compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures vingt.)

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Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

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Loi de finances pour 2008

Suite de la discussion d'un projet de loi

Article additionnel après l'article 13 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Participation de la France au budget des Communautés européennes

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (nos 90 et 91).

participation de la france au budget des communautés européennes

Première partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 31

M. le président. Nous allons examiner l'article 31 relatif à l'évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Denis Badré, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, si vous le permettez, j'irai directement à ma conclusion : je vous demande, mes chers collègues, de voter l'article 31 du projet de loi de finances pour 2008, qui fixe à 18,4 milliards d'euros le prélèvement opéré au bénéfice du budget européen sur les recettes de notre budget national.

Je précise que le prélèvement effectivement réalisé sera très certainement différent de celui que nous allons voter. Ces vingt dernières années, il s'est éloigné jusqu'à 15 % du montant voté, de manière d'ailleurs aléatoire, tantôt à la baisse, tantôt à la hausse.

L'article 31, ainsi relativisé, du projet de loi de finances doit être voté sans que nous ayons la possibilité de l'amender, comme lorsque nous ratifions un traité. J'ajoute que nous ne pouvons guère choisir de ne pas le voter, sous peine d'ouvrir une crise en Europe : ce serait, me semble-t-il, assez peu opportun au moment où nous sortons à peine, et non sans mal, d'une crise - qui nous a laissé un goût amer et a fait perdre du temps à l'ensemble des membres de l'Union européenne alors que nous sommes engagés dans une compétition mondiale sans merci - dont beaucoup de nos partenaires imputent le déclenchement à la France.

Cette obligation de voter peut laisser perplexe. En pratique pourtant, je le confirme, nous n'avons pas le choix, et ce pour une raison très simple : cet article correspond à la mise en oeuvre des traités, qui nous engagent ; le rejeter signifierait donc revenir sur la parole donnée.

Récemment, le président de la Commission, M. Barroso, et le président en exercice du Conseil européen, M. Sócrates, insistaient sur le fait que les valeurs constituent l'identité de l'Europe et ne sont donc pas négociables. Ils stigmatisaient ainsi, à très juste titre, l'opting out britannique sur la Charte des droits fondamentaux. Dans la mesure surtout où l'on a renoncé à inscrire ces valeurs dans le traité réformateur, cette double intervention soulignait à quel point il importe de les remettre à l'honneur et de rappeler par tous les moyens et en toutes occasions leur rôle dans la construction européenne.

Au coeur de ces valeurs fondatrices de l'identité de l'Union européenne figure le respect de la parole donnée. Au demeurant, comment avancer à vingt-sept si, à tout moment, chacun peut revenir sur les engagements qu'il a pris la veille ?

M. Aymeri de Montesquiou. Comme les Polonais !

M. Denis Badré, rapporteur spécial. Monsieur le secrétaire d'État, je tiens incidemment à rappeler que, si nous devons rétablir l'équilibre de nos finances nationales pour maintes raisons, la première, c'est le respect de nos engagements.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !

M. Denis Badré, rapporteur spécial. J'ai beaucoup insisté sur ce point lors de la discussion générale de ce projet de loi de finances, puis lors du débat sur son article 7, mais je souhaite m'y attarder encore un instant. Comprenons bien, mes chers collègues, que nous sommes assez mal placés aux yeux de nos partenaires pour exprimer un quelconque point de vue sur le pilotage économique, financier et monétaire de l'Union européenne tant que nous n'avons pas mis nos finances nationales en ordre.

Mme Nicole Bricq. C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est très vrai !

M. Denis Badré, rapporteur spécial. Dans cette présentation générale qui vous paraît peut-être un peu sombre, il est tout de même un point positif. Le déficit même de la France, qui atteint 42 milliards d'euros - c'est exorbitant ! - nous permet d'opposer un argument à ceux qui trouvent que l'Europe nous coûte trop cher : 18 milliards d'euros, c'est moins de la moitié du déficit, que l'on tend par ailleurs à banaliser, c'est moins de la moitié des charges annuelles de la dette qu'il engendre. Pour l'instant, si nous ne respectons pas nos engagements sur la dette et le déficit, raison de plus pour respecter nos autres engagements européens !

Si la procédure, qui nous offre peu de choix dans notre vote, peut nous laisser perplexes - et je pense qu'il faudrait y réfléchir pour y apporter des améliorations -, elle nous fournit néanmoins l'occasion de nous exprimer sur un budget européen dont nous devons nous rappeler qu'il est avant tout le nôtre : l'Europe, c'est d'abord nous-mêmes !

Or, 18,4 milliards d'euros, c'est 1 % du PIB français et moins de 7 % de nos recettes fiscales : le coût de l'Europe, j'y insiste, reste modéré. Ce prélèvement est même en baisse par rapport à celui qui, voilà un an, a été voté pour 2007 et s'élevait à 18,7 milliards d'euros. Pour autant, ne nous réjouissons pas trop vite : la comparaison est moins satisfaisante si nous nous référons aux 16,8 milliards d'euros du budget « réalisé », la charge progressant alors de près de 10 %. La seule comparaison qui vaille est donc bien celle qui prend en compte la séquence des budgets « réalisés » et sur une longue période.

Pour l'instant, je note simplement que la moins-value de 2007 allège substantiellement notre déficit - tant mieux ! -, comme l'indiquait le rapporteur général dès la discussion générale du projet de loi de finances. Cependant, nous ne sommes pas certains de retrouver la même « bonne surprise » en 2008 ; nous risquons même, au contraire, de voir notre déficit faire un bond dans l'autre sens ! Là aussi, tâchons de rester calmes ! (Mme Nicole Bricq sourit.)

Je précise que le « tassement » du prélèvement pour 2007 s'explique par la conjonction d'une sous-exécution des crédits pour 2006 ayant entraîné une rectification à la baisse du budget pour 2007, d'une croissance plus faible que prévu de l'économie française en 2007, enfin d'une mise en place assez lente, en cette première année de mise en oeuvre, des perspectives financières pour 2007-2013.

Par ailleurs, la contribution française représentera sans doute 16,9 % du budget européen, lequel ne devrait être définitivement arrêté que le 13 décembre. Ce décalage dans le temps explique pour partie que l'article 31 fixe un chiffre très probablement différent de celui qui sera réalisé.

La « part » de la France augmente donc, et cette tendance devrait se confirmer à l'avenir en raison des effets de l'élargissement, de l'encadrement des dépenses agricoles dans le programme-cadre 2007-2013, et de l'entrée en vigueur de la nouvelle décision « Ressources propres ».

À cet égard, il ne faut jamais l'oublier, la France est le premier contributeur au chèque britannique, qui est de l'ordre de 6 milliards d'euros et nous coûte 1,5 milliard d'euros, soit près de 10 % de notre contribution au budget européen : tout cela n'a rien de marginal ! À ce propos, je reviendrai, pour le stigmatiser de nouveau, sur le débat sur le « retour net » qui continue d'empoisonner toutes les réflexions sur le budget européen.

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Denis Badré, rapporteur spécial. Monsieur le secrétaire d'État, ne pourriez-vous pas au moins donner d'ores et déjà des instructions à vos services pour que le document « jaune » annexé au projet de loi de finances cesse de se référer avec une certaine complaisance à ce « retour net » ? Arrêtons de le prendre en considération, cela ira déjà mieux !

Une analyse qui s'appuie sur le « retour net » dénature complètement la construction européenne en donnant le sentiment que l'Europe n'est qu'un champ clos offert à l'affrontement des intérêts nationaux. De plus, elle est biaisée dès l'origine puisque les États apportent 90 % des recettes et que les retours ne représentent que 70 % des dépenses. En moyenne, les pays sont donc contributeurs nets. On accrédite l'idée que l'Europe serait un puits sans fond. Et, surtout, on ne compte pour rien le service de l'intérêt commun. Celui-ci est pourtant essentiel. Il est la raison d'être de la construction européenne !

On oublie que, si l'Union européenne a une action extérieure, ce n'est pas sans intérêt pour ses membres, que la libre circulation à l'intérieur d'un grand marché unique n'est pas non plus sans intérêt pour chacun d'entre nous. Lorsque des crédits de politique structurelle sont mis en oeuvre dans un pays, c'est souvent par des entreprises d'un autre pays. Les réseaux transeuropéens facilitent les relations entre les États membres, et le bénéfice ne peut en être attribué précisément à l'un ou l'autre d'entre eux.

C'est parce que nous sommes en quelque sorte enfermés dans de telles approches que nous nous retrouvons en situation de troc : « Je te rends mon chèque si tu me donnes ta PAC »... (Sourires.) C'est absurde ! Le chèque britannique n'est pas la Charte des droits fondamentaux, il ne peut être durablement considéré comme un dû !

Quant à la PAC, elle n'est pas, dans son principe, un cadeau fait à la France.

M. Denis Badré, rapporteur spécial. C'est une vraie politique commune, fondée sur le principe de la préférence communautaire et qui, à l'origine, avait d'abord été conçue pour garantir à tous les consommateurs européens une alimentation sûre et de qualité.

M. Denis Badré, rapporteur spécial. J'en viens maintenant aux grandes lignes de ce budget européen pour 2008.

L'avant-projet proposé par la Commission connaît une hausse modérée des crédits d'engagement, mais une hausse importante des crédits de paiement due à la conjonction de la montée en puissance des nouveaux programmes 2007-2013 et de la fin des programmes 2000-2006. En effet, il y a toujours chevauchement entre les programmes des deux périodes : nous retrouvons là un des défauts inhérents au mécanisme des perspectives financières et à un système budgétaire fondé sur des ouvertures de « droits à dépenser », et ce n'est pas très satisfaisant. Visiblement, la LOLF n'est pas mise en oeuvre ici !

En crédits de paiement, les augmentations les plus importantes concernent la recherche, avec une hausse de 54,5 % pour le programme-cadre de recherche et développement ; les réseaux de transport transeuropéens, en croissance de 88,8 % ; les crédits des rubriques « Cohésion » et « Actions extérieures », dont l'augmentation est d'environ 7,5 %.

Ces hausses traduisent les nouvelles priorités politiques : stratégie de Lisbonne, politique extérieure, politique migratoire et de coopération policière et judiciaire.

Le débat entre institutions s'est notamment cristallisé autour du financement de Galileo et de l'Institut européen de technologie. Concernant Galileo, il s'agissait de trouver les ressources nécessaires pour combler le « vide » de 2,4 milliards d'euros laissé par le désengagement des partenaires privés. Le Conseil européen et le Parlement européen semblent avoir trouvé vendredi dernier un compromis - transitoire au moins - aux termes duquel ce financement serait assuré par un redéploiement des crédits de la programmation 2007-2013, concernant notamment 1,6 milliard d'euros de crédits PAC non consommés en 2007, compte tenu de la hausse des cours mondiaux des céréales. Il s'agit là aussi de rafistolage, mais il fallait avancer et j'espère que, par la suite, nous trouverons un véritable financement concernant un problème bien réel.

Au-delà des jeux de vases communicants auxquels nous assistons, ces tensions trahissent un problème de définition de ce que doit être la politique européenne de recherche. C'est un point central aujourd'hui dans l'histoire de l'Europe. Il me semble que les actions menées par les États membres et l'Union européenne demeurent peu coordonnées, pour ne pas dire totalement « étanches », et que les échelons national et communautaire constituent, pour les acteurs de la recherche, deux guichets distincts qui se concurrencent. Je me félicite, à cet égard, que l'espace européen de recherche fasse l'objet des priorités définies pour la présidence française pour 2008.

Il faut une véritable politique commune de la recherche, valorisant les synergies et encourageant la division du travail, faute de quoi l'Europe perdra sa place dans le monde.

Je souhaite insister, en dernier lieu, sur le fait que la présidence française doit être l'occasion de progresser sur la question de la réforme du système de financement de l'Union européenne, en application de la clause de révision de l'accord interinstitutionnel de mai 2006. Les questions que nous devons nous poser, à cet égard, monsieur le secrétaire d'État, sont les suivantes.

Un budget sous plafond a-t-il un sens politique ? On est de nouveau loin de la LOLF. Ce sont non pas les politiques publiques qui doivent être calibrées sur les moyens, mais les moyens qui doivent accompagner des politiques préalablement définies et acceptées. N'est-ce pas cela le principe du consentement à l'impôt ? Nous en sommes bien loin ! Un budget dont les recettes et les dépenses sont déterminées par des autorités différentes est-il véritablement démocratique ? À nouveau il n'exprime en rien le principe du consentement à l'impôt. Il cumule les inconvénients d'être incompréhensible pour les citoyens et d'accréditer auprès d'eux l'idée selon laquelle l'Europe bénéficierait d'un « droit de tirage » sur la richesse nationale. Ce n'est pas cette Europe que nous voulons.

Peut-on laisser perdurer le système actuel de ressources propres, dont la dernière réforme a de nouveau suscité l'octroi de « ristournes » à certains États ? Je n'en rappelle pas le détail, vous le connaissez.

Une fiscalité européenne serait une ressource plus incitative pour les agents économiques, plus autonome à l'égard des États membres et plus lisible pour les citoyens.

Il semble que la position adoptée jusqu'à maintenant par la France à l'égard de ce réexamen global montre un certain retrait, monsieur le secrétaire d'État, notamment incarné par la crainte qu'il fasse voler en éclats les perspectives 2007-2013 considérées comme « sanctuarisées ». Par ailleurs, le « flou » volontairement entretenu par la décision des chefs d'État et de gouvernement en 2005, qui mentionne « 2008-2009 » comme horizon temporel pour le début de la réforme, ne doit pas conduire la France à différer ce débat crucial en considérant que ses successeurs à la Présidence le feront mieux qu'elle.

La France doit orienter et non subir ce débat. La présidence française est l'occasion de le faire. Il faudra du courage ! Nous savons, monsieur le secrétaire d'État, que vous n'en manquez pas. C'est pourquoi je vous demande de ne pas éluder cette question, car c'est en grande partie sur celle-ci que se jouera l'avenir de l'Union. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi de solliciter quelques instants votre attention sur la participation de la France au budget des Communautés européennes - 18 milliards d'euros - qui s'inscrit un peu en baisse, pour des raisons arithmétiques, et tant mieux pour l'État, parce que ce calcul lui permet, à l'intérieur de la norme de dépenses, de bénéficier d'une petite marge supplémentaire.

Il s'agit dès lors d'un budget de transition au niveau tant de la France que de l'Europe. Des chantiers significatifs sont derrière nous. Heureusement, puisqu'il s'agit des négociations qui ont présidé à l'élaboration du cadre financier 2007-2013, mais aussi de l'adoption de la nouvelle décision « Ressources propres », qui, si elle a sérieusement relativisé la correction britannique, fait perdurer des taux d'appel de TVA spécifiques et des rabais forfaitaires au profit de plusieurs États membres.

Par ailleurs, nous allons voir monter en puissance les programmes du nouveau cadre 2007-2013 et l'achèvement de ceux du cadre 2000-2006, et cela devra se faire dans le souci d'une certaine cohérence budgétaire. Que dire à ce sujet ?

Le premier enjeu, c'est, bien sûr, le bilan de santé de la politique agricole commune. L'Europe va au-devant de réformes aux implications budgétaires majeures.

Ce bilan de santé laisse entrevoir, avec tous les enjeux qui sous-tendent le raisonnement, un approfondissement du découplage des aides, une limitation des paiements pour les exploitations les plus importantes, la suppression de certains mécanismes d'intervention, la suppression de la jachère obligatoire et des quotas laitiers.

Nous avons évoqué ces problématiques dans la première partie du projet de loi de finances, quand nous nous sommes intéressés à la défiscalisation des biocarburants, monsieur le secrétaire d'État, et nous serions d'ailleurs heureux de vous entendre sur ce sujet, car il s'agit d'une voie technologique nouvelle, qui est née, d'une certaine manière, en réponse au besoin de jachère. Que devient-elle dans le cadre d'une politique agricole commune qui repose sur des concepts quelque peu différents ?

De plus, il va falloir inscrire ce bilan de santé dans l'optique des prochains débats sur les finances et les politiques de l'Union européenne pour l'après 2013.

C'est donc à une remise à plat de l'ensemble des ressources et des dépenses de l'Union que l'on devra procéder au cours des prochains mois, et cela nous rappelle quelque peu le double exercice dans lequel est engagé notre pays, à l'appel de l'exécutif : révision générale des politiques publiques, revue générale des prélèvements obligatoires.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cette démarche peut en quelque sorte se concevoir mutatis mutandis avec nos partenaires à l'échelon européen.

Mais il est un point sur lequel je ne partage pas tout à fait le cheminement de notre excellent rapporteur spécial, Denis Badré.

M. Denis Badré, rapporteur spécial. Sur l'Europe, cela arrive !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour ma part, je suis assez opposé - pour ne pas dire davantage - à un impôt européen, parce que ce n'est pas en créant de nouveaux impôts, me semble-t-il, que l'on pourra résoudre les problèmes, et ce n'est pas en créant un impôt européen que l'on améliorera la visibilité de l'Europe du point de vue de nos concitoyens !

M. Denis Badré, rapporteur spécial. Je n'ai pas dit cela ! Ce serait en contrepartie de la suppression d'impôts nationaux !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Lorsque nous évoquons, par exemple, les questions des collectivités locales, d'excellents collègues nous disent qu'il faut créer un impôt sur le revenu en faveur des collectivités locales. Même tentation, même fausse solution ! Ce n'est pas avec de nouveaux impôts que l'on répondra à des défis, qui sont des défis de cohérence, aux différents niveaux où l'on se place.

Monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi de proposer maintenant quelques pistes de réflexion dans le contexte de la présidence française, et vous ne serez pas surpris que j'évoque en premier lieu les marchés financiers, puisque la commission des finances s'est efforcée de développer son expertise dans ce domaine.

Nous avons récemment publié un rapport d'information que j'ai eu le plaisir de présenter et qui traite du « droit mou » communautaire.

Ce « droit mou » peut avoir un grand intérêt, car il peut faire converger les systèmes juridiques. Mais nous avons besoin de faire progresser les procédures. Nous n'y voyons pas suffisamment clair dans les mécanismes issus du processus Lamfalussy. Nous aurions besoin, au contraire, d'une véritable législation déléguée communautaire, qui ressemblerait peut-être aux lois d'habilitation et aux ordonnances de notre droit français.

Nous devons aussi, me semble-t-il, être particulièrement attentifs aux relations bilatérales et aux coopérations renforcées. Nous devons, notamment dans ces domaines techniques, être très attentifs aux intérêts de tous les États de l'Union européenne. Un petit État a, dans le processus de décision, autant d'importance qu'un État plus grand, et cette redécouverte des relations bilatérales doit s'exprimer dans tous les domaines, mais plus spécialement dans les domaines qui relèvent de la compétence de la commission des finances : le marché intérieur, la concurrence, la fiscalité.

Dans ce domaine de la fiscalité, monsieur le secrétaire d'État, nous soutenons le processus ACCIS, afin d'aller vers une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés. Ce sera un « instrument de référence commun », un compteur commun, pour « étalonner » les politiques fiscales nationales et évaluer la compétitivité relative de nos différents comportements.

Allons dans ce sens, favorisons cette initiative communautaire, et la présidence française, je l'espère, lui permettra de franchir de nouvelles étapes !

De même, en matière de gouvernance des marchés financiers, dans la relation, si délicate, avec la Banque centrale européenne, la présidence française pourrait aider l'Union européenne à tirer les conséquences de la diffusion des risques sur les marchés, notamment à l'heure où l'on ne voit pas s'achever l'onde de choc issue des mauvais crédits immobiliers américains.

Mais la même démarche d'approfondissement doit certainement prévaloir dans certains domaines, par lesquels je terminerai ce bref exposé.

Il s'agit, en premier lieu, de la politique européenne de la concurrence et de la conception des aides de l'État.

À cet égard, soulignons l'ambiguïté dans laquelle nous nous trouvons face à cette règle communautaire « de minimis », si souvent invoquée et que nous avons d'ailleurs retrouvée lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances : de minimis non curat praetor, de minimis non curat Europa.

Cette règle de minimis est, sans doute, un principe de bon sens et de bonne gouvernance, mais encore faut-il savoir comment on l'applique. Elle est un compteur, c'est-à-dire que l'entreprise qui bénéficie de ces différents régimes privilégiés se doit de vérifier que les conséquences sur ses comptes ne dépassent pas 200 000 euros sur trois ans.

Monsieur le secrétaire d'État, j'ai tendance à dire que tout cela comporte une large part d'illusion. Qui relève le compteur ? Qui est chargé de la vérification et du suivi des engagements que les entreprises sont censées prendre ?

Il est assez difficile de répondre à cette question ; nous l'avons bien vu lorsque nous avons évoqué le capital risque, l'investissement des particuliers, des investisseurs providentiels, personnes physiques, redevables de l'impôt sur le patrimoine dans le capital des petites et moyennes entreprises, notamment les nouvelles entreprises qui ont une valeur technologique.

M. le ministre du budget nous a donné des informations intéressantes sur ces sujets, mais nous aimerions connaître votre opinion.

J'en viens, enfin, aux secteurs de l'énergie et des transports.

L'énergie a souvent fait l'objet de débats au sein de la Haute Assemblée au cours des derniers mois. D'une manière générale, nous sommes attachés aux tarifs régulés reflétant les coûts complets de l'électricité.

Nous sommes tout à fait attentifs aux risques considérables que représenterait l'application littérale des actuelles directives sur le marché européen de l'énergie, car nous pouvons avoir le sentiment que notre pays, qui a investi des sommes très importantes dans la filière électronucléaire, et provenant pour une large part d'argent public, perdrait le bénéfice de la rente que ces efforts de long terme devraient, logiquement et équitablement, lui apporter.

Dès lors que le prix de l'énergie sur le marché est fixé par référence au coût de production de la centrale la plus classique et la plus polluante, pardonnez-moi de le répéter, monsieur le secrétaire d'État, il y a quelque chose de pourri dans le royaume européen. Il conviendrait de retrouver une logique conforme aux objectifs du développement durable.

J'en terminerai d'ailleurs par ce sujet, car on ne peut actuellement conclure son propos que sur le développement durable ! (Sourires.)

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Cela vaut mieux !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Jadis, quand nous étions dans les écoles, on concluait en parlant de l'Europe ; maintenant, on parle de l'Europe et du développement durable ! (Nouveaux sourires.)

Mais retrouvons notre sérieux ! Monsieur le secrétaire d'État, je me réjouis de ce qui a pu être fait grâce à l'influence et à l'action efficace du vice-président de la Commission européenne, chargé des transports, Jacques Barrot. Il faut lui savoir gré d'avoir été particulièrement convaincant et efficace dans ses démarches. Pour ma part, je me dois de le reconnaître, notamment en tant que président de l'association Seine Nord Europe, qui s'efforce de promouvoir la voie fluviale à grand gabarit. (M. le secrétaire d'État fait un signe d'approbation.) Dans le respect du développement durable, la réalisation de cette liaison devrait avancer quelque peu au cours des prochains mois et des prochaines années.

Voilà, mes chers collègues, quelques considérations relatives aux enjeux communs et conjugués du budget de la France et de l'Europe pour 2008. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le président de la délégation pour l'Union européenne.

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes appelés, comme chaque année, à autoriser la contribution de la France au budget des Communautés européennes, soit 18,4 milliards d'euros pour 2008.

La France reste le deuxième État membre contributeur au budget communautaire, dont elle assure 16,9 % des recettes, après l'Allemagne, avec 19,7 %. Toutefois, si la part de notre voisin d'outre-Rhin reste stable par rapport à 2007, la nôtre progresse de 0,9 point, en rupture avec la tendance observée depuis 2002. Il est vrai que la « générosité » française est largement payée de retour, puisque notre pays était, en 2006, le premier bénéficiaire des dépenses du budget communautaire, avec 13,9 % du total des versements, devant l'Espagne. Cette situation est toutefois appelée à se détériorer compte tenu des derniers élargissements et de la mise en oeuvre des nouveaux programmes.

Je ne souhaitais pas évoquer ici le projet de budget des Communautés européennes pour 2008, mais la question de Galileo m'y contraint.

Les éléments du dossier sont connus : pour que le programme européen de navigation par satellite puisse concurrencer le GPS américain à partir de 2013 - avec trois ans de retard sur le calendrier initial ! -, il manquait 2,4 milliards d'euros dans l'actuel cadre financier 2007-2013. Or les États membres paraissaient incapables de s'entendre sur la façon de dégager ce besoin de financement. Ce n'est que vendredi soir qu'une lueur d'optimisme est apparue puisque les ministres des Vingt-sept et les représentants du Parlement européen se sont entendus.

L'essentiel du financement proviendra des fonds de la politique agricole commune qui n'ont pas été dépensés en 2007, tandis que le reliquat sera prélevé sur les programmes de recherche prévus pour 2008. Nous ne pouvons que nous réjouir qu'un accord soit intervenu, car nos compatriotes auraient mal compris que les Européens ne puissent arriver à une solution pour un projet d'une telle importance. Nous sommes vraiment là dans un domaine où les Français pensent que l'Europe doit agir davantage.

Pour ma part, je me permettrai toutefois de regretter que l'on ait dû réduire les marges de manoeuvre pour 2008. Mais, encore une fois, l'essentiel était de trouver une solution.

Notre débat, qui concerne à la fois le budget et l'Europe, se déroule dans un contexte profondément renouvelé par le succès que constitue, après le blocage de la construction européenne consécutif à l'interruption du processus de ratification du traité constitutionnel, la conclusion du traité de Lisbonne, le 19 octobre dernier. On sait la part importante que la France a prise dans ce succès.

Le traité de Lisbonne, qui doit être signé le 13 décembre prochain, puis ratifié très rapidement pour entrer en vigueur, nous l'espérons, au 1er janvier 2009, renforce sensiblement les pouvoirs du Parlement européen en matière budgétaire. Il reprend d'ailleurs les dispositions du traité constitutionnel en la matière.

La distinction entre dépenses obligatoires et dépenses non obligatoires disparaît. Or le Parlement européen n'a actuellement qu'un pouvoir d'amendement très limité sur les dépenses obligatoires, qui comprennent essentiellement les dépenses agricoles. Le traité de Lisbonne place le Conseil européen et le Parlement européen sur un pied d'égalité en matière budgétaire. Il donne également un fondement juridique à la procédure des perspectives financières, dénommée cadre financier pluriannuel. Cette pratique s'était en effet développée en marge des traités, sous la forme d'accords interinstitutionnels, le dernier datant du 17 mai 2006.

Le traité de Lisbonne ratifié et les problèmes institutionnels réglés, l'Europe pourra passer à autre chose. La France peut désormais concentrer son attention sur d'autres dossiers et, naturellement, sur sa présidence de l'Union européenne au second semestre 2008.

Le Gouvernement propose de créer dans le projet de loi de finances pour 2008 un programme ad hoc destiné à financer les dépenses induites par la présidence française de l'Union, dont les quatre priorités ont été présentées : la lutte contre le changement climatique, l'énergie, l'immigration et l'Europe de la défense. Nous sommes d'ailleurs appelés, dès demain, lors de l'examen de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », à voter les crédits de ce programme.

Mais un autre dossier important attend la présidence française, celui du réexamen des politiques européennes et leur financement après 2013, en particulier avec la refondation de la politique agricole commune, la PAC, et la réforme du système des ressources financières de l'Union européenne.

À ce titre, je rappelle que l'accord interinstitutionnel du 17 mai 2006 a prévu que la Commission européenne entreprenne un réexamen complet et global, couvrant tous les aspects des dépenses de l'Union européenne, y compris la PAC, ainsi que des ressources, y compris la compensation en faveur du Royaume-Uni, et présente un rapport en 2008-2009. Le 12 septembre dernier, la Commission européenne a publié un document de consultation publique, ouverte jusqu'au 15 avril prochain, intitulé « Réformer le budget, changer l'Europe », engageant ainsi la première étape de ce réexamen qui participe de la réflexion sur l'avenir de l'Europe.

Il s'agit de répondre à deux questions fondamentales.

Premièrement, quels devraient être le schéma et l'orientation des priorités de dépenses de l'Union européenne pour relever les défis de la mondialisation au cours de la prochaine décennie et au-delà ?

Deuxièmement, quelle est la meilleure façon de dégager les ressources nécessaires pour financer les politiques de l'Union européenne ?

Nous ne disposons pour l'instant que d'informations très générales. C'est pourquoi la délégation pour l'Union européenne souhaiterait que le Gouvernement informe rapidement le Parlement de la méthode selon laquelle il entend préparer la présidence française sur le réexamen du cadre financier, et de la manière dont il associera le plus en amont possible le Parlement. Nous pensons que les parlements nationaux devront s'exprimer sur ce sujet très sensible, qui concerne à la fois les finances publiques des États membres et la question du consentement de l'impôt.

Sur ce sujet, je me limiterai à formuler quelques considérations générales.

Compte tenu de l'importance des enjeux, il est souhaitable que le débat ne soit pas réduit à la question de la PAC et du rabais britannique.

Un réexamen global nécessite cependant une information budgétaire complète. Il doit donc prendre appui sur une analyse intégrant l'ensemble des dépenses publiques européennes par secteur. La prise en compte d'une vision agrégée des financements publics européens paraît indispensable au cours des négociations, afin d'avoir du recul sur les questions les plus « médiatiques ».

De même, il me semble que, sur la nature du budget communautaire, il serait fortement souhaitable de dépasser le débat sur le « juste retour ».

M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Les États membres devraient probablement s'interroger sur la répartition des dépenses entre le niveau communautaire et le niveau national, ainsi que sur la manière de les rendre complémentaires. Le budget de l'Union est trop réduit pour ne pas être lié aux budgets nationaux. La modestie de son montant ne lui permet pas d'avoir un impact significatif sans appui national. Il devrait donc chercher à capitaliser sur des politiques conduites dans les États membres, par exemple en jouant un rôle d'incitation.