M. Philippe Marini, rapporteur général. Supprimons les niches fiscales !

M. Jean-Pierre Fourcade. ...en luttant à la fois contre les niches fiscales et contre les corporatismes.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Eh oui !

M. Jean-Pierre Fourcade. En second lieu, pour moi qui viens du secteur privé bancaire et qui assiste à l’évolution des revenus des cadres et des dirigeants depuis vingt-cinq ans, quand je mets en regard l’explosion des rémunérations privées et la baisse de l’impôt sur le revenu, je considère que nous nous sommes trompés en matière de correction des inégalités et que nous n’avons pas fait les bons choix pour la société française.

Mme Nicole Bricq. Cela fait du bien d’entendre ce que nous répétons depuis des années !

M. Jean-Pierre Fourcade. C’est parce que l’ISF est un impôt anti-productif que Dominique de Villepin a inventé le bouclier fiscal et qu’a été prévu un fléchage vers les PME. Or ce dernier dispositif pourrait tout aussi bien être appliqué dans le cadre de l’impôt sur le revenu : ce serait aussi efficace et aurait les mêmes effets sur l’investissement des PME !

M. Jean-Jacques Jégou. Évidemment !

M. Jean-Pierre Fourcade. Notre pays ne peut conserver un impôt sur le revenu si peu rentable, avec des tranches relativement faibles, alors que les rémunérations explosent.

C'est la raison pour laquelle la trilogie à laquelle je me suis rallié est pertinente. Cela étant, on ne peut pas se prononcer aujourd’hui sur un tel dispositif. Vous nous avez proposé, madame la ministre, de retenir nos propositions dans le cadre de la revue générale des prélèvements obligatoires. Car il n’est pas question de créer une nouvelle commission sur le sujet ! Du reste, il est de nombreuses commissions auxquelles nous ne participons pas compte tenu d’un certain nombre d’éléments.

M. Michel Charasse. Les commissions ne produisent que des âneries !

M. Jean-Pierre Fourcade. Eh bien ! puisqu’il nous faut procéder à un examen approfondi de l’ensemble des prélèvements, je suis persuadé, madame la ministre, que, dans un an, dans cinq ans, voire dans dix ans, la France supprimera l’ISF et le bouclier fiscal et établira un impôt sur le revenu comparable à celui qui est en vigueur dans les autres pays.

M. Jean-Pierre Fourcade. C’est ainsi que nous pourrons répondre aux impératifs de justice sociale et d’attractivité pour nos entreprises. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Denis Badré, pour explication de vote.

M. Denis Badré. Madame la ministre, je vous remercie de la compréhension dont vous avez fait preuve à l’égard de notre initiative.

Mme Nicole Bricq. C’est du cinéma, du mauvais cinéma !

M. Denis Badré. Je vous vois engagée sur le chemin de Damas. C’est bon signe ! (Sourires.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Excellent chemin, très belle ville ! (Nouveaux sourires.)

M. Denis Badré. Vous avez dit que l’adoption de cet amendement ferait perdre plus qu’il ne rapporterait Je ne partage pas ce point de vue.

Jean Arthuis l’a dit, et il le confirmera sans doute dans un instant, nous sommes prêts à accepter des modifications, afin de trouver le niveau de la tranche qui permettra d’équilibrer l’opération. Mais allons au-delà de ce problème d’équilibre purement fiscal.

Le rapport d’information établi voilà quelques années par la mission commune d’information chargée d’étudier l’ensemble des questions liées à l’expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises, que j’ai eu l’honneur de présider, concluait que l’ISF entraînait un manque à gagner économique et fiscal.

Tous ceux qui quittent notre pays financent des activités économiques à l’étranger ! S’il s’était agi d’activités françaises, celles-ci auraient créé de la TVA, de l’impôt sur les sociétés, et toutes sortes d’autres impôts. C’est ce que nous perdons aujourd'hui ! Avec la suppression de l’ISF, ce ne sera plus le cas. Il faut prendre en compte cette donnée dans le solde fiscal et, par voie de conséquence, dans le solde économique, où les effets sont beaucoup plus importants.

L’adoption de l'amendement n° II-309 ne nous ferait donc pas perdre plus que nous gagnons. Au contraire, elle nous permettrait de gagner beaucoup, sans perdre grand-chose.

Vous avez ensuite invoqué le nécessaire renforcement de l’attractivité de notre pays et l’action du Gouvernement en ce sens. Pour ce faire, et je me réfère de nouveau au rapport de la mission d’information, il faut d’abord éviter d’augmenter la répulsivité. Donc, faisons tout pour conserver ce qui peut rester chez nous et, par ailleurs, faisons tout pour attirer ce qui peut venir chez nous. Mais il est absurde de chercher à attirer des capitaux ou des entreprises sur le territoire français si, dans le même temps, nous laissons partir ce qui s’y trouve déjà : c’est une politique de gribouille ! Il faut faire les deux en même temps. De ce point de vue également, cet amendement va dans le bon sens.

Enfin, vous avez fait référence à la RGPO. Il s’agit effectivement d’un sujet essentiel, car la fiscalité est au cœur de notre avenir économique. Or vous nous demandez d’attendre les propositions du Gouvernement, madame la ministre. C’est dommage, car on ne cesse de nous expliquer, notamment depuis le mois de juillet dernier, qu’il faut donner au Parlement l’occasion de prendre des initiatives. C’est le cas aujourd'hui : si nous voulons marquer clairement notre volonté d’aller de l’avant, nous pouvons le faire en votant cet amendement.

Sur un sujet comme celui de la fiscalité, il n’est jamais bon d’attendre. S’agissant de la réforme de l’ISF, voilà des années que l’on nous dit que ce n’est pas le moment. Ce n’est jamais le moment ! Mais à force de patiner, on s’enfonce dans la complexité et les inéquités.

L’objet de l’amendement n° II-309 dépasse le cadre d’un simple bilan fiscal : il touche à des sujets essentiels. C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je souhaite que vous votiez cet amendement que Jean Arthuis a défendu tout à l’heure avec conviction et talent. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et sur certaines travées de l’UMP.)

M. le président. Monsieur Arthuis, les amendements nos II-309 et II-387 sont-ils maintenus ?

M. Jean Arthuis. Je tiens tout d’abord à vous rendre hommage, madame la ministre : l’exercice auquel vous vous êtes livrée n’était pas facile et vous avez fait montre, dans vos propos, de beaucoup de lucidité et de courage.

S’agissant de la RGPO, vous nous avez rassurés, et je ne vous cache pas que j’ai quelque impatience à voir aboutir cet exercice, qui n’est pas le plus commode, j’en conviens. Peut-être faudra-t-il y associer le Parlement.

Il est vrai qu’il n’est pas simple de discuter de questions aussi fondamentales dans le cadre d’une loi de finances. Chaque année, nous examinons les dispositions fiscales proposées par le Gouvernement et nous déposons des amendements, mais le débat sur la structure générale des prélèvements obligatoires n’a jamais lieu : il est sans cesse reporté. On déplore que le déficit commercial atteigne 50 milliards d'euros ou que notre pays consomme plus qu’il ne produit, mais quand tenterons-nous d’adapter notre fiscalité et nos prélèvements obligatoires aux enjeux de la mondialisation ?

Madame la ministre, vous avez fait observer que le gage prévu dans les amendements n’était pas suffisant. Celui-ci est perfectible, nous en sommes conscients, et l’aide de vos services pour nous permettre de l’ajuster serait pour nous plus qu’un encouragement.

Le coût du bouclier fiscal est de l’ordre de 600 millions d'euros, voire de 650 millions d'euros. Donc, aux 3,9 milliards d’euros produits par l’ISF, je serais tenté de déduire le coût du bouclier fiscal.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très juste !

M. Jean Arthuis. Et compte tenu de la santé des marchés financiers, sauf redressement spectaculaire pendant les trois dernières semaines du mois de décembre, je crains que les assiettes d’ISF ne soient singulièrement altérées en 2009.

Je crois donc pouvoir maintenir que le gage prévu n’est pas loin de la bonne et juste mesure. Je suggère à Philippe Marini et à Jean-Pierre Fourcade de l’assurer en ajoutant un point de fiscalité sur les plus values et de retirer l'amendement n° II-387, qui ne comporte pas ce relèvement de 18 % à 19 % du prélèvement libératoire applicable aux plus-values sur valeurs immobilières et qui permet de dégager une recette supplémentaire de 200 millions d'euros. (MM. Philippe Marini et Jean-Pierre Fourcade font un signe d’assentiment.)

Je retire donc l’amendement n° II–387, monsieur le président, et je maintiens l’amendement n°II–309.

M. le président. L’amendement n° II-387 est retiré.

En conséquence, les sous-amendements nos II-402 et II-404 n’ont plus d’objet.

La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'amendement n° II-309.

M. Michel Charasse. Monsieur le président, je dirai un mot du sous-amendement qui reste.

Je ne veux aborder ni le fond ni l’aspect politique de la mesure – beaucoup a été dit sur l’ISF, on a l’occasion d’avoir ce débat tous les ans et nous nous sommes exprimés largement les uns et les autres – ; je m’en tiendrai simplement à la technique fiscale.

Madame la ministre me dit : votre sous-amendement, qui exclut les non-résidents du bénéfice de la mesure, est incompatible avec le droit européen. J’attends qu’on me le démontre ! La fiscalité de l’épargne est harmonisée, mais l’ISF n’a jamais été inclus dans la fiscalité de l’épargne ; la fiscalité des personnes n’est pas comprise dans les directives. Et pour cause ! Si c’était le cas, nous ne pourrions pas avoir d’ISF. À partir du moment où cet impôt existe et que nous sommes les seuls en Europe à l’avoir créé, cela signifie que ce n’est pas incompatible avec la réglementation européenne.

Cela étant, aujourd'hui, l’ISF est payé par les résidents et les non-résidents. M. Arthuis nous propose de supprimer l’ISF et de créer une tranche supplémentaire d’impôt sur le revenu. À qui s’imposera-t-elle, sinon aux résidents, au sens fiscal du terme, qui acquittent l’impôt sur le revenu ?

Cela signifie que le résident ne paiera plus d’ISF, mais acquittera plus d’impôt sur le revenu et le non-résident ne paiera plus d’ISF et rien de plus.

Mes chers collègues, parmi les règles européennes figure aussi le principe d’égalité des citoyens devant les charges publiques. Je ne vois pas comment l’on peut procéder autrement, sauf à faire un magnifique cadeau aux non-résidents.

M. le rapporteur général évoque l’attractivité du territoire. De quoi s’agit-il ? Les non-résidents ont essentiellement en France des châteaux en Sologne, des villas luxueuses sur la Côte d’Azur et dans les Alpes, des appartements luxueux dans Paris, etc., c'est-à-dire des fortunes totalement stériles qui peuvent rapporter un peu à l’État, à défaut d’apporter quelque chose à l’économie.

Quant à dire que nous sommes les seuls à avoir un impôt de solidarité sur la fortune, c’est exact, mais j’attends la liste des mesures que nous sommes les seuls à avoir dans tous les domaines : vous serez surpris, mes chers collègues, car vous constaterez qu’une bonne partie des mesures que nous sommes les seuls à avoir dans de nombreux domaines sont largement la cause de nos déficits publics. Il ne faut peut-être pas trop pousser dans cette voie, parce que nous pourrions être tentés, les uns et les autres, d’aller jusqu’au bout du raisonnement.

Le sous-amendement que j’ai déposé est une mesure d’équité fiscale, sans laquelle l’amendement présenté par M. Arthuis serait bancal. En effet, il tend à réclamer une contribution supplémentaire aux seuls résidents français imposés en France et non aux non-résidents, au sens fiscal du terme, qui paient l’ISF. Ma démarche n’est pas anormale.

Pour le reste, je me contenterai de faire remarquer qu’au moment où les Français souffrent de la crise ce débat me paraît un peu surréaliste et pourrait porter un coup au moral et à l’unité nationale s’il venait à être connu. Mais c’est une autre histoire !

M. le président. La parole est à M. Alain Lambert, pour explication de vote.

M. Alain Lambert. J’apprécie beaucoup Michel Charasse, mais la fin de son propos tendrait à laisser croire que l’impôt n’est pas du domaine du Parlement.

M. Michel Charasse. Pas du tout !

M. Alain Lambert. Si tel était le cas, nous n’aurions plus qu’à fermer la boutique !

Il est bon que nous ayons ces débats, surtout à un moment où nous nous posons de grandes questions sur l’avenir économique de notre pays. Par manque de courage, à force de reporter à plus tard les décisions, nous finissons par faire perdre à notre pays l’attractivité dont il a besoin pour pouvoir offrir des emplois à tous ses enfants.

Intervenant après d’autres orateurs beaucoup plus éloquents que moi, je veux cependant indiquer que, selon moi, ce débat ne doit pas être dissocié du travail du Parlement, car il y a beaucoup de coups à prendre. Tous les gouvernements ont dû reculer sur ce sujet parce qu’ils sont sous le feu des médias qui les accusent de vouloir brader l’impôt au bénéfice des plus riches. Il faudrait que le Parlement puisse faire entendre sa voix et prendre toutes ses responsabilités sur une question d’une telle importance.

Je veux maintenant évoquer, l’un après l’autre, les trois éléments de la trilogie dont nous débattons.

Tout d’abord, nous avons inventé le bouclier fiscal parce que nous n’avons pas osé aborder franchement la question de l’ISF.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Exactement !

M. Alain Lambert. Aujourd'hui, ce dispositif produit des effets collatéraux nuisibles. Nous allons essayer d’y remédier. Si nous le conservons en l’état, nous ajouterons en permanence des mesures destinées à remédier à ses effets collatéraux nuisibles et nous aboutirons à un résultat monstrueux.

Par ailleurs, mes chers collègues, si l’assiette de l’ISF repose sur le capital, le produit est levé sur le revenu. Je voudrais que l’on m’explique comment le contribuable s’acquitte de cet impôt autrement que par une ponction sur son revenu, sauf à vendre son capital. J’aimerais que quelqu’un se lève dans cet hémicycle et dise : « je suis fier et heureux de vivre dans un pays où l’on est obligé d’aliéner son capital pour payer son impôt » !

Dès lors que le montant de cet impôt sur le prétendu capital est prélevé sur le revenu, pourquoi choisir des voies détournées ? Imposons donc le revenu !

Enfin, monsieur Fourcade – j’espère que vous ne m’en voudrez pas, mais j’assume toute l’impopularité du propos – je suis beaucoup plus réservé que vous sur la progressivité de l’impôt. Quoi que vous en disiez, c’est un élément qui fait fuir les contribuables. Je préfère garder un contribuable imposé à 50 % qu’un contribuable imposé à 5 % !

Méfions-nous de la progressivité de l’impôt ! Les auteurs de l’amendement n° II-309 sont très respectueux des couches basses et moyennes de la société. En effet, en fiscalisant les hauts revenus, ils visent les contribuables qui perçoivent le plus de revenus et exonèrent ceux qui sont redevables de l’impôt sur la fortune, alors qu’ils ne sont pas imposables sur le revenu.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !

M. Alain Lambert. Un transfert fiscal s’opère donc au bénéfice de ceux qui sont titulaires d’un capital, par exemple une habitation principale, sans avoir de gros revenus. Le dispositif revient à faire payer cet impôt par ceux qui ont un revenu élevé, ce qui relève d’une forme de justice à laquelle j’adhère, tout en restant prudent sur la progressivité de l’impôt.

Selon moi, mes chers collègues, nous pouvons adopter cet amendement. Il a l’immense mérite de lever tous les tabous, de tout mettre à plat. Les Français peuvent juger ce à quoi nous voulons les soumettre, c'est-à-dire un impôt juste, non confiscatoire, qui attire et non qui chasse. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et sur certaines travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Jégou. Madame la ministre, mes chers collègues, vous l’avez compris, l’amendement n° II-309 correspond aux valeurs qui sont les nôtres. C’est la première fois que cette « trilogie », puisque le dispositif a été baptisé ainsi, est débattue dans cet hémicycle. Et je crois qu’elle ne l’a jamais été à l’Assemblée nationale.

L’explication du dispositif, qui n’était pas aisée, a suscité notre intérêt. Mais une partie de l’argumentation ne m’a pas convaincu : l’ISF aurait pour seule vertu de subventionner les PME ! Cela ne correspond pas vraiment aux motivations qui ont conduit à la création de cet impôt.

Madame la ministre, j’ai recherché la signification du mot grec « krisis » – c’est d’actualité – et la réponse est : « moment décisif ». Or, pour moi, c’est le moment d’être à contre-cycle, c'est-à-dire de nous préparer à la sortie de cette crise, que nous espérons proche, même si l’on peut supposer qu’elle persistera en 2009. D'ailleurs, le Président qui vient d’être élu aux États-Unis semble vouloir, lui aussi, préparer ce grand pays à être de nouveau compétitif. Le moment est approprié pour mener des actions plus positives, afin que la France redevienne un pays compétitif, alors que, comme le montre la balance commerciale, tel n’est plus le cas aujourd'hui.

C'est pourquoi nous voterons en faveur de l’amendement n° II-309.

M. Thierry Foucaud. Toujours les mêmes arguments !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Ce débat, très important, concerne l’architecture de la fiscalité sur le revenu.

Je veux vous rappeler, mes chers collègues, que, lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, les membres du groupe socialiste ont défendu trois amendements tendant à ce que chaque citoyen paie l’impôt sur le revenu à hauteur de sa faculté contributive. Les différentes dispositions que vous avez prises au fil des années ne respectent pas cette loi fondamentale de notre pays. Toutes vont dans le même sens, à savoir un impôt sur le revenu qui est non plus progressif, mais dégressif, voire régressif pour ce qui concerne les hauts revenus, avec un bouclier fiscal et l’ISF.

Cet après-midi, nous avons assisté, en fait, à une pièce de théâtre dont les acteurs étaient convenus de la répartition des rôles : les membres du groupe de l’Union centriste dont M. Arthuis, le rapporteur général Philippe Marini et Jean-Pierre Fourcade. Nous savons très bien qu’à la fin de la représentation, rien n’aura changé : nous aurons toujours le bouclier fiscal, l’impôt sur la fortune et un impôt sur le revenu dégressif.

M. Jean-Jacques Jégou. Sauf si vous votez l’amendement en discussion !

Mme Nicole Bricq. J’aborderai maintenant les trois volets de l’amendement n° II-309.

M. le rapporteur général a qualifié tout à l’heure l’impôt sur la fortune d’« erreur économique ». Si j’en crois le « bleu » budgétaire – l’estimation pour 2008 a été revue à la hausse ; à ce jour, les recouvrements sont achevés –, cet impôt rapporte plus de 4 milliards d'euros.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il en fait perdre sans doute beaucoup plus !

Mme Nicole Bricq. Par les temps qui courent, de telles erreurs sont bienvenues. Je pourrais vous rappeler celle de l’été 2007, qui coûte près de 15 milliards d'euros à la France, somme dont nous aurions bien besoin !

M. Josselin de Rohan. Et les 35 heures !

Mme Nicole Bricq. J’en viens à l’attractivité de notre pays. Au moment de la discussion du projet de loi TEPA, j’ai demandé au Gouvernement de remettre un rapport faisant le point sur l’effet des mesures fiscales contenues dans ce funeste texte sur le retour des expatriés fiscaux, comme on les appelle, au mois de septembre, mesure qui a été adoptée par le Sénat. Voilà quinze jours, madame la ministre, votre collègue Éric Woerth, ministre des comptes publics, nous a dit que ses services y travaillaient et que nous allions disposer de ce document. Mais, actuellement, nous ne sommes pas en mesure de déterminer si l’ISF est le repoussoir fiscal que vous persévérez à nous décrire comme tel.

Quant au bouclier fiscal, le dispositif sert, en réalité, à évacuer le problème de la contribution de tous les citoyens à l’impôt sur le revenu, dont nous avons toujours défendu la progressivité au Sénat. J’ai entendu le plaidoyer de M. Fourcade. S’il continue ainsi, je vais lui proposer d’adhérer au groupe socialiste…

M. Jean-Jacques Jégou. Ce n’est pas le moment !

M. Philippe Marini, rapporteur général. De quelle tendance ferait-il partie ? (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. J’ai parlé du groupe socialiste ! Il y sera beaucoup plus à l’aise pour défendre le principe de la progressivité de l’impôt sur le revenu.

En fait, comme j’ai pu le constater à la lecture du compte rendu des débats de l’Assemblée nationale, la discussion a pour objet d’éluder le problème posé par Didier Migaud, président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, relatif à l’impôt minimal. Ce bouclier fiscal, combiné à d’autres dérogations fiscales, permet à des contributeurs parmi les plus aisés d’échapper à l’impôt, à leur devoir de citoyen. Ce débat n’est pas celui qui a été soulevé par votre trilogie, qui est loin d’être une sainte trinité.

La manière dont vous posez le problème a pour objet, je le répète, d’évacuer le débat principal, à savoir que des gens très aisés ne paient pas l’impôt sur le revenu en 2008 dans notre pays.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Supprimons les niches fiscales !

Mme Nicole Bricq. Madame la ministre, lorsqu’il s’est agi du financement du RSA, acmé de la gesticulation fiscale, vous nous avez dit ne pas vouloir toucher au bouclier fiscal, qui a sa logique.

Aujourd’hui, sans le dire, vous maintenez votre position puisque vous vous réfugiez derrière la revue générale des prélèvements obligatoires qui, nous le savons, dans la période actuelle, a peu de chance d’aboutir à quelque chose de positif, si jamais elle aboutit.

Chers collègues du groupe centriste, nous ne sommes pas des hypocrites. Nous ne voterons donc pas votre amendement.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Quelle déception !

Mme Nicole Bricq. Lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, nous avons défendu des amendements que vous avez rejetés en nous opposant que vous alliez présenter, lors de la seconde partie, un dispositif bien plus cohérent que le nôtre.

Nous voterons le sous-amendement du groupe CRC-SPG relatif à la suppression du bouclier fiscal, même si nous ne nous faisons pas d’illusion sur le sort qui lui sera réservé.

Nous sommes dans un débat de principes. Vous affichez, certes, des principes, mais vous êtes souples dans leur application. Finalement, on ne fera rien aujourd’hui, alors que vous auriez eu la possibilité d’agir en adoptant les amendements que nous avons déposés lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances.

M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt, pour explication de vote.

M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre débat, qui dure depuis maintenant une heure, est extrêmement intéressant. Certains arguments sont bien connus et parfaitement fondés. D’autres surgissent au fur et à mesure que nous affinons notre réflexion.

Je donnerai la position du groupe de l’UMP, sur la forme et sur le fond.

Comme l’ont souligné plusieurs orateurs, dont M. Alain Lambert, ce sujet est d’une telle importance qu’il aurait selon nous mérité un débat à part entière au Parlement, dans le cadre d’une politique fiscale générale.

Il me semble que l’on rabaisse quelque peu ce sujet en l’évoquant au détour de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances ; je suis à cet égard assez d’accord avec Mme Bricq.

Par ailleurs, si ce débat avait été annoncé un peu plus tôt, le groupe de l’UMP aurait sans doute abordé la question en réunion de bureau et en réunion de groupe.

Je pense qu’un certain nombre, pour ne pas dire un nombre certain de nos collègues sont surpris que le Sénat débatte de sujets aussi essentiels sans qu’ils en aient été informés ni consultés. Cela pose le problème de l’organisation des travaux parlementaires. Sans doute devrions-nous l’envisager d’une manière différente si nous voulons, comme le disait Jean Arthuis – et Dieu sait si je partage son sentiment sur ce point – que le Parlement joue tout son rôle, notamment dans un domaine aussi essentiel que la fiscalité.

Sur le fond, voilà plus de vingt-cinq ans que nous dénonçons les effets, négatifs de notre point de vue, de la mise en œuvre, sous des appellations différentes, de l’impôt de solidarité sur la fortune. Les modifications qui y ont été apportées au fil du temps ne l’ont jamais véritablement remis en cause, et c’est dommage.

Toutefois, il me semble impossible que nous puissions, dans son principe, le remettre en question totalement cet après-midi. En effet, nous avons approuvé l’ensemble du programme présenté par Nicolas Sarkozy lors de la campagne pour l’élection présidentielle de 2007. Ce programme comportait deux éléments essentiels, qui sont à la base du présent débat : premièrement, on ne doit pas payer plus de 50 % de ses revenus en impôts ; deuxièmement, on ne supprime pas l’impôt de solidarité sur la fortune, mais on s’efforce, au contraire, d’en activer les recettes pour l’État. Nous avons d’ailleurs voté des dispositions allant dans ce sens.

Nous sommes favorables aux dernières évolutions de l’impôt de solidarité sur la fortune. Nous sommes également favorables au principe de ne pas payer plus de 50 % de ses revenus en impôts.

Je me demande, après Jean-Jacques Jégou tout à l’heure, comment je pourrais expliquer à l’opinion publique qui craint, non sans raison, les effets de la crise, les plans sociaux, l’augmentation du chômage, une décision du Sénat visant à supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune et le bouclier fiscal. Mes chers amis, quelle que soit la force de notre débat et en dépit de la vigueur des arguments avancés, l’opinion publique ne comprendrait pas une telle décision et elle ne nous la pardonnerait pas.

C’est la raison pour laquelle le groupe de l’UMP, à regret, monsieur Arthuis, ne votera pas votre amendement.

Madame la ministre, parce qu’il y a urgence – peut-être même y a-t-il le feu à la maison fiscale – nous appelons à l’organisation d’un débat de fond sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. Après cette intervention, le vote sera clair.

En ce qui concerne la notion de capital-revenus, je ne partage pas les propos de M. Alain Lambert.

Le produit de l’impôt de solidarité sur la fortune est concentré sur Paris et sa région : sur 100 euros perçus au titre de l’ISF, un quart provient de Paris intramuros, un quart des autres départements de la région d’Île-de-France, la moitié restante des régions de province.

Monsieur Lambert, dans certains arrondissements de la capitale, le produit de l’ISF dépasse de loin celui de bien des régions de province. Je vous ferai grâce des chiffres, mais cette situation répond à une certaine logique. C’est en effet à Paris que l’activité financière est la plus significative, que le prix de l’immobilier est le plus élevé, que se concentrent les sièges sociaux des plus grandes entreprises.

L’impôt sur le revenu ne repose pas sur les mêmes bases. Même si l’on gagne mieux sa vie dans les départements franciliens, ce sont moins de 40 % du produit de l’impôt sur le revenu qui sont perçus dans la région d’Île-de-France.

Il existe une différence évidente entre revenu et capital. L’impôt de solidarité sur la fortune est juste parce qu’il se fonde, même de manière encore imparfaite et incomplète, sur le patrimoine des ménages, sur la réalité de leur capacité contributive, et qu’il participe pleinement à la solidarité nationale.

Telles sont quelques-unes des réflexions que m’inspire la notion de capital-revenu. Nous considérons que les 175 millions d’euros du bouclier fiscal sont, dans leur quasi-totalité, imputés en moins-values sur le produit de l’ISF.