M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous le savez, madame la ministre, monsieur le ministre, le Sénat a toujours plaidé en faveur de l’investissement. Nous avons toujours considéré que la dette publique devait être évaluée en fonction des actifs qu’elle finance. Dès lors, le fait d’accélérer et d’anticiper des programmes d’investissement, notamment en matière d’infrastructures physiques et de transport, me semble positif si la conjoncture le nécessite. Il pourra s’agir d’investissements financés dans des conditions classiques, de partenariats public-privé ou de toutes formes d’emprunts ou succédanés d’emprunts, « maastrichtiens » ou non.

La question économique essentielle est celle du levier d’action susceptible de soutenir l’activité en période d’atonie ou de récession. Cette question est vitale ! Nous devrons définir le bon levier et son amplitude. C’est l’une des décisions de politique économique les plus importantes que nous devrons prendre si la conjoncture le nécessite au cours des prochains mois.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous devrons également, au cours de ces mois difficiles, témoigner notre solidarité à l’égard des éléments les plus fragiles de notre société.

Le texte voté à l’Assemblée nationale prévoit la création et le financement de nouveaux contrats aidés.

Mme Nicole Bricq. Cent mille !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Le budget de fonctionnement des collectivités territoriales sera inévitablement affecté par la crise et ses conséquences sur le terrain. Nous devrons être particulièrement attentifs, tant au plan tant national qu’à l’échelon local, aux conséquences humaines de cette situation économique difficile.

Mme Nicole Bricq. Aux conséquences sociales !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il nous appartiendra en quelque sorte de remettre un peu d’humanité dans les chiffres, tout en maintenant le cap tracé en matière de maîtrise des dépenses, la situation budgétaire étant ce qu’elle est. Cela supposera de la part du ministre du budget et de ses collègues une gestion fine des réserves de précaution et des quelques marges de manœuvre qu’il sera possible de dégager en cours d’exercice.

Personne ne comprendrait que la commission des finances ne soit pas aussi vigilante qu’à l’accoutumée dans son appréciation des comptes de l’État, et notamment de la dette, quelles qu’en soient les modalités.

Vous ne devez pas vous étonner que nous soyons plus attachés à la réalité économique qu’à la réalité comptable de la dette. Quels que soient les montages budgétaires, aussi innovants soient-ils, dès lors qu’une dette est contractée du fait de l’existence et de l’action de l’État, de notre point de vue, c’est-à-dire dans une approche économique, cette dette doit forcément être prise en compte dans la dette de l’État.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Évidemment !

M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est une réalité incontournable que nous ferons valoir à diverses reprises, je vous l’annonce dès à présent, afin de prévenir les tentations, toujours présentes, de débudgétisation.

J’en viens à quelques points sensibles de ce projet de loi de finances pour 2009.

Au Sénat, le sujet qui mobilisera sans doute le plus d’orateurs, de droite comme de gauche, qui suscitera le plus de débats – je gage qu’ils seront aussi nourris qu’intéressants, tout en espérant qu’ils ne seront pas trop répétitifs ! – est celui des finances territoriales.

La commission des finances salue la décision prise par le Gouvernement de ne pas appliquer la révision du taux d’inflation au mode de calcul des concours de l’État aux collectivités territoriales. M. le ministre du budget a eu raison de rappeler que l’enjeu en la matière se situe à hauteur de 275 millions d'euros.

Il n’en reste pas moins que la contraction des variables d’ajustement de ces concours continue à poser un grand nombre de problèmes, que la commission s’efforcera d’atténuer, suivant très exactement la même logique que l’an passé.

Rappelons toutefois que cette année, pour des raisons strictement arithmétiques, il a été nécessaire de faire entrer dans les variables d’ajustement des dotations qui ne s’y trouvaient pas encore. Il nous faut donc affiner nos analyses et formuler quelques propositions nouvelles.

Autre sujet d’importance : la fiscalité environnementale. Nous voudrions que celle-ci ne soit pas frappée du sceau de l’ambiguïté. Et la commission des finances voit dans les écotaxes un outil fiscal visant, non pas à accroître le rendement du système fiscal, mais à inciter les comportements à s’infléchir en vue d’un respect plus exigeant du développement durable.

Nous avons donc travaillé à un « reprofilage » de certains éléments, notamment en ce qui concerne les installations de traitement des déchets ménagers. Imaginons une collectivité qui a fait tout son possible pour se mettre en conformité et promouvoir la meilleure solution. Doit-elle être taxée, si peu que ce soit, par une contribution au titre de la TGAP ? Je crois savoir que ce seul sujet donnera lieu à un grand nombre d’amendements.

Toujours sur cet aspect des écotaxes, je voudrais mettre en relief un élément de politique économique à propos d’un secteur aujourd'hui à la peine, celui de l’industrie automobile, avec ses constructeurs, ses équipementiers, ses sous-traitants. Plusieurs d’entre nous, notamment M. du Luart, nous diront leurs craintes, nous livreront leurs interrogations sur l’adéquation à la conjoncture de certains aspects du bonus-malus. Ce dispositif, bon dans son principe, mis au point pour une période ordinaire, ne conduit-il pas à défavoriser notre outil industriel ? La question sera développée par des personnes plus compétentes que moi. Quoi qu’il en soit, elle mérite réflexion de la part de la Haute Assemblée.

Autre élément, déjà évoqué par Christine Lagarde : la prudente remise en cause des régimes préférentiels, les « niches fiscales ».Vous le savez, je suis parmi les partisans de leur abolition, à l’exception de quelques-unes, les plus structurantes dans notre fiscalité, avec pour juste contrepartie un abaissement des taux des barèmes de certains grands impôts, comme l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés.

Ce qui résulte des travaux de l’Assemblée nationale va laisser subsister toutes les complexités de notre code général des impôts. Il faut un certain équilibre entre efficacité et équité. En période de crise, pour limiter les dommages sur le tissu social et renforcer la cohésion, le souci d’’équité l’emporte, en matière fiscale, sur l’efficacité, ce qui explique la démarche de plafonnement. Mais il faudra s’interroger à l’avenir sur la pérennité de cet arbitrage entre équité et efficacité.

La commission des finances du Sénat, je crois pouvoir le dire, suivra les principes édictés par le Gouvernement et précisés très concrètement à l’Assemblée nationale. Nous aurons à débattre de chacun de ces sujets.

Le vœu que je forme est que l’arbre ne cache pas la forêt. En effet, la discussion de ce projet de loi de finances pour 2009 donnera lieu, comme les précédentes, à un inventaire à la Prévert des dispositifs les plus variés, soutenus par des milieux professionnels et des intérêts particuliers, aussi respectables soient-ils. Je souhaite, au nom de la commission des finances, que nous ne perdions jamais de vue l’intérêt général et les équilibres fondamentaux de la politique économique.

Madame le ministre, monsieur le ministre, je n’hésite pas à le dire, le travail accompli par le Gouvernement dans une période où les arbitrages peuvent être douloureux est tout à fait remarquable.

Ne nous en veuillez pas si nous vous soumettons, chemin faisant, quelques demandes d’explications et quelques propositions d’améliorations. Mais croyez bien que nous soutenons de la force de toutes nos convictions vos efforts de réforme, qu’il s’agisse de contenir la dépense publique, d’ajuster le format de l’État à ses missions ou de mieux gérer les crédits publics. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, nous voici donc ce soir, tout juste deux semaines après l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques et le débat sur les prélèvements obligatoires, entrés de « plain-pied » dans la réalité économique et budgétaire de l’année 2009.

Pour cette année, l’exercice de prévision n’a probablement jamais été aussi difficile du fait de la crise sans précédent que nous devons affronter. Cette crise, par ses origines, son ampleur et ses conséquences, est malheureusement, sans nul doute, la plus grave depuis celle de 1929.

Il s’agit, en effet, d’une crise financière qui se double désormais d’une crise économique. Elle fait, à ce titre, encourir à notre pays un grave risque de crise sociale, une crise susceptible d’éprouver les fondements de son pacte républicain.

Sur le seul plan budgétaire, nous connaissons cependant un précédent d’une ampleur significative sous la Ve République : la loi de finances pour 1993, dont le cadrage macroéconomique était, lui aussi, chargé d’incertitudes. L’année 1993 fut marquée par une récession de 1,3 %, la première depuis 1945, et l’exécution budgétaire s’est, en effet, soldée par un déficit public de près de 6 % du PIB. C’était, au surplus, il est vrai, la fin de l’époque de la réhabilitation de la dépense publique.

Les circonstances actuelles sont cependant bien différentes, et je tiens à rendre hommage au Gouvernement, qui a accompli un effort de rigueur et de sincérité dans l’évaluation des dépenses du budget qui nous est présenté. Cet exercice a d’autant plus de valeur à mes yeux qu’il s’opère dans un contexte délicat et mouvant.

Mais il y a quand même quelques bonnes nouvelles. Madame la ministre, il ne vous a pas échappé que, pour l’immédiat, notamment du fait des actions courageuses et concertées conduites par les pouvoirs publics, les taux d’intérêt se sont détendus : en un mois, pour les financements à un an, c’est une baisse de 100 points de base, soit 1% d’une dette de 1 000 milliards. L’allégement de charge est significatif

Autre bonne nouvelle dans ce contexte si incertain : les prix du pétrole sont revenus à des niveaux moins irrationnels. À 53 dollars le baril, la décrue est pour le moins significative puisque la baisse atteint près de 60 % en quelques mois. Sans doute est-il en effet possible, dans ces conditions, de revoir les prévisions d’inflation à la baisse ; les contraintes qui pèsent sur les crédits de dépense se trouveront ainsi quelque peu desserrées.

S’agissant de l’évaluation des recettes, nombre de scénarios sont possibles et ont été envisagés. Souhaitant qu’en ce domaine, comme l’a dit le rapporteur général, nous n’ajoutions pas la crise à la crise, j’adhère pleinement à la stratégie de sagesse choisie par le Gouvernement. Je le sais, le pilotage de nos finances publiques sera en 2009 contraignant et périlleux.

Nous devons, en effet, tout à la fois poursuivre, et sans doute amplifier, les réformes structurelles, tout en préservant la cohésion sociale. Il nous faut traverser la crise en aidant simultanément les plus vulnérables de nos concitoyens.

Grâce à cette prise de conscience lucide et à cette mobilisation générale de tous les acteurs économiques et sociaux, nous serons en mesure de mieux affronter cette crise et, je l’espère, de nous préparer à en sortir, étant entendu que cette perspective risque de se faire attendre quelque peu.

Nul doute que la réussite appelle tous les gouvernements à l’échelle du monde à agir de concert, à la recherche d’une synergie globale. C’est d’ailleurs, me semble-t-il, l’un des principaux enseignements du sommet du G20 qui vient de se tenir à Washington ; vous en revenez, madame la ministre.

Sous l’impulsion de la présidence française, l’Union européenne s’est mobilisée pour préparer les réformes attendues : surveillance des marchés financiers ; lutte contre les paradis bancaires, juridiques et fiscaux ; contrôle des spéculations à découvert. Tous les membres du G20, en attendant la prochaine réunion, prévue au début de l’année prochaine, sont convenus d’engagements généraux et, pour l’immédiat, ont reconnu la nécessité de faire « bon usage » des instruments budgétaires et fiscaux.

S’agissant du budget, la première question qui vient à l’esprit est de savoir s’il faut un plan de relance. Or le budget que nous examinons, madame la ministre, est, à la vérité, déjà un budget de relance.

Mme Marie-France Beaufils. Nous n’en avons pas la même lecture !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le déficit prévisionnel est déjà réévalué à un peu plus de 57 milliards d’euros pour 2009, et nous ne savons pas si les circonstances ne le porteront pas au-delà de ce chiffre. À ce montant, il faut ajouter la dizaine de milliards d’euros de déficit de la sécurité sociale.

Dans ce cadre, la généralisation du revenu de solidarité active doit également être saluée comme une avancée, en phase avec les circonstances que nous allons devoir affronter. C’est à l’évidence un réel progrès, qui en appelle d’autres, car il nous faudra sans aucun doute revoir nos pratiques en matière de formation professionnelle pour les hommes et les femmes qui vont connaître le chômage partiel ou perdre leur emploi. Il faut donc être réactif dans ce domaine.

Je note également que nos collègues députés ont voté un supplément de 350 millions d’euros pour aider l’emploi. Le Président de la République l’a rappelé ce matin, lors d’un déplacement à Montrichard, dans le Loir-et-Cher : « On ne va pas rester les bras ballants ! »

Un fonds stratégique d’investissement est sans doute un bon instrument, mais on parle d’un « fonds souverain à la française ». Ne perdons pas de vue, mes chers collègues, que ce fonds souverain à la française risque d’être financé partiellement par des dettes souveraines françaises…

Les fonds souverains sont détenus par des États étrangers qui constatent des excédents de finances publiques et des excédents commerciaux. À eux les fonds souverains, à nous les dettes souveraines !

Cela doit nous encourager dans nos efforts de réforme car, compte tenu des situations que nous aurons à gérer, nous aurons besoin des fonds souverains, madame la ministre, ne serait-ce que pour souscrire les émissions de bons du Trésor.

Venons-en au plan fiscal, second volet de la lutte contre la crise.

Un constat s’impose : ce projet de loi de finances laisse peu de marges de manœuvre. Il n’empêche toutefois pas d’ouvrir le débat et d’y apporter dans l’année qui vient des réponses novatrices et audacieuses, en gardant en permanence à l’esprit deux impératifs majeurs : la compétitivité de notre économie, que la crise soumet à rude épreuve ; le maintien de la justice fiscale, corollaire indispensable de la pérennité de notre cohésion sociale. En vérité, c’en est même la condition, le préalable.

Quels sont donc ces débats et ces chantiers fiscaux ?

J’en vois pour ma part trois principaux, que vous me permettrez d’évoquer brièvement.

Le premier est celui d’une réforme réaliste de la taxe professionnelle. Fort du « précédent » des travaux de la commission Fouquet, je crains qu’avec ce seul instrument nous ne puissions atteindre tous les objectifs visés, d’autant qu’il faut aussi résoudre certaines contradictions. Ainsi, il ne me semble pas possible de nous en tenir à l’exonération des nouveaux investissements, madame la ministre, car cela créera inévitablement une distorsion de concurrence entre les entreprises qui auront investi jusqu’à aujourd'hui et celles qui investiront demain.

Nous savons bien que cette solution ne peut pas être la bonne réponse que nous attendons.

J’observe que cette mesure figure non pas dans le projet de loi de finances pour 2009, mais dans le projet de loi de finances rectificative pour 2008, que le conseil des ministres a approuvé hier et que nous examinerons dans quatre semaines.

En l’état, j’y insiste, ce ne peut être qu’une mesure d’urgence, avec toutes les réserves qu’elle suscite. Il est formidable de proclamer que l’on compensera au profit des collectivités territoriales la moins-value qu’elles auront subie, mais où prendra-t-on ces fonds ?

Madame la ministre, il va être temps d’expliquer aux Français qu’il n’y a pas, d’un côté, les impôts payés par les entreprises et, de l’autre, ceux qui sont payés par les ménages. Les impôts sont toujours payés par les ménages !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Car ceux que supportent les entreprises se retrouvent forcément dans le prix des produits et des services mis sur le marché et payés par les ménages.

Le deuxième chantier fiscal que j’appelle de mes vœux pour l’année à venir est celui de la réforme du mode de financement de notre protection sociale. En effet, je persiste à penser qu’il nous faudra sans délai fiscaliser les branches santé et famille afin de redonner de la compétitivité au travail et, partant, aux entreprises. Ainsi, en mettant fin à ces « droits de douane à l’envers » que constituent nos charges sociales actuelles, nous cesserons de nous lier les mains et, sans doute, de contribuer au déséquilibre croissant de notre balance commerciale.

Quel sera le montant du déficit cette année, madame la ministre ? Sans doute plus de 50 milliards d’euros.

Oui, mes chers collègues, notre système de prélèvements obligatoires est un accélérateur de délocalisation d’activités et d’emplois industriels, et même de services. Allez donc voir du côté de Bangalore, en Inde !

Prendre des dispositions pour assurer le financement des PME, c’est très bien, madame la ministre, à condition que ces PME aient des motifs pour investir et créer des emplois.

Le troisième chantier fiscal à rouvrir – et ce n’est pas le moins important – est celui du bouclier fiscal. Je l’ai voté, mais j’exprime ce soir devant vous un acte de contrition.

Si j’en comprends la philosophie et la finalité de ce bouclier fiscal, j’estime pour ma part que la crise l’a rendu obsolète, voire caduc. (M. Michel Charasse approuve.)

Nous devons réfléchir à sa pérennité et nous interroger sur les règles qui président à la définition du revenu fiscal de référence, sur lequel s’appliquent les 50 %. Notre fiscalité, si diverse et si complexe, fait qu’ils s’appliquent aux revenus après qu’on en a déduit un certain nombre de déficits ou d’investissements défiscalisés, liés à la loi Malraux, à la souscription de titres de fonds de retraite par capitalisation, etc. Bref, on peut comprimer considérablement le revenu sur lequel s’appliquent les 50 %.

Le bouclier fiscal fonctionne ainsi comme un amplificateur des effets des niches fiscales, celles-là mêmes que nous blâmons. Cet aspect pervers du dispositif est devenu injustifiable et, à mes yeux, insupportable.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame la ministre, je vous remercie donc de me confirmer que le groupe de travail que la commission des finances mettra en place sitôt la discussion budgétaire achevée pourra bénéficier de l’appui technique et de l’avis expert de vos services pour nous aider à démêler cet écheveau et y mettre plus de clarté.

Au cours de cette année 2009, nous devrons aussi ouvrir le chantier de l’indispensable et si attendue réforme des collectivités territoriales. En effet, le contexte budgétaire actuel crée la tentation forte de restreindre l’évolution des quelque 75 milliards d’euros qui transitent du budget de l’État vers ceux des différentes collectivités territoriales.

Cependant, madame la ministre, cette tentation forte doit être mise en regard du rôle d’amortisseur de crise que jouent nos collectivités territoriales en raison de la part prépondérante – 70 % – qu’occupent leurs investissements dans l’ensemble des dépenses d’équipement publiques. N’oublions pas non plus que les collectivités territoriales sont un lieu de culture du lien social : nous devons préserver cet atout fondamental de la cohésion.

Je voudrais saluer à mon tour l’heureuse initiative du Gouvernement consistant à maintenir l’évolution de l’enveloppe normée conforme à la prévision d’inflation établie hier, c’est-à-dire 2 %. Vous avez revu vos prévisions, madame la ministre : l’inflation pourrait n’être que de 1,5 % ; mais vous n’êtes pas revenue sur les 2  % permettant de réévaluer l’enveloppe normée.

Sans doute y aura-t-il encore un peu de viscosité à l’intérieur de cette enveloppe du fait de l’inclusion du Fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, mais M. le rapporteur général et la commission des finances formuleront des propositions qui seront de nature à rendre plus fluide la répartition et peut-être aussi à la rendre plus acceptable aux yeux des élus territoriaux.

Au total, mes chers collègues, et sans vouloir préempter les trois semaines de débats toujours riches, denses et nourris que nous allons avoir, je souhaitais vous faire partager la conviction forte qui est la mienne.

Ce projet de budget pour 2009 doit répondre à deux objectifs : traverser au mieux la crise sans ébrécher notre pacte social et préparer la sortie de crise pour que la France que nous appelons de nos vœux soit plus compétitive, plus dynamique, plus écologique et plus solidaire. Notre ambition est en effet de réconcilier la France avec la mondialisation et le projet de loi de finances pour 2009 doit nous y aider. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c’est la quatrième fois depuis le 8 octobre que nous débattons des conséquences économiques et donc budgétaires de la très grave crise à laquelle nous sommes confrontés.

Cependant, qu’il s’agisse du projet de loi de programmation des finances publiques, dont nous avons débattu le 6 novembre, ou de ce projet de loi de finances pour 2009, j’observe que nous faisons dans cet hémicycle comme si rien ne se passait à l’extérieur.

Je signale tout de même que, depuis le 6 novembre, s’est déroulé le sommet du G20 ! Vous y étiez, madame la ministre, et j’ai bien noté que, dans la déclaration finale, le sommet engageait les États à utiliser, en tant que de besoin, des mesures budgétaires pour stimuler la demande interne et s’efforcer d’obtenir des résultats rapides, tout en maintenant un cadre de politique conduisant à la « soutenabilité » budgétaire.

Nous avons déjà eu l’occasion de dire que ce budget, en l’état, ne permettait pas de s’inscrire dans ce mouvement : absence de marges de manœuvre, refus de renoncer aux mesures prises l’année dernière, refus de jouer sur le volet des recettes – j’y reviendrai – et de façon encore plus hardie sur les dépenses fiscales, les fameuses niches dont nous débattrons en deuxième partie.

Toutefois, je souhaite dépasser cette querelle, par ailleurs fondée, qui nous oppose, pour m’interroger sur la manière dont on compte soutenir l’économie.

Je l’ai bien noté, tant M. le rapporteur général que M. le président de la commission des finances ont évoqué le problème que je veux, pour ma part, placer au cœur de mon intervention : la relance.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ah !

Mme Nicole Bricq. En effet, l’ampleur et la durée de la crise seront largement déterminées par le volontarisme des politiques économiques et des politiques budgétaires « contrarécessives ».

Quelle est la situation ?

Devant les sombres perspectives qui se dessinent, les ménages – ceux qui le peuvent – augmentent leur épargne de précaution et restreignent leur consommation – et cela est vrai y compris pour ceux qui sont en dessous de la ligne de flottaison –, en même temps que la tension sur le pouvoir d’achat se fait plus forte. On voit chuter les capacités productives des entreprises du fait de la baisse de la demande des ménages. Les collectivités locales, agents économiques majeurs, sont contraintes de réduire la voilure de leurs investissements ou d’augmenter les impôts. Nous risquons donc d’être entraînés dans un cycle récessif.

Si l’on ajoute à cela un partage de la valeur ajoutée très défavorable aux salaires et très favorable au profit, un profit tourné davantage vers la distribution des dividendes que vers l’investissement, nous avons le tableau complet des blocages économiques de notre pays.

Quelles sont les solutions ?

J’ai déjà évoqué, lors du débat d’orientation des finances publiques, la mobilisation de l’épargne privée. Le Président de la République nous annonce la création d’un fonds d’action stratégique. Pour l’instant, sa déclaration nous laisse perplexes quant à l’orientation de ce fonds, comme il laisse perplexe le conseil de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.

La baisse des taux par la Banque centrale européenne serait sans doute utile, mais, dans cette période, l’État doit prendre la relève au moins provisoirement en soutenant la demande et en encourageant l’investissement des entreprises.

Que fait le Gouvernement ? Certes, il crée 100 000 emplois aidés supplémentaires – c’est le moins qu’il puisse faire devant le retour à la hausse du chômage – mais, dans le même temps, il gèle la prime pour l’emploi, qui, on le sait alimente directement la consommation.

Du côté de l’offre, dont les effets sont différés dans le temps, le Gouvernement nous annonce qu’il veut, par le biais du projet de loi de finances rectificative, exonérer tous les investissements nouveaux de la taxe professionnelle jusqu’au 1er janvier 2010. Cette décision est censée redonner, de manière marginale, un peu de souplesse aux entreprises, mais, parallèlement, ainsi que M. le président de la commission l’a dit, elle obère, même si elle est compensée – mais le compte n’y est jamais ! – les marges de manœuvre dont disposent les collectivités locales pour investir. Elles craignent même que, la prochaine fois, ce soit la taxe professionnelle qui disparaisse. Or, un impôt économique destiné aux collectivités locales est, pour nous, incontournable.

Madame la ministre, il y a des marges de manœuvre dans ce budget pour autant que vous renonciez à des mesures qui sont, pour le moins, inadaptées au contexte actuel. À cet égard, j’ai bien noté la repentance de M. le président de la commission… (Sourires.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. En quelque sorte oui !

Mme Nicole Bricq. Je pense, entre autres, au bouclier fiscal, à la défiscalisation des heures supplémentaires, au crédit d’impôt pour les emprunts immobiliers, à l’exonération des droits de succession et des donations, mais nous y reviendrons plus longuement au cours de ce débat budgétaire qui ne fait que commencer.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le bouclier fiscal est antérieur !