M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.

M. Ivan Renar. Cela peut paraître étonnant, mais, un peu pour les mêmes raisons que celles que notre collègue Jean-Pierre Fourcade vient d’énoncer, je souhaite insister sur mon sous-amendement n° 440.

Ce sous-amendement ayant reçu l’accord des rapporteurs, que je remercie, je suis prêt à retirer mon sous-amendement n° 439. En effet, en proposant l’expression « instances de sélection collégiales » à la place de celle d’« instances de décision collégiales », il tend au moins à trouver un terme rassembleur.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Tout à fait !

M. Ivan Renar. Dès lors, je suis opposé au sous-amendement du Gouvernement.

M. le président. Monsieur le rapporteur, que pensez-vous de la suggestion de M. Jean-Pierre Fourcade ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. Compte tenu de ce que nous venons d’évoquer, cette proposition nous semble naturellement aller dans le bon sens et elle est conforme à ce que propose le sous-amendement déposé par Ivan Renar. Le mot « sélection » paraît effectivement plus approprié.

Il est également nécessaire de souligner, à ce moment du débat, que nous souhaitons voir figurer un certain nombre de garanties de bon équilibre dans la loi. Certes, il faut se référer au cahier des charges, mais la commission estime aussi important de mentionner la notion d’instances collégiales.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 441.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Renar, le sous-amendement n° 439 est-il maintenu ?

M. Ivan Renar. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. Le sous-amendement n° 439 est retiré.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 440.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 249.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l'amendement n° 5.

M. David Assouline. Je veux ajouter quelques mots sur ce sujet pour éviter toute confusion.

Si le périmètre de la collégialité est réduit à la sélection, j’aimerais bien savoir qui décide.

Pour apporter un éclairage, en particulier à ceux qui n’ont pas entièrement suivi le dossier, je rappelle qu’il existe aujourd’hui plusieurs guichets, qui comprennent chacun des décideurs. En créant une entreprise unique, nous rationnalisons le sommet du dispositif, ce qui peut présenter un avantage. Par exemple, nous pouvons éviter qu’un projet ne tire bénéfice de deux guichets différents.

Mais le système est intéressant à partir du moment où il tient compte de l’avis des guichets qui resteraient en place. En effet, ces entités sont des structures de proximité. Elles disposent d’un gisement de connaissances et permettent de diversifier les demandes.

Ainsi, quand on n’a pas été bien reçu dans un guichet, on peut être mieux écouté dans un autre. Le dispositif offre une chance, notamment aux petits producteurs, de pouvoir frapper à plusieurs portes. La pratique quotidienne démontre qu’une œuvre peut être refusée dans un guichet, puis acceptée dans un autre et rencontrer un grand succès. Si seul le premier refus avait prévalu, elle n’aurait jamais été connue !

De quoi s’agit-il ici ? La commission cherche à bâtir un système dans lequel la pluralité des acteurs subsiste et le choix ne revient ni au guichet particulier ni à un grand « manitou » qui, du sommet, tiendrait les finances et jugerait des œuvres recevables ou irrecevables en fonction de considérations financières ou d’accointances avec de grands producteurs. La décision serait prise par les différents guichets et par le guichet unique, de manière collégiale.

Dire que la sélection est collégiale, c’est s’en remettre à une personne ou au guichet unique pour prendre la décision. Pour ma part, je soutiens l’autonomie des différents guichets et je considère la décision collégiale comme un progrès. Nous évitons ainsi que quelqu’un ne prenne seul la décision.

Par conséquent, monsieur Thiollière, accepter cet amendement tel qu’il est maintenant proposé constituerait un retrait à l’égard de la doctrine que vous avez bâtie dans votre rapport. La collégialité ne serait plus défendue pour décision, mais uniquement pour avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Plancade. Je ne vais pas alimenter ce débat car il entre dans des subtilités de plus en plus fines, qui vont finir par m’échapper.

Pour moi, le sous-amendement du Gouvernement, qui renvoie directement au cahier des charges, est très significatif. De ce fait, l’amendement n°5, modifié par le sous-amendement de M. Ivan Renar, paraît aller tout à fait dans le bon sens, dans le sens de la collégialité et, finalement, de la décision. C’est écrit en toutes lettres !

M. David Assouline. Ce n’est pas écrit !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 247, 311 et 308 n’ont plus d’objet.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 248, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Avant le dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, insérer un alinéa ainsi rédigé:

« Les chaînes gardent leur autonomie éditoriale.

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. J’avais préparé cet amendement de repli dans le cas, sans doute improbable, où nos amendements précédents ne seraient pas compris ni votés… Ce rejet était improbable, disais-je, pourtant, il a visiblement vu le jour en raison de la souplesse du Gouvernement sur ce texte !

La phrase que je propose d’ajouter au texte de loi évoque de nouveau l’autonomie éditoriale, qui a précédemment été invoquée au titre de la diversité et du plaisir à concevoir ensemble.

Madame la ministre, j’ai vraiment l’impression que cette autonomie éditoriale vous fait peur, au même titre que la collégialité dont vous craigniez qu’elle n’engage certains à ne pas prendre leurs responsabilités.

Il ne faut pas considérer l’autonomie comme un acte de sécession. Il faut l’entendre comme ce que l’on demande à un enfant ou à un adolescent. Trouve ton autonomie ! Trouve l’ingéniosité qui te permettra de construire ton propre projet, avec tous tes atouts et dans le cadre des règles communes d’une société au sein de laquelle tu t’épanouiras !

Pour nous, c’est cela l’autonomie : le droit de penser seul, le droit d’avancer des propositions, le droit de mettre en musique sa propre partition !

Monsieur le président, je vous remercie de m’avoir laissé défendre cet amendement, même si tous les votes précédents le rendent caduc contrairement à l’amendement suivant de mon collègue David Assouline, qui apporte des éléments supplémentaires précis.

Je retire donc mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 248 est retiré.

L'amendement n° 307, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le cinquième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986,  insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les services de France Télévisions déterminent leur ligne éditoriale et leur positionnement. Ils ne sont pas tenus de réaliser les projets proposés par les unités de programme de France Télévisions.

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. La transformation du groupe France Télévisions en entreprise unique trouve une justification réelle dans la nécessité de proposer aux Français un média audiovisuel public global, capable de diffuser une offre de programmes diversifiés sur l’ensemble des supports existants.

Toutefois, cette réorganisation de notre télévision publique ne doit pas revenir à constituer une société dans laquelle toutes les décisions seraient centralisées et ainsi soumises à une direction dépendant étroitement du pouvoir. C’est précisément ce dont nous débattons depuis tout à l’heure !

Qui plus est, les Français sont particulièrement attachés à leurs chaînes publiques. Chacune d’entre elles a construit depuis longtemps une ligne éditoriale originale, identifiée par le public au travers d’émissions de référence. Pensons par exemple à Thalassa, programme emblématique du service public et, également, marque de fabrique de France 3.

L’autonomie des chaînes publiques dans la définition de leurs programmations contribue, de manière essentielle, à la diversité des programmes et au pluralisme de l’information.

Notre amendement tend donc à inscrire dans la loi l’assurance pour les chaînes de France Télévisions de rester dotées de la capacité de définir leurs lignes éditoriales et leurs positionnements propres.

Cette disposition constituerait d’ailleurs, pour les producteurs français d’œuvres audiovisuelles, la garantie que la télévision publique continuera à commander et à programmer des documentaires, des fictions, des magazines de qualité en fonction de lignes éditoriales diversifiées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. La commission n’est pas favorable à cet amendement, encore une fois pour les questions de principe que nous avons déjà longuement évoquées et sur lesquelles je ne reviens pas.

Nous soutenons l’entreprise unique. Nous pensons même que le projet de loi permet de faire aboutir un processus entamé, en 2000, avec la création de la holding France Télévisions et une coordination de plus en plus forte entre les différentes lignes éditoriales des chaînes. C’est la raison pour laquelle nous tenons à ce principe.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Il est défavorable, monsieur le président, pour les mêmes raisons que celles qu’a exposées M. Thiollière.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement no 307.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement no 6, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Supprimer le dernier alinéa du I de cet article.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Si elle souscrit à l’objet du dernier alinéa du I de l’article 1er, la commission ne peut cependant que constater son caractère largement redondant avec la législation existante. En effet, le premier alinéa de l’article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986, créé par la loi du 31 mars 2006, précise déjà que les sociétés de l’audiovisuel public « mettent en œuvre des actions en faveur de la cohésion sociale, de la diversité culturelle et de la lutte contre les discriminations et proposent une programmation reflétant la diversité de la société française ».

Par ailleurs, la commission, qui a débattu de cette question, n’estime pas souhaitable de citer spécifiquement la « diversité ethnoculturelle », laquelle ne représente qu’un aspect – même s’il est essentiel – de la diversité de notre pays. À cet égard, elle attache également de l’importance à ce que, par exemple, la présence et la place des femmes soient assurées dans les programmes ; or, comme je l’ai souligné au cours de la discussion générale, il reste beaucoup de progrès à faire en la matière !

Enfin, rappelons que l’article 1er A du présent projet de loi, en confiant au CSA le soin de rendre compte chaque année au Parlement des actions conduites par les chaînes pour que leur programmation reflète la diversité de la société française, incite naturellement celles-ci à développer lesdites actions.

Pour toutes ces raisons, la commission vous propose, mes chers collègues, de supprimer ce dernier alinéa du I de l’article 1er.

M. le président. L’amendement no 300, présenté par Mme Khiari, MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel, Fichet et Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l’article 44 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986, supprimer les mots :

notamment ethnoculturelle

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. J’ai toujours été favorable à la promotion de la diversité sous toutes ses formes : sociale, ethnique, culturelle, religieuse, de genre, de préférence sexuelle, de vie… La diversité, et personne n’y verra de paradoxe, s’inscrit nécessairement dans la variété tant de ses formes que de son contenu. Les médias publics se doivent de refléter le mieux possible cette diversité sous ses multiples formes.

La rédaction du dernier paragraphe de la première partie de l’article 1er me paraît fort étrange. Je suis surprise que le législateur croie bon d’ajouter en incise « notamment ethnoculturelle » au mot diversité. Que veut-on dire par là ? Quel message essaie-t-on de faire passer tant aux chaînes qu’au peuple français ?

À mon sens, nous sommes en présence d’un cas typique de fausse bonne idée : sous prétexte que les médias accordent encore trop peu de place aux personnes issues de l’immigration, on voudrait corriger cet état de fait en mettant au premier plan la diversité ethnoculturelle. Cela me chagrine, car, en agissant ainsi, on stigmatise davantage les populations visées au lieu de les aider. En effet, il en résulte l’impression qu’il s’agit d’une diversité particulière nécessitant un travail spécifique, alors même que les populations concernées sont soucieuses de s’intégrer comme des membres à part entière de la société française. Voudrait-on les dissocier plus encore des « citoyens normaux » qu’on ne s’y prendrait pas mieux !

Je reste soucieuse de la nécessité de promouvoir la diversité ethnique, mais au même titre que la diversité sociale, de genre, de préférence sexuelle, etc. On ne doit pas donner l’impression de conférer un statut particulier à certaines catégories de la population.

Pire, cette mention me rappelle les statistiques ethnoraciales auxquelles le Président de la République a finalement renoncé. On ne doit pas renouer avec un vieux démon des quotas qui, plus que tout, serait préjudiciable au combat mené.

En supprimant l’épithète « ethnoculturelle », la Haute Assemblée réaffirmerait les valeurs de notre République. Cette mention affaiblit la cause que l’on croit défendre grâce à elle.

M. le président. L’amendement no 299, présenté par Mme Khiari, MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel, Fichet et Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

À la fin du dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l’article 44 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986, remplacer les mots :

dans les programmes 

par les mots :

dans l’ensemble de ses programmes.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Cet amendement porte sur le même thème que le précédent mais aborde un autre aspect, que nous avons déjà évoqué à propos du CSA.

La visibilité de la diversité est essentielle en ce qu’elle offre au téléspectateur une vision proche de la réalité de la société. Elle assure une prise de conscience nécessaire de la richesse de notre pays. Plus encore, ce qui est visible est, par là même, audible. Dès lors, la diversité affichée sur les écrans permet à de nombreuses populations de passer du statut d’éléments marginaux de la société à celui de parties constitutives de notre société et de notre République.

La visibilité est donc un catalyseur partiel de l’intégration, dont il peut de toute évidence former l’un des piliers principaux. On se sent en effet moins exclu quand on a le sentiment, en regardant son poste de télévision, que la société vous accepte.

Plus encore, l’évolution des mentalités qui se fait jour par le biais des médias est un élément structurant et prépondérant. Les médias contribuent grandement à construire les représentations et peuvent participer à une meilleure compréhension de l’autre.

La nouvelle rédaction proposée dans l’amendement no 299 tient compte de l’importance d’une action globale sur l’ensemble des programmes.

M. le président. L’amendement no 201, présenté par MM. Hérisson, P. Dominati et Juilhard, est ainsi libellé :

Compléter le dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l’article 44 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 par une phrase ainsi rédigée :

Elle veille à donner une capacité d’acquisition et de production de programmes propres à France Ô en lui réservant 1 % du coût financier de l’ensemble de la grille des chaînes qui la composent.

Cet amendement n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Sur le fond, nous sommes tout à fait d’accord avec les amendements nos 300 et 299, et nous avons déjà eu l’occasion, lors de la discussion d’autres articles, d’aborder cette question de la spécificité « ethnoculturelle », qui nous laisse, nous aussi, dubitatifs.

Ces deux amendements seront en réalité satisfaits par l’adoption de la proposition de la commission et, de ce fait, n’auront plus d’objet. J’en demande donc le retrait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Sur l’amendement no 6, auquel, sur le fond, il adhère, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat. En effet, comme l’a souligné la commission, les obligations de diversité figurent déjà dans la loi de 1986.

Je m’en remets également à la sagesse de la Haute Assemblée sur l’amendement no 300, car il est exact que, finalement, la diversité peut englober cet aspect « ethnoculturel ».

En revanche, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur l’amendement no 299, car il lui paraît tout de même très contraignant de poser que chaque programme doit refléter la diversité de la société.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote sur l’amendement no 6.

M. Jean-Luc Mélenchon. Je voudrais apporter mon appui à l’amendement présenté à l’instant par Mme Bariza Khiari.

Comme la commission, je suis sûr que l’accord est général dans cet hémicycle pour ne pas accepter, quelles que soient les circonstances, des définitions qui ne mettent pas que l’organisation de la programmation elle-même en difficulté, et Mme le rapporteur a présenté les choses d’une façon qui était peut-être destinée à rendre cette suppression acceptable sans que son motif philosophique apparaisse.

La République française n’a pas à connaître une ethnodiversité qui n’existe pas en son sein.

M. Michel Thiollière, rapporteur. Nous sommes d’accord !

M. Jean-Luc Mélenchon. Toutes les occasions de refuser les définitions de ce type sont les bienvenues, parce qu’elles nous permettent de nous rappeler ce qui nous rassemble.

Cela ne signifie pas que les Français soient tous identiques, qu’ils n’aient pas d’origines diverses, qu’ils n’aient pas de culture qui les précède dans leur existence actuelle. Cela signifie que la France est le résultat de l’amalgame de tout cela.

Voilà ce qu’est la France, voilà de quelle façon elle se fera ! La France est en devenir, la France est en construction, et tous ses enfants y participent à égalité. Le résultat, nous le partageons tous, de la même manière que, aujourd’hui, nous partageons tous le goût du couscous ou celui de la bouillabaisse – vous le savez mieux que personne, monsieur le président ! (Sourires.)

C’est la raison pour laquelle il ne peut être en aucune façon question de reconnaître si peu que ce soit des faits qui ne nous intéressent pas, non pas que nous les méprisions, mais parce que nous ne voulons pas les figer.

Il est en revanche une diversité sur laquelle, pour ma part, je voudrais attirer l’attention de ceux qui font les programmes : il pourrait être important que les héros des séries télévisées qui ont du succès soient plus souvent des femmes, que l’on y voie davantage d’ouvriers, de plombiers-zingueurs, d’électromécaniciens…, au lieu des habituels politiciens ou policiers. Car telle est la France et, si elle veut se donner à voir, si elle veut encourager ses enfants à participer à tous les efforts qui la forgent, alors, il faut qu’elle montre à égalité de dignité tous ceux qui la composent et non pas toujours les mêmes : blancs, masculins et riches.

M. Gérard Longuet. Riches, j’ai des doutes !

M. le président. La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette, pour explication de vote.

M. Jean-Etienne Antoinette. Je comprends bien que l’expression « notamment ethnoculturelle » puisse poser problème. Cependant, l’adverbe « notamment » n’est pas exclusif : il est distinctif de l’une des formes de la diversité à laquelle il convient de prêter une attention particulière, parmi les autres et non contre elles.

Il est bien vrai, et ma collègue l’a souligné, que « la télévision actuelle est majoritairement blanche, bien portante, “cadre” et masculine ». Cela plaide en faveur d’un effort portant sur toutes les formes de la diversité.

Je partagerais totalement l’idée d’un vocable générique de la diversité si toutes les formes de celle-ci évoluaient de la même façon ou si elles étaient toutes défendues avec la même vigueur et avec les mêmes résultats. Or ce n’est pas le cas !

La réalité est ce qu’elle est et, quand un gouvernement, dans un contexte de résistance des mentalités, veut réellement faire avancer l’acceptation d’une différence, il le fait en s’appuyant sur une loi contraignante, comme ce fut le cas avec la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Non seulement ce texte réaffirme le principe de l’obligation, pour les entreprises comptant au moins 20 salariés, d’employer au moins 6 % de travailleurs handicapés, mais il va jusqu’à renforcer les sanctions, à créer des incitations et à étendre celles-ci aux employeurs publics. Je me garderai bien de critiquer l’ingérence de cette loi dans la politique des entreprises ! Et, pour ma part, je considère que, demander des indicateurs de résultats, ce n’est pas fixer des quotas !

Prenons un autre exemple : la question de la parité et de l’égalité entre hommes et femmes a avancé grâce à la loi du 9 mai 2001, qui explicitait clairement ses objectifs sur des points précis.

Objectivement, la visibilité des femmes à la télévision a évolué, et les résultats sont nettement plus significatifs que pour la visibilité de la diversité des origines. Concrètement, en 2007, la part des femmes dans les journaux télévisés a été de 19,5 %, contre 80,5 % pour les hommes. C’était encore trop peu, mais c’était déjà bien plus qu’en 2005, où la part des femmes était de 15 % : quatre points de plus en deux ans, là où la diversité des origines a gagné… un point en dix ans ! Dans le même récent rapport du CSA, en effet, on apprend que, « s’agissant des animateurs et présentateurs, la part des personnes “vues comme non-blanches” passe de 6 % en 1999 à 7 % en 2008 ».

Lorsqu’un Noir a présenté, en 2006, le journal télévisé sur TF1, cela a eu indiscutablement une forte portée symbolique et a d’ailleurs donné lieu à d’innombrables articles et débats dans les médias, ce que ne produit plus l’apparition d’une nouvelle femme dans un journal télévisé !

Il y a donc des domaines où les pratiques et les mentalités évoluent réellement et d’autres où les choses stagnent lamentablement. Il faut en prendre acte et agir en conséquence. Toute autre attitude serait hypocrite et irresponsable.

Je terminerai mon propos – j’ai envie de dire mon plaidoyer – en citant encore une fois ma collègue Mme Bariza Khiari, dont l’intervention jeudi dernier sur le rôle fondamental des médias dans l’évolution des mentalités m’a décidément marqué : « Pour rapprocher les gens, pour briser ces frontières parfois indicibles, pour lutter contre les discriminations, il faut veiller non seulement à rendre visible la diversité, mais aussi à la faire voir sous des formes un peu plus positives. L’enjeu est essentiel. La visibilité est le catalyseur partiel de l’intégration, dont il peut constituer de toute évidence l’un des principaux piliers. On se sent en effet moins exclu quand on a l’impression, en regardant son écran, que la société vous accepte. Les médias jouent un grand rôle dans l’évolution des mentalités, dans la capacité de chacun à briser les stéréotypes de représentation de l’autre. »

En définitive, je crois profondément aux avancées démocratiques exprimées par des actes politiques forts, qui ont pour mission historique de bouleverser le rythme d’évolution du corps social afin de lui donner la dimension humaniste et équitable qui fonde notre civilisation moderne.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Je souhaite apporter quelques éléments de réponse aux collègues qui viennent de s’exprimer.

Monsieur Mélenchon, je vous rassure : le débat dans l’hémicycle n’est pas la répétition des débats que nous avons en commission. Quand nous avons proposé la suppression de cet alinéa, il était bien entendu que le terme « ethnoculturelle » nous dérangeait. C’est une des raisons qui ont conduit Michel Thiollière et moi-même à proposer d’emblée cet amendement.

En ce qui concerne les femmes, il est vrai que des progrès ont été réalisés, mais je vous renvoie à un rapport que Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité, a confié à Mme Michèle Reiser, membre du CSA et présidente d’une commission qui a réfléchi sur l’image des femmes dans les médias. Il démontre que, si de réelles avancées ont été accomplies sur ce point, des améliorations peuvent encore être apportées.

Selon un recensement cité dans cette étude, la France est très largement en dessous d’une moyenne mondiale qui établit à seulement 21 % la présence des femmes dans les médias, contre 79 % pour les hommes. La France affiche en effet un pourcentage légèrement inférieur à 18 % quant à la présence de femmes dans les médias.

J’attire votre attention sur le fait que, d’après une étude menée actuellement par le CSA, les seize chaînes de la TNT réservent 37 % de place sur les écrans aux femmes. Dans la presse hebdomadaire, les hommes font trois fois plus souvent l’objet de photos que les femmes et les journaux télévisés ne comptent que 32 % de prises de parole par des femmes.

Tels sont les éléments que je voulais apporter à la réflexion en cours, afin de montrer à quel point nous partageons tous cette préoccupation de voir très largement s’améliorer, sur les chaînes de télévision, la diversité dans tous ses aspects.