M. le président. La parole est à M. Georges Othily.

M. Georges Othily. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le débat sur l'évolution des prélèvements obligatoires revêt cette année une dimension particulière.

L'ouverture de la xiiie législature a été marquée par la volonté du Président de la République de rompre avec des méthodes de pilotage de l'action publique anciennes, trop souvent empreintes du sceau de l'insouciance budgétaire.

Pendant longtemps, on n'a jugé de la qualité d'un ministre qu'à sa capacité à obtenir une hausse de son budget. Cette époque de gabegie est révolue. La création en mai dernier d'un ministère « du budget, des comptes publics et de la fonction publique » a permis non seulement de donner au Parlement un interlocuteur unique, mais encore de rassembler sous une même autorité la gestion de l'ensemble des comptes publics, comptes sociaux compris.

Si le taux des prélèvements obligatoires reste un indicateur imparfait des ressources de l'État, il n'en apporte pas moins un éclairage intéressant sur l'intervention publique dans l'économie.

Selon le rapport économique, social et financier pour 2008 établi par le Gouvernement, le taux des prélèvements obligatoires s'établira à 43,7 %, soit une baisse annoncée de 0,3 point en un an. Sur le long terme, ce taux s'inscrit dans la stabilité, après l'augmentation sensible connue à la fin des années quatre-vingt-dix. La France se place ainsi au quatrième rang des pays de l'OCDE, avec 3,5 points au-dessus de la moyenne européenne. Cependant, alors que le poids des prélèvements obligatoires a été porté de 42,8 % à 43,7 % de notre PIB entre 1990 et 2000, il est passé aux États-Unis de 26,7 % à 26,4 % du PIB, avec une croissance moyenne sur quinze ans supérieure d'environ 1,2 point. Les seuls prélèvements directs sur les entreprises approchent les 17 %, contre moins de 10 % pour les autres grands pays européens.

En eux-mêmes, ces chiffres ne nous affecteraient pas si notre système fiscal contribuait à produire de la richesse. Hélas ! l'OCDE soulignait en 2005 que notre système de charges sociales, qui ponctionnait 15,8 % du PIB en 2006, est porteur de précarité. Cette critique met en avant le fait que les salariés peu ou pas qualifiés coûtent plus cher que dans n'importe quel autre pays de l'OCDE : un SMIC français coûte 54 % de plus qu'un salaire médian, contre 33 % de plus aux États-Unis, 40 % de plus en Belgique, 36 % de plus en Espagne.

Débattre dans cet hémicycle du poids de la fiscalité pourrait immanquablement réveiller de multiples passions. Cependant, il faut avant tout considérer la fiscalité comme un outil contribuant au développement pour tous de l'économie nationale. Le meilleur équilibre doit être trouvé entre intérêt de l'État - l'intérêt général - et intérêt des citoyens, c'est-à-dire l'épanouissement individuel contribuant à l'intérêt général.

Dans un système mondial de plus en plus ouvert où la volatilité des capitaux et de l'information s'accélère sans répit, l'attractivité des territoires est devenue un impératif. À ce titre, notre pays dispose de nombreux atouts, notamment en termes d'infrastructures, de qualité de la main-d'oeuvre et de qualité de vie. Mais notre système fiscal, à la logique si « franco-française », constitue aujourd'hui un handicap dont la remise à plat se révèle nécessaire.

Pourtant, les exemples de pays ayant réussi leur aggiornamento fiscal au service de leur compétitivité sont légion : la Suède, le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande, l'Allemagne. Le Canada, dont la situation en 1993 était comparable à la nôtre aujourd'hui, a enregistré un excédent budgétaire de 16 milliards d'euros en 2006-2007. Ce surplus a permis au gouvernement de faire voter la réduction de sa fiscalité sur les revenus et sur les entreprises tout en continuant à se désendetter. Dans le même temps, le chômage reste bas - 5,8 % -, la consommation des ménages soutenue et l'investissement des entreprises vigoureux.

Madame la ministre, ce dernier exemple montre qu'une stratégie d'optimisation fiscale peut permettre, sur le moyen terme, d'utiliser la politique de prélèvements comme un puissant levier de progrès économique et social. Actuellement, la complexité et l'enchevêtrement des normes compromettent - c'est le moins que l'on puisse dire ! - la réalisation de cet objectif. Pourtant, une bonne politique fiscale ne consiste-t-elle pas à créer des impôts simples avec une assiette large et un taux réduit ?

C'est dans cette optique, madame la ministre, que s'impose une révision générale des multiples exceptions et régimes fiscaux particuliers, autrement appelés « niches fiscales », dont il a été beaucoup question au cours de ce débat. Comme le relève Philippe Marini dans son excellent rapport préparatoire à ce débat, « une révision des niches paraît en effet indispensable, tant l'efficacité de certaines d'entre elles est contestable, et leur développement incontrôlé ». Dans son rapport sur la fiscalité dérogatoire rendu en 2003, le Conseil des prélèvements obligatoires recensait 418 niches fiscales, dont le coût représentait 60 % de l'impôt sur le revenu. Notre éminent collègue rapporteur général relève quant à lui dans le projet de loi de finances pour 2008 près de 650 niches, dont 202 pour le seul impôt sur le revenu. L'impact en termes de dépenses fiscales s'élèverait ainsi à 72,3 milliards d'euros. De leur côté, les niches sociales représentent un manque à gagner net pour le régime général de 35,5 milliards d'euros, soit l'équivalent de 12,3 % de ses recettes de 2007.

Élu d'outre-mer, je ne vous dirai pas que toutes ces niches sont à proscrire. Leur suppression pure et simple n'est pas la solution miracle pour résorber nos déficits. À côté des dispositifs qui font la richesse des conseillers fiscaux, n'oublions pas que certaines niches atteignent leur objectif initial : orienter l'épargne là où elle est nécessaire, stimuler certains secteurs d'activité, encourager un type de comportement. La commission d'évaluation de la loi de programme pour l'outre-mer notait ainsi en 2006 que les dispositifs d'allégements sociaux et fiscaux consentis aux départements d'outre-mer avaient effectivement permis d'y développer l'emploi et l'investissement.

Toutefois, le risque qui nous guette est celui d'encourager la seule optimisation fiscale individuelle au détriment de la fonction d'orientation des flux d'argent que doit aussi jouer la politique fiscale. La multiplication de ces dispositifs nuit aujourd'hui aux impératifs d'équité fiscale et d'efficacité, l'effet de substitution jouant à plein dès qu'un gouvernement tente de limiter certains plafonnements. Le Conseil constitutionnel avait d'ailleurs censuré en 2005, pour défaut d'intelligibilité, l'incroyable dispositif de limitation des avantages liés aux zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager mis en place par le gouvernement Villepin. Cet exemple parmi d'autres illustre le fait qu'en persistant à accumuler les strates dérogatoires notre pays se place en situation désavantageuse dans le grand jeu de la concurrence fiscale internationale.

Il est temps, comme le demandait déjà l'année dernière mon collègue Aymeri de Montesquiou, d'inclure ces niches dans la norme de progression des dépenses de l'État pour les rendre enfin lisibles. Cette mesure permettrait d'abord d'opérer, selon des critères d'efficacité et d'équité, un véritable tri parmi toutes ces exceptions devenues la règle. Elle empêcherait également de prévenir les chevauchements indus entre dispositifs, au risque d'impacter excessivement le budget de l'État et des régimes sociaux. Cette nécessaire remise à plat ne constituerait qu'une première étape de la revue générale des prélèvements obligatoires.

Il est facile de clamer haut et fort qu'il suffit de taxer toujours plus les plus riches pour financer les dépenses de l'État. L'argument se heurte vite à la réalité de la fuite des capitaux et des cadres de haut niveau. Ce qui importe, c'est la santé de notre économie, premier facteur de redistribution des richesses et de fluidité sociale. Or les classes moyennes, si elles ne sont pas les plus audibles, n'en restent pas moins profondément mécontentes, comme le note l'Observatoire des inégalités. Ce groupe social dynamique contribue pourtant largement à la croissance. Cependant, il se sent aujourd'hui étouffé : plus de taxation du revenu et du patrimoine, si d'aventure il en a, pour moins de prestations sociales qu'il finance majoritairement. Gravir les échelons grâce au fruit de son travail n'a jamais été aussi difficile. En revanche, la menace de perdre son emploi s'accentue.

Madame la ministre, à l'orée de cette nouvelle législature, la tâche qui vous incombe est complexe, ardue, ingrate (Mme la ministre opine), titanesque même ! Mais elle est indispensable à la France. Je formule en tout cas des voeux sincères de réussite pour l'action que vous menez et vous saurez compter sur le soutien d'un grand nombre des membres du RDSE. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin.

M. Christian Gaudin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat sur les prélèvements obligatoires est l'occasion pour nous, parlementaires, de nous exprimer sur un sujet éminemment politique, peu de temps avant l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances.

Les enjeux de ce débat sont multiples. L'étude des prélèvements obligatoires et de leur évolution permet, en effet, non seulement d'évaluer leur poids dans la richesse nationale, mais également d'en analyser la structure. Le taux de prélèvements obligatoires constitue un outil d'évaluation dans la compétition internationale. Il permet de mesurer, associé à d'autres indicateurs, l'attractivité de notre pays.

La notion de prélèvements obligatoires est naturellement très synthétique - peut-être trop - et favorise les comparaisons rapides - sans doute trop également. Leur utilisation apparaît ainsi parfois délicate.

Les prélèvements obligatoires ne couvrent pas en effet l'ensemble des recettes des administrations publiques. Ainsi, les versements considérés comme « volontaires », tels que la redevance audiovisuelle ou les amendes diverses, n'y figurent pas.

En conséquence, il existe une importante disparité entre tous les pays suivant la structure de leurs recettes publiques. Le niveau des prélèvements obligatoires dépend aussi du périmètre des administrations publiques. Il n'en demeure pas moins que notre pays ne doit pas se cacher derrière ce seul argument pour justifier son niveau de prélèvements obligatoires.

Par ailleurs, la situation de nos finances publiques est suffisamment alarmante pour que nous puissions tous en faire le constat et débattre sereinement de toutes les propositions qui peuvent être faites, d'où qu'elles viennent, pourvu qu'elles concourent au redressement de notre pays.

Pour 2006, la dette des administrations publiques atteint 64,2 % du PIB. Les prévisions la stabilisent à ce niveau pour 2007 et 2008. De plus, le déficit public qui nous sera présenté dans quelques jours à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2008 et qui a été à de nombreuses reprises rappelé cet après-midi atteint plus de 41,7 milliards d'euros. Il ne nous permet pas encore de réduire la dette.

Ces données globales nous prouvent à quel point les marges de manoeuvre économiques restent réduites pour le pays.

Concernant les prélèvements obligatoires à proprement parler, chacun l'a déjà rappelé, mais je tiens à insister une nouvelle fois, leur taux s'élève à 44,2 % du PIB pour 2006.

Le premier constat est que ce taux est élevé, d'un point de vue historique et géographique. Historiquement, tout d'abord, puisqu'il apparaît très proche de son sommet de 1999. Géographiquement, ensuite, car la France pointe à la quatrième place des pays de l'OCDE.

Le second constat est celui de l'évolution de la structure même des prélèvements obligatoires. Ceux de l'État tendent à la baisse, alors que les prélèvements des administrations de sécurité sociale sont à la hausse.

Ce basculement des prélèvements fiscaux vers les prélèvements sociaux explique finalement la relative stagnation de nos prélèvements obligatoires.

Les raisons structurelles de l'augmentation des prélèvements sociaux sont simples et toutes dépendantes les unes des autres : le vieillissement de la population entraîne inexorablement l'augmentation des dépenses de santé et de retraite, alors que le nombre d'actifs diminue. En parallèle, même si elle s'améliore mécaniquement, la situation de l'emploi reste dégradée.

Il est donc utile et nécessaire de prendre des décisions permettant de réformer en priorité et à long terme les prélèvements sociaux. Nous avons le devoir d'assurer le financement de la protection sociale, pour nous-mêmes, mais surtout pour les générations à venir.

Ce financement repose actuellement presque exclusivement sur la taxation du travail. Cela résulte de l'histoire sociale de notre pays. Ainsi, aujourd'hui, le coin fiscalo-social qui pèse sur le travail handicape l'emploi et ne correspond plus à la place qu'occupe le travail dans la société. Ce poids sur le travail pénalise la France en termes d'attractivité économique et fiscale.

Est-il encore naturel de financer à l'heure actuelle la politique familiale et tout le système de santé par les seuls fruits du travail ? Je ne le pense pas.

Face à cette question, plusieurs solutions ont émergé et font débat. On peut évoquer l'augmentation de la CSG, qui touche tous les types de revenus, dont l'assiette est très large et qui est globalement acceptée par les Français, mais aussi, et principalement, l'instauration de la TVA sociale.

Cette dernière est chère à ma famille politique, et ce n'est pas le président de la commission des finances qui me contredira.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh non !

M. Christian Gaudin. La TVA sociale fait aujourd'hui encore - et depuis les élections législatives - couler beaucoup d'encre, à commencer par celle des experts dont les rapports commencent à s'accumuler.

J'ai moi-même participé à ce débat, car j'ai présidé voilà un peu plus de trois ans un groupe de travail au nom de la commission des affaires économiques sur la délocalisation des industries de main-d'oeuvre. Le rapport établi par Francis Grignon évoquait la mise en place d'une TVA de « compétitivité », en tout point similaire à la TVA sociale.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien ! C'est plus sexy ! (Sourires.)

M. Christian Gaudin. L'objectif est d'arrêter de faire peser sur la production l'intégralité du financement de notre système de protection sociale, en augmentant la fiscalité pesant sur la consommation, à due concurrence d'une diminution des charges sociales pesant sur l'emploi.

Le premier avantage évident est la diminution directe du coût du travail. Le second avantage intervient en matière de localisation des bases productives. Le principe de la TVA sociale permet de fiscaliser plus fortement les importations face aux produits fabriqués sur le territoire national.

En creux, il apparaît ainsi que les exportations seront moins taxées et donc favorisées. Ce serait plutôt positif à l'heure où la balance commerciale de notre pays ne nous est pas favorable, cela a été rappelé tout à l'heure.

Tous ces arguments me semblent importants en matière de compétitivité internationale, ô combien primordiale dans un contexte mondialisé du travail ! La TVA de compétitivité permettrait de rétablir une certaine équité en matière de formation des prix.

Elle aurait également un effet sur l'emploi assez immédiat. Le rapporteur général note ainsi dans son rapport qu'il s'agit d'une création de 20 000 à 35 000 emplois, à moyen terme, pour une augmentation de 1,5 point de TVA.

J'entends, bien sûr, les critiques que suscite cette proposition. Elles sont principalement de deux ordres : la difficulté de mise oeuvre et l'inflation des prix. Il est nécessaire de ne pas balayer ces remarques, car les risques évoqués doivent être pris en compte pour être non seulement mieux maîtrisés, mais également mieux expliqués aux Français.

Ainsi, il me semble que la mise en oeuvre de la TVA sociale devrait être très encadrée. En premier lieu, des expérimentations devraient être menées, puis un contrôle très strict devrait être exercé sur l'évolution des prix des produits et sur celle des salaires. Ces deux données économiques, dont dépend le pouvoir d'achat des Français, sont essentielles.

Pour ma part, je ne pense pas que l'on puisse faire totalement confiance aux simples règles du marché pour réguler les prix. Dans un contexte aussi mouvant, le risque inflationniste existe. Par conséquent, si l'État perturbe le marché avec la TVA sociale, il doit le contrôler un minimum. Il est des moments où l'interventionnisme est nécessaire !

Je ne reviendrai pas plus longuement sur deux thèmes abordés par notre rapporteur général, à savoir la fiscalité écologique et la réduction des niches fiscales. Je partage en grande partie les analyses qu'il a exprimées. En revanche, je souhaite rappeler quelques mesures d'ordre fiscal que Philippe Marini et moi-même avions formulées, en juin dernier, au moment de la remise de notre rapport d'information intitulé « La bataille des centres de décisions : promouvoir la souveraineté économique de la France à l'heure de la mondialisation ».

Lors de nos travaux et des auditions auxquelles nous avons procédé, nous nous sommes appuyés sur un constat communément admis : la fiscalité française et son environnement sont complexes, instables et insuffisamment attractifs. Dans un contexte de mondialisation des échanges, il nous a paru intéressant de proposer quelque vingt-neuf pistes pour mieux agir sur les causes des déficits d'attractivité et d'efficacité de la France.

En matière de finances publiques, il est important de répéter de nombreuses fois les choses pour qu'elles soient entendues et, surtout, comprises. C'est pourquoi je vais faire preuve de pédagogie en revenant rapidement sur quelques propositions.

Tout d'abord, en matière d'impôt sur les sociétés, on peut proposer une diminution de son taux facial ainsi qu'une harmonisation et une consolidation de son assiette. La France ne peut se permettre de demeurer durablement hors jeu de la compétition fiscale. Nous avions ainsi suggéré l'objectif d'un taux légèrement inférieur à 30 %.

Concernant l'assiette de ce prélèvement, il nous semble opportun de faire aboutir l'initiative communautaire de l'assiette commune, optionnelle et consolidée d'impôt sur les sociétés. Cette harmonisation au niveau de l'Union européenne serait un premier pas vers la possibilité de légiférer, à l'unanimité, en matière de fiscalité des entreprises à l'échelon européen. Les débats sur les taux étant actuellement bloqués, ceux qui sont relatifs à l'assiette semblent moins problématiques.

On peut ensuite évoquer la mise en place d'un régime de résident fiscal temporaire, qui permettrait de déplafonner l'option d'exonération actuelle prévue par le régime fiscal des « impatriés », à destination, principalement, des cadres de haut niveau, ainsi que l'assouplissement ou la simplification du régime du bénéfice mondial consolidé, par dérogation au principe de territorialité de l'impôt sur les sociétés.

Enfin, je veux évoquer en quelques mots, malgré toutes ces propositions, le problème de la stabilité de nos règles fiscales. Comment ne pas rappeler le besoin, en ce domaine, de prévisibilité et de lisibilité de notre droit, principalement aux yeux de nos voisins étrangers ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Excellent rappel !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le président, monsieur le président de commission des finances, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à vous remercier de cette réflexion d'excellente qualité, laquelle doit s'inscrire, comme un certain nombre d'entre vous l'ont rappelé, dans une perspective internationale qui prend en compte à la fois l'attractivité, la compétitivité, la concurrence fiscale et sociale, l'outil fiscal étant évidemment déterminant, vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur Othily, pour faire de la France un pays compétitif.

Cette réflexion doit s'inscrire également dans un contexte international, notamment en ce qui concerne l'assiette, la localisation de l'assiette, dans la mesure où de plus en plus de biens représentant des valeurs de plus en plus importantes ont un caractère incorporel. Elle doit être menée en suivant très attentivement les travaux actuellement en cours au sein de l'OCDE sur ces matières.

Malgré l'aridité du sujet abordé, l'intervention de nombreux membres de différentes commissions, notamment celles des finances et des affaires sociales - même si force est de constater que certains d'entre eux ont quelque peu déserté l'hémicycle, à cette heure avancée de l'après-midi -, prouve, si besoin était, les passions que suscite toujours la question des impôts et des prélèvements obligatoires.

Vous avez la charge, avec vos collègues de l'Assemblée nationale, de voter la levée de l'impôt. C'est une responsabilité importante, qui engage le fonctionnement même de l'État. Je ne peux donc que saluer l'intensité et la qualité des débats qui ont eu lieu, et, en particulier, les interventions des premiers orateurs, MM. Philippe Marini, Alain Vasselle, Jean Arthuis et Nicolas About, chacun dans leurs positions respectives de rapporteur général, de rapporteur ou de président de commission. Je les remercie d'avoir lancé le débat pour ensuite laisser la place aux orateurs des groupes. Je remercie également ces derniers de chacune de leurs propositions et de l'ouverture d'esprit dont ils ont su faire preuve en se plaçant parfois au-delà des frontières nationales.

Je souhaite revenir sur l'une des questions qui a concentré l'attention de la plupart d'entre vous, à savoir la TVA sociale, puis aborder plus rapidement certains points plus techniques.

S'agissant de la TVA sociale, vos discours ont bien témoigné de ce climat de liberté, de créativité, dont parlait le rapporteur général. À la question de savoir s'il convient d'instaurer une telle taxe, votre rapport, monsieur Marini, répond : « plutôt oui ». Le rapport de Jérôme Chartier, quant à lui, répond : « oui, mais différemment ». Le rapport d'Éric Besson répond : « sans doute pas ». Le rapport que m'a remis l'Inspection générale des finances, au début du mois de septembre, répond : « plutôt non ». Le rapport d'Alain Vasselle répond : « non ». Quant au président Arthuis, il affirme clairement : « oui ». Autant dire que la question n'est pas tranchée !

Le Conseil économique et social, à n'en point douter, nous apportera son analyse, avec la contribution des partenaires économiques et sociaux.

Il nous appartiendra de nous saisir à nouveau de ce projet et de faire progresser ce débat pour parvenir à le trancher en fonction des priorités que nous nous serons fixées ; j'y reviendrai dans un instant.

J'aimerais, à ce stade du débat, fournir un certain nombre d'indications complémentaires, portant moins sur les conclusions qui seront les nôtres que sur la manière dont nous devrons raisonner.

Je me permets de maintenir qu'il me semble que la mise en oeuvre de la TVA sociale présenterait en l'état des risques d'inflation. Certes, comme le dit Philippe Marini, on peut penser que la pression de la mondialisation fera mécaniquement baisser les prix. Mais je préfère dire qu'elle fait probablement baisser certains prix. À l'heure où les Français ont, semble-t-il, cruellement le sentiment que le coût de la vie est de plus en plus élevé, nous ne pouvons pas prendre le risque de fragiliser leur consommation, qui est l'un des moteurs vivants et actifs de la croissance de notre économie.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n'est pas évident !

Mme Christine Lagarde, ministre. J'espère que la réalité des faits nous démontrera le contraire et que l'investissement voire les exportations iront en ce sens.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La consommation crée de l'emploi en Asie !

Mme Christine Lagarde, ministre. Il y a la concurrence d'une certaine partie de notre consommation intérieure, vous avez raison, monsieur Arthuis.

J'entends bien que la baisse des charges devra faire diminuer les prix hors taxe. En revanche, je doute du caractère d'automaticité et surtout d'immédiateté du rapport entre la baisse des charges et la baisse des prix. Je crains que cette répercussion ne puisse être immédiate. Pour ce qui concerne le pouvoir d'achat, en l'état actuel de notre croissance, les Français ne sont pas en mesure d'attendre et de subir les conséquences du laps de temps qui s'écoulera entre la baisse des charges et celle des prix. De surcroît, je crains fort que les quelque 3 000 agents de la DGCCRF ne suffisent pas pour assurer la concomitance de ces deux diminutions.

De manière plus générale, j'aimerais reprendre l'une des expressions du rapport d'Éric Besson, selon lequel le problème est « mal posé ». Pour la poursuite de nos débats, il conviendra de déterminer les questions que nous souhaitons véritablement formuler. S'agit-il de la question de la productivité, ou de celle de l'emploi ? Nous devrons arbitrer entre ces deux priorités. Cet arbitrage déterminera la manière dont nous aborderons la réponse à la question « Faut-il ? Ne faut-il pas ? ». Si nous allions dans le sens de « Il faut », quel serait le taux de cette TVA sociale ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est aussi la question du pouvoir d'achat !

Mme Christine Lagarde, ministre. Vous avez raison, monsieur Arthuis. Les trois priorités doivent être évoquées. Celle qui l'emportera déterminera l'établissement du pourcentage et la réponse à la question.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est le vrai pouvoir d'achat et non le pouvoir d'achat financé à crédit !

Mme Christine Lagarde, ministre. Je pense que le débat sur la TVA sociale ne peut guère être mené indépendamment d'une réflexion plus large sur notre fiscalité. Ce sera tout l'enjeu de la revue générale des prélèvements obligatoires. Nous devrons donc envisager la TVA sociale, mais également ce que certains appellent l'« écotaxe », que d'autres dénomment la « taxe carbone », qui, d'une certaine manière, peut apporter des avantages comparables à ceux de la TVA sociale en termes de baisse des charges, sans en présenter certains des inconvénients. Toutefois, je reconnais la pertinence, à ce sujet, des commentaires de Philippe Marini, qui rappelle que la fiscalité environnementale, si elle est réussie, entraîne nécessairement l'autoliquidation de son assiette, par la voie d'une espèce de « taxe liquidation »...

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un impôt vertueux, qui disparaît de lui-même !

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est sa vocation !

Mme Christine Lagarde, ministre. Absolument !

Je souhaite que nous puissions y réfléchir ensemble et examiner vos contributions dans les mois qui viennent, en tenant compte des excellentes auditions auxquelles la commission des affaires sociales a procédé, monsieur Alain Vasselle.

En matière de TVA sociale, vous avez, monsieur Christian Gaudin, évoqué la question de l'expérimentation. Il eut été tout à fait agréable de pouvoir expérimenter et même d'avoir la possibilité de sélectionner un certain nombre lignes ou de secteurs d'activité probablement plus exposés à la concurrence internationale pour déterminer si cette TVA sociale pouvait ou non fonctionner. Malheureusement, en l'état actuel de nos recherches, il semble bien que ni l'expérimentation, ni le caractère sélectif du champ d'application de ladite taxe ne soient compatibles avec le droit communautaire, ce que l'on ne peut que regretter.

Au-delà de la question de la TVA sociale, je veux revenir brièvement sur un certain nombre de points techniques.

En réponse au président About, qui avait proposé que la loi de financement de la sécurité sociale soit un passage obligé pour ratifier les exonérations créées, nous ne pouvons qu'être d'accord et nous souhaitons avancer sur ce sujet important pour nos finances publiques.

De même, nous partageons son analyse selon laquelle il faut que les recettes soient le moins partagées possible entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, pour la clarté de nos débats.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre. C'est d'ailleurs ce que fait le Gouvernement dans le projet de loi de finances, vous l'avez rappelé, en affectant tous les droits sur les tabacs et la taxe sur les salaires à la sécurité sociale.

En ce qui concerne les niches sociales,...

M. Alain Vasselle, rapporteur. Ah !

Mme Christine Lagarde, ministre. ...c'est une question importante, à laquelle le Gouvernement est sensible. La démarche qui me semble la plus fructueuse est celle du pragmatisme. Nous devons procéder au cas par cas, en examinant l'intérêt économique et social de chacune des niches, l'opportunité de leur pérennité pouvant être parfaitement appréciée à l'aune de leur caractère à durée indéterminée ou déterminée, ainsi que vous le suggériez, monsieur le rapporteur général. Cette piste intéressante me paraît digne d'être explorée et appliquée.

M. Massion a ouvert le débat sur le caractère suffisant, insuffisant ou excessif des prélèvements obligatoires. En l'écoutant, je me disais que si le Gouvernement en faisait plus, ce ne serait pas bien ; s'il en faisait autant, ce serait probablement peu satisfaisant et s'il en faisait moins, ce ne serait pas satisfaisant. C'est pourquoi je suis un peu perplexe quant au niveau opportun des prélèvements obligatoires. Je constate cependant que nous devons impérativement être en concurrence avec l'ensemble de nos partenaires européens, dans un souci de compétitivité de l'économie française et d'attractivité de notre territoire. À cet égard, le taux de 43,7 %, même s'il est en diminution par rapport à l'exercice 2007, n'est pas satisfaisant. Nous devons aller vers une réduction des prélèvements obligatoires, tout simplement pour financer probablement un peu moins de dépenses publiques. Je rappelle que, là aussi, nous battons des records européens, comme s'était plu à le remarquer le président de la Banque centrale européenne lors de l'examen des finances publiques des différents pays membres de la zone euro.

S'agissant de la baisse des prélèvements obligatoires, j'estime que la voie progressive que nous avons choisie, même si elle aurait pu être plus efficace, comme au Canada, en Allemagne ou aux Pays-Bas, est la bonne. Augmenter la CSG, comme le préconise le rapporteur M. Vasselle, ne me semble pas la bonne solution. Je suis convaincue qu'il faut continuer à agir, comme nous le faisons, sur la dépense publique, plutôt que de risquer d'augmenter nos prélèvements obligatoires, qui sont encore bien au-dessus de la moyenne des pays de l'OCDE, comme je le rappelais tout à l'heure.

Notre politique est claire : nous choisissons de baisser le taux de prélèvements obligatoires autant que le permettra le rétablissement de nos finances publiques, dans un souci de diminution de la dépense publique de manière plus générale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Le débat est clos.

Acte est donnée de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le numéro 80 et distribuée.