M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est une possibilité !

M. Guy Fischer. En conclusion, il s’agit d’un PLFSS historique de destruction, de démantèlement. Certes, d’aucuns se retranchent derrière le volontariat. Mais aujourd’hui, des verrous, des acquis sociaux datant de 1936, 1945, 1968 viennent de sauter. La seule perspective offerte aux Françaises et aux Français par la droite libérale et par M. Sarkozy est de travailler jusqu’à soixante-dix ans. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. Alain Gournac. C’est abominable ! Affreux !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Au nom du groupe UMP, je souhaite tout d’abord remercier le président de la commission des affaires sociales, Nicolas About, pour sa qualité d’écoute qui nous a permis de débattre dans les meilleures conditions. J’adresse naturellement les mêmes remerciements aux rapporteurs Alain Vasselle, Dominique Leclerc, Gérard Dériot, André Lardeux, Sylvie Desmarescaux, et au rapporteur pour avis, Jean-Jacques Jégou, dont les travaux de grande qualité ont permis d’enrichir le projet de loi. Je remercie enfin l’ensemble des collaborateurs de la commission des affaires sociales, qui ont quasiment travaillé jour et nuit sur ce texte.

Nos concitoyens sont légitimement attachés au modèle social, fondé sur deux principes : la solidarité nationale et la responsabilité. Le groupe UMP estime que les mesures proposées dans le PLFSS pour 2009 concilient ces deux impératifs.

Ainsi, nous avons approuvé la majoration de la contribution des organismes complémentaires, qui, comme l’a souligné Mme la ministre de la santé lors des débats, n’est qu’un « rééquilibrage légitime ».

Nous avons aussi adopté l’article créant un forfait social de 2 % sur l’intéressement, la participation, l’épargne salariale et la retraite supplémentaire.

Ce double principe de responsabilité et de justice sociale a orienté tous nos votes dans le sens à la fois d’un assainissement des comptes et du soutien aux assurés les plus modestes.

C’est pourquoi nous avons approuvé les mesures proposées par le Gouvernement en faveur de nos concitoyens les plus modestes, notamment la revalorisation des petites retraites agricoles et celle des pensions de réversion, même si nous n’avons pas levé la limite d’âge de cinquante-cinq ans.

C’est sur les mêmes fondements que nous avons voulu donner une liberté supplémentaire aux salariés en leur permettant de travailler après soixante-cinq ans s’ils le veulent, et uniquement s’ils le veulent. La seule chose qui change, c’est la possibilité laissée à ceux qui le souhaitent, et uniquement à ceux-là, de continuer à travailler au-delà, sans se retrouver d’office à la retraite contre leur volonté ; quoi qu’on en ait dit, ce n’est que justice. C’est la raison pour laquelle, monsieur Fischer, c’est un PLFSS non pas de destruction, mais de libre choix.

M. François Autain. De libération ?

Mme Marie-Thérèse Hermange. Le président de la République a exprimé sa détermination à lancer une réforme structurelle afin de redresser les comptes sociaux tout en améliorant sans cesse la qualité de la prise en charge et des prestations. Cette volonté est parfaitement traduite dans le PLFSS.

Je tiens donc à vous faire part, monsieur le ministre, du soutien de mon groupe à ce texte et, plus généralement, à vos efforts et à ceux de tout le Gouvernement pour renforcer notre protection sociale au service de nos concitoyens.

Les membres du groupe UMP voteront ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Alain Gournac. Bravo ! Libre choix !

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la protection sociale est née de la volonté d’améliorer les conditions de vie de chaque individu en protégeant celui-ci des risques auxquels il doit faire face. Elle joue un tel rôle en termes de cohésion sociale que son budget dépasse largement celui de l’État.

La sécurité sociale constitue une exigence démocratique, une vision de la société et un projet d’avenir. Or, monsieur le ministre, vous nous présentez, année après année, des budgets sans ambition ni perspective.

Une telle apathie dans un domaine aussi important pour l’équilibre de notre société témoigne soit d’une indifférence coupable, soit d’une stratégie délibérée (M. le président de la commission des affaires sociales s’exclame), à savoir justifier peu à peu le transfert vers l’assurance individuelle de ce qui relève de la solidarité nationale.

Pourtant, la crise que nous traversons nous rappelle à quel point les idéaux et les valeurs qui ont fondé notre protection sociale en 1944 sont plus que jamais indispensables pour affronter sans violence les soubresauts d’un monde fragile.

Pourquoi ce qui a été possible après une guerre mondiale, dans un pays dévasté, ne le serait-il plus alors que la production de richesses a considérablement augmenté en Europe ?

Pour refonder cet espoir, des réformes de structures sont indispensables.

Or, avec ce PLFSS, nous en sommes loin. Non seulement il est insincère, parce que fondé sur des hypothèses irréalistes, des recettes gonflées et des dépenses sous-évaluées, mais il ne s’élève jamais à la hauteur des enjeux.

Alors que les inégalités s’aggravent en matière de santé, que les horizons s’assombrissent s'agissant des retraites, que la politique familiale déçoit les attentes, ce projet élude les véritables problèmes et ne regarde jamais vers l’avenir.

Les Français sont confrontés à la désertification médicale, aux difficultés d’accès aux soins, à la hausse des prélèvements, à la baisse des remboursements, à la pénurie de médecins en secteur 1, aux dépassements d’honoraires et à la crise de l’hôpital. Mais jamais ce PLFSS n’aborde ces questions !

Les Français ont mal vécu l’introduction d’un amendement sur la retraite à soixante-dix ans, ce ballon d’essai que vous avez envoyé pour tester le recul prochain de l’âge légal du départ à la retraite.

En revanche, aucune disposition ne porte sur les entreprises qui licencient les travailleurs âgés, ni sur les difficultés que ceux-ci éprouvent à réaliser des carrières complètes, ni sur la pénibilité du travail. Pourtant, ce sont là autant de points qui intéressent les salariés, autant de réflexions que vous choisissez d’ignorer !

Et lorsque certaines réformes vont dans le bon sens, vous reprenez d’une main ce que vous donnez de l’autre. Ainsi, vous communiquez sur l’augmentation des pensions de réversion, mais vous occultez le fait que seules les retraites les plus basses sont concernées par cette mesure et que les veuves et les veufs devront attendre soixante-cinq ans pour en profiter.

Vous êtes prêt à poursuivre les bénéficiaires de l’aide médicale d’État et de la CMU-c pour un retard dans une réponse à un courrier, mais vous renoncez à rechercher et à poursuivre les patrons qui ont laissé leurs ouvriers exposés à l’amiante, ou à contrôler efficacement les employeurs qui ne déclarent pas les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Dans ce PLFSS, il n’y a guère que les exonérations de cotisations sociales qui soient en progression ! L’an prochain, elles atteindront 42 milliards d’euros, soit une augmentation de plus de 30 %, dont une bonne partie ne sera pas compensée par l’État. Ce choix, qui n’a jamais donné de résultats probants en ce qui concerne l’emploi, aggravera la situation de la sécurité sociale.

Enfin, alors que les inégalités se développent et que la précarité s’installe, le Gouvernement continue à « chouchouter » les stock-options, retraites chapeaux et autres parachutes dorés.

Vous mégotez sur la revalorisation du minimum vieillesse et n’acceptez de taxer les golden parachutes que s’ils dépassent un million d’euros, ce qui donne une idée de l’ordre de vos priorités !

Mme Nicole Bricq. Tout à fait !

Mme Raymonde Le Texier. La sécurité sociale, c’est à la fois un idéal, des besoins et un savoir-faire. Entre vos mains, c’est seulement un bilan comptable, des restrictions et un plan de liquidation.

Nous ne voterons pas un projet de financement qui, au lieu de porter haut les couleurs de la solidarité, met en berne la promesse d’avenir que porte celle-ci. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Lors de l’examen du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Sénat a accompli un travail considérable et obtenu l’adoption d’un grand nombre de précisions utiles et d’améliorations notables, en ce qui concerne tant la branche maladie et la branche vieillesse, bien sûr – c’est le cœur de ce texte –, que la branche famille, dont les prestations apportées à nos concitoyens contribueront aux ressources du système de protection sociale de demain.

Je voudrais saluer tous nos collègues qui ont été présents et qui ont participé activement à nos débats. Dans mes remerciements, j’inclurai les présidents de séance, y compris M. le président du Sénat, qui, en outre, a siégé parmi nous et a parfois contribué à faire en sorte que la majorité soit effectivement majoritaire dans l’hémicycle.

Je voudrais aussi remercier tous les membres du Gouvernement, c'est-à-dire Éric Woerth, Xavier Bertrand, Roselyne Bachelot-Narquin, Valérie Létard, Nadine Morano et Yves Jégo, qui nous ont fait profiter de leurs connaissances durant l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Toutefois, mes chers collègues, je tiens également à dire combien j’ai été gêné, troublé, cette année plus encore peut-être que lors de l’examen des précédents PLFSS, par les conditions de travail abominables …

M. François Autain. Et encore, le mot est faible !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. … qui ont été imposées à la commission. (Marques d’approbation.)

En tant que président de la commission des affaires sociales, je trouve vraiment singuliers les horaires de travail auxquels nous sommes contraints et qui défient toutes les règles relatives aux heures supplémentaires, sans même évoquer les trente-cinq heures chères à Mme Aubry, aujourd'hui candidate à la direction du parti socialiste. (Sourires sur les travées de lUMP.)

À l’avenir, il faudra obtenir que soit laissé à l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale le temps qu’il mérite, compte tenu de son impact particulièrement large et durable sur la vie de nos concitoyens.

En effet, si l’impôt direct ne frappe qu’une partie des Français, il n’en va pas de même des mesures qui découlent du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Chacun sait qu’au cours de ces débats nous abordons la santé, la vieillesse et la famille, qui constituent des préoccupations unanimement partagées. Je pense donc que ce texte mérite plus de respect. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’issue de l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, je veux à mon tour me féliciter de la qualité de nos débats.

J’associe évidemment à mes propos les membres du Gouvernement qui ont participé à ces délibérations, en fonction des responsabilités dont ils sont chargés, c'est-à-dire Roselyne Bachelot-Narquin, Xavier Bertrand, Valérie Létard, Nadine Morano et Yves Jégo. Vous voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, que le projet de loi de financement de la sécurité sociale, que j’ai l’honneur de porter et coordonner, concerne de nombreux ministres : près d’un tiers du Gouvernement !

Ces débats ont permis, je le pense, de mieux expliquer ce projet, mais aussi de l’améliorer. Je rappelle qu’il a donné lieu à l’examen de quelque 534 amendements.

Je tiens en particulier à remercier M. le président de la commission des affaires sociales, Nicolas About, de la qualité des travaux de la commission et de ses interventions. Je saluerai également les différents rapporteurs de ce projet de loi, Alain Vasselle, Sylvie Desmarescaux, André Lardeux, Dominique Leclerc et Gérard Dériot, ainsi que, au titre de la commission des finances, Jean-Jacques Jégou.

Comme je m’y étais engagé, nous avons acté au cours de ces débats la révision – la dégradation, pour être exact, compte tenu de la crise qui nous frappe – de nos perspectives dites « macroéconomiques ».

Au moment où, je l'espère, vous allez voter ce texte, le déficit du régime général n’est plus ce qu’il était quand nous avons déposé ce PLFSS, puisqu’il devrait atteindre en 2009 la somme de 10,9 milliards d'euros.

En matière de financement, en moins de deux ans, à travers ce texte et le précédent projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous aurons sensiblement revu les règles d’assujettissement aux cotisations sociales, pour les élargir à de nombreuses niches sociales. Il s'agit donc d’une avancée tout à fait spectaculaire, contrairement à ce qu’ont affirmé certains sénateurs de gauche.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez voté un forfait social de 2 % qui constitue un progrès très important. Vous avez décidé que les fameux parachutes dorés seraient assujettis dès le premier euro à la CSG et à la CRDS, dès lors que ces indemnités dépasseront un million d’euros, ce qui les rendra nettement moins attractives.

Je vous remercie également d’avoir mené une discussion très approfondie sur l’article 22, relatif aux relations financières entre l’État et la sécurité sociale. Plus encore que les années précédentes, vous avez contribué à éclaircir ces relations parfois ambigües et fertiles en malentendus.

Nous poursuivrons cet effort en décembre prochain, lors de l’examen du collectif budgétaire. En effet, une grande partie des dépenses de ce collectif est due à l’ouverture nette de crédits visant à diminuer la dette de l’État vis-à-vis de la sécurité sociale ou à éviter sa reconstitution à cause de dispositifs comme l’allocation aux adultes handicapés ou l’allocation de parent isolé, pour ne citer que ces deux prestations.

En ce qui concerne l’assurance maladie, le débat sur l’hôpital a été extrêmement riche. Il en a été le même pour le champ médico-social.

S'agissant des retraites, votre vote confirme la liberté de choix des salariés et la fin des mises à la retraite d’office, qui tombaient comme des couperets. Je pense que vos discussions avec Xavier Bertrand ont permis, si c’était nécessaire, de lever les dernières ambigüités ou de dissiper les éventuelles incompréhensions qui étaient apparues.

C’est une liberté nouvelle qui est désormais offerte aux salariés : tous ceux qui le souhaitent pourront continuer à travailler après soixante-cinq ans, sans pour autant que ceux qui s’y refusent voient aucunement leurs droits remis en cause. Il en va de même dans le domaine de l’aviation civile.

Je veux insister aussi sur la réforme de l’ITR, l’indemnité temporaire de retraite, qui est versée dans les DOM-TOM. Cette mesure importante, à la fois juste et efficace, dont on parlait depuis des années, a enfin pu être adoptée.

Enfin, je vous félicite pour le travail que vous avez réalisé sur l’article 70, qui permet à la branche famille de continuer à prendre en charge des majorations de pensions. Nous devions aussi mener ce débat.

Ce projet de loi conforte et diversifie le financement de la sécurité sociale, en même temps qu’il renforce les instruments de sa gestion. Il rendra la dépense plus efficace et plus juste. Le court débat que nous avons eu sur le problème de la fraude le montre bien ; nous aurons d'ailleurs l’occasion d’y revenir dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances rectificative, notamment.

Pour toutes ces raisons, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite, bien sûr, à voter en faveur de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission des affaires sociales et, l'autre, du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 45 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 332
Majorité absolue des suffrages exprimés 167
Pour l’adoption 180
Contre 152

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2009
 

9

Nomination de membres d'une commission mixte paritaire

Mme la présidente. Monsieur le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire sur le texte que nous venons d’adopter.

La liste des candidats établie par la commission des Affaires sociales a été affichée, conformément à l’article 12 du règlement.

Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : MM. Nicolas About, Alain Vasselle, Dominique Leclerc, Jean-Jacques Jegou, Bernard Cazeau, Mme Raymonde Le Texier et M. Guy Fischer ;

Suppléants : M. Gilbert Barbier, Mmes Jacqueline Chevé et Annie David, M. Gérard Dériot, Mmes Christiane Demontes, Sylvie Desmarescaux et M. André Lardeux.

10

 
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Discussion générale (suite)

loi de finances pour 2009

Discussion d'un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale (nos 98 et 99).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Question préalable (début)

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, dans la période de crise que nous traversons, la réactivité est évidemment primordiale : un temps de retard dans une décision peut entraîner des effets dévastateurs sur une économie déjà bien chahutée à l’échelle planétaire.

Pour autant, réactivité ne veut pas dire précipitation. Certes, il faut savoir prendre des risques, et des risques mesurés, mais on ne peut se dispenser du temps nécessaire à l’analyse. Le budget de l’État, qui est un des instruments majeurs de pilotage de l’économie dont dispose le Gouvernement, se doit naturellement d’être réactif, c'est-à-dire susceptible de s’adapter à la situation, et en même temps sincère.

Cela signifie qu’il a fallu concilier des paramètres a priori contradictoires : la brutalité de la crise, le temps nécessaire pour analyser les données et le rythme de notre procédure budgétaire. Je pense que nous sommes, tous ensemble, parvenus à faire face à cette situation exceptionnelle.

Avec Christine Lagarde, nous avons présenté devant votre Haute Assemblée les versions révisées des prévisions de croissance et de finances publiques aussi rapidement que possible. C’était il y a très peu de temps, à l’occasion de la discussion dans cet hémicycle du projet de loi de programmation des finances publiques, le 6 novembre dernier. C’était le moment adéquat pour le faire, car nous avons pu débattre de ces révisions pour l’ensemble des finances publiques sur l’ensemble de la législature.

J’ai ensuite eu l’occasion de détailler avec vous ces révisions pour la sphère sociale dans le PLFSS. J’en tirerai aujourd’hui logiquement les conséquences avec le présent projet de loi de finances en présentant les amendements correspondant à ces révisions.

Pour importants qu’ils soient, ces amendements sont soigneusement circonscrits et concernent principalement l’équilibre et les recettes. Comme je m’y étais engagé, je ne modifie pas les dépenses au-delà de l’incidence mécanique des hypothèses révisées sur la charge d’intérêt et les dépenses indexées.

Ces révisions nous conduisent donc de manière totalement transparente à afficher – malheureusement, dirai-je – un déficit budgétaire plus important pour 2009 puisqu’il s’élève à 57,6 milliards d’euros, ainsi que je l’ai indiqué hier soir à l’Assemblée nationale.

Bien sûr, la dégradation des prévisions de recettes et de déficit a beaucoup retenu l’attention ; c’est sur elle qu’a porté l’essentiel des commentaires. Pour autant, cela ne doit pas occulter l’essentiel. L’objet premier de la discussion budgétaire n’est pas de faire voter une prévision par le Parlement : le budget n’est pas le « concours Lépine » des conjoncturistes !

Le budget est d’abord la traduction financière d’orientations politiques claires. Les nôtres concernent l’efficacité de la dépense, l’amélioration de la fiscalité et une stratégie nettement définie au cas où nous serions confrontés à de nouvelles surprises, stratégie consistant à laisser agir la conjoncture sur les recettes.

Ces orientations, qui relèvent non pas de la prévision mais de l’action, n’ont pas changé depuis la présentation de ce texte en conseil des ministres tout simplement parce que ce sont celles qui s’imposent à nous. Elles s’imposent à court terme : il nous faut amortir la crise. Elles s’imposent aussi à moyen terme : nous devons préparer l’avenir et tirer au mieux parti de la reprise lorsqu’elle viendra, car elle viendra. Elles s’imposent enfin à long terme : il s’agit de conserver le contrôle de nos finances publiques.

Le projet de loi de finances était d’une parfaite sincérité lorsqu’il a été déposé puisque l’hypothèse d’une croissance de 1 % en 2009 était alors partagée par absolument tous les économistes. J’entends évidemment qu’il conserve toute sa sincérité et tout son réalisme.

Comme je vous l’avais annoncé, face à la dégradation de nos perspectives de croissance, notre choix est de ne pas modifier la progression réelle des dépenses et de ne pas chercher non plus à compenser par des augmentations de recettes la faiblesse de la conjoncture. En d’autres termes : pas de coupes sévères et pas de hausses d’impôts.

En acceptant que les recettes diminuent avec la conjoncture, nous laissons jouer ce que les économistes appellent les « stabilisateurs automatiques ». Or ces stabilisateurs sont puissants en France, ce qui n’est d’ailleurs pas suffisamment compris.

Pourquoi sont-ils puissants ? Tout simplement parce que la sphère publique représente une part très importante de l’activité, bien plus importante que dans d’autres pays. En France, c’est plus d’un euro sur deux produits chaque année qui transite par l’administration. Mesdames, messieurs les sénateurs, cinquante points de PIB, c’est évidemment considérable, et, je l’ai souvent rappelé, nous sommes quasiment les champions d’Europe en la matière !

Le choix de ne pas compenser une diminution de 0,5 % des ressources en France représente donc un effort plus substantiel que pour des pays où les recettes ne représentent que quarante points de PIB, comme au Royaume-Uni, ou trente, comme aux États-Unis. En laissant jouer les stabilisateurs, l’État prend ainsi à sa charge une large part de l’impact de la crise sur l’économie française. L’avantage de cette stratégie, c’est aussi qu’elle s’adapte à l’ampleur de la crise : si celle-ci se révélait plus marquée, l’effort de l’État serait automatiquement plus important.

Au total, pour 2009, les recettes seraient ainsi revues à la baisse de près de 7 milliards d’euros, en tenant compte à la fois de la révision de la croissance et de la sensibilité de certains impôts à la crise financière, comme l’impôt sur les sociétés. Les recettes de ce dernier devraient enregistrer une diminution de 4 milliards par rapport aux prévisions initiales. Les autres recettes fiscales seraient affectées dans une moindre mesure, notamment la TVA, pour laquelle la diminution serait de 2 milliards d’euros.

Selon ces prévisions, qui sont les plus prudentes jamais retenues, les recettes de l’État progresseraient, à législation constante, de 0,7 %, c'est-à-dire deux fois moins vite que l’inflation.

En matière de dépenses, la recherche de l’efficacité n’est évidemment pas soluble dans la crise. Bien au contraire, c’est l’efficacité de la dépense qui garantit la solvabilité de l’État. C’est elle qui permettra de rétablir à terme des marges de manœuvre dont nous aurions bien besoin aujourd’hui ; elle est la condition de l’assainissement de nos finances publiques.

Les discussions à l’Assemblée nationale ont validé cette approche puisque les nombreux amendements adoptés n’ont pas modifié significativement l’équilibre du texte. Des crédits supplémentaires ont été accordés pour faire face à la crise. Ils serviront à soutenir les PME et, sur le front de l’emploi, à augmenter le volant d’emplois aidés. Ces crédits ont notamment été gagés par des économies supplémentaires sur toutes les missions.

Par conséquent, je n’ai pas modifié les dépenses au-delà de l’impact mécanique des nouvelles prévisions macroéconomiques sur le poste de la charge de la dette et celui des dépenses de pensions.

En revanche, et je sais que votre Haute Assemblée y sera sensible, le Gouvernement a décidé de ne pas modifier les transferts aux collectivités locales qu’auraient pu impliquer les modifications apportées au taux d’inflation prévisionnel pour 2009. En effet, pour respecter la règle que nous nous étions fixée, il aurait fallu aligner l’indexation des concours sur l’inflation révisée à la baisse à 1,5 %. Nous avons décidé de ne pas le faire.

Cela représente 275 millions d’euros de plus que la norme dite du « zéro volume », …

Mme Nicole Bricq. C’est une façon de compter…

M. Éric Woerth, ministre. … ce qui permettra, je le pense, de soutenir l’investissement des collectivités dans cette période de crise. Il s’agit d’une façon de reconnaître, en ces temps difficiles, le rôle éminent des collectivités dans ce domaine.

Mme Nicole Bricq. Le compte n’y est pas !

M. Éric Woerth, ministre. Au sein de l’enveloppe supplémentaire de 1,1 milliard pour les collectivités, priorité a été donnée à l’investissement puisque le Fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, est préservé et progresse même de 660 millions d’euros.

Mme Nicole Bricq. Curieuse manière de compter !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Mais si ! C’est la vérité.

Mme Nicole Bricq. Pas vraiment, non !

M. Éric Woerth, ministre. En considérant globalement les transferts de l’État, c’est-à-dire avec les dégrèvements, la progression est même de 2,3 milliards d’une année sur l’autre, ce qui représente une augmentation de 3,2 %. Ce chiffre mérite d’être noté ; j’y reviendrai lorsque nous débattrons de ce sujet.

J’ajoute que l’État a répondu présent pour assurer le sauvetage de Dexia, une banque particulièrement impliquée auprès des collectivités, en garantissant son refinancement afin qu’elle soit en mesure d’apporter, dans cette crise, le soutien nécessaire au financement de nos collectivités locales.

Certes, nous demandons un effort aux collectivités locales, mais c’est un effort qui, me semble-t-il, doit être accepté parce qu’il est juste. Lors des débats à l’Assemblée nationale, les députés ont opéré des modifications au sein de l’enveloppe globale. J’accueillerai naturellement avec intérêt des propositions similaires de votre part. Toutefois, soyons clairs, le niveau de l’enveloppe, du point de vue du Gouvernement, ne doit pas être modifié.

La progression des concours, qui est supérieure de 275 millions d’euros au niveau de l’inflation, permettra d’ailleurs, j’en suis certain, de mener cette année un débat apaisé sur la question, même si, je n’en doute pas, nous irons au fond des choses avec passion !

En intégrant ces 275 millions d’euros, la dépense totale de l’État dépasse très légèrement – de 0,1 % – la progression de l’inflation.

J’ai eu l’occasion de le détailler lors de la discussion de la loi de programmation des finances publiques : à l’intérieur de ce quasi « zéro volume », il nous faut d’abord faire face aux dépenses héritées du passé. Or, à cet égard, les bonnes surprises que l’on a pu enregistrer les années précédentes sur la charge de la dette et les dépenses de pensions ne se reproduiront pas : c’est bel et bien terminé !

Ces contraintes héritées du passé – et d’un passé qui nous est commun – signifient, très concrètement, une progression quasi nulle en euros courants pour l’ensemble des dépenses des ministères en personnel, en investissement et en intervention.

Pour autant, il ne faut pas relâcher l’effort sur un sujet qui vous tient autant à cœur qu’à moi : la transparence des comptes.

D’abord, pour lutter contre les sous-budgétisations, je vous propose une enveloppe de près d’un milliard d’euros supplémentaires. À ce milliard s’ajoutent par ailleurs, comme vous le verrez lorsque vous examinerez le collectif budgétaire, 800 millions d’euros que je dégage pour éviter la reconstitution trop importante – elle existera, mais restera contenue – de la dette de l’État envers la sécurité sociale. En outre, au-delà de ces 800 millions, nous dégageons aussi 750 millions pour rembourser des dettes anciennes.

Ensuite, nous ne reportons pas la dépense sur les opérateurs, dont les effectifs, pour la première fois et grâce aux directives que j’ai données aux représentants de l’État, baisseront en 2009.

Enfin, j’intègre dans le déficit tout ce qui doit effectivement apparaître dans le « compte de résultat », comme dirait Jean Arthuis. J’ai décidé, par exemple, que l’État devait reprendre la dette du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, et apporter des ressources durables pour réduire l’impasse de financement ; cela représente 1,5 milliard d’euros. Quant aux comptes de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, j’y ai remis de la clarté en prévoyant une subvention de 1,2 milliard destinée les équilibrer.

Le fait de maîtriser les dépenses n’implique nullement le sacrifice de celles qui sont prioritaires. Au contraire, c’est une manière de mieux gérer les instruments dont avons précisément besoin pour renforcer notre économie et traverser la crise actuelle.

Il faut valoriser le travail et privilégier l’investissement au sens large, c’est-à-dire l’investissement physique, mais aussi l’investissement dans la recherche et l’enseignement supérieur. Car, pour des pays très développés tels que la France, la croissance supplémentaire se gagne évidemment aux frontières de l’innovation. Il faut donc naturellement que cette croissance soit « soutenable » ; c’est tout le défi du Grenelle de l’environnement. Nous devons rendre compatibles tous ces impératifs.

Pour la mise en œuvre de ces priorités, nous avons dégagé des moyens sans précédent : 1,8 milliard d’euro supplémentaire par an pour la recherche et l’enseignement supérieur.

L’effort en faveur de l’investissement civil, en particulier les infrastructures, augmentera de près de 6 % en 2009. Au total, en tenant compte des partenariats public-privé, les investissements dans les infrastructures devraient quasiment doubler entre 2007 et 2012.

Sur l’ensemble de la période, ce sont environ 175 milliards d’euros de moyens qui seront mobilisés pour l’investissement au sens large.

Les financements sont aussi adaptés aux différents besoins. Ainsi, pour le Grenelle de l’environnement, les financements utilisent tous les leviers nécessaires à ce changement radical : des crédits budgétaires, bien entendu, mais aussi des leviers réglementaires et fiscaux et des partenariats public-privé. Ce projet de loi de finances promeut ainsi un « verdissement » général de notre fiscalité.

Enfin, la revalorisation du travail se poursuit, avec l’entrée en vigueur des lois sur l’emploi et le pouvoir d’achat, avec la rationalisation, conformément à la révision générale des politiques publiques, des dispositifs d’exonération ciblés et avec la généralisation du revenu de solidarité active.

Il n’y a pas de magie : pour pouvoir à la fois financer nos priorités, faire face aux dépenses héritées du passé et renforcer la transparence du budget, tout cela avec une dépense ne progressant qu’au niveau de l’inflation, il a fallu opérer d’importants redéploiements.

Ce projet de budget traduit une recherche d’efficacité dans tous les domaines. Aucune piste d’amélioration n’a été taboue, même au sein des missions prioritaires. Toutes les économies issues, notamment, de la RGPP ont été exploitées. J’en ai déjà donné de nombreux exemples et je ne vais pas les égrener à nouveau, ne voulant pas allonger mon propos.

C’est grâce à cette méthode de recherche systématique d’efficacité des dépenses que, pour la première fois, nous n’allons pas remplacer près d’un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique, ce qui se traduira par une baisse des effectifs de 30 600 emplois, soit, en une année, autant que durant tout le quinquennat précédent.

Cependant, plus que les annonces, ce qui compte, c’est l’application effective de la réforme de l’État. Nous avons tenu à ce que la mise en œuvre de la RGPP fasse l’objet d’un suivi précis, et j’aurai l’occasion de faire le point à ce sujet devant le conseil des ministres, mercredi prochain.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs : nous maintenons fermement la maîtrise de la dépense, car la crise ne peut être un alibi pour gaspiller d’argent public, au contraire.