compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour un rappel au règlement.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur les dispositions de l'article 36 relatif à l'organisation de nos travaux.

Les membres de mon groupe et moi-même avions souhaité poursuivre, avec un amendement sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire », le débat engagé en première partie de la loi de finances sur le contenu et l'application de l'article 89 de la loi d'août 2004 relative aux libertés et sur les responsabilités locales. Cet article, particulièrement controversé, méritait, de notre point de vue, d'être traité de nouveau ce matin compte tenu du sujet auquel il se rapporte et de la discussion qui va s'engager.

Je ne peux donc que regretter que la commission des finances n'ait pas accepté ce rattachement, alors même que cette discussion avait été engagée lors de l'examen des dispositions relatives aux collectivités territoriales en première partie.

Cette incohérence dans l'organisation des débats, auquel cet amendement sur les articles non rattachés n'apporte d'ailleurs qu'une solution imparfaite, nous semble nuire à la fluidité et à la qualité des débats qui animent notre assemblée.

L'une des questions les plus importantes ressentie comme telle par les élus locaux de notre pays, notamment dans les petites communes rurales, en matière d'enseignement est bel et bien le financement obligatoire des écoles d'enseignement privé sous contrat d'association instauré par l'article 89.

Ne pas pouvoir en parler aujourd'hui est profondément regrettable et nous tenions à le faire savoir.

M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en réponse à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, je voudrais confirmer que nous avons effectivement eu un débat sur cette question lors la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2008

Nous sommes convenus de renvoyer le débat dont il est ici question aux articles non rattachés qui viendront en discussion lundi et mardi prochains, après que nous nous sommes posé la question de savoir si ces dispositions devaient être rattachées à la mission « Enseignement scolaire » ou à la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Nous avons tranché et je vous invite donc, madame Gonthier-Maurin, à nous rejoindre le lundi 10 décembre afin de poursuivre ce débat, qui, je l'espère, apportera une réponse équitable.

M. le président. Monsieur le président de la commission des finances, je vous remercie de la confirmation que vous avez apportée au Sénat.

3

Articles additionnels après l'article 41 quater (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Deuxième partie

Loi de finances pour 2008

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Enseignement scolaire

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (nos 90 et 91).

Enseignement scolaire

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 33 et Etat B (début)

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits relatifs à la mission « Enseignement scolaire ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai l'honneur, au nom de la commission des finances, de rapporter devant la Haute Assemblée les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

Monsieur le ministre, je tiens d'abord à mettre fin à un insupportable suspense en vous disant que la commission des finances a approuvé vos crédits...

M. Jean-Luc Mélenchon. C'est incroyable !

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial ....et qu'elle proposera plusieurs amendements qui permettront, j'en suis convaincu, d'ouvrir le débat et peut-être d'améliorer un budget déjà fort intéressant.

Intéressant dans sa conception, dans son esprit et dans sa mise en oeuvre, il est ainsi au diapason de l'attente nouvelle de nos compatriotes sur les efforts de qualité à faire pour l'enseignement.

Le quotidien Le Monde titrait hier soir sur la difficulté de notre pays à tenir son rang dans les classements internationaux. Je pense en particulier à celui qu'a établi l'OCDE concernant le programme international de suivi des acquis, PISA, dont M. Mélenchon conteste le principe et la pertinence.

M. Jean-Luc Mélenchon. Il ne vaut rien !

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Monsieur Mélenchon, je considère que les grands pays qui réfléchissent ensemble ont plus de chance d'aboutir à un résultat intelligent que s'ils suivaient une démarche solitaire.

Ainsi le classement PISA mentionne que la France ne rattrape pas les retards qu'elle a dans l'acquisition des enseignements et des connaissances de base.

Or, monsieur le ministre, votre budget fait une large part à l'approche qualitative engagée, en 2005, par votre prédécesseur, François Fillon, qui avait notamment mis en place les parcours personnalisés de réussite éducative, les fameux PPRE. Il avait insisté sur le fait que l'objectif était non pas la mobilisation de moyens quantitatifs globaux, mais la réussite individuelle de chaque élève. Notre mission est de donner à chacun sa chance, mais aussi et surtout d'accompagner individuellement l'élève afin qu'il parvienne à des résultats positifs.

Cette approche qualitative s'appuie sur la réflexion qui a été conduite par votre prédécesseur, par vous-même, par vos services, ainsi que par des équipes extérieures. J'évoquerai les audits lancés par Jean-François Copé, qui ont connu des résultats concrets au sein de votre administration.

Je pense non seulement à l'organisation des examens, mais également, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, à l'engagement total de votre administration, ainsi qu'à des initiatives qualitatives spectaculaires, telles que la réflexion menée sur l'évolution du métier d'enseignant, animée par M. Marcel Pochard et à laquelle participe M. Michel Rocard.

Il faut voir là, selon moi, la démonstration que, au- delà des divisions politiques, il existe une volonté unanime de donner le maximum de chances à nos jeunes compatriotes pour réussir leurs études dans notre pays.

Nous avons de cette approche qualitative une démonstration très concrète des premières politiques que vous avez mises en oeuvre et que je voudrais évoquer brièvement.

Je soulignerai, d'abord, l'effort d'un montant de 1,1 milliard d'euros en faveur des élèves en difficulté, ceux qui, dans le primaire et le secondaire, ont du mal à suivre l'enseignement global.

Vous faites également un effort significatif en faveur de l'accueil des élèves handicapés et des primo-arrivants. Il s'agit d'un public particulier dont vous assurez l'accueil et la prise en charge en mettant en place des moyens financiers importants, qui, je l'espère, leur permettront d'avoir plus de chance de réussir.

Monsieur le ministre, nous sommes donc dans une logique où la réussite de l'élève est votre ligne de conduite.

En outre, devant notre assemblée qui est très attentive aux questions de l'enseignement, je tiens à dire que la tonalité de votre action au ministère est empreinte de pragmatisme et de sens des réalités, ce qui résulte sans doute de votre expérience. Vous êtes convaincu de la nécessité d'agir tout en restant modeste. Vous savez qu'on ne peut pas tout faire tout le temps !

Le premier exemple qui me vient à l'esprit est celui de la carte scolaire, qui a donné lieu à un débat politique à propos duquel on peut, certes, se passionner, quitte, comme les Français aiment à le faire, à prendre des positions théoriques extrêmes.

Vous avez refusé cette approche théorique et, grâce à votre pragmatisme, avez arrondi les angles.

Vous avez ouvert plus largement les dérogations, mais elles restent très marginales. Vous avez privé certains magazines du marronnier de la carte scolaire en permettant à une petite minorité de familles...

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. ...qui, pour des raisons d'ailleurs légitimes, souhaitaient une autre affectation, de bénéficier d'un peu de liberté, d'un peu de compréhension, sans pour autant remettre en cause un système d'ensemble qui devra évoluer, mais qui donne déjà satisfaction, notamment en milieu rural, à la fois aux parents et aux 67 000 établissements d'enseignement.

Il en a été de même pour la reconquête du temps scolaire.

Là aussi, pour le samedi matin, nous aurions pu ouvrir un débat idéologique afin de savoir s'il fallait sacrifier le week-end ou étaler les heures de cours.

Vous avez décidé tranquillement, et de façon quelque peu surprenante, que le samedi matin ne serait plus scolarisé et, ce faisant, vous avez immédiatement consacré ces heures à d'autres activités, afin que le travail scolaire de la semaine soit mieux réparti et que le soutien aux élèves en difficulté soit encouragé.

Cette mesure a été comprise et acceptée dès lors qu'il s'est agi non pas de diminuer les moyens mis à la disposition des élèves, mais de mieux les adapter à leurs besoins.

La reconquête du mois de juin - merveilleux mois de juin où l'on ne faisait pas grand-chose, pour ne pas dire rien ! - va redevenir un mois à part entière, ce qui, sur le plan budgétaire, monsieur le président de la commission des finances, n'est pas sans signification. Un mois qui est gagné, cela représente 10 % de plus de temps d'enseignement et moins de crédits de substitution.

Vous avez décidé de mettre en oeuvre, de 2008 à 2011, les études surveillées - c'était un engagement du Président de la République - en commençant par en faire profiter les élèves en difficulté.

Là encore, monsieur le ministre, vous faites preuve d'esprit pratique en proposant de recourir à des recrutements, de créer des heures supplémentaires et de donner des moyens aux associations qui se consacrent au soutien scolaire.

Nous sommes donc dans une logique pragmatique : la situation évolue tranquillement, sans que chaque changement déclenche une guerre idéologique. Nous ne pouvons que vous en savoir gré, monsieur le ministre.

J'en viens maintenant aux moyens. Avec une baisse affichée de 11 000 postes, la diminution d'effectifs que vous engagez est spectaculaire. Il faut comparer cet effort à ceux qui sont accomplis par les autres administrations et préciser que les effectifs de votre administration représentent à eux seuls 46 % des effectifs de la fonction publique.

Le périmètre n'est plus le même. Ainsi, l'enseignement supérieur et la recherche ne sont plus rattachés à votre ministère. Cela concerne un millier d'emplois. Les changements les plus impressionnants portent sur les personnels techniciens, ouvriers et de service, les TOS.

Je me contenterai d'indiquer, monsieur le ministre, que la commission des finances se félicite de cette orientation qui consiste à diminuer les effectifs - puisque ceux-ci doivent tenir compte de l'évolution démographique - sans que cela affecte pour autant le nombre d'heures d'encadrement consacrées aux élèves. Pour ce faire, vous avez exploité au mieux les possibilités qu'offraient les heures supplémentaires.

La formule est satisfaisante : donner aux enseignants qui le souhaitent plus d'heures de travail, pour plus de revenus. Sans doute nous expliquerez-vous dans votre réponse dans quelles conditions vous entendez la mettre en oeuvre.

La situation actuelle permet donc une meilleure utilisation des capacités d'enseignement existantes. La diminution apparente des effectifs au regard du plafond d'emplois ne se traduit pas par une baisse du nombre d'adultes encadrant les élèves, qu'ils soient enseignants, surveillants ou TOS. De ce point de vue, c'est parfaitement satisfaisant, même si cela rend parfois complexe la lecture de l'évolution effective du personnel encadrant les élèves au regard de l'évolution du plafond qui actuellement n'intègre pas l'ensemble de ces professionnels.

En effet, les crédits de ces personnels peuvent être, d'une part, imputés sur les crédits hors titre 2, c'est-à-dire hors plafond d'emploi ou, d'autre part, ne plus être comptabilisés au sein de la mission du fait des mesures de décentralisation.

Nous aurons l'occasion d'engager la discussion sur ce sujet lors de l'examen d'un amendement relatif aux vacations qu'a déposé la commission des finances.

Dans le cadre de la présentation générale de la mission « Enseignement scolaire » et avant d'exposer rapidement l'objet des trois amendements de la commission, je souhaite formuler trois observations, qui expliquent la position de la commission sur ce projet de budget, qu'elle juge en évolution, intéressant et prometteur.

Premièrement, des progrès s'imposent sur l'efficacité de la dépense scolaire.

Si les indicateurs de performances existent, les comparaisons dans le temps sont insuffisantes. Bien plus, les comparaisons régionales n'existent pas. Pour ma part, je le déplore, car c'est une façon d'appréhender plus concrètement la performance et la singularité de l'enseignement.

Je prends l'exemple des tableaux de réussite scolaire ou de réussite d'intégration dans la vie professionnelle après sortie du système scolaire. Nous aurions besoin d'indicateurs dont la comparaison soit plus riche dans le temps. Peut-être serait-il possible de reconstruire, grâce à un appareil statistique, un certain nombre de données qui concernent le passé. Dans le cas contraire, il suffira d'attendre, mais cette solution n'est guère satisfaisante. En outre, il faudrait une diversification par statut, par type d'enseignement, par région.

De cette comparaison, nous pourrions essayer de tirer des leçons et, ainsi, expliquer d'éventuelles différences, afin de connaître les systèmes qui fonctionnent bien, ceux qui fonctionnent mieux et ceux qui fonctionneraient éventuellement moins bien.

De la même façon, des indicateurs de performance nous situant dans l'espace européen seraient utiles. Il n'est pas nécessaire de se comparer avec le monde entier ; il faut à tout le moins se positionner par rapport à des pays qui nous sont proches et avec lesquels nous sommes en compétition culturelle, économique et sociale. De telles données manquent cruellement dans nos tableaux.

Deuxièmement, il convient d'approfondir cette particularité française qui se résume en une formule : la richesse de l'offre scolaire.

Dans notre pays, nos malheureux écoliers ont le plus grand nombre d'heures de cours annuel - 958 heures, contre 800 dans la moyenne européenne. Cette tendance est encore plus marquée dans l'enseignement secondaire. Cette présence à l'école se traduit cependant par des résultats qui, d'après certaines comparaisons internationales, semblent moyens, voire médiocres dans certains cas. (M. Jean-Luc Mélenchon proteste.) Si l'on tient compte de la diversité de l'offre scolaire dans l'enseignement secondaire, nous parvenons à des taux d'encadrement d'élèves par professeur parfaitement incompréhensibles.

Les indicateurs de performance donnent donc des chiffres que nous avons du mal à saisir, tant le recours aux moyennes est certainement l'une des façons les plus sûres de cacher la vérité d'un problème ! C'est pourquoi il faut examiner dans le détail la situation de l'encadrement, car elle est l'une des conséquences de l'offre scolaire de notre pays, offre qui se caractérise par sa grande richesse.

Troisièmement, l'examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire » donne le sentiment, monsieur le ministre, que votre budget est sollicité pour des politiques qui, si elles sont tout à fait honorables, ne sont pas celles de l'éducation nationale. Je prendrai trois exemples.

Tout d'abord, l'accueil des élèves primo-arrivants n'est-il pas du ressort de votre collègue M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement ? Ne faudrait-il pas imputer ces crédits sur ceux de son ministère ?

Ensuite, l'école maternelle, dont je suis sûr qu'elle est utile, joue indéniablement un rôle dans la politique de la famille. Dans quelles conditions doit-elle être entièrement prise en charge par le ministère de l'éducation nationale, alors que, en assurant l'accueil des enfants pour aider et encourager les parents, elle participe parfois de la politique de la famille ? Il me paraît indispensable de répondre à une telle question. C'est la raison pour laquelle une enquête portant sur la signification de l'école maternelle aujourd'hui a été demandée à la Cour des comptes.

Enfin, l'effort que vous déployez, à juste titre, pour l'accueil des enfants handicapés mériterait, lui aussi, d'être financé par des ressources issues d'une politique sociale et de solidarité entre Français. Il ne doit pas dépendre des seuls crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

La commission des finances a présenté trois amendements, qui sont autant d'interrogations sur la volonté du ministère dans des domaines différents.

Le premier amendement porte sur le partenariat avec les collectivités locales. Il vise à supprimer les « remises de principe » pour dépenses scolaires d'internat et de demi-pension. Cette responsabilité incombe aujourd'hui aux collectivités locales, qu'elles soient communales, départementales ou régionales. Elle n'est plus vôtre, monsieur le ministre. Vous avez conservé ces crédits, qui témoignent d'une vieille tradition de solidarité et de politique de la famille du ministère de la rue de Grenelle. La commission des finances propose que ces crédits soient désormais pris en compte par les collectivités locales, dans le cadre de la décentralisation.

Le deuxième amendement concerne la gestion des vacataires et des suppléances de personnel non enseignant. Si nous sommes favorables à la souplesse, nous refusons l'opacité.

Le troisième amendement a trait aux conséquences des conclusions de la commission Pochard sur la revalorisation de la fonction enseignante. À l'issue des avis qu'elle rendra, je suis persuadé, monsieur le ministre, que vous serez amené à faire un certain nombre de préconisations. C'est la raison pour laquelle vous avez prévu des sommes prévisionnelles, qui ne concernent toutefois que les enseignants du second degré. Or les décisions qui seront prises toucheront certainement l'ensemble des enseignants. C'est pourquoi la commission des finances propose de répartir d'emblée ces crédits.

En réalité, monsieur le ministre, il s'agit d'ouvrir le débat sur la façon dont vous entendez associer le Parlement à la mise en oeuvre des décisions d'orientation de nature budgétaire que cette commission sera appelée à vous proposer et que vous seriez conduit à accepter pour revaloriser cette fonction. Je rappelle que la passion commune qui nous rassemble ce matin, c'est la réussite des élèves pour une France forte, intelligente, réactive et capable de nous donner toutes les chances de réussite dans la mondialisation. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

(M. Adrien Gouteyron remplace M. Philippe Richert au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La parole est à M. Philippe Richert, rapporteur pour avis.

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « l'éducation est la première priorité nationale ». Ainsi s'ouvre le code de l'éducation. Le présent projet de loi de finances en donne la preuve, puisque le budget de la mission « Enseignement scolaire » s'élèvera à 59,26 milliards d'euros en 2008, soit une augmentation de 2,03 %

Un effort aussi considérable, qui mobilise près d'un agent de l'État sur deux et représente plus d'un cinquième des crédits du budget général, se doit de se traduire par des résultats !

C'est pourquoi, monsieur le ministre, je salue le souci que vous affichez de fixer des objectifs clairs, en décidant par exemple de diviser par trois l'échec scolaire lourd d'ici à cinq ans.

Pour atteindre de tels objectifs, l'essentiel est d'infléchir nos politiques éducatives. C'est ce que vous avez fait en engageant deux importantes réformes.

La première réforme a été mise en oeuvre dès le mois de juin dernier. Il s'agit de l'assouplissement de la carte scolaire, première étape vers sa suppression, qui a permis à près de trois demandes sur quatre d'être satisfaites, sans pour autant perturber les équilibres fondamentaux de répartition des élèves entre établissements.

Pour aller plus loin, il faudra toutefois donner les moyens à chaque établissement d'affirmer son identité pédagogique en développant un véritable projet, qui ne soit pas qu'un simple instrument de justification administrative et budgétaire, mais qui puisse réunir autour de lui l'ensemble de la communauté éducative, parents compris. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous précisiez vos intentions sur ce point.

La deuxième réforme majeure porte sur la généralisation de l'accompagnement éducatif après la classe en 2008, qui est d'ores et déjà proposé en zone d'éducation prioritaire. Chaque enfant pourra donc bénéficier d'un suivi et d'un soutien scolaires renforcés et gratuits. C'est un gage d'égalité, car, chacun le sait, les familles n'ont pas toujours le temps ou les moyens de prêter l'attention nécessaire aux études de leurs enfants.

Cette réforme ambitieuse ne verra toutefois pas le jour sans un soutien affirmé des collectivités territoriales, qui devront assumer certains coûts indirects de sa mise en oeuvre.

Monsieur le ministre, vous avez indiqué à la commission que vous aviez engagé la concertation à ce sujet. Il serait bon, que vous puissiez nous informer des progrès de ces discussions avec les assemblées représentatives.

Grâce à ces deux mesures, le système scolaire français s'engage dans la voie d'une meilleure prise en compte des besoins singuliers de chaque élève, afin de lutter plus efficacement contre l'échec scolaire.

Cet accompagnement individualisé passe par un renforcement de l'encadrement dans les établissements : 6 000 assistants d'éducation seront ainsi recrutés en 2008.

De même, 166 emplois d'auxiliaires de vie scolaire seront inscrits au budget, afin de mettre en place 200 nouvelles unités pédagogiques d'intégration. Notre pays continuera ainsi à rattraper son retard en matière de scolarisation des enfants handicapés : des progrès notables ont déjà été accomplis, ils doivent se poursuivre.

Enfin, 300 nouveaux postes d'infirmières scolaires sont créés. Je veux néanmoins vous signaler, monsieur le ministre qu'une large part des emplois d'infirmières ouverts depuis deux ans n'a pas été pourvue, faute de candidats en nombre suffisant. (Mme Nathalie Goulet s'exclame.) Des difficultés comparables existent pour la médecine scolaire. La situation actuelle fait donc problème et j'aimerais connaître les solutions que vous envisagez pour y remédier. Je vous rappelle que le Sénat avait voté en 2004 le transfert de la charge de la médecine scolaire aux départements. Je reste persuadé que cela aurait été la bonne mesure.

Ce renforcement de l'encadrement dans les établissements se fera à moyens constants, grâce à de nouveaux efforts pour optimiser la gestion des services.

Ces efforts tiennent compte des impératifs éducatifs, puisque seul un enseignant sur trois partant à la retraite ne sera pas remplacé, contre un agent sur deux dans les services administratifs et dans la plupart des autres missions. Au total, ce sont donc 11 200 postes qui ne seront pas renouvelés, dont 1 000 emplois administratifs.

Ces suppressions se feront à offre éducative inchangée, comme vous l'avez indiqué, monsieur le rapporteur spécial, grâce à une gestion plus rationnelle des remplacements, à la réduction des surnombres - point important sur lequel nous revenons tous les ans -, ainsi qu'à la prise en compte des évolutions démographiques. Les écoliers étant plus nombreux dans le primaire, 700 postes y sont créés ; à l'inverse, le nombre d'élèves dans le secondaire diminuant, 1 500 postes n'y seront pas renouvelés. Enfin, 3 500 emplois seront transformés en heures supplémentaires afin de soutenir le pouvoir d'achat des professeurs.

Le présent projet de budget que vous nous proposez, monsieur le ministre, tend à engager la revalorisation du métier d'enseignant qui passe d'abord par la hausse des rémunérations par le biais des heures supplémentaires. Ainsi, 146 millions d'euros seront consacrés à la création de nouvelles heures supplémentaires, d'autant plus attractives pour les enseignants qu'elles bénéficieront des exonérations fiscales et sociales prévues par la loi TEPA.

Toutefois cela ne suffira pas à revaloriser, dans leur ensemble, les carrières des enseignants ; c'est l'objet des travaux de la commission Pochard. Ce budget comporte d'ores et déjà une provision de 41 millions d'euros pour anticiper, en tiers d'année, les conclusions de ladite commission, soit 42 euros, en moyenne, par enseignant. Il n'est donc, vous l'aurez compris, mes chers collègues, qu'une première étape, qui doit être poursuivie et amplifiée.

Enfin, je souhaite que cette revalorisation concerne également les chefs d'établissement, qui doivent être formés et rémunérés à la hauteur des responsabilités qui leur sont confiées, car ils sont les pièces maîtresses de notre système éducatif de demain.

Monsieur le ministre, je reste persuadé qu'il faut aller dans cette direction pour rénover notre système éducatif. Malgré les efforts certains accomplis ces dernières années, des progrès significatifs restent encore à réaliser pour rendre cette fonction plus attractive, notamment pour les meilleurs des enseignants.

Pour terminer, je tiens à indiquer au Sénat que les crédits inscrits cette année pour les bourses de collège permettront de financer, en année pleine, la hausse de plus de 25 % votée par notre assemblée pour 2007, sur l'initiative de la commission des affaires culturelles et de la commission des finances.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Très bien !

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Au vu de l'ensemble de ces éléments, la commission des affaires culturelles a donc décidé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire » pour 2008. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis.

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis l'entrée en vigueur de la LOLF, la mission « Enseignement scolaire » réunit les crédits de l'éducation nationale et ceux de l'enseignement technique agricole.

Au-delà de sa valeur symbolique, ce regroupement devait aussi permettre de préserver le budget de l'enseignement agricole des annulations de crédits décidées en cours d'année destinées à financer les mesures exceptionnelles qui suivent telle ou telle calamité naturelle.

Des engagements ont été pris en ce sens. Ils n'ont pas été tenus, puisque cette année encore, plus de 10 millions d'euros de crédits de paiement du programme « Enseignement technique agricole » ont été annulés, afin de financer, en particulier, les lignes budgétaires ouvertes en urgence après le passage du cyclone Dean en Martinique et en Guadeloupe au mois d'août dernier.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. C'est vrai !

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. Bien entendu, de tels plans sont nécessaires et je n'en conteste ni le principe, ni même le financement par voie de prélèvement sur tous les programmes du budget général. Mais l'exigence de solidarité doit aussi s'accompagner du souci de l'équité et ces prélèvements doivent donc être proportionnés à l'importance de chaque programme au sein de la mission.

Alors que le budget de l'enseignement agricole, qui n'était que de 1,5 milliard d'euros, a contribué, à hauteur de 10 millions d'euros, à ces annulations et que, dans le même temps, le programme « Enseignement scolaire public du second degré », qui représentait en 2007, à lui seul, plus de 28 milliards d'euros, n'a pas même été touché par ces annulations, je ne peux qu'avoir le sentiment, monsieur le ministre, que l'effort n'a pas été équitablement réparti entre votre ministère et celui de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean-Claude Carle. Tout à fait !

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. Je vous demande donc instamment de vous assurer qu'il en ira désormais autrement et je souhaite que des assurances claires nous soient apportées sur ce point. Pouvez-vous être notre interprète auprès de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche ?

Si le budget pour 2008 permet de répondre aux principaux besoins de l'enseignement agricole, il n'est toutefois pas assez élevé pour supporter une nouvelle série d'annulations en cours d'exécution. Il atteindra 1,26 milliard d'euros en 2008, contre 1,28 milliard en 2007, soit une légère baisse de 1,08 %, qui s'explique, avant tout, par la poursuite de la décentralisation, avec près de 1 000 transferts de TOS, les personnels techniciens, ouvriers et de services, au ler janvier 2008, ainsi que par l'effet, en année pleine, des suppressions opérées pour 2007.

Quant aux mesures propres au projet de loi de finances pour 2008, la règle du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux s'appliquera, certes, aux personnels administratifs et techniques, mais sera assouplie pour les emplois d'enseignants, puisque deux sur trois seront maintenus.

Dans un contexte de vigilance budgétaire renforcée, il a donc été tenu compte des singularités de l'enseignement agricole, et je m'en réjouis. Au total, ce sont 106 équivalents temps plein travaillé, les ETPT, qui devraient être supprimés en 2008, dont 25 ETPT de professeurs. L'impact sur les établissements restera donc mesuré, d'autant plus que l'Assemblée nationale a adopté un amendement annulant l'effet en année pleine des réductions de postes dans l'enseignement privé dit du temps plein.

Par ailleurs, le présent projet de budget témoigne du souci de respecter les engagements pris à l'égard des établissements privés. La subvention destinée au rythme approprié est en progression, à hauteur d'un peu moins de 4 millions d'euros, tandis que celle qui est consacrée au temps plein augmente de 2 millions d'euros. Ces efforts sont bienvenus ; ils devront, toutefois, être poursuivis, certaines questions attendant encore un règlement durable. Je pense non seulement aux reports de charge, qui demeurent très importants, mais aussi à la revalorisation de la base de calcul de la subvention du temps plein, dont il faudra tenir compte en 2009. Au-delà de ce budget pour 2008 satisfaisant, c'est en effet vers 2009 qu'il nous faut regarder.

Monsieur le ministre, tous les acteurs de l'enseignement agricole nourrissent depuis presque deux ans de grands espoirs. En 2006, toute une série de rapports ont été publiés ; ils témoignaient un intérêt grandissant pour cette voie d'enseignement méconnue et contribuaient à la reconnaissance de ces résultats exceptionnels. Cette année encore, l'enseignement agricole a été évoqué à plusieurs reprises comme étant un modèle au cours des auditions menées par la commission Pochard, que M. le rapporteur spécial a citée. Tous ces espoirs ne peuvent pas être déçus.

C'est pourquoi je crois absolument nécessaire que l'année 2008 soit largement consacrée à l'élaboration d'un nouveau projet et d'une nouvelle ambition pour l'enseignement agricole. Je dirais même que la contrainte budgétaire, qui se traduira par une baisse de la dotation globale horaire de 2 % nets, exige qu'une nouvelle stratégie puisse voir le jour, afin d'absorber ces réductions de moyens sans compromettre pour autant l'excellence pédagogique de l'enseignement agricole. C'est pourquoi j'espère, monsieur le ministre, que vous nous apporterez très rapidement des précisions sur ce point.

Je forme enfin le voeu que ni le Gouvernement, ni le Sénat ne reviennent en seconde délibération sur les travaux que nous allons mener aujourd'hui, comme cela a pu se produire à l'Assemblée nationale voilà quelques jours. C'est dans cet esprit de vigilance, mais aussi de confiance dans votre volonté de garantir pleinement l'avenir de l'enseignement agricole, monsieur le ministre, que la commission des affaires culturelles a décidé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire » pour 2008. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'aborderai, pour ma part, la question de l'enseignement professionnel, en mettant l'accent sur sa nécessaire revalorisation.

Les filières professionnelles restent, en effet, prisonnières de l'image surannée qui prévaut encore dans les mentalités collectives. Pourtant, cette image n'a plus rien à voir avec la réalité ; les lycées professionnels ne sont pas ces LEP que certains qualifiaient de « parkings à chômeurs » voilà encore vingt ans. Ce sont des établissements modernes, dotés d'équipements de pointe. Les enseignements qui y sont délivrés sont de grande qualité et permettent aux élèves d'espérer une bonne insertion professionnelle, voire de poursuivre des études supérieures avec de bonnes chances de réussite, s'ils sont bien orientés.

Le taux de réussite à la licence des bacheliers professionnels est à peu près le même que celui des titulaires d'un bac technologique. Ce point mérite d'être souligné ; il démontre, à lui seul, que l'enseignement professionnel n'a pas pour seule vocation l'insertion à court terme, mais permet également la poursuite d'études. C'est essentiel dans un contexte où l'élévation du niveau de qualification de la population reste une exigence majeure pour faire face aux évolutions technologiques.

Le développement de l'enseignement professionnel peut permettre de répondre à cette exigence. Mais il faut, pour cela, transformer les mentalités et en finir avec certaines habitudes. L'orientation vers les filières professionnelles ne doit plus être proposée qu'aux seuls élèves en difficulté, jugés incapables de poursuivre leurs études dans l'enseignement général.

Pour cela, il faut que la scolarité au collège ne soit plus organisée autour de la seule perspective de poursuivre des études en lycée général ou technologique. Les filières professionnelles doivent donc apparaître à tout élève comme un choix digne d'intérêt. La création des parcours de découverte des métiers et des formations à destination de tous les élèves apparaît, de ce point de vue, comme une première étape à saluer.

Il faudra aussi des moyens, notamment en personnels qualifiés et formés, pour assurer ces nouvelles missions d'information et d'orientation.

Pourtant, les réductions de postes de conseillers d'orientation psychologues se poursuivent, alors même que ces derniers sont recrutés pour assurer ces missions. Ce choix me paraît difficilement compréhensible. Si les professeurs connaissent les filières, ils ne sont pas particulièrement qualifiés pour parler des métiers et du monde professionnel. Ce n'est tout simplement pas leur fonction.

Au-delà de la question, essentielle, de l'orientation, il reste bien des choses à faire pour revaloriser l'enseignement professionnel. Je pense, notamment, au manque de perspective de carrière des professeurs de lycée professionnel et des contractuels, naturellement nombreux dans ces établissements.

L'offre de diplômes et de formations doit également être rénovée. Vous prévoyez, monsieur le ministre, de faire progresser très rapidement le baccalauréat professionnel en trois ans. Cela peut avoir un sens dans certaines filières, où le BEP et le CAP ne suffisent plus à garantir une insertion rapide, comme dans le secteur des métiers de la comptabilité. Mais il en est d'autres où le BEP et le CAP jouent encore un rôle majeur. Pourquoi, dès lors, mettre en péril leur existence ?

Par ailleurs, dans une voie qui assure encore très souvent une mission de remédiation particulièrement affirmée, ces diplômes constituent bien souvent la première étape d'un parcours de reprise de confiance pour des élèves qui avaient justement perdu toute confiance en eux-mêmes, comme dans le système scolaire.

Je m'interroge donc sur ce choix. Les syndicats d'enseignants, eux, s'en inquiètent à tel point qu'en début de semaine ils vous ont demandé de les recevoir en urgence.

De plus, je souhaite attirer votre intention sur le fait que les premières expérimentations menées montrent que les élèves qui arrêtent leur scolarité durant la préparation d'un baccalauréat en trois ans restent nombreux et qu'ils sortent alors de l'école sans aucune qualification. Aussi, la généralisation du baccalauréat professionnel en trois ans me paraît prématurée, puisque aucune certification intermédiaire n'a encore été prévue.

Tous ces éléments peuvent faire craindre qu'une stratégie globale de revalorisation de l'enseignement professionnel ne fasse encore défaut.

Une telle stratégie passe également par une bonne gestion des moyens. Or, lors de votre audition par la commission des affaires culturelles, vous avez été dans l'incapacité d'évaluer l'impact des suppressions d'emplois sur l'enseignement professionnel. Je regrette également le manque de lisibilité des évolutions constatées dans le programme « Enseignement scolaire public du second degré », notamment pour l'apprentissage, la formation continue et la validation des acquis de l'expérience.

À ce titre, il importe de rappeler que, quelles que soient les marges de manoeuvre laissées en exécution, le budget voté par le Parlement n'a pas valeur de blanc-seing et que l'obligation de justification au premier euro s'impose au stade de l'autorisation parlementaire. Des efforts très significatifs sont donc nécessaires, afin de redonner de la clarté à la présentation d'un programme qui représente, à lui seul, plus de 28 milliards d'euros.

Compte tenu de ces observations, je ne voterai pas, à titre personnel, les crédits de la mission « Enseignement scolaire » pour 2008, pour lesquels la commission des affaires culturelles a toutefois donné un avis favorable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)