Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ça alors ! Je n’avais jamais entendu cela !

M. Michel Charasse. Ils n’ont pas quitté le Gouvernement, ils ont été virés !

M. Gérard Longuet. Ils ont été virés par Ramadier, car il y avait des socialistes courageux à cette époque ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’indigne.)

M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan, pour explication de vote.

M. Josselin de Rohan. Je fais mienne dans une large mesure l’analyse présentée par Adrien Gouteyron. L’innovation à laquelle on nous demande de procéder me dérange quelque peu, je le reconnais, mais je me souviens de cette réflexion de Pascal : « Qui veut faire l’ange, fait la bête ».

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !

M. Josselin de Rohan. Il n’y a aucun système parfait.

Autrefois, sous la IVe République, nous étions dans un régime parlementaire pur, où les ministres étaient parlementaires et votaient.

Gérard Longuet a très opportunément rappelé ce qui s’est produit en 1947, lorsque Maurice Thorez et ses amis ont refusé de voter la confiance au gouvernement Ramadier, auquel ils appartenaient. M. Thorez ayant refusé de donner sa démission, ils ont été démissionnés par le Président de la République, M. Vincent Auriol, et par M. Paul Ramadier.

À l’évidence, une telle situation appelait tout de même des réformes… C’est ce qui a amené le général de Gaulle à demander la séparation entre fonction ministérielle et mandat parlementaire. En effet, l’instabilité ministérielle étant la règle de fonctionnement, si je puis dire, de la IVe République, les ministres pouvaient facilement passer d’un portefeuille à l’autre sans jamais quitter l’assemblée à laquelle ils appartenaient.

Un autre système a donc été institué. Seulement, la réalité est très différente de la présentation qui nous en est faite.

Nous savons très bien que les parlementaires nommés au Gouvernement s’occupent de très près de leur circonscription,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !

M. Josselin de Rohan. … au point, d’ailleurs, que le malheureux suppléant joue quelquefois le rôle de figurant…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !

M. Josselin de Rohan. … et est traité d’une manière qui n’est pas toujours très convenable. Les rênes sont tenues très courtes !

M. Charles Pasqua. Cela dépend par qui !

M. Josselin de Rohan. Il en va de même s’agissant du cumul. À cet égard, nous avons entendu ce matin de mâles affirmations. Il est vrai que M. Lionel Jospin avait invité ses ministres à démissionner de leurs fonctions de président de conseil général ou de maire. C’était une première !

Mais que s’est-il passé en réalité ? Celui qui était maire n’a pas quitté son bureau : il est devenu premier adjoint et est demeuré président de la communauté d’agglomération,…

M. Jean-Pierre Sueur. C’est exact !

M. Josselin de Rohan. … tandis que l’occupant du fauteuil de maire était, permettez-moi d’utiliser une expression quelque peu triviale, un cache-pot ! Je ne trouve pas qu’une telle situation soit très digne…

En l’occurrence, il faut donc être pragmatique.

Il existe un autre inconvénient : lorsqu’un ministre quitte le Gouvernement, il faut organiser une élection partielle.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !

M. Josselin de Rohan. Le Premier ministre n’aime guère cela, parce que les élections partielles ménagent parfois des surprises.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Souvent !

M. Josselin de Rohan. Lorsque trois ou quatre ministres quittent simultanément le Gouvernement et qu’il faut organiser autant d’élections partielles, on ne sait pas très bien ce que l’humeur du moment peut réserver à la majorité.

Sachant qu’il n’existe pas de système parfait et qu’il faut opter, dans cette affaire, pour les moindres inconvénients, je reconnais que la solution proposée par le Gouvernement, même si elle n’est pas très enthousiasmante, a au moins le mérite d’éviter une rupture.

Au demeurant, ce sont tout de même les ministres députés qui ont amené leurs suppléants là où ils sont…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !

M. Josselin de Rohan. Il n’y a pas de changement de majorité considérable qui soit intervenu entre le moment où ils ont été nommés au Gouvernement et celui où ils le quittent.

C’est pourquoi ce retour au Parlement ne me paraît ni catastrophique ni fondamentalement contraire à l’esprit de la Ve République, même si nous revenons à une certaine forme de régime parlementaire.

En réalité, et nous le verrons au fur et à mesure de l’avancement de nos travaux, toute cette réforme est sous-tendue par l’idée de nous préparer au régime présidentiel. Tel sera un jour le véritable débat qui sera posé dans ce pays. Les dispositions qui nous sont présentées contiennent les germes d’une évolution vers ce régime. Je n’en dis pas plus pour le moment.

En tout état de cause, j’attends que nous soient précisés un certain nombre de points avant de me prononcer définitivement sur cette réforme.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur Longuet, croyez-vous qu’il soit admissible que vous vous adressiez à nous en disant : « Messieurs les membres du parti communiste » !

M. Gérard Longuet. À l’époque, il ne comptait aucune femme dans ses instances dirigeantes !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ici, au Sénat, nous sommes les membres du groupe communiste républicain et citoyen !

M. Gérard Longuet. Je vous en donne acte.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Figurez-vous que je souscris assez largement à votre idée selon laquelle ce texte est quelque peu hybride. Il est clair que l’on s’oriente vers un régime présidentiel, ce dont sont bien conscients ceux qui voteront cette réforme. Et, pour ma part, je me méfie que, dans un tel régime, les ministres ne deviennent de simples collaborateurs, passant incessamment d’un poste ministériel à un mandat parlementaire et vice versa.

Pour les partisans du régime parlementaire, plusieurs raisons militent contre la possibilité pour un parlementaire nommé ministre de retrouver son mandat dès lors qu’il est mis fin à ses fonctions. Ainsi, si le gouvernement, désavoué, doit démissionner, il me paraît tout à fait normal que les ministres qui, immédiatement auparavant, étaient parlementaires – je ne parle que de ceux-là –, retournent devant les électeurs. Affirmer cela n’a rien d’inconvenant. Ces parlementaires tenaient leur légitimité du peuple, et c’est en vertu de cette légitimité qu’ils ont été nommés ministres. Si le Gouvernement est mis en minorité, je le répète, il est normal qu’ils retournent devant les électeurs et qu’ils ne retrouvent pas automatiquement leur siège de parlementaire.

M. Gérard Longuet. Il y a dissolution !

M. Josselin de Rohan. En effet ! Dans le cas où le gouvernement est censuré !

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Une fois n’est pas coutume, j’ai été assez convaincue par ce que vient de dire M. Hyest. (Sourires.)

Il n’est pas inintéressant qu’un parlementaire nommé ministre ait l’assurance de retrouver son siège dès lors qu’il est mis fin à ses fonctions, et ce pour deux raisons : d’une part, il bénéficie d’une légitimité ; d’autre part, cela lui confèrerait une certaine indépendance et une certaine capacité de choix. Cette disposition, si elle était adoptée, pourrait être l’occasion, dans le cadre d’un statut de l’élu, de prévoir les conditions de reconversion du suppléant.

En revanche, il me paraît difficile que cette nouvelle disposition entre immédiatement en vigueur. D’une part, ses conditions d’application doivent être définies par une loi organique ; d’autre part, il serait incongru de l’opposer de manière rétroactive aux suppléants actuels. Toujours est-il qu’il faut en prévoir les conditions pour l’avenir.

Enfin, lors de la présentation de mon amendement n° 375, j’aborderai tout à l’heure la question du remplacement temporaire d’un parlementaire.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin.

M. Jean-Pierre Raffarin. Je tire de mon expérience beaucoup de sympathie pour les propos d’Adrien Gouteyron. Les prochains premiers ministres devront trouver d’autres manières d’assurer la solidarité gouvernementale.

En revanche, je diverge sur un point essentiel avec Gérard Longuet : le mandat de parlementaire et la responsabilité de ministre ne sont pas de même nature. Quand on quitte le Parlement pour rejoindre le gouvernement, il se produit une rupture. On est soumis à de nouvelles obligations de secret, de solidarité ou opérationnelles. Servir son pays exige un certain nombre de sacrifices. Dès lors, peut-on rompre la solidarité gouvernementale et, confortablement et sans aucunement assumer les conséquences de ce geste grave ni courir le moindre risque, retrouver son siège de parlementaire ? Il s’agit là d’une véritable question qui doit être traitée.

Néanmoins, je me rallierai à la position de la commission. Il existe probablement d’autres moyens que la peur pour assurer la solidarité gouvernementale, par exemple la conscience de sa responsabilité de ministre. Je le répète, les fonctions ministérielles et les fonctions parlementaires ne sont pas de même nature ; c’est pourquoi, il ne saurait exister un droit à un retour automatique au Parlement. C’est ma conviction. Dans le cadre de ce Parlement du xxie siècle que ce projet de loi constitutionnelle vise à bâtir, il nous faudra inventer d’autres comportements et d’autres solidarités, sans oublier qu’être ministre, c’est avant tout servir et non se servir. (Très bien et applaudissements sur certaines travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Je souscris à l’essentiel des propos que vient de tenir M. Raffarin, et dont il faut maintenant tirer les conséquences. De même, j’ai été très impressionné par l’intervention de M. de Rohan ; comme lui, je pense que ce texte est hydride.

Deux solutions étaient possibles. Le Gouvernement aurait pu faire le choix de mettre en place un vrai régime présidentiel. Cette option, qui comportait des avantages et des inconvénients, avait au moins le mérite d’être claire. Tel n’a pas été son choix

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce sera pour la prochaine fois !

M. Jean-Pierre Sueur. Au contraire, il aurait pu faire le choix de s’en tenir au système actuel tout en conférant au Parlement de plus amples pouvoirs. Finalement, puisqu’il n’a fait ni le premier choix ni le second, nous nous retrouvons avec un système hybride, où leurres, faux-semblants et situations confuses abondent.

D’éminents esprits nous disent que le mandat parlementaire diffère de la fonction ministérielle. Ils ajoutent fort justement qu’il faut savoir assumer chacune de ces responsabilités avec toute la distinction requise et accepter les conséquences d’une nomination au gouvernement lorsqu’on est parlementaire. Ce qui est ennuyeux, c’est que les votes qui suivront ne seront pas en concordance avec ces paroles.

M. Jean-Pierre Sueur. Ils témoigneront de la confusion qui règne.

M. le président. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Je voudrais poser une question très précise à M. le rapporteur et à Mme le garde des sceaux.

Monsieur le rapporteur, cette disposition, si elle est votée, s’appliquera-t-elle aux parlementaires actuellement en cours de mandat ? Sera-t-elle rétroactive ? Il serait quand même paradoxal que les parlementaires changent les règles du jeu constitutionnelles applicables à leur propre mandat. Personne n’ayant posé cette question, j’aimerais avoir une réponse claire.

Madame le garde des sceaux, quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ?

Vos réponses nous éclaireront sur la conviction de M. Raffarin : un ministre doit avant tout servir, et non se servir.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je ne sais pas quelle sera la position du Gouvernement sur la date d’entrée en vigueur du dispositif. Pour ma part, je vous renvoie aux dispositions prévues à cet effet par le IV de l’article 34 du présent texte, sur lequel Mme Boumediene-Thiery a déposé un amendement n° 340, auquel la commission est prête à se rallier.

Cet amendement prévoit que les dispositions en question s’appliqueront, aux députés et aux sénateurs amenés à accepter des fonctions ministérielles, postérieurement à la date d’entrée en vigueur de la loi organique visée à cet article. Je précise bien que ce n’est pas la date de l’élection qui importe.

M. David Assouline. J’ai aussi interrogé le Gouvernement !

M. le président. Vous avez la parole, madame le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Cette disposition s’appliquera aux ministres concernés après le vote de la loi organique. Les ministres précédemment parlementaires qui quitteront leurs fonctions avant le vote de celle-ci ne pourront pas en bénéficier et retourner au Parlement.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 313 et 442.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Article 10 (début)
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République
Discussion générale

8

Modification de l'ordre du jour

M. le président. Par lettre en date de ce jour, M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement a proposé au Sénat de poursuivre la discussion du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la ve République lundi 23 juin, après-midi et soir, et éventuellement mardi 24 juin matin, après-midi et soir.

En conséquence, l’ordre du jour de ces séances s’établira comme suit :

Lundi 23 juin

À 15 heures et le soir :

- Suite du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la ve République.

Mardin 24 juin 2008

À 9 heures 30, à 16 heures et le soir :

1°) Éventuellement, suite du projet de loi constitutionnelle ;

2°) Projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi.

Acte est donné de cette communication.

La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Afin d’organiser les travaux dans les meilleures conditions, le Gouvernement souhaiterait que, en tout état de cause, l’examen de l’article 33 du projet de loi constitutionnelle, qui porte sur les conditions de ratification des traités relatifs à l’adhésion de nouveaux États à l’Union européenne, puisse avoir lieu lundi soir, à la reprise des travaux du Sénat.

Sur ce sujet important, il nous a paru convenable que les sénateurs puissent avoir une idée précise du moment où il sera débattu.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Nous ne voyons aucune objection à cette proposition, qui a connu plusieurs précédents au cours de ce débat.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est reprise.

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Article 10 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République
Article 10

Modernisation des institutions de la Ve République

Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, de modernisation des institutions de la Ve République.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République
Articles additionnels après l'article 10

Article 10 (suite)

M. le président. Au sein de l’article 10, nous en sommes parvenus aux amendements nos 444 et 445, faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 444, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le 1° de cet article insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le mandat parlementaire de député est incompatible avec l'exercice de tout autre mandat ou fonction électif. Cette disposition est applicable à compter de la quatorzième législature. » ;

L'amendement n° 445, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le 1° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le mandat de parlementaire est incompatible avec l'exercice du mandat de maire d'une commune de plus de 3 500 habitants et de toute autre fonction exécutive locale. » ;

La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter ces deux amendements.

M. Bernard Frimat. Avec ces amendements, j’ai conscience de vous faire approcher la plénitude, puisqu’ils portent sur un sujet dont nous n’avons pas eu beaucoup l’occasion de parler, à savoir le cumul des mandats. (Sourires.)

Je suis désolé que ces amendements soient discutés à ce moment du débat. Je n’en rends absolument pas responsable le service de la séance qui, pressé comme nous tous par le temps, a dû travailler très vite. Cela donne ce débat quelque peu décousu.

Je sais que vous allez être déçus, mes chers collègues, mais, sur ces amendements qui auraient mérité de longues explications, je serai bref. (M. le secrétaire d’État fait des signes d’impatience.) Ne soyez pas inquiet, monsieur Karoutchi, sortez du stress permanent. (Sourires.)

Mme Isabelle Debré. M. Karoutchi n’est jamais stressé !

M. le président. Monsieur Frimat, vous vous adressez à des initiés : ils vous comprendront à demi-mot ! (Nouveaux sourires.)

M. Bernard Frimat. Si vous le dites, monsieur le président…

L’amendement n° 444 vise à poser un principe et l’amendement n° 445 est un amendement de repli. Tous deux tendent à empêcher ou à limiter le cumul.

Je veux simplement insister sur le fait que ce problème est devant nous. Je conçois qu’il ne puisse pas être résolu dans un projet de loi constitutionnelle, d’autant que vous êtes hostiles au principe que nous défendons. Nous connaissions à l’avance le sort de ces amendements, et nous l’avons vérifié tout à l’heure.

Néanmoins, je vous invite à une vision rétrospective. Chaque fois que la question du cumul des mandats a été posée, la première réaction des élus, de gauche ou de droite, fut de dire que la situation qui était dénoncée était impossible.

Nous avons connu des situations qui, aujourd’hui, paraissent aberrantes et ne seraient pas supportables. Ainsi, une même personne pouvait être parlementaire national, parlementaire européen, président de conseil régional, président de conseil général et maire. Ces situations ont existé et, à une certaine époque, elles semblaient normales.

Les gouvernements que j’ai soutenus ont à deux reprises limité le cumul des mandats. Ils ont aussi fait progresser la parité. À chaque fois, ce fut un combat. La parité a même donné lieu à de véritables batailles dans cette enceinte.

M. Bernard Frimat. Monsieur le secrétaire d’État, nous n’allons pas trouver de solution ce soir, mais, il faut le savoir, ce problème est devant nous.

Nous pouvons toujours continuer à nous jeter à la figure le nom d’un tel ou d’une telle, de ces héros du non-cumul qui ont finalement succombé aux charmes des mandats multiples, mais alors nous n’en sortirons pas.

Je vais citer M. Marini, qui nous a honorés hier de sa présence et dont je ne regrette pas l’absence ce soir. (M. le secrétaire d’État s’exclame.)

M. Gérard Longuet. Ce sera répété !

M. Bernard Frimat. Cela ne me gêne pas !

Hier, donc, notre collègue nous invitait à la vertu, mais, en matière de cumul, la vertu n’existe pas : il faut recourir à la contrainte.

M. Gérard Longuet. C’est vrai !

M. Bernard Frimat. C’est à contrecœur, je le sais, que vous ne voterez pas mes amendements. Néanmoins, je suis persuadé que ce discours fait des progrès dans vos rangs et qu’un jour nous réussirons.

Pour l’heure, chers collègues, je ne retire pas mes amendements afin de ne pas vous priver du plaisir de voter contre ! (Sourires.)

M. le président. Nous vous laissons l’espérance d’obtenir un jour satisfaction !

M. Bernard Frimat. Un jour, comme la majorité au Sénat !

M. le président. C’est autre chose !

Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. M. Frimat connaît la réponse. Un équilibre a été trouvé. D’importants progrès ont été réalisés depuis l’époque où le cumul n’était absolument pas réglementé, permettant à certains de cumuler tellement de fonctions que l’on finissait par ne plus s’y retrouver.

Vous avez veillé à viser d’abord les députés, …

M. Bernard Frimat. Je commence par eux !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … mais vous voulez, en outre, interdire tout mandat local aux sénateurs, alors qu’ils représentent précisément les collectivités territoriales.

Cela pourrait donner lieu à des échanges sans fin entre nous. Aussi, et sans me prononcer sur le fond, je vous répondrai que c’est la loi organique, et non pas la loi constitutionnelle, qui détermine les incompatibilités des parlementaires. Je ne peux donc qu’émettre un avis défavorable sur ces propositions, qui ne sont pas de niveau constitutionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Nous avons déjà eu un long débat sur le cumul des mandats.

Tout d’abord, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, ces dispositions relèvent non pas de la loi constitutionnelle, mais de la loi organique.

Ensuite, le Gouvernement n’est pas favorable à l’interdiction absolue du cumul des mandats. Les élus sont libres de ne pas cumuler s’ils le souhaitent.

Enfin, la loi organique du 5 avril 2000 relative aux incompatibilités entre mandats électoraux, un texte fruit d’une initiative d’un gouvernement socialiste, réalise un équilibre satisfaisant. Nous ne souhaitons pas aller plus loin.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Notre hémicycle est plein de charme, mais il est un peu vide ce soir. Sans le cumul des mandats, il serait probablement mieux garni et vous auriez un public plus nombreux, monsieur le président de la commission. (Exclamations amusées.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ils seraient à la pêche !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je ne cumule pas de mandats.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Forcément, vous êtes élue des Français de l’étranger.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Le mandat de sénateur est particulièrement riche et intéressant, que vous représentiez des Français établis hors de France ou des Français de métropole. Je remplis le mien pleinement et je plains ceux qui continuent à se disperser, bêtement allais-je dire, entre trente-six mille tâches dont ils ne s’acquittent d’aucune correctement.

M. Christian Cointat. Ce soir, quatre sénateurs représentant des Français de l’étranger sont présents ; les huit autres sont absents, et sans cumul de mandat !

M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.

M. Pierre Fauchon. Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer, j’ai la conviction que le cumul des mandats tel que nous le connaissons est l’une des causes de l’affaiblissement du pouvoir parlementaire et du pouvoir législatif.

Cela dit, la question est plus complexe que ne le laisse penser la rédaction de l’amendement.

Tout d’abord, elle se pose en termes différents à l’Assemblée nationale et au Sénat.

Il me paraît légitime, pour ne pas dire normal et souhaitable, qu’un sénateur ne soit pas déconnecté des collectivités locales qu’il représente. Il s’agit en effet d’une de ses missions essentielles. En revanche, le cumul est selon moi beaucoup moins évident et a des conséquences beaucoup plus graves pour l’Assemblée nationale.

Comme l’a indiqué M. le président de la commission des lois, ce n’est ni le lieu ni le moment d’ouvrir ce débat. Je tiens néanmoins à préciser que, à titre personnel, je m’oriente plutôt vers une limitation dans le temps.

Il ne me paraît pas mauvais que, pendant un certain temps, un élu national, fût-il député, cumule deux niveaux de responsabilité.

En revanche, il est plus délicat, et pas seulement en termes de cumul, qu’un même mandat puisse être renouvelé deux fois, trois fois ou plus. C’est contraire à une bonne dynamique parlementaire.

Bien que je partage la préoccupation des auteurs des amendements, je ne pourrai que m’abstenir, puisque ma vision diverge assez profondément de la leur.

J’ajoute que je m’exprime au nom des nombreux membres de mon groupe qui sont présents ce soir, car, nous, nous ne cumulons pas grand-chose ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il en va du cumul des mandats comme d’autres sujets. Ce qui est regrettable, c’est l’impossibilité d’engager une discussion sérieuse.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce n’est pas le moment !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Certes, tous les mandats ne sont pas comparables. La charge de travail varie beaucoup selon que l’on est élu d’une très grande ou d’une toute petite ville et, en cas de cumul avec un mandat national, les incidences ne sont pas les mêmes.

Tout le monde le sait et toutes les familles politiques sont concernées. On constate néanmoins un refus systématique d’en discuter, chacun défendant sa formation politique ou sa propre situation.

Il existe une incompatibilité de fait entre un mandat exécutif important, celui de maire d’une grande ville par exemple, et un mandat parlementaire. Pourtant, de nombreux maires de très grandes villes sont parlementaires, ce qui entraîne les difficultés que l’on connaît.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 444.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 445.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 104, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le 2° de cet article :

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Une commission indépendante, dont la loi fixe la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement, se prononce par un avis public sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Avec cet amendement, nous conservons le principe d'une commission indépendante chargée de donner un avis sur les projets de redécoupages électoraux et nous précisons ses compétences.

Cette commission ne pourrait rendre un avis sur les projets de délimitation des circonscriptions de l'élection des sénateurs, car, à la différence des circonscriptions prévues pour les élections législatives, qui peuvent être amenées à évoluer en fonction de la démographie, ces circonscriptions sont des territoires clairement définis et permanents, départements ou collectivités d'outre-mer.

Il s’agit donc d’une rectification par rapport au texte initial.