M. Richard Yung. Puisque j’ai l’assurance et de Mme la garde des sceaux et de M. le rapporteur qu’il n’y aura pas deux catégories de professionnels ni deux catégories de délais, j’accepte de retirer cet amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 1er.

(L’article 1er est adopté.)

CHAPITRE II

Dispositions diverses et de coordination

Article 1er
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Article 3 bis

Article 3 A

Dans la dernière phrase du premier alinéa de l’article 924-4 et le dernier alinéa de l’article 2337 du code civil, la référence : « 2279 » est remplacée par la référence : « 2276 ». – (Adopté.)

Article 3 A
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Article 6

Article 3 bis

Dans l’article L. 111-12 du code de la construction et de l’habitation, les références : « 1792-6 et 2270 » sont remplacées par les références : « 1792-4-1, 1792-5 et 1792-6 ». – (Adopté.)

Article 3 bis
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Article 6 bis A

Article 6

I A. - L’article 1er de la loi du 24 décembre 1897 relative au recouvrement des frais dus aux notaires, avoués et huissiers est ainsi modifié :

1° Dans le deuxième alinéa, les mots : « les articles 2272 et » sont remplacés par les mots : « l’article » ;

2° Le quatrième alinéa est supprimé.

I et II. - Non modifiés. – (Adopté.)

Article 6
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Article 6 bis B

Article 6 bis A

Dans le dernier alinéa de l’article L. 321-17 du code de commerce, le mot : « dix » est remplacé par le mot : « cinq ». – (Adopté.)

Article 6 bis A
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Article 6 bis C

Article 6 bis B

L’article 6-3 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires est abrogé. – (Adopté.)

Article 6 bis B
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Article 6 bis D

Article 6 bis C

Dans l’article 22 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, la référence : « 2270-1 » est remplacée par la référence : « 2226 ». – (Adopté.)

Article 6 bis C
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Article 8

Article 6 bis D

Dans le deuxième alinéa du IV de l’article 9 de la loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme, la référence : « 2270-1 » est remplacée par la référence : « 2226 ». – (Adopté.)

Article 6 bis D
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Article 15

Article 8

I. - Dans le dernier alinéa de l’article L. 3243-3 du code du travail, les mots : « des articles 2274 du code civil et » sont remplacés par les mots : « de l’article ».

II. - Non modifié.

III. - Après l’article L. 1134-4 du même code, il est inséré un article L. 1134-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 1134-5. - L’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.

« Ce délai n’est pas susceptible d’aménagement conventionnel.

« Les dommages et intérêts réparent l’entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée. »

IV. - Après l’article 7 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un article 7 bis ainsi rédigé :

« Art. 7 bis. - L’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.

« Ce délai n’est pas susceptible d’aménagement conventionnel.

« Les dommages et intérêts réparent l’entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée. »

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 2, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

I. Rédiger ainsi le texte proposé par le III de cet article pour l’article L. 1134-5 du code du travail :

« Art. L. 1134-5. - L’action en réparation du préjudice résultant d’une situation de discrimination se prescrit par dix ans, à compter du moment où la personne physique ou morale discriminée a pu en connaître l’ensemble des éléments.

« Ce délai n’est pas susceptible d’aménagement conventionnel.

« La totalité de la période au cours de laquelle s’est produite la discrimination ouvre droit à réparation. »

II. En conséquence, rédiger ainsi le texte proposé par le IV de cet article pour l’article 7 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires :

« Art. 7 bis. - L’action en réparation du préjudice résultant d’une situation de discrimination se prescrit par dix ans, à compter du moment où la personne physique ou morale discriminée a pu en connaître l’ensemble des éléments.

« Ce délai n’est pas susceptible d’aménagement conventionnel.

« La totalité de la période au cours de laquelle s’est produite la discrimination ouvre droit à réparation. »

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. J’ai déjà partiellement défendu cet amendement lors de mon intervention dans la discussion générale, en évoquant le délai de la prescription que nous aurions souhaité voir fixé à dix ans plutôt qu’à cinq ans.

Avec cet amendement, nous voulons aussi préciser le terme de « révélation » et modifier le point de départ du délai de prescription. La Cour de cassation a certes utilisé la notion de révélation de la discrimination et en a à cette occasion précisé les contours, mais ce ne fut qu’une seule fois, dans un arrêt de mars 2007 ; en outre aucune définition ne figure dans le texte.

Selon la jurisprudence, le préjudice lié à une discrimination n’est exactement connu qu’à compter de la révélation de la discrimination, c’est-à-dire lorsque la victime a pu en prendre la mesure, par exemple grâce à la communication par son employeur des éléments de comparaison nécessaires.

Il ne s’agit d’ailleurs pas nécessairement d’éléments probants. Si cela était le cas, ce serait au salarié, et non à l’employeur, d’apporter la preuve qu’il y a discrimination. Cette distinction est importante. Par conséquent, il ne faudrait pas remplacer une ambiguïté par une autre !

Aussi, nous estimons qu’il faudrait retenir comme point de départ de la discrimination non pas la date de la révélation de cette discrimination, mais le moment où le salarié a pu avoir connaissance de l’ensemble de ces éléments lui permettant de s’estimer victime.

En revanche, notre amendement conserve la phrase introduite sur l’initiative de M. le président de la commission et aux termes de laquelle le délai de prescription « n’est pas susceptible d’aménagement conventionnel ». En effet, en ces temps de rupture négociée du contrat de travail, mieux vaut être prudent !

Enfin, nous avons constaté que la rédaction retenue pour le dernier alinéa de l’article L. 1135-5 du code du travail modifiait tout de même la nature de la réparation : seuls les dommages et intérêts sont évoqués, ce qui tend à donner à la réparation du préjudice une forme strictement pécuniaire, écartant de fait toute possibilité de réintégration.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est la rédaction du code du travail !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Il a été modifié sur ce point ! Le maintien de cet alinéa en l’état risquerait donc d’entraîner deux lectures différentes du code !

Mais si vous estimez qu’il n’y a aucune crainte à avoir avec l’article 8 tel qu’il est, autant adopter notre amendement n° 2 pour éviter toute ambigüité ! Mieux vaut redoubler de prudence !

Mme la présidente. L'amendement n° 4, présenté par M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Compléter le premier alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 1134-5 du code du travail par les mots :

à la victime, c'est-à-dire de la connaissance par celle-ci du manquement et du préjudice en résultant.

II. - Compléter par les mêmes mots le premier alinéa du texte proposé par le IV de cet article pour l'article 7 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Cet amendement trouve son origine dans les longs débats auxquels cet article a donné lieu à l’Assemblée nationale, du fait de l’ambiguïté que recelait, selon nos collègues députés, la définition de la date de départ du délai de prescription.

Chacun s’accorde à dire qu’il faut suivre la jurisprudence de la Cour de cassation,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et la stabiliser !

M. Richard Yung. …. qui introduit la notion de révélation de la discrimination. Cette révélation peut bien sûr survenir longtemps après les faits. Dans le cas d’une reconstitution de carrière, par exemple, si la carrière d’un salarié a pris six mois de retard tous les quatre ou cinq ans, plusieurs années sont nécessaires avant qu’une discrimination soit susceptible de lui apparaître en comparant sa situation à celle de ses collègues.

Puisqu’il me semble que nous sommes tous d’accord pour lutter contre les discriminations et que l’article 8 va dans ce sens, il serait utile de préciser ce que nous entendons par la date de départ, en précisant que la révélation s’opère lorsque la victime a connaissance du manquement et du préjudice en résultant.

Comme Mme Mathon-Poinat, je pense qu’une telle précision ne contredit en rien ce à quoi nous sommes parvenus et ne remet pas en cause les éléments qui ont été dégagés au cours du débat. Je mets bien sûr de côté, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, le fait que vous souhaitiez adopter un texte conforme, afin d’éviter une nouvelle navette !

En votant cet amendement, nous ferions œuvre utile et nous rendrions hommage à la jurisprudence de la plus haute juridiction française, ce qui lui serait certainement agréable. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Béteille, rapporteur. Je profite de l’examen de ces amendements pour rappeler les critiques totalement injustifiées dont a fait l’objet la commission des lois, et plus particulièrement la mission d’information sur le régime des prescriptions civiles et pénales qu’elle a mise en place, critiques selon lesquelles elle aurait souhaité faire un mauvais coup aux personnes victimes de discriminations : c’est totalement faux ! Au contraire, nous avions souhaité valider la position de la Cour de cassation.

Dans cette affaire, nous sommes tous animés par la même volonté de protéger les personnes discriminées. C’est ainsi que des amendements émanant de différents groupes de la Haute Assemblée ont été adoptés à l’occasion de l’examen du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Après des discussions assez longues, l’Assemblée nationale en a repris intégralement le contenu dans le présent texte.

Je rappelle également que ces dispositions font suite à une rencontre avec les associations de défense des personnes discriminées. Leur rédaction, qui a donc été bien pesée, reprend la jurisprudence de la Cour de cassation.

Monsieur Yung, je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire qu’il faut conforter cette jurisprudence et donc l’inscrire dans la loi.

Le Cour de cassation a indiqué que le point de départ du délai de prescription courait à compter de la « révélation » et non de la « connaissance » de la discrimination. Ce mot de « révélation », auquel sa connotation religieuse confère d’ailleurs une certaine force, n’a certainement pas été choisi au hasard. Il a été précisé qu’il s’agissait du moment où le salarié a pu obtenir tous les éléments lui permettant d’apprécier la discrimination et le préjudice dont il a été victime.

Nous avons donc repris, à juste titre, me semble-t-il, ce terme très général choisi par la Cour de cassation.

Aujourd’hui, certains souhaitent que cette notion soit encore explicitée. J’attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que, à commenter un terme très général à l’aide d’exemples ou de précisions, on prend le risque de l’affaiblir. Car il y aura toujours un cas qui n’entrera pas dans le champ délimité par ces développements. C’est la raison pour laquelle nous ne devons pas aller dans cette voie.

La meilleure façon de conforter la jurisprudence de la Cour de cassation, c’est de reprendre simplement dans la loi le terme auquel elle a eu recours.

Madame Mathon-Poinat, vous vous inquiétiez tout à l’heure du fait que la Cour de cassation n’avait utilisé cette notion qu’une seule fois. Je ne le crois pas : je pense qu’il y a eu plusieurs arrêts recourant à cette notion. Mais, en toute hypothèse, en inscrivant ce terme dans la loi, nous « fixons » cette jurisprudence.

Madame Mathon-Poinat, monsieur Yung, il n’y a donc pas lieu, me semble-t-il, d’adopter ces amendements, que je vous demande de bien vouloir retirer. Très honnêtement, je ne vois pas en quoi ils permettraient d’apporter une quelconque amélioration au texte en discussion, lequel a déjà été adopté par les deux assemblées en termes identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Madame Mathon-Poinat, vous redoutez que le préjudice, en cas de discrimination, ne soit pas intégralement réparé ou indemnisé dans la mesure où un délai de cinq ans paraît restreindre le champ de la réparation.

Votre crainte n’est pas fondée. Une personne victime de discrimination aura cinq ans pour agir. Si elle a été discriminée pendant vingt ans, toutes les années durant lesquelles elle a subi un préjudice seront indemnisées. Ce point est d’ailleurs confirmé par la jurisprudence. Je l’ai d’ailleurs expressément précisé à toutes les associations et collectifs qui m’ont saisie sur cette question.

Le délai de prescription de cinq ans ne fait pas obstacle au reclassement, comme en témoigne la jurisprudence de la Cour de cassation, dont la chambre sociale a rendu, en 2005, un arrêt en ce sens.

Par ailleurs, vous souhaitez que la durée du délai de prescription soit fixée à dix ans. Un délai de cinq ans est considéré comme raisonnable puisqu’il ne fait pas obstacle, je l’ai dit, à la réparation de la totalité du préjudice. En outre, il ne serait pas opportun de fixer un délai dérogatoire pour une matière de droit commun, même si les faits sont graves.

Je vous rappelle également que la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations précise que la charge de la preuve n’incombe pas à l’employé. En effet, c’est à l’employeur de prouver que l’employé n’a pas été discriminé et que les éléments fournis par ce dernier ne constituent pas les preuves d’une discrimination.

Ce dispositif est protecteur de la personne qui se dit discriminée : les garanties qui lui sont apportées sont totales, qu’il s’agisse de la réparation, du délai de prescription ou de la procédure.

Je vous demande donc, madame Mathon-Poinat, de bien vouloir retirer l’amendement n° 2. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

Monsieur Yung, vous avez raison de dire que le délai de prescription doit courir à compter de la révélation, non de la connaissance de la discrimination.

Si la personne discriminée ne dispose pas de la totalité des éléments qui lui permettraient d’agir, elle ne perd pas pour autant une partie du délai dont elle dispose pour entreprendre une action en réparation. En effet, le point de départ du délai de prescription, c’est la révélation, au sens large, de la discrimination, ce qui signifie que la personne discriminée dispose d’un certain nombre d’éléments nécessaires pour entreprendre une action en réparation.

La seule connaissance de la discrimination n’est donc pas le point de départ du délai de prescription. Tant que la personne qui se considère comme ayant été discriminée n’est pas en possession de la totalité des éléments lui permettant d’entreprendre une action en réparation, le délai de prescription ne court pas. Le texte est extrêmement clair sur ce point.

Nous avons en effet voulu que les personnes victimes de discriminations puissent faire valoir leurs droits. La révélation de la discrimination, c’est le moment où la personne dispose de la totalité des éléments lui montrant qu’elle a un intérêt à agir.

Par conséquent, monsieur Yung, je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 4, faute de quoi le Gouvernement y sera défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote sur l'amendement n° 2.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Madame la garde des sceaux, selon vous, la révélation, c’est le fait de disposer de la totalité des éléments. Or un salarié discriminé ne les aura pas tous en sa possession ! Les éléments probants, ce peut être l’employeur qui les possède !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Dans ces conditions, le délai de prescription ne court pas !

Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Si la personne considère qu’elle a été discriminée pendant dix ans, elle doit apporter quelques éléments pour étayer ses affirmations, mais c’est à l’employeur de prouver que le salaire versé, par exemple, ne constitue pas une discrimination. En tout état de cause, c’est non pas à la personne victime d’une discrimination mais bien à l’employeur de démontrer que les salaires qu’elle a reçus, si on les compare à ceux d’autres salariés, résultent ou non d’une discrimination.

Ce dispositif est donc extrêmement protecteur, tandis que la simple connaissance de la discrimination permettrait de faire courir le délai de prescription. La personne qui s’estime victime d’une discrimination doit disposer d’un certain nombre de garanties pour que le délai de prescription commence à courir.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je tiens à rappeler que nous avons dû préciser les choses en matière de discriminations puisque l’article du code civil relatif au point de départ du délai de droit commun de la prescription extinctive ne paraissait pas suffisamment clair à certains. Il renvoyait, vous vous en souvenez, mes chers collègues, au « jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

Avec le concours, notamment, de représentants d’associations et d’avocats, nous avons élaboré, en matière de discriminations au travail, un texte spécifique conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation.

Je tiens à le rappeler parce que c’est sur les termes « a connu ou aurait dû connaître » qu’avait porté l’interrogation de ceux d’entre vous qui nous reprochaient de vouloir remettre en cause la jurisprudence de la Cour de cassation et l’indemnisation totale du préjudice.

Le mot « révélation » introduit pour la première fois dans ce domaine un terme juridique précis.

Selon l’amendement n° 4, il faudrait expliciter ce terme en ajoutant « c’est-à-dire de la connaissance… » ? (M. Nicolas About s’esclaffe.) Ce n’est pas ainsi qu’on rédige un texte de loi !

Ne l’oublions pas, la formulation que nous avons proposée a été votée par l’ensemble du Sénat lors de l’examen du texte portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Cependant, les dispositions en questions n’ayant pas leur place dans ce dernier texte, l’Assemblée nationale a décidé de les intégrer au sein de la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile, sans en modifier le contenu, cela a été dit.

L’Assemblée nationale a également voté cette disposition.

Je ne sais quelle explication complémentaire je dois encore vous apporter !

Je trouve singulièrement paradoxal que certains d’entre vous veuillent aujourd'hui revenir sur une rédaction dont nous avions soigneusement pesé les termes et à laquelle le Sénat avait souscrit. Là, je dois avouer que je ne comprends plus très bien vos objections !

Les explications que nous avons données sont parfaitement claires. En effet, la jurisprudence de la Cour de cassation ne peut plus évoluer à partir du moment où la mesure visée devient la loi.

Chaque fois que le Parlement a stabilisé la jurisprudence de la Cour de cassation, elle n’a plus changé. (M. Richard Yung s’exclame.) Pour autant, l’existence de cette jurisprudence est une très bonne chose, monsieur Yung ! Mais il me paraît préférable de mettre dans la loi ce qui n’est qu’une jurisprudence. En l’occurrence, celle qui nous occupe nous paraît parfaitement adaptée. Elle ne changera donc plus dès lors qu’elle sera reprise dans un texte de loi.

Sans doute les débats de l’Assemblée nationale ont-ils manqué de limpidité. Mais les députés n’ont pas bénéficié du travail préparatoire que nous avions mené dans le cadre de la mission d’information sur le régime des prescriptions civiles et pénales, alors qu’il s’agit de questions particulièrement complexes.

Je voudrais vraiment faire comprendre à certains d’entre vous qu’il s’agit tout de même là d’une révolution du droit : à partir du moment où le délai de prescription est ramené à cinq ans, le point de départ devient de plus en plus important.

Il l’est d’ailleurs dans de nombreux domaines. Ainsi, j’ai appris, ce matin, que l’Autorité des marchés financiers s’interrogeait à ce sujet au regard de la protection des épargnants : quand fixer le point de départ pour tous les produits dérivés ? Par exemple, dans le cas de la commercialisation de certains produits financiers extrêmement sophistiqués et impliquant beaucoup de risques pour les contractants, à partir de quand court la responsabilité pour une mauvaise commercialisation ? Elle débute à partir de la révélation des faits de mauvaise commercialisation, et non à compter de la souscription du produit. Or cette révélation peut avoir lieu plusieurs années après ladite commercialisation, lorsque, par exemple, le produit a été vendu comme garanti ou associé à un certain type de risque.

Cet exemple montre bien que le point de départ du délai de droit commun de la prescription extinctive sera glissant.

Mes chers collègues, je vous supplie donc de nous suivre.

Croyez-moi, s’il y avait le moindre doute, …

M. Nicolas About. Il n’y en a aucun !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. … la navette serait extrêmement utile. Mais, comme nous avons déjà débattu de cette question et puisque l’Assemblée nationale a bien voulu nous suivre sur ce point, il serait tout de même normal que nous ne revenions pas sur ces dispositions.

Mme la présidente. Madame Mathon-Poinat, êtes-vous convaincue par les arguments de M. le président de la commission, ajoutés à ceux de M. le rapporteur et de Mme la ministre ?

Mme Josiane Mathon-Poinat. Non, madame la présidente, je ne suis pas totalement convaincue.

M. le président de la commission nous supplie de retirer nos amendements, mais c’est aussi pour éviter une seconde navette ! Il faut pourtant laisser se dérouler le jeu parlementaire !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je n’ai pas dit cela, madame Mathon !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Tout de même un peu, monsieur le président !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous vous êtes fait battre, de toute façon, sur le délai de dix ans en première lecture !

Mme Josiane Mathon-Poinat. À la rigueur, je serais prête à me rallier au délai de cinq ans si la seconde partie de mon amendement était acceptée !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il n’est pas bon juridiquement !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Selon moi, il est peut-être meilleur que votre texte ! Mieux vaut avoir deux sûretés qu’aucune !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Monsieur Yung, l'amendement n° 4 est-il maintenu ?

M. Richard Yung. Je suis embarrassé pour répondre à la demande du président Hyest.

En vérité, les arguments que je viens d’entendre n’emportent pas totalement mon adhésion. Le seul que j’aie vraiment admis est celui qui a été développé par le rapporteur, nous mettant en garde contre le risque que pourrait comporter le fait d’intégrer dans la loi un terme de jurisprudence de la Cour de cassation, …

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il a dit qu’il ne fallait pas l’expliciter ! Ce n’est pas pareil !

M. Richard Yung. … sachant que cette dernière pouvait évoluer et employer un autre terme dans dix ans par exemple. Éviter de « cristalliser », si j’ose dire, les termes exacts de la Cour de cassation me paraît une bonne approche. La « révélation » serait, au fond, la prise de conscience de la vérité dans son intégralité, et non pas l’apparition d’un fait.

Ce sont surtout les arguments de M. le président de la commission qui ne me convainquent pas, d’autant que l’on pourrait dissiper tout doute simplement en adoptant mon amendement.

C’est pourquoi je le maintiens, madame la présidente

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)