Article additionnel après l'article 13
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République
Rappel au règlement (début)

Article additionnel après l'article 13 ou avant l'article 13 bis

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 44 rectifié bis, présenté par M. Cointat et Mmes Garriaud-Maylam, Kammermann et Henneron, est ainsi libellé :

Après l'article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article 37 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les règlements d'application d'une loi doivent être publiés dans les six mois de sa promulgation sauf si elle en dispose autrement. »

La parole est à M. Christian Cointat.

M. Christian Cointat. Préalablement à la présentation de mon amendement, je ferai une remarque qui n’a rien à voir avec celui-ci.

J’ai la très nette impression que le système de climatisation a été réglé pour un hémicycle comble. Il fait un froid épouvantable ! (Sourires.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À gauche, il fait très bon ! (Rires.)

M. David Assouline. Il fait froid à l’UMP ! (Nouveaux rires.)

M. Christian Cointat. Or, l’hémicycle est loin d’être rempli, et ce froid rend les conditions de travail pénibles, surtout pour moi qui viens d’un pays chaud. (Sourires.)

M. Henri de Raincourt. Du Luxembourg ! (Rires.)

M. Christian Cointat. J’aimerais pouvoir faire voter une résolution à ce sujet, monsieur le président ! (Nouveaux rires.)

J’en viens maintenant à mon amendement.

Depuis plusieurs années, nous votons un grand nombre de lois.

M. Christian Cointat. Malheureusement, un certain nombre d’entre elles ne sont pas appliquées ou ne sont que partiellement applicables, faute de décrets. C’est très regrettable. Le meilleur moyen d’accroître les pouvoirs du Parlement, c’est de rendre applicables les lois qu’il vote !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut moins de lois !

M. Christian Cointat. L’adoption de cet amendement contribuerait, me semble-t-il, à revaloriser le rôle du Parlement.

M. le président. L'amendement n° 194, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 13 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 37 de la Constitution est abrogé.

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. La distinction entre les règlements autonomes et les règlements d’exécution des lois a été présentée comme l’une des innovations les plus caractéristiques de la Constitution de la Ve République.

L’article 21 de la Constitution confie ainsi le soin au Premier ministre d’assurer « l’exécution des lois ». Nous ne contestons pas ce pouvoir de l’autorité réglementaire tant que les décrets en question restent subordonnés à la loi et ne contredisent pas, en raison de leur contenu, l’intention du législateur.

Dans la mesure où les renvois à des décrets d’application prolifèrent dans les projets de loi que nous examinons, nous demandons que ces décrets nous soient transmis avant publication, ce qui est rarement le cas.

Cela étant dit, il ressort du texte de la Constitution et de la pratique des institutions, laquelle s’explique en partie par le fait majoritaire, un renforcement du pouvoir réglementaire préjudiciable à un exercice démocratique du pouvoir.

La réduction à son strict minimum de l’initiative parlementaire et le recours de plus en plus fréquent aux ordonnances de l’article 38 sont autant de signes du recul du pouvoir parlementaire.

L’article 37 de la Constitution prévoit que les règlements dits « autonomes » sont pris dans des matières qui leur sont intégralement réservées, puisque toutes celles que l’article 34 n’a pas attribuées à la compétence législative appartiennent au domaine réglementaire. Ainsi, le pouvoir du Gouvernement existe en tant que pouvoir propre initial conféré à l’exécutif.

Comme nous vous l’avons dit lors de l’exposé de notre amendement visant à modifier l’article 34 de la Constitution, le renforcement des droits du Parlement nécessite de supprimer ce domaine réservé et très étendu du règlement. Rien ne justifie de déterminer précisément le domaine de la loi, sauf à vouloir limiter l’intervention du pouvoir législatif.

C’est pourquoi, après avoir demandé la suppression de l’article 34 de la Constitution, nous souhaitons la suppression de l’article 37.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur Cointat, vous proposez que les règlements d’application d’une loi soient publiés obligatoirement dans les six mois suivant sa promulgation, sauf si elle en dispose autrement.

La commission a adopté sur votre initiative un amendement à l’article 9 du projet de loi visant à ce que le Parlement mesure les effets des lois qu’il a adoptées. C’est ce que l’on appelle le contrôle de l’application des lois. De manière indissociable, le Parlement devra s’assurer d’une publication rapide des règlements d’application, ce que fait le Sénat depuis 1971. Pour ces raisons, j’estime que votre amendement ne se justifie pas.

J’ajoute que certaines difficultés peuvent survenir inopinément dans l’application d’une loi, difficultés dans lesquelles le Parlement peut avoir sa part de responsabilité, la mauvaise volonté du Gouvernement n’étant pas nécessairement en cause. Par conséquent, dans certains cas, et pour diverses raisons, il n’est pas toujours possible de publier les décrets d’application d’une loi dans les six mois suivant sa promulgation. C’est pourquoi il faut se garder d’inscrire dans la Constitution une mesure trop rigide.

En outre, comme je le rappelais à l’instant, nous avons voté un amendement qui permettra au Parlement d’exercer pleinement sa mission de contrôle en mesurant les effets des lois votées. Comme le dit le président Poncelet, cette mission de contrôle est la seconde nature du Sénat.

Pour ces raisons, je vous invite donc à retirer votre amendement, mon cher collègue.

L’amendement n° 194 présenté par Mme Terrade fait suite à l’amendement visant à supprimer l’article 34 de la Constitution. La commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement, dans un souci de cohérence, émet un avis défavorable sur l’amendement n° 194 visant à abroger l’article 37 de la Constitution. Il ne souhaite en effet pas supprimer les dispositions relatives au domaine de la loi qui figurent à l’article 34 de la Constitution. Je rappelle que l’amendement que vous aviez présenté tout à l’heure en ce sens a été rejeté.

Monsieur Cointat, vous proposez que la Constitution impose la publication des règlements d’application d’une loi dans les six mois suivant sa promulgation, sauf si elle en dispose autrement.

Le Gouvernement convient qu’il n’est pas admissible que l’entrée en vigueur d’une loi soit paralysée faute de décret d’application. Cependant, il n’est pas tout à fait convaincu de l’utilité de l’inscription d’un délai dans la Constitution. Il paraît préférable que chaque loi puisse librement déterminer le délai qu’elle entend laisser au pouvoir réglementaire. En effet, certaines réformes très lourdes peuvent nécessiter un délai supérieur à six mois. D’ailleurs, votre amendement permet au législateur de déroger à cette contrainte.

Pour toutes ces raisons, je vous serais reconnaissante de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Cointat, l'amendement n° 44 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Christian Cointat. J’avais déposé cet amendement avant même que ne soit aménagé le dispositif plus important qu’a évoqué M. le rapporteur.

En quelque sorte, mon amendement était un texte d’appel dont l’objectif était de faire prendre conscience au Gouvernement de la nécessité d’une évolution. Mme le garde des sceaux a répondu dans le sens que je souhaitais. Dans ces conditions, je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 44 rectifié bis est retiré.

Mme Bariza Khiari. Je le reprends, monsieur le président.

M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 44 rectifié ter.

Vous avez la parole pour le défendre, madame Khiari.

Mme Bariza Khiari. Le Parlement a voté la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances. L’un des articles de cette dernière prévoyait la mise en œuvre du curriculum vitæ anonyme. Depuis lors, le Gouvernement nous mène en bateau et n’a pas pris le décret en Conseil d’État nécessaire, alors même que le curriculum vitæ anonyme reste un outil de l’égalité républicaine et que les discriminations sont synonymes de mort sociale.

C’est pourquoi nous sommes favorables à cette disposition, qui permettra de faire respecter la volonté des parlementaires.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur Cointat a soulevé un problème essentiel. Aujourd’hui, il est possible à tout gouvernement et à tout ministre de s’opposer à l’application d’une loi votée par le Parlement simplement en n’en publiant pas les décrets d’application.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Sauf pour les lois d’application immédiate !

M. Jean-Pierre Sueur. Cette situation ne date pas d’hier ! Ainsi, parfois six ans après leur adoption, de très nombreuses lois restent lettre morte faute de décrets d’application. Chacun d’entre nous pourrait faire part de son expérience. En ce qui me concerne, je me souviens avoir réussi, après bien des difficultés, à faire voter un amendement concernant une question de santé. Sachez, mes chers collègues, que le décret d’application a été publié quatre ans après la promulgation de la loi !

Cette question est très importante. Il suffit que les décrets des lois que nous votons, après en avoir longuement débattu, ne soient pas publiés pour que celles-ci restent lettre morte. C’est la volonté du législateur qu’on bafoue ainsi continuellement !

Le dispositif figurant à l’article 9 à la suite de l’adoption d’un amendement de M. Hyest est certes positif, mais il n’est pas contraignant. Il faudrait prévoir une sanction ; un ministre pourra toujours se refuser à publier tel ou tel décret, et il ne se passera rien. En dépit de son pouvoir de contrôle, le Parlement n’aura pas la possibilité de contraindre ce ministre ; il pourra simplement voter des résolutions et faire des déclarations.

La proposition de M. Cointat, reprise par Mme Khiari, aurait le mérite de constitutionnaliser le délai de publication des décrets, tout en prévoyant, par bon sens, la possibilité de déroger à cette règle. Je puis vous assurer que l’adoption de cet amendement aurait des conséquences très concrètes sur l’application effective des textes que nous passons des heures à discuter et qui, souvent, restent lettre morte, parfois dans l’indifférence générale.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Je comprends la motivation de l’amendement no 44 rectifié ter. Il est en effet très irritant de voir des lois, souvent votées dans l’urgence, ne pas être appliquées après six mois, un an ou deux ans, faute de décrets d’application.

Permettez-moi de faire quatre observations.

Premièrement, si l’on veut que l’autorité exécutive agisse dans un délai strict, il faut édicter une règle qui s’applique à toutes les autorités exécutives.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Absolument !

M. Michel Charasse. Cette règle devra viser le maire qui tarde à mettre en œuvre une délibération du conseil municipal, le président du conseil général ou du conseil régional qui ne se bouscule pas pour faire appliquer une disposition adoptée contre son gré et qui ne lui plaît pas.

Deuxièmement, si le Parlement est mécontent des retards pris dans la publication des décrets, il peut toujours mettre en cause la responsabilité du Gouvernement.

Troisièmement, mes chers collègues, le Parlement ne peut pas exiger lui-même une multiplicité de décrets qui, la plupart du temps, ne sont ni nécessaires ni utiles.

J’ajoute qu’il peut aussi veiller à proposer la suppression, dans les textes dont il est saisi, des décrets qui sont manifestement inutiles.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est vrai !

M. Michel Charasse. Nous passons notre temps à faire des amendements imposant des décrets en Conseil d’État qui ne servent à rien.

J’ai une certaine expérience ministérielle. Je peux vous assurer que la moitié, voire les trois quarts de ces décrets imposés par la loi et souvent par des amendements parlementaires ne servent à rien. Si on ne les prend jamais, c’est qu’il n’y en a pas besoin.

Quatrièmement, si nous voulons que les lois soient mises en œuvre rapidement, cessons d’imposer dans les textes législatifs des centaines de consultations d’organisations plus ou moins représentatives qu’on ne trouve pas toujours, qui chicanent sur la représentativité des uns et des autres, qui ne veulent pas être consultées ou réunies avec telle ou telle autre, qui imposent des délais de réflexion ou de concertation interne, etc. Il est souvent impossible de procéder à toutes les consultations prévues dans le délai de six mois, voire un an au plus, et on perd ainsi un temps précieux.

Il existe sûrement des moyens pour obliger le Gouvernement à tenir les délais. Mais le Parlement doit largement balayer devant sa porte, comme devant celle du Gouvernement. Prévoir ou exiger un décret d’application, c’est souvent enterrer une mesure législative au grand soulagement de tout le monde.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Depuis le début de ce débat, nous travaillons sur la manière de revaloriser le travail du Parlement. Avec l’amendement no 44 rectifié ter, nous avons l’occasion de réfléchir à la façon de revaloriser le Parlement dans la société.

Les citoyens ne se sentent pas très concernés par nos débats. Ils nous disent : vous votez beaucoup de lois, mais on a l’impression qu’elles s’empilent, que, sur le même sujet, vous pouvez voter une seconde loi avant l’entrée en vigueur de la première, que les décrets d’application ne sont pas publiés, bref, on ne voit pas les choses bouger tout de suite.

La mesure qui nous est proposée serait sans doute parmi les dispositions les plus directement perceptibles par nos concitoyens. Lorsque le Parlement vote une loi, c’est pour que quelque chose change dans la société. Il faut donc que les décrets d’application soient publiés dans de brefs délais.

En outre, si les décrets d’application sortent rapidement, on réfléchira avant de proposer, dans les deux ans qui suivent, un autre texte sur le même sujet. Dans le cas contraire, on risque de vouloir faire voter tout de suite une seconde loi qui viendra s’empiler sur la première.

Inscrire dans la Constitution que les décrets d’application d’une loi doivent être publiés dans les six mois de sa promulgation sera profitable au travail du Parlement et à la perception de ce travail par nos citoyens.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 194.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Bernard Frimat. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.

Article additionnel après l'article 13 ou avant l'article 13 bis
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Rappel au règlement (interruption de la discussion)

M. Bernard Frimat. Monsieur le président, il est deux heures cinq. Nous avons examiné soixante amendements ce soir. Il en reste deux cent quarante-trois, et nous disposons encore de cinq séances pour terminer la discussion de ce projet de loi constitutionnelle.

Compte tenu des conditions dans lesquelles nous avons travaillé, de la fatigue générale, je souhaite que le Sénat interrompe maintenant ses travaux.

M. Jean-Pierre Raffarin. L’attitude d’ouverture du Gouvernement le conduira sans doute à accéder à votre demande.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je suis à la disposition du Sénat et je suis prêt à siéger sans relâche. (Sourires.)

M. le président. Il en va de même du président de séance !

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le Gouvernement, espérant que le Sénat fera preuve de bonne volonté au cours des prochaines séances, ne voit pas d’objection à ce que la séance soit levée.

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Rappel au règlement (début)
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Discussion générale

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Dépôt d'une proposition de loi

M. le président. J’ai reçu de M. Georges Mouly une proposition de loi visant à préciser l’établissement d’une servitude en dérogation à l’exigence d’une distance d’éloignement entre bâtiments agricoles et habitations ou immeubles occupés par des tiers.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 411, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

11

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 23 juin 2008, à quinze heures et le soir :

Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle (n° 365, 2007-2008), modifié par l’Assemblée nationale, de modernisation des institutions de la Vème République.

Rapport (n° 387, 2007-2008) de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.

Avis (n° 388, 2007-2008) de M. Josselin de Rohan, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le samedi 21 juin 2008, à deux heures cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD