M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !

M. Éric Woerth, ministre. Dans la conjoncture actuelle, la maîtrise de la dépense est également la garantie de la solvabilité de l’État. Le plan ambitieux de financement de l’économie qu’a présenté Christine Lagarde pour juguler l’assèchement des crédits repose, notamment, sur la garantie de l’État au meilleur coût. La solvabilité de l’État est d’autant plus indispensable en période de crise. Notre façon de gérer nos finances publiques est la meilleure des garanties pour assurer cette solvabilité.

Pour que l’État puisse jouer tout son rôle, il faut donc accepter de le réformer et d’être économe de l’argent public.

Sur l’ensemble des finances publiques, nous dépasserons, certes, en 2009, le seuil de 3 points de PIB à cause de la baisse de la croissance et des révisions de recettes – ce sont là les conséquences immédiates de la crise – puisque nous atteindrons 3,1 points de déficit public. Toutefois, il s’agit bien d’une évolution conjoncturelle, temporaire.

Il n’en demeure pas moins que nous réalisons, même s’il est masqué par la conjoncture, un effort structurel marqué sur la dépense, correspondant à 0,5 point de PIB. C’est en poursuivant cet effort que nous reviendrons dès 2010 à 2,7 points de PIB de déficit et que nous assainirons graduellement la situation de nos finances publiques, comme la trajectoire que nous avons présentée le montre clairement.

S’agissant des recettes, je tiens à revenir sur un thème qui nous est cher à tous, mais plus particulièrement à M. le président de la commission des finances et à M. le rapporteur général : je veux parler des niches fiscales. Je l’aborderai très brièvement, Mme Christine Lagarde allant certainement l’évoquer.

Les mesures en question vous avaient été présentées dès l’année dernière, et nous avions pris des engagements sur ce sujet complexe, qui exige d’ailleurs beaucoup de pédagogie, car il faut expliquer de quoi il s’agit et bien faire ressortir le caractère foisonnant de la matière. Nous avons sensiblement progressé cette année, notamment à travers le dispositif de plafonnement global lié au RSA que Martin Hirsch et moi nous étions engagés à mettre en place lors de l’examen du texte instaurant ce dernier.

Avec le projet de loi de finances, nous passons, si j’ose dire, de la théorie à la pratique. Je compte sur vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour ne pas ajouter d’autres niches fiscales au dispositif existant, déjà très généreux. Lors des débats à l’Assemblée nationale, nous avons réussi à éviter à peu près cet écueil, à rationaliser et à « moraliser » certaines exonérations de cotisations sociales. Je pense particulièrement aux niches fiscales à destination des zones franches urbaines et des DOM, que nous avons rendues plus cohérentes.

Quels que soient les débats que ce sujet peut légitimement susciter, je compte évidemment sur votre soutien, mesdames, messieurs les sénateurs, pour maintenir ces réformes.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Éric Woerth, ministre. Enfin, je sais, monsieur le rapporteur général, que vous présenterez, comme chaque année, un certain nombre de propositions en matière fiscale, auxquelles la commission des finances a déjà beaucoup travaillé, avec sa créativité et sa compétence habituelles. Vous savez le prix que nous attachons à l’expertise et à l’apport de la Haute Assemblée, qui, bénéficiant d’un plus grand recul, pourra améliorer ce texte efficacement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget que nous vous présentons aujourd’hui repose sur les hypothèses de croissance et de recettes fiscales les plus prudentes jamais élaborées. Cela nous conduit, certes, à afficher un déficit élevé, que je suis le premier à regretter, mais ce projet de budget ne cède rien sur la maîtrise de la dépense, je m’en voudrais de ne pas le souligner une fois de plus.

Dans la dépense publique, il faut faire la part des choses : il y a la dépense que l’on subit à moyen terme – la charge de la dette et des pensions –, la dépense que nous devons préserver à tout prix, finançant les priorités d’avenir, celles dont nous avons précisément besoin pour réformer notre économie et profiter au mieux de la croissance quand elle reviendra, et, enfin, la dépense qui peut, qui doit être réduite, pour une plus grande efficacité de l’argent public et du service public. Nous faisons en ce sens un effort sans précédent.

L’évolution économique pour l’année à venir est, à l’évidence, éminemment incertaine et nécessitera peut-être des ajustements en cours de route. La réactivité restera l’impératif, mais vous pouvez compter sur le Gouvernement pour faire en sorte que la recherche de l’efficacité de la dépense soit préservée quelles que soient les circonstances. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà exactement deux semaines, le jeudi 6 novembre, j’ai eu l’honneur de présenter à la Haute Assemblée les raisons qui m’ont conduite à réviser les prévisions macroéconomiques du Gouvernement, prévisions qui permettent de déterminer ensuite les contours du projet de loi de finances pour 2009.

Comme vous le savez, à partir de la mi-septembre, des événements économiques d’une gravité exceptionnelle nous ont amenés à revoir nos prévisions budgétaires et un certain nombre des paramètres dans lesquels s’inscrit le budget, ainsi que les hypothèses concernant le prix de la ressource pétrolière, le prix des matières premières en général, l’écart entre l’euro et l’ensemble des autres valeurs, puis à réduire notre prévision de croissance du produit intérieur brut, qui est ainsi passée de 1 % à une fourchette de 0,2 % à 0,5 %.

Nous avons également revu à la baisse notre prévision d’inflation pour 2009, qui est passée de 2 % à 1,5 %, ce qui nous paraît raisonnable compte tenu de la diminution du prix de l’ensemble des matières premières, notamment énergétiques. Dans la foulée, nous avons ramené notre prévision de croissance pour 2010 de 2,5 % à 2 %.

Je ne reviendrai pas sur les raisons de ces révisions. Le Gouvernement vous a transmis un document où sont détaillés les ajustements apportés au cadre macroéconomique du projet de loi de finances.

Avant d’en venir aux dispositions proprement fiscales du projet de loi de finances, je voudrais profiter de ce moment rare et précieux où je suis devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour évoquer deux éléments particuliers : le rôle moteur joué par la France sur la scène européenne et quelques-uns des résultats de la réunion du G20 qui s’est tenue le week-end dernier à Washington.

C’est bien au niveau de l’Union européenne qu’un certain nombre de réponses peuvent et doivent être fournies. Or la France y joue aujourd’hui un rôle moteur sous l’égide du Président de la République, qui exerce aussi jusqu’à la fin de l’année la présidence de l’Union Européenne.

Comme vous vous en souvenez, dès le 12 octobre dernier, les chefs d’État et de gouvernement de la zone euro avaient mis en place un cadre commun destiné à coordonner l’action des États membres. Ce cadre commun avait été endossé par le Conseil européen des 15 et 16 octobre. Les principes essentiels en étaient les suivants : assurer des liquidités adéquates aux institutions financières, apporter à celles-ci des ressources en capital pour qu’elles continuent à financer correctement l’économie, qu’il s’agisse des entreprises, des ménages ou des collectivités locales, et, enfin, lorsque cela s’avérait nécessaire, recapitaliser de manière efficace, c'est-à-dire au plus haut niveau du bilan, les banques en difficulté ; c’est ce que nous avons dû faire, aux côtés des Belges et des Luxembourgeois, pour Dexia.

Lors de nos débats du 6 novembre, je vous avais présenté en détail les mesures prises en France. Elles sont en cours d’exécution. Je n’y reviens donc pas.

Les autres pays de la zone euro et de l’Union européenne ont eux-mêmes mis en œuvre ces principes. Les Etats membres se sont ainsi engagés à recapitaliser le système financier jusqu’à plus de 200 milliards d’euros et à garantir jusqu’à près de 1 300 milliards d’euros de financements bancaires.

Le sommet du G20 est, lui aussi, déterminant pour la manière dont nous rééquilibrons les forces financières sur la scène internationale, dont nous reconstruisons l’architecture financière et dont nous relançons l’économie.

Lors de sa dernière visite aux États-Unis, le Président de la République avait réussi à convaincre le président George Bush d’organiser ce sommet. Il a eu lieu le 15 novembre et a repris les objectifs communs définis par les Européens, qui, grâce à la présidence française, ont présenté un front uni.

Les pays du G20, malgré leurs différences extrêmes, qu’il s’agisse de leur niveau de développement, de leur orientation politique, de leur mode de gouvernance, se sont accordés sur quatre principes.

Le premier est celui d’une relance solide, rapide et probablement temporaire.

Le deuxième est celui de la réorganisation de l’architecture financière pour favoriser la transparence, la responsabilité et la supervision.

Le troisième est celui de la réorganisation de la gouvernance mondiale en matière financière, pour faire plus de place aux pays émergents ou en développement au sein des instances internationales et pour donner un rôle prépondérant au Fonds monétaire international.

Enfin, le quatrième principe, auquel se sont ralliés tous les États appartenant au G20, est celui du refus des mesures de protectionnisme.

Comme vous le savez, les finances de l’État sont étroitement dépendantes de la situation internationale – nous aurons l’occasion de nous en rendre compte en 2009 –, d’où l’importance de cet accord international, que je qualifierai d’historique, pour la réussite de l’exercice de révision de nos prévisions et d’un éventuel soutien à notre économie.

J’en viens maintenant aux mesures fiscales du projet de loi de finances.

Elles s’articulent autour de trois axes : un budget d’aide à l’investissement, un budget « vert » et un budget plus juste.

Je rappelle que c’est sous le signe de la stabilité du taux de prélèvements obligatoires – fixé à 43,2 % du PIB jusqu’en 2012 – que s’inscrit notre politique fiscale. Le poids global des impôts, même si les recettes publiques venaient à fléchir du fait de la situation économique, n’augmentera donc pas. Cela résulte également des stabilisateurs automatiques à l’échelle européenne.

Le rapport sur les prélèvements obligatoires, annexé au projet de loi de finances en application de la LOLF, fournit l’ensemble des données nécessaires quant à leur évolution, du passé récent aux prochaines années. Nous en avons débattu le 6 novembre dernier. Je n’y reviendrai pas.

Si un certain nombre de baisses d’impôt sont envisagées, quelques hausses sont également prévues, sans qu’il soit pour autant porté atteinte au principe de stabilité des prélèvements obligatoires. Les mesures que nous vous proposons d’adopter se traduiront par une baisse nette de plus de 10 milliards d’euros des prélèvements sur l’ensemble de la législature.

Les baisses d’impôts sont ciblées sur nos priorités politiques, à savoir le soutien au travail, à l’innovation et à la participation des salariés aux résultats de l’entreprise. En annexe du rapport sur les prélèvements obligatoires, vous trouverez le détail précis de l’ensemble de ces baisses, agrégées pour l’ensemble de la période 2009-2012.

Les hausses décidées en parallèle, orientées vers le financement d’un certain nombre de projets spécifiques, sont, elles aussi, le reflet de notre politique économique. Je pense notamment au revenu de solidarité active, au financement de l’audiovisuel public, à la fiscalité environnementale ou encore aux mesures de redressement de la sécurité sociale.

Je veux à présent entrer un peu plus dans le détail des caractéristiques fiscales de ce projet de loi de finances pour 2009.

La première est qu’il s’agit donc d’un budget de soutien à l’investissement : à nos yeux, la fiscalité est non pas seulement un outil permettant de lever de la ressource, mais également un instrument de politique économique.

Dans la période actuelle, où l’économie a véritablement besoin d’être stimulée, nous souhaitons tout particulièrement favoriser l’investissement.

À cet égard, le triplement du crédit d’impôt recherche et sa simplification, adoptés dans le cadre de la loi de finances pour 2008, aura permis aux entreprises françaises investissant en matière de recherche et développement de bénéficier d’un effet d’entraînement, qui devrait être directement, chaque année, à l’origine de 0,05 % de croissance du produit intérieur brut en effet direct. Cette mesure est évidemment maintenue dans le projet de loi de finances pour 2009, et nous sommes particulièrement attachés à son efficacité et à son effectivité.

Vous vous en souvenez, dans la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, nous avons ouvert la possibilité d’affecter l’impôt de solidarité sur la fortune à l’investissement dans les PME, en nous appuyant sur les travaux de la commission des finances du Sénat et, notamment, de son rapporteur général, auquel je tiens à rendre hommage. Cette disposition a été particulièrement efficace puisqu’elle a permis, au cours de l’année 2008, de lever près d’un milliard d’euros soit en direct, soit par le biais de sociétés d’investissement. Nous maintenons également cette mesure pour 2009.

Par ailleurs, nous vous proposons de supprimer une charge importante pour les entreprises, en particulier les plus petites d’entre elles – notamment celles qui connaissent actuellement des difficultés passagères et auxquelles nous devrons être particulièrement attentifs au cours de l’année 2009 –, avec la disparition organisée en trois ans de l’imposition forfaitaire annuelle, la fameuse IFA, tant décriée par les entreprises.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le 23 octobre dernier, le Président de la République a annoncé sa volonté d’exonérer de taxe professionnelle les investissements nouveaux et de trouver – je sais que la Haute Assemblée y est particulièrement sensible – une ressource de substitution pour les collectivités locales, qui soit naturellement cohérente avec une réflexion à mener –  et dont il a fait l’annonce – sur les compétences des niveaux d’administration territoriale.

Il ne s’agit pas de faire l’un sans l’autre. Il faut commencer par réfléchir sur les niveaux de compétence territoriale pour, ensuite, examiner à quelles conditions et dans quelles circonstances la taxe professionnelle pourra être profondément remaniée, notamment en ce qui concerne l’exonération portant sur les nouveaux investissements.

La deuxième caractéristique du volet fiscal de ce budget, c’est qu’il nous donne les moyens d’agir en faveur de la protection de l’environnement et, partant, de soutenir la croissance, tant les préoccupations écologiques et le développement durable recèlent de nouvelles opportunités en la matière.

Ainsi, l’effet du bonus-malus écologique, appliqué aux seules ventes de véhicules, a été particulièrement sensible sur les neuf premiers mois de l’année 2008. D’après les statistiques dont nous disposons, ce sont près de 700 000 véhicules qui y ont été éligibles au cours de cette période. En comparant avec les chiffres de la production industrielle du secteur automobile de pays aussi différents que l’Espagne, l’Italie ou l’Allemagne, nous pouvons mesurer à quel point ce dispositif nous a permis de soutenir l’activité automobile, qui, chacun le sait, est particulièrement sensible à la conjoncture et connaît actuellement une situation difficile.

Le projet de loi de finances pour 2009 met en place d’autres mesures favorables à l’environnement et aux travaux de rénovation énergétiques, avec, en particulier, la création de l’éco-prêt à taux zéro.

Ce volet de « verdissement » de la fiscalité résulte d’un travail approfondi, animé par Jean-Louis Borloo et que nous menons ensemble depuis plusieurs mois. Chacun le sait, la recherche de la croissance durable, ce n’est pas seulement la défense de l’environnement, c’est aussi, bien sûr, un gisement très important d’opportunités de croissance dont nous devons naturellement tirer profit.

Il en est ainsi de la création du prêt à taux zéro pour les gros travaux ou bien encore du développement de la filière bois ou du recyclage des déchets ménagers ; ce sont là autant de mesures destinées à soutenir des activités à fort potentiel de croissance.

S’agissant du prêt à taux zéro pour les travaux, l’aide est en réalité tout à fait substantielle et représente environ 8 500 euros pour un emprunt de 28 500 euros sur dix ans qui aurait été contracté au taux de 5,40 %. Le prêt peut être accordé dans la double limite de 30 000 euros et de 300 euros au mètre carré. S’écartant de la formule que nous proposions au départ, l’Assemblée nationale a décidé de moduler la durée du prêt en fonction des ressources de l’emprunteur. Il vous appartiendra de vous exprimer sur ce point.

Le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt et le prêt à taux zéro pour l’accession seront majorés pour les logements neufs répondant à la norme « bâtiment basse consommation », ou BBC. Quant au crédit d’impôt développement durable, il est étendu aux propriétaires occupants et aux propriétaires bailleurs, ainsi qu’aux frais de main-d’œuvre pour les travaux d’isolation des parois opaques, soit tout ce qui concerne l’isolation. En contrepartie, certains produits, qui sont considérés comme insuffisamment performants sur le plan écologique ou largement dépassés au regard des nouvelles technologies, sortiront du champ du crédit d’impôt.

Ces mesures, « écologiquement » souhaitables, présentent l’intérêt supplémentaire de soutenir les secteurs du bâtiment, des travaux publics et de l’immobilier à un moment où ils ont clairement besoin d’être stimulés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de finances pour 2009 comprend, en outre, des mesures d’orientation des comportements des entreprises et des collectivités. Il s’agit notamment des aides à l’agriculture biologique, qui sont accrues, avec le doublement du crédit d’impôt en sa faveur et la possibilité donnée aux collectivités locales d’exonérer ces exploitations de la taxe foncière. Il s’agit également des dispositifs d’incitation aux restructurations forestières et de la mise en place de contrats de gestion durable des forêts. Il s’agit encore d’une aide en trésorerie au bénéfice des industries de transformation du bois.

La taxe générale sur les activités polluantes est alourdie pour les déchets ménagers non recyclés, ce qui doit conduire à financer des investissements permettant de limiter le stockage ou l’incinération.

La discussion à l’Assemblée nationale a permis d’aboutir, à mon sens, à un équilibre satisfaisant, de nature à donner de la visibilité aux producteurs de biocarburants sur trois ans. Nous aurons sûrement l’occasion d’en débattre.

Nous généralisons à tout le territoire la taxe kilométrique sur les poids lourds, dont le principe a été voté pour la seule région Alsace. Cette taxe devra pouvoir être mise en place sur les principaux axes routiers en 2011. Par ailleurs, nous agissons, dès 2009, pour nos entreprises de transport routier en ramenant la taxe à l’essieu aux minima communautaires.

Troisième et dernière caractéristique du volet fiscal de ce projet de budget pour 2009 : il est plus juste.

Nous plafonnerons en effet les niches fiscales pour que chaque Français contribue, selon ses moyens, à la couverture des charges publiques et soit le moins possible en mesure de s’exonérer de l’obligation fiscale. C’est pour nous une question d’équité et de justice fiscales.

Nous nous attaquons donc aux niches qui permettent, malgré de très hauts revenus, de réduire son impôt sur le revenu sans limitation de montant. Je vise, à cet égard, les réductions d’impôts outre-mer, le régime dit «Malraux » et celui des loueurs en meublé professionnels.

L’Assemblée nationale a estimé qu’il convenait aussi, contrairement à la proposition du Gouvernement, de plafonner les effets du régime des monuments historiques ; nous aurons, je l’espère, l’occasion d’y revenir.

M. Henri de Raincourt. Sans aucun doute !

Mme Christine Lagarde, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’aimerais à présent détailler devant vous quelques-unes des autres propositions adoptées par vos collègues députés sur ce projet de loi en matière fiscale.

Les débats à l’Assemblée nationale ont notamment permis d’obtenir de nombreuses avancées dans le domaine de la fiscalité verte.

Les députés ont ainsi posé le principe de la « familialisation » du malus automobile, afin que les familles nombreuses ne soient pas désavantagées par le bonus-malus. Ils ont également pris en compte, pour le calcul du malus, le bénéfice environnemental des véhicules « flex-fuel ».

Ils ont également adopté trois nouveautés au titre de la défense de l’équité fiscale.

Le texte qui vous est soumis comprend en effet, outre le plafonnement « analytique » des niches fiscales, une mesure de plafonnement global de celles-ci, afin d’éviter le cumul des dispositifs plafonnés individuellement. Fixé à 10 % du revenu majoré de 25 000 euros, ce plafond global est à la fois opérationnel et simple à comprendre pour les contribuables. Nous aurons l’occasion de discuter de son mécanisme et de son champ d’application, ainsi que des niches qui, parce qu’elles seraient « subies » par les contribuables, en seraient finalement exclues.

Afin de mieux faire fonctionner ce dispositif et de le rendre plus simple, les députés ont aussi posé le principe de la transformation des régimes du « Malraux » et des loueurs en meublé professionnels, afin que les montants concernés ne viennent plus en déduction du revenu imposable, mais fassent l’objet d’une réduction d’impôt.

Enfin, troisième et dernière innovation notable, l’Assemblée nationale a partiellement supprimé la demi-part supplémentaire pour les personnes seules ayant élevé un enfant lorsque celui-ci n’est plus à leur charge. Nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne pourrais pas conclure cette présentation sans vous rappeler que la France est aujourd’hui, en Europe, l’un des rares pays avancés à avoir échappé à la récession. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Mme Nicole Bricq s’exclame.)

Madame Bricq, certains esprits vont peut-être s’échauffer et vous-même allez sans doute me répondre que, au troisième trimestre de cette année, la hausse du PIB est limitée à 0,1 %. Mais permettez-moi de vous rappeler que l'augmentation est en réalité, comme je l’ai moi-même annoncé, de 0,14 %. Vous qui connaissez bien la matière, vous percevez toute l’importance d’une telle précision, car, selon que l’on est à 0,14 % ou à 0,16 %, on peut arrondir à 0,1 % ou 0,2 % !

Mme Nicole Bricq. On rajoutera bientôt un autre chiffre après la virgule !

Mme Christine Lagarde, ministre. Au cours de la même période, l’Allemagne, l’Italie, la Grande-Bretagne ont enregistré une baisse de 0,5 % de leur PIB respectif, ce dont il n’y a certes pas lieu de se réjouir, tandis que l'ensemble de la zone euro accusait une baisse moyenne de 0,2 %.

Pour ma part, je vois dans la très légère augmentation de son PIB qu’a connue la France au troisième trimestre, non pas un sujet de satisfaction, mais au moins l’un des résultats de la politique que vous avez, mesdames, messieurs les sénateurs, contribué à soutenir largement au cours des dix-huit derniers mois. Cette politique nous a permis de bénéficier de certaines « poches de croissance » disponibles, et ce, tout simplement, grâce à une dose supplémentaire de flexibilité, de réactivité et d’agilité dans notre manière de répondre à la situation économique internationale, qui, je le reconnais bien volontiers, n’est pas particulièrement enthousiasmante aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons déjà, dans cet hémicycle, consacré des débats nourris et fort intéressants, d’abord, à la loi de finances rectificative pour le financement de l’économie, puis, au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012. Cela m’épargnera donc des développements par trop systématiques sur ce projet de loi de finances pour 2009.

Il s’agit bien d’un projet de loi de finances pour temps difficiles, agités, pour temps de crise ! Il ne faut pas hésiter à le reconnaître, car c’est la vérité.

Madame le ministre, que le PIB ait crû, au cours d’un récent trimestre, de 0,14 % ou qu’elle ait décru de 0,14 %, au-delà du symbole, la réalité n’en demeure pas moins la même.

Le contexte économique mondial est exceptionnel. En Europe, au cours de ce semestre, les dirigeants se sont mobilisés avec énergie pour tenter d’esquisser les solutions de demain ou d’après-demain en matière de régulation financière internationale. Quant à la France, elle s’apprête à traverser des trimestres peut-être contrastés selon les régions, les branches et les périodes, mais de toute façon incontestablement ingrats.

Dans un tel contexte, il convient de ne pas ajouter la crise à la crise, et les pouvoirs publics doivent mettre en œuvre une politique aussi contracyclique que possible.

Je me bornerai à quelques brefs commentaires.

L’Assemblée nationale et le Sénat, sur l’initiative du président Gérard Larcher, ont constitué une « mission mixte paritaire » qui, coprésidée par Jean Arthuis et Didier Migaud, a su en quelques jours tracer les perspectives et définir la problématique d’une nouvelle régulation.

Beaucoup de nos collègues se sont rendu compte à cette occasion que des questions qui leur apparaissaient jusque-là techniques, voire ésotériques, étaient en fait politiques. Le mécanisme de transmission de la crise et la réalité nouvelle que celle-ci induit ont fait l’objet d’une véritable prise de conscience partagée. Malgré nos substantielles différences de nos idéologies d’origine ou nos positionnements politiques d’aujourd’hui, nous sommes parvenus à un constat partagé sur la crise, son origine, ses modes de transmission et les remèdes que l’on peut y apporter. Nous devons le porter à l’actif des assemblées parlementaires et de leur sens des responsabilités.

En 2009, madame le ministre, monsieur le ministre, nous devrons nous mobiliser pour faire face à l’état d’urgence, comme vous nous y appelez d’ailleurs.

Ces derniers jours, on a beaucoup entendu parler de la mise en place d’un fonds stratégique d’investissement et de l’enjeu qu’elle recouvre. À titre personnel, je me réjouis de cette initiative. Il y a peu, Christian Gaudin et moi-même avions piloté une mission commune d’information sur les centres de décision économique.

L’enjeu est majeur puisqu’il s’agit, pour notre pays, de conserver, malgré la crise, des centres de décision économique, voire à en accueillir de nouveaux, bref, de tenter d’être des sujets et non pas seulement des objets, d’influencer la réalité économique plutôt que de constater les résultats de décisions prises ailleurs.

Ce sujet du fonds stratégique nous conduit à évoquer quelques problèmes de gouvernance. Sans doute faudra-t-il innover en la matière.

Est-il normal, dans le contexte d’urgence que nous connaissons, qu’il existe à la fois une Agence des participations de l’État, une direction générale de la Caisse des dépôts et consignations, et bientôt une direction générale exécutive du nouveau fonds stratégique d’investissement ? Ne serait-il pas préférable, madame le ministre, de rassembler les responsabilités afin de mieux les identifier et de mieux contrôler les décisions ?

Mais la création de ce fonds, doté d’environ 20 milliards d’euros d’actifs, est un premier pas significatif, même s’il faudra aller bien au-delà.

En période de crise, la gouvernance budgétaire est un sujet très délicat. Je tiens à saluer le sens des responsabilités du Gouvernement, en particulier celui de Mme le ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi et de M. le ministre du budget, qui poursuivent leur politique de réformes et, en particulier, la révision générale des politiques publiques, la RGPP, dans tous ses aspects et en assumant toutes ses conséquences.

Je me réjouis de la volonté clairement affichée, en matière de maîtrise de dépenses de l’État, de tenir fermement le cap. Il nous appartiendra, mes chers collègues, de participer à cet effort. S’il est légitime que les intérêts liés à certaines activités ou à certains territoires s’expriment dans l’enceinte du Parlement, il n’en demeure pas moins –  c’est la position de la majorité de la commission des finances – que nous devons mettre un point d’honneur à ne pas alourdir les quelque 57 milliards d’euros de déficit budgétaire que nous devons nous résigner à constater.

La commission des finances s’est donc montrée cette année très limitative, plus encore que dans le passé, dans son examen des amendements. Nous nous efforcerons, quoi qu’il en coûte, de faire valoir un langage de discipline budgétaire et de responsabilité.

Aussi estimables et souhaitables que soient les actions qu’il conviendrait de mener pour soutenir l’économie, nous devrons certainement nous contraindre si nous ne voulons pas aggraver le déséquilibre déjà très préoccupant prévu dans le texte qui nous arrive de l’Assemblée nationale.

Je me réjouis également que le Gouvernement ait révisé ses hypothèses de croissance à la suite du débat sur le projet de loi de programmation triennale des finances publiques. Il faut dire la vérité : nous n’avons pas le choix ! Vis-à-vis de l’opinion publique, tout discours qui s’en éloignerait par trop serait non crédible, contre-productif et bien plus anxiogène qu’un discours de vérité.

J’approuve le choix du Gouvernement d’avoir établi ses prévisions de croissance à l’intérieur d’une fourchette. Que les temps soient difficiles ou plus cléments, nous ne devrions pas nous départir de cette vision des choses. Car ce n’est pas nous qui décidons du taux de croissance. Celui-ci ne se décrète pas et n’est pas le résultat d’un acte législatif. Ce n’est pas dans la nature des choses !

Nous devons naturellement tout faire pour soutenir notre économie au sein d’un environnement international et européen donné, mais nous devons aussi être conscients des limites de nos actes.

Outre les dispositions qui figurent déjà dans le projet de loi de finances, d’autres seront inscrites dans le collectif budgétaire de fin d’année. Nous devons nous tenir prêts pour préparer l’opinion à l’exécution d’un budget qui épouse la conjoncture.

Cela pose le problème des politiques de relance.