M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin.

M. Daniel Marsin. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le vote des crédits de la mission « Outre-mer » est l’occasion, chaque année, de rappeler que l’outre-mer est non pas un boulet pour la France, mais bien un atout précieux, en raison de sa diversité culturelle, de ses potentiels en termes de ressources naturelles, de son environnement géographique et des possibilités qu’il offre sur le plan des échanges et des relations géostratégiques.

Monsieur le secrétaire d'État, dès votre prise de fonction, vous vous êtes attelé avec efficacité aux dossiers en cours, et la tâche n’était pas aisée, notamment la préparation du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, la question du chlordécone ou encore les mesures d’urgence nécessitées par la crise financière actuelle, dont les effets pourraient être encore plus dévastateurs dans nos contrées qu’en métropole.

À périmètre constant, les autorisations d’engagement de la mission « Outre-mer », d’un montant de 1,97 milliard d’euros, progressent de 19,2 %, tandis que les crédits de paiement, d’un montant de 1,88 milliard d’euros, progressent quant à eux de 16 % par rapport à 2008. Cet effort est appréciable, même si, ici ou là, quelques interrogations subsistent.

Avant de m’intéresser plus avant aux programmes composant cette mission, je ferai quelques remarques d’ordre général.

D’une part, je suis conscient que ce budget ne représente pas l’effort financier global de l’État en faveur de l’outre-mer, mais qu’il n’en retrace qu’une petite partie. Cet effort global, qui se monte à 13,4 milliards d’euros, est considérable, même s’il a tendance à stagner.

Toutefois, si l’on prend en compte les 3,3 milliards d’euros consacrés, en 2009, aux exonérations fiscales, cet effort financier global augmente de 6 %, ce qui est appréciable dans le contexte financier actuel.

D’autre part, on ne peut que prendre acte de la volonté de rationalisation qui s’est manifestée à travers la révision générale des politiques publiques. Celle-ci a conduit à la mise en place de la délégation générale à l’outre-mer, dont on ne peut qu’espérer qu’elle ne compromettra pas l’efficacité de l’action de l’État, compte tenu des enjeux majeurs de la période qui s’ouvre.

J’en viens maintenant à la mission « Outre-mer » proprement dite.

Tout d’abord, les ajustements réguliers de périmètre, si judicieux et nécessaires soient-ils, rendent toujours plus difficiles l’étude et l’appréciation de l’évolution de l’ensemble des crédits consacrés à cette mission.

Nous espérons que ce périmètre finira par se stabiliser, ce qui facilitera la tâche des uns et des autres.

J’en viens maintenant aux détails des programmes composant la mission « Outre-mer ».

Tout d’abord, le programme « Emploi outre-mer », qui représente la plus grosse part des crédits alloués à cette mission, soit 63,40 %, connaît une hausse de 19,42 % en crédits de paiement et de 20,26 % en autorisations d’engagement. Je m’en félicite.

Il convient de noter que les crédits de l’action « Soutien aux entreprises » de ce programme enregistrent une forte hausse, de 21,1 %.

Soulignons également la nouvelle ligne de crédits destinés à soutenir le fret. Cet effort budgétaire important montre que le Gouvernement est décidé à aider les entreprises, afin que celles-ci puissent créer des emplois.

Si ces avancées sont tout à fait notables, en revanche certaines questions se posent en matière d’exonérations de charges sociales, monsieur le secrétaire d'État, notamment à cause de l’article 65 du projet de loi de finances, qui est rattaché à la mission « Outre-mer ».

Comme d’autres intervenants avant moi, je regrette que cet article soit discuté avant l’examen du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, qui se trouve sur le bureau du Sénat depuis le 28 juillet dernier !

C'est pourquoi je soumettrai deux amendements à notre assemblée, l’un visant à conditionner l’application des dispositions de cet article à l’entrée en vigueur de la future loi, l’autre tendant à prendre en compte l’existence de zones franches urbaines outre-mer.

Monsieur le secrétaire d'État, je voudrais également vous faire part de nos interrogations sur les conséquences prévisibles que les dates butoirs et les paliers prévus par l’article 65 en matière d’exonérations de charges sociales entraîneront sur l’emploi qualifié.

Nous souhaitons tous que se développent dans nos régions des entreprises à forte valeur ajoutée, notamment dans les secteurs de l’environnement et des nouvelles technologies. Espérons donc que l’impact de cet article sur l’emploi qualifié ne sera pas négatif !

J’en viens à un sujet vital pour les petits entrepreneurs ultramarins. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, ceux-ci bénéficiaient jusqu’à présent de la défiscalisation dite « en interne », qui leur permettait d’autofinancer leurs investissements et d’assurer leur trésorerie par le refinancement de leurs créances sur l’État.

Or, en l’état actuel du projet de loi de finances pour 2009, cette disposition semble remise en cause. Monsieur le secrétaire d'État, comptez-vous rétablir la situation antérieure, au bénéfice de ces petites entreprises ?

En ce qui concerne l’action n° 2 « Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle », nous constatons également une augmentation des crédits de paiement, de l’ordre de 8,74%. Je me réjouis de cette hausse, qui sert essentiellement à financer le SMA, le service militaire adapté. En effet, ce dispositif a rencontré un véritable succès, comme le soulignait à l’instant Mme Lucette Michaux-Chevry, et il mérite d’être développé.

Pour autant, les autres aides à la qualification ou à la formation me semblent nettement en deçà des énormes besoins en la matière.

Monsieur le secrétaire d'État, je m’interrogeais tout à l’heure sur l’application du RSA outre-mer, mais votre collègue Martin Hirsch m’a rassuré, en soulignant, d'une part, que la taxe de 1,1 % ne serait pas prélevée outre-mer tant que le RSA n’y serait pas en vigueur, et, d'autre part, que le dispositif du RSA s’appliquerait outre-mer dès que les départements y seraient prêts.

J’en viens maintenant au programme « Conditions de vie outre-mer ». Celui-ci représente 39,51 % des crédits de la mission et connaît une hausse substantielle, dont il convient de se réjouir. Au sein de ce programme, mon propos va cibler trois actions en particulier.

Tout d’abord, j’évoquerai l’action « Logement ». Même si les crédits ici ont légèrement augmenté, je regrette que les dotations prévues ne puissent « éponger » entièrement la dette de l’État envers les bailleurs sociaux. Mes chers collègues, nous devons conforter la situation financière de ces derniers – j’y insiste – si nous voulons qu’ils réalisent les importants programmes de construction de logements sociaux qui leur incombent et qui induisent d’importants effets positifs sur le bâtiment et sur l’emploi.

De même, à la suite de Mme Anne-Marie Payet, j’aimerais attirer l’attention sur la nécessaire réactualisation des paramètres retenus pour le financement du logement social. Monsieur le secrétaire d'État, où en est ce dossier ? Ces paramètres étant figés depuis un certain temps, une action résolue s’impose à cet égard, me semble-t-il, afin de favoriser la réalisation de ces programmes de construction que nous attendons tous.

Ensuite, je veux insister sur l’action permettant la création du Fonds exceptionnel d’investissement. Le principe, monsieur le secrétaire d'État, en est tout à fait excellent, et je vous en félicite. Mais encore faut-il y mettre les moyens ! Seuls 16 millions d’euros en crédits de paiement et 40 millions d’euros en autorisations d’engagement sont alloués pour 2009, ce qui est bien peu.

Je me demande d'ailleurs si nous ne devrons pas procéder en cours d’année à certains arbitrages pour abonder cette ligne budgétaire, car, compte tenu des besoins énormes de l’outre-mer, la demande sera sans doute extrêmement forte. Avez-vous d'ores et déjà quelques idées sur cette question, monsieur le secrétaire d'État ?

Enfin, j’évoquerai l’action « Continuité territoriale ». Ses crédits n’ont pas évolué de façon très positive alors que, vous le savez comme moi, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, nos compatriotes de l’outre-mer sont très attachés au principe fondamental de la continuité territoriale, qui assure le lien entre tous les citoyens.

À l’évidence, les crédits sont insuffisants quand on sait combien le passeport mobilité et les actions menées dans le cadre du projet initiative jeune, qui rencontre d'ailleurs un grand succès, sont essentiels, pour les étudiants comme pour les jeunes en parcours d’insertion.

À propos, monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous éclairer sur l’état d’avancement du dossier des tarifs aériens low cost pour les vols longs courriers, au sujet desquels, je le sais, vous menez des discussions ? Les résultats de ces négociations sont-ils favorables ? Sommes-nous proches de la fin du quasi-monopole d’Air France ?

Ne serait-il pas judicieux d’envisager la mise en place de « tarifs résidents », qui, comme ce fut le cas entre la Corse et le continent, entraîneraient une baisse substantielle des tarifs entre l’outre-mer et la métropole ?

Enfin, monsieur le secrétaire d'État, quelles actions avez-vous entreprises pour traiter le problème de la pollution des sols par le chlordécone, qui est toujours d’actualité ? Vous savez combien cette question est importante pour l’image de l’outre-mer, et singulièrement de la Guadeloupe et de la Martinique.

Pour conclure, monsieur le secrétaire d'État, faire de l’outre mer un pôle d’excellence et de croissance économique est une mission difficile, mais pas impossible !

C’est en tout cas la tâche que vous vous êtes fixée, et j’ai envie de vous encourager. Pour cela, le mieux serait sans doute de voter votre budget (Sourires), qui s’inscrit dans le cadre d’une programmation pluriannuelle plutôt rassurante.

Toutefois, vous vous en doutez, avant de prendre une telle décision, j’attends, et avec beaucoup d’impatience, les réponses que vous voudrez bien apporter aux questions cruciales que je viens de poser. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Gaston Flosse.

M. Gaston Flosse. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme tous les parlementaires, j’ai été très intéressé par la présentation d’un budget en forte augmentation pour l’outre-mer.

J’apprécie la valeur du message ainsi adressé à nos populations.

Dans un contexte de très graves difficultés économiques et financières, le Gouvernement de la République veut montrer aux Français ultramarins qu’ils ne sont pas oubliés, qu’ils constituent même une véritable priorité, puisque, malgré la crise, l’effort de la nation en leur faveur augmente de plus de 9 %.

J’ai eu envie d’applaudir vigoureusement. D'ailleurs, j’aurais dû le faire immédiatement, sans réfléchir et sans lire le texte, parce que, quand on examine celui-ci avec attention, ce ne sont plus les mains qui expriment bruyamment l’enthousiasme, ce sont les dents qui grincent sourdement d’amertume et de colère impuissante.

Ce budget n’est qu’une opération de communication, monsieur le secrétaire d'État ! Il vise à masquer la réalité du recul des engagements de l’État en faveur des collectivités d’outre-mer.

Tous ceux qui ont lu comme moi le compte rendu des débats de l’Assemblée nationale savent que les députés n’ont pas été dupes des artifices de présentation de ce budget. Et les sénateurs ne seront certainement pas plus naïfs.

Notre rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, malgré sa grande mansuétude, signale d’ailleurs qu’« il ne peut passer sous silence le fait que cette progression affichée ne correspond pas à la réalité. En effet, les augmentations consenties aux crédits de la mission "Outre-mer" servent à combler les dettes que l’État a contractées […] ».

Sans entrer dans des détails trop techniques, il faut d’abord rétablir la vérité : l’augmentation affichée de 9 % de ce budget n’a aucune signification ; elle peut même dissimuler une sévère diminution des crédits alloués !

Prenons-en un exemple simple. En Polynésie française, les pensions des retraités polynésiens constituent un soutien très important à l’économie. La réduction drastique de cette ressource et sa suppression progressive représentent pour nous une perte bien plus grande que les 9 % d’augmentation des crédits que l’on nous présente triomphalement !

Et qu’on ne vienne pas nous dire que cet argent sera réinvesti chez nous : c’est faux, et nous en avons déjà la preuve, avant même que la mesure ne soit appliquée ! Oui, déjà l’Assemblée nationale, sous la pression de Bercy, a adopté un amendement visant à transférer 10 millions d’euros économisés sur l’ITR, l’indemnité temporaire de retraite, vers une autre ligne budgétaire.

Je n’entrerai pas dans une querelle de chiffres pour déterminer l’augmentation réelle des moyens consacrés à l’outre-mer. À quoi bon, d'ailleurs, puisque c’est la sincérité de la présentation qui est en cause !

Je me contenterai de deux exemples pour montrer que cette augmentation n’est qu’un artifice de présentation.

Premier exemple, dans ses dépenses en faveur de l’outre-mer, l’État comptabilise les ressources perdues à cause de la défiscalisation. C’est légitime, ou plutôt ce le serait si l’on prenait en considération le coût de la défiscalisation tel qu’on peut raisonnablement le prévoir en 2009, après les mesures de restriction qui seront adoptées la semaine prochaine. Malheureusement, le calcul a été réalisé à partir des sommes actuellement défiscalisées !

Or chacun sait qu’en raison même des mesures annoncées les sommes défiscalisées augmentent en ce moment très fortement et très provisoirement. C’est nous tromper que de prendre appui sur ce phénomène ponctuel pour réaliser une prévision pour 2009. Comment peut-on espérer accroître de plus de 300 millions d’euros l’incitation à l’investissement outre-mer au moment où l’on plafonne celui-ci ?

Second exemple, une part importante des dépenses affichées pour 2009 est constituée par le paiement de dettes de l’État, notamment vis-à-vis des organismes de sécurité sociale. Ce sont donc des dépenses déjà affichées dans les budgets précédents, qui n’ont pas été exécutées et que l’on nous « ressert » aujourd’hui en les faisant passer pour une augmentation de l’effort de l’État en faveur de nos collectivités !

Ces constats, qui concernent l’ensemble de l’outre-mer, suffiraient à motiver ma décision de voter contre ce budget. Toutefois, je dois également évoquer ici des problèmes propres à la collectivité que je représente.

La Polynésie française est naturellement touchée comme les autres collectivités d’outre-mer par le plafonnement de la défiscalisation ainsi que, plus que les autres, par la suppression de l’ITR.

Néanmoins, chez nous, ces régressions budgétaires s’inscrivent dans un contexte général de désengagement de l’État.

Mes chers collègues, jugez-en par vous-mêmes.

La Polynésie française n’a jamais bénéficié du RMI ni même des bourses scolaires. Elle a construit son propre système de protection sociale. Pendant quinze années, l’État a participé à l’équilibre de notre régime de solidarité envers les personnes sans ressources.

Cette aide est désormais supprimée.

L’État devait nous aider à achever et à mettre en service le nouvel hôpital que notre éloignement rend absolument nécessaire.

Cette aide nous est désormais refusée.

Le ministère de la défense, qui ne se faisait pas prier pour installer ses bases chez nous à l’époque où il organisait des essais nucléaires, nous considère aujourd’hui comme inintéressants pour la défense nationale. Partout, les effectifs sont réduits et près de 700 civils polynésiens perdent leur emploi.

Même le commandement supérieur des forces armées du Pacifique est transféré à Nouméa. Il est vrai que la Polynésie ne constitue plus un enjeu stratégique !

Et comment accepter que l’on repousse indéfiniment la reconstruction d’une prison qui détient le triste record de France pour la surpopulation carcérale ?

Comment expliquer surtout que, dans les archipels les plus éloignés des Australes et des Marquises, des gendarmeries comme celles de Raivavae, de Rimatara ou encore de Ua Pou soient fermées ? La population ne cesse d’augmenter, la délinquance est en nette progression dans ces îles éloignées, les plantations de pakalolo, autrement dit de cannabis, s’étendent dans pratiquement toutes les vallées, et l’on supprime des gendarmeries ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. C’est faux !

M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer. Tout à fait ! C’est faux !

M. Gaston Flosse. Madame la ministre, répondez-nous : allez-vous réellement fermer ces gendarmeries ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. La décision n’est pas prise !

M. Gaston Flosse. Partout, financièrement, matériellement, humainement, l’État se désengage. Les faits sont là, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État !

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Non, c’est faux !

M. Gaston Flosse. Pardon, je suis injuste : il est un domaine dans lequel l’État est beaucoup plus présent et s’intéresse plus que jamais à notre vie quotidienne : celui des conseils, des remontrances et des leçons.

L’État nous impose son observatoire des prix, alors qu’il s’agit d’un domaine qui relève de notre compétence.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Assumez-le !

M. Gaston Flosse. On nous explique ce que nous devons faire, dire et penser ; on nous dit pour qui et contre qui il faut voter, et, pendant que l’on nous déstabilise en réduisant nos ressources, on nous explique que nous devons tout accepter et, surtout, rechercher la stabilité.

Le plus triste, c’est que, contrairement à d’autres collectivités, nous avions les moyens institutionnels de résister à ces ingérences. Malheureusement, le président actuel de la Polynésie française est totalement soumis à la volonté du gouvernement central et donne sa bénédiction, explicite ou tacite, à tous les coups qui nous sont portés.

En tant que sénateur, je n’ai pas les moyens de m’opposer à ces dérives, mais j’ai un devoir : celui de dire la vérité aux Polynésiens. C’est ce que je ferai. Je leur dirai qu’il est inutile de mener des combats de retardement ou de gémir sur notre sort.

Nous devons désormais apprendre à nous débrouiller seuls et mobiliser toutes nos énergies pour construire ensemble une Polynésie véritablement autonome.

Nous devons nous responsabiliser.

La France a-t-elle encore conscience de ce qu’elle nous doit ?

La France a-t-elle encore conscience de ce que nous lui avons apporté tout au long des années ?

Avec nous, grâce à nous, la France est plus grande, la France est plus indépendante, la France est plus belle.

Faut-il croire que la France ne veut plus de nous tels que nous sommes ? Il est vrai que l’outre-mer n’est plus à la mode à Paris.

On nous somme de nous comporter comme de bons métropolitains ou de sortir de la République.

Nous ne pouvons pas – nous ne voulons pas – renoncer à notre langue, à notre culture, à notre art de vivre pour devenir des copies conformes des métropolitains.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Qui le demande ?

M. Gaston Flosse. Nous avons écouté avec attention les déclarations rassurantes du Président de la République, ainsi que les vôtres, monsieur le secrétaire d’État, mais, en Polynésie française, le désengagement de l’État est tellement évident que de bonnes paroles ne suffisent pas à nous convaincre.

Il est possible que nous nous trompions. Si c’est le cas, tant mieux ! En effet, la majorité des Polynésiens – une majorité qui, hélas ! s’est considérablement affaiblie – reste fortement attachée à la France.

Je me suis beaucoup battu toute ma vie pour que la Polynésie reste française. J’avais la certitude que c’était le souhait de la majorité des Polynésiens, le souhait de la France.

Aujourd’hui, je doute. Je doute non pas du souhait des Polynésiens, mais de la volonté de la France : si la France ne veut plus de nous, qu’on nous le dise clairement !

Certes, le pire n’est jamais certain, mais les Polynésiens ne peuvent plus s’abstenir de se poser la question : ne doivent-ils pas se préparer à assumer seuls leur destin de peuple polynésien ?

Le pacte qui existe entre la France et nous a toujours été un pacte librement choisi : il a même été voulu.

Jamais nous ne pourrons nous résigner à l’indifférence et à l’oubli : telle n’est pas l’idée que nous nous faisons des femmes et des hommes de France.

Je mesure la gravité de cette question que je pose devant vous, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, et devant les Polynésiens. Je sais qu’elle me vaudra des mesures de rétorsion, mais je l’assume, parce que j’aime la Polynésie, comme j’aime la France.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris : même si ce projet de budget n’est pas la cause principale des craintes que je viens d’exprimer sur l’avenir de la Polynésie française, il les confirme, malheureusement : c’est donc sans hésitation que je voterai contre les crédits qui nous sont proposés.

M. Jean-Louis Carrère. Il n’y a pas beaucoup d’applaudissements !

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’état, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser M. Claude Lise, qui, comme M. Georges Patient le rappelait tout à l’heure, a dû rentrer précipitamment en Martinique, en raison d’un décès survenu dans sa très proche famille. Il m’a fait l’honneur de me demander, non pas de le remplacer – il est irremplaçable ! –, mais de vous faire part des réflexions que lui inspire ce projet de budget.

Depuis quelques années, le budget de l’outre-mer présente deux caractéristiques remarquables.

La première, c’est que son périmètre varie au gré d’incessants transferts de crédits vers – ou en provenance – d’autres ministères.

La seconde, c’est qu’en dépit des dites variations il affiche toujours des taux de progression enviables, permettant d’étayer l’affirmation, reprise invariablement, selon laquelle l’outre-mer est une priorité pour la France.

En réalité, un examen attentif du document budgétaire révèle, chaque fois, que l’augmentation annoncée résulte, pour une bonne part, d’un changement de périmètre d’un budget à l’autre.

C’est le cas pour le projet de budget pour 2009. Présenté comme étant en augmentation de 16 % en crédits de paiement, il n’augmente, à périmètre constant, que de 9,2 %, un taux qui, de surcroît, doit être sérieusement relativisé.

En effet, il résulte, pour l’essentiel, de l’abondement du programme « Emploi outre-mer », destiné, en fait, pour une large part, à réduire la dette de l’État à l’égard des organismes de sécurité sociale, dette provenant d’une insuffisante compensation annuelle des exonérations de cotisations sociales patronales.

Si l’on ne tient pas compte de cette somme, sans effet sur le développement des collectivités ultramarines, le budget n’augmente, en réalité, que de 5 millions d’euros, c’est-à-dire de 0,3 % ...

Toutefois, ce qui est le plus préoccupant, c’est non pas tellement cette absence d’augmentation, mais bien le fait que l’on répande dans l’opinion publique l’idée que, dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, la France d’outre-mer est privilégiée, puisqu’elle disposerait de crédits en augmentation de 16 %.

C’est cette idée que beaucoup retiendront, alors que le budget de l’outre-mer ne représente qu’à peine plus de 14 % de l’effort global de l’ensemble des ministères et que, par ailleurs, cet effort global, en n’augmentant que d’un peu plus de 2 %, croît pratiquement dans les mêmes proportions que le budget de l’État.

Aussi préoccupant, ce budget restreint est présenté comme le support financier essentiel du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, en dehors, bien sûr, de ce qui relève des mesures fiscales.

Si tel est réellement le cas – comme le craint M. Claude Lise –, il faut reconnaître que les inquiétudes exprimées depuis des mois par l’ensemble des forces vives locales n’étaient pas sans fondement.

Certes, dans ce projet de loi de finances pour 2009 figure une prévision de dépenses fiscales en augmentation d’environ 500 millions d’euros, mais il s’agit d’une prévision dont la portée réelle dépendra largement de l’impact de la réforme du dispositif de défiscalisation déjà voté par l’Assemblée nationale.

Tout en souscrivant à l’objectif avancé d’une plus juste contribution de tous les contribuables au financement des charges publiques, je crains que cette réforme, opérée précipitamment et sans évaluation suffisante, n’altère par trop, pour les investisseurs, l’attractivité d’un dispositif d’aide à l’investissement dont le besoin est reconnu.

Bien sûr, il faut tenir compte des engagements pris lors de la présentation triennale du budget, selon lesquels les crédits de la mission « Outre-mer » devraient augmenter de 11,5 % d’ici à 2011. Je reconnais qu’il s’agit là d’un point positif.

Cependant, pour l’heure, ces engagements sont pris au conditionnel, et, surtout, ils ne peuvent avoir d’effet sur la situation que nous allons devoir affronter en 2009. Or, cette situation s’annonce particulièrement préoccupante.

La crise financière et économique qui sévit va, en effet, frapper, outre-mer, des économies qui, malgré le dynamisme dont font preuve les acteurs économiques locaux, demeurent structurellement fragiles.

À la Martinique, département dont M. Claude Lise préside le conseil général et dans lequel on panse encore les plaies du cyclone Dean et du séisme de novembre 2007, les signes inquiétants se multiplient.

On assiste, en effet, depuis le début de l’année, à un assez net fléchissement de l’activité, souligné par un recul de l’investissement et une baisse des importations de biens d’équipement.

Le secteur du BTP est particulièrement touché, mais celui du tourisme et de l’hôtellerie l’est également.

L’agriculture, quant à elle, à peine remise des événements climatiques qui l’ont durement frappée, connaît de nouvelles difficultés.

La situation de l’emploi s’en ressent, bien évidemment : d’octobre 2007 à octobre 2008, le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie 1 a augmenté de 3,5 %, alors qu’il était en baisse depuis 2000.

Il y a là, déjà, de sérieuses raisons d’inquiétudes pour les mois à venir.

Il faut y ajouter la situation des collectivités territoriales de la Martinique. Celles-ci, comme d’ailleurs toutes les collectivités territoriales d’outre-mer, sont particulièrement pénalisées par la mauvaise compensation des transferts de compétences, l’inadaptation des modalités de calcul des dotations de l’État et les proportions insupportables que prennent les dettes de l’État.

Ces collectivités ne peuvent plus continuer à faire face à une demande sociale qui, elle, va continuer à croître, et elles sont contraintes de réduire fortement leurs dépenses d’investissement et, donc, leurs politiques en faveur de l’équipement et du développement de l’île.

La situation va donc – on s’en rend bien compte – très vite se dégrader, en Martinique, bien sûr, mais aussi dans la plupart des autres collectivités ultramarines.

Il va falloir y faire face, mais on ne le pourra pas sans consentir nombre d’efforts.

Tout d’abord, il faut faire en sorte que les collectivités territoriales retrouvent très rapidement leur capacité d’intervention. Malheureusement, ce projet de budget ne comporte pas les indispensables mesures de soutien qui pourraient le permettre, monsieur le secrétaire d’État.

Ensuite, il faut relancer la politique des emplois aidés. Or, les crédits destinés à les financer, actuellement gérés par le ministère du travail et de l’emploi, sont en très nette diminution : 74 % en autorisations d’engagement et 38 % en crédits de paiement.

Enfin, il faut soutenir l’activité des entreprises du BTP œuvrant dans le domaine de l’amélioration de l’habitat et de la construction sociale. Cela exigerait d’apurer les dettes de l’État à leur égard sans utiliser à cette fin les crédits destinés aux actions nouvelles.

Il y a là, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, un réel sujet d’insatisfaction pour Claude Lise, auquel s’en ajoute un autre, qui concerne, lui, le débat à venir sur le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer.

Il est en effet profondément regrettable que l’on ait pris le parti de le réduire à un débat de pure forme. En effet, force est de constater que pratiquement tout se joue lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009. C’est le signe qu’une fois de plus, Bercy n’a pas pris la mesure des enjeux.

Il est à craindre, en tout cas, que la portée d’un projet de loi qui, outre-mer, suscite évidemment énormément d’attentes, ne soit d’ores et déjà réduite et que les conséquences, demain, ne rendent bien dérisoires les économies réalisées aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)