles que le crédit d'impôt recherche ou la gratuité du premier brevet. Il est plus que jamais indispensable de développer en France une culture de la propriété industrielle, car nos entreprises investissent moins que leurs concurrentes étrangères en matière de recherche et développement, comme l'a clairement rappelé Mme Pécresse tout à l'heure. Ne l'oublions jamais, le dépôt et l'exploitation d'un brevet par une PME se traduisent, dans les cinq ans, par une augmentation très forte du chiffre d'affaires et par la création de nombreux emplois.

Enfin, dernier point sur lequel je souhaite insister, le brevet communautaire, comme M. le rapporteur l'a rappelé, est une question essentielle. À nos yeux, en effet, la ratification par la France de l'accord de Londres ne doit pas entraîner le blocage durable, voire l'abandon du brevet communautaire, ces deux types de brevets étant complémentaires.

Nos partenaires ayant eu satisfaction sur le brevet européen, il est aisé d'imaginer qu'ils ne soient plus guère incités à accepter des compromis sur le dossier du brevet communautaire. Dès lors, si nous préconisons la ratification de l'accord de Londres, nous estimons qu'elle doit avoir comme corollaire complémentaire et inséparable le déblocage du brevet communautaire. Sur ce point précis, monsieur le secrétaire d'État, nous comptons énormément sur votre action.

Il ne faut en aucun cas opposer brevet européen et brevet communautaire. Je le répète, ils sont en réalité complémentaires, dans la mesure où ils répondent à des besoins différents. Certaines entreprises ont besoin d'une protection couvrant l'ensemble du territoire de l'Union européenne : elles choisiront alors en priorité le brevet communautaire, qui constitue un instrument unitaire garantissant une protection identique dans l'ensemble de l'Union. D'autres n'ont besoin de se protéger que dans quelques États seulement : elles choisiront alors le brevet européen, qui permet de ne désigner qu'un nombre réduit d'États.

En tout état de cause, il convient d'organiser la coexistence des deux systèmes de brevets en Europe. À cette fin, nous demandons au Gouvernement, à l'appui des arguments qui ont été développés, notamment par M. Haenel, de trouver la manière la plus efficace de relancer le brevet communautaire, afin d'imbriquer les deux systèmes. Un compromis est possible et, selon nous, souhaitable, la France étant en position de force avec la présente ratification.

Vous l'avez compris, mes chers collègues, le groupe UMP, dans sa très grande majorité, votera avec enthousiasme en faveur du projet de loi autorisant la ratification du protocole de Londres, tout en soulignant l'importance des recommandations que je viens de présenter concernant le brevet communautaire. Cela permettra à la France, comme l'a si bien souligné Mme la ministre tout à l'heure, de continuer à faire entendre sa voix, c'est-à-dire la voix de ses chercheurs et de ses entreprises. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Hubert Haenel, rapporteur. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Legendre.

M. Jacques Legendre. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il en fallait, enfin, un !

M. Hubert Haenel, rapporteur. Et ce fut celui-là ! (Sourires.)

M. Jacques Legendre. Jusqu'à présent, nous avons entendu trois membres du Gouvernement puis cinq de nos collègues souligner, avec enthousiasme, la nécessité d'accepter l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens, dit « protocole de Londres ». Alors qu'il était dit que cette question faisait débat, nous n'entendons qu'un seul camp s'exprimer. Voilà qui est étrange !

M. Ivan Renar. Il n'y a qu'un seul son de cloche !

M. Jacques Legendre. Je vais donc m'efforcer de corriger un tant soit peu cette impression, en étant celui qui n'est toujours pas d'accord, même si, je dois l'avouer, j'ai fait du chemin pour en arriver là.

Puisque Mme la ministre a déclaré vouloir s'exprimer avec franchise, je ferai de même. Au départ, en effet, j'ai plutôt vu d'un bon oeil ce projet : qui peut donc s'opposer à l'idée de favoriser le dépôt de brevets par les entreprises françaises ? Nous sommes tous désireux de voir nos entreprises faire preuve d'innovation et de dynamisme, tout en assurant leur protection non seulement sur notre territoire, mais également dans les autres pays européens.

Chacun connaît mon engagement dans le domaine de la francophonie. Toutefois, je n'ai jamais pensé que celui-ci devait se concrétiser par le fait d'imposer la traduction en français ou l'utilisation de notre langue dans des situations où cela ne correspond à rien. C'est une simple question de bon sens !

J'ai donc examiné attentivement le projet qui nous était proposé, lequel est un peu compliqué pour qui n'est pas de la partie - il y est notamment question de préconisations et de revendications. Je ne m'étendrai pas trop sur la question, d'autant que, fait assez étrange, ceux qui ont pris la parole depuis le début de notre débat ont présenté les arguments en faveur du projet de loi, mais ont voulu aussi, notamment M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles dans son excellente intervention, faire entendre la parole de ceux qui étaient réputés se poser des questions ou s'opposer au texte. (M. Ivan Renar s'exclame.) Cela m'évite donc une partie du travail.

J'ai le sentiment qu'il n'y a pas lieu de marquer autant d'enthousiasme qu'on a bien voulu le dire.

Certaines entreprises, surtout les grandes, trouveront un avantage à la nouvelle situation. Pour d'autres, le bilan sera plus nuancé. Mais lorsqu'on réfléchit en termes d'intelligence économique et que l'on évalue ce qui risque de se passer ailleurs, je ne suis pas certain que nous ayons fait de grands progrès dans ce domaine.

N'oublions pas que la principale puissance économique qui invente, dépose des brevets, et qui souhaite ensuite breveter ses inventions dans notre pays, se trouve à l'extérieur de l'Europe. Le problème, qui n'est pas totalement traité dans notre débat d'aujourd'hui, consiste donc à protéger notre territoire ainsi que les autres pays européens du dépôt en grappes de toute une série de brevets, essentiellement par les États-Unis, voire par le Japon.

Sans vouloir m'étendre sur ce sujet, je veux bien admettre que certains arguments économiques plaident en faveur de l'adoption du protocole de Londres. Bien évidemment, il ne m'est jamais venu à l'esprit que ceux qui le préconisent voulaient desservir les intérêts de leur pays. Mais le problème doit être quelque peu nuancé.

Par ailleurs, je ne suis pas persuadé que l'adoption du brevet européen fera avancer le brevet communautaire.

Avec le brevet européen, il me semble que nos partenaires ont obtenu l'essentiel de ce qu'ils souhaitaient. J'ai l'impression, en revanche, que le brevet communautaire, qui représente la bonne solution et sur lequel on travaille depuis trente ans, risque de s'arrêter en route, une grande part du chemin ayant été faite dans le sens souhaité par nos partenaires. J'espère me tromper !

D'ailleurs, un de nos anciens collègues, Maurice Ulrich, qui est également, même si on le sait moins, le spécialiste du brevet communautaire, dont il a suivi les négociations pendant de nombreuses années, partageait cette impression. S'interrogeant sur la question qui nous occupe aujourd'hui, il écrivait au rapporteur du texte à l'Assemblée nationale : « la traduction est évaluée à 4 000 ou 5 000 euros sur un total de 20 000 euros pour l'obtention d'un brevet. À qui fera-t-on croire que ce coût est tel qu'il décourage nos chercheurs et nos entreprises, qu'il est responsable de nos carences en ce qui concerne le dépôt de brevet ? On comprend la volonté du Gouvernement d'aider les PME innovantes, mais cela ne pourrait-il pas se faire sans risque pour notre langue en déclarant éligible à la prime de recherche les dépenses d'obtention du brevet ? ». Ce jugement vaut ce qu'il vaut !

J'en viens à la deuxième partie de la question, sur laquelle je suis plus à même de défendre une opinion forte, et qui concerne les conséquences pour notre langue d'un tel accord.

Soyons clair : pas plus que d'autres, je n'éprouve de plaisir à lire des revendications de brevets. Il est évident que la langue française ne saurait se réduire à ce type d'usage. Mais ce qui fait la modernité de l'usage de la langue française, c'est ce qui lui garantit un avenir au xxie siècle.

Quelle est la raison de l'angoisse et de la passion exprimées par un certain nombre d'entre nous ? Il ne s'agit pas de livrer une bataille, autour du brevet, au nom de tel lobby contre tel autre. Nous disons simplement que lorsqu'une langue, qui a bénéficié pendant longtemps d'un rayonnement international, cesse d'être la langue qui prévaut dans les domaines de la science et de l'économie, elle cessera progressivement d'être la langue usuelle - et c'est déjà le cas - dans les domaines des brevets, des transports, bref dans nombre des activités qui représentent la modernité et le xxie siècle.

Si nous ne prenons pas garde à l'évolution en cours, le français, comme de nombreuses autres langues, risque de se réduire à une forme de provincialisme, se bornant à être la langue que l'on parle dans l'intimité familiale et, je n'en doute pas, la langue du coeur. Il cessera, en revanche, d'être une langue internationale.

Je vais prendre un exemple, presque caricatural, afin d'illustrer mon propos.

Voilà quelques mois, je m'étais réjoui de la création de l'École d'économie de Paris, que je considérais comme une excellente initiative. Vous voyez que je peux faire preuve d'ouverture d'esprit ! J'avais cependant été quelque peu alerté par le fait que cette école se fasse également appeler Paris School of Economics. J'avais alors demandé à M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie quelle action il envisageait pour éviter qu'une telle école, ayant vocation à enseigner une discipline aussi importante, et dont le nom, qui plus est, contient le mot « Paris », ne soit bientôt connue que sous la traduction anglaise de son nom. Sa réponse fut la suivante : « La discipline, même si l'on peut le déplorer, est très largement dominée par l'anglais, langue véhiculaire, désormais incontestée dans le domaine des sciences économiques. »

Il m'avait également été assuré qu'on allait essayer de contrebalancer l'hégémonie anglo-saxonne en dispensant des formations et en organisant des séminaires où l'approche française serait très largement mise en avant. Il fallait comprendre par là que cette approche serait mise en avant en anglais !

Croyez-vous que ce soit la manifestation d'une langue particulièrement vivante, que l'on va continuer à parler et à apprendre à l'extérieur de notre pays ?

J'ai été quelque peu étonné, tout à l'heure, lorsqu'un des orateurs a évoqué la position, sur le sujet, de nos amis d'Afrique subsaharienne.

Pour ma part, j'ai reçu un choc, cet été, à l'occasion de l'Assemblée parlementaire de la francophonie, dont les travaux se déroulaient au coeur de l'Afrique, lorsqu'un haut personnage d'un pays d'Afrique francophone m'a dit, dans le meilleur français qui soit : « Vous savez, monsieur, j'ai été formé à Paris. Nous sommes heureux de vous recevoir, mais ne vous faites pas d'illusion : dans vingt ans, ce n'est plus le français que l'on enseignera chez nous, mais l'anglais. »

Quelle est la cause de cette évolution ? La raison en est simple. Il y a cinquante ans, ces pays ont fait le choix de notre langue afin d'accéder à la modernité. Or si notre langue ne permet plus d'accéder à la modernité dans son entier, nous cesserons d'attirer ces pays, qui feront l'économie du français et passeront directement à l'anglais. Ce jour-là, mes chers collègues, nous aurons beaucoup perdu !

Je saisis l'occasion de ce débat pour évoquer un autre point.

Je suis quelque peu irrité, je l'avoue, lorsque j'entends certains dire que c'est un grand jour pour la francophonie. Certes, nous éprouvons une satisfaction de façade, car le français est consacré en tant que langue officielle de l'Office européen des brevets, au même titre que l'anglais et l'allemand. Mais cette égalité est très inégale, la plus grande part linguistique étant tenue par l'anglais, une part moindre par l'allemand, le français ne représentant qu'un « zeste » dans cet ensemble. Il n'y a pas lieu de chanter cocorico.

Mais le danger qui m'inquiète le plus, c'est que, pour la première fois, nous renonçons à notre ligne de conduite permanente, inscrite à l'article 2 de la Constitution : « La langue de la République est le français. » Même si le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État ont considéré que cette évolution n'était en rien inconstitutionnelle, cela signifie que nous acceptons, pour la première fois, que des textes non rédigés en français puissent avoir une portée juridique sur notre sol.

Cette évolution explique aussi l'inquiétude de certains milieux professionnels qui ne sont pas fermés aux problèmes économiques, comme le Conseil national des barreaux. Les avocats savent bien, en effet, que la langue anglaise avance en liaison étroite avec la common law, tandis que la langue française est étroitement liée au droit de tradition européenne, latine et germanique. Cette concession à la langue anglaise est tout de même particulièrement inquiétante et peut clairement être analysée comme un recul par rapport à notre position constante.

En conclusion, mes chers collègues, nous devons mesurer la gravité de ce que nous faisons aujourd'hui. Le fait de ne pas entériner cet accord présenterait certes quelques désavantages et poserait des petits problèmes diplomatiques, mais le protocole de Londres contient l'acceptation d'un recul de notre langue, que nous risquons de payer.

J'ai à l'esprit cette phrase d'un grand Français, Georges Pompidou, Président de la République et modernisateur de notre pays, homme sensible aux problèmes économiques, qu'il connaissait bien, mais également homme de culture : « Si nous reculons sur notre langue, nous serons emportés purement et simplement. »

Je crains, monsieur le secrétaire, que le texte que l'on nous propose aujourd'hui de voter ne constitue un véritable recul. Pour ma part, je ne l'accepterai pas et j'invite ceux qui sont conscients de cette situation à faire en sorte que le Sénat ne s'associe pas à ce recul. (M. Jean-René Lecerf applaudit. -Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le débat sur la question que nous examinons aujourd'hui est passionné depuis de nombreuses années. C'est en effet en 1999 que Christian Pierret, alors secrétaire d'État à l'industrie, a pris l'initiative de convoquer, à Paris, la conférence intergouvernementale qui fut à l'origine du protocole de Londres.

Vous permettrez au dixième orateur, seul socialiste inscrit dans la discussion générale, d'exprimer le point de vue du groupe socialiste du Sénat. Je rappelle d'ailleurs que nous avions déjà déposé, en décembre 2006, une proposition de loi de ratification du protocole de Londres, qui, malheureusement, n'avait pas abouti.

Le point le plus marquant de ce débat concerne la place de la langue française. Des divers aspects du texte, dont je dirai un mot ultérieurement, c'est celui qui provoque, légitimement, le plus de doutes et d'hésitations.

De nombreux arguments ont été avancés. Pour ma part, j'en développerai deux, sous un angle nouveau.

Comme cela a été dit, l'accord de Londres confirme - on dit aujourd'hui : « grave dans le marbre », formulation sans doute un peu lourde - la place du français en le consacrant comme l'une des trois langues de l'Office européen des brevets, et donc du système européen des brevets. Or cette disposition n'est pas nouvelle puisqu'elle date de 1973.

Corollaire, sur lequel j'attire votre attention, le système européen des brevets - voire le système communautaire des brevets, si on élargit un peu la perspective - n'acceptera pas d'autres langues que ces trois langues officielles.

À cet égard, je pense à la revendication légitime exprimée par nos amis espagnols et portugais, qui possèdent, eux aussi, des langues internationales, et aux Italiens, dont l'industrie nationale est forte, qui demandent tous pour quelle raison ils ne font pas partie du scénario. C'est là que réside, au fond, l'une des causes fondamentales des difficultés rencontrées par le brevet communautaire.

Avec le protocole de Londres, nous répondons aux revendications émanant des pays qui veulent faire reconnaître leur langue. On peut, bien sûr, imaginer un système communautaire des brevets comprenant vingt-deux langues, ce qui supposerait que l'on dépose un brevet dans une langue, puis que l'on traduise le texte dans les vingt et une autre langues. Mais si on procède ainsi, le système est mort.

On a dit aussi que l'accord de Londres représentait un avantage pour les déposants français puisque leur brevet serait valable dans tous les autres États l'ayant ratifié. D'ailleurs, les États qui ne le ratifieront pas se poseront très rapidement des questions.

En effet, le déposant consultera la liste des États qui auront ratifié l'accord de Londres et pour lesquels une langue suffira, alors que les États qui ne l'auront pas ratifié exigeront toujours une traduction de l'intégralité du brevet dans leur langue officielle. Croyez-vous qu'un déposant fera traduire son brevet dans la langue officielle de pays comme la Lituanie ou la Grèce, sauf si le marché de ces pays présente un intérêt fort pour lui ?

Les États qui n'auront pas ratifié l'accord de Londres vont donc se trouver « en dérivation » du système européen de brevets. Ils recevront de moins en moins de demandes de dépôt de brevet, ce qui est déjà inquiétant mais, en outre, ils ne percevront plus les taxes annuelles, qui représentent la recette principale des offices de brevets. Ils y réfléchiront donc à deux fois, croyez-moi !

Pour répondre à notre collègue Legendre, je me considère aussi comme un bon Français et je suis également convaincu que nous devons défendre notre langue - tout en pratiquant les autres, d'ailleurs. Je tiens seulement à rappeler le fond du problème : les traductions de brevets sont inutiles et inutilisées.

Elles sont inutiles parce qu'elles arrivent trop tard, près de cinq ans après le dépôt de la demande : dans la plupart des domaines, cette période correspond à un cycle technologique complet. Par conséquent, l'accès au contenu technique du brevet n'apporte plus rien aux tiers qui en ont eu connaissance dès le dépôt de la demande.

Ces traductions sont également inutiles en raison de leur mauvaise qualité qui les rend inexploitables, notre collègue Jean-Léonce Dupont l'a montré. Soit la traduction n'a pas été réalisée par des professionnels, parce qu'elle est souvent sous-traitée à des doctorants ou à des étudiants rémunérés au lance-pierres - il faut le reconnaître -, soit les revendications elles-mêmes sont rédigées de manière incompréhensible par le déposant. Vous connaissez la fameuse boutade d'Alan Greenspan : « Si vous m'avez compris, c'est que je me suis mal exprimé ! » (Sourires.) Il en va de même en matière de revendication de brevet, parce que les déposants ne veulent pas que leurs concurrents puissent deviner les procédés mis en oeuvre. La traduction devient alors un exercice compliqué.

Pour toutes ces raisons, les traductions ne sont pas utilisées. Des statistiques réalisées dans la plupart des pays établissent que moins de 1 % des traductions de brevets sont consultées. Ce n'est pas défendre efficacement la langue française que d'entasser dans les sous-sols de l'INPI des tonnes de papier que personne ne lira.

C'est plutôt un faux-fuyant qui ne réglera pas le vrai problème de l'insuffisance des dépôts de brevets en France. Je citerai trois chiffres : l'Allemagne enregistre 50 000 demandes de dépôt de brevet par an, le Royaume-Uni de 25 000 à 30 000, la France 17 000, soit un tiers des demandes de dépôt de l'Allemagne. Telles sont les statistiques enregistrées depuis trente ans que le brevet européen existe.

Les obstacles que nous rencontrons tiennent à la formation, à la culture nationale et à la structure des PME - je ne développerai pas tous ces aspects. L'innovation technologique souffre d'un lourd handicap en France et je n'hésite pas à interpeller le Gouvernement sur ce point, même s'il n'est pas au coeur de notre débat : nous devons renforcer notre politique d'innovation, de recherche et développement en faveur des PME par des mesures fiscales incitatives et par une meilleure formation dans les écoles d'ingénieurs et les universités.

Il faut développer un substrat qui encourage les PME françaises à déposer plus de brevets et nous permette de passer de 17 000 à 25 000 ou 30 000 demandes de brevets par an. Le génie français n'est pas inférieur au génie allemand en matière de technologie, seule notre culture est déficiente sur ce point. Nous avons également besoin d'une politique plus volontariste en matière d'information scientifique et technique, où l'anglais est devenu prépondérant, ce qui pose un vrai problème.

La ratification de l'accord de Londres suppose évidemment des mesures d'accompagnement, cela a été souligné. J'en proposerai quatre.

En premier lieu, le ministère de l'industrie doit faire en sorte que les abrégés soient traduits et mis à disposition le plus rapidement possible - je crois que Jean-Léonce Dupont l'a également demandé. L'abrégé permet déjà une connaissance du contenu du brevet.

En deuxième lieu, les revendications doivent être traduites et publiées au moment du dépôt du brevet. La difficulté que nous rencontrons aujourd'hui tient à une traduction trop tardive des revendications, cinq ans après la publication du brevet. Les traduire et les publier dans un délai de neuf à dix-huit mois rendrait un service important aux PME en particulier, qui y auraient accès plus rapidement.

En troisième lieu, il faut répondre aux inquiétudes de la profession des traducteurs qui est touchée par l'accord de Londres, même s'il est difficile d'estimer dans quelle mesure. En effet, selon les estimations, 200 à 300 traducteurs vivraient des demandes de brevet ; ces chiffres sont sujets à caution car la profession est relativement divisée. Nous devons répondre à cette préoccupation et le groupe socialiste demande que le ministère de l'industrie organise une table ronde avec la profession sur les points que je viens d'indiquer et sur d'autres, comme le développement de la veille technologique. Accompagnons les traducteurs dans la modernisation de leur profession ! Quand le système européen des brevets est entré en vigueur, les conseils en brevet français ont exprimé la crainte d'être débordés par leurs concurrents anglais ou allemands. Cela ne s'est pas produit car les Français ont su structurer et développer une nouvelle profession de conseil en brevet de dimension européenne. C'est tout aussi jouable dans le cas des traducteurs.

En dernier lieu, nous devons demander à l'Office européen des brevets et à la Commission européenne d'accorder le libre accès aux bases de données de terminologie qu'ils construisent, au fur et à mesure des traductions de brevets, dans tous les domaines de la science et de la technique.

J'évoquerai brièvement la question du coût des traductions : pour le système européen des brevets, il s'élève approximativement à 700 millions d'euros. C'est une sorte d'impôt que l'Europe prélève sur ses entreprises innovantes car cet argent n'est pas utilisé intelligemment. Les entreprises américaines ou japonaises ne supportent pas un tel prélèvement : cela mérite réflexion.

Par ailleurs, le coût de la traduction d'un brevet moyen, selon l'expression consacrée, s'élève à 7 000 euros. Une PME innovante dépose de cinq à dix brevets par an. La traduction de dix brevets coûte en moyenne 70 000 euros, somme non négligeable. Il faut trouver un moyen d'aider ces PME innovantes qui veulent et peuvent exporter car une PME qui détient des brevets a plus de chances de remporter des succès à l'exportation.

On nous objecte que l'accord de Londres va faciliter l'invasion des brevets américains et japonais. Cette conception me semble dépassée : un meilleur accès à l'innovation technologique en France et en Europe ne peut qu'être positif car il est gage d'investissements et d'emplois futurs. Ou alors, il faudrait élever autour de l'Europe une barrière protectrice contre les technologies américaine et japonaise. Poussé à son terme, ce raisonnement devient donc intenable.

Enfin, j'évoquerai les relations entre l'accord de Londres, le brevet communautaire et les problèmes de juridiction, questions sur lesquelles beaucoup a déjà été dit.

Le brevet européen a rencontré un immense succès : on compte 200 000 dépôts de brevets par an, 6 000 à 7 000 agents travaillent à l'Office européen des brevets, dont 1 500 Français qui défendent la langue française - ne donnons pas systématiquement dans la morosité ! Ce brevet voit sa qualité mondialement reconnue et il a servi de modèle à l'harmonisation du droit des brevets, non seulement en Europe mais dans le reste du monde. Tous les pays copient le système européen des brevets.

Mais le brevet européen n'a pas évolué depuis sa création en 1973, date à laquelle les « pères fondateurs » ont rédigé la convention de Munich. Il se heurte à deux écueils : le coût du système et le problème des juridictions.

J'ai déjà évoqué la question du coût des traductions, l'accord de Londres cherche à y répondre. Le système européen des brevets génère un autre type de coût, les taxes annuelles, qui représentent plus de 1 milliard d'euros payés par l'industrie pour faire vivre les brevets pendant leur vie de vingt ans. Un débat doit être ouvert pour envisager si l'on ne peut pas réduire cette somme ou mieux l'utiliser.

Quant au problème des juridictions, le brevet communautaire y apporte une réponse, plusieurs d'entre vous l'ont dit. Mais la convention de Luxembourg de 1975, sur laquelle il repose, n'est jamais entrée en vigueur parce qu'elle bute notamment sur le problème des langues. En effet, des États comme l'Espagne, le Portugal, et d'autres, veulent que leur langue officielle soit reconnue. L'accord de Londres permet de contourner cette difficulté en posant les bases d'un système communautaire ainsi que, je l'espère, d'un système juridictionnel satisfaisant. Il jetterait en quelque sorte un pont entre le brevet européen et le brevet communautaire.

L'accord de Londres constitue peut-être même un exemple pédagogique, en ce sens qu'on pourrait imaginer un brevet communautaire conçu selon le même modèle, c'est-à-dire ouvert aux seuls États l'ayant accepté, les autres conservant le brevet européen. Il peut paraître étrange de préconiser un brevet communautaire qui ne serait pas vraiment unitaire, mais ce serait une façon d'avancer dans la bonne direction.

Aux yeux du groupe socialiste, l'accord de Londres représente donc une occasion unique, en termes d'investissements, d'emploi, de recherche et développement, domaines importants pour l'avenir de notre pays. Il répond au risque du « tout-anglais » et affirme la place du français, représentant ainsi une réelle avancée. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera le projet de loi autorisant la ratification de l'accord de Londres. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur plusieurs travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, après Mme la ministre et M. Christian Gaudin, je veux à mon tour évoquer cette façon positive de contribuer à la construction de l'Europe que constituent les travaux des deux physiciens qui viennent d'être couronnés par le prix Nobel, le Français Albert Fert et l'Allemand Peter Grünberg, dont les recherches sur la miniaturisation des disques durs ont bouleversé l'industrie de l'information.

Voilà un sujet qui peut nous rassembler...

M. Hubert Haenel, rapporteur. Cela arrive parfois !

M. Ivan Renar. ...avant que ne nous divise peut-être tout à l'heure le vote sur le projet de loi qui nous est soumis, ce qui me conduit à entrer dans le vif du sujet.

Je tiens d'abord à dire que j'ai apprécié les rapports de MM. Haenel, Dupont et Grignon : je les rejoins sur nombre d'éléments, même si je ne partage pas leurs conclusions.

Comme Mme Pécresse, M. Novelli et M. Jouyet - qui est bien seul ce soir ! -, nos rapporteurs nous vantent, en effet, les bienfaits du « protocole de Londres ». Mais, si ses bienfaits sont avérés, pourquoi avoir attendu sept ans avant de proposer leur ratification ?

Pourtant, les enjeux scientifiques, technologiques et industriels sont énormes, et les enjeux culturels, linguistiques et politiques le sont également !

Le protocole de Londres vise à alléger les obligations de traduction dans le système du brevet européen en levant l'obligation de traduire intégralement en français les brevets d'invention déposés sur notre territoire. Comment imaginer que la levée de cette obligation renforcerait le rôle et la place du français, qui, certes, resterait langue officielle du régime des brevets en Europe, mais au prix du sacrifice de son usage ?

En effet, le protocole de Londres prévoit de limiter cette traduction aux seules revendications ; rassurez-vous, chers collègues de la majorité, il s'agit non pas des revendications des syndicats, mais de la partie où le déposant délimite l'étendue de la protection qu'il demande ! (Sourires.)

Il aurait donc pour conséquence de supprimer la traduction en français de la partie descriptive des brevets européens, qui est pourtant essentielle à leur compréhension. La description est, en effet, tout aussi importante que les revendications, puisqu'elle constitue la contrepartie de l'exclusivité d'exploitation conférée par le brevet.

Le Gouvernement ne me semble pas prendre la mesure de l'importance du brevet dans la compétition économique de notre temps, dans la continuité, hélas ! d'une longue tradition française d'incompréhension à la fois des problèmes des PME et des questions relatives aux brevets d'invention.

Quant aux pays signataires du protocole dont la langue n'est ni l'allemand, ni l'anglais, ni le français, ils devront choisir l'une des trois pour les dépôts de brevet, mais, du fait de la fréquence des dépôts concomitants aux États-Unis et en Asie, l'anglais sera à l'évidence plébiscité, ce qui renforcera encore son hégémonie.

Alors que c'est la France des Lumières qui a jeté les fondements de la propriété intellectuelle, on s'apprête donc à marginaliser notre propre langue au nom de la compétitivité de l'Europe, au risque que celle-ci ne perde un peu plus son âme en s'adonnant au « tout anglais » et en renonçant au plurilinguisme qui fait sa richesse et son originalité.

Quant aux économies recherchées, elles ne seront pas même au rendez-vous, car cet accord conduira, au contraire, à un coût supplémentaire pour les PME-PMI. En effet, 93 % des brevets européens sont déposés en allemand ou en anglais et n'auront plus à être traduits en français. Par conséquent, les PME devront multiplier les traductions indispensables non seulement pour comprendre ce que font leurs concurrents, mais aussi pour se prémunir de l'insécurité juridique.

À ce dernier égard, l'enjeu que représente la traduction des brevets européens ne peut être dissocié du débat sur la transposition de la directive relative au respect des droits de propriété intellectuelle, dite directive anti-contrefaçon, qui a actuellement lieu dans le cadre du projet de loi de lutte contre la contrefaçon. Il est, en effet, manifeste qu'il faut connaître et comprendre les brevets des concurrents, donc les descriptions, pour ne pas encourir le risque d'être accusé de contrefaçon.

La situation ainsi créée va rendre la politique d'innovation plus onéreuse pour les PME, puisqu'elles devront de façon croissante traduire en français les brevets de source étrangère qui étaient jusque-là disponibles dans notre langue aux frais des déposants étrangers.

Les grands groupes n'auront pas ces difficultés, car ils ont les moyens de disposer en interne de services « brevets anglophones » et de pratiquer une veille technologique en anglais, ce qui n'est pas le cas d'un grand nombre de petites entreprises innovantes.

L'accès à une information technique complète et fiable est pourtant fondamental.

Nous avons appris par la presse que les nombreux cas de sur-irradiation survenus à l'hôpital d'Épinal étaient notamment dus au défaut de compréhension d'un logiciel anglais non traduit. La traduction n'est donc pas une question anodine puisqu'elle peut, toute proportion et raison gardées, nuire dans certains cas à la santé, voire entraîner la mort.

C'est donc une question non seulement de sécurité, mais aussi de bonnes conditions de travail, puisque la langue nationale est bien le premier outil de travail et devrait le rester !

Les seuls gagnants seront, par conséquent, les grands groupes économiques et financiers, qui déposent en masse des milliers de brevets, mais les gains qu'ils réaliseront se feront au détriment des PME-PMI qui devront traduire ces milliers de brevets à leur place et, de surcroît, chacune de leur côté. Ajoutons qu'il faudra continuer à traduire dans les langues des États n'ayant pas adhéré à l'accord !

De plus, en cas de litige, le déposant se verrait contraint de financer la traduction de la description de l'invention dans la langue de la juridiction nationale saisie.

Le texte est donc injuste et contreproductif, et la question de la traduction apparaît comme un prétexte qui ne résout en rien les problèmes de fond.

On le constate, ratifier le protocole de Londres, c'est apporter une réponse inefficace à un réel problème : les entreprises françaises ne déposent pas assez de brevets. Si l'on veut augmenter le nombre de brevets européens d'origine française, il est avant tout indispensable : premièrement, de former les petites et moyennes entreprises aux enjeux et atouts de la propriété industrielle pour la conquête des marchés ; deuxièmement, de favoriser une culture de l'action commerciale aujourd'hui insuffisante ; troisièmement, de s'engager plus résolument dans la recherche-développement.

Ainsi est-il indispensable d'investir massivement dans l'appareil de recherche publique, en renforçant significativement ses moyens humains et financiers, tout en renforçant le soutien de l'État aux entreprises et prioritairement aux PME engagées dans la recherche-développement. Répondre à la faiblesse de la recherche dans le secteur privé permettrait de remédier à l'insuffisance du nombre de brevets français.

C'est en intervenant dans ces domaines stratégiques que la part des brevets déposés en français pourra dépasser le modeste seuil actuel de 7%.

Pour autant, dans un contexte de montée en puissance de l'« économie de l'immatériel », il est également indispensable de mettre des garde-fous à cette pernicieuse tendance qui consiste à breveter la connaissance plutôt que l'innovation.

En outre, la protection de la propriété intellectuelle ne doit pas être asservie aux seuls intérêts financiers. Certes, l'argent lui-même est devenu une langue. Certains la pratiquent d'ailleurs de façon exclusive et sont incapables de comprendre les autres langues, les sacrifiant sans sourciller sur l'autel de la rentabilité à court terme.

Enfin - et, sur ce point, je rejoins totalement Jacques Legendre, car nous partageons une certaine idée de la France et de la culture - comment comprendre que notre pays, qui a ratifié la convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelle, ne soutienne pas la diversité des langues, le plurilinguisme et, par conséquent, la langue française ?

Je fais mienne la formule d'Umberto Eco : « La langue de l'Europe, c'est la traduction. »

M. Jacques Legendre. Très bien !

M. Ivan Renar. Il s'agit de défendre de façon étroite non pas la langue française, mais bien toutes les langues européennes. D'ailleurs, une vingtaine d'États européens ont refusé de signer l'accord, dont la Belgique, l'Italie, l'Espagne, la Finlande, la Grèce, le Portugal... On le constate donc, cet accord divise l'Europe au lieu de l'unir dans sa diversité.

II convient de défendre toutes les langues face à la domination de l'anglais, qui n'est pas une fatalité, mais aussi de défendre la francophonie. Les pays francophones nous observent et ils ne comprendraient pas, comme Jacques Legendre l'a bien dit, que la France ne soit pas capable de défendre le français chez elle. Eux qui ont fait le choix du français attendent de la France qu'elle se conduise en bonne mère et non pas en marâtre ! Ils ont bien noté la contradiction entre l'amour proclamé de la langue française et sa défense résolue.

Les francophones ont aussi lu Jacques Prévert, dont nous connaissons tous l'insolence et l'impertinence, valeurs de la démocratie. Rappelons-nous, mes chers collègues, cette déclaration du poète à la femme aimée, qu'il regarde apprêter un bouquet avant de le plonger dans l'eau :

« Tu dis que tu aimes les fleurs

« Et tu leur coupes la queue. [...]

« Alors quand tu me dis que tu m'aimes,

«  J'ai un peu peur... » (Sourires.)

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis. Ça, c'est intraduisible !

M. Ivan Renar. Inutile de traduire, mon cher collègue !

Le protocole de Londres constitue une véritable menace pour la langue française, car, n'en doutons pas, le français disparaîtra des bases de données mondiales et sera éliminé de la langue scientifique de demain.

La compagnie nationale des conseils en propriété industrielle considère que la ratification de cet accord conduirait, à terme, à renoncer à la réflexion en français dans les sciences et les techniques. On ne répétera jamais assez que la diversité est une richesse et que l'avenir est à la diversité. Je ne suis pas pour le français über alles excluant les autres langues, mais, face à l'hégémonie du « tout anglais » et au danger de l'uniformisation, il est indispensable de défendre le pluralisme et la diversité des langues.

Le protocole de Londres n'obéit, hélas ! qu'à des calculs financiers qui occultent les conséquences culturelles et politiques de ce texte, non seulement pour la France, mais aussi pour les autres peuples européens.

Promouvoir la diversité culturelle et linguistique, c'est aussi favoriser l'apprentissage de l'allemand, du polonais, de l'italien ou du hongrois, comme l'a rappelé le Président de la République lors de son déplacement à Budapest, dans l'ensemble de l'enseignement scolaire européen, alors que l'apprentissage de ces langues n'est pas suffisamment encouragé dans notre propre pays.

Le langage construit la pensée ; tout comme nous refusons la pensée unique, nous ne voulons pas d'une langue unique.

Un sondage effectué par un grand quotidien auprès des internautes montrait que nos concitoyens défendaient le français à 62%. Faut-il rappeler que la langue est un puissant élément d'identification, qu'elle est non seulement un outil de communication, mais aussi un instrument de pouvoir, voire de domination ?

Des centaines de dialectes et de langues ont déjà disparu. Cette cruelle et tragique tendance ne fait que s'accélérer de par le globe, appauvrissant de façon irrémédiable le patrimoine humain d'autant de visions du monde. C'est pire que les bibliothèques et les livres que l'on brûle dans le roman d'anticipation de Ray Bradbury  que nous avons tous lu dans notre jeunesse, Fahrenheit 451, remarquablement porté à l'écran par François Truffaut, car ce sont la mémoire et la transmission orale des langues que l'on condamne.

Et n'est-il pas particulièrement regrettable de s'attaquer aux traductions, donc aux langues, alors même que le brevet européen est surtout coûteux en raison des taxes très lourdes prélevées par l'Office européen des brevets, qui est la première barrière à l'accès des PME au brevet européen ?

Cet office n'a pas voulu réduire ses revenus, pourtant à la hauteur de ses tarifs prohibitifs, ce qui a inspiré à certains États l'idée de sacrifier les traductions, qui ne représentent pourtant en moyenne que 10 % du coût du brevet, contre 75 % pour les taxes et frais de maintien et 15 % pour les procédures. Si l'objectif affiché est de faire des économies, c'est donc sur la question de ces taxes et frais abusifs que doit prioritairement porter toute réforme.

Puisqu'il est question de mieux soutenir la recherche scientifique et l'innovation françaises, pourquoi ne pas avoir plutôt l'ambition de créer sur Internet une immense base de traduction des données scientifiques et techniques d'avenir ?

Google a mis en ligne gratuitement tous les brevets américains et a annoncé qu'il continuera cette politique avec les autres brevets, notamment européens. Il s'agit peut-être là d'une occasion exceptionnelle de rendre les brevets gratuitement accessibles en français au monde entier. Cependant, afin de ne pas laisser échapper cette opportunité, il est essentiel de refuser que 93 % des brevets européens ne soient plus traduits en français.

De plus, indépendamment des initiatives privées, il est souhaitable que les traductions en français des brevets européens existants ou à venir soient également mises en ligne par un organisme d'intérêt public tel que l'Institut national de la propriété industrielle. À l'ère de la révolution numérique, c'est une mission légitime.

Pour aller plus loin, pourquoi ne pas créer un service public européen des brevets, qui respecterait chacune des langues des pays adhérents à l'Union européenne ?

De nombreux États ont adopté une monnaie commune avec l'euro ; je pense que, de même, à plus ou moins long terme, le besoin d'une langue commune se manifestera de façon croissante.

Pourquoi pas ? Mais une langue commune ne sera acceptable par les peuples que si chacun des pays adhérents à l'Union européenne sent non pas que sa langue est menacée mais au contraire qu'elle est respectée, et à la condition que l'on accepte que la traduction demeure l'une des langues vivantes de l'Europe, c'est-à-dire une langue au service de toutes les autres et reconnaissant à chacune le droit de s'affirmer et de se développer à égalité.

En conclusion, aucune étude ne permet de mesurer les effets qu'aurait le protocole de Londres s'il était ratifié, et rien ne démontre qu'il sera source d'économies et encore moins qu'il permettra de favoriser le dépôt de brevets en français. C'est même l'inverse qui risque de se produire, avec pour conséquence, on l'a dit, une insécurité juridique accrue. Et je me contenterai de mentionner ses conséquences négatives sur l'emploi, notamment dans le domaine de la traduction...

Alberto Moravia disait à propos des langues qu'elles étaient les « merveilles de l'Europe ». Ratifier un accord au seul nom de la rentabilité économique en ignorant les aspects éthiques et culturels liés au patrimoine linguistique européen est un non-sens politique. Ce n'est pas la meilleure façon de construire l'Europe et encore moins de respecter les peuples qui la composent.

Au nom de la diversité linguistique, composante essentielle de l'économie de la connaissance, je demande donc à la Haute Assemblée de s'opposer à la ratification du protocole de Londres. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. - M. Jacques Legendre applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le protocole de Londres suscite un débat passionnant et passionné. Depuis sept ans, il a donné lieu à une bataille acharnée et des rapports contradictoires analysant les conséquences de sa ratification se sont succédé.

À l'Assemblée nationale, des opinions diverses se sont exprimées sur tous les bancs ; dans chaque groupe, on trouve des partisans et des adversaires de ce protocole.

Je suis d'ailleurs frappé de voir combien les arguments sont réversibles. Selon les uns, cet accord offre une chance unique de consacrer le français comme langue scientifique quand, pour les autres, il sonne le glas de notre langue.

De quoi s'agit-il exactement ? Comme l'ont rappelé Mme la ministre, MM. les secrétaires d'État et MM. les rapporteurs, le protocole de Londres prévoit de conserver le régime fondé sur les trois langues de travail de l'Office européen des brevets, à savoir l'allemand, l'anglais et le français, tout en circonscrivant aux seules revendications la possibilité pour tout État concerné d'exiger, au moment de la validation, la traduction du brevet dans sa langue nationale.

De plus, la partie essentielle des brevets, qui est aussi la seule à être entièrement rédigée, sera toujours systématiquement disponible en français. À ceux qui s'inquiètent que des brevets écrits en anglais aient valeur juridique dans notre pays, on doit rétorquer, avec force, que leurs craintes sont vaines, puisque les revendications seront nécessairement écrites en français.

Quant aux annexes techniques si, par extraordinaire, il y avait doute sur leur signification, leur traduction serait exigée en cas d'action en justice, et ce aux frais du déposant.

L'utilisation du français se trouve donc garantie. Plus encore, il devient, avec l'allemand et l'anglais, l'une des trois seules langues dans lesquelles les innovations seront désormais revendiquées en Europe. Mes chers collègues, nous agirions contre nos intérêts en refusant de ratifier ce protocole ! D'ailleurs, l'Allemagne l'a bien compris : elle a entériné cet accord parce qu'il consacre l'allemand.

Certains, pour justifier leur opposition, arguent que l'Espagne et l'Italie ne signent pas le protocole. Mais si ces pays aux langues prestigieuses - surtout l'espagnol, parlé par des centaines de millions de personnes -, s'y refusent, c'est parce qu'ils regrettent que leur idiome ne figure pas dans la liste des trois langues officielles !

La défense de la langue française constitue pour nous un combat nécessaire, mais celui-ci ne doit pas choisir le mauvais terrain de l'accord de Londres.

Il est déjà acquis, hélas, que plusieurs grandes entreprises françaises non seulement tiennent leurs conseils d'administration en anglais et imposent l'usage de cette langue à leurs employés, mais aussi déposent leurs éléments de propriété industrielle directement en anglais. Cette situation est d'ailleurs dénoncée par le secrétaire général de la francophonie, M. Abdou Diouf, qui récemment déclarait souhaiter que les Français soutiennent leur langue autant que le font les autres membres de l'OIF, l'Organisation internationale de la francophonie.

Le combat pour le français doit être aussi un combat pour la diversité. Notre langue est la seule autour de laquelle se réunissent volontairement un grand nombre de pays, puisque pas moins de cinquante-cinq États se sont regroupés sous la bannière de l'OIF.

Aujourd'hui, dans l'esprit d'un certain nombre de hauts responsables, vanter l'importance du français reviendrait à faire preuve d'une nostalgie peu conforme à la modernité. Il importe de réagir contre ces allégations contraires à la réalité ! L'entrée en vigueur du protocole de Londres écarte le risque du « tout-anglais » et scelle l'utilisation obligatoire du français.

J'ajouterai que la place de la langue française dans le domaine de la recherche et de l'innovation dépend avant tout de l'importance et de la qualité de notre effort en matière de recherche, de la mise en place d'un réseau d'accompagnement efficace auprès de nos PME et de la meilleure valorisation de la recherche publique.

Ces considérations m'amènent à mon tour sur l'autre terrain où défenseurs et détracteurs du protocole s'opposent : le coût des brevets et ses conséquences sur leur dépôt.

Pour les premiers, le protocole de Londres permettra de réduire le coût du brevet européen et incitera ainsi les entreprises françaises, notamment les PME, à déposer davantage de brevets.

Pour les seconds, le coût des brevets constitue un « faux prétexte » ; pis encore, le coût de la traduction pèsera sur les PME et les TPE, qui seront obligées de traduire à la place des grandes entreprises, alors que ces dernières déposent des milliers de brevets dont les textes sont ponctués de termes extrêmement subtils. Enfin, les adversaires du protocole dénoncent le risque d'un effet d'aubaine pour nos concurrents, qui n'auront plus à traduire leurs brevets en français.

Or, bien au contraire, ce texte crée les conditions d'une conception offensive de la croissance économique et de la compétitivité. La recherche et développement ainsi que l'innovation sont, en effet, les clés de la croissance, de l'emploi et de la capacité de l'Europe à relever le défi de la mondialisation.

Mes chers collègues, quand on sait que, chaque année, la Chine forme deux millions de « bac + 5 » et d'ingénieurs, on comprend que le problème soit aigu ! Chacun déplore le retard de la France dans le domaine du dépôt des brevets par les PME. Il est vrai que, dans notre pays, comme maints orateurs l'ont souligné, une PME sur quatre seulement dépose un brevet au cours de son existence, contre une sur deux aux États-Unis - donc le double ! -, et 55% au Japon.

Nous devons relever ce défi ; je n'emploie pas le terme challenge ! Nous devons être capables de mener une politique offensive. Ne nous abritons pas derrière une ligne Maginot, mais promouvons une stratégie d'offensive économique au travers des brevets.

Mes chers collègues, cessons d'aller chercher ailleurs les causes de nos problèmes ! Nous devons accomplir un effort important, afin de développer la place de la recherche française en Europe et d'intensifier la recherche européenne. Arrêtons d'accuser les autres d'être responsables de la faiblesse de nos dépôts de brevets.

L'une des solutions consiste à réduire le coût de la propriété industrielle. La France a montré le chemin en diminuant de 50 % la taxation des brevets. Toutefois, si nous comparons avec la situation qui prévaut aux États-Unis, nous savons qu'il reste du chemin à parcourir.

En effet, 40 % des entreprises françaises renoncent à déposer des brevets en raison de leur coût, qui est de 30 000 euros environ. Une telle somme n'est sans doute pas considérable pour une entreprise du CAC 40, mais elle l'est pour la quasi-totalité des PME, dans lesquelles est produite une très grande part de l'innovation, ainsi que pour une entreprise en création, qui doit déposer et protéger son innovation. Il s'agit donc bien d'un point nodal de la politique des brevets en France comme en Europe.

En limitant le coût de la traduction, donc le coût total du brevet européen, le protocole de Londres favorisera les chercheurs, notamment les plus petits d'entre eux et les PME, soutenues par le CNRS, l'Académie des sciences, l'Académie des technologies et la CGPME. Cette politique est indispensable et conforme aux objectifs de Lisbonne.

Pour conclure, je soulignerai que la France, qui se veut aujourd'hui à la fois au coeur de l'Europe et le moteur de l'Union, est attendue sur ce texte.

Parmi les brevets déposés dans l'Union, 75 % le sont en langue anglaise, contre 18 % en allemand et 7 % en français. Cette dernière part pourrait s'éroder encore au cours des prochaines années, et la tendance des entreprises françaises à déposer leurs brevets directement en anglais s'accroîtra si nous ne donnons pas de manière définitive, publique et forte une place au français comme langue technologique, scientifique, à l'avant-garde de la bataille de l'économie.

Mes chers collègues, c'est la situation actuelle qui fragilise le français, et c'est la ratification des accords de Londres qui le renforcera !

Vous l'aurez compris, je voterai donc pour ce texte, comme la majorité des membres du groupe RDSE. Néanmoins, je dois préciser, à leur demande, qu'un certain nombre de mes collègues, dont MM. Bernard Seillier et Nicolas Alfonsi, n'ont pas été convaincus du bien-fondé de ce protocole et voteront donc contre sa ratification. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie tout d'abord de la qualité de ce débat, qui portait sur une question très importante et qui a été extrêmement riche.

Je me félicite également du large consensus qui a marqué cette discussion. Dans leurs interventions, MM. les rapporteurs, Hubert Haenel, Francis Grignon et Jean-Léonce Dupont, mais aussi MM. Jean-Claude Gaudin, Jean Bizet, Richard Yung et Aymeri de Montesquiou ont souligné, à juste titre, qu'il existera à l'avenir trois langues officiellement reconnues en matière de brevets, dont le français, ce qui est essentiel, me semble-t-il.

Il s'agit d'une avancée considérable sur le plan communautaire et européen, d'où la préoccupation de nos amis italiens et espagnols, qui a été soulignée par plusieurs orateurs, et sur laquelle je reviendrai.

Je voudrais cependant répondre aux objections qui ont été formulées par MM. Jacques Legendre et Ivan Renar.

Monsieur Renar, je suis un admirateur de François Truffaut et d'Alberto Moravia, mais cela ne m'amène pas nécessairement aux mêmes conclusions que vous. Quant à la citation de Jacques Prévert, je ne me prononcerai pas ! (Sourires.)

Votre argumentation portait principalement sur la protection de la langue française par rapport aux innovations qui nous viendraient des États-Unis et du Japon. Or deux éléments doivent être pris prendre en compte à cet égard, me semble-t-il.

Tout d'abord, nous devons ratifier le protocole de Londres parce que, comme M. Yung l'a souligné, il constitue une étape vers une meilleure reconnaissance du modèle européen de dépôt des brevets à l'échelle internationale, ce qui est important.

Monsieur Legendre, vous avez fait allusion au modèle américain de dépôt « en grappe ». Toutefois, si nous voulons justement faire obstacle à ce système et aider l'Europe, dans le cadre des négociations internationales, à faire valoir sa tradition, qui accorde une plus grande place à la sécurité juridique en matière de dépôt des brevets, nous devons faire en sorte que le protocole de Londres soit ratifié.

Un deuxième argument, présenté par M. Yung, est également très fort : à l'évidence, dans le cadre de la globalisation, nous ne devons pas craindre de favoriser tous les éléments qui contribuent à notre attractivité, que celle-ci soit mesurée en termes technologiques, scientifiques ou par le dépôt de brevets intellectuels.

Dans cette perspective, il est bon que l'Europe soit reconnue comme une puissance attractive, de la même façon que les États-Unis et le Japon. C'est d'ailleurs l'objectif que nous visons au travers de toutes les actions qui sont menées, à l'échelle européenne, dans le cadre de la stratégie de Lisbonne.

Plus important encore, les marchés en cause ne sont pas les mêmes. Nos entreprises sont concernées au premier chef par les marchés européens. Or ce sont ces derniers qui, à 60 % ou 80 %, bénéficieront de l'accord de Londres. Pour renforcer les exportations et le marché intérieur, la majorité des brevets utilisés dans l'Union doivent être déposés sur le territoire européen.

Tous les orateurs l'ont souligné, l'accord aura également un effet favorable sur les coûts de traduction, qui diminueront de 30 % à 40 %. Le statut du français sera maintenu pour la totalité des revendications, qui constituent le coeur du brevet. Il faut savoir que le registre de l'Office européen des brevets contient 150 000 termes scientifiques nouveaux qui seront traduits dans les trois langues officielles.

Messieurs Renar et Legendre, comme vous le savez, la France reste particulièrement attachée à la francophonie, puisque cette année, rien qu'en Europe, plusieurs millions d'euros seront consacrés à la promotion de cette politique. La préparation des présidences de l'Union européenne le montre également : voilà quelques jours, tous les fonctionnaires tchèques qui seront en charge de la présidence de l'Union sont venus à Paris se former à notre langue.

De même, sur un site de référence comme euractiv.com, 73 % des articles sont désormais rédigés en français, contre 30 % voilà quelques années. Dans le domaine linguistique, notre attitude ne doit donc pas être défensive mais, au contraire, particulièrement offensive.

Enfin, s'agissant de la disposition constitutionnelle selon laquelle « la langue de la République est le français », je rappelle que le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel se sont prononcés à ce sujet.

Monsieur Renar, je tiens à préciser que la loi Toubon reste en vigueur pour ce qui concerne toutes les notices et spécifications techniques : il ne faut pas confondre le dépôt des brevets, dont nous discutons aujourd'hui, avec l'information de nos concitoyens, qui doit continuer d'être faite en français, je veux être extrêmement clair à cet égard. C'est particulièrement vrai de toutes les notices qui peuvent porter sur des produits dangereux ou sur des produits de consommation quotidienne.

Je souhaiterais maintenant vous rassurer en revenant sur les mesures d'accompagnement qui ont été demandées par MM. Dupont, Grignon et Yung, bien qu'elles soient plutôt du ressort de mes collègues Mme Pécresse et M. Novelli.

Des inquiétudes légitimes se sont exprimées au sujet des traducteurs, et il est vrai que des mesures d'accompagnement sont nécessaires pour cette profession. L'Institut national de la propriété industrielle proposera donc une labellisation des traductions et assurera au profit des traducteurs des formations sur la veille technologique et sur les normes techniques. Le but est de donner une meilleure visibilité à la profession de traducteur.

La question de la formation des ingénieurs au dépôt de brevets a également été soulevée. Mme Pécresse a déjà indiqué que serait effectivement mise en place une formation spécifique dans le cadre des écoles d'ingénieurs.

S'agissant de la proposition de loi de M. Marini, qui a déjà été adoptée par la Haute Assemblée, nous l'étudierons de manière approfondie ; en particulier, nous ferons évaluer son impact sur les entreprises.

M. Yung a fait référence aux mesures d'accompagnement fiscal. Il est d'ores et déjà acquis que le Gouvernement proposera dans le prochain projet de loi de finances - et c'est sans doute la principale mesure - que le crédit d'impôt recherche soit élargi et devienne, dans le cadre de l'OCDE, le dispositif d'appui fiscal le plus important en matière de recherche ; cette disposition aura un coût de 2,7 milliards d'euros. En matière d'apport de brevet, sera également prévu, toujours dans le projet de loi de finances, un abattement annuel égal à un tiers de la plus-value d'apport au-delà de la cinquième année de détention des droits sociaux, ce qui permettra une exonération totale de la plus-value en report au terme de la huitième année suivant celle de la réalisation de l'apport.

Enfin, il sera proposé de supprimer la différence de traitement entre la concession et la cession de brevet.

Tous ces éléments me semblent de nature à améliorer l'accompagnement fiscal, comme cela a été souhaité.

M. Grignon et M. Yung ont demandé d'autres mesures d'accompagnement, en particulier une aide au premier dépôt de brevet destinée aux PME. Hervé Novelli m'a donc fait savoir qu'il avait décidé de prévoir une réduction de 50 % pour les dépôts effectués par les PME, et ce qu'il s'agisse ou non du premier dépôt. Pour ce qui est du problème plus spécifique - et soulevé à juste titre - de l'accompagnement des PME vers le premier brevet, l'INPI doublera sur le terrain, dès 2008, le nombre de prédiagnostics en faveur des PME, qui passera de 500 à 1 000.

Messieurs les rapporteurs, vous avez également souhaité que soit aménagé le contentieux de la propriété intellectuelle en diminuant le nombre des tribunaux compétents. Le Sénat a très justement décidé de mettre en oeuvre une telle mesure dans le cadre du projet de loi de lutte contre la contrefaçon qu'il a discuté le 19 septembre dernier.

Enfin, vous avez demandé, là encore à juste titre, que les chercheurs du secteur public soient mieux sensibilisés à la question du brevet. Les annonces faites sur ce point par Mme Pécresse, je l'ai déjà indiqué, devraient vous satisfaire.

M. Yung a souhaité que nous puissions intervenir auprès de la Commission et de l'Office européen des brevets pour faciliter l'accès en ligne aux bases de données en terminologie. Vous pouvez compter sur moi, monsieur le sénateur : nous le demanderons avec insistance.

Pour ce qui est de la sécurité juridique des traductions, monsieur Dupont, le Gouvernement peut prendre l'engagement de préserver les droits des entreprises françaises en assurant - c'est le mécanisme de l'article L. 614-10 du code de la propriété intellectuelle - que le texte français fera foi en cas de traduction incomplète ou de mauvaise qualité.

Enfin, dernier aspect, le Gouvernement prend l'engagement solennel de donner à l'Institut national de la propriété industrielle des instructions fermes quant au maintien de la production des abrégés, car ceux-ci permettent que, au plus tard trois mois après leur publication, l'ensemble des demandes de brevet européen soient disponibles en français.

Telles sont les principales mesures d'accompagnement que le Gouvernement s'engage à prendre et que Mme Pécresse et M. Novelli m'ont demandé de porter à votre attention.

Je voudrais pour conclure insister après M. Haenel, M. Bizet et M. Gaudin sur un fait extrêmement important : il faut bien comprendre que la ratification de ce protocole entre dans le cadre de la relance de la stratégie de Lisbonne et s'inscrit dans la construction, au niveau communautaire, d'un dispositif juridique fondé sur l'avancement des travaux pour une juridiction communautaire des brevets, pour un brevet communautaire, avec un effet d'entraînement sur la question linguistique, en complément du brevet européen.

Soyez certains, mesdames, messieurs les sénateurs, que l'une des priorités de la présidence française sera de faire aboutir ces projets, de façon que cette ratification puisse porter tous les fruits que nous en attendons. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens
Article unique (fin)

Article unique

Est autorisée la ratification de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens, fait à Londres le 17 octobre 2000, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

Je suis saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission des affaires étrangères et, l'autre, du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 11 :

Nombre de votants 315
Nombre de suffrages exprimés 313
Majorité absolue des suffrages exprimés 157
Pour l'adoption 280
Contre 33

Le Sénat a adopté définitivement le projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur les travées du groupe socialiste.)

15

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens
 
 
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de l'acte portant révision de la convention sur la délivrance de brevets européens
Article unique (début)

Révision de la convention sur la délivrance de brevets européens

Adoption définitive d'un projet de loi en procédure d'examen simplifiée

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'acte portant révision de la convention sur la délivrance des brevets européens (nos 473 [2006-2007]), 3).

Pour ce projet de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure simplifiée.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de l'acte portant révision de la convention sur la délivrance de brevets européens
Article unique (fin)

Article unique

Est autorisée la ratification de l'acte portant révision de la convention sur la délivrance de brevets européens, fait à Munich le 29 novembre 2000, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

(M. Christian Poncelet remplace Mme Michèle André au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de l'acte portant révision de la convention sur la délivrance de brevets européens
 

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Rejet d'une demande de discussion immédiate d'une proposition de résolution

 
Dossier législatif : proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur le rôle de l'État vis-à-vis du Groupe EADS en 2006
Rejet d'une demande de discussion immédiate d'une proposition de résolution (fin)

M. le président. Je rappelle au Sénat que, en application de l'article 30, alinéas 1 et 4, du règlement du Sénat, M. Jean-Pierre Bel et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ont demandé la discussion immédiate de la proposition de résolution de M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à la création d'une commission d'enquête sur le rôle de l'État vis-à-vis du groupe EADS en 2006.

Le délai prévu par l'article 30, alinéa 2, du règlement est expiré et le Sénat a terminé l'examen de l'ordre du jour prioritaire.

En conséquence, je vais appeler le Sénat à statuer sur la demande de discussion immédiate.

Je rappelle qu'en application de l'alinéa 6 de l'article 30 du règlement le débat engagé sur cette demande « ne peut jamais porter sur le fond ».

Ont seuls droit à la parole l'auteur de la demande, un orateur contre, le président ou le rapporteur de la commission.

Aucune explication de vote n'est admise.

La parole est à M. Jean-Pierre Bel, auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et moi-même nous venons de déposer, avec l'ensemble des sénateurs socialistes, Verts et apparentés et des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, une résolution pour la constitution d'une commission d'enquête parlementaire sur le rôle de l'État en tant qu'actionnaire indirect d'EADS en 2006. Car il s'agit là, à notre sens, d'une affaire très grave,...

M. Daniel Reiner. Oui, très grave !

M. Jean-Pierre Bel. ... dont l'importance justifie une mobilisation immédiate de la représentation nationale.

La semaine dernière, l'Autorité des marchés financiers a transmis au Parquet un document accablant sur l'éventuelle réalisation d'un délit d'initiés massif concernant les actionnaires principaux et les dirigeants d'EADS en 2006.

Je précise tout de suite que l'objet de la présente résolution n'est pas de faire intervenir le Parlement sur la question de la réalisation ou non d'un délit d'initiés.

Nous savons tous, connaissant le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs législatifs et judiciaires, qu'il n'est pas de notre compétence de nous substituer à une enquête judiciaire. Notre objectif est ailleurs !

Au moment où nous parlons beaucoup, dans le cadre de la réforme des institutions, du renforcement du pouvoir de contrôle du Parlement, comment pourrait-on refuser à la représentation nationale d'effectuer ce même contrôle, par l'intermédiaire d'un moyen bien simple, qui est prévu par notre droit parlementaire, c'est-à-dire la commission d'enquête ? N'est-il pas normal, dans un souci de vérité et de transparence, de contrôler la manière dont l'État s'est comporté, dans une période qui soulève beaucoup d'interrogations, en tant qu'actionnaire d'un groupe industriel européen de premier plan, EADS ?

D'ailleurs, la situation a paru suffisamment grave à la commission des finances pour qu'elle demande à auditionner, vendredi dernier, Thierry Breton, le ministre de l'économie de l'époque, et elle ira peut-être plus loin ; j'y reviendrai tout à l'heure.

Vous vous souvenez que nous avions déjà, pour ce qui nous concerne, déposé une demande de constitution d'une commission d'enquête parlementaire en décembre 2006, au moment où l'on apprenait les retards de livraison de l'A 380, les difficultés financières et industrielles d'Airbus, et l'annonce de la suppression de milliers d'emplois dans le cadre du plan Power 8. Le groupe communiste républicain et citoyen en avait fait autant.

Pour justifier son refus de constitution de cette commission d'enquête, la commission des affaires économiques du Sénat alors avait évoqué l'argument de l'exclusivité de la compétence judiciaire. Je redis qu'il n'est absolument pas question de cela aujourd'hui.

De nombreux points obscurs demeurent, par exemple celui de savoir si le Gouvernement a laissé la SOGEADE vendre les titres du groupe Lagardère, en sachant parfaitement quelles étaient les évolutions à prévoir pour le cours de l'action compte tenu de la situation de l'entreprise.

Thierry Breton a bien confirmé ici même, vendredi dernier, que les services du ministère avaient reçu une note de l'Agence des participations de l'État le 20 janvier 2006, qui était parfaitement explicite à ce sujet et qui aurait dû l'amener à s'interroger sur la suite des opérations.

Quand on fait le constat de l'acquisition des actions de la société Lagardère par la Caisse des dépôts et consignations, on ne peut s'empêcher de considérer que l'on a assisté là, pour reprendre la formule, « à la privatisation des profits et à la socialisation les pertes », et que l'on a joué ainsi avec l'intérêt général et l'intérêt de l'entreprise.

Mes chers collègues, ne pensez-vous pas qu'il est de notre responsabilité d'élus de poser certaines questions ?

Au mieux, comment l'État français a-t-il pu laisser faire, ignorer une opération d'une telle ampleur et, par là même, ne pas exercer son obligation de vigilance et de précaution ?

Au pire, oui ou non l'État a-t-il accompagné, de près ou de loin, le rachat d'une partie des actions du groupe Lagardère dans EADS le 18 mars 2006 par la Caisse des dépôts et consignations ?

M. Jean-Marc Todeschini. Oui, bien sûr !

M. Jean-Pierre Bel. Au-delà des services du ministère des finances, quel a été le degré de connaissance du dossier au ministère de la défense et au ministère de l'intérieur ?

En conséquence, nous demandons que le Sénat, dans le cadre de sa mission de contrôle, puisse enquêter : premièrement, sur le rôle de l'État dans la cession des titres EADS en 2006, notamment en mettant en lumière les raisons pour lesquelles il a laissé Arnaud Lagardère vendre ses titres à la Caisse des dépôts et consignations dans un contexte qu'il ne pouvait pas ne pas connaître ; deuxièmement, plus globalement, sur les conditions dans lesquelles l'État, ses représentants - notamment la SOGEADE - et ses services ont joué le rôle d'actionnaires indirects ; troisièmement, sur les conditions dans lesquelles les intérêts de notre pays ont ou n'ont pas été préservés, et pour cela nous demandons que le Sénat puisse vérifier l'implication des différents ministères concernés

Monsieur le président, mes chers collègues, en vous présentant cette demande de constitution d'une commission d'enquête, qui permettrait par ailleurs à l'opposition de participer à un pouvoir d'investigation qu'elle n'a pas aujourd'hui, contrairement à certains responsables de la commission des finances, selon les informations qui nous sont communiquées, nous avons la conviction forte que le Sénat s'honorerait en acceptant cette initiative qui, à mon sens, va dans le sens de la transparence, de la démocratie et du renforcement des pouvoirs du Parlement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Y a-t-il un orateur contre ?...

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président Bel, madame la présidente Borvo Cohen-Seat, je voudrais vous faire observer qu'en la circonstance le Sénat a été réactif. C'est en effet à la suite de la publication par la presse du contenu du pré-rapport de l'Autorité des marchés financiers, que nous n'avons pas vu, que EADS s'est trouvée dans l'actualité, mercredi 3 octobre, avec une forte suspicion de délits d'initiés pesant sur plus de 1 000 cadres de la société, qui auraient tenté de vendre des actions détenues dans le cadre de plans de stock-options, afin de bénéficier du cours le plus élevé.

Dès jeudi matin, la commission que j'ai l'honneur de présider a pensé devoir entendre l'ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, M. Thierry Breton. J'ai pu le joindre aussitôt ; il réside aux États-Unis et enseigne à l'université Harvard. Il m'a fait connaître qu'il avait l'intention de revenir à Paris à la fin de la semaine et qu'il se tenait à la disposition de la commission des finances dès le vendredi 4 octobre.

Nous avons organisé cette audition en invitant également M. Denis Samuel-Lajeunesse, qui exerçait les fonctions de directeur général de l'Agence des participations de l'État à la fin de l'année 2005 et au premier semestre 2006.

Nous avons aussi invité M. Luc Rémont, directeur-adjoint du cabinet de M. Breton, chargé de suivre le dossier des participations, notamment EADS, et M. Bruno Bézard, l'actuel directeur général de l'Agence des participations de l'État. Cette audition était ouverte au public, des représentants de toutes les formations qui siègent au Sénat y ont participé, et elle a fait l'objet de commentaires.

La commission des finances a également programmé demain matin l'audition de M. Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations et de M. Dominique Marcel, directeur financier, qui exerçait déjà cette responsabilité de directeur financier durant l'hiver 2006, au moment où se nouait cette opération d'investissement dans le capital de EADS. M. Dominique Marcel pourra sans doute nous apporter des éclaircissements.

M. Michel Bouvard, le nouveau président de la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations sera également présent ; nous avons des questions précises à lui poser.

Aujourd'hui même, Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances de notre assemblée, était à Bercy pour obtenir communication d'un certain nombre de documents.

Mme Lagarde m'a également transmis des documents que je vais analyser ce soir et qui me permettront d'interroger nos interlocuteurs demain matin.

Donc, mes chers collègues, nous sommes en phase active de contrôle (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.), assumant pleinement les prérogatives que nous confère l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances.

Il ne vous a pas échappé que ce dossier est particulièrement difficile à gérer. Vous avez tous à l'esprit, je pense, les dispositions qui figurent dans le pacte d'actionnaires scellé en 1999-2000 et qui ont conféré à l'État un rôle un peu marginal, donc un mode opératoire assez compliqué. C'est sur ce point que nous essayons de faire la lumière.

Vous pouvez peut-être, comme moi, vous étonner qu'il ait fallu presque dix-huit mois pour avoir connaissance d'un pré-rapport. Mais il va sans dire - vous l'avez rappelé, monsieur Bel - que nous n'avons pas, en tant que parlementaires, à interférer avec les prérogatives de l'Autorité des marchés financiers. Nous n'avons pas non plus à interférer avec ce qui pourrait relever de poursuites judiciaires.

En revanche, notre rôle est de comprendre ce qu'a été la gouvernance publique au niveau de l'État, du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, ainsi que de la Caisse des dépôts et consignations.

M. Daniel Reiner. Elle ne savait pas !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. On peut être surpris, en effet, que le directeur général de l'Agence des participations de l'État, dans une note datée du 20 janvier 2006, suggère au ministre la cession d'une partie des actions, parce que l'on pense que l'on est en haut de cycle et que l'on sait que Daimler-Benz et Lagardère ont l'intention de se dessaisir d'une partie de leurs actions. Le ministre s'y oppose, car il considère que c'est un investissement de long terme et qu'il ne faut pas laisser en vol EADS, Airbus, et l'ensemble des sociétés de ce groupe très important. Il est très étonnant que, deux mois plus tard, la Caisse des dépôts et consignations se porte acquéreur d'un bloc d'actions,...

M. Jean-Marc Todeschini. Copains et coquins !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ...dans un contexte assez délicat : l'opération est montée par IXIS CIB, qui est une ancienne filiale de la Caisse des dépôts et consignations, devenue filiale du groupe Caisse d'épargne, qui a recours à un procédé extrêmement compliqué, l'émission d'obligations remboursables en actions à parité ajustable, des ORAPA. En définitive, la Caisse des dépôts et consignations en deviendra propriétaire au terme de trois échéances, en juin 2007, juin 2008 et juin 2009.

M. Samuel-Lajeunesse évoque, dès le 20 janvier 2006, la recherche sans doute de conditions fiscales optimales pour échapper à un impôt sur les plus-values.

Mes chers collègues, nous devons répondre aux interrogations de nos concitoyens qui pensent qu'il y a peut-être là un scandale financier auquel l'État serait mêlé.

M. Jean-Marc Todeschini. C'est un scandale, ils en sont convaincus !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous allons conduire nos investigations collégialement, pour nous efforcer d'y voir clair.

Reconnaissez, mes chers collègues, que nous avons été prompts à réagir car, bien souvent, quand on prend la décision de créer une commission d'enquête, il s'écoule quinze jours, voire trois semaines avant sa mise en place et les conclusions sont rendues six mois plus tard. Nous allons tenter de faire la lumière sur cette affaire et nos collègues députés sont, me semble-t-il, dans la même disposition d'esprit.

Il me paraît très important de dresser une « muraille de Chine » entre nos investigations et le groupe EADS, notamment Airbus. Pensons aux salariés (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), à l'ensemble des collaborateurs, aux sous-traitants.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est un groupe qui fait notre fierté. Isolons ces péripéties sur lesquelles, je le répète, nous allons faire toute la lumière.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Telle est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je pense qu'il n'est pas opportun, aujourd'hui, de voter cette demande de discussion immédiate de la proposition de résolution.

M. Daniel Reiner. Mais si !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J'invite donc le Sénat à s'y opposer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Daniel Reiner. Il s'honorerait en la votant !

M. Robert Bret. On crée une commission d'enquête pour l'incendie des paillottes et pour EADS on ne fait rien !

M. Robert Bret. Qu'avez-vous à craindre ?

M. le président. Je mets aux voix la demande de discussion immédiate.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP?

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 52 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 12 :

Nombre de votants 324
Nombre de suffrages exprimés 323
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l'adoption 126
Contre 197

La discussion immédiate n'est pas ordonnée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Robert Bret. C'est la droite qui n'a pas adopté, pas le Sénat !

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, j'aimerais savoir si le groupe du RDSE a voté !

M. Jean-Marc Todeschini. On veut rénover le Parlement et on fait voter des personnes qui ne sont pas là !

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Dossier législatif : proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur le rôle de l'État vis-à-vis du Groupe EADS en 2006
 

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, vous venez de nous donner lecture du résultat du dépouillement du scrutin. J'aimerais savoir si le groupe du RDSE a voté.

M. Jean-Marc Todeschini. Aucun d'entre eux n'était présent !

M. le président. Il apparaît que le groupe du RDSE a voté !

M. Robert Bret. Mais où sont-ils ?

M. Bertrand Auban. Il n'y en a pas !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Un groupe absent n'a pas pu voter !

M. Jean-Marc Todeschini. À l'heure où l'on souhaite réformer le fonctionnement du Parlement, c'est scandaleux ! Le groupe n'est pas là et il vote !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel.

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, j'y insiste, car c'est important. C'est la deuxième fois qu'un groupe totalement absent des travées de notre hémicycle vote par l'intermédiaire du scrutin public.

Déjà, le groupe de l'UC-UDF avait participé par scrutin public au vote d'un amendement concernant le texte relatif aux tarifs réglementés de l'électricité et de gaz naturel alors qu'il était absent. Aujourd'hui, le groupe du RDSE utilise le même procédé pour un vote qui est également très important puisqu'il s'agit d'une affaire grave.

Alors que l'on souhaite faire la lumière sur la manière dont nos assemblées sont régies et garantir, au nom de la démocratie, les droits de l'opposition, il est totalement inadmissible que nos votes ne soient pas respectés. S'ils sont entachés d'un doute, cela pose un vrai problème.

Au nom de tous les collègues de mon groupe, j'émets donc une très vive protestation, et j'aimerais obtenir une véritable explication de la part de la présidence du Sénat et de l'ensemble des groupes ici présents, car nous ne pouvons pas continuer à fonctionner ainsi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Bernard Angels. Il faut revoter !

M. le président. Je vous rappelle, mon cher collègue, que, dans le cadre de la réflexion sur la modernisation de notre règlement, j'ai souhaité que la conférence des présidents discute de nos méthodes de votation.

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour un rappel au règlement.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. La première solution, c'est de rendre nul le vote qui est intervenu. Du moment qu'un groupe a voté alors qu'il n'était pas présent, cela entraîne la nullité du vote.

L'autre solution consisterait à demander... une commission d'enquête. (Sourires.)

M. Henri de Raincourt. On est pour !

M. Bernard Frimat. On la demande demain !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si vous la demandez avec nous, c'est une autre solution, mais nous ne pouvons pas laisser les choses en l'état !

M. le président. Je n'ai pas la possibilité d'interroger le président du groupe du RDSE pour lui demander par quel biais il a voté !

M. Bertrand Auban. Qui a mis les bulletins de vote dans l'urne ?

M. le président. Vous l'interrogerez quand vous le verrez ! Mais il est possible que le président du groupe du RDSE ait confié à un membre de notre assemblée, avec l'accord de son groupe, le soin de voter pour le groupe. Cela s'est déjà produit dans d'autres circonstances !

M. Jean-Marc Todeschini. Vous croyez à la force des esprits !

M. Jean-Pierre Bel. Vous croyez que c'est ce qui s'est passé, monsieur le président ?

M. Jean-Marc Todeschini. C'est scandaleux !

M. le président. Mes chers collègues, je vais maintenant lever la séance.

(Mmes Michelle Demessine et Raymonde Le Texier, secrétaires du bureau, contestent la validité du scrutin.)

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Dépôt de propositions de loi

M. le président. J'ai reçu de MM. Francis Grignon, Hubert Haenel, Philippe Richert, Philippe Leroy, Mmes Fabienne Keller, Catherine Troendle et Esther Sittler, une proposition de loi relative à la journée de solidarité dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 19, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu de M. Alain Vasselle une proposition de loi tendant à instaurer dans le code de la route le principe d'un examen de la vue préalable à la délivrance du permis de conduire des véhicules à moteur.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 21, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

19

Transmission d'une proposition de loi

M. le président. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la simplification du droit.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 20, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

20

Dépôt d'une proposition de résolution

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur le rôle de l'État vis-à-vis du groupe EADS en 2006.

La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 18, distribuée et renvoyée à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation et, pour avis, à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en application de l'article 11, alinéa 1 du règlement.

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Dépôt d'un rapport

M. le président. J'ai reçu de M. Louis SOUVET un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi relatif à la mise en oeuvre des dispositions communautaires concernant le statut de la société coopérative européenne et la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur (n° 437, 2006-2007).

Le rapport sera imprimé sous le n° 22 et distribué.

22

Dépôt de rapports d'information

M. le président. J'ai reçu de M. Roland du Luart un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur l'aide juridictionnelle.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 23 et distribué.

J'ai reçu de M. Adrien Gouteyron un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur les contributions de la France aux organisations internationales.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 24 et distribué.

23

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 10 octobre 2007 à quinze heures :

Projet de loi (n° 205, 2005-2006) relatif à la violation des embargos et autres mesures restrictives.

Rapport (n° 6, 2007-2008) de M. Jacques Peyrat, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinquante-cinq minutes.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD