M. le président. Je vous rappelle, mes chers collègues, que le temps de parole attribué aux groupes pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

En application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quarante-cinq minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Adrien Giraud.

M. Adrien Giraud. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la discussion du projet de loi de finances est toujours un moment essentiel du travail législatif, qui engage des choix primordiaux pour l’avenir de notre pays. Elle nous permet également d’engager une réflexion sur le bien-fondé de nos décisions passées et de dresser un bilan de leur efficacité.

Pour nous, parlementaires de l’outre-mer français, il s’agit d’un événement fondamental, même si le budget du secrétariat d’État chargé de l’outre-mer ne représente, nous le savons tous, qu’une fraction du total des crédits publics destinés à l’outre-mer français.

Au-delà, ce débat budgétaire nous donne l’occasion – encore trop rare ! – de conduire une réflexion d’ensemble sur la situation financière de nos collectivités et sur leurs priorités.

Aujourd’hui, alors que s’achève l’année 2008, le passé et le futur de Mayotte, son bilan et ses projets, se rejoignent dans la perspective, désormais proche, de bénéficier d’un statut départemental.

La départementalisation de Mayotte a cessé d’être un vœu pieux, un appel sans réponse… Après cinquante années de combat, les Mahorais ont cette fois-ci la possibilité de voir consacrer leur volonté de rester Français, c'est-à-dire d’afficher et de revendiquer pleinement leur attachement aux institutions et aux valeurs fondamentales de notre République. De ce fait, ils veulent aussi dire leur détermination à être reconnus à part entière dans le droit européen.

Enfin, ils affirment leur espoir de voir leur collectivité s’épanouir dans un développement équilibré au sein d’un environnement paisible. On nous dit que la « départementalisation de Mayotte n’est pas une panacée ». Nous le savons mieux que personne, mais nous savons aussi qu’elle constitue, avec toutes les adaptations requises, la meilleure réponse aux multiples problèmes qui freinent aujourd’hui nos progrès. Il s’agit non pas seulement d’obtenir la départementalisation de Mayotte, mais de la réussir en franchissant toutes les étapes, en obtenant les différents concours et en faisant des efforts pour surmonter tous les obstacles que nous rencontrerons.

À l’occasion de la discussion de ce projet de loi de finances pour 2009, j’aimerais aborder ici cette question.

Mes chers collègues, la revendication mahoraise, cette longue marche qui remonte aux premiers temps de la ve République, n’a jamais été aussi proche de son aboutissement. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais, comme l’ensemble des Mahorais, connaître la question qui leur sera posée, lors de la consultation prévue en mars 2009, concernant le choix institutionnel qui leur sera proposé. Cette question devra être simple et claire, similaire à la formulation suivante que je vous propose : « Voulez-vous que la collectivité départementale de Mayotte devienne un département d’outre-mer ? »

J’ajoute que cette procédure, pleinement démocratique, est tout à fait conforme aux vœux des Mahorais.

La départementalisation de Mayotte est une revendication qui date d’un demi-siècle. Il faut en rappeler toute la portée, car ce changement statutaire ne saurait en aucun cas se résumer à un simple changement de dénomination.

À terme, Mayotte devra tout d’abord rentrer progressivement, mais pleinement, dans un processus d’application du droit commun. Cela implique d’y étendre les six domaines dans lesquels s’applique encore le principe de spécialité législative, même si nous demeurons acquis, je le répète, au principe d’une départementalisation « adaptée », ce qui ne signifie nullement dans notre esprit une départementalisation au rabais.

Surtout, il sera nécessaire de donner à Mayotte les moyens de mener à bien son développement. Trop longtemps en effet, nous nous sommes heurtés à une curieuse logique selon laquelle nous devions rattraper les autres DOM pour devenir département, alors même que les moyens de ce « rattrapage » résultent précisément du statut départemental.

Il serait également nécessaire de prévoir une dotation spéciale d’équipement, qui permettra à Mayotte de combler, au moins partiellement, ses importants retards.

C’est simplement avec une véritable politique d’investissement que Mayotte progressera de manière saine et rapide sur la voie du développement. Certes, nous avons déjà parcouru un très long chemin, mais beaucoup reste à faire !

À cet égard, je me dois de vous signaler qu’une part importante des crédits d’État prévus dans le cadre du contrat de projets de Mayotte 2008-2014 n’ont toujours pas été délégués. Il en va ainsi notamment des moyens de la politique du logement : sur les 24 millions d’euros accordés par l’État au titre des crédits publics, seuls 15 millions d’euros ont été délégués.

Ces retards pèsent lourdement sur les finances de notre « collectivité départementale » et limitent sensiblement ses pouvoirs d’initiative et d’investissement. Ainsi, cette année, nous avons été contraints une fois de plus, par manque de liquidités, d’ouvrir un lycée en préfabriqué, alors même que les besoins en constructions scolaires, qui ont été évalués depuis longtemps, se révèlent de plus en plus pressants. Comment voulez-vous que nous menions une véritable politique de « rattrapage », si les retards de paiement de l’État nous contraignent à ouvrir, dans l’urgence, des structures éphémères ? Cette situation doit être rapidement réglée, monsieur le secrétaire d'État.

Enfin, comment parler de développement sans évoquer la place et l’importance des « fonds européens » ?

Si la Guyane a pu bénéficier, entre 2000 et 2006, de 388 millions d’euros au titre des subventions, Mayotte, dont le poids démographique est comparable, n’a reçu que 15 millions d’euros entre 2004 et 2008, soit vingt-cinq fois moins ! Une telle inégalité de traitement confine à l’injustice.

Monsieur le secrétaire d'État, vous connaissez le problème aussi bien que moi ! Alors que Mayotte présente toutes les caractéristiques des « régions ultrapériphériques » de l’Union européenne, elle est classée parmi les pays et territoires d’outre-mer, les PTOM. À ce titre, à l’instar des territoires indépendants associés à l’Europe, elle ne reçoit que les aides prévues par le Fonds européen de développement, le FED.

Il est donc urgent que nous ayons accès aux fonds structurels européens. Pour ce faire, il existe une solution simple et rapide : la départementalisation.

En devenant un DOM, Mayotte accédera au statut de région ultrapériphérique et pourra enfin bénéficier de ces crédits européens ô combien nécessaires à son développement. Cette décision dépend donc exclusivement de l’État français ; il ne tient qu’au Gouvernement de faire cesser ce fâcheux paradoxe qui voit l’Europe moins aider ceux qui en ont pourtant le plus besoin !

Vous le voyez, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, l’urgence du développement de Mayotte passe par le statut départemental, ce dont nous sommes convaincus depuis longtemps.

Enfin, j’aimerais évoquer un problème grave. Si la départementalisation participe à la fois de l’exigence du symbole et de l’urgence du développement, elle renvoie également aux problèmes de sécurité résultant d’une immigration étrangère encore trop mal maîtrisée.

J’ai déjà eu maintes fois l’occasion d’aborder cette question liée, chacun le sait, à l’arrivée massive, et parfois dans conditions dramatiques, comme ce fut le cas très récemment, d’immigrés d’origine comorienne, pour la plupart, qui entrent clandestinement à Mayotte. Il est capital que l’État se saisisse de ce problème avec la plus grande fermeté. Les patrouilles de la police aux frontières ont déjà été renforcées, et un radar supplémentaire a été installé. Nous nous félicitons de ces nouveaux moyens, mais ne nous leurrons pas : tant que la France n’aura pas adopté une position ferme à l’égard des autorités comoriennes, en engageant un dialogue d’État à État, et affirmé que le choix des Mahorais ne peut être remis en cause, rien de ce que nous ferons ne pourra être suffisant !

Mes chers collègues, vous l’avez compris, j’en suis sûr, 2009 devrait être, pour les Mahorais, une année essentielle : celle de l’ancrage définitif et volontaire de Mayotte au sein de la République française, celle de l’initiation d’une politique de développement économique et sociale ambitieuse et celle de la paix retrouvée dans son environnement régional.

Dans une récente allocution à l’Élysée prononcée devant les élus d’outre-mer, M. le Président de la République a affirmé qu’il respectera la parole donnée à Mayotte. Un tel engagement est, à nos yeux, essentiel, et je lui exprime, au nom de la population mahoraise, ma profonde gratitude.

Il est urgent de répondre à notre demande d’accession au statut de département français d’outre-mer. C’est dans cette perspective, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, et pour vous témoigner ma confiance, que je voterai ce budget. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Gélita Hoarau.

Mme Gélita Hoarau. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, la Réunion est l’un des départements qui connaissent la plus forte croissance démographique. Dans une vingtaine d’années, la population de l’île atteindra 1 million d’habitants. La Réunion est donc au carrefour des chemins.

Si rien ne change, tous les problèmes qu’elle connaît s’aggraveront. Je veux parler du taux de chômage, qui repart à la hausse pour atteindre de nouveau 30 %, des 65 000 RMIstes, des 30 000 demandeurs de logements sociaux, des 120 000 illettrés, des 300 000 personnes relevant de la CMU, la couverture maladie universelle, et, plus généralement, des 52 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté.

Ou alors, on s’oriente vers des solutions innovantes, en rupture avec celles qui ont prévalu jusqu’à présent et qui ont inspiré tous les plans gouvernementaux, avec les résultats que l’on connaît.

C’est dans cet esprit que la majorité du conseil régional de la Réunion a élaboré un plan régional de développement durable - PR2D -, en concertation avec les partenaires sociaux et les autres collectivités locales.

Ce plan prévoit des solutions aux problèmes auxquels la Réunion est confrontée– chômage, déplacements, logement, protection de l’environnement et de la biodiversité – tout en tenant compte des grands défis mondiaux que sont le changement climatique, la crise énergétique, la mondialisation des échanges et l’évolution rapide de la technologie.

C’est ainsi qu’un programme de grands travaux a été élaboré pour une période allant jusqu’en 2014. Il porte sur plus de 3 milliards d’euros et permettra, notamment, de réaliser la route des Tamarins, le tram-train, ainsi qu’un nouveau tracé pour la route du littoral. Ce programme a fait l’objet d’un accord de principe et de financement en 2007 à Matignon. Ces grands travaux maintiendront en activité des milliers de travailleurs dans le bâtiment. De plus, ils régleront de manière durable le problème des déplacements à la Réunion, tout en respectant l’environnement grâce au tram-train.

Le plan régional de développement durable vise aussi l’autonomie énergétique du département à l’horizon 2025. La poursuite de cet objectif, en plus d’offrir une solution énergétique non polluante et renouvelable en remplacement des énergies fossiles, constitue aussi un gisement d’emplois très important. De ce point de vue, sous l’impulsion de la région, la Réunion se distingue par ses initiatives et ses réalisations.

Toutefois, la fin du chantier de la route des Tamarins, qui génère plus de 3 000 emplois directs et indirects, et l’attente du début des autres grands chantiers font craindre une période de forte récession. De plus, l’arrêt ou le report de certains travaux ainsi que les interrogations sur l’efficacité du nouveau dispositif de défiscalisation, qui remplacera le système en vigueur, nourrissent les plus vives inquiétudes.

Des milliers de travailleurs craignent pour leurs emplois pendant que des dizaines d’entreprises s’inquiètent pour leur survie. Selon certaines prévisions, on parlerait même du licenciement de quelque 3 000 à 4 500 ouvriers dès janvier prochain, lors de la reprise du travail dans le bâtiment, si ce n’est pas 9 000, comme le craignent certains.

Pour toutes ces raisons, au mois d’octobre dernier, des centaines de patrons ont, pour la première fois à la Réunion, manifesté devant la préfecture pour exprimer au représentant de l’État leur désarroi. Depuis, les articles réformant la défiscalisation ont été adoptés. Ce vote n’a pas pleinement rassuré les chefs d’entreprise, qui attendent du débat et de l’adoption de la future loi pour le développement économique de l’outre-mer davantage de garanties.

Pour tenter de maintenir le secteur du BTP à un niveau d’activité plus acceptable, le conseil régional, le conseil général, l’Association des maires et les représentants de la Réunion économique se sont réunis en « comité de suivi » afin d’inventorier les travaux en étude pour faire sortir des projets, définir les priorités et accompagner autant que possible leur réalisation. Des engagements ont été pris par l’ensemble des partenaires, ce qui devrait éviter une diminution trop importante de l’activité dans ce secteur. Le préfet de la Réunion a pris une initiative identique en y associant les banquiers.

Il reste un domaine qui n’est pas moins pourvoyeur d’emplois, celui du logement. De ce point de vue, l’engagement de l’État, compétent en la matière, constitue un élément décisif. J’aurai l’occasion d’y revenir tout à l’heure.

La crise financière et économique actuelle est venue exacerber tous ces problèmes. Il est primordial de maintenir le cap sur les objectifs du PR2D, lesquels tendent également au développement du secteur de la recherche et de l’innovation dans des domaines aussi variés que l’agriculture, la pêche et la forêt, la santé ou encore les télécommunications.

Cependant, cette crise fait ressortir plus que jamais l’impérieuse nécessité d’apporter une réponse à ceux qui sont le plus dans l’attente, c’est-à-dire les chômeurs et les demandeurs de logements sociaux.

Pour les premiers, l’entrée en vigueur du RSA doit être une opportunité à saisir de toute urgence. Nous pensons qu’il est possible à cette occasion de satisfaire les besoins de la Réunion dans des domaines très précis et de créer des dizaines de milliers d’emplois. Ces domaines concernent principalement l’environnement et les services à la personne.

S’agissant, tout d’abord, de l’environnement, la Réunion dispose encore d’une biodiversité riche et unique au monde. L’Union européenne a déjà souligné la contribution très importante de cette île au patrimoine mondial de la biodiversité et l’urgence de mener des actions de masse pour préserver la richesse de ce patrimoine, gravement menacé.

Sa sauvegarde et sa mise en valeur nécessitent la création de milliers d’emplois, notamment dans le parc national de la Réunion, qui recouvre une bonne partie du territoire de l’île, et dans le parc marin. Il en est de même pour la collecte, le tri systématique et la valorisation des déchets. C’est tout cela que j’englobe dans ce que j’appelle le secteur de l’environnement. On pourrait y ajouter d’autres activités, mais je ne prétends pas être exhaustive. Nous proposons de créer dans ce domaine un véritable service public qui mobiliserait des milliers de jeunes susceptibles d’entrer dans le champ d’application du RSA.

S’agissant, ensuite, de l’aide à la personne, un autre service public pourrait également être créé. À la Réunion, les offres d’accueil et d’encadrement pour les personnes âgées, les personnes handicapées et la petite enfance sont dramatiquement insuffisantes. Il est indispensable de donner à cette population fragile les moyens nécessaires pour vivre décemment, si l’on veut assurer la cohésion sociale. Dans ce secteur aussi, les besoins en emplois se chiffrent par milliers, et seule la création d’un service public permettrait de satisfaire les demandes et de ne laisser personne sur le bord du chemin.

La création de ces deux grands services publics, qui pourraient générer de manière pérenne plusieurs dizaines de milliers d’emplois, suppose des actions de formation adéquates, une gestion transparente et paritaire de ces services afin d’éviter ce que le préfet de la Réunion a appelé « les emplois-magouilles ».

C’est cela, la rupture avec les pratiques jusqu’ici en vigueur.

Une telle démarche nécessite également une mobilisation de tous les outils financiers existants : ceux du RMI, des emplois aidés, des emplois verts, des crédits supplémentaires prévus pour le RSA, et je ne les cite pas tous.

À ces crédits peuvent s’ajouter, pour le service public d’aide à la personne, des contributions de la caisse d’allocations familiales, de la caisse de sécurité sociale et, éventuellement, des bénéficiaires de ce service, en fonction de leur capacité financière.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, la création de ces deux grands services publics est une expérience qui mérite d’être menée à la Réunion, en vertu du droit constitutionnel à l’expérimentation. Elle répond à des besoins urgents de notre population et elle peut atteindre l’objectif que se fixe le Gouvernement, à savoir une perspective d’insertion avec un revenu décent pour le plus grand nombre.

Je pense que l’on peut trouver les moyens pour la réaliser, sans qu’il soit nécessaire de demander un effort financier exorbitant à l’État, même si ce dernier doit être raisonnablement sollicité puisqu’il s’agirait surtout d’un redéploiement de fonds déjà existants.

L’état d’urgence dans lequel se trouve l’emploi à la Réunion ne nous permet pas d’attendre 2011, comme le prévoit l’article 15 de la loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.

Mettons en œuvre, dès maintenant, cette action expérimentale de création de ces deux services publics. Accepteriez-vous, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, que nous introduisions cette demande lors de la discussion du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer ? Il n’y a pas d’autres solutions si l’on veut limiter les dégâts de la crise actuelle et éviter la catastrophe !

En ce qui concerne le logement social, vos crédits, madame la ministre, ne permettront manifestement pas de faire face aux besoins des Réunionnais.

En 2009, la ligne budgétaire unique, ou LBU, comportera 258 millions d’euros en autorisations d’engagement et 209 millions d’euros en crédits de paiement. Ces chiffres sont supérieurs à ceux de 2008, mais inférieurs au montant moyen des crédits affectés durant la période 2005-2007, qui s’élevait à 270 millions d’euros.

Le problème réside dans les difficultés qu’éprouvent les promoteurs sociaux à utiliser ces crédits. L’augmentation des coûts de production et les nouvelles exigences réglementaires font qu’il existe un écart de l’ordre de 30 % entre les coûts réels de production et les paramètres financiers de la LBU.

Le résultat le plus tangible de cette situation, c’est qu’avec un même budget l’on finance de moins en moins de logements. À la fin des années quatre-vingt-dix, on pouvait espérer construire 4 500 à 5 000 logements sociaux par an à la Réunion. La moyenne se situe aujourd’hui à 2 800 logements par an, logements locatifs sociaux et très sociaux compris.

Nous savons que vous êtes en train de préparer de nouveaux textes pour réévaluer ces paramètres financiers. Selon les informations en notre possession, il semble que vos propositions apportent, certes, des améliorations, mais qu’elles ne répondent pas suffisamment aux attentes de la profession.

Enfin, et ce sera le dernier élément sur ce chapitre, l’État a signé avec les vingt-quatre communes réunionnaises des contrats d’objectifs fonciers qui fixent des perspectives de construction de logements sociaux. Le projet de budget pour 2009 est présenté selon de nouvelles modalités, dans le cadre d’une programmation triennale couvrant la période 2009-2011. Nous ne voyons pas, dans les chiffres annoncés, les moyens susceptibles d’atteindre les objectifs fixés dans ces contrats.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, d’une manière générale, ces crédits nous étant soumis avant le projet de loi LODEOM, il s’agit, en quelque sorte, d’un budget sous embargo puisque la plupart des dispositions qu’il doit financer- les fonds exceptionnels d’investissements, les aides aux intrants et aux extrants, la continuité territoriale, le nouveau système d’exonérations de charges, le nouveau dispositif de défiscalisation, pour ne citer que ceux-là. - ne seront applicables qu’une fois la loi adoptée. Autrement dit, elles entreront en vigueur avec trois, voire six mois de retard !

Au début de l’année prochaine, l’examen du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer nous donnera l’occasion de débattre plus profondément de la politique que le Gouvernement compte mettre en œuvre pour nos départements et collectivités.

La discussion du projet de loi de finances pour 2009ne donne, au mieux, qu’un avant-goût de ce futur débat, auquel nous y ajouterons, notamment, les préoccupations de nos producteurs vis-à-vis de l’entrée en vigueur, l’année prochaine, des accords de partenariat économique, les APE, et celles de nos agriculteurs à propos de la fin des accords sucriers européens, en 2014.

Nous souhaitons connaître les initiatives que compte prendre le Gouvernement pour faire face à ces nouvelles menaces.

M. le président. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry.

Mme Lucette Michaux-Chevry. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les crédits de la mission « Outre-mer » dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2009.

Il faut d’abord souligner que l’architecture de cette mission a évolué depuis un an.

En effet, à partir de 2009, le contenu de la mission traduit un changement de modèle de la politique gouvernementale dans nos régions. L’approche régionale s’appuie désormais sur une programmation pluriannuelle des dépenses publiques, grâce à la réorganisation de l’administration chargée de l’outre-mer, sur une logique de développement de nos régions dans les secteurs les plus dynamiques ainsi que sur une présence économique fortement affirmée dans leur environnement régional.

Ainsi, la nouvelle délégation se voit confier un rôle de synthèse, de conception et de coordination de l’action de l’État envers les collectivités d’outre-mer. L’objectif est de faire du secrétariat d’État une administration non pas de gestion mais de renforcement des actions d’expertise et d’évaluation, celles-ci étant indispensables à l’ensemble des politiques de l’État outre-mer.

Dans le projet de loi de finances, la mission « Outre-mer » est dotée pour 2009 de 1,97 milliard d’euros en autorisations d’engagement et de 1,88 milliard d’euros en crédits de paiement, ce qui traduit, dans un contexte budgétaire particulièrement difficile, un engagement financier fort de l’État en faveur de l’outre-mer.

L’évolution des crédits pour 2009 porte fondamentalement sur l’emploi et sur les conditions de vie outre-mer.

L’emploi en outre-mer constitue incontestablement une question récurrente. Depuis des années, pour y répondre, le budget s’efforce de contribuer à la lutte contre les handicaps structurels qui affectent nos régions.

Cette année encore, je note, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, l’effort qui a été accompli au travers du programme « Emploi outre-mer », avec la mise en place de deux types d’action qui visent, d’une part, à abaisser le coût du travail par des exonérations de charges sociales et, d’autre part, à instaurer et à pérenniser des dispositifs encourageant la formation professionnelle.

Le mécanisme d’exonération de charges sociales, appelé désormais « soutien aux entreprises », va permettre, en abaissant les charges de ces dernières, de favoriser la production de biens et de services et de créer des emplois.

L’action « Soutien aux entreprises » voit donc sa dotation passer de 856,7 millions d’euros en 2008 à un peu plus d’un milliard d’euros en 2009, ce qui représente une hausse incontestable. Cette augmentation résulte notamment de l’apparition d’une aide publique nouvelle destinée aux entreprises, notamment pour soutenir le fret.

La finalité du programme « Emploi outre-mer » est de faciliter la création d’emplois et l’accès au monde du travail. Ce programme s’inscrit par ailleurs dans une réalité économique des régions ultramarines marquée par un taux de chômage toujours plus élevé qu’en métropole. En Guadeloupe, ce taux oscille autour de 22 %.

À ce stade de mon intervention, j’en viens au chômage des jeunes, un thème qui justifie mon inquiétude, en Guadeloupe mais plus particulièrement dans la région de Basse-Terre, où le chômage des jeunes est provoqué par un aménagement inéquitable du territoire. Le chômage frappe, dans nos régions, tous les jeunes, qu’ils aient reçu une formation professionnelle qualifiante ou qu’ils soient en situation d’échec scolaire. L’ensemble de ces jeunes rentrent dans un processus d’assistanat très marqué dans la région de Basse-Terre, qui s’appauvrit.

Ces jeunes se marginalisent, car ils s’estiment de plus en plus exclus de toute possibilité de travail. Ils ne trouvent refuge que dans la rue, avec son cortège de dérives.

Là encore, si les effets négatifs de la délinquance sont mieux maîtrisés, si les résultats se sont améliorés, il n’en demeure pas moins que la petite délinquance reste encore très forte.

Ce qui frappe particulièrement en Guadeloupe, c’est l’apparition d’un phénomène inacceptable, je veux parler de ces jeunes désœuvrés qui déambulent par petits groupes dans les rues, qui fouillent les poubelles pour récupérer les restes de nourriture, surtout devant les supermarchés. Or le long combat qui a été mené pour obtenir la départementalisation avait justement pour finalité de faire disparaître ces situations de détresse de nos régions.

De plus, en tant que maire de la ville de Basse-Terre, je suis très préoccupée par le refus de certains jeunes de s’insérer dans notre société, en dépit des efforts que nous faisons pour eux, au nom d’un mode de vie totalement différent du nôtre.

J’espère que les crédits inscrits à l’action « Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle » permettront d’apporter des réponses aux problèmes que j’ai évoqués et contribueront à une véritable politique de relance de la région de Basse-Terre.

Je crois fortement à l’action efficace du service militaire adapté, …

Mme Lucette Michaux-Chevry. … qui reste un moyen indispensable pour resocialiser notre jeunesse, faciliter son insertion dans la vie sociale et, ainsi, mettre fin à des situations d’échec.

Outre le taux de chômage des jeunes, je veux insister ici plus encore sur la détérioration du territoire de la Basse-Terre.

Le fort taux de chômage que connaît la région de Basse-Terre est dû à son faible développement et à l’exode d’une grande partie de sa population vers la région pointoise.

On assiste aujourd’hui à un phénomène de recentralisation de la population autour du centre urbain formé par Pointe-à-Pitre, Les Abymes, Le Gosier et Baie-Mahault. Le regroupement de ces communes, rendu possible grâce, notamment, aux importants financements apportés par l’État à travers l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, se fait dans l’intérêt d’une seule partie du territoire et au détriment d’autres parties.

Outre l’attirance artificielle qu’exercent sur les jeunes ces pôles, même nécessaires, ce regroupement concentre les infrastructures nécessaires au développement que sont le port et l’aéroport, ainsi que l’importante zone économique de Jarry, cela au détriment de la Guadeloupe profonde, de ses zones rurales, dont la dévitalisation va s’accélérer.

Madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, je m’inquiète du devenir très préoccupant de la région de Basse-Terre, chef-lieu administratif de la Guadeloupe.

Cette ville voit disparaître des pans entiers de son économie avec la perte d’administrations qui en formaient jusqu’à présent le poumon, que ce soient les services des douanes ou de la poste, toutes transférées vers Pointe-à-Pitre, sans parler de la réduction de son espace judiciaire. S’il est indispensable que Saint-Martin et Saint Barthélemy disposent d’une administration judiciaire, pour autant la compétence administrative du tribunal de grande instance de Basse-Terre aurait pu s’étendre à d’autres communes, par exemple Petit-Bourg. Cela n’a pas été fait.

De même, aucun projet structurant n’est prévu pour prendre en compte la vitalité du port de Basse-Terre, laissé dans un état de total abandon, alors que les moyens techniques modernes auraient permis de donner un souffle nouveau à cette infrastructure.

J’en arrive à m’interroger, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État : est-il encore bien utile que je m’évertue à demander au ministère chargé des transports que le port de Basse-Terre soit membre du port autonome de la Guadeloupe ? Aucune des requêtes que j’ai adressées dans ce sens depuis 1995 n’a connu de suite favorable !

Le développement économique de l’île se concentrant à Pointe-à-Pitre, ne faudrait-il pas, dans le cadre du nouveau contrat de plan, que l’État joue son rôle d’arbitre pour imposer une autre politique patrimoniale et culturelle en faveur de la région de Basse-Terre, autour de l’emblématique Fort Delgrès ou du chevalier de Saint-Georges ?

Pointe-à-Pitre, capitale économique, Basse-Terre capitale administrative et culturelle, ville d’art et d’histoire : ce rééquilibrage du territoire prendrait en compte la réalité géographique et historique de la Guadeloupe.

J’en viens maintenant au programme « Conditions de vie outre-mer » de la mission « Outre-mer ».

Le logement, en particulier le logement social, bénéficie d’un effort important. Je rappelle que les besoins considérables en la matière exigent que cet effort soit soutenu. Toutefois, je souhaiterais qu’il ne soit pas uniquement financier, mais qu’il prenne en compte d’autres éléments, tels que le respect de l’architecture des constructions réalisées autrefois en Guadeloupe. Un certain modèle de construction propre aux Antilles est en train de disparaître. J’oserai donc le dire, et vous conviendrez qu’il faut un certain courage s’agissant du logement social : il en faut moins, mais de meilleure qualité !

Les logements sociaux sont en réalité des blocs sans âme, où la vie devient insupportable, où les jeunes n’ont que les escaliers pour s’amuser en raison d’aménagements extérieurs souvent médiocres, d’espaces de convivialité inexistants, d’espaces verts insuffisants. Est-ce ainsi que nous voulons continuer ? Allons-nous persister à défigurer le paysage guadeloupéen ?

En outre, monsieur le secrétaire d'État, comme je vous l’ai dit lorsque nous nous sommes rencontrés à la préfecture de Basse-Terre, la construction des logements sociaux doit prendre en compte les difficultés liées à la pénurie en eau potable et les problèmes d’assainissement. Il est tout de même inadmissible que la Guadeloupe, autrefois appelée l’île aux belles eaux, soit confrontée à une grave pénurie d’eau potable. Certes, le conseil régional aurait pu apporter son soutien financier aux investissements nécessaires, mais il ne le fait qu’en fonction de certaines considérations. (M. Serge Larcher sourit.)

Ainsi, la région de Basse-Terre, partie pluvieuse de la Guadeloupe, est complètement oubliée dans cette politique de l’eau.

Certes, le dispositif mis en place par le Gouvernement afin de faciliter l’accès à la propriété nous permettra d’apporter des réponses aux problèmes des dents creuses. Je reste néanmoins préoccupée par l’absence de tout soutien en faveur des vieilles maisons coloniales, qui perdent peu à peu ce qui faisait leur charme parce que les personnes âgées qui les occupent n’ont pas les moyens d’en assurer l’entretien.

Je tiens à souligner l’intérêt du fonds exceptionnel d’investissement prévu dans le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer. Permettre le financement « d’opérations portant sur des équipements publics collectifs structurants » est une excellente idée qui permettra ainsi à l’État de veiller à plus d’équité.

Je note avec satisfaction qu’il est doté pour la première année de 40 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 16 millions d’euros en crédits de paiement.

En ce qui concerne le passeport mobilité, les modifications apportées au dispositif, qui ont suscité quelques secousses, mais ils étaient nécessaires, visent à introduire plus de justice et à mettre fin à une politique véritablement démagogique de certaines collectivités.

Le dossier de la défiscalisation, monsieur le secrétaire d'État, a créé de nombreuses turbulences et a suscité des interventions incompréhensibles et contradictoires de la part de certains prétendus défenseurs des plus défavorisés.

Aujourd'hui, le Gouvernement entend s’engager dans une politique de défiscalisation plus démocratique, plus territorialisée et devant répondre à l’intérêt général, c'est-à-dire orientée vers un nombre plus important de Guadeloupéens.

En effet, les malins, ceux qui savent utiliser les outils législatifs, avaient trouvé le moyen, en accumulant les mesures de défiscalisation, de se soustraire totalement à l’impôt. Est-ce ce que nous voulons ? Voulons-nous que, demain, nos enfants et nos petits-enfants ne trouvent plus de terrains pour construire leur maison, parce que des gens venus d’ailleurs investissent dans des programmes immobiliers sans même savoir où se trouve la Guadeloupe ? Est-ce cela que nous appelons une défiscalisation au profit de l’intérêt général ?

Madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, vous avez fait acte de courage, et, dans ces cas-là, les réactions sont inévitables, ici et ailleurs. Mais le Gouvernement a ainsi manifesté sa volonté de permettre à l’outre-mer de se moderniser par la recherche de l’excellence et de la performance et a invité les élus à prendre toutes leurs responsabilités pour faire face aux grands défis qui attendent notre espace régional.

Pour ma part, je voterai les crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées de lUMP.)