situation des roms en france

Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, auteur de la question n° 65, transmise à Mme le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Madame le ministre, depuis le 1er janvier 2007, la Roumanie et la Bulgarie sont entrées dans l'Union européenne. Par voie de conséquence, les Roms originaires de ces deux États sont devenus, de plein droit, citoyens européens.

Cependant, même si ces Roms bénéficient du droit à la libre circulation, ils ne peuvent bénéficier pleinement ni du droit au séjour ni du droit d'accès au travail, car ils sont soumis à des règles particulières pendant toute la période transitoire prévue par le traité d'adhésion. La restriction légale d'accès à l'emploi peut courir jusqu'en 2014.

Ces restrictions ont un effet désastreux sur le quotidien des Roms roumains et bulgares qui vivent en France. En effet, celui qui ne peut ni travailler, ni se loger, ni se nourrir, ni se soigner, ne peut pas vivre dignement : il ira donc s'installer, à son grand désarroi, dans des bidonvilles.

Pour m'être rendue dernièrement dans plusieurs de ces bidonvilles du Val-d'Oise, à Bessancourt, à Pierrelaye ou à Taverny, je peux témoigner de l'effrayante pauvreté et de la précarité des familles. J'ai été choquée par l'insalubrité, la misère, le manque d'hygiène, l'état de santé, l'absence de scolarisation des enfants. Ces personnes vivent dans le dénuement le plus total, au milieu des ordures, des rats, sans eau, ni électricité, ni chauffage...

Cette carence est directement imputable à l'État et aux collectivités territoriales mais aussi à un vide juridique européen. Toutefois, notre immobilisme pourrait être qualifié de non-assistance à personne en danger.

Le 22 décembre 2006, une circulaire du ministère de l'intérieur précisait les modalités d'admission au séjour et d'éloignement des ressortissants roumains et bulgares avec, bien sûr, l'idée de les renvoyer le plus vite possible. M. Hortefeux a même rappelé son souhait de trouver un moyen de raccompagner les Roumains et les Bulgares dans leur pays. Pourquoi ? La réponse est simple : en 2006, 6 000 des 24 000 expulsés étaient des Roms, preuve qu'ils servent de boucs émissaires pour remplir les quotas d'expulsions annuels et faire du chiffre, puisque telle est la politique actuelle !

Ainsi, des « obligations à quitter le territoire français », les fameuses OQTF, sont distribuées à tour de bras et le seul moyen d'y échapper est d'accepter l'aide au retour de l'Agence nationale d'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM. En fait, on leur donne le choix entre deux formes de reconduite, sans même chercher à mettre en place une vraie politique d'intégration de ces populations qui, demain, resteront là, bien ancrées. Aucun dispositif n'existe, si ce n'est dans quelques villes.

Je dois souligner le cas de Nantes, où 180 Roms, dont 60 enfants, ont été logés dans des mobile homes équipés sur des terrains avec sanitaires, mis à disposition par la communauté urbaine de Nantes Métropole.

Je sais que d'autres villes consentent aussi d'énormes efforts sur ce plan.

Vous me direz que la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage vise précisément à encadrer le stationnement des Roms, en favorisant la mise en place d'aires de stationnement pour les gens du voyage. Cependant, connaissez-vous exactement le nombre des communes qui respectent les obligations découlant de cette loi ?

Au début de 2005, 1 460 aires d'accueil restaient à créer, 260 étaient dans l'attente d'une réhabilitation, tandis que seulement 7 000 places ont été créées sur les 30 000 prévues !

Depuis l'entrée en vigueur de la loi, on le sait, certaines communes se désistent et laissent en fait à d'autres le soin de prendre en charge cette action. En outre, de nombreuses lois ont été votées qui visent à renforcer considérablement les procédures destinées à faciliter l'expulsion des gens du voyage.

Les « lois Sarkozy » de 2003 et de 2007 ont ainsi introduit des délits spécifiques liés au stationnement des gens du voyage. Selon les propres mots de M. Sarkozy, leur objet est de sanctionner pénalement l'occupation illégale de propriétés privées ou publiques et d'accélérer la construction d'aires d'accueil pour les gens du voyage. Malheureusement, cet effort en matière de construction d'aires d'accueil se fait attendre...

En définitive, cet arsenal législatif ne sert aujourd'hui qu'à une chose : chasser les Roms considérés comme indésirables, sans même réfléchir aux moyens de leur insertion et au respect effectif de leurs droits fondamentaux, comme l'accès aux soins ou l'accès à l'éducation pour les enfants.

Il est grand temps, madame le ministre, de mettre en place une vraie politique d'insertion de ces populations. Les Roms sont déjà citoyens européens, ils le seront plus encore dans un avenir proche, à l'issue de la période transitoire, mais ils sont aussi pleinement européens par leur histoire. Ils aspirent, comme tous les citoyens européens, à accéder aux services élémentaires, notamment en matière de logement, d'éducation, de soins. Il ne sert à rien de vouloir les chasser car, en tant que citoyens européens, ils ont le droit d'aller et venir : après qu'ils auront été expulsés, ils pourront revenir une fois de plus.

Il faut au contraire encourager, conjointement avec les communes, les projets d'insertion visant à mettre en place un accompagnement social des familles, dans leurs démarches pour accéder à l'emploi, à la scolarisation des enfants, à l'alphabétisation, en particulier des femmes, et à la formation professionnelle.

L'État a le devoir de s'engager, avec l'aide des collectivités territoriales, des associations et des personnes concernées qui oeuvrent déjà sur ces questions, pour élaborer des réponses durables et respectueuses de la dignité humaine. La France exercera bientôt la présidence de l'Union européenne : ce serait un signe fort de sa part que de trouver une solution pour permettre l'intégration de ces citoyens européens.

Madame le ministre, ma question est simple : quelles mesures comptez-vous prendre pour instaurer une vraie politique d'insertion des Roms en France, pour mettre un terme aux souffrances qu'ils endurent au quotidien, à la misère qu'ils vivent, à la suspicion généralisée qui pèse sur leur communauté et à l'aggravation d'un racisme qui les exclut toujours davantage ?

Mme la présidente. La parole est à Mme le ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Madame le sénateur, il est parfois difficile à nos concitoyens de cerner les différences de statuts et, par conséquent, de comprendre la variété des textes qui les régissent.

Ainsi, il faut d'abord rappeler que les personnes désignées sous le terme générique de « Roms » sont des ressortissants des pays de l'Europe de l'Est : ce ne sont ni des citoyens français ni des populations de tradition nomade ; il s'agit de populations sédentaires provenant en majorité, comme vous l'avez dit, de Roumanie et de Bulgarie.

Les Roms n'appartiennent donc pas à la communauté des gens du voyage, lesquels, aux termes de la loi du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe, doivent être en possession d'un titre de circulation. Ce sont deux catégories différentes, et les Roms ne relèvent donc pas du dispositif d'accueil des gens du voyage qui a été prévu par la loi du 5 juillet 2000.

Ces ressortissants de pays désormais membres de l'Union européenne entrent donc librement sur le territoire national et sont soumis à l'application des dispositions transitoires qui s'appliquent aux nationaux de ces pays. Ils sont traités de la même façon que tous les nationaux des pays d'Europe de l'Est membres de l'Union européenne qui entrent en France.

Cela étant, vous avez évoqué les conditions de vie souvent précaires des Roms présents sur notre territoire. Je souligne une nouvelle fois que leur sont appliqués les textes régissant l'ensemble de leurs compatriotes. Ils sont traités, au regard notamment des règles du séjour et de l'accès au travail, comme le sont tous les autres ressortissants des nouveaux États membres de l'Union européenne soumis au régime transitoire.

C'est la raison pour laquelle les Roms bénéficient de la liberté de circulation et du droit de séjourner sur notre territoire en qualité de non-actifs, puisque c'est bien ce qui est prévu dans les textes européens. À ce titre, comme tous les ressortissants communautaires, ils doivent satisfaire aux conditions de ressources et de protection sociale qui sont requises non par la réglementation ou par la législation françaises, mais bien par la réglementation européenne. Nous sommes en Europe, nous acceptons les textes européens, nous appliquons les textes européens.

Conformément aux dispositions des traités d'adhésion signés par leurs pays d'origine, les Roms ne disposent donc pas de la liberté d'installation reconnue aux travailleurs salariés. Telles sont aussi les dispositions transitoires. Pour pouvoir éventuellement exercer une activité, il leur faut obtenir, au préalable, un titre de séjour, comme le prévoient les textes européens, et une autorisation de travail, laquelle peut, le cas échéant, leur être refusée en raison de la situation de l'emploi.

Encore une fois, nous ne faisons là qu'appliquer la législation européenne. Je dirais même que nous le faisons avec une certaine souplesse, puisque nous appliquons aussi à ces populations une partie du statut des gens du voyage, s'agissant notamment du stationnement sur les aires d'accueil.

À cet égard, il est vrai que toutes les communes n'ont pas satisfait à l'obligation de création de telles aires d'accueil qui s'impose à elles. Je suis d'accord avec vous sur ce point.

Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il est vrai que ces personnes étaient à l'origine sédentaires ; en tout cas, elles l'étaient en Roumanie et en Bulgarie. Elles ne font donc pas partie de la communauté des gens du voyage.

En revanche, elles sont, malheureusement pour elles, devenues de fait des gens du voyage, parce que leur situation les y a contraintes. D'ailleurs, les Roms, qui appartiennent souvent à la communauté tzigane, rencontrent également des difficultés en Roumanie et en Bulgarie, où ils sont en butte au racisme. Ainsi, très souvent, si les Roms décident de venir en France, c'est pour se protéger ou pour échapper aux discriminations et au racisme dont ils sont victimes dans leur pays d'origine.

Vous me répondez en invoquant des textes, madame le ministre. Vous avez raison, les textes sont les textes, et, malheureusement, si les Roms ont le droit de séjourner dans notre pays, ce droit est strictement limité. Mais comment peuvent-ils exercer leur droit au séjour s'ils n'ont pas le droit de travailler ? Comment obtenir des ressources pour pouvoir subvenir aux besoins de la vie quotidienne sans avoir accès au travail ?

J'ai l'impression qu'il s'agit là d'une forme de schizophrénie : en même temps qu'on les accepte comme Européens et qu'on leur concède le droit de venir en France, de circuler librement et de séjourner sur notre territoire, on leur interdit de travailler. Vont-ils être contraints à voler pour pouvoir nourrir leur famille ? Leur situation est impossible !

Nous devons être cohérents : si l'on accepte les Roms sur le territoire national, il faut leur donner le droit de travailler pour subvenir à leurs besoins. C'est la moindre des choses.

Mais, au-delà de l'accès au travail, ce sont bien les droits fondamentaux de la personne humaine qui sont en question : il s'agit ici de femmes, d'enfants, de vieillards. J'ai été choquée de voir des enfants qui n'ont même pas droit à la scolarité ou à la santé, qui n'ont pas accès à l'eau courante, qui sont parfois attaqués par des rats, qui circulent pieds nus ! On n'a pas le droit, dans un pays comme la France, de ne pas penser à ces enfants. Il existe, dans notre pays, des droits fondamentaux, des lois protégeant l'enfance, et nous devons au moins mettre en oeuvre les dispositifs existants pour protéger ces familles et ces enfants, même si les Roms n'ont pas le droit de travailler.

Dans cette perspective, peut-être doit-on procéder à des réquisitions, imposer à certaines communes de prendre les mesures nécessaires pour permettre à ces populations de vivre dans des conditions minimales de dignité et de propreté. Surtout, il s'agit d'éviter le drame qui se profile à l'horizon. N'oublions pas en effet que, demain, à l'expiration du régime transitoire, les Roms seront pleinement des citoyens européens : que leur répondrons-nous alors quand ils nous demanderont comment nous avons pu les traiter de cette manière lorsqu'ils étaient enfants ?

réforme de la carte judiciaire

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la question n° 62, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La réforme de la carte judiciaire suscite un réel émoi. J'en veux pour preuve que plusieurs syndicats de magistrats et de personnels de justice appellent à la grève pour le 29 novembre prochain. Certains d'entre eux ont même boycotté la visite de Mme la garde des sceaux au palais de justice de Paris, la semaine dernière.

Cette « grogne » montante est sans doute la raison véritable pour laquelle le Gouvernement, invoquant la proximité des élections professionnelles, a décidé de reporter la réforme concernant les conseils de prud'hommes.

Selon les informations dont je dispose, et alors même que les deux ministres de tutelle affirment qu'il n'y a pas de calendrier arrêté et qu'aucun schéma préétabli n'existe, de 50 à 90 conseils de prud'hommes pourraient être regroupés, et donc certains disparaître, ce qui éloignerait encore davantage l'institution des salariés.

Le département des Hauts-de-Seine, que je représente dans cette assemblée, compte actuellement deux conseils prud'homaux, sis l'un à Nanterre, l'autre à Boulogne-sur-Seine. Chaque année, plus de 10 000 dossiers y sont traités, et le nombre de greffiers y est dramatiquement insuffisant.

Les seuls éléments connus concernant cette réforme sont les critères qui décideront de la suppression ou non d'une juridiction : le niveau de l'activité prud'homale, lié bien entendu à l'importance de l'activité économique, la démographie et l'existence d'un réseau de transports suffisant.

De prime abord, les Hauts-de-Seine pourraient se croire à l'abri. Il n'en est rien. Les délais séparant l'introduction d'un recours de la décision sont déjà bien trop longs, en l'état : plus de dix-sept mois dans la section « commerce », et vingt-trois mois dans la section « encadrement ». De tels délais sont bien évidemment préjudiciables aux salariés concernés et conduisent à ce que 45 % des affaires soient abandonnées avant jugement.

L'argument selon lequel un regroupement n'entraînerait pas une baisse du nombre global de greffiers n'est donc pas satisfaisant au regard de la situation actuelle, et celui qui tient à la possibilité de recourir à des moyens de transport efficaces pour rejoindre n'importe quel point du département ne l'est pas davantage : il suffit d'avoir dû se rendre d'Antony à Boulogne-sur-Seine pour en être convaincu.

La vraie réforme consisterait plutôt à créer un troisième conseil de prud'hommes et à garantir - j'y insiste - qu'aucune section ne sera supprimée.

C'est pourquoi je vous demande, monsieur le secrétaire d'État, de bien vouloir me préciser les intentions du Gouvernement concernant les conseils de prud'hommes dans le département des Hauts-de-Seine et quelles mesures il envisage de prendre pour garantir à chaque salarié un droit d'accès réel à une justice efficace et de proximité.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Éric Besson, secrétaire d'État chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques. Madame la sénatrice, je voudrais d'abord excuser Mme la ministre de la justice qui, retenue par une obligation majeure, m'a prié de vous communiquer sa réponse.

Vous avez souhaité interroger Mme la garde des sceaux sur les conséquences, pour les conseils de prud'hommes des Hauts-de-Seine, du projet de réforme de la carte judiciaire.

Les conseils de prud'hommes, qui jugent les litiges du travail, sont au nombre de 271. Leur implantation est héritée d'une époque où dominaient les activités industrielles. Elle ne reflète pas la prépondérance actuelle du secteur tertiaire et n'est pas adaptée à la réalité économique et sociale de la France d'aujourd'hui.

Mme la garde des sceaux propose donc de rechercher un meilleur équilibre, tout en respectant la règle législative d'au moins un conseil de prud'hommes par ressort de tribunal de grande instance. Comme pour les autres juridictions, des regroupements sont envisagés en fonction des besoins liés à l'activité contentieuse.

L'objectif est, en effet, de permettre aux conseillers prud'hommes de juger suffisamment d'affaires pour acquérir le niveau de technicité nécessaire. C'est la garantie d'une justice prud'homale de qualité.

De même, l'accueil des justiciables doit être amélioré : tous les conseils de prud'hommes disposeront d'un greffe permanent, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Parallèlement, le nombre de conseillers prud'hommes pourrait être augmenté dans les conseils qui doivent faire face à une recrudescence d'activité.

Il convient de préciser que la loi impose comme préalable à toute réforme de la carte judiciaire prud'homale la publication au Journal officiel d'un avis détaillé par conseil de prud'hommes soumis à concertation locale et la consultation, au plan national, du Conseil supérieur de la prud'homie.

C'est dans le cadre de ces différentes phases de concertation que Rachida Dati - en liaison avec Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, et avec toutes les organisations représentatives des salariés et des employeurs - veillera à ce que les situations particulières soient examinées, notamment celle des conseils de prud'hommes des Hauts-de-Seine, qui vous tient à coeur.

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le secrétaire d'État, je prends acte de ces engagements. Je serai particulièrement vigilante, aux côtés des personnels de justice - notamment ceux de la magistrature - ainsi que de l'ensemble des conseillers prud'hommes et des salariés.

Si j'ai tenu à attirer l'attention de Mme la garde des sceaux sur la situation actuelle dans les Hauts-de-Seine, c'est que les conseils de prud'hommes y sont déjà complètement surchargés. Cette situation aboutit à ce que près d'un cas sur deux soit de fait abandonné ou soit réglé par des accords qui, au final, se révèlent défavorables aux salariés.

La réforme des conseils de prud'hommes suscite en moi une vive inquiétude dans la mesure où elle s'inscrit à l'évidence dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire. S'agissant plus particulièrement des Hauts-de-Seine, le regroupement prévu entraînera la disparition de trois tribunaux d'instance. Vous comprendrez que, dans un tel contexte de pénurie, je demeure vigilante.

assurance et accès au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé

Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Printz, auteur de la question n° 55, adressée à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

Mme Gisèle Printz. Monsieur le secrétaire d'État, la convention « S'assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé », ou AERAS, signée entre l'État, les fédérations professionnelles de la banque et de l'assurance et certaines associations de malades et de consommateurs, est entrée en vigueur le 6 janvier 2007 et elle a été consacrée par la loi votée ici même le 18 janvier.

Cette convention a pour objectif de faciliter l'accès à l'assurance et au crédit des personnes présentant un risque de santé aggravé. Elle représente une réelle avancée par rapport au dispositif Belorgey de 2001.

Toutefois, beaucoup d'emprunteurs, notamment dans mon département, rencontrent encore des difficultés. Après plusieurs mois d'application, on constate que la convention n'est pas systématiquement respectée par les compagnies d'assurance, pas plus que par les banques, particulièrement en ce qui concerne les délais de traitement des dossiers et la recherche de garanties alternatives.

La convention fixe des délais de traitement des dossiers de prêt limités à cinq semaines au total, dont trois semaines pour la réponse des assureurs. Mais ceux-ci dépassent souvent ce délai, parfois prenant jusqu'à trois semaines supplémentaires, pour une réponse qui peut être négative.

Les banques n'encouragent pas les personnes présentant un risque aggravé de santé à démarcher simultanément d'autres compagnies d'assurance que les leurs. Certaines banques vont même jusqu'à interdire les délégations d'assurance aux emprunteurs, ou à leur augmenter le taux d'emprunt s'ils choisissent une autre compagnie d'assurance que la leur. Pressé par le temps, l'emprunteur accepte les conditions ou abandonne son projet immobilier.

Monsieur le secrétaire d'État, il faut être plus vigilant pour que cette convention qui a force de loi soit respectée.

Par ailleurs, la convention AERAS n'impose pas aux professionnels d'assurer les emprunteurs. La presse régionale de Lorraine a par exemple relaté le cas d'une personne en situation de surpoids qui s'est vu débouter par dix-sept compagnies d'assurance !

La convention ne dissuade pas non plus les assureurs de proposer des surprimes colossales ou de fixer des exclusions liées à la pathologie de l'emprunteur, voire les deux à la fois. La surprime est d'autant plus intolérable pour les personnes en situation de handicap qu'elles doivent déjà assumer le surcoût que représente, par exemple, l'acquisition d'un domicile plus grand pour permettre la circulation en fauteuil roulant.

Enfin, la convention AERAS n'empêche pas les questionnaires de santé abusifs ni les demandes d'examens complémentaires, même pour des personnes en rémission depuis dix ans.

Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour que les personnes qui présentent un risque aggravé de santé et les personnes en situation de handicap n'aient plus à subir cette « double peine » et qu'elles puissent s'assurer sans problème dans des conditions décentes.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. Madame la sénatrice, un grand nombre de personnes se voient fréquemment opposer un refus alors qu'elles sollicitent un prêt à la consommation, un prêt immobilier ou un prêt professionnel parce qu'elles sont ou parce qu'elles ont été malades.

Ce refus est lié à l'impossibilité pour ces personnes d'être couvertes par un contrat d'assurance garantissant les risques décès et invalidité que leur demande de souscrire l'établissement de crédit. Lorsque certaines personnes obtiennent une proposition d'assurance, elles ne sont pas toujours en mesure d'acquitter les surprimes demandées dont le montant peut parfois être très élevé.

Ces situations sont difficilement vécues et ne sont pas comprises par nos concitoyens qui ont surmonté une maladie parfois ancienne ou qui ont repris le cours normal de leur vie. Elles sont en réalité difficilement admissibles.

La convention AERAS a été signée le 6 juillet 2006 par le ministre de l'économie et des finances, par le ministre de la santé et des solidarités, par les fédérations professionnelles de la banque, de l'assurance et de la mutualité et par les associations de malades et de consommateurs.

Cette convention met en place un dispositif d'ensemble visant à faciliter l'accès à l'emprunt et à l'assurance des personnes présentant un risque aggravé de santé. Par rapport à la précédente convention, elle présente plusieurs avancées : une plus grande transparence dans les décisions de refus, la prise en compte de la couverture du risque invalidité, la création d'un mécanisme de prise en charge des surprimes en faveur des emprunteurs, sous condition de ressources.

La convention AERAS, dont les stipulations ont été consacrées par la loi du 31 janvier 2007, est en vigueur depuis le 6 janvier 2007.

Depuis cette date, les instances prévues par la convention ont été installées et fonctionnent sans difficultés ; des actions de communication ont été mises en place par l'ensemble des parties signataires pour faire connaître la convention. L'État, pour sa part, a créé un site internet qui totalise plus de 90 000 connexions depuis le mois de janvier 2007. Les établissements de crédits et les entreprises d'assurance ont mis en place le mécanisme de mutualisation des surprimes.

Enfin, comme vous le savez, la loi du 31 janvier 2007 prévoit une évaluation des conditions d'application de la convention AERAS au plus tard le 1er juillet 2008.

Aussi, Mme la ministre a demandé qu'un groupe de travail soit mis en place afin d'élaborer avec l'ensemble des parties signataires les indicateurs permettant d'évaluer objectivement le respect des engagements pris ou le caractère insuffisant des mesures arrêtées dans cette convention

Mme la ministre estime que cette évaluation constitue une étape essentielle. Elle doit permettre aux pouvoirs publics de tirer toutes les conséquences de l'application de la convention et d'envisager, si les résultats de l'évaluation devaient y conduire, la recherche de solutions alternatives.

Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Je vous remercie de votre réponse. J'ai bien noté que le Gouvernement mettait en place un groupe de travail. Je vérifierai si les engagements ont bien été respectés ; si c'est le cas, je ne serai plus obligée de poser de nouveau cette question !

conditions d'installation des médecins

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 48, adressée à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

M. Claude Biwer. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, dans un très récent rapport d'information du Sénat présenté par Jean-Marc Juilhard et portant sur la réduction de la fracture territoriale de l'offre de soins, un diagnostic sans complaisance de la situation actuelle a été dressé.

Selon ce rapport, la baisse du nombre de médecins est tout à fait prévisible du fait de la conjonction de multiples facteurs ; les inégalités territoriales d'accès aux soins risquent probablement de s'aggraver ; les aides actuelles à l'installation sont certes multiples mais leur efficacité est réduite ; la détermination des zones sous-médicalisées est imparfaite. On en arrive ainsi à la question centrale : peut-on s'en tenir à une politique de moindre contrainte ?

Dans son rapport sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale, la Cour des Comptes répond de manière très explicite à cette dernière question : récusant toute pénurie de médecins - à l'heure actuelle, tout du moins -, elle estime que le vrai problème est la mauvaise répartition de ceux-ci entre spécialités et territoires et elle préconise la mise en place de mesures financières pour pénaliser l'installation dans les zones déjà bien dotées en médecins.

La Cour des comptes suggère une baisse importante ou une suppression de la prise en charge des cotisations sociales par l'assurance-maladie ; à défaut, les inégalités d'accès aux soins s'aggraveront inéluctablement. Permettez-moi de vous dire que je partage tout à fait ce point de vue.

En effet, élu d'un département rural - la Meuse -, je sais que, au regard de la présence médicale, la situation de certaines populations est déjà délicate, même si chez moi les choses se passent plutôt bien. Il est à craindre que la baisse du nombre de médecins n'aggrave encore cette situation.

J'ai donc été très heureux, à la lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, de constater que le Gouvernement avait pris la mesure de cette situation en ouvrant la possibilité de débattre des conditions et des modalités de conventionnement en fonction de la densité de la zone d'exercice lors de négociations conventionnelles avec l'assurance-maladie.

Hélas, après quelques manifestations d'étudiants en médecine et d'internes, ce texte a été réécrit : toute référence au conventionnement a été supprimée pour laisser place à des mesures incitatives à l'installation dont on a déjà vu à quel point elles étaient inefficaces, même si aujourd'hui les départements peuvent compléter cette démarche.

Je suis profondément navré par une telle réécriture, car cela veut bien dire que, sous couvert de liberté d'installation, les jeunes futurs médecins préfèrent s'installer dans certaines régions déjà surmédicalisées et en milieu urbain plutôt qu'en milieu rural.

Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite que nous ayons ensemble un peu de courage politique, qui ne nuit jamais. À situation exceptionnelle, moyens exceptionnels ! Il existe un numerus clausus pour l'installation des pharmaciens et les infirmiers et infirmières libéraux ont récemment signé une convention qui permettra d'assurer une meilleure répartition de ces professions sur le territoire. Il n'y aurait donc plus que les médecins qui pourraient s'installer suivant leur bon plaisir au mépris de la santé de la population des zones rurales !

Il faut rappeler aux étudiants qui choisissent librement d'exercer la médecine que le métier a ses contraintes et qu'il n'est pas possible de décortiquer cette profession au gré de leurs désirs.

Quant à nos gouvernants, les millions de Français qui leur ont fait confiance souhaitent que les engagements qui ont été pris soient effectivement tenus : le traitement de certains dossiers comme la réforme des universités, le service minimum et, à présent, la démographie médicale ne risque-t-il pas de les décevoir ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. Madame la présidente, monsieur le sénateur, la Cour des comptes rend chaque année un rapport sur les lois de financement de la sécurité sociale. Comme vous le savez, ce rapport éclaire le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale.

Bien sûr, le Gouvernement partage le constat de la Cour. Il n'est pas normal qu'aujourd'hui il y ait dix fois plus de cardiologues en Loire-Atlantique qu'en Mayenne, départements qui font pourtant partie de la même région, ou encore que jusqu'à 4 millions de personnes connaissent des difficultés pour se rendre chez un médecin généraliste.

Sur le sujet de la démographie médicale, la Cour des comptes recommande que des mesures coercitives fortes soient prises. Ce n'est pas le point de vue du Gouvernement, qui souhaite privilégier les mesures incitatives.

Vous le savez, la question de l'accès à des soins de qualité interroge l'organisation générale de la santé, et en priorité celle de l'offre de soins de premier recours. Je crois néanmoins qu'il faut avant tout réfléchir aux conditions d'installation des médecins et se pencher sur les raisons de la désaffection de certains territoires par les médecins. Les acteurs de terrain doivent être pleinement associés aux orientations politiques dans ce domaine.

C'est pour cette raison que Mme la ministre a demandé que soient rapidement organisés des états généraux de l'organisation de la santé chargés d'examiner les problèmes dans leur globalité et de cadrer les négociations conventionnelles à venir.

Placés sous la responsabilité du professeur Yvon Berland et de la directrice de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, ces états généraux rassembleront l'ensemble des acteurs concernés par le sujet, notamment les représentants des étudiants, des internes, chefs de clinique et des jeunes médecins.

Lors de ces discussions, devront être abordés, sans tabous, l'ensemble des déterminants de l'organisation de la santé que sont les conditions de formation ainsi que les modalités d'exercice et l'aménagement de l'offre de soins sur le territoire.

Un lien fort devra bien entendu être tissé avec le travail confié à Gérard Larcher sur les missions de l'hôpital, ces deux sujets étant, en de nombreux points, interdépendants. Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports attend que les conclusions de ces réflexions viennent nourrir le projet de mise en place des agences régionales de santé.

Comme vous le voyez, l'enjeu est important, et les acteurs fortement mobilisés. Le Gouvernement s'en félicite et entend faire de ces états généraux sur l'organisation de la santé un temps fort de l'évolution de notre système de santé. C'est notre rôle de l'accompagner dans ce changement, comme c'est notre devoir de garantir un égal accès aux soins à tous les Français.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Je remercie M. le secrétaire d'État de nous faire part des intentions - bonnes, je n'en doute pas -, du ministère de la santé.

Je rappelle cependant que les zones rurales ne jouent pas dans la même cour que les zones urbaines. Que penseriez-vous si les terrains de sport, monsieur le secrétaire d'État, n'avaient pas tous les mêmes dimensions selon leur localisation géographique ?

J'établirai d'ailleurs un parallèle avec la question des gens du voyage, qui a été abordée tout à l'heure : pour en avoir reçu 40 000 dans une commune de 600 habitants, je considère que ce sujet-là ne peut pas non plus faire l'objet d'un traitement partiel. Une véritable réflexion globale est nécessaire à laquelle les élus doivent être étroitement associés afin que nous trouvions ensemble les bonnes solutions.