Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi relative à la sécurité des manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction
Article 2

Article additionnel après l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Pastor et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les mesures prises doivent avoir pour objectif de supprimer tout risque durant la durée d'existence prévisible du manège ou de la machine, y compris les phases de transport, de montage, de démontage, de mises hors service et de mise au rebut.

La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Cet amendement vise à fixer un objectif de sécurité pendant la durée d'existence prévisible du manège ou de la machine en tenant compte des contraintes spécifiques d'exploitation lors des fêtes foraines, lesquelles nécessitent montage, démontage et transport. Une telle disposition figure d'ailleurs dans la directive n° 2006-42-CE du 17 mai 2006 relative aux machines.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Cet amendement est plutôt généraliste et vague dans sa formulation en ce qu'il crée un objectif de suppression de tout risque. La proposition de loi est plus exigeante puisqu'elle prescrit une obligation de sécurité, et non un objectif de sécurité.

Si l'objet de cet amendement est la prise en compte de la spécificité des manèges forains démontés et remontés constamment, celle-ci relève du domaine réglementaire, la loi ne faisant que poser des principes généraux.

Je vous demande donc, monsieur Teston, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.

Je rappelle qu'à la différence des décrets d'application la loi est de portée générale ; le président du Conseil constitutionnel l'a lui-même indiqué.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Monsieur Teston, l'amendement n° 5 est-il maintenu ?

M. Michel Teston. Oui, monsieur le président, je maintiens cet amendement qui fait explicitement référence à la directive européenne.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er
Dossier législatif : proposition de loi relative à la sécurité des manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction
Article additionnel après l'article 2

Article 2

Les manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction ou tout autre lieu d'installation ou d'exploitation sont soumis à un contrôle technique initial et périodique portant sur leur état de fonctionnement et sur leur aptitude à assurer la sécurité des personnes. Ce contrôle technique, effectué par des organismes agréés par l'Etat, est à la charge des exploitants.

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Pastor et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par les mots :

qui tiendront à jour un carnet de vie du manège ou des machines conformément à un contenu défini par décret.

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Avant de présenter cet amendement, j'aimerais avoir l'avis de M. le secrétaire d'État sur les machines dont l'accélération ou la décélération est supérieure à 6 G, et qui peuvent être dangereuses pour les personnes souffrant de maladies cardiovasculaires ou neurologiques. Je puis vous assurer que des cas avérés ont été recensés.

Comme l'indique le rapport de notre collègue Pierre Hérisson, en vertu de l'article L.221-1 du code de la consommation, les manèges relèvent, en tant que produits, de l'obligation générale de sécurité qui impose aux professionnels d'assurer la sécurité de leurs équipements. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a pour mission de veiller au respect de ces obligations.

En l'absence de risque avéré, les professionnels doivent être en mesure de prouver à l'administration par tout moyen - certificats de conformité à un référentiel technique délivré par le fabricant ou un bureau de contrôle, attestations de sécurité, carnet d'entretien, etc. - qu'ils respectent ledit article.

En cas d'accident ou de danger grave et immédiat, l'activité d'un manège peut être suspendue par la DGCCRF en vertu des articles L. 221-5 et L. 221-6 du code de la consommation ; des mises en garde peuvent également être envoyées aux professionnels pour en demander la mise en conformité, conformément à l'article L. 221-7 du même code.

Mais, comme le relève le rapport, la DGCCRF n'exerce, faute de compétence technique, aucune action de surveillance préventive des matériels d'attraction, qu'il s'agisse d'une enquête diligentée au niveau local ou national. Les interventions après accident restent peu nombreuses et leur mise en oeuvre n'est pas systématique.

Quant aux autorisations de reprise de l'exploitation des attractions, elles se fondent sur des certificats de conformité délivrés par des bureaux de contrôle dans le cadre du protocole de 1984, qui est considéré comme obsolète.

Ce protocole ne prévoit pas de carnet de vie du manège, alors même que des certificats de conformité sont délivrés « sous réserves » de réparations à effectuer par l'exploitant. Sans carnet de vie, il est difficile de vérifier ultérieurement si les travaux de mise en conformité ont été effectués, d'autant qu'il n'est pas aisé pour un bureau technique, du fait des déplacements des manèges, de revoir un même manège entre deux contrôles, dont la fréquence est, rappelons-le, triennale.

Il importe donc que le texte que vous nous proposez d'adopter prévoie que l'exploitant de manège tienne à jour, pour chaque attraction, un carnet de vie recensant notamment les incidents techniques, interventions et accidents de personnes survenus lors du transport ou de l'exploitation de l'équipement.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que, dans nos communes, nous nous devons de fournir pour tout équipement un carnet de vie, qui est un cahier d'entretien, sur lequel nous devons reporter tous les incidents qui peuvent se produire. Il serait anormal que cette obligation ne soit pas prévue pour ces manèges.

M. Jean-Marc Pastor. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. L'article 6 du projet de décret prévoit que la nature et la date des opérations d'entretien, des vérifications et des réparations effectuées sont consignées par l'exploitant dans un dossier technique constitué pour chaque matériel. Certes, on pourrait modifier la rédaction, mais à quoi bon l'inscrire dans la loi !

Toutefois, la commission souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement sur ce point.

M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Cette disposition, très précise, et qui répond à une interrogation légitime, fait partie des éléments organisationnels du fonctionnement des manèges - à savoir le dossier technique par matériel, le rapport du contrôle technique ou l'attestation de bon montage - prévus dans le décret d'application, car elle est de nature réglementaire.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Raoul, l'amendement n° 4 est-il maintenu ?

M. Daniel Raoul. Je prends acte de votre engagement, monsieur le secrétaire d'État, d'autant que les projets de décret sont déjà prêts, ce qui est plutôt rare. Mais lorsque nous avons rédigé nos amendements, nous ne les avions pas à notre disposition.

Comme nous sommes satisfaits par la réponse de M. le secrétaire d'État, nous retirons l'amendement n° 4, monsieur le président.

En revanche, vous n'avez toujours pas répondu, monsieur le secrétaire d'État, à ma question relative à l'interdiction des manèges dont les accélérations ou décélérations dépassent 6 G. Si vous pouviez m'apporter une réponse rapide, j'en serais ravi.

M. le président. L'amendement n° 4 est retiré.

Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi relative à la sécurité des manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction
Article 3

Article additionnel après l'article 2

M. le président. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Pastor et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Tout exploitant de manèges, machines et installation pour fêtes foraines ou parcs d'attraction est tenu de faire connaître au public, par voie d'affichage, le nom de l'organisme certificateur et la date de la dernière visite de contrôle de l'équipement.

La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. Compte tenu des exigences de transparence formulées par les consommateurs, de plus en plus soucieux de la qualité des biens et services qu'ils achètent, et en raison des enjeux et des risques encourus par ceux-ci quand ils empruntent un manège, il est logique de leur proposer une information claire sur la qualité des contrôles qui ont été effectués.

Si l'application de la norme NF EN 13814 ne peut être généralisée de manière automatique pour tous les appareils, l'obligation d'affichage permettra aux consommateurs de prendre connaissance des contrôles effectués par l'exploitant lui-même.

D'un coût marginal pour l'exploitant, cette mesure permettra en outre de faciliter l'information de tous : le consommateur, qui n'a pas connaissance des obligations spécifiques et techniques applicables, trouve ainsi dans l'affichage la garantie supplémentaire que toutes les mesures ont été prises pour assurer sa sécurité.

Nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter cet amendement, qui permet d'améliorer sensiblement le texte proposé.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Cet amendement, qui vise à une meilleure information du public, me paraît pertinent. Il s'inscrit de façon privilégiée dans cette proposition de loi.

En conséquence, la commission émet un avis favorable. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Marc Pastor. C'est mon argumentaire qui l'a fait changer d'avis ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Le Gouvernement n'avait pas prévu d'inscrire cette disposition dans le projet de décret qui vous a été transmis. Toutefois, nous sommes sensibles à vos arguments, et celle-ci peut figurer soit directement dans cette proposition de loi, soit dans le décret.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

Permettez-moi de profiter de l'occasion qui m'est donnée pour répondre à la question que m'a posée tout à l'heure M. Raoul.

Il n'existe aujourd'hui aucune disposition législative sur les manèges dont l'accélération ou la décélération est supérieure à 6 G. Mais les professionnels informent les publics les plus fragiles des dangers, au moyen de pictogrammes ou de messages d'alerte.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité des présents.

Un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 2.

Article additionnel après l'article 2
Dossier législatif : proposition de loi relative à la sécurité des manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 3

Un décret en Conseil d'État définit les exigences de sécurité auxquelles doivent satisfaire les manèges, machines et installations visés à l'article 1er, le contenu et les modalités du contrôle technique ainsi que les conditions et les modalités d'agrément des organismes de contrôle technique.  - (Adopté.)

Vote sur l'ensemble

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi relative à la sécurité des manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix les conclusions modifiées du rapport de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Pastor. Certes, cette proposition de loi n'est peut-être pas fondamentale pour notre pays, mais elle a son importance dans la mesure où c'est la première fois que nous allons légiférer sur des questions touchant à la sécurité de nos concitoyens.

Elle mérite toute notre attention, car nos collègues maires ont indirectement une responsabilité chaque fois qu'ils accueillent de tels équipements sur le territoire de leur commune. Il était donc essentiel de fixer un cadre pour faciliter la vie des uns et des autres.

Lors de la discussion générale, vous l'aurez remarqué, mes chers collègues, je n'ai pas indiqué la façon dont voterait le groupe socialiste.

Nous avons déposé cinq amendements de nature à améliorer la rédaction de cette proposition de loi. Trois d'entre eux ont trouvé une issue favorable : deux seront satisfaits par le futur décret et le troisième vient d'être adopté à l'unanimité.

En tant que parlementaire de l'opposition, je vous l'avoue franchement, c'est la première fois que cela m'arrive ! (Sourires.) Si cela se produisait plus souvent, je suis convaincu que la vie de la société française s'en trouverait améliorée. À titre d'encouragement, nous voterons donc cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix les conclusions modifiées du rapport de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi n° 463.

(La proposition de loi est adoptée).

M. le président. Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité des présents. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la sécurité des manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction
 

11

 
Dossier législatif : proposition de loi d'orientation sur les finances locales relative à la solidarité financière et la justice fiscale
Discussion générale (suite)

Finances locales

Rejet des conclusions du rapport d'une commission

(Ordre du jour réservé)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la proposition de loi d'orientation sur les finances locales relative à la solidarité financière et à la justice fiscale, présentée par M. François Marc et les membres du groupe socialiste et plusieurs de leurs collègues. (nos 17, 59).

Je rappelle, mes chers collègues, que, s'agissant des propositions de loi inscrites à notre ordre du jour réservé, dans le cadre du « droit de tirage » des groupes, la conférence des présidents du 6 décembre 2006 a décidé que l'auteur de la proposition de loi, quand il n'est pas rapporteur, ouvrirait le débat et disposerait d'un temps de parole spécifique de quinze minutes.

Dans la discussion générale, la parole est à M. François Marc, auteur de la proposition de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi d'orientation sur les finances locales relative à la solidarité financière et la justice fiscale
Article 1er

M. François Marc, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la France a-t-elle besoin d'une urgente réforme des finances locales ? Oui, sans aucun doute ! Cela fait d'ailleurs au moins trente ans que le besoin d'une ambitieuse réforme est régulièrement mis en avant par les uns ou les autres, tant au sein de toutes les associations d'élus que dans les multiples colloques organisés sur le sujet. Pourtant, rien ne bouge vraiment.

Réformer les « quatre vieilles », répartir autrement les dotations de l'État, introduire plus de péréquation : les axes essentiels de la réforme souhaitée sont aujourd'hui clairement identifiés dans une sorte de consensus d'intention. Alors, de quoi a-t-on aujourd'hui besoin pour concrétiser cette réforme ? La réponse est simple : nous avons besoin d'une vraie volonté politique.

Se dire favorable à une nécessaire réforme des finances locales dans les rapports et les discours est une chose ; faire en sorte de concrétiser dès à présent celle-ci par un travail législatif en est une autre. La présente proposition de loi s'inscrit dans cette exigence de transformation des discours vertueux en actes courageux.

Chers collègues, il y a urgence !

Depuis 2002, la situation financière des collectivités a subi les effets déstabilisateurs de la décentralisation, lesquels conduisent notamment à un transfert de fiscalité de l'État vers une fiscalité locale, dont on dénonce régulièrement l'archaïsme du dispositif de prélèvement.

Nul ne conteste aujourd'hui le fait que l'État a, au travers de transferts de charges non compensés, fragilisé les ressources des collectivités les plus exposées.

Au surplus, et même si elles ont connu d'utiles simplifications, les dotations de l'État aux collectivités sont contestées dans leurs modalités de répartition. La péréquation, quant à elle, ne fonctionne pas de façon satisfaisante. On constate, dès lors, d'énormes disparités de potentiel financier entre les collectivités, surtout d'ailleurs entre les communes.

Dans ces conditions, se trouve posée la question de l'égalité de nos concitoyens devant le service public de proximité délégué aux collectivités territoriales ou locales. Je pourrais prendre l'exemple de l'école communale pour illustrer cet état de fait : dans une commune pauvre, la qualité des infrastructures et des prestations offertes aux citoyens est inévitablement plus modeste que dans une commune richement dotée.

Il nous paraît donc urgent d'agir, et d'agir avec pragmatisme et réalisme.

Mes chers collègues, ne voyez dans cette proposition de loi aucune prétention à servir je ne sais quel « grand soir » de la fiscalité locale. S'agissant d'une loi d'orientation, ce texte a néanmoins vocation à ouvrir la voie à un processus de reconstruction du système financier local. Fruit d'une réflexion depuis longtemps engagée, il s'appuie sur une volonté de correction d'inégalités criantes et de promotion d'une péréquation sensiblement améliorée.

Cette proposition de loi se veut annonciatrice d'évolutions complémentaires. Elle constitue un signal législatif fort en écho aux préoccupations régulièrement exprimées par les élus et d'ailleurs connues de tous.

Le manifeste cosigné voilà un mois seulement par les instances dirigeantes des élus, qu'il s'agisse de l'Association des maires de France, l'AMF, de l'Assemblée des départements de France, l'ADF, ou de l'Association des régions de France, l'ARF, nous en donne un bon aperçu.

M. Michel Moreigne. Très bien !

M. François Marc. Les trois instances sont unanimes sur l'urgence d'une réforme d'ensemble de la fiscalité locale.

Leurs priorités sont claires. Tout d'abord, il convient de restaurer l'autonomie fiscale des collectivités. Ensuite, il faut opérer un transfert de ressources fiscales, par exemple au travers de la création d'un impôt local nouveau. Le rapport fait notamment état d'une « taxe départementale additionnelle à la CSG », dont le produit serait affecté aux départements. Enfin, il est nécessaire d'assurer une plus forte péréquation.

Ces revendications, somme toute légitimes, interviennent dans un contexte général d'insatisfaction des élus locaux.

M. François Marc. Les évolutions récentes, liées notamment à l'« Acte II de la décentralisation », ont en effet nourri la méfiance, parfois la colère, des collectivités locales. Vous en avez tous fait l'expérience dans vos territoires, mes chers collègues, les réformes gouvernementales instituées ces dernières années ont été douloureusement ressenties. Les charges locales se sont considérablement accrues sous l'effet de la décentralisation et la promesse de l'État de compenser les transferts « à l'euro près » a fait long feu.

M. Michel Moreigne. C'est incontestable !

M. François Marc. Et que dire des réformes avortées, dont on a tant attendu et qui ont tant déçu ?

Ainsi, la taxe foncière sur les propriétés non bâties, TFNB, au lieu d'être réformée comme il avait été annoncé, n'a connu qu'un allégement. Elle étoffe ainsi un peu plus un incroyable maillage de dégrèvements et d'abattements !

Mais surtout, la « réformette » de la taxe professionnelle - on ne saurait en effet la qualifier de réforme ! - a eu des effets redoutables.

M. Michel Moreigne. C'est vrai !

M. François Marc. Le gouvernement de l'époque, plutôt que de suivre les recommandations de la commission Fouquet, a fait le choix de simples « retouches cosmétiques » de cet impôt. Le montage hybride auquel on a abouti laisse le champ libre aux optimisations fiscales. Surtout, il dépouille les collectivités locales de leur capacité de décision sur leur principale ressource fiscale. On parle aujourd'hui d'environ 600 millions d'euros de pertes annuelles de recettes pour les collectivités.

Cette pratique de l'État qui consiste à disposer des ressources des collectivités locales sans les consulter n'est pas acceptable. Le rapporteur, M. Michel Mercier, que l'on a souvent entendu décrier cet état de fait dans cet hémicycle, sera certainement d'accord avec moi pour dire qu'un tel comportement ne peut que nourrir l'insatisfaction générale des élus locaux.

M. Jean-Marc Pastor. C'est sûr !

M. François Marc. Sur cette question précise comme sur beaucoup d'autres, il est regrettable que les avis émis dans de nombreux rapports, conférences et autres études officielles n'aient pas été suivis.

Ainsi, dans son rapport de décembre 2005, Michel Pébereau recommandait déjà à l'État de ne plus imposer unilatéralement aux collectivités de nouvelles ponctions de ressources. De même, des études récentes ont préconisé des moyens concrets pour améliorer notre dispositif de fiscalité locale et pour redonner des marges de manoeuvre aux collectivités. À ce sujet, j'évoquerai principalement deux idées-force récurrentes : d'une part, l'autonomie et, d'autre part, la péréquation.

Dans tous les rapports abordant la question des finances locales entre 2000 et 2006, les auteurs ont plaidé pour de tels objectifs.

Dans le rapport Mauroy, la création d'une CSG locale est déjà préconisée et l'amélioration des mécanismes de péréquation est envisagée.

En 2005, dans le rapport Pébereau, il est fait le même constat d'une nécessaire amélioration de l'autonomie financière des collectivités et du dispositif de péréquation.

En 2006, dans le rapport Valletoux, il est proposé de faire de la péréquation « un élément constitutif de la nouvelle donne ». Dans le deuxième pivot central de cette étude, où est abordée l'affectation de ressources propres à chaque niveau territorial, l'idée d'une CSG départementale est également avancée.

La même année, dans le rapport Richard, que le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, M. Jean-François Copé, qualifiait en son temps de « fondateur », il est aussi proposé de « renforcer la part des concours financiers de l'État dédiée à la péréquation entre collectivités et les répartir en priorité en fonction du potentiel fiscal de la collectivité et du revenu moyen par habitant. ».

Mais les experts ne sont pas les seuls à considérer ces deux objectifs comme les axes forts d'une ardente obligation de réforme. Le renforcement de la péréquation et de l'autonomie financière des collectivités locales est un enjeu sur lequel tout le monde paraît s'accorder aujourd'hui.

Ainsi, le président Poncelet, que tout le monde connaît bien,...

M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. On l'a déjà rencontré ! (Sourires.)

M. François Marc. ... lors de son intervention devant l'ADF, le 18 octobre dernier, a plaidé pour une refondation du financement des collectivités territoriales : « Pourquoi ne pas considérer, par exemple, la CSG comme un impôt particulièrement bien adapté au financement des dépenses sociales des départements ? ». Ou encore : « La réforme envisagée devra également veiller à ne pas creuser les inégalités territoriales et impliquera la mise en oeuvre de nouveaux mécanismes de péréquation. »

M. François Marc. Rappelons également la déclaration alarmante de Philippe Laurent, président de la commission des finances et de la fiscalité de l'AMF, qui évoquait l'année dernière, au congrès des maires, l'urgence d'une réforme des finances locales : « Depuis deux ans, nous annonçons ici la crise des finances locales.

« Cette crise - une crise de confiance autant que de chiffres - est désormais devant nous de la façon la plus sûre qui soit.

« Les équilibres budgétaires des collectivités locales françaises, s'ils restent bons sur le passé, sont désormais clairement menacés sur l'avenir immédiat, et l'on ne voit pas ce qui pourrait les faire évoluer de façon positive. » Et il ajoute : « à moins qu'une ?réforme profonde de la fiscalité locale? ne vienne rendre une ?réelle liberté fiscale? aux collectivités. »

Enfin, les propos de Michel Mercier, notre rapporteur, tenus dans cette enceinte en 2005, sont également empreints de bon sens : « Si l'on ne veut pas faire tout financer par la taxe d'habitation, qui, chacun le reconnaît, est injuste [...], peut-être faut-il simplement en revenir aux vieilles recettes. La République avait su inventer les centimes additionnels. Pourquoi ne pas envisager, pour les départements, des centimes additionnels sur la CSG ? ».

Mes chers collègues, il semble bien que le constat et les objectifs soient unanimement partagés. Nous savons donc aujourd'hui, de manière assez consensuelle, me semble-t-il, dans quelle direction nous orienter pour entreprendre une réforme des finances locales. Jusqu'à présent, nous nous sommes heurtés à des problèmes de faisabilité de cette réforme. Je pense, avec mon groupe, que le moment est bien choisi pour l'entreprendre sans plus attendre.

Pour quelles raisons devons-nous agir aujourd'hui ? J'en vois au moins trois principales.

En premier lieu, c'est une affaire de légitimité républicaine. Le cinquième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution stipule désormais que la loi « prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales. »

Le principe de péréquation doit, tout comme le principe d'autonomie financière, faire l'objet d'un suivi spécifique et concret. Figurant dans notre Constitution, au même titre que l'autonomie financière, sa portée doit être similaire. À ce jour, rien n'a été fait, alors qu'une loi d'orientation a été votée sur l'autonomie.

En deuxième lieu, c'est un impérieux besoin de corriger les inégalités et de promouvoir plus de justice fiscale. Nous connaissons les écarts de ressources entre collectivités et nous savons également qu'une réforme efficace et adaptée peut y remédier. Il n'y a donc aucune raison pour que nous laissions une année de plus se perpétuer des injustices quant au financement des collectivités.

En troisième et dernier lieu, c'est, à nos yeux, une affaire d'opportunité politique.

M. Michel Mercier, rapporteur. Oh oui !

M. François Marc. Nous sommes dans un moment politique où les points de convergence sur le sujet de la péréquation et de l'autonomie financière des collectivités sont plus nombreux que les points de désaccord. Nous sommes également au début d'une législature : c'est le temps de l'action. Depuis trente ans, les expériences qui ont été conduites ont démontré, s'il en était besoin, que c'est en début de législature que ce type de réforme doit impérativement être envisagé.

La configuration est donc aujourd'hui idéale pour activer la réforme de notre fiscalité locale et la présente proposition de loi s'inscrit dans cette perspective favorable. Comme je l'ai mentionné plus tôt, c'est un souci de simplicité et de réalisme qui a prévalu dans la rédaction de cette proposition de loi. En conséquence, je vais vous présenter brièvement les deux articles qui la composent.

L'article 1er vise à limiter les écarts de ressources entre les collectivités. Un rapport réalisé par MM. Guy Gilbert et Alain Guengant démontre que le potentiel fiscal par habitant entre les communes peut atteindre un rapport de 1 à 8 500 ! Certes, l'écart est moindre pour les départements et pour les régions, mais de telles disparités posent l'évidente question - je l'évoquais plus tôt - de l'égalité du citoyen devant le service public délégué aux collectivités. De ce fait, nous avons souhaité que soit mis en place un « filet de sécurité » préservant l'homogénéité des niveaux de ressources financières pour chaque strate de collectivité sur le territoire national.

L'article 1er précise donc que la loi encadre un mécanisme de seuils pour les potentiels financiers des collectivités, garanti par la péréquation.

Ainsi, pour les communes, le potentiel financier ne pourrait descendre au-dessous de 80 % du potentiel financier moyen de sa strate démographique. Pour les départements, ce taux serait de 90 %. Enfin, pour les régions, il serait de 95 %.

L'article 2 a lui pour objectif de poser les jalons d'un impôt local moderne. Notre réflexion s'est naturellement nourrie des exemples de nos voisins européens. Parmi ceux qui ont entrepris une refonte de leur fiscalité locale, la plupart disposent en effet d'un impôt local sur le revenu. C'est le cas notamment de la Belgique, du Danemark, de l'Espagne, de la Finlande, de l'Italie, du Royaume-Uni, de la Suède...

La France fait aujourd'hui partie des rares pays qui n'ont pas recours à l'imposition sur le revenu au niveau local. Pourtant, cela représente un avantage considérable en termes de lisibilité et de justice fiscales. À cet égard, la création d'une contribution additionnelle à la CSG, affectée aux départements, constitue un élément de réponse pertinent.

La CSG est assise sur une assiette large. Elle a, de plus, été instituée pour financer les dépenses sociales et de santé. Dans la mesure où les départements assurent désormais les dépenses sociales et de solidarité, il est tout à fait cohérent d'affecter le produit d'une telle ressource aux départements.

L'article 2 tend donc à instituer un rapport permettant d'étudier, d'ici à la rentrée parlementaire de 2008, les conditions dans lesquelles une telle réforme pourrait être mise en place, ainsi que « les modalités de mise en oeuvre d'un ?fonds de solidarité départemental?, à titre de dispositif de péréquation horizontale de cette nouvelle ressource entre les départements. »

Mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins : face à un système de fiscalité locale à bout de souffle - tout le monde le sait - ...

M. Roland du Luart. C'est vrai !

M. François Marc. ...et au processus de désengagement de l'État - tout le monde l'a constaté aussi - nous ne pouvons plus conserver inchangé le système financier archaïque et totalement inégalitaire dans lequel notre République laisse aujourd'hui les collectivités se débattre, à coups d'expédients de circonstances. Le renforcement du dispositif de péréquation et la modernisation d'un prélèvement local autonome sont, à nos yeux, des mesures d'urgence essentielles pour garantir une fiscalité locale plus juste et mieux adaptée aux besoins des collectivités.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à l'heure où l'on parle tant de la revalorisation du Parlement et de sa capacité de proposition, à l'heure où le président du Sénat lui-même déclare que les préconisations contenues dans cette proposition de loi d'orientation sont de bonnes solutions pour notre pays, je compte, avec mes collègues socialistes, sur votre mobilisation à tous pour faire aboutir ce texte, bien sûr dans sa version originale et originelle, donc non dénaturée, et pour démontrer que le changement est non pas seulement affaire de discours, mais avant tout d'actes courageux ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, François Marc nous soumet une proposition de loi d'orientation par laquelle il entend embrasser l'ensemble des questions non pas techniques mais politiques qui se posent à propos des relations financières entre l'État et les collectivités locales.

Notre collègue vient excellemment de présenter son texte ; je n'y reviendrai donc pas, sinon pour souligner que, dans la longue énumération des points relatifs aux relations financières entre l'État et les collectivités locales, il a bizarrement oublié de citer l'exemple de l'allocation personnalisée d'autonomie, qui a été ces dernières années, je le rappelle, celle des mesures imposées aux collectivités locales par l'État qui a été la moins bien financée.

Il suffit d'ailleurs d'examiner les conséquences de cette mesure-là, notamment sur un département comme la Creuse,...

M. Michel Moreigne. Vous ne manquez pas d'audace !

M. Michel Mercier, rapporteur. ...pour voir combien les dispositions d'un texte bien présenté et bien préparé, certes, mais mal financé - à la vérité, pas financé du tout ! -, pèsent aujourd'hui sur les collectivités locales.

M. Jean-Pierre Sueur. Cela fait six ans que vous auriez pu régler le problème !

M. Michel Mercier, rapporteur. Mes chers collègues, chacun peut venir à cette tribune faire son mea culpa...

M. Michel Moreigne. C'est bien de le faire !

M. Michel Mercier, rapporteur. ...et reconnaître que, en dépit des alternances, la question lancinante des relations financières entre l'État et les collectivités locales demeure posée. Il est d'ailleurs remarquable que l'on n'y réponde pas de la même façon suivant que l'on est au pouvoir ou que l'on aspire à y revenir lorsqu'on l'a quitté...

Certes, depuis 1982, la question des relations financières entre l'État et les collectivités locales se pose avec plus d'acuité encore, et, derrière elle, celle du rôle du Parlement dans l'ensemble de notre système institutionnel. Mes chers collègues, le fait est que nous nous accrochons sans arrêt dès qu'il s'agit des recettes des collectivités locales. La difficulté est réelle, mais, plus encore que de nous occuper uniquement des recettes, nous serions bien inspirés de nous pencher aussi sur les dépenses que l'État peut imposer aux collectivités locales.

M. Michel Moreigne. C'est vrai !

M. Michel Mercier, rapporteur. Nous le savons, nous entrons dans une période de rareté financière pour ce qui est tant de l'État que des collectivités locales.

Force est pourtant de le reconnaître, la situation financière des collectivités locales est aujourd'hui difficile. En effet, la fiscalité des collectivités locales n'a pas été inventée pour financer des dépenses aussi dynamiques que celles que les lois de décentralisation successives ont transférées aux collectivités locales. Celles-ci disposent en fait d'une fiscalité largement héritée du XIXe siècle, alors qu'elles doivent faire face à des dépenses qui sont celles des XXe et XXIe siècles !

Il existe donc une importante disparité entre les moyens de financement et les actions politiques à financer.

Plus encore, on constate une forte inégalité entre les collectivités locales, entre celles qui ont plus de ressources et celles qui en ont moins.

Notre collègue François Marc envisage, dans les deux articles qui composent sa proposition de loi, les deux questions essentielles qui se posent dans les relations financières entre l'État et les collectivités locales : d'une part, et c'est tout le problème de la péréquation, comment assurer une relative égalité entre des collectivités locales extrêmement diverses par leur nature, leur situation géographique et humaine ? D'autre part, comment faire en sorte que les collectivités locales aient suffisamment de recettes pour faire face à leurs dépenses, notamment celles qui leur sont imposées par l'État ? Je reprendrai très rapidement ces deux thèmes.

L'article 1er a pour objet de renforcer la péréquation, qui est en quelque sorte devenue le mot magique des finances locales parce que l'on ne sait pas trop comment augmenter les capacités de l'État pour qu'il donne plus aux collectivités locales. Je rappelle tout de même, mes chers collègues, que, par les dégrèvements et les prises en charge, le premier contribuable local, et de loin, c'est déjà l'État !