Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux personnels enseignants de médecine générale
Article 2 (début)

Article 1er

Dans le chapitre II du titre V du livre IX du code de l'éducation, il est inséré une section 3 bis ainsi rédigée :

« Section 3 bis

« Dispositions propres aux personnels enseignants de médecine générale.

« Art. L. 952-23-1. - Les membres du personnel enseignant titulaire et non titulaire de médecine générale exercent conjointement les fonctions d'enseignement, de recherche et de soins en médecine générale.

« Ils consacrent à leurs fonctions de soins en médecine générale, à l'enseignement et à la recherche la totalité de leur activité professionnelle, sous réserve des dérogations qui peuvent être prévues par leur statut. Ils exercent leur activité de soins en médecine générale et ambulatoire.

« Pour leur activité d'enseignement et de recherche, ils sont soumis à la juridiction disciplinaire mentionnée à l'article L. 952-22.

« Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application de la présente section et notamment le statut des personnels enseignants de médecine générale, les conditions de leur recrutement et d'exercice de leurs fonctions ainsi que les mesures transitoires et les conditions dans lesquelles les enseignants associés de médecine générale peuvent être recrutés ou demander à être intégrés dans les nouveaux corps. »

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi relative aux personnels enseignants de médecine générale
Article 2 (fin)

Article 2

« L'antépénultième alinéa de l'article L. 952-3 du code de l'éducation est ainsi rédigé :

« En outre, les fonctions des personnels enseignants et hospitaliers et des personnels enseignants de médecine générale comportent une activité de soins, conformément aux articles L. 952-21 à L. 952-23-1.  - (Adopté.)

M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi n° 70.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité ! (Applaudissements.)

Article 2 (début)
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7

Avenir du fret ferroviaire

Discussion d'une question orale avec débat

(Ordre du jour réservé)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 7 de M. Daniel Reiner à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, sur l'avenir du fret ferroviaire.

Cette question est ainsi libellée :

M. Daniel Reiner attire l'attention M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables sur l'avenir du fret ferroviaire.

Alors que la SNCF a annoncé la fermeture de 262 gares au wagon isolé, le fret ferroviaire semble cet automne amorcer une légère reprise et les conclusions du Grenelle de l'environnement ont mis en évidence la nécessité de développer le fret ferroviaire.

Pourtant, malgré les ambitions affichées, aucun budget supplémentaire n'est dégagé en faveur des infrastructures ferroviaires cette année encore, le Gouvernement n'étant pas même au rendez-vous s'agissant de la seule régénération du réseau, qui, nécessitant 500 millions d'euros, ne se voit créditer que de 400 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2008.

Dans le même temps, les collectivités s'investissent, en suscitant la mise en place d'opérateurs de proximité et en soutenant la réalisation d'embranchements ferrés pour les sites industriels.

La promotion du transport combiné, la création des nouvelles autoroutes ferroviaires, et une politique massive d'investissement en faveur de l'embranchement ferré des zones d'activité nécessiteront des efforts considérables de la part de l'État et des collectivités territoriales et la création de nouvelles ressources.

C'est dans cet esprit qu'une mission d'information sur les infrastructures de transports terrestres, leur financement et leur fonctionnement s'est constituée au Sénat en septembre 2007.

En outre, on sait qu'en la matière, les incantations ne suffisent pas. L'autoroute ferroviaire existante ne trouve pas son rythme de croisière quant à l'autoroute de la mer sur la Méditerranée, elle peine à s'imposer face à la route, malgré la qualité du service. Il faut donc, en plus de construire un véritable réseau national de fret, grande vitesse et secondaire, imaginer des incitations à l'usage de telles infrastructures. Ces chantiers législatifs et règlementaires ne sont pas même esquissés dans les conclusions du Grenelle de l'environnement. L'amélioration des prestations, l'incitation en direction des donneurs d'ordre ou des prestataires de services (entreprises et entreprises de transport), sont pourtant le pendant indispensable pour augmenter le report modal et ainsi optimiser les investissements de l'État et des collectivités locales.

En conséquence, il demande au Gouvernement quelles sont ses intentions véritables en la matière. Entend-t-il développer ce secteur ou a-t-il décidé de donner à l'entreprise SNCF des ordres purement comptables et financiers ? Envisage-t-il des mesures pour augmenter l'offre de service de fret, et ainsi permettre aux entreprises de se tourner enfin plus fortement vers ce type d'approvisionnement ? Le Grenelle de l'environnement et le prochain CIADT transport seront-ils enfin l'occasion de présenter de réelles ruptures en la matière ?

La parole est à M. Daniel Reiner, auteur de la question.

M. Daniel Reiner. Ma question ne semble pas passionner les foules... Néanmoins, toutes les personnes intéressées sont présentes ! (Sourires.)

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question a pour but d'attirer l'attention du Gouvernement et, plus largement, celle de l'opinion, sur un problème très préoccupant et, malheureusement, récurrent : la situation du fret ferroviaire et l'avenir de celui-ci.

Lorsque l'on parle de fret ferroviaire, on pense généralement au fret SNCF. Or, cela se justifie de moins en moins dès lors que, dans ce secteur, la concurrence est autorisée et existe déjà.

Voilà trois ans, j'avais posé une question similaire ; c'est d'ailleurs vous qui m'aviez répondu, me semble-t-il, monsieur le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Exact !

M. Daniel Reiner. J'avais posé cette question à l'occasion de l'ouverture d'un plan stratégique qui devait redonner du tonus et du dynamisme au fret ferroviaire.

Trois ans après et quelques milliards de tonnes de marchandises transportées par le rail en moins, je m'interroge toujours sur la réelle volonté de votre gouvernement de sortir le fret de l'impasse dans laquelle il a été résolument engagé depuis quelques années.

Quelles sont les données du problème ? Ce sont les mêmes, en plus préoccupantes, que celles qui étaient évoquées dans le rapport de Hubert Haenel et François Gerbaud, intitulé « Fret ferroviaire français : la nouvelle bataille du rail », qui avait marqué le Sénat et dont les derniers mots étaient : « Il faut engager la bataille du rail ».

La première de ces données est la baisse presque continue des volumes de fret transportés par le rail depuis 1974. À l'époque, rappelons-le, près de la moitié des marchandises transportées en France l'étaient par le rail. Très récemment, cette proportion a baissé jusqu'à 20 %. Elle est, aujourd'hui, de 12 % ou 13 %. Cette chute s'est donc accentuée de façon colossale. Nous sommes ainsi passés de 55 milliards de tonnes en 2000 à 40 milliards de tonnes-kilomètres en 2006.

Le précédent plan devait permettre de remédier à cette situation et d'apporter des réponses.

Or, s'agissant du volume, comme je viens de le dire, ce n'est malheureusement pas le cas. Quant à l'aspect financier, Fret SNCF a perdu, en 2006, 260 millions d'euros. Il affiche donc toujours un déficit extrêmement élevé, qui avait été réduit au cours des années précédentes, mais qui s'est de nouveau creusé l'année dernière ; il est vraisemblable qu'il sera encore présent cette année. L'objectif du plan de redressement n'a donc pas été atteint.

Nous avons débattu du budget des transports pour 2008 voilà huit jours. J'ai dit, à cette occasion, que la loi de finances ne permettrait pas d'améliorer la situation. Il s'agit, en effet, d'un budget de stagnation alors que, à l'évidence, il fallait donner un souffle nouveau.

Cette situation est paradoxale, dans la mesure où l'opinion publique - le Grenelle de l'environnement a été très révélateur de ce point de vue - est très favorable au transport ferroviaire et au report modal de la route vers le rail, qui correspondent à une réalité objective, même s'il ne faut pas en attendre monts et merveilles : le fret ferroviaire permet de faire diminuer le taux de pollution et les nuisances provoquées par le transport routier.

Une telle évolution répond donc à des préoccupations d'ordre écologique et environnemental, mais aussi à une attente des entreprises. En effet, aussi étrange que cela paraisse, les entreprises et les chargeurs sont prêts à faire confiance au fret ferroviaire. Mais entre « être prêt » à faire confiance et « faire » véritablement confiance, il y a une différence !

Enfin, dans d'autres pays d'Europe, le dynamisme du fret ferroviaire s'est renforcé. Ce dynamisme a toujours été présent en Suisse, pour des raisons géographiques, mais c'est également le cas en Grande-Bretagne et en Allemagne, où la situation de la Deutsche Bahn est enviable, même si quelques grèves ont eu lieu récemment.

Au vu de ces données - la réussite du fret ferroviaire à l'étranger, l'attente de l'opinion publique -, pourquoi la France ne réussirait-elle pas ?

Le premier plan de redressement n'ayant pas fonctionné, il fallait s'attendre à en voir apparaître un deuxième, qui vient d'être annoncé. Il paraît, si l'on en croit les responsables de Fret SNCF que nous avons rencontrés, qu'il s'agit non pas d'un plan, mais d'une nouvelle organisation. Or celle-ci, tout comme le premier plan, m'inquiète.

L'idée de fond, déjà dénoncée dans le rapport de MM. Haenel et Gerbaud, est en effet toujours la même. Elle est fondée sur le raisonnement simplificateur suivant : le transport ferroviaire étant pertinent sur des distances de 500 ou 600 kilomètres, il ne saurait fonctionner que sur des flux dits « massifiés », faisant intervenir des trains entiers. Pour le reste, il serait inopérant.

Le deuxième plan reproduit le même schéma. Il réorganise le territoire autour de trois grandes gares de triage, dénommées hubs, par analogie avec le transport aérien : l'une est située dans la région parisienne, la deuxième près de Lyon, et la troisième en Lorraine, c'est-à-dire dans les trois zones essentielles de fret. Il prévoit ensuite une trentaine ou une quarantaine de gares fret, vers lesquelles seraient acheminés -on ne sait pas trop par qui, mais je poserai la question plus tard ! - des wagons isolés, qui seraient ensuite dirigés vers les hubs, afin d'être redistribués.

Les auteurs de cette nouvelle stratégie appellent cela « le haut débit ferroviaire », un système fondé sur celui qui existe en Allemagne et qui est utilisé, notamment, par la Deutsche Bahn. Or, en Allemagne, non seulement le territoire n'est pas le même, mais la massification se fait au départ des ports, ce qui n'est pas le cas en France.

M. Gérard Longuet. Bonne remarque !

M. Daniel Reiner. Ainsi, l'essentiel du volume de fret est transporté à partir de Hambourg ou des ports secs de Rotterdam ou d'Anvers, c'est-à-dire à partir de la façade de la Mer du Nord. Ce n'est pas le cas en France, car il n'existe pas de débit ferroviaire à la sortie de Dunkerque, du Havre ou de Marseille. Ou alors, il faudra nous le montrer !

La stratégie consistant à concentrer les flux sur quelques lignes fortes ne fera, selon moi, qu'encourager la concurrence, ce que je ne rejette pas. Il faut être réaliste : la concurrence est déjà présente et elle le sera encore davantage dans l'avenir. Les entreprises concurrentes ont d'ores et déjà gagné, assez rapidement du reste, quelques parts de marché, ce qui tend à prouver que la qualité de Fret SNCF n'est pas au rendez-vous et que l'attente des entreprises peut se manifester par le désir d'aller voir ailleurs.

La concurrence pénètrera d'autant plus facilement le marché que ces lignes de force existeront. Que deviendra alors Fret SNCF ?

Il ne s'agit pas pour moi de défendre à tout prix Fret SNCF ou le fret ferroviaire de manière générale. Je constate simplement que la somme des deux frets est, pour l'instant, toujours en diminution et que nous n'avons pas progressé en la matière.

J'ai eu le sentiment, à un moment donné, que nous avions l'ambition de faire de la SNCF - une entreprise performante dans plusieurs secteurs, comme le transport de voyageurs ou le transport régional, et qui assure, en plus, une activité de fret - un acteur majeur du transport européen. De tels acteurs sont relativement peu nombreux : la Deutsche Bahn en est un et il y avait de la place pour une autre entreprise. Il revenait à la SNCF de se préparer à prendre cette place. Pour l'instant, ce n'est pas le cas ; elle a même tendance, à l'inverse, à « se défiler » sur ce marché.

Je souhaite interroger le Gouvernement sur ce point, car l'entreprise SNCF n'est pas responsable de tout. Elle fait ce qu'elle peut avec l'environnement, la réglementation européenne, le réseau, le personnel et les moyens financiers dont elle dispose. L'État a un rôle déterminant à jouer, dès lors qu'il est, à la fois, l'actionnaire et le régulateur, le « développeur », selon la formule employée à une époque.

Lors du Grenelle de l'environnement, des propositions assez merveilleuses sont apparues en matière de mobilité et de transport, en particulier s'agissant du fret ferroviaire. Je ne parle pas des 2 000 kilomètres de lignes à grandes vitesse, les LGV, dont je me demande comment on pourra les réaliser d'ici à 2020 !

Comment, par exemple, pourra-t-on augmenter de 25 % la part du fret ferroviaire d'ici à 2012, alors que cette même part vient de perdre 25 % au cours des trois dernières années ? Il faudra se doter d'autres moyens que ceux qui sont prévus dans la loi de finances pour 2008 !

On a proposé la libération de sillons. Or les sillons de bonne qualité sont saturés et l'état actuel du réseau ne permet pas d'en dégager de nouveaux. Il est vrai que le fret ferroviaire exige des sillons propres, de qualité, voire même « dédiés ». Vous connaissez la « coutume » en matière de fret ferroviaire : dès qu'un problème apparaît sur un sillon, on fait passer le train de voyageurs et on « cale » ensuite le train de fret. Il faut en finir avec cette pratique, car les chargeurs attendent une qualité maximale.

Quant aux autoroutes ferroviaires, ne rêvons pas, elles représentent surtout une « niche ». L'une d'elles est actuellement en cours d'expérimentation, et les résultats ne sont pas fabuleux. Dans ces conditions, comment les promouvoir, comme vous souhaitez le faire ?

Je connais bien l'autoroute ferroviaire qui relie le Luxembourg à Perpignan. Elle fonctionne depuis quelques mois et transporte, à ma connaissance, une dizaine de camions par jour. Les chargeurs nous disent que les camions sont faits non pour être transportés sur des trains, mais pour rouler !

En revanche, le transport combiné, qui consiste à transporter des caisses sans roues, me paraît tout à fait utile.

Toutes ces questions sont posées et mises en débat. Personne, ici, ne peut se satisfaire de l'évolution actuelle du fret ferroviaire au regard de l'attente de report modal.

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez déclaré au mois de septembre, dans le journal Les Échos, qu'il n'y avait pas de raison pour que la situation du fret ferroviaire ne se redresse pas. Comment l'État jouera-t-il son rôle dans ce redressement ?

En conclusion de leur rapport de février 1993, voilà donc plus de quatre ans, mais les choses n'ont pas progressé depuis, nos collègues Hubert Haenel et François Gerbaud s'interrogeaient : « Alors, le fret ferroviaire peut-il être relancé ? », question à laquelle ils répondaient par une série de « oui » assortis de « si » de toute nature parmi lesquels, je retiens ceux-ci : « Oui ! Si l'État actionnaire, développeur, régulateur, remplit ses missions et si le Parlement l'y incite et y veille. »

C'est dans ce but que j'ai voulu, en posant cette question orale, ouvrir le débat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le 7 novembre dernier, j'exprimais ici même mon inquiétude sur les graves conséquences économiques locales de la cessation de la desserte du fret en wagons isolés par la SNCF : 262 gares sont concernées, dont trois en Languedoc-Roussillon, celle de Béziers étant particulièrement touchée.

J'obtenais alors des paroles rassurantes de Mme Kosciusko-Morizet. Mme la secrétaire d'État m'indiquait que le délai de fin de négociations entre la SNCF et les opérateurs, fixé au 30 novembre, serait prolongé le temps qu'une solution acceptable par les deux parties soit trouvée.

Or la SNCF maintient sa position de fermeture de la desserte ou conditionne la poursuite de son service à un tarif exorbitant que les entreprises privées ne peuvent pas supporter.

Si je comprends que la SNCF veuille réduire le déficit de sa branche fret, problème en effet récurrent qui risque de s'être encore aggravé récemment, je m'étonne qu'une entreprise publique assumant une mission d'intérêt général puisse prendre seule une telle décision, d'autant que les conclusions du Grenelle de l'environnement sont venues confirmer la nécessité du transfert d'une partie significative du fret de la route au rail.

Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'État, un arbitrage en faveur d'une solution négociée équitable.

Donnons-nous le temps suffisant pour que l'opérateur privé PROFFER LR - pour « promotion du fret ferroviaire en région Languedoc-Roussillon » -, association constituée dans ce but en septembre, puisse mettre sur pied une solution de remplacement.

C'est l'intérêt bien compris de la SNCF.

C'est vital pour le tissu économique de notre région, qui serait gravement affectée par cette rupture de service.

C'est enfin conforme à la politique de lutte contre l'effet de serre que le Gouvernement entend mener.

Pouvez-vous donc, monsieur le secrétaire d'État, me rassurer sur ce point ?

Je voudrais cependant élargir le propos, en reprenant à mon compte l'argumentation de Daniel Reiner.

L'issue que j'évoque ne réglera pas, bien sûr, le problème de fond que soulève la perte continue par la SNCF de parts de marché à un moment où il lui faudrait réaffirmer sa capacité à remplir cette mission, ce qui m'amène à poser une autre question.

Quelles mesures d'envergure envisagez-vous de prendre, au nom du Gouvernement, pour relancer le fret ferroviaire assuré par la SNCF, acteur majeur des transports sur le plan européen ? C'est en fait dans cette seconde dimension que se situe à coup sûr la solution du problème ponctuel et pour partie local que j'évoquais en premier lieu. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, tout d'abord, je voudrais m'élever contre la méthode qui a été employée pour mettre en place ce que j'appellerai le « nouveau plan de destruction du fret ferroviaire public ».

Les entreprises de ma région ont été informées, quand elles l'ont été, de la fermeture de la gare de triage de Saint-Pierre-des-Corps pour les wagons isolés en pleines vacances d'été !

Les salariés, quant à eux, loin d'être invités à une quelconque concertation, ont, bien au contraire, été mis au pied du mur le 18 juin, lors d'une table ronde dont le but était d'obtenir l'adhésion de leurs syndicats à ce plan : leur protestation a été vive.

J'ai immédiatement dénoncé ce choix qui place aussi bien les élus, pourtant bien souvent porteurs de propositions et de financements d'infrastructures, que les salariés et les entreprises clientes de la SNCF devant une situation qui, au lieu de favoriser l'amélioration du service, ne fait que l'aggraver.

Monsieur le secrétaire d'État, avec la SNCF, vous avez ainsi réussi à soulever contre vous une indignation partagée par de nombreux citoyens qui ne comprennent pas que l'on puisse tenir des discours sur l'environnement et prendre des décisions qui vont à l'encontre d'une politique de développement durable.

À quoi sert alors le Grenelle de l'environnement ? La méthode autoritaire ne fait, hélas ! qu'accompagner une politique que vous développez depuis 2002 et qui s'est aggravée après les élections présidentielle et législatives.

Vous laissez casser un outil qui a besoin d'être amélioré pour le mettre à disposition d'intérêts privés. C'est tout le sens de la mise en place des OFP, les opérateurs ferroviaires dits « de proximité », question sur laquelle je reviendrai tout à l'heure.

La fermeture des 262 gares est avant tout une décision antiéconomique en même temps qu'elle est anti-industrielle.

Monsieur le secrétaire d'État, vous prétendez, avec la SNCF, que la raison première de ce choix serait la sous-activité de ces gares et le coût trop élevé du déficit du secteur. Or, vous savez pertinemment que ce n'est pas la raison essentielle.

Comment comprendre en effet qu'un secteur comme le wagon isolé que vous jugez non rentable a priori le devienne miraculeusement a posteriori par le seul fait de le confier à des opérateurs ferroviaires privés « de proximité » ?

Les gares que vous fermez représentent en réalité un potentiel non négligeable en termes de volume de marchandises transportées, sachant qu'un wagon est l'équivalent de deux camions et demi sur les routes.

Un rapport de la Commission européenne du 15 octobre dernier, dans lequel il est reconnu que le secteur du wagon isolé, pertinent sur le transport de produits chimiques, de véhicules et de machines, assure 50 % du volume transporté par le fer en Europe, donne l'alerte sur « une diminution drastique de la circulation des wagons isolés [qui] pourrait avoir des effets très inquiétants sur l'ensemble du système de transports de l'Union, le concurrent direct de ce segment étant le transport routier ».

Ce qui fragilise aujourd'hui le transport de marchandises par voie ferrée, de l'avis unanime des entreprises, c'est un service qui se dégrade à cause de la vitesse réduite occasionnée par l'état des infrastructures. À cet égard, je rappelle qu'une vitesse de 20 kilomètres par heure n'est pas rare pour les trains de marchandises.

M. Daniel Reiner. La moyenne est même de 17 kilomètres par heure !

Mme Marie-France Beaufils. J'étais généreuse !

Le réseau européen dans son ensemble est peu entretenu, mais le réseau français emporte la palme. L'audit de l'École polytechnique fédérale de Lausanne préconisait d'augmenter de 500 millions d'euros les crédits affectés au réseau pour en garantir la qualité.

Or, monsieur le secrétaire d'État, vous avez fait voter une baisse de 187 millions d'euros pour la contribution aux charges d'infrastructures par rapport à 2006, celle-ci passant de 1 682 millions d'euros en 2002 à 731 millions en 2008. Quant à la subvention aux travaux de régénération, vous l'augmentez de 72 millions d'euros, mais cela se résume en fait à une baisse drastique de 115 millions d'euros sur le total consacré à l'entretien des voies.

Le fret ferroviaire est également pénalisé par les différents plans qui ont conduit de manière tendancielle à réduire les volumes transportés.

Le plan précédent, dit « plan Véron », a ainsi abouti à porter le volume de marchandises transportées de 47 milliards de tonnes-kilomètre à 40,9 milliards tonnes-kilomètre à la fin de 2006, contre 55 milliards de tonnes-kilomètre en 2002.

Je propose qu'au contraire une politique de volume soit enclenchée, en fixant l'objectif réaliste d'un retour à 50 milliards de tonnes-kilomètre. Cet objectif est partagé par de nombreux syndicats de l'entreprise qui estiment comme moi que, pour relancer l'activité fret, il est nécessaire qu'une politique commerciale dynamique de recherche de nouveaux clients soit développée. C'est d'ailleurs la proposition que j'ai défendue auprès de M. Marembaud, le directeur général délégué du fret à la SNCF, avec trois entreprises installées sur nos sites économiques et soucieuses de l'abandon de leurs marchandises par la SNCF. Il va de soi que cette politique exige que les 262 gares ne soient pas fermées et qu'un plan de modernisation soit engagé.

De nombreux responsables d'entreprises de ma région m'ont témoigné leur intérêt pour ce transport ferroviaire qui correspond à leurs besoins. Ils considèrent, monsieur le secrétaire d'État, que votre décision remet en cause leur activité économique, mais aussi leur attachement au développement durable.

À voir la carte telle qu'elle résulte des choix présentés, on est stupéfait par le grand vide qui est laissé en termes d'infrastructures de triage. Les gros chargeurs de la sidérurgie et de la chimie dans l'est de notre pays ont été considérés comme dignes d'intérêt, mais l'activité des entreprises plus petites de nos régions de l'ouest et du sud-ouest n'a pas retenu l'attention.

Votre gouvernement déclare souvent porter attention aux petites et moyennes entreprises, mais cette politique de « désaménagement » du territoire contredit totalement votre intention affichée et rien ne justifie économiquement que ces entreprises soient ainsi fragilisées.

La SNCF prévoyait de créer trois ou quatre hubs dans le document présenté le 18 juin - ils ne sont plus que trois aujourd'hui -, mais ne pensez-vous pas, monsieur le secrétaire d'État, qu'il manque au moins un point fort dans la région Ouest pour mener avec cohérence une politique de transport ferroviaire respectueuse de nos territoires ?

Diverses études économiques ont été réalisées et elles montrent que la gare de triage Saint-Pierre-des-Corps pourrait être ce hub du grand Ouest. Une récente étude de l'observatoire régional des transports de Poitou-Charentes en arrive à la conclusion que « la consolidation sur Saint-Pierre-des-Corps reviendrait, en conséquence, à créer un nouveau hub grand Ouest », ce qui répondrait aux attentes de la région.

Cela ne ferait que corroborer, monsieur le secrétaire d'État, la réponse que vous m'aviez faite le 9 octobre dernier dans cette enceinte et que je me permets de citer : « La région Centre électrifie, avec le concours de l'État, la voie reliant Saint-Pierre-des-Corps et Vierzon. Ainsi la totalité de l'axe est-ouest sera-t-il électrifiée.

« Comme je l'ai indiqué lors du Grenelle de l'environnement, je suis partisan de la construction, en plus de l'autoroute ferroviaire qui passera à Saint-Pierre-des-Corps dans le sens nord-sud, en utilisant la voie actuelle Paris-Bordeaux, d'une autre autoroute ferroviaire dans le sens ouest-est, reliant les ports de Nantes et Saint-Nazaire à la région lyonnaise en transitant par Saint-Pierre-des-Corps.

« Cette étoile d'autoroutes ferroviaires sera tout à fait utile pour le développement du triage et des installations ferroviaires de votre ville, madame le sénateur. »

À ce jour, je n'ai reçu aucune confirmation de cet intérêt et aucune proposition ne m'est parvenue. Je suggère donc, monsieur le secrétaire d'État, que pour cette région du grand Ouest soit mise à l'étude la création, au coeur de cette « étoile ferroviaire », d'un quatrième hub.

Ce serait tout simplement une tentative d'aménagement équilibré des infrastructures sur le territoire de nature non seulement à répondre de façon plus efficace aux besoins des entreprises de nos régions, mais aussi à oeuvrer pour la qualité de vie et l'amélioration de l'environnement sur l'ensemble du territoire.

Enfin, nous ne pouvons sérieusement aborder cette question du fret ferroviaire en ne la traitant que sur un plan purement technique. La question du service public de transport ferroviaire est centrale.

À un moment où les besoins financiers nécessaires pour remettre à flot nos infrastructures sont énormes, il est indispensable de redonner la maîtrise publique à ce secteur. Les tentatives pour les faire financer par les partenariats public-privé - les PPP - ont abouti de fait à privilégier des critères qui prennent en compte avant tout l'intérêt des actionnaires des futures entreprises gestionnaires plutôt que les besoins des usagers, comme cela apparaît de façon flagrante actuellement dans l'enquête publique menée pour le prolongement de la branche sud-ouest de la LGV Atlantique. De nombreux élus ont d'ailleurs compris les conséquences de tels financements...

Il est donc urgent de mettre en place un pôle financier public pour répondre aux besoins de transport dans notre pays, qu'il s'agisse des passagers ou des marchandises.

L'amélioration des infrastructures, le développement du transport multimodal, le nécessaire rééquilibrage rail-route, ne peuvent se réaliser qu'en partant de l'intérêt général, dont le Gouvernement est le garant. Le service public est une réponse adaptée.

En effet, le fret ferroviaire est aujourd'hui fortement désavantagé. Il est urgent de faire payer les transports à leurs justes coûts. La prise en compte des coûts externes permettrait une meilleure approche de la réalité. On sait qu'ils représentent en Europe 650 milliards d'euros, dont 83,7 % incombent à la route et seulement 1,90 % au transport ferroviaire.

La suppression du wagon isolé et le remplacement de la SNCF par un opérateur ferroviaire de proximité, comme l'initiative en a été lancée à Orléans, me semblent constituer une aberration économique. Tout comme l'ensemble des organisations syndicales, je considère que cet OFP, en lien avec l'association de chargeurs PROFFER Centre, a pour but de se substituer à la SNCF dans le transport des marchandises.

On nous dit que le transport sera assuré par des wagons isolés, mais je rappelle que ceux qui se présentent comme les futurs porteurs sont de gros chargeurs situés sur les mêmes segments de trains entiers que l'entreprise publique.

Ce nouvel opérateur ferroviaire, constitué avec des agents de conduite et de manoeuvre de la SNCF détachés de celle-ci, assurera les trafics de l'OFP en lieu et place de la maison mère SNCF.

Cette méthode ouvre la voie à plus de privatisation et au démantèlement de ce secteur d'activité au sein de la SNCF.

La fermeture des 262 gares constitue donc une décision qui, me semble-t-il, va à l'encontre du développement durable. Le transport routier émet 93,92 % des gaz à effet de serre dus au transport, contre 0,35 % seulement pour le transport ferroviaire. Cette seule donnée devrait nous faire réfléchir ! Or, tandis qu'en 1960 la SNCF réalisait 57 % du transport de marchandises, elle n'en réalise plus aujourd'hui qu'entre 10 % et 15 %. La demande de fret au sein de l'Union européenne devrait pourtant augmenter, selon les estimations, de 50 % à 80 % sur la période 2000-2020. Outre que le bilan environnemental entre les modes routier et ferroviaire penche nettement en faveur du second, le rail est également considéré comme le mode de transport le plus sûr.

Supprimer 262 gares, c'est mettre des milliers de camions sur les routes et cela, nous ne pouvons l'accepter ! Alors même que le Gouvernement a consacré des heures à la recherche de solutions susceptibles de réduire la production de gaz à effet de serre lors du Grenelle de l'environnement, il n'impose aucune mesure à son entreprise publique ferroviaire qui aille dans le sens du progrès environnemental et humain.

Monsieur le secrétaire d'État, comment comptez-vous retrouver une certaine cohérence et mettre vos actes en conformité avec vos déclarations ? Allez-vous enfin répondre aux syndicats et aux associations environnementales qui, lors du Grenelle de l'environnement et, encore tout récemment, dans un communiqué daté du 11 décembre, ont vivement souhaité revenir sur la fermeture des gares aux wagons isolés, afin que l'entreprise publique s'engage dans une organisation de proximité adaptée au fret ferroviaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.

M. Francis Grignon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaiterais tout d'abord me réjouir de ce débat sur l'avenir du fret ferroviaire, et remercier notre collègue Daniel Reiner, avec qui j'ai le plaisir de travailler au sein de la mission d'information de la commission des affaires économiques sur les infrastructures, le fonctionnement et le financement des transports terrestres.

En préambule à mon intervention, je voudrais relever le consensus qui existe dans notre assemblée en faveur du transport ferré de marchandises. Il s'agit là d'un élément important qui favorise le caractère constructif de nos échanges. Cela étant, il est évident que des divergences d'analyses existent dans ce dossier. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Daniel Reiner nous a indiqué que c'est du Gouvernement qu'il attend une amélioration de la situation de l'activité fret de la SNCF. Pour ma part, je crois que le salut de Fret SNCF viendra d'abord de l'entreprise elle-même !

En effet, la première menace qui pèse sur le fret est son manque de compétitivité, les pertes récurrentes de la SNCF dans cette activité étant la conséquence d'un déficit de compétitivité de l'ordre de 25 %. Il s'ensuit que la SNCF n'a conservé pour l'essentiel que des trafics qui, par leur nature, sont en quelque sorte captifs de ce mode de transport. À l'inverse, dès lors qu'il existe une alternative concurrentielle à la SNCF, l'établissement public est confronté à un défi considérable. Comme cela a déjà été souligné, on estime que les nouveaux opérateurs ont d'ores et déjà conquis 3 % à 4 % du marché du fret ferroviaire en 2007, ce qui est considérable. La SNCF estime elle-même que l'appareil productif de ses concurrents pourrait représenter 10 % de ses propres capacités dans un an.

Je voudrais que nous nous attardions quelques instants sur ce point, car il existe un véritable risque de disparition du fret à la SNCF si la situation ne s'améliore pas rapidement, c'est-à-dire, pour parler concrètement, d'ici dix-huit mois tout au plus.