M. le président. Le sous-amendement n° 62, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa de l'amendement n° 15, après le mot :

réserviste

insérer les mots :

de la gendarmerie nationale

La parole est à Mme la ministre, pour présenter ce sous-amendement et donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 15.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. La règle générale reste, bien entendu, celle que nous connaissons.

Aujourd'hui, rien n’interdit aux élus de souscrire un engagement à servir dans la réserve opérationnelle, ce que font effectivement bon nombre d’entre eux. M’étant rendue sur plusieurs théâtres extérieurs, j’ai ainsi rencontré des parlementaires qui, pendant l’été, exerçaient comme chirurgien ou comme médecin au sein des armées. Cette contribution est extrêmement utile et elle doit, bien sûr, être préservée.

En revanche, en ce qui concerne la gendarmerie, le fait qu’il y ait des élus dans la réserve peut poser un problème particulier, notamment parce que les réservistes de la gendarmerie ont la qualité d’agent de police judiciaire adjoint. Ils sont de ce fait dotés de prérogatives de puissance publique qui peuvent se heurter à celles qu’ils exercent dans le cadre des fonctions qu’ils remplissent au titre de leur mandat. C’est par exemple le cas pour les maires, qui sont officiers de police judiciaire.

Je souhaite donc, monsieur le rapporteur, qu’il soit précisé que les dispositions que vous proposez ne s’adressent qu’aux militaires de la gendarmerie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement ?

M. Jean Faure, rapporteur. Il est vrai que l’article L. 46 est de portée générale, alors que notre intention est de ne viser que la gendarmerie nationale. L’avis de la commission est donc favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Carrère. Le groupe socialiste votera le sous-amendement et l’amendement sous-amendé, ce qui me donne l’occasion de faire observer que, lorsque la modernité prévaut et que les modifications proposées témoignent d’un esprit un peu moins rétrograde que celui qui a prévalu à propos de la capacité d’expression des gendarmes, nous sommes au rendez-vous !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 62.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que ce sous-amendement est adopté à l'unanimité des présents.

Je mets aux voix l'amendement n° 15, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement est adopté à l'unanimité des présents.

Un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.

Articles additionnels après l'article 5
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Articles additionnels après l'article 6

Article 6

Le code de la défense est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa de l'article L. 4136-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour la gendarmerie nationale, les membres de la commission sont désignés par le ministre de l'intérieur. » ;

2° La dernière phrase de l'article L. 4137-4 est supprimée ;

3° Après le troisième alinéa de l'article L. 4138-8, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les militaires de la gendarmerie nationale, le détachement d'office est prononcé par le ministre de l'intérieur. » ;

4° Au 2° de l'article L. 4141-1, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Les officiers généraux de la gendarmerie nationale sont maintenus à la disposition du ministre de la défense et du ministre de l'intérieur, pour les missions qui relèvent de leur autorité. » ;

5° L'article L. 4141-4 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après les mots : « ministre de la défense » sont insérés les mots : « ou pour l'officier général de la gendarmerie nationale, par le ministre de la défense ou le ministre de l'intérieur, pour les missions qui relèvent de leur autorité, » ;

b) Au troisième alinéa du même article, après les mots : « ministre de la défense, » sont insérés les mots : « ou pour l'officier général de la gendarmerie nationale, par le ministre de la défense ou le ministre de l'intérieur, pour les missions qui relèvent de leur autorité, » ;

6° À l'article L. 4231-5, les mots : « le ministre de la défense peut être autorisé » sont remplacés par les mots : « le ministre de la défense ou le ministre de l'intérieur peuvent être autorisés » ;

7° À l'article L. 4231-5, après les mots : « par décret » sont insérés les mots : «, pour les missions qui relèvent de leur autorité, ».

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 48, présenté par MM. Carrère et Reiner, Mme Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Virginie Klès.

Mme Virginie Klès. Mes propos sont dans la droite ligne de ceux qu’ont tenus Mme Demessine et M. Carrère. Comme tous les membres de mon groupe, j’ai le souci très fort de trouver dans ce texte des garanties pratiques et concrètes du maintien à long terme du statut militaire de la gendarmerie nationale. Par conséquent, et toujours en cohérence avec l’amendement de suppression de l’article 1er, le présent amendement vise à restaurer la compétence du ministre de la défense en matière de gestion des ressources humaines des personnels de la gendarmerie nationale et à supprimer l’article 6.

Cet article illustre la confusion que l’application du projet de loi que nous examinons engendrera et l’incohérence qui consiste à parler du maintien du statut militaire alors qu’en réalité ce texte ne fait qu’organiser le transfert de la gendarmerie au ministère de l’intérieur en dépouillant le ministère de la défense de l’essentiel de ses compétences à l’égard des gendarmes. Nous regrettons d’ailleurs toujours l’absence du ministre de la défense au cours de ce débat.

Dorénavant, si les amendements que les membres de mon groupe ont déposés sont rejetés, déterminer les attributions respectives du ministre de l’intérieur et du ministre de la défense sera un travail délicat, aux conséquences pratiques totalement imprévisibles. Les attributions réservées au ministre de la défense resteront minimes. Nous assisterons petit à petit, par la force des choses et l’évolution concurrentielle des comparaisons entre police et gendarmerie, au vidage du statut général des militaires, qui deviendra un statut particulier de la gendarmerie et qui finira par n’être qu’une copie mal adaptée du statut civil des policiers.

Ainsi, en matière de gestion des ressources humaines, comme nous l’a indiqué Mme Alliot-Marie lors de son audition le 16 juin dernier, le ministre de l’intérieur devrait décider à l’avenir du recrutement, de l’emploi, de la gestion de carrière et de la cessation d’activité du personnel de la gendarmerie. Les attributions du ministre de la défense seraient préservées en ce qui concerne la discipline et la formation initiale. C’est peu !

La lecture des rapports des commissions nous conforte dans l’idée que le ministre de l’intérieur se taille la part du lion. Il devrait être seul compétent pour prendre les décisions relatives au recrutement, à la titularisation, à la nomination dans le grade et dans l’emploi, à l’avancement, à la notation, au placement dans la quasi-totalité des positions ou situations statutaires, au changement de corps, à la protection juridique et à l’indemnisation du chômage. En outre, il devrait être représenté dans diverses commissions à caractère statutaire. En la matière, le ministre de la défense n’aura que des compétences résiduelles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Faure, rapporteur. Nos collègues entendent ancrer encore davantage qu’aujourd’hui l’ensemble de la gendarmerie au sein du ministère de la défense. Tout au long de nos débats, nous avons pris une autre option, qui, certes, peut être contestée ; nous sommes en démocratie. Mais il se trouve qu’une majorité considère qu’il faut s’adapter à la réalité. Or, désormais, le ministre de l’intérieur va s’occuper au quotidien de 95 % des gendarmes. Il est donc légitime qu’il soit responsable des ressources humaines et qu’il gère le personnel. Si nous suivions nos collègues socialistes, les notations, les affectations seraient réalisées par le ministère qui ne serait pas l’employeur ; ce serait incohérent. D’autres ministères fonctionnent déjà selon le système que nous proposons. Bien entendu, la gendarmerie conserve son caractère militaire et, dans certains cas, reste directement rattachée au ministère de la défense.

M. le président. L'amendement n° 53, présenté par M. Faure, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le début du 4° de cet article :

Après la première phrase du 2° ...

L'amendement n° 16, également présenté par M. Faure, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :

Après le b) du 5° de cet article insérer un alinéa, ainsi rédigé :

c) Au dernier alinéa, après les mots : « l'officier général » est inséré le mot « est ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Faure, rapporteur. L’amendement n° 53 est rédactionnel, monsieur le président.

L’amendement n° 16 vise à rectifier une erreur matérielle qui est intervenue dans la codification de l’article 79 de la loi de 2005 par l’ordonnance du 29 mars 2007.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. L’amendement n° 48 est dans la logique du refus de principe du projet de loi par ses auteurs. Suivant ma propre logique, je suis défavorable à cet amendement.

L’amendement n° 53 améliore la rédaction du projet de loi ; l’amendement n° 16 vise à corriger une erreur matérielle. Le Gouvernement est donc favorable à ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote sur l'amendement n° 48.

M. Jean-Louis Carrère. Deux logiques animent ce débat. La logique du Gouvernement et de la majorité sénatoriale tend à rattacher la gendarmerie au ministère de l’intérieur, avec tous les risques que cela suppose pour une grande démocratie telle que la nôtre. La logique que défend la gauche consiste à dire que la République prévaut sur un certain nombre de tentations et que le Sénat doit jouer son rôle de garde-fou vis-à-vis de risques politiques qui peuvent naître à l’occasion de débats sur de grands sujets de société dans une République moderne comme la nôtre.

Pour nous, le rattachement de la gendarmerie au ministère de la défense doit perdurer. Je ne vais pas regretter sempiternellement que M. le ministre de la défense soit absent aujourd’hui, mais je tiens à poser publiquement la question de savoir si M. le ministre de la défense n’a pas reçu l’ordre de déserter en rase campagne lors de l’examen de ce texte relatif à la gendarmerie. Je continue de le regretter au nom du Sénat.

En l’instant, je voudrais surtout demander au Gouvernement de bien réfléchir. Comme on a pu vous le dire à propos de la réforme du lycée, du travail du dimanche, je vous recommande, madame la ministre, de faire attention, de ne pas vous précipiter. Il me semble que vous allez trop vite, trop loin et que, dans votre frénésie de réformes, vous méconnaissez les besoins absolus de la République et, en l’occurrence, la situation de la gendarmerie.

Nous maintenons cet amendement de suppression car nous pensons que ce texte est dangereux pour l’avenir de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur Carrère, votre suspicion à l’égard du ministre de la défense ou du Gouvernement est tout à fait inconvenante !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Très bien !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Par ailleurs, les gouvernements espagnol, italien et portugais, qui ont rattaché l’équivalent de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, seront intéressés de savoir que vous ne considérez pas leurs pays comme des démocraties ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Louis Carrère. Je suis français et fier de l’être !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 48.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Article 6
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Article 7

Articles additionnels après l'article 6

M. le président. L'amendement n° 31, présenté par M. Courtois, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Dans le 2° de l'article 16, les mots: « de la défense » sont remplacés par les mots: « de l'intérieur » ;

2° Dans le premier alinéa de l'article 706-99, les mots: « ou du ministre de la défense » sont supprimés.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Faure, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.

L'amendement n° 50, présenté par MM. Carrère et Reiner, Mme Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans l'avant-dernier alinéa de l'article L. 4124-1 du code de la défense, les mots : « de désignation, notamment par tirage au sort, » sont remplacés par les mots : « d'élection ».

La parole est à M. Jean-Louis Carrère.

M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le président, j’étais en train de réfléchir aux arguments de Mme la ministre qui me parlait de l’Espagne, de la Belgique …

Mme Virginie Klès. Mon cher collègue, c’est moi qui évoquais la Belgique hier !

M. Jean-Louis Carrère. Pardonnez-moi, je suis toujours en retard d’une guerre ! (Sourires.)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. C’est bien ce que je pense ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Louis Carrère. Madame la ministre, j’ai appris l’histoire, comme un certain nombre d’autres choses, à l’école de la République. Même si l’Espagne et la Belgique sont des démocraties, elles sont un peu particulières.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Ah bon !

M. Jean-Louis Carrère. Il me semble qu’il y a des rois !

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Au Portugal, il y a un président de la République socialiste !

M. Jean-Louis Carrère. Mon cher collègue, je n’ai pas évoqué le Portugal ! Je crois savoir que dans la région de Bretagne que vous représentez, on n’entend que d’une oreille !...

Par l’amendement n° 50, il s’agit de renforcer la représentativité des différents conseils de la fonction militaire, en particulier celui de la gendarmerie, en permettant l’élection de ses membres d’une façon démocratique. Je vous entends déjà nous reprocher d’être permissifs et crier aux syndicats ! Mais, franchement, le tirage au sort ou la désignation par les supérieurs ne sont pas des méthodes adaptées à des militaires responsables ! C’est le loto ! Je n’ai pas peur des mots : ce sont des méthodes obscurantistes.

Par ailleurs, nous savons tous que la coexistence au sein d’un même ministère de deux systèmes de représentation aussi différents que celui du syndicalisme pour la police et celui de la concertation dite « régulée », « contrainte » pour la gendarmerie posera des problèmes aigus à moyen terme. MM. les rapporteurs le reconnaissent. Policiers et gendarmes le redoutent.

À quoi êtes-vous le plus attachés ? Est-ce au statut militaire de la gendarmerie et au fait qu’il n’y ait pas d’organisation syndicale en son sein, auquel cas je vous tends la main ? Mais alors, gardons la gendarmerie avec son statut militaire, rattachée au ministère de la défense ! Ou alors préparez-vous à une évolution potentielle de la gendarmerie qui ira vers ce que nous proposons, peut-être même au-delà.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Faure, rapporteur. Mon cher collègue, nous souhaitons rattacher la gendarmerie au ministère de l’intérieur pour ce qui concerne l’emploi et non pas opérer une fusion. Comme l’indique l’exposé des motifs du projet de loi et comme plusieurs orateurs l’ont rappelé, il est essentiel, pour la défense de la République, de la justice, pour la protection des libertés, de conserver deux forces différentes, l’une ayant un statut civil, l’autre un statut militaire.

M. Jean-Louis Carrère. C’est impossible !

M. Jean Faure, rapporteur. Cela dit, l’amendement n° 50 pose une question de fond, celle de la représentativité de ceux qui doivent s’exprimer au nom de leurs collègues. Doivent-ils être désignés ou élus ? Il y a des élections en Espagne. Au sein de l’armée, de la Guardia civil, des associations œuvrent comme des groupes de pression.

M. Jean-Louis Carrère. Vous avez cité l’Espagne en exemple tout à l’heure !

M. Jean Faure, rapporteur. En ce qui nous concerne, nous ne souhaitons pas procéder à un alignement sur les usages de la police.

Au reste, le tirage au sort n’est pas antidémocratique. En quelque sorte, il protège celui qui est désigné de sa hiérarchie, laquelle ne peut pas lui reprocher de vouloir relever la tête, de vouloir à tout prix prendre la défense de ses collègues. L’acte volontaire peut être mal ressenti.

D’ailleurs, la désignation par tirage au sort était déjà pratiquée à Athènes, sous la forme la plus ancienne de la démocratie ; elle ne date pas d’aujourd’hui.

En outre, ce mode de désignation paraît plus adapté à l’institution militaire qui, comme chacun le sait, est incompatible avec toute forme de syndicalisme ou de cogestion.

Pour autant, je le répète, monsieur Carrère, ces dispositions posent une véritable question. Elles soulignent la nécessité de rénover les instances de concertation dans la gendarmerie comme au sein des armées. Mais, plutôt que de modifier le mode de désignation des membres des différents conseils de la fonction militaire, nous pourrions réfléchir à la façon d’améliorer la formation de ces représentants et à rénover leurs méthodes de travail, par exemple en changeant le système actuel de fixation de l’ordre du jour par le seul ministre de la défense. Nous pourrions également accorder une place au ministre de l’intérieur au sein du conseil de la fonction militaire de la gendarmerie.

Toutefois, ces différentes mesures ne nécessitent pas de modification législative, car elles relèvent du domaine réglementaire.

Au demeurant, avant de me prononcer sur cet amendement, je souhaite entendre l’avis de Mme la ministre.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Comme l’a souligné M. le rapporteur, nous abordons un problème de fond, sur lequel mon sympathique collègue Jean-Louis Carrère et moi-même divergeons de façon importante.

Monsieur Carrère, vous avez affirmé d’emblée que votre amendement était bénin et qu’en aucune manière il ne tendait à introduire l’idée d’une représentation syndicale au sein de la gendarmerie.

Je suis certain que vous êtes sincère. Toutefois, le parti socialiste a un passé. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Daniel Reiner. Il a aussi un avenir !

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Lorsque le gouvernement de M. Raffarin a été constitué, Mme Alliot-Marie, ministre de la défense, a trouvé dans les cartons qui lui avaient été laissés par son prédécesseur – il s'agissait de M. Alain Richard – un certain nombre de projets qui visaient à reconnaître le droit syndical. Elle les a immédiatement annulés, et je l’en félicite, car ils étaient particulièrement dangereux.

Je me souviens avoir assisté, en tant que jeune parlementaire, à un congrès des anciens de la gendarmerie qui se tenait à Lorient et dont M. Hernu était l’hôte d’honneur. Celui-ci s’est adressé en ces termes au président de l’association qui le recevait : « Monsieur le président, je n’ai qu’un mot à vous dire aujourd'hui. Si jamais vous me proposez d’introduire le droit syndical dans la gendarmerie, nos rapports cesseront immédiatement. » M. Hernu avait bien pris la mesure de ce qui se passerait dans un tel cas de figure !

J’en viens à l’élection des membres des conseils militaires.

Monsieur Carrère, lorsque vous êtes élu, vous disposez d’une légitimité. Vous représentez une catégorie et vous êtes lié par les engagements que vous avez pris devant vos mandants.

En l’occurrence, cette légitimité, qui est d’inspiration démocratique, peut se trouver en complète contradiction avec le principe hiérarchique, qui constitue le fondement de tout corps militaire.

En effet, imaginez que, demain, un militaire ayant été élu par les sous-officiers, les adjudants ou les capitaines se fâche, pour une raison ou pour une autre, avec l’un de ses supérieurs. Si jamais l’on veut prendre des mesures disciplinaires à son encontre, celles-ci seront immédiatement considérées comme une atteinte, sinon au droit syndical, du moins à celui de la représentation. Et si l’on veut le muter, ce sera la même histoire ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)

M. Hubert Haenel. Très bien !

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Pour toutes ces raisons, le principe de l’élection se heurte frontalement à ce qui fait l’esprit même de tout corps militaire.

Madame Klès, j’admire que vous vous soyez adaptée aussi vite et connaissiez tous les problèmes de la gendarmerie au bout de deux mois à peine ! (Sourires sur les travées de lUMP.) Toutefois, vous ne pouvez à la fois affirmer qu’il faut absolument maintenir la gendarmerie dans l’état militaire, car son rattachement au ministère de l’intérieur constituerait une atteinte profonde aux principes républicains, et nous proposer, plus ou moins subrepticement, d’y introduire le principe de l’élection, puis le droit syndical et peut-être, demain, le droit de grève !

Votre proposition conduit tout simplement à aligner la gendarmerie sur la police, en prélude à leur fusion, demain, soit exactement ce que vous combattez ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Il s'agit ici d’une question de fond, et ce n’est pas la première fois que nous l’abordons : nous en avons déjà débattu en 2005, quand j’ai présenté le projet de loi portant statut général des militaires.

Tout d'abord, je le rappelle, un dispositif de concertation a été mis progressivement en place depuis 1969, et, si certains l’ont parfois contesté avec quelques arrière-pensées, les militaires eux-mêmes, quelle que soit leur arme, ne le mettent pas en cause.

En 2005, pour préparer la réforme du statut général des militaires, je me suis appuyée sur une commission présidée par le vice-président du Conseil d'État et composée de militaires de toutes les armes ainsi que de personnalités extérieures. Or cette commission estimait dans son rapport que : « L’organisation d’une élection […] entraînerait inévitablement l’élaboration de programmes, l’organisation d’une campagne, et donc un risque de surenchère, voire de politisation du scrutin. » Ce n’est pas moi qui l’affirme, mais le rapport de la commission ! C‘est pourquoi celle-ci rejetait l’idée d’une élection.

À l’évidence, cette proposition aboutirait logiquement à l’émergence de syndicats professionnels au sein des armées, dont je ne veux pas, comme je l’ai toujours affirmé.

D'ailleurs, quand j’ai décidé qu’un gendarme pourrait devenir policier, et réciproquement, j’ai fait en sorte d’éviter toute ambigüité et de bien distinguer les deux statuts : si un gendarme souhaite se syndiquer, il doit devenir policier, car le refus du droit syndical constitue un élément essentiel du statut des militaires. Ce point est extrêmement clair.

M. Jean-Louis Carrère. C’est comme les prêtres avec le mariage ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Tout à fait, il faut choisir ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Depuis que j’ai conduit la réforme du statut général des militaires, en 2005, ma position n’a pas changé, et elle ne changera pas, comme je l’ai indiqué à tous mes interlocuteurs.

Enfin, monsieur Carrère, il n’aura échappé à personne dans cette assemblée que le mode de désignation des membres du Conseil de la fonction militaire, relève non pas de la loi, mais du pouvoir réglementaire.

Mme Michelle Demessine. C’est vrai, mais on peut tout de même en discuter !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Tout à fait !

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est, maintenant, l’avis de la commission ?

M. Jean Faure, rapporteur. Je me rallie au point de vue de Mme la ministre et j’émets donc un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le président de la commission, les cartons du ministère de la défense, il ne faut pas leur faire dire plus que ce qu’ils signifient !

Vous ne pouvez pas à la fois mettre de côté la note d’un collaborateur du Premier ministre évoquant 175 suppressions de brigades ou d’escadrons de gendarmes au motif qu’elle n’aurait aucune importance et nous reprocher certains de nos projets qui, selon vous, auraient été bien pires !

J’aimerais régler un point, une fois pour toutes. La France est une grande démocratie. Si vous considérez que gouverner après la gauche est insupportable à cause des actions qu’elle a menées, ne vous présentez pas aux élections ! (Rires.)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Au contraire !

M. Jean-Louis Carrère. Pour ma part, j’ai retenu cette leçon d’un ancien Président de la République : mieux vaut faire simple plutôt que compliqué. S’il vous est tellement difficile, madame la ministre, de succéder à Alain Richard, parce que vous n’avez pas fait les mêmes études ni suivi les mêmes filières (Protestations sur les travées de lUMP.)...

M. François Trucy. Vous élevez le débat !

M. Jean-Louis Carrère. Mes chers collègues de la majorité, je connais suffisamment Mme la ministre de l’intérieur pour me permettre de lui tenir de tels propos sans qu’on y voie une quelconque méchanceté ! Je sais parfaitement quelles études elle a menées et quelles filières a suivies Alain Richard. Je veux simplement souligner, avec un peu d’humour, que vous devez cesser de toujours nous faire le même coup consistant à rejeter la faute sur les autres, sur vos prédécesseurs !

Madame la ministre, comment réagirez-vous, quand nous serons revenus aux affaires, si nous n’avons de cesse d’expliquer toutes nos difficultés par vos fautes ou celles du Sénat et de sa majorité ? Cela suffit ! Ce type d’argument est de ceux que l’on utilise quand on en manque !

Monsieur le président de la commission des affaires étrangères et de la défense, votre raisonnement est intéressant et significatif. Il est vrai que certaines difficultés pourraient surgir entre un militaire qui serait élu, fût-ce par ses pairs, et sa hiérarchie. Toutefois, vous m’opposez la position de Charles Hernu,…