M. Yves Jégo, secrétaire d'État. A-t-on droit à deux interventions, maintenant ?

M. Georges Patient. On pourrait se demander si le Gouvernement n’a pas le désir secret de contenir le développement des territoires ultramarins tout en faisant semblant de les perfuser, ainsi qu’une volonté d’éviter tout à la fois les désastres sociaux menaçant pour la sécurité nationale, qui, hélas ! se produisent quand même, et la réelle autonomie économique de ces territoires, qu’il doit en réalité redouter mais à laquelle il se fait un malin plaisir d’exhorter les élus au nom des vertus du développement endogène.

M. le président. Concluez, mon cher collègue !

M. Georges Patient. Est-il permis d’attendre du Gouvernement un peu plus de respect pour nos territoires, nos populations et nos élus ?

Pour toutes ces raisons, je voterai contre le budget pour 2009 de la mission « Outre-mer » tel qu’il est présenté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Lequel de vos deux collègues applaudissez-vous ? (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Michel Magras.

M. Michel Magras. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne résiste pas à l’envie de vous faire part de l’honneur immense que représente ce soir pour moi, premier sénateur de la collectivité de Saint-Barthélemy, cette première intervention à la tribune du Sénat. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

Je ne résiste pas davantage au désir d’exprimer ma joie de voir intervenir ce soir cette France de l’outre-mer. Mes chers collègues, nous avons à mon avis de bonnes raisons d’être fiers d’offrir à la France une telle diversité et une telle richesse.

Je ne résiste pas non plus au désir de dire à mon collègue Jean-Paul Virapoullé, dont j’ai écouté l’intervention avec un profond respect, que j’ai apprécié sa vision synthétique de ce qu’est l’idéal de l’outre-mer pour la France. À l’ère de l’économie planétaire et de la mondialisation, il n’est pas exagéré, je crois, d’affirmer que l’outre-mer est l’avenir de la France. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mes chers collègues, la question de la circonscription législative de Saint-Barthélemy a été l’objet d’une actualité brûlante, et je tiens à exprimer de nouveau toute ma confiance en la parole donnée par le Gouvernement, en dépit des assauts répétés pour modifier ce qui reste une disposition acquise dans la loi organique.

Votre soutien, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, témoigne de la prise en compte de la situation réelle et particulière de notre collectivité.

En effet, ses choix de développement économique ont permis à Saint-Barthélemy d’atteindre un équilibre, avec notamment un taux de chômage qui s’établit à 3,3 %. Bien sûr, nous en sommes fiers, mais cela ne doit pas pour autant être interprété comme la marque d’une désolidarisation du reste de l’outre-mer, non plus que d’une incompréhension de ses problématiques.

À ce titre, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, l’examen des crédits du projet de loi de finances est en général, pour moi, un exercice particulier. En effet, vous le savez, la collectivité de Saint-Barthélemy ne perçoit aucune dotation de l’enveloppe normée destinée aux collectivités. Je prends donc acte, devant vous, du fait que cette autonomie budgétaire constitue une sorte de compensation ou de contrepartie de notre autonomie statutaire.

Les attentes de Saint-Barthélemy ne se situent pas au niveau budgétaire. La collectivité attend de l’État un accompagnement essentiellement réglementaire, ce dont je vous ai d’ailleurs déjà fait part s’agissant de la validation des projets d’actes qui vous ont été transmis.

Néanmoins, ce projet de budget qui nous est présenté par le Gouvernement mérite d’être salué à plusieurs titres : tout d’abord, il offre, de par sa présentation triennale, une visibilité certaine ; ensuite, il s’inscrit en cohérence avec la future loi de développement économique de l’outre-mer, qu’il anticipe ; enfin, il maintient une politique tenant compte des besoins propres à chacune des économies d’outre-mer.

Dans cette optique, je souhaite que les entreprises de Saint-Barthélemy puissent continuer à bénéficier du dispositif d’exonération de charges patronales instauré par la loi de programme de 2003 et réformé par l’article 65 de ce projet de loi de finances. En l’état, Saint-Barthélemy en serait exclue, ce qui porterait un tort considérable à l’économie, puisque le taux de chômage relativement faible que nous connaissons aujourd’hui s’explique en partie par ces mesures d’exonération. Surtout, si l’article 65 était adopté tel quel, les entreprises de Saint-Barthélemy seraient placées en situation de distorsion de concurrence face à celles des collectivités voisines qui, elles, en bénéficieraient.

J’aurai l’occasion d’y revenir plus longuement en présentant l’amendement que j’ai déposé, certain qu’il s’agit ni plus ni moins d’un regrettable oubli intervenu au moment de la rédaction. (M. le secrétaire d’Etat acquiesce.)

En outre, il serait opportun que la mission d’inspection chargée d’étudier la question du prix des carburants se rende également à Saint-Barthélemy. L’entrée en vigueur des normes européennes interdisant l’approvisionnement sur le marché libre à moindre coût a en effet engendré à Saint-Barthélemy une augmentation du prix du carburant, donc des charges pour certaines professions, notamment les pêcheurs. Ces derniers, fortement consommateurs de carburant, se trouvent désavantagés par rapport à leurs collègues des îles voisines. La solution consisterait dès lors à permettre à notre collectivité de pouvoir à nouveau s’approvisionner sur le marché libre.

Je ne m’étendrai pas sur le dispositif de défiscalisation, que je sais controversé. J’indiquerai simplement que, pour ma part, en adéquation avec la politique conduite par la collectivité, j’aurais préféré que la défiscalisation ne soit pas applicable à Saint-Barthélemy. Ce choix n’ayant pas été celui du Gouvernement, je vous serais reconnaissant de m’indiquer dès que possible les modalités retenues pour la consultation de notre collectivité dans le cadre des décisions portant agrément des opérations d’investissement ouvrant droit à déduction fiscale.

À ce propos, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous aurez noté, tout comme moi, que pas un article de presse sur la question des niches fiscales ou de la défiscalisation ne manque l’occasion d’épingler Saint-Barthélemy et de l’ériger au rang de paradis fiscal. Cette tribune m’offre l’occasion d’affirmer que cette assimilation est abusive et impropre, dénotant une méconnaissance totale de notre statut et de notre politique qui visent, au contraire, à freiner l’attractivité fiscale de l’île !

En effet, Saint-Barthélemy ne souhaite en aucun cas attirer des investissements d’opportunité fiscale. La faible pression fiscale de l’île est le résultat d’une politique clairement définie et d’une gestion rigoureuse. Ce n’est donc pas un statut fiscal qui a trouvé un territoire où se développer, mais plutôt un mode de gestion qui a fini par trouver son statut.

L’appellation de paradis fiscal relève du cliché. En effet, la loi organique statutaire et bientôt la convention fiscale qui liera la collectivité à l’État prévoient expressément une clause de transmission des informations afin de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale. En outre, pas plus le secret bancaire que le secret commercial, caractéristiques fondamentales des paradis fiscaux, ne s’appliquent à Saint-Barthélemy.

Aussi n’ai-je qu’un regret à exprimer : bien souvent, lorsque les ministres du Gouvernement sont interpellés au sujet de Saint-Barthélemy, ils se contentent d’esquiver la question en une phrase. En réalité, c’est non pas Saint-Barthélemy qu’ils ont à défendre, mais la France elle-même, notre République qui, en érigeant Saint-Barthélemy au rang de collectivité, n’a pas accepté de faire d’un de ses territoires un paradis fiscal en méconnaissance totale des principes et des conventions internationales qu’elle défend par ailleurs.

Enfin, permettez-moi d’attirer votre attention sur un point qui me tient à cœur. Dans le cadre de la réforme du dispositif de continuité territoriale, je souhaiterais qu’une attention particulière soit portée aux étudiants de Saint-Barthélemy qui, à partir de l’enseignement secondaire, doivent quitter l’île pour être scolarisés en Guadeloupe, à Saint-Martin ou en métropole. Cette organisation suppose d’évidentes contraintes financières pour les familles, ainsi que le poids de la séparation pour les étudiants. La collectivité ne souhaite pas particulièrement que la gestion du futur fonds de continuité territoriale lui soit déléguée ; elle voudrait plutôt que la mise en place de ce dernier soit l’occasion de tenir compte de l’impossibilité pour les élèves de Saint-Barthélemy d’y poursuivre leurs études au-delà d’un certain niveau, et ce afin que le bénéfice de cette mesure leur soit accordé en priorité.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en dépit de la situation particulière de Saint-Barthélemy, je me sens concerné et, je le redis, solidaire de l’avenir de l’outre-mer. C’est donc sans réserve que je voterai les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, Yves Jégo répondra dans le détail à chacune des questions que vous avez posées sur vos départements et vos collectivités. Pour ma part, je voudrais vous rappeler le sens de la politique que nous essayons de mener ensemble. Offrir une visibilité concernant nos objectifs est en effet important : il s’agit, au-delà des mesures ponctuelles, de montrer le mouvement que l’on cherche à créer.

Je tiens à saluer le travail des rapporteurs, ainsi que la qualité des interventions entendues cet après-midi et ce soir, au-delà de nos différences d’appréciation. Cette qualité reflète le sens de la responsabilité de chacun vis-à-vis de ses concitoyens et l’attachement très profond, commun aux uns et aux autres, à nos départements et à nos collectivités d’outre-mer. C’est au cœur de l’action qu’Yves Jégo et moi-même menons.

Donner un nouvel élan à l’outre-mer, valoriser les atouts spécifiques de chacun des territoires, permettre à ces derniers de mieux affronter les grands défis de l’époque – ceux d’aujourd’hui mais aussi ceux de demain – à l’heure de la mondialisation et de la concurrence exacerbée, faire en sorte que chacun des habitants de nos départements et de nos territoires se sente valorisé, sente qu’il a effectivement un rôle à jouer pour les autres et pour la France : telle est notre motivation et telle est l’ambition du budget pour 2009 de la mission « Outre-mer », qu’Yves Jégo et moi-même avons l’honneur de vous présenter.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la protection des personnes et des biens outre-mer est l’une de mes priorités personnelles. Le développement économique des départements et des collectivités d’outre-mer est l’une de nos priorités essentielles.

C’était, hier, un engagement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy ; c’est aujourd’hui notre politique.

Alors même que le reste des missions budgétaires de l’État respecte des règles d’évolution particulièrement strictes – pour avoir défendu deux autres budgets dans la journée, je le sais fort bien ! –, les moyens de la mission « Outre-mer » connaissent une progression significative. Je tiens d’ailleurs à remercier MM. Cointat, Laufoaulu et Magras de l’avoir souligné.

Face aux défis du XXIe siècle, nous devons trouver non seulement des moyens mais également une stratégie adaptée. Cette nouvelle stratégie, sur laquelle l’État renforce ses concours, nécessite aussi, il ne faut pas l’oublier, une analyse totalement objective de certaines situations, parce que ce n’est pas en rêvant que l’on arrivera à faire évoluer la situation.

Il faut une stratégie pour l’outre-mer qui soit adaptée non seulement à ses besoins actuels, mais également aux perspectives futures. Personne ne peut nier – d’ailleurs, personne ne l’a fait parmi vous – les difficultés auxquelles sont confrontés nos départements et collectivités d’outre-mer : l’éloignement, la proximité avec des pays appliquant des règles sociales ou juridiques beaucoup moins contraignantes que les nôtres, l’insularité, la taille limitée des marchés domestiques qui constitue une contrainte supplémentaire ; et je n’oublie pas – cela a été indiqué à plusieurs reprises, concernant certains des territoires, et je suis tout particulièrement sensible à ce point – les trafics, les violences, les risques excessifs sur les routes et les catastrophes naturelles.

Face à l’ensemble de ces difficultés, je ne dirai pas que rien n’a été fait avant nous ! Des politiques ont été menées et ont donné certains résultats. Mais le taux de chômage demeure néanmoins plus élevé dans les départements d’outre-mer qu’ailleurs, notamment chez les jeunes, comme l’a rappelé Mme Lucette Michaux-Chevry. Le logement social est notoirement insuffisant quantitativement et qualitativement, et ce point, auquel je suis particulièrement attentive, a également été souligné par Mme Michaux-Chevry. Les prix à la consommation sont trop élevés – je l’ai peu entendu dire, sauf bien entendu concernant le carburant –, et je l’ai moi-même constaté.

Il faut tirer les conséquences de cette situation, et je remercie les rapporteurs spéciaux, MM. Masson et Doligé, ainsi que Mme Michaux-Chevry de l’avoir rappelé.

Mais, au-delà de ces constats, nos départements et nos collectivités d’outre-mer ont de vrais atouts dans la compétition mondiale, comme l’a justement souligné M. Marsin. Si leurs économies et leurs entreprises s’inscrivent dans une véritable dynamique, si leur sécurité est encore mieux assurée, il y a alors une voie pour l’avenir, une voie pour les rendre exemplaires !

Nous voulons leur donner les capacités de franchir les obstacles qui existent actuellement et d’obtenir la compétitivité nécessaire. Mieux, nous affirmons que l’outre-mer peut représenter un modèle de croissance durable, respectueuse de l’identité des territoires, comme l’a brillamment évoqué M. Virapoullé.

Cette politique, nous voulons la mettre en œuvre avec les élus et les acteurs économiques, dans une recherche de consensus. Quelles que soient nos différences, si nous voulons créer un mouvement auquel les populations puissent adhérer, il nous faut avoir la volonté de rechercher un consensus, après avoir écouté chacun.

Le dialogue, la recherche du consensus et le souci de l’intérêt général, telles sont les caractéristiques de la méthode qu’Yves Jégo et moi-même appliquons.

Je reprendrai l’exemple du carburant, que nous avons évoqué tout à l’heure. Sur le prix des carburants en Guyane, Yves Jégo a engagé le dialogue avec les pétroliers. Celui-ci a permis une baisse de trente centimes par litre. C’est beaucoup ! Et maintenant ? Maintenant, monsieur Patient, chacun doit prendre ses responsabilités, comme Yves Jégo l’a fait dans son domaine.

Parallèlement, j’ai souhaité qu’une mission d’inspection puisse étudier le système de formation des prix des carburants dans les départements d’outre-mer, notamment en Guyane. Elle devra faire des propositions concrètes pour que l’évolution des prix des carburants dans les départements d’outre-mer obéisse à des règles à la fois transparentes – c’est la moindre des choses – et économiquement justifiées.

Ce souci du dialogue et de recherche du consensus a caractérisé la préparation du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer. Ainsi, les secteurs stratégiques prioritaires permettant d’obtenir un certain nombre d’aides et de soutiens au moyen de la défiscalisation ont été définis non par nous, mais par les départements, par le biais des élus et des acteurs professionnels. Il s’agit là, reconnaissez-le, d’une méthode relativement nouvelle !

Cette nouvelle stratégie, que nous voulons pour l’outre-mer, doit être à la fois réaliste et équilibrée.

L’État, en même temps qu’il renforce ses concours financiers – les chiffres en attestent –, doit aussi remettre à plat certaines situations qui le méritent.

La mission « Outre-mer », avec 1,8 milliard d’euros, est en progression de 16 %.

S’agissant des crédits au logement, qui est un domaine sensible – il y a effectivement un vrai problème à cet égard, en termes tant de nombre de logements sociaux que de qualité de ces derniers –, l’augmentation est de 9 %.

En matière de sécurité, l’année 2009 marquera un effort important au profit de l’outre-mer. J’ai conscience des difficultés qui existent et qui tiennent à la violence, à l’immigration illégale, notamment à Mayotte et en Guyane, aux accidents de la route, à l’éloignement des secours. C’est pourquoi sont prévus les premières commandes d’hélicoptères pour la gendarmerie et la sécurité civile de la Martinique, de la Guadeloupe et même de la Polynésie, le démarrage du centre d’alerte aux tsunamis, l’achèvement de l’implantation des groupes d’intervention régionale, en vue de contribuer à la lutte contre les trafics, tels les trafics de drogue et l’économie souterraine.

Proportionnellement, l’État renforce beaucoup plus la protection en outre-mer qu’en métropole. Nous sommes donc loin de la caricature qu’a dessinée M. Flosse !

En matière économique, le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer se traduira par une augmentation annuelle de 200 millions d’euros des concours financiers apportés par l’État. Il s’agit donc d’efforts financiers importants.

Parallèlement, le Gouvernement remet à plat certaines situations qui handicapent l’économie locale, donc l’emploi.

Il en va ainsi de l’indemnité temporaire de retraite. Celle-ci est l’héritière d’un système vieux de plus d’un demi-siècle, qui avait toute sa pertinence quand les communications et les conditions de vie étaient différentes. Maintenue malgré tous les progrès survenus, elle a conduit à des excès, voire à des attitudes purement opportunistes.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a proposé une réforme que la Haute Assemblée a adoptée dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Il en est de même pour certaines incitations fiscales comme pour certaines exonérations de charges sociales : si elles ont apporté un certain nombre d’avancées, reconnaissons qu’elles n’ont pas toujours permis les bénéfices attendus pour l’économie locale.

Monsieur Gillot, je suis étonnée de vous voir soutenir la loi Girardin, alors que vous ne l’avez pas votée.

M. Jacques Gillot. Je n’étais pas parlementaire, madame ! (Sourires.)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. En tout état de cause, sans doute condamnerez-vous avec moi les détournements que certains ont opérés à leur propre profit et qui sont bien loin de l’intérêt général et économique de l'outre-mer sur le long terme !

Mesdames, messieurs les sénateurs, la responsabilité politique consiste à prendre en compte les situations qui ont changé ou les politiques qui n’ont pas atteint tous les objectifs qui leur avaient été assignés. Nous devons être capables de procéder à des évaluations, de nous remettre en cause pour trouver les meilleures solutions.

Le plafonnement des incitations fiscales – vous avez raison, madame Michaux-Chevry – correspond à une exigence de justice. La participation équitable à l’effort fiscal est nécessaire, comme tous les intervenants l’ont souligné ; il faut en tirer les conséquences. Pour autant, il ne faut pas nier la nécessité d’apporter aux économies d’outre-mer les financements nécessaires, et ce dans la durée.

La réforme des exonérations de charges sociales patronales a été recentrée sur les bas salaires et sur les salaires intermédiaires. C’est ainsi que s’enclenchera une véritable dynamique.

Je réitère devant vous l’engagement que j’ai pris devant l’Assemblée nationale : cette réforme ne sera applicable qu’après la promulgation de la loi pour le développement économique de l’outre-mer. C’est tout à fait logique.

La responsabilité politique demande également de conduire le changement en tenant compte des remarques qui nous sont adressées, y compris celles qui ne sont pas agréables. C’est la règle du jeu, lorsque l’on est membre du Gouvernement. (Sourires.)

Le Gouvernement a toujours privilégié l’écoute, l’écoute de tous les responsables d'outre-mer. J’ai demandé que soit reprise en juin dernier la concertation que nous avions engagée sur le projet de loi de programme pour le développement économique et la promotion de l’excellence outre-mer. Certes, nous avions bien avancé, mais des incompréhensions demeuraient. Yves Jégo n’a cessé d’être à l’écoute de chacun d’entre vous, parcourant à cette fin des centaines de milliers de kilomètres. Ainsi, s’agissant de la réforme de l’indemnité temporaire de retraite, il a adapté le texte initial, proposant un horizon de vingt ans.

De la même façon, dès le 22 septembre dernier, Yves Jégo et moi-même avons saisi le Premier ministre sur la question du plafonnement des avantages fiscaux et de leurs effets sur les économies d’outre-mer. Sur ce sujet également, vous aviez formulé un certain nombre d’observations

Aujourd’hui, le Gouvernement vous présente un projet de plafonnement qui intègre l’effet de la rétrocession, ainsi que je l’avais proposé. Ce plafond sera de 40 000 euros après rétrocession ou correspondra à 6% du revenu net.

Cette proposition répond à l’exigence d’équité fiscale, puisqu’elle évitera que les contribuables n’échappent à l’impôt, ainsi que Mme Michaux-Chevry l’a souligné. Elle répond aussi à l’exigence d’une alimentation des économies ultra-marines en ressources financières nécessaires à leurs investissements.

En outre, ainsi que je l’avais proposé, les modalités d’appel public à l’épargne seront modifiées, de manière à accroître le nombre d’investisseurs potentiels outre-mer.

Enfin, pour moi, la responsabilité politique, c’est encore le respect de la parole donnée.

Monsieur Gillot, je vous confirme les propos que j’ai tenus lors de l’examen des crédits de la mission « Sécurité civile » ; je le ferai même par écrit si vous le jugez nécessaire.

De la même façon, monsieur Laufoaulu, j’ai promis l’envoi d’une mission à Wallis-et-Futuna. Le préfet avait sans doute des raisons pour qu’elle n’intervienne pas immédiatement. En tout cas, elle aura lieu au cours du premier semestre 2009.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avant de céder la parole à Yves Jégo, qui répondra à l’ensemble des préoccupations que vous avez exprimées concernant les départements ou les collectivités que vous représentez, je veux répéter que l’ambition du Gouvernement est de donner aux économies d’outre-mer les moyens de leur développement.

Je l’ai rappelé l’année dernière, et je le répète encore cette année : je crois vraiment au talent des hommes et des femmes des départements et des collectivités d’outre-mer, à leur volonté d’agir, à leur refus de la fatalité, à leur fierté d’être des citoyens ultramarins en même temps que des citoyens français. Je crois aux atouts des économies ultramarines pour relever les défis de demain. À l’heure de la mondialisation, l’existence de ces territoires français sur l’ensemble de la planète constitue un atout incontestable. L’outre-mer est une chance pour la France comme pour l’Europe.

J’ai la conviction que nous devons agir ensemble pour l'outre-mer, car, ainsi, nous agissons pour la France. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant d’apporter les réponses les plus précises possibles aux différentes interventions, je voudrais souligner à mon tour, après neuf mois d’exercice de cette responsabilité passionnante qui m’a été confiée au sein du Gouvernement, après vingt-deux déplacements dans les départements et les collectivités d’outre-mer, soit près de 400 000 kilomètres, à quel point j’ai conscience de la chance exceptionnelle que représente l'outre-mer pour notre pays, à l’heure de la mondialisation et des défis maritimes et écologiques.

Les ressources de ces territoires sont considérables ; leur diversité géographique et culturelle enrichit l’histoire de notre pays, fait l’honneur de la France et contribue également à son avenir. À charge pour nous d’inscrire désormais ces territoires dans cette dynamique en apportant des solutions concrètes aux problèmes qui se posent.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je prends l’engagement devant la Haute Assemblée, comme je l’ai fait devant l'Assemblée nationale, que chacun d’entre vous recevra une réponse écrite ; il se peut en effet que, ce soir, j’omette de répondre ou que je ne réponde pas assez précisément aux questions qui m’ont été posées.

Je commencerai par le budget de la mission « Outre-mer ».

Si je comprends parfaitement que l’opposition s’oppose et cherche à démontrer que le verre plein est aux trois quarts vide, il est tout de même difficile de soutenir que l’engagement de l’État en faveur de l'outre-mer est en baisse, alors que le budget dévolu à cette mission est passé de 15 milliards d'euros à 16,7 milliards d'euros, soit une progression importante, telle qu’on n’en a pas connu depuis de très nombreuses années. Expliquer qu’il s’agit d’un simple rattrapage technique ou d’un rattrapage financier et budgétaire semble une tâche ardue.

Au contraire, il nous faut nous réjouir de constater que les moyens nécessaires sont déployés pour apporter des réponses aux défis économiques, sociaux et écologiques qui nous attendent.

À ce propos, je m’attarderai un instant sur la dette et sur ce terme même de « dette ». Deux aspects ont été évoqués.

Vous avez tout d’abord mentionné, certains pour mieux nous le reprocher, la dette de l’État à l’égard de la sécurité sociale. Il faut savoir que la politique qui consiste à baisser les charges des entreprises, politique sur laquelle est construit ce budget,…

M. Charles Revet. Oui, c’est de bonne politique !

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. ...repose sur la logique suivante : plus les entreprises embauchent, plus la compensation de l’État aux caisses de sécurité sociale est importante. Si j’ose dire, une telle dette est une bonne nouvelle !

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Le pire serait que les entreprises embauchent moins et que la dette de l’État soit moindre, car cela signifierait que l’économie va mal. Si le montant prévisionnel des crédits se révèle insuffisant, c’est le signe que la situation économique s’est améliorée plus rapidement que le Gouvernement ne l’avait envisagé. Nous ne pouvons que nous en réjouir.

Il a ensuite été question de la dette de l’État à l’égard du logement social. Je le déclare solennellement, il n’existe aucune facture en souffrance dans quelque préfecture d’outre-mer que ce soit concernant des programmes de logements sociaux. Au contraire, dans certains territoires, comme la Guadeloupe ou la Martinique, des millions d’euros de crédits n’ont pas encore été utilisés ; le Gouvernement aurait pu les mobiliser pour dégager les moyens nécessaires à la construction de logements sociaux.

Il faut rappeler certaines vérités. Au moment où je m’adresse à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, toutes les factures de l’État sont honorées, en particulier celles qui concernent le logement social. De la même façon, le Gouvernement assure le suivi des contrats de projets.

S’agissant de Mayotte, les chiffres qui ont été avancés sont faux : ce sont non pas 43 millions d'euros, mais 11 millions d'euros qui seront prochainement réglés. Il faut se méfier des dettes virtuelles ou annoncées, qui servent les discours politiques mais ne correspondent pas à la réalité ! J’invite d’ailleurs Mmes et MM. les sénateurs ainsi que les services des commissions à se rendre rue Oudinot pour rencontrer les responsables en charge de ces dossiers et constater la véracité de mes propos.

Vous avez été nombreux à évoquer le problème du logement social. Je ne peux laisser dire que les crédits consacrés au logement social sont en baisse et que l’État ne dégage plus les moyens nécessaires. C’est exactement le contraire ! La ligne budgétaire unique est passée de 190 millions d'euros à 253 millions d'euros, garantis sur trois ans, ce qui répond à la demande des opérateurs.

À cette ligne budgétaire unique, qui était le seul outil de financement du logement social, s’ajouteront deux autres mesures prévues dans le projet de loi de finances pour 2009, qui seront votées lors de l’examen du projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer.

D’une part, nous allons mettre en place un outil de défiscalisation – je suis d’ailleurs étonné d’entendre des plaintes émanant de sénateurs siégeant à la gauche de cet hémicycle – qui, pour la première fois dans l’histoire de notre République, va permettre, par l’intermédiaire des particuliers, des entreprises, de financer le logement social et d’ajouter des moyens supplémentaires aux 253 millions d’euros de la ligne budgétaire unique en année pleine. Selon nos estimations, nous pourrions lever 170 millions d’euros supplémentaires au titre de la défiscalisation.

D’autre part, le Gouvernement a pris l’engagement, en particulier dans les secteurs concernés par les restructurations militaires, de mettre immédiatement à la disposition des maires, par le biais d’une simple convention de mise à disposition, les terrains de l’État disponibles afin d’y construire des logements sociaux. En outre-mer, le foncier est fréquemment très cher. Par conséquent, la mesure proposée constitue un apport non négligeable.

Des vérités doivent être rétablies. Les moyens nécessaires à la construction de logements sociaux seront réunis. Nous devions effectivement revoir les paramètres de financement de ce secteur, car ils étaient dépassés en raison de l’augmentation des coûts de construction. Mais cette hausse n’est pas exclusivement un phénomène ultramarin. L’ensemble de notre pays doit faire face à cette situation. Le décret de révision des paramètres, actuellement en cours de signature, va être publié d’ici à quelques jours. Il permettra aux opérateurs de trouver les moyens nécessaires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’attire votre attention sur le fait qu’il manque aujourd’hui 50 000 logements sociaux en outre-mer. Nous avons le devoir impératif de remédier à cette carence. L’année dernière, en Martinique, territoire comptant 400 000 habitants, 400 logements sociaux ont été construits. Évidemment, il faut donc encore développer les choses.

Monsieur Serge Larcher, le défaut de construction de logements résulte non d’une insuffisance de crédits – à cette heure, plusieurs millions d’euros figurant sur la ligne budgétaire unique de Martinique ne sont pas encore consommés –, mais du manque d’opérateurs et, parfois, de l’absence de volonté politique. N’affirmez pas que cette situation serait due au fait que le Gouvernement ne débloquerait pas les crédits nécessaires. C’est faux ! Le Gouvernement prévoit même des crédits supplémentaires. Ce sera d’ailleurs l’un des axes forts du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer qui, au début de l’année prochaine, va être soumis au Sénat, assemblée qui sera d’ailleurs saisie en premier. J’aurais moi aussi souhaité que ce projet de loi puisse être examiné dès l’automne. Mais le calendrier parlementaire…